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AGRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON AGRICULTURE AND AGRI-FOOD

COMITÉ PERMANENT DE L'AGRICULTURE ET DE L'AGROALIMENTAIRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 février 1998

• 0909

[Traduction]

Le président (M. Joe McGuire (Egmont, Lib.)): Bonjour à tous. La séance est ouverte.

Vous voyez qu'au point 4 de l'ordre du jour, il y a une motion de M. Jay Hill. Voulez-vous que nous étudiions cette motion plus tard aujourd'hui?

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Il préférerait en reporter l'étude à notre prochaine réunion.

Le président: Êtes-vous d'accord pour que la motion soit reportée à la prochaine réunion?

Des voix: D'accord.

• 0910

Le président: Aujourd'hui, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous allons examiner la contestation par les États-Unis de la politique d'établissement des prix des exportations de produits laitiers. Les témoins d'aujourd'hui sont du ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire. Ce sont Mike Gifford et Paul Martin que nous accueillons tous les deux une fois de plus.

On dirait qu'on va vous voir souvent au cours de la prochaine année.

Nous allons commencer par entendre les déclarations des témoins, puis nous leur poserons des questions.

Monsieur Gifford.

M. Mike Gifford (sous-ministre adjoint par intérim, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire): Je devrais commencer par vous dire que nos collègues du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international nous accompagnent. Il y a entre autres, aujourd'hui, M. John McNab, qui est directeur de la Direction des recours commerciaux au ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.

Pour cette affaire, le ministère de l'Agriculture et celui des Affaires étrangères et du Commerce international forment une sorte d'Équipe Canada. Nous travaillons en très étroite collaboration avec les provinces et l'industrie, tant Les Producteurs Laitiers du Canada que le Conseil national de l'industrie laitière du Canada.

Monsieur le président, j'ai pensé vous faire très brièvement l'historique du litige que nous connaissons.

Le président: Il y a John McNab et...?

M. Mike Gifford: M. Ian McLeod est l'avocat du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, monsieur le président. Il conseille l'équipe qui s'occupe de ce groupe spécial.

Je vais commencer par vous expliquer comment on en est arrivé à la formation de ce groupe spécial. Ensuite, je vais céder la parole à M. McNab qui vous mettra au courant de ce qui se passe au juste à Genève et vous donnera une idée du moment où le rapport du groupe spécial devrait être présenté et où l'organe d'appel rendra probablement une décision.

Tout d'abord, je veux rappeler au comité que, contrairement au secteur industriel qui avait accepté d'interdire les subventions à l'exportation dans les années 50, le GATT autorise encore les subventions à l'exportation de produits agricoles. La grande différence, c'est qu'à l'Uruguay Round, qui s'est terminé en décembre 1993, les subventions à l'exportation de produits agricoles étaient soumises, pour la toute première fois, à des disciplines.

On a essentiellement défini avec plus de précision ce qui constituait une subvention à l'exportation des produits agricoles. On a ensuite convenu de réduire d'un certain montant, graduellement sur six ans, les subventions ainsi définies. Même si les exportations allaient continuer d'être subventionnées, c'était la première fois que la communauté internationale tentait de restreindre l'utilisation des subventions à l'exportation de produits agricoles.

Lors de la discussion sur la définition d'une subvention à l'exportation, monsieur le président, il n'a jamais été question de ce qui allait arriver aux régimes de double prix. C'est pourtant le système qui prévaut dans bien des pays où de nombreuses industries vont adopter le prix dédouané à l'importation pour établir le niveau des prix sur le marché intérieur et ensuite, elles vont fixer les prix à l'exportation selon les marchés et selon les utilisations finales.

Je peux affirmer catégoriquement qu'il n'a jamais vraiment été question de ce qui adviendrait des régimes de double prix, lors des négociations sur la liste révisée des subventions à l'exportation.

Cependant, il y avait une disposition prévoyant qu'on ne pourrait pas se dérober aux engagements à réduire les subventions. Cette idée n'a pas vraiment fait l'objet de grandes discussions, mais les pays ont certes promis de façon générale de ne pas éluder leurs engagements à réduire d'un montant très précis leurs subventions à l'exportation.

J'ajouterais que tant pour les produits laitiers que pour le sucre, le Canada et l'Europe avaient, dans le temps, des pratiques d'exportation définies comme étant des subventions à l'exportation aux fins de l'accord. Le régime pour le sucre européen est à peu près le même que pour les produits laitiers canadiens.

Au Canada, les producteurs laitiers devaient verser des prélèvements à leur office provincial de commercialisation du lait. Ces prélèvements étaient ensuite remis à la Commission canadienne du lait. Ensuite, les représentants de la Commission faisaient un chèque au nom d'un exportateur de produits laitiers canadien pour lui permettre d'exporter vers les marchés internationaux à des prix inférieurs à ceux pratiqués au Canada.

• 0915

C'était parce que les producteurs payaient une redevance à un organisme gouvernemental ou quasi gouvernemental comme la Commission canadienne du lait qui, à son tour, faisait des chèques expressément pour des firmes d'exportation que c'était considéré comme une subvention à l'exportation aux fins de l'OMC.

Or, une fois l'Uruguay Round terminé, il est arrivé entre autres que l'industrie laitière canadienne a décidé ce qu'elle allait faire de ces nouvelles disciplines. Pour plusieurs raisons, dont certaines étaient en rapport avec sa propre initiative de réformer les politiques nationales—c'est-à-dire organiser une véritable mise en commun à l'échelle du pays en divisant le pays en deux pour former un pool de l'Ouest et un pool de l'Est—l'industrie laitière a décidé collectivement de ne pas garder l'ancien système, ce qu'elle avait pourtant le droit de faire tant que les engagements indiqués à l'annexe des exportations du Canada étaient respectés. Elle a plutôt adopté un nouveau système de «prix différentiels» suivant lequel les offices provinciaux de commercialisation du lait au Canada vendent le lait aux transformateurs à des prix qui varient selon l'utilisation finale et le marché.

Le fin mot de l'histoire, monsieur le président, c'est que d'abord les États-Unis et ensuite la Nouvelle-Zélande ont soutenu que le régime mis en place par le Canada le 1er août 1995, le système dit d'établissement des prix à l'exportation, qui a remplacé l'ancien programme d'aide à l'exportation financé par les producteurs, était en fait un système de subventions à l'exportation ayant pour effet de permettre au Canada de se dérober à ses engagements de réduire ses subventions à l'exportation.

J'ouvre une parenthèse, monsieur le président, pour dire qu'en discutant avec les représentants des producteurs laitiers américains, j'ai appris que leur objectif très net, c'est d'amener le gouvernement des États-Unis à clarifier une fois pour toutes quels sont les droits d'un pays relativement à l'utilisation de subventions à l'exportation et de systèmes de double prix. Si les États-Unis remportent cette cause devant le groupe spécial de l'OMC, c'est bien, mais si c'est le Canada qui gagne, c'est tout aussi bien, parce que les producteurs américains demanderont simplement à leur gouvernement d'adopter un régime semblable à celui du Canada.

Quant à la Nouvelle-Zélande, ce qui l'inquiète dans le système d'établissement des prix des exportations laitières du Canada n'a rien à voir avec l'importance du Canada comme exportateur laitier, puisqu'il est assez petit en comparaison avec l'Europe, la Nouvelle-Zélande, l'Australie et même les États-Unis. La Nouvelle-Zélande craint en fait que, si le régime canadien d'établissement des prix des exportations du Canada est jugé conforme aux engagements de réduire ses subventions à l'exportation qu'a pris le Canada, certains pays européens, notamment la France et le Danemark, n'accentuent leurs pressions à Bruxelles pour que soit adopté un régime de prix très semblable à celui du Canada. Par conséquent, la Nouvelle-Zélande craint que l'Union européenne, qui est le plus gros exportateur de produits laitiers au monde, décide effectivement d'adopter le régime canadien.

Jusqu'à présent, la Commission européenne et certains États membres ont rejeté les propositions française et danoise voulant que Bruxelles adopte le même type de régime. La Nouvelle-Zélande se préoccupe de faire préciser une fois pour toutes quels sont les droits et obligations d'un pays en matière de subventions à l'exportation de produits agricoles.

• 0920

En terminant, monsieur le président, il ne faut pas être catégorique et parler de décider «une fois pour toutes», parce qu'il me semble qu'en pratique, quelle que soit la conclusion de ce groupe spécial—qui devrait être présentée d'ici la fin de l'année—les pays voudront discuter, lors du prochain cycle de négociations commerciales en agriculture, des nouvelles disciplines, s'il y a lieu, qui devraient être appliquées aux régimes de double prix.

La Nouvelle-Zélande, par exemple, vend du lait de consommation sur son marché intérieur à un prix plus élevé que celui pratiqué à l'exportation. Elle soutient qu'elle vend 90 p. 100 de sa production au prix mondial et seulement 10 p. 100 au prix de la Nouvelle-Zélande. Qui plus est, elle prétend que le prix de la Nouvelle-Zélande n'est pas vraiment subventionné par des tarifs douaniers très élevés.

D'autres pays tentent de faire valoir qu'il existe une sorte de différence qualitative dans le cas d'un pays qui écoule plutôt 90 p. 100 de sa production sur le marché intérieur protégé par des tarifs élevés pour n'en exporter que 10 p. 100.

Au bout du compte, monsieur le président, il faudra un groupe spécial et probablement un organe d'appel par la suite—c'est essentiellement un pourvoi à la cour d'appel de l'OMC—pour déterminer, du moins d'ici l'adoption de nouvelles règles susceptibles de résulter du prochain cycle de négociations, ou pour préciser quelles subventions à l'exportation de produits agricoles les pays peuvent et ne peuvent pas accorder.

Si vous n'y voyez pas d'objection, monsieur le président, avant de vous redonner la parole pour la période des questions, je demanderais à M. McNab de vous mettre au fait de ce qui se passe au juste à Genève et du moment où certaines décisions clés devraient être rendues.

Le président: D'accord. Monsieur McNab.

M. John McNab (directeur, Direction des recours commerciaux, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup, monsieur le président.

Vous savez probablement que le mode de règlement des différends est beaucoup plus structuré à l'OMC qu'il ne l'était au GATT. Il y a des délais à respecter impérativement, et une fois la procédure lancée, certains schémas chronologiques sont prévisibles mais les échéances sont toujours approximatives, jamais fermes.

L'affaire mettant en cause les États-Unis a commencé aux États-Unis mêmes, en vertu de l'article 301, une disposition d'une loi américaine qui autorise une branche de production à présenter une demande à l'USTR—à porter à l'attention de l'USTR une pratique d'un partenaire commercial qui lui semble contrevenir à un accord international. Si l'USTR trouve lui aussi qu'il y a matière à intenter une procédure, il doit lancer le mode de règlement des différends prévu dans l'accord visé par l'allégation. En l'occurrence, il a fallu entamer la procédure de règlement des différends prévue par l'OMC.

La première étape de tout différend sous le régime de l'OMC, c'est une demande de consultation, qui a été présentée en octobre. Les consultations avec les États-Unis ont eu lieu en novembre, à Genève. Le Japon et l'Australie y ont aussi participé. Si les consultations ne permettent pas de régler le différend, le pays ayant demandé les consultations peut demander, 60 jours plus tard, la formation d'un groupe spécial.

Les États-Unis ont effectivement demandé l'institution d'un groupe spécial, la semaine dernière, à une réunion d'un organisme qu'on appelle l'organe de règlement des différends. Selon la procédure prévue, la première demande de formation d'un groupe spécial peut être refusée par les autres pays. En l'occurrence, le Canada a rejeté la première demande.

Rien n'empêche les États-Unis de demander la formation d'un groupe spécial lors de la prochaine réunion de l'organe de règlement des différends qui devrait avoir lieu au début de mars. En vertu des règles de l'OMC, lorsqu'une seconde demande est présentée, elle doit être acceptée. Un groupe spécial sera alors institué si les États-Unis décident effectivement de présenter une seconde demande.

• 0925

De plus, la Nouvelle-Zélande a fait part de son intérêt en présentant une demande de consultation à la toute fin de décembre. Les consultations avec la Nouvelle-Zélande ont eu lieu à Genève à la fin de janvier. La Nouvelle-Zélande sera donc elle aussi bientôt en mesure, au début de mars, de demander la formation d'un groupe spécial. Sa demande pourrait être présentée en même temps que la seconde demande des États-Unis, mais nous verrons bien.

Si les États-Unis décident de présenter une seconde demande et que le groupe spécial est formé le 13 mars, ce sera le début de la procédure prévue dans le Mémorandum relatif au règlement des différends. Ça mènera à la présentation des arguments des deux parties, l'une au début de mai et l'autre à la fin de mai. Il y aura une première audience à laquelle les deux parties auront l'occasion de comparaître devant le groupe spécial; ce sera probablement vers la mi-juin. Le groupe spécial devrait faire parvenir aux parties un rapport provisoire vers la mi-août et son rapport final devrait être déposé vers la mi-octobre.

Comme l'a dit M. Gifford, l'une des principales différences entre la procédure de règlement des différends du GATT et celle de l'OMC, c'est qu'il y a maintenant une procédure d'appel. Comme il y a un organe d'appel, une partie qui n'est pas d'accord avec la conclusion d'un groupe spécial ou avec son raisonnement peut demander une révision. L'organe d'appel travaille très rapidement; s'il y a appel d'une décision rendue en octobre, il aura rendu sa décision en janvier ou au début de février de l'an prochain.

Donc, si les États-Unis lancent une procédure au début du mois prochain, tout sera terminé en janvier ou au début de février de l'an prochain.

Merci, monsieur le président.

Le président: Mais alors, monsieur Gifford, quelle est la grande différence entre notre ancienne façon de faire et la nouvelle?

M. Mike Gifford: Avec le GATT, surtout au cours des quatre ou cinq dernières années, lorsqu'il était question des subventions à l'exportation de produits agricoles, tous les principaux participants avaient constamment tendance à bloquer l'adoption des rapports des groupes spéciaux. Donc, en fait, un groupe spécial rendait une décision sur quelque chose, mais l'un des plaignants bloquait l'adoption du jugement qui n'était donc jamais exécuté.

La différence aujourd'hui, c'est que la procédure de règlement des différends de l'OMC ne prévoit pas la possibilité pour l'une des parties de bloquer l'adoption du rapport du groupe spécial. Certains ont pensé que si les rapports des groupes spéciaux pouvaient être adoptés sans opposition, il faudrait prévoir une contre-vérification, un contrôle de sécurité. Il faudrait une disposition permettant d'en appeler du rapport d'un groupe spécial.

C'est pourquoi cet organe d'appel de l'OMC est quelque chose de nouveau. Il se compose exclusivement d'avocats et surtout d'anciens juges. C'est donc un organisme de très grand calibre.

Vous me corrigez si je me trompe, John, mais je crois qu'aucun rapport d'un groupe spécial n'a jamais été annulé par un organisme d'appel jusqu'à présent. Il est arrivé parfois que certains détails des conclusions d'un groupe spécial soient modifiés par l'organe d'appel.

M. John McNab: Jusqu'à maintenant, il y a eu appel de tous les rapports.

Le président: Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.

Bonjour messieurs. Bienvenue.

Tout d'abord, monsieur McNab, vous dites que les États-Unis pourraient choisir de demander la formation d'un groupe spécial. Pensez-vous qu'ils pourraient décider de ne pas... ou est-ce que vous dites ça parce que rien n'est jamais acquis?

M. John McNab: On ne peut jamais être certain de ce que les autres feront. Comme les États-Unis n'ont pas demandé la formation d'un groupe spécial dès qu'ils en ont eu le droit—ils ont tardé un peu et n'ont décidé de le demander qu'à la dernière réunion—il se pourrait bien qu'ils formulent leur demande à la prochaine réunion.

• 0930

M. Leon Benoit: Si vous permettez, j'aimerais que vous indiquiez sommairement sur une feuille les diverses étapes de la procédure que vous venez de nous exposer, en ajoutant peut-être un peu plus de détails sur ce à quoi on peut s'attendre à chacune des étapes. Je crois que ce serait utile.

M. John McNab: Merci.

M. Leon Benoit: Monsieur Gifford, en parlant des États-Unis et de l'Europe, vous avez dit que si les États-Unis perdaient leur cause, leur contestation du régime de prix canadien, ils allaient probablement adopter un système comparable. Vous avez fait la même réflexion au sujet de l'Europe: qu'elle aussi opterait pour un régime de prix à la canadienne. Pourquoi, à votre avis, feraient-ils ça?

M. Mike Gifford: Monsieur le président, les États-Unis ont actuellement un grand programme de subventions à l'exportation des produits laitiers. Ce sont des subventions directes de l'État. Les États-Unis ont donc encore le droit de subventionner les exportations en respectant les limites imposées. Certains groupes de producteurs américains soutiennent qu'il serait logique d'adopter un régime semblable à celui du Canada. D'ailleurs, on peut dire qu'aux États-Unis aussi, on pratique des prix différentiels dans une certaine mesure. Ainsi, le lait de consommation sur le marché de détail ne se vend pas au même prix que le lait de transformation servant par exemple à faire du beurre ou du fromage. On peut donc parler d'un régime de prix différentiels.

M. Leon Benoit: Est-ce que les Américains feraient ça parce que ça leur permettrait d'être plus compétitifs sur certains marchés ou parce qu'ils sont moins susceptibles d'être contestés?

M. Mike Gifford: Depuis quatre ou cinq ans surtout, les États-Unis croient que l'avenir de l'industrie laitière américaine se trouve dans le marché international. Ils pensent être sur le point de produire du lait à un prix compétitif sur le plan mondial. Cela dit, ils veulent avoir la plus grande marge de manoeuvre possible et ils pensent qu'un régime comme celui du Canada leur donnerait plus de latitude.

Il faudrait poser la question aux producteurs laitiers américains. Je ne fais que vous rapporter les observations que j'ai entendues à maintes reprises dans le passé, à savoir que si les États-Unis perdent leur cause, les producteurs américains demanderont à leur gouvernement d'adopter un régime semblable à celui du Canada.

M. Leon Benoit: Pour l'Europe, le raisonnement est à peu près le même?

M. Mike Gifford: La Commission européenne à Bruxelles veut modifier la politique laitière européenne relativement à son marché intérieur, mais elle ne partage pas nécessairement le point de vue des gouvernements français et danois. Les deux ont dit publiquement que l'Europe devrait adopter un régime très semblable à celui du Canada. Pour des raisons de politique interne qui leur sont propres, la Commission européenne et certains de ses États membres affirment préférer une réforme de la politique laitière européenne quelque peu différente.

M. Leon Benoit: Vous avez dit qu'en Europe, le régime pour le sucre ressemblait énormément à celui institué au Canada pour les produits laitiers. Alors qu'arrivera-t-il vraisemblablement pour le sucre? Est-ce que ça aura une incidence sur la façon dont les Européens commercialisent leur sucre?

M. Mike Gifford: Je vais simplifier les choses. Monsieur le président, le système qui a été considéré comme une subvention aux exportations de sucre en Europe prévoit essentiellement qu'un certain pourcentage est vendu sur le marché intérieur aux prix européens. Le produit exporté est vendu aux prix mondiaux. C'est donc fondamentalement un régime de double prix si on simplifie au minimum.

Cependant, le régime prévoit en pratique que la Commission européenne et les États membres versent de l'argent directement aux exportateurs européens de sucre. C'est pourquoi on l'a qualifié de subvention à l'exportation, tout comme le régime de prix des produits laitiers canadiens l'était avant le 1er août 1995. Nous percevions les prélèvements pour les remettre à la Commission canadienne du lait qui remettait ensuite un chèque aux exportateurs canadiens.

M. Leon Benoit: Croyez-vous que ça pourrait se répercuter sur d'autres denrées agricoles aux États-Unis ou en Europe?

• 0935

M. Mike Gifford: Non, je ne le crois pas, monsieur le président. À mon avis, on a de plus en plus le sentiment qu'inéluctablement, au cours du prochain cycle de négociations, les subventions à l'exportation de produits agricoles seront interdites au bout d'une période de suppression progressive, comme on l'a fait pour les subventions aux exportations industrielles dans les années 50. Ça va précipiter une discussion approfondie sur le type de disciplines internationales à imposer aux pays—en pratique, ça visera tous les pays—qui pratiquent une forme de double prix, si on décide finalement d'interdire les subventions à l'exportation de produits agricoles. Peu importe que le tarif soit de 10 p. 100 ou de 200 p. 100 à la frontière, il est toujours payant de pratiquer un prix équivalant au prix dédouané et de vendre à l'étranger au prix courant des exportations.

En termes juridiques, sous le régime de l'OMC, c'est du dumping, mais les pays importateurs s'en moquent souvent éperdument parce que l'important, pour eux, c'est d'obtenir le produit au prix le plus bas possible. C'est pour les autres exportateurs touchés sur les marchés tiers qu'il y a un problème lorsqu'un pays pratique un double prix. C'est une inquiétude réelle, monsieur le président, qu'il faudra dissiper lors du prochain cycle.

M. Leon Benoit: Ce n'est pas un sujet d'inquiétude uniquement pour les Américains. L'industrie de la restauration, surtout les pizzerias, ont connu de très graves difficultés à cause du régime de double prix. Il leur est presque impossible de concurrencer les supermarchés qui offrent une pizza surgelée dont la qualité est presque équivalente à celle des pizzas faites au restaurant. Le secteur des pizzerias au Canada a fondu de façon spectaculaire depuis quelques années et ce serait à cause du double prix selon les restaurateurs concernés.

Les Américains ne sont donc pas les seuls à exprimer de l'inquiétude. Il y a aussi des Canadiens qui ressentent l'effet négatif du système de double prix, surtout quand d'autres en profitent mais pas eux.

M. Mike Gifford: Tout ce que je peux dire, c'est qu'il y a aux États-Unis mêmes de nombreux exemples de ce type de régime. Par exemple, sur son marché intérieur, les États-Unis vendent le sucre environ 21 ¢US la livre, mais ils l'exportent vers des marchés hors frontières ou d'autres marchés étrangers à des prix bien inférieurs. Il y a aussi d'autres produits aux États-Unis qui se vendent à des prix différents selon l'utilisation finale prévue. C'est une pratique commerciale courante. Et elle n'est pas particulière à l'agriculture.

Le président: Monsieur Chrétien.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien (Frontenac—Mégantic, BQ): Monsieur Gifford, votre collègue disait tout à l'heure que, d'après son échéancier, on risquait d'avoir le rapport final de la contestation américaine aux alentours du mois de janvier de l'année prochaine. Or, on devrait, à l'automne 1999, recommencer les négociations de l'OMC. Pourquoi, selon vous, les Américains n'attendent-ils pas la prochaine ronde de négociations pour mettre sur la table tous ces petits irritants qu'ils rencontrent au fil des ans depuis la négociation de 1993, puisqu'on est à l'aube de ces prochaines négociations?

[Traduction]

M. Mike Gifford: Monsieur le président, nous ne pouvons que faire des conjectures. Je présume que le gouvernement américain préférerait obtenir du groupe spécial et de l'organe d'appel une interprétation des règles en vigueur qui ferait autorité, pour savoir s'il y aura lieu d'insister pour obtenir des changements lors du prochain cycle de négociations.

On sait que ce prochain cycle va commencer à la fin de 1999, mais on ne sait absolument pas quand il se terminera et encore moins quand les dispositions du nouvel accord entreront en vigueur... Par exemple, s'il fallait que les résultats du prochain cycle commencent à s'appliquer le 1er janvier 2005, c'est le régime actuel qui continuerait de s'appliquer depuis aujourd'hui jusqu'en 2005.

• 0940

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: Quelles sont les chances, selon vous, de voir le Canada sortir vainqueur de cette deuxième ronde de négociations?

[Traduction]

M. Mike Gifford: Monsieur le président, les représentants du gouvernement américain ont fait une grave erreur la dernière fois quand ils ont dit à leurs concitoyens qu'ils gagneraient par blanchissage au groupe spécial—autrement dit, que le vote au groupe spécial serait de 5-0 en faveur des États-Unis. Malheureusement, le groupe a voté 5-0 en faveur du Canada.

Quand quelqu'un m'a posé la même question il y a deux ans, monsieur le président, j'ai dit que nous avions l'intention de gagner, mais qu'il fallait être fou pour tenter de prédire les conclusions du groupe spécial. Nous travaillons en très étroite collaboration avec Les Producteurs Laitiers du Canada, le Conseil national de l'industrie laitière du Canada, la Commission canadienne du lait et les provinces. Les provinces nous font part des conseils de leurs avocats, tout comme le secteur privé. Nous allons présenter des arguments aussi bons et aussi solides que la dernière fois, monsieur le président.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: Vous êtes optimiste. Si je comprends bien, dans la négociation de 1993, nous avons établi, pour conserver notre gestion de l'offre, des tarifs très élevés sur les oeufs, la volaille et les produits laitiers. Si on respecte ces tarifs d'entrée, ça décourage tout exportateur ou importateur d'ici.

Présentement, nos producteurs laitiers produisent du lait en quantité, tout en respectant évidemment leur quota. Si on a un surplus sur le marché canadien après avoir respecté le quota, on va vendre ce surplus à un prix moindre; c'est-à-dire qu'on vend le produit au Canada 50 ¢, par exemple, alors qu'on va l'exporter à 25 ¢ le litre. Le producteur agricole ou le producteur laitier accepte donc d'être payé la moitié du prix régulier.

Je voudrais vous demander quel est le pourcentage de notre production laitière de transformation que l'on exporte à tarif réduit.

[Traduction]

M. Mike Gifford: Monsieur le président, si je ne m'abuse—et nous allons vous fournir les données précises—les ventes sur le marché intérieur, tant pour le lait de consommation que le lait de transformation, représentent plus de 95 p. 100 de notre production. Autrement dit, nos exportations constituent en ce moment moins de 5 p. 100 de notre production totale. Cependant, il y a un problème important auquel l'industrie elle-même commence à s'attaquer, et c'est le fait que le marché intérieur a une croissance très lente. Il se pourrait même qu'il soit stagnant ou en baisse.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: Ce 5 p. 100, monsieur Gifford, pourrait être facilement compensé en réduisant nos importations d'huile de beurre, qui représentent plus de 3 p. 100 actuellement.

Vous avez dit à deux reprises que, si le Canada sortait vainqueur, les producteurs laitiers américains demanderaient à leur gouvernement d'imiter le Canada. J'ai des amis qui sont producteurs laitiers le long de la frontière québécoise, au Vermont principalement, et qui trouvent cela bizarre. À moins qu'ils ne soient loin d'être représentatifs de la classe agricole américaine, je peux vous dire que les Américains ne sont pas très désireux d'instaurer une gestion de l'offre comme celle que nous avons au Canada.

[Traduction]

M. Mike Gifford: Monsieur le président, je ne veux pas dire que les Américains prétendent vouloir un système de gestion de l'offre comme celui du Canada. Je dis qu'ils aimeraient avoir un régime de prix d'exportation comme celui du Canada, si le Canada gagne sa cause devant le groupe spécial. C'est le régime des prix d'exportation qu'ils veulent imiter, pas le système de gestion de l'offre, monsieur le président.

[Français]

M. Jean-Guy Chrétien: Je vais terminer par une constatation. Nos producteurs laitiers qui vendent aux États-Unis 5 p. 100 de leur production à moitié prix acceptent de la vendre à ce prix pour ne pas la jeter à la poubelle, mais il n'ont pas de subvention gouvernementale. Je pense que les Américains, s'ils acceptaient de vendre leur lait moins cher, ce dont je doute, réclameraient une compensation à leur gouvernement.

• 0945

[Traduction]

M. Mike Gifford: Je pense que les producteurs canadiens et américains savent tous pertinemment qu'on ne peut pas s'attendre à pratiquer des prix identiques pour le lait quel que soit le marché. Même aux États-Unis, le lait de consommation se vend un prix beaucoup plus élevé que le lait destiné par exemple à faire de la crème fraîche ou du fromage cottage. Le lait utilisé pour le fromage cottage se vend beaucoup plus cher que le lait servant à faire du beurre ou du fromage. Partout dans le monde, le lait se vend des prix différents selon son utilisation finale à l'intérieur d'un même pays et à l'exportation aussi les prix pratiqués varient selon le marché et selon l'utilisation finale. Ce n'est pas un régime particulier au Canada, monsieur le président.

Le président: Merci.

Monsieur Calder.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je vais poursuivre dans la foulée de M. Chrétien et peut-être même revenir un peu en arrière. Au cours de l'Uruguay Round, le Canada s'intéressait à l'article 11 pour la gestion de l'offre. Les États-Unis nous ont suggéré d'opter plutôt pour la tarification, ce que nous avons fait. En ce moment même, l'Europe conserve un régime de subventions pour lequel elle s'inquiète et c'est pourquoi elle lorgne plutôt du côté d'un système de tarification pour remplacer son régime actuel.

Au bout du compte, moi comme agriculteur, je dois tenir compte de mon bilan. Si mes dépenses sont supérieures à mon revenu, je ne vais pas tarder à faire faillite.

Ce qu'on entend dire en Europe en ce moment, c'est qu'on craint une diminution des subventions; on envisage probablement de tendre plutôt vers l'aspect tarification d'un régime de double prix. Aux États-Unis, il y a une vague de fond qui monte des agriculteurs. Il y a le contrat des producteurs laitiers de l'Est. Il y a plusieurs exemples de gestion de l'offre qui font surface aux États-Unis et je pense que c'est pour des raisons de rentabilité.

Est-ce que c'est pour ça que les États-Unis et l'Europe parlent plus que jamais d'un régime de double prix ou est-ce que je m'égare?

M. Mike Gifford: Cette question ne fait pas l'unanimité en Europe, pas plus qu'aux États-Unis. En Europe, la majorité croit que la régulation de la production par la gestion de l'offre au moyen d'un régime très semblable à celui du Canada sera adoptée. D'ailleurs, le commissaire Fischler a dit qu'il était prêt à garantir l'existence d'un tel régime au moins jusqu'en 2006. Mais l'Europe est le plus important exportateur laitier au monde et si elle veut exporter—ce n'est pas une question de production excédentaire, elle est tout simplement le plus gros exportateur laitier au monde—toutes ces disciplines contre les subventions aux exportations vont lui nuire. Elle sait que les subventions vont finir par être interdites.

La question est donc de savoir par quel type de régime on va remplacer le système actuel qui se fonde d'une part sur la régulation de la production et, d'autre part, sur des subventions aux exportations. Si l'Europe veut demeurer le plus important exportateur laitier du monde, elle va devoir trouver d'une façon ou d'une autre une politique commerciale intérieure et internationale pour les produits laitiers qui soit compatible avec le nouveau monde, et je crois que c'est ce que l'Europe s'efforce de faire.

De même, aux États-Unis, le secteur laitier était très tourné sur lui-même et très sensible aux importations il y a dix ans. Aujourd'hui, les exploitations laitières de la Californie et du sud-ouest du pays sont immenses et elles sont convaincues de pouvoir être concurrentielles à l'échelle internationale. Il y a des producteurs en Nouvelle-Angleterre, au Vermont et à New York, par exemple, qui craignent que, dans une telle situation, leurs coûts de production soient trop élevés et les empêchent de survivre. Donc, même à l'intérieur du secteur laitier américain, il y a des opinions divergentes sur l'évolution de l'industrie laitière aux États-Unis.

Monsieur le président, nous essayons tous de nous faire à l'idée que les obstacles à l'importation vont être réduits éventuellement. Au prochain cycle de négociations, il est fort probable qu'on fasse le grand saut et qu'on décide d'éliminer progressivement toutes les subventions à l'exportation.

• 0950

Dans un tel monde, comment faut-il se positionner à l'aube du prochain siècle? Je pense que les producteurs laitiers du Canada, des États-Unis et de l'Europe sont tous en train de se démener pour trouver le moyen de s'y prendre.

M. Murray Calder: D'accord. J'en reviens à votre observation sur les subventions à l'exportation.

Bien entendu, les subventions à l'exportation visent à protéger l'industrie nationale. Supposons qu'il y a surproduction et qu'il faut se débarrasser des produits excédentaires. Si on les vend sur le marché international à un prix inférieur au coût de production, on aura besoin d'une subvention, sinon ce serait insensé puisque la production ne serait pas rentable.

Évidemment, un gouvernement veut protéger son industrie nationale. Nous, nous voulons protéger notre industrie laitière au Canada et les États-Unis veulent protéger la leur, et ainsi de suite. Il me semblerait logique qu'au bout d'un certain temps tous les pays se disent ceci: s'il n'y a plus de subventions à l'exportation, pourquoi diable tenir à une production dont l'exportation est déficitaire?

M. Mike Gifford: C'est justement l'un des défis, monsieur le président. On peut analyser un bilan selon le coût à l'unité. On établit alors que le coût de production moyen à l'unité est de tel montant et qu'il faut obtenir tel prix pour faire ses frais. Mais on peut aussi analyser le bilan en fonction du revenu global et des dépenses totales. On peut dire que même les producteurs laitiers du Canada ont admis qu'il était impossible de pratiquer le même prix pour un litre de lait dans tous les marchés, même à l'intérieur du Canada. Il y a un prix pour le lait de consommation, un autre pour la crème glacée, un autre pour le cheddar; le prix varie énormément.

Au bout du compte, monsieur le président, il revient à chaque producteur d'évaluer son propre bilan global pour décider si, oui ou non, il devrait comprimer son exploitation, n'y rien changer ou l'étendre. Chacun doit foncièrement décider pour lui-même s'il peut soutenir la concurrence des autres entreprises du secteur.

M. Murray Calder: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je sais qu'une fois confondus, tous ces prix différents pour des produits différents permettent de déterminer si on est rentable ou non, c'est-à-dire si sa production permet de faire un profit.

Je veux passer maintenant à la Nouvelle-Zélande. Nos deux industries laitières sont relativement semblables. Celle du Canada a une composante qui exige beaucoup de capitaux: c'est le contingent. Celle de la Nouvelle-Zélande a aussi une composante exigeant beaucoup de capitaux: c'est le terrain. Le terrain coûte très cher là-bas. On a donc deux industries dont les frais de démarrage sont assez semblables. Cependant, la production est planifiée au Canada et on n'exporte pas beaucoup, la Nouvelle-Zélande non plus.

À ma connaissance, il n'y a pas une grande industrie du sucre en Nouvelle-Zélande et je veux parler d'un mélange de sucre et d'huile de beurre. À ma connaissance, la Nouvelle-Zélande n'a pas d'industrie sucrière en mais elle a un surplus de matières grasses parce que la production n'y est pas planifiée.

Donc, il y a une industrie qui doit...

Le président: Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Je vais faire très vite; c'est ma dernière question.

Il y a donc en Nouvelle-Zélande une industrie qui importe actuellement du sucre pour le mélanger à sa matière grasse excédentaire avant de réexporter le tout au Canada. Étant donné la situation actuelle, est-ce que ce n'est pas du dumping?

M. Mike Gifford: Monsieur le président, la Nouvelle-Zélande est loin de tout mais elle est plus près de l'Australie que de la plupart des autres pays et elle peut se procurer du sucre au prix mondial en Australie. Donc, elle peut trouver du sucre aux prix mondiaux et le beurre de la Nouvelle-Zélande se vend certainement au prix mondial.

Mes collègues me corrigeront si je me trompe, mais il me semble que le prix du lait de consommation néo-zélandais est plus élevé que celui du lait néo-zélandais servant à la production du beurre. Qu'il soit destiné au marché intérieur ou à l'étranger, on ne sait pas trop dans quelle mesure on pratique effectivement un prix différent pour le beurre selon qu'il est consommé sur place ou exporté.

• 0955

Par exemple, on a un contingent relativement petit de moins de 2 000 tonnes pour le beurre de toutes provenances. La Nouvelle-Zélande a obtenu une réserve. Quand son accès à un marché comme celui des États-Unis et du Canada est limité, l'Office des produits laitiers de la Nouvelle-Zélande, l'agence de vente centrale, va essayer de monter ses prix pour tirer un avantage économique maximal de cet accès limité.

Monsieur le président, on ne sait pas au juste quel prix pratique l'Office des produits laitiers de la Nouvelle-Zélande pour le beurre que renferment les mélanges sucre et beurre.

Le président: La parole est à M. Proctor.

M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.

Monsieur McNab, vous avez dit dans votre exposé que le Canada n'avait pas approuvé l'article 301 la première fois qu'il a été présenté. Pourriez-vous préciser les motifs de notre désapprobation? Pourquoi le Canada n'était-il pas d'accord?

M. John McNab: Ce n'était pas l'article 301.

M. Dick Proctor: Le règlement des différends.

M. John McNab: C'est exact. L'article 301 prévoit une procédure interne pour les États-Unis, qui permet à l'industrie américaine de demander au représentant américain au commerce d'intervenir. Il intervient en lançant une procédure de règlement des différends à Genève, sous le régime de l'OMC.

J'ignore s'il arrive souvent que le futur défendeur ne soit pas en désaccord la première fois, ne serait-ce que pour gagner du temps, peut-être obtenir plus de renseignements et entendre la déclaration de l'autre partie. Les règles de procédure le permettent et je pense que tout le monde sans exception s'en prévaut.

La Nouvelle-Zélande a aussi présenté une demande de consultation, mais plus tard. Les consultations avec les États-Unis ont eu lieu en novembre et avec la Nouvelle-Zélande, en janvier. Les deux pays sont maintenant en mesure de demander la formation d'un groupe spécial et cette procédure aura notamment pour effet de permettre la fusion des deux systèmes.

M. Dick Proctor: D'accord, mais avons-nous formulé des objections précises ou simplement déclaré que nous nous opposions?

M. John McNab: Nous avons simplement dit que nous nous opposions.

M. Dick Proctor: On n'a pas besoin d'être précis...

M. John McNab: Non. On n'a pas à expliquer pourquoi on s'oppose.

M. Dick Proctor: Monsieur Gifford, pouvez-vous nous parler un peu des subventions actuellement accordées à l'industrie laitière américaine? Avez-vous des détails?

M. Mike Gifford: Oui, monsieur le président. Il y a un programme de subventions à l'exportation des produits laitiers qui est financé par l'USDA, le département américain de l'agriculture. D'après ma longue expérience, pour l'exportation, les États-Unis privilégient la plupart du temps une subvention directe à l'exportation.

Il y a aussi un programme d'offres d'achat qui permet à la Commodity Credit Corporation d'acheter du beurre, du fromage et de la poudre de lait écrémé à des prix fixés à l'avance. Lorsque les stocks seront trop onéreux, elle en disposera aux prix mondiaux. C'est une autre forme de subvention à l'exportation.

Il n'existe pas de programmes directs de paiements compensatoires ou de paiements d'appoint aux États-Unis pour le secteur laitier. Les producteurs laitiers américains ont droit, comme les autres, à des programmes conçus pour les agriculteurs par l'USDA ou les départements de l'agriculture des États. En gros, l'industrie laitière américaine a surtout été protégée dans le passé par des barrières douanières. Ce sont les contingents d'importation visés à l'article 22, qui ont été convertis en équivalents tarifaires. Les États-Unis ont réussi à maintenir presque à chaque année un prix supérieur au prix mondial grâce à ces barrières douanières.

M. Dick Proctor: C'est ma dernière question, monsieur le président.

Notre comité permanent devrait former un comité mixte pour examiner le niveau des subventions. On devrait se pencher sur les producteurs laitiers américains et sur les politiques agricoles des États-Unis pour tenter d'aider les producteurs laitiers, je suppose, avant d'entreprendre le nouveau cycle de négociations. Sans vous lancer dans une explication de la régie interne du comité, pouvez-vous nous dire si le comité emploierait bien son temps en faisant une telle étude?

• 1000

M. Mike Gifford: On peut dire que les producteurs primaires—et les transformateurs, en l'occurrence—veulent toujours espérer et croire qu'ils se font concurrence sur un pied d'égalité et qu'ils ne se mesurent pas à la trésorerie d'un autre pays. Par conséquent, je crois qu'il est effectivement important de savoir quel degré de soutien est accordé aux concurrents.

M. Dick Proctor: Merci.

Le président: Monsieur Bonwick.

M. Paul Bonwick (Simcoe-Grey, Lib.): Merci, monsieur le président. J'ai deux ou trois questions à poser.

Monsieur Gifford, votre service surveille-t-il et analyse-t-il la façon dont le gouvernement américain subventionne le secteur laitier?

M. Mike Gifford: Oui, d'une façon générale. En fait, l'OCDE a instauré un système qui lui permet de mesurer le degré de soutien pour les principales marchandises dans tous les pays. Nous participons activement à ce programme.

M. Paul Bonwick: Merci. Je suis bref parce que j'ai quelques questions à vous poser.

Par conséquent, vous avez l'entière possibilité de nous faire des rapports sur les agissements du gouvernement américain en matière de subventions.

M. Mike Gifford: Oui.

M. Paul Bonwick: Je tenais à vous en parler à propos de la motion que nous examinerons plus tard dans la semaine, monsieur le président. Cela laisse entendre que nous avons déjà accès à ces renseignements. Il est donc ridicule d'y consacrer davantage d'argent ou d'essayer de réinventer la roue, si je puis dire.

Par ailleurs, n'ayant pas de baccalauréat en agriculture, je me demande si je pourrais obtenir une réponse plus claire à la question de M. Calder, à savoir «est-ce du dumping?». Je me demande s'il est possible d'y donner une des trois réponses toutes simples qui suivent: c'en est, ce n'en est pas ou vous l'ignorez.

M. Mike Gifford: Il s'agit d'un sujet compliqué, mais j'essaierai de le simplifier. Nous essayons en fait de savoir si, dans le contexte de l'Accord instituant l'OMC, le produit en question, c'est-à-dire un mélange d'huile de beurre et de sucre en l'occurrence, fait l'objet de dumping, autrement dit, s'il se vend moins cher au Canada qu'en Nouvelle-Zélande. Il est parfaitement possible que l'on ne fabrique même pas de mélange d'huile de beurre et de sucre pour le marché intérieur en Nouvelle-Zélande. Par conséquent, les seules ventes seraient celles qui sont faites sur les marchés d'exportation. J'ignore totalement si c'est le cas.

Le principal cependant, c'est que le dumping ne découle pas du fait que les matières premières sont vendues à des prix différentiels. Dans le cas qui nous occupe, il s'agit d'un mélange d'huile de beurre et de sucre. Se vend-il à un prix moins élevé au Canada qu'en Nouvelle-Zélande?

M. Paul Bonwick: Bien. Maintenant que le gouvernement a décidé de demander au TCCE de rendre une décision, est-il normal qu'il paie la facture des Producteurs Laitiers du Canada, par exemple, dans une affaire comme celle-ci, si cet organisme compte se faire représenter?

M. Mike Gifford: Non. Les participants à l'audience du TCCE paieraient leurs frais eux-mêmes.

M. Paul Bonwick: Mais est-il possible que le gouvernement paie la facture?

M. Mike Gifford: Cela n'est jamais arrivé, à ma connaissance.

M. Paul Bonwick: Si la décision est en faveur des Producteurs Laitiers du Canada ou des agriculteurs, le gouvernement paie-t-il rétroactivement le manque à gagner dû à sa décision de demander au TCCE de rendre une décision au lieu de la prendre lui-même et de jouer le rôle de défendeur au lieu de celui de plaignant?

M. Mike Gifford: La question de la compensation relève manifestement d'une décision politique et non d'une décision technique. Si les producteurs laitiers voulaient saisir le gouvernement de l'affaire, celui-ci devrait prendre la décision de principe sur demande.

M. Paul Bonwick: Enfin, pour être certain d'avoir bien compris la réponse à la deuxième question, nous disons donc que pour l'instant, le gouvernement ignore si la Nouvelle-Zélande fait ou ne fait pas du dumping, étant donné que nous ne possédons pas suffisamment de renseignements sur ce qui se passe dans ce pays.

M. Mike Gifford: D'habitude, une plainte concernant une affaire de dumping vient d'un fabricant canadien concerné qui se plaint que le produit se vend au Canada à un prix inférieur au prix de vente sur le marché de son pays d'origine. Nous n'avons reçu aucune plainte à ce sujet.

M. Paul Bonwick: Il ne sert donc à rien que je continue. Je suis toutefois convaincu que le gouvernement a la responsabilité de savoir s'il s'agit ou non de dumping.

Le président: Monsieur Hoeppner.

M. Jake E. Hoeppner (Portage—Lisgar, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je signale à M. Bonwick que s'il veut faire des études en agriculture, je lui recommande de faire un baccalauréat ès sciences plutôt qu'un baccalauréat ès lettres. Cela lui serait probablement plus utile en agriculture.

Des voix: Oh, oh!

• 1005

M. Denis Coderre (Bourassa, Lib.): Et vous, Jake, avez-vous fait des études?

M. Jake Hoeppner: Monsieur Gifford, les Américains ont le don de cacher les subventions à l'exportation ou les subventions intérieures. Les producteurs laitiers reçoivent-ils également la subvention de 45 $ l'acre à laquelle les céréaliers ont droit pour la production de fourrage?

M. Mike Gifford: Monsieur le président, si je comprends bien, ce programme américain sert à remplacer l'ancien programme de la Commodity Credit Corporation en ce qui concerne les céréales. Il s'agit d'un paiement de revenu direct qui est versé en fonction de la production antérieure et pas de la production actuelle. Par conséquent, à supposer que vous ayez exploité une superficie de 100 acres de blé, de 50 acres de maïs et de 30 acres de soja—il s'agissait donc de votre superficie de base—, vous recevrez un montant calculé en fonction de cette superficie de base, peu importe ce que vous cultivez à l'heure actuelle.

M. Jake Hoeppner: Cela aide-t-il vraiment les producteurs de lait, en ce qui concerne le coût des produits fourragers?

M. Mike Gifford: Les producteurs de lait américains obtiennent leur fourrage à des prix qui devraient à mon avis être très proches des prix mondiaux concurrentiels des grains fourragers et des compléments protéiques, monsieur le président. Ils peuvent obtenir en franchise toute l'orge et tout le blé canadiens qu'ils veulent, tout le tourteau de canola et d'oléagineux qu'ils veulent. Par conséquent, les producteurs laitiers américains ont accès aux intrants à des prix mondiaux concurrentiels.

M. Jake Hoeppner: Je pense au petit producteur laitier, monsieur le président, à celui qui cultive encore lui-même la majeure partie du fourrage dont il a besoin. C'est ce que j'avais tendance à faire. Je sais que dans certains États, la production laitière est la principale production. Même dans certaines régions comme le Nouveau-Mexique, il existe d'énormes conglomérats laitiers.

M. Mike Gifford: Que l'on me corrige si je me trompe, monsieur le président, mais j'aurais cru qu'un producteur laitier qui produit depuis toujours du maïs pour l'ensilage n'aurait pas droit à une subvention pour production céréalière dont le montant est calculé d'après la superficie cultivée. Nous vérifierons cela, monsieur le président. Si ce n'est pas exact, nous vous le ferons savoir.

M. Jake Hoeppner: Merci.

À propos de subventions, j'ai entendu M. Calder dire que les producteurs laitiers financent en réalité eux-mêmes les subventions à l'exportation, et je crois que c'est vrai. Les Américains ont probablement un système légèrement différent.

Une subvention n'est-elle pas considérée comme telle si l'on fixe le prix à un niveau assez élevé dans son pays pour que les consommateurs puissent vous permettre de vendre de 10 à 15 p. 100 de votre production sans que cela vous coûte quoi que ce soit? Un organe d'appel ne considérerait-il probablement pas cela comme une subvention? S'il s'agit d'avocats et de juges... J'hésiterais beaucoup à penser que ce serait considéré comme une subvention.

M. Mike Gifford: Tout ce que je peux vous dire à ce sujet, monsieur le président, c'est que les économistes ont une certaine définition du terme «subvention» et encore, cette définition n'est pas homogène. Il est certain que l'organe d'appel devra se baser sur une définition juridique du terme sans tenir compte des diverses interprétations libres du sens de ce terme.

Le terme dumping est également utilisé dans un sens assez approximatif, monsieur le président, alors qu'il en existe une définition précise et qu'il a un sens formel à l'OMC.

M. Jake Hoeppner: Et les pays de l'Asie, monsieur Gifford? C'est vers eux que nous nous tournons tous pour trouver des débouchés supplémentaires. Nous savons que leur situation économique est telle que nous devrons probablement leur fournir les fonds nécessaires pour acheter nos produits. Je crois que c'est la Corée du Sud qui a reçu 55 milliards de dollars de la Banque mondiale. Cela aura-t-il un effet et nous incitera-t-il à avoir tendance à favoriser certains pays industriels qui ont probablement investi davantage dans ce secteur que d'autres?

M. Mike Gifford: Monsieur le président, vous souvenez-vous de la crise financière qui a frappé le Mexique il y a plusieurs années. Ce pays a emprunté une somme d'argent considérable à la Banque mondiale et aux États-Unis. Il a réussi à rembourser tous ces emprunts et son économie est en pleine croissance.

Nous osons espérer que les divers pays d'Asie arriveront à surmonter leurs difficultés actuelles et qu'ils feront en gros comme le Mexique. Il est possible de traverser une crise économique et d'en ressortir avec une économie forte et dynamique.

• 1010

Le président: Merci beaucoup. Je passe la parole à notre diplômé, à M. McCormick.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox and Addington, Lib.): Merci d'être là aujourd'hui, messieurs.

Monsieur Gifford, je ne m'attends pas à ce que vous sachiez tout par coeur. Je voudrais savoir un jour ou l'autre quelle est la taille du troupeau laitier moyen au Canada—c'est-à-dire du nombre de bêtes que l'on trait—ainsi qu'en Nouvelle-Zélande et aux États-Unis. Je voudrais obtenir un jour ce renseignement.

Je voudrais parler du genre de discipline à laquelle on pourrait s'attendre ou du genre de système qui serait en vigueur s'il existait une structure tarifaire à deux volets à la suite de cette affaire, à supposer que les États-Unis perdent, et que ce pays et d'autres adoptent cette formule?

M. Mike Gifford: Monsieur le président, c'est une question dont on n'a jamais discuté à Genève. Quelle est la différence entre un tarif douanier de 10 p. 100 et un tarif de 300 p. 100? Cela a-t-il vraiment de l'importance? L'essentiel est que vous ayez toujours la possibilité d'établir des prix différentiels si l'on impose des droits de douane sur les produits que vous exportez.

Monsieur le président, pour l'instant, je ne suis pas du tout en mesure de deviner quelle sera l'issue des discussions internationales. J'ai seulement l'impression que si la communauté internationale accepte de supprimer progressivement les subventions directes à l'exportation versées par divers gouvernements, ces derniers pays tiendront absolument à s'assurer que tout le monde est sur le même pied. Diverses pressions seront exercées pour en arriver à une entente internationale sur ce que l'on peut et ce que l'on ne peut pas faire en matière de prix différentiels, de systèmes de double prix.

Monsieur le président, je ne peux pas en dire plus pour l'instant.

M. Larry McCormick: Merci, monsieur le président. Je me demande quel pourcentage des produits laitiers canadiens sont des produits importés. Je me rends compte que l'on pourrait tenir un débat sur la question de savoir ce que l'on considère comme un produit laitier importé, mais je voudrais seulement obtenir des renseignements généraux.

M. Mike Gifford: Comme l'a signalé M. Chrétien, nous estimons au pifomètre que la quantité de produits laitiers que nous importons au Canada représente environ 3 p. 100 des produits laitiers vendus sur notre marché, si j'ai bonne mémoire. Il s'agit principalement de quelque 20 000 tonnes de fromage, de deux ou trois milliers de tonnes de beurre et de quelques autres produits, mais c'est surtout du fromage. Nous avons un contingent tarifaire pour un tout petit peu moins de 21 000 tonnes de fromage, et cela représente l'essentiel de nos importations de produits laitiers.

M. Larry McCormick: Oui. Je me rends compte que le mélange d'huile de beurre et de sucre est d'une importance capitale pour toutes les régions du Canada où se trouvent des producteurs laitiers. Dans ma circonscription, cela représente 1,8 million de dollars en moins pour l'économie et, par conséquent, cela me préoccupe. Cela n'a pas une forte influence sur les chiffres mais c'est un problème et un sujet de préoccupation pour les producteurs.

Monsieur Gifford, vous savez très bien depuis combien de temps existe la structure tarifaire prévue dans les règlements actuels et qu'après le prochain cycle de négociations de l'OMC, ils seront sans aucun doute réduits. Vous avez parlé de la possibilité ou de la probabilité que les subventions soient supprimées au cours du cycle suivant. Je me demande si vous pourriez me dire dans combien d'années à peu près. Je ne suis pas à une année près mais je voudrais que vous me le disiez.

M. Mike Gifford: Monsieur le président, si je suis assez optimiste et pense que la communauté internationale pourrait convenir de supprimer progressivement les subventions à l'exportation à la prochaine occasion, c'est surtout à cause d'une proposition du commissaire européen à l'agriculture, M. Fischler. Celui-ci propose en substance de réduire encore de 20 p. 100 ses prix de soutien intérieurs à partir de l'an 2000. Nous supposons que s'il arrive à persuader les États membres de le faire, cela voudra dire que l'Union européenne n'aura plus besoin d'avoir recours aux subventions à l'exportation pour les céréales.

M. Fischler et ses collègues perçoivent des signes que la communauté internationale penche en faveur de l'élimination des subventions à l'exportation. Même dans les secteurs où ces subventions resteraient nécessaires—toutes choses étant égales par ailleurs—, comme dans le secteur laitier et celui du sucre, on prévoit tout au moins un recours nettement moins systématique aux subventions à l'exportation, voire leur suppression progressive.

• 1015

Monsieur le président, plus le secteur est sensible et plus longue est généralement la période de transition. J'irais même jusqu'à dire que si certains pays décident de supprimer graduellement les subventions à l'exportation pour certaines marchandises, cela pourrait s'étaler sur une période de pas moins de 10 ans.

M. Larry McCormick: Monsieur le président, monsieur Harvard, pourriez-vous me dire quand cette période commencerait, si c'était le cas? Pourriez-vous le préciser?

M. Mike Gifford: On ne s'est toujours pas entendu sur la date à laquelle se terminerait le prochain cycle de négociations. Il est censé commencer vers la fin de 1999. Il pourrait durer de deux à trois ans, voire de quatre à cinq ans, selon que l'on est optimiste ou pessimiste.

Une voix: Ou dix ans.

M. Mike Gifford: Disons que l'accord pourrait entrer en vigueur le 1er janvier 2005. Ce n'est pas irréaliste. On pourrait dire qu'il pourrait déjà entrer en vigueur le 1er janvier 2004 mais disons plutôt 2005 et comptons 10 ans à partir de là.

M. Larry McCormick: Merci beaucoup.

Le président: John.

M. John Harvard (Charleswood—Assiniboine, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Gifford, comme vous l'avez dit, il s'agit de questions très complexes et un baccalauréat ès sciences n'est nullement une garantie que nous aurons une connaissance approfondie de tous les problèmes qui se posent.

Permettez-moi toutefois de vous poser deux ou trois questions sur les subventions, à titre d'information. Premièrement, s'entend-on généralement sur ce qui constitue une subvention pour l'OMC ou ne s'est-on pas encore mis d'accord sur la définition du terme? C'est la première question.

Deuxièmement, à supposer que les producteurs laitiers décident d'adopter un système du double prix, cela constitue-t-il une subvention s'ils décident de vendre leurs produits moins chers sur les marchés d'exportation sans recevoir de compensation pour la différence et en se contentant tout simplement d'une marge bénéficiaire moins élevée?

Troisièmement, quelle est la situation en ce qui concerne nos ventes actuelles de produits laitiers sur les marchés d'exportation?

L'autre chose que je voudrais que vous me disiez, concerne ce que vous avez mentionné précédemment dans votre exposé liminaire. Vous avez dit qu'à un certain moment on avait imposé des commissions et que celles-ci servaient à indemniser les exportateurs qui étaient censés vendre leurs produits moins chers sur les marchés d'exportation. Vous affirmez que c'est ce qui se faisait autrefois. Que fait-on maintenant? Quelle est la différence entre les deux systèmes?

M. Mike Gifford: Je commencerai par la dernière question, monsieur le président. Sous l'ancien régime, les offices provinciaux de commercialisation du lait prélevaient une taxe sur les recettes des divers producteurs. Le produit de cette taxe était alors remis à la Commission canadienne du lait. Pour permettre à un exportateur canadien de fromage d'exporter son fromage en Grande-Bretagne par exemple, la Commission canadienne du lait faisait un chèque à l'exportateur, pour compenser en fait la différence entre le prix du fromage sur le marché intérieur et son prix sur le marché britannique.

C'était l'ancien régime. Sous le nouveau régime, le prix du lait varie selon l'usage auquel il est destiné. Dans certains cas, le lait est vendu au Canada pour fabriquer un produit alimentaire traité, qu'il soit vendu sur le marché intérieur ou qu'il soit destiné à l'exportation.

Par exemple, les producteurs laitiers canadiens ont convenu d'approvisionner les fabricants de chocolat canadiens en ingrédients laitiers à des prix concurrentiels par rapport aux prix américains. Ils ont accepté cela parce qu'ils se sont rendu compte que, si le chocolat pouvait être importé en franchise des États-Unis, l'industrie chocolatière fermerait boutique au Canada et irait s'installer en bloc aux États-Unis. C'est une des raisons pour lesquelles les producteurs laitiers ont décidé de diminuer le prix des ingrédients laitiers entrant dans la fabrication du chocolat.

• 1020

Dans d'autres cas, comme celui du fromage, le lait est fournit aux transformateurs à un prix inférieur pour le fromage destiné à l'exportation au prix exigé pour le fromage destiné à la vente dans notre pays. Dans la plupart des cas, la décision relève de l'Office provincial de commercialisation du lait. Le problème est que, dans l'industrie laitière canadienne, il est très difficile, voire dangereux, de généraliser, parce que les systèmes ne sont pas identiques dans les dix provinces. Il existe de légères différences d'un système à l'autre.

M. John Harvard: Vous avez dit que sous l'ancien régime, quelqu'un faisait un chèque et que par conséquent quelqu'un en recevait probablement un.

M. Mike Gifford: C'est exact.

M. John Harvard: Cela se fait-il encore dans le système actuel?

M. Mike Gifford: Personne ne reçoit de chèque.

M. John Harvard: Personne ne reçoit de chèque maintenant.

M. Mike Gifford: Personne.

M. John Harvard: Cela veut-il dire qu'il n'existe aucune compensation?

M. Mike Gifford: Non, le transformateur reçoit le lait à des prix qui varient selon l'usage et la destination. Il n'achète pas le lait à un prix homogène. Il l'achète à des prix qui varient selon l'usage auquel il est destiné. Il ne reçoit aucun chèque, contrairement à ce qui se passait sous l'ancien régime.

En ce qui concerne la question des systèmes du double prix et la question de savoir s'il s'agit ou non d'une «subvention», certains économistes emploieraient peut-être ce terme dans un sens assez général. Ce qui importe à mon avis, c'est le fait que l'établissement de prix différents, à savoir qu'une entreprise décide de facturer des prix qui diffèrent selon l'usage final du produit, n'est pas l'apanage du secteur laitier ni du secteur agricole; il s'agit en fait d'une pratique courante dans bien des secteurs et dans bien des entreprises. Nous ne considérons pas cela comme une subvention. Les dispositions de l'OMC concernant les subventions et les droits compensateurs renferment une définition du terme «subvention», mais l'Accord sur l'agriculture de l'OMC n'en contient pas.

Monsieur le président, sans vouloir entrer dans des considérations d'ordre juridique, ce qui importe, c'est qu'il existe quelques définitions de la notion de subvention. Elles sont très précises et elles se trouvent dans les dispositions de l'OMC concernant les subventions et les droits compensateurs.

Le président: Madame Ur.

Mme Rose-Marie Ur (Lambton—Kent—Middlesex, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Gifford, comment est formulée la contestation dont nous avons saisi le TCCE en ce qui concerne l'huile de beurre et le sucre?

M. Mike Gifford: Nous l'avons formulée de façon assez générale. Le TCCE a reçu un mandat extrêmement étendu, celui d'examiner tous les aspects de la question qu'il estime justifié d'examiner, qu'il s'agisse de la classification tarifaire appropriée ou de la question des mélanges d'huile de beurre et de sucre ou autres mélanges possibles d'ingrédients laitiers. Son mandat a été formulé de façon très générale afin de lui laisser la plus grande latitude possible et de lui permettre d'examiner tous les aspects qu'il juge pertinents.

Mme Rose-Marie Ur: Je crois que l'huile de beurre et le sucre...

M. Mike Gifford: Non, ce sont tous des mélanges.

Mme Rose-Marie Ur: J'ai rencontré certains des producteurs laitiers de ma circonscription et c'est une des questions qui les préoccupe. Ils estiment que la nature du litige n'a pas été exposée de façon assez précise. Ils craignent que l'on ait tout mis dans le même sac et c'est pourquoi la façon dont le gouvernement s'y est pris avec le TCCE les préoccupe un peu, à mon avis.

M. Mike Gifford: Monsieur le président, je crois que ce que le gouvernement pensait, c'est qu'actuellement, c'est le problème des mélanges d'huile de beurre et de sucre qui se pose mais nous savons que d'autres mélanges d'ingrédients pourraient également être importés au Canada en dehors du système actuel de contingents tarifaires. Nous voulions que le TCCE essaie d'évaluer si possible les quantités que cela pourrait représenter.

Mme Rose-Marie Ur: Il y a une autre question qui préoccupe les agriculteurs. Pourquoi ne pas suspendre les importations tant que la question ne sera pas réglée? Je crois qu'il existe un mécanisme qui permet de les suspendre jusqu'à ce que le recours soit réglé, si elles augmentent rapidement. Pourquoi ne pas faire cela pour l'huile de beurre et le sucre qui sont importés au Canada, en attendant de savoir ce qui se passe?

• 1025

M. Mike Gifford: Je crois que vous suggérez que le Canada prenne ce que l'on appelle une mesure de sauvegarde, une mesure de sauvegarde d'urgence sur les importations. Le Canada, comme tout autre membre de l'OMC, a le droit d'appliquer un droit tarifaire ou un contingent d'importation supplémentaire à des conditions bien précises. Le produit en question doit avant tout être importé ou risquer d'être importé en quantité telle que cela constitue une menace de dommage grave ou un dommage grave pour la branche de production nationale.

Le seul problème d'ordre pratique qu'il faut régler est celui de savoir ce que l'on entend par branche de production nationale. Il s'agit du fabricant du produit analogue à celui qui est importé. Par conséquent, qui est le fabricant de produits analogues aux mélanges d'huile de beurre et de sucre? C'est un transformateur de produits laitiers. S'agit-il d'un fabricant de beurre? Il ne s'agit certainement pas d'un producteur primaire de lait.

Le fait que les échanges se fassent au niveau du produit transformé et non du produit primaire empoisonne les négociations dans le secteur agricole depuis un bon bout de temps. L'éleveur de bétail peut-il se plaindre au sujet des importations de viande bovine? Il ne produit pas de viande bovine; ce sont les abattoirs qui en produisent. Par conséquent, d'après les règlements de l'OMC, il faut prouver que ce sont les abattoirs canadiens plutôt que les éleveurs de bétail qui sont lésés. C'est la même chose que dans l'industrie laitière.

Nous avons signalé les divers recours commerciaux possibles, y compris les dispositions de sauvegarde canadiennes aux Producteurs Laitiers du Canada. Il appartient essentiellement au secteur lésé de l'industrie canadienne de porter plainte mais il faut prouver au TCCE qu'il y a menace de dommage grave ou effectivement dommage grave.

Mme Rose-Marie Ur: Voulez-vous dire que ce sont Les Producteurs Laitiers du Canada et non le gouvernement qui doivent défendre cette cause?

M. Mike Gifford: C'est le fabricant du même produit ou d'un produit équivalent. Dans ce cas-ci, il s'agit des transformateurs canadiens de produits laitiers dont certains sont regroupés en coopératives, soit dit en passant.

Mme Rose-Marie Ur: Les producteurs ne vont pas se plaindre s'ils peuvent obtenir ces produits à meilleur compte. Ce sont les agriculteurs qui y perdent et pas les transformateurs.

M. Mike Gifford: Sauf en Ontario, la plupart des transformateurs de produits laitiers canadiens sont en fait des coopératives de producteurs.

Mme Rose-Marie Ur: Vu les quantités, la question mérite d'être examinée par nous ou par quelqu'un d'autre. Elles ont pratiquement triplé au cours des deux dernières années, ce qui est sans aucun doute une indication.

M. Mike Gifford: Si je comprends bien, le TCCE envisagera explicitement la possibilité d'invoquer des mesures de sauvegarde.

Mme Rose-Marie Ur: Si l'on examinait la question d'un peu plus près, on constaterait certainement que Les Producteurs Laitiers du Canada présenteraient une compatibilité un peu meilleure à cet égard.

Vous n'avez peut-être pas le temps ou ne possédez peut-être pas les renseignements voulus mais je crois que cela nous intéresserait de voir une ébauche de rapport ou un document d'information sur le système laitier néo-zélandais, de savoir quelles subventions existent dans ce système et quelles sont leurs répercussions sur l'huile de beurre.

M. Mike Gifford: Nous vous communiquerons cela bien volontiers.

Mme Rose-Marie Ur: Merci.

Le président: Monsieur Calder.

M. Murray Calder: Merci beaucoup, monsieur le président.

À propos de ce qu'a dit Mme Ur, je signale qu'en 1996 on importait 3 200 tonnes de mélanges de Nouvelle-Zélande et qu'à l'heure actuelle, on en importe 8 200 tonnes, et les quantités continuent d'augmenter. Je dois encore examiner la question du transport par avion de ces produits. Il doit bien y avoir des découvertes à faire, si l'on creuse suffisamment.

Monsieur Gifford, pensez-vous que nous arriverons à définir une subvention?

M. Mike Gifford: Comme je l'ai dit, il existe une définition du terme «subvention» dans les dispositions de l'OMC concernant les subventions et les droits compensateurs et les dispositions de l'Accord sur l'agriculture de l'OMC renferment une définition de ce qui constitue une subvention à l'exportation. Il appartient en gros au groupe spécial et à l'organe d'appel de les interpréter afin de déterminer si le système canadien constitue ou non une subvention à l'exportation. Nous estimons pour notre part que le système d'établissement des prix d'exportation pour les produits laitiers ne constitue pas une subvention à l'exportation au sens de la définition qui se trouve dans les dispositions de l'Accord sur l'agriculture de l'OMC.

• 1030

M. Murray Calder: Je suis très curieux de le savoir. S'il existe cette définition universellement reconnue, dans quelle mesure est-elle efficace, à votre avis?

M. Mike Gifford: Monsieur le président, ma spécialité est le secteur agricole. Je m'aventure très rarement dans les secteurs de l'OMC qui ne concernent pas l'agriculture et par conséquent, je demanderais à mes collègues de donner leur opinion sur la définition du terme «subvention» qui se trouve dans les dispositions concernant les subventions et les droits compensateurs.

M. John McNab: Il est vrai qu'il existe actuellement pour la première fois une définition du terme «subvention» dans l'Accord sur les subventions et les mesures compensatoires qui fait partie de l'Accord instituant l'OMC. On n'a pas encore formé de groupe spécial. Un groupe spécial au sein de l'organe d'appel est la seule façon d'obtenir une interprétation définitive de tel ou tel aspect de l'accord. La première cause a commencé à être examinée à la demande des États-Unis qui s'opposent aux pratiques de l'Australie en invoquant l'accord sur les subventions mais il a fallu attendre des années et d'intenses négociations dans le cadre de l'Uruguay Round pour obtenir une définition du terme «subvention». La façon dont cette définition devrait s'appliquer est une question discutable et ces divergences d'opinions ne pourront être réglées que par un groupe spécial.

M. Murray Calder: Il existe donc une définition du terme «subvention» qui est reconnue dans les milieux internationaux, mais elle n'a pas encore été mise à l'épreuve.

Si l'on veut instaurer un système du double prix qui soit reconnu dans les milieux internationaux, il faudra de toute évidence qu'il existe une définition reconnue et éprouvée du terme «subvention». Sinon, d'après le scénario que j'envisage—et je reviens à la question financière, au fait que je dois réaliser un bénéfice si je veux continuer à exploiter mon élevage de poulets ou mon exploitation laitière—divers pays finiront par produire de 10 à 15 p. 100 de plus que ce dont ils ont besoin sur le marché intérieur. Ce surplus serait alors exporté et les producteurs finiraient par produire à perte. Ils devraient par ailleurs établir un prix intérieur moyen tel que leur marge bénéficiaire diminuerait légèrement. Cet excédent de 10 à 15 p. 100 serait par conséquent probablement intéressant pour les pays du tiers monde, pour les pays en développement, par exemple. Êtes-vous d'accord sur ce point?

M. Mike Gifford:

[Note de la rédaction: Inaudible]

M. Murray Calder: Bien, voici de quoi il s'agit tout simplement, monsieur Gifford. Si nous finissons par avoir une définition du terme «subvention» qui soit reconnue dans les milieux internationaux et que je doive tenir compte du bilan financier de mon entreprise pour rester en affaires, cette subvention finira par établir un système mondial de gestion de l'offre par le biais des prix.

M. Mike Gifford: Pas nécessairement, monsieur le président. Comme je l'ai déjà dit, la gestion de l'offre n'est pas nécessaire pour instaurer un système d'établissement des prix des produits destinés à l'exportation. Il est parfaitement possible d'instaurer un système qui permette de prévoir des différences de prix selon l'usage final et selon les marchés sans qu'un système de gestion de l'offre soit nécessaire. C'est la conclusion, monsieur le président.

Le président: Nous devons passer à la dernière question, qui revient à M. Hoeppner.

M. Jake Hoeppner: Merci, monsieur le président.

Monsieur Gifford, les échanges de produits agricoles sont votre spécialité. Si vous pouviez frotter une bouteille et qu'un génie sortait et faisait de vous le tsar de tout le commerce extérieur, que feriez-vous pour harmoniser le système au complet?

M. Mike Gifford: Monsieur le président, nous sommes en bonne voie de le faire. Comme vous me l'avez entendu dire à maintes reprises, avant l'OMC, l'anarchie régnait dans le commerce des produits agricoles parce qu'il n'existait pas de règle s'appliquant uniformément. Certains pays, comme les États-Unis, bénéficiaient d'exemptions aux règlements du GATT. Au moment où ils ont décidé d'adhérer au GATT, certains pays ont précisé qu'ils soustrayaient leur secteur agricole à l'application des règlements du GATT. Par conséquent, si vous étiez à la place du ministre de l'Agriculture du Canada et que vos fonctionnaires vous disaient que le Canada est malheureusement censé respecter les règlements alors que ceux-ci ne s'appliquent pas aux États-Unis parce que ce pays bénéficie d'une exemption, ni à la Suisse parce que ce pays a consenti à adhérer au GATT à la condition de n'accepter aucune discipline dans le secteur agricole et qu'aucun règlement du GATT ne s'applique au prélèvement variable à l'importation fait par l'Europe, s'il s'agissait en quelque sorte d'une zone grise... vous éprouveriez de la sympathie à l'égard de ce ministre lorsqu'il demande «que suis-je donc censé faire en matière de commerce agricole s'il n'existe pas de règlements efficaces?».

• 1035

Je crois que la communauté internationale s'est rendu compte que cela dépassait les bornes au début des années 90 et c'est alors qu'elle a instauré l'Accord sur l'agriculture dans le cadre de l'Accord instituant l'OMC. Désormais, pour la première fois, les gouvernements connaissent les règles du jeu. Ils savent que s'ils les enfreignent, un autre pays ne décidera pas unilatéralement de faire des représailles. Les Américains n'invoqueront pas un article 301 et ne nous frapperont pas à coups de 2x4.

Si un pays n'approuve pas votre conduite, il fera intervenir le processus de règlement des différends, la décision finale devant être respectée par les deux parties. Il me semble que pour un petit pays, ou un pays moyen comme le Canada, qui est très dépendant du commerce extérieur, des règlements qui s'appliquent aussi bien aux grands qu'aux petits pays, et qui sont renforcés par un système de règlement des différends transparent et efficace, sont intéressants; c'est précisément vers cela que l'on tend.

Monsieur le président, il ne faut pas juger le bois sur l'écorce. Lorsque la Commission de l'agriculture pour l'Europe affirme que la politique agricole commune qui existait dans les années 50, 60, 70, 80 et 90, va devoir changer parce que ce système est incompatible avec un monde futur où les barrières vont disparaître progressivement et où les subventions à l'exportation vont être interdites... cela fait changer les politiques intérieures.

Ce que je veux dire, monsieur le président, c'est qu'en fin de compte les problèmes qui existent dans le commerce des produits agricoles sont avant tout liés à la nature des politiques agricoles internes pratiquées par les divers pays. Il existe des façons d'aider les régions rurales et ces divers secteurs qui provoquent moins de distorsions sur le commerce extérieur. Je crois que petit à petit, les gouvernements décident de modifier leurs politiques agricoles internes de certaines façons qui déforment moins les échanges. Au bon vieux temps, les gouvernements pouvaient élaborer des politiques agricoles internes sans tenir compte du reste du monde, parce qu'il n'existait pas de règlements efficaces, monsieur le président.

M. Jake Hoeppner: Que diriez-vous alors à mon ami Bob Roehle, de la Commission canadienne du blé? Dans un documentaire qui a été tourné ici il y a environ un an, il a dit que si les agriculteurs pensaient obtenir un jour un système libre-échangiste pour le blé, ils feraient mieux de se jeter à l'eau, parce que l'État ne renoncera pas à l'intérêt qu'il a de maintenir le prix des produits alimentaires à un niveau peu élevé, pas seulement au Canada mais aussi à l'étranger.

M. Mike Gifford: Chacun a droit à ses opinions, monsieur le président.

M. Jake Hoeppner: Par conséquent, vous n'êtes pas d'accord?

M. Mike Gifford: Non, monsieur le président.

M. Jake Hoeppner: C'est à mon tour, monsieur le président.

Le président: On a dit dernièrement que le Japon n'acceptait pas les règlements agricoles et qu'il avait les coudées franches.

M. Mike Gifford: Ce n'est pas exact, monsieur le président. Je crois que ce commentaire voulait dire que les Japonais maintiennent toujours un contingent d'importation sur le riz, du moins jusqu'à la fin du prochain cycle de négociations. Ils ont toutefois dû payer un certain prix pour obtenir cette concession, monsieur le président. La règle ou la directive générale est qu'il faut s'engager à fournir un accès minimum de 3 p. 100, allant jusqu'à 5 p. 100 de la consommation et que pour obtenir une dispense permettant de maintenir un contingent à l'importation, il fallait que cet accès aille jusqu'à 8 p. 100.

Cette option a été offerte à Genève aux secteurs soumis à la gestion de l'offre et ils ont tous décliné cette offre. Ils n'étaient pas disposés à offrir un accès supérieur rien que pour conserver l'usage temporaire des contingents d'importation. Ils ont dit qu'ils préféraient en fait compter sur les équivalents tarifaires qui ont été négociés.

Par conséquent, cette option était disponible, monsieur le président. L'offre a été déclinée par les secteurs canadiens adhèrent au régime de la gestion de l'offre. Les Japonais doivent maintenir un accès de 8 p. 100 au lieu de 5 p. 100 et s'ils veulent faire maintenir cette dérogation au cours du prochain cycle de négociations, ils vont devoir négocier cela avec les autres fournisseurs de riz, comme les États-Unis, la Thaïlande et l'Australie. Vous pouvez parier en mettant jusqu'à votre dernier dollar en jeu que le prix d'accès que ces exportateurs imposeront au Japon sera très élevé.

• 1040

Par conséquent, monsieur le président, je ne crois pas qu'il soit juste de dire que le Japon a échappé aux disciplines de l'OMC. Il a réduit ses droits douaniers de 36 p. 100 en moyenne. Il a réduit les droits douaniers sur la plupart des produits dans cette proportion, de moins dans certains cas et de plus dans d'autres. Le Japon adhère à part entière à l'Accord sur l'agriculture de l'OMC au même titre que le Canada et les États-Unis.

Le président: Cela veut-il dire que l'on aurait pu faire autre chose pour les huiles de beurre parce que le Japon a fait ce qu'il voulait et que l'agriculture...?

M. Mike Gifford: Non, monsieur le président, le Japon a eu en réalité affaire à deux groupes spéciaux de l'OMC. Il a dernièrement perdu une cause sur l'application de taxes différentielles sur les spiritueux. Par conséquent, le Japon a commencé à faire le nécessaire pour conformer ses mesures aux recommandations du groupe spécial. Il est donc assujetti aux mêmes règles que nous, monsieur le président.

Le président: Avez-vous une autre question, Larry?

M. Jake Hoeppner: J'ai encore une toute petite question à poser, si vous n'y voyez aucun inconvénient, monsieur le président.

Le président: Larry avait levé la main.

M. Larry McCormick: Merci, monsieur le président. Il s'agit d'une question très brève.

Monsieur Gifford, vous avez dit qu'il existait d'autres façons d'accorder des subventions aux régions rurales. Je voudrais que vous me communiquiez quelques-unes de vos idées, maintenant ou à un autre moment.

M. Mike Gifford: Monsieur le président, les paiements de revenu directs sont essentiellement des transferts de revenu du gouvernement au producteur et ils ne sont pas directement liés à la production. C'est une façon de procéder.

Quand nous avons entamé l'Uruguay Round, personne n'avait entendu parler des paiements de revenu découplés. C'est une expression qui est apparue pendant les négociations. Sous l'ancien régime, il existait des paiements compensatoires—en gros, plus on produisait et plus on recevait d'argent du gouvernement—qui étaient liés à la production annuelle. Je crois que les producteurs céréaliers américains seraient les premiers à reconnaître que l'ancien système de soutien céréalier qui existait dans leur pays encourageait les producteurs à produire pour le programme plutôt que pour le marché. À l'heure actuelle, la production de soja et de maïs a relativement augmenté aux États-Unis alors que celle de blé a relativement diminué à cause des modifications qui ont été apportées au programme de soutien céréalier américain.

Monsieur le président, dans le cas du Canada, l'abrogation de la LTGO a eu incontestablement d'énormes répercussions sur l'agriculture de l'ouest du Canada. Avant ça, celle-ci était surtout dominée par les céréales; on décourageait la production de bétail ainsi que la transformation à forte valeur ajoutée parce que les producteurs étaient payés pour l'acheminement de leur matière première à l'extérieur de leur région. Les changements qui ont été apportés à ce programme ont entraîné un effort considérable de diversification de l'économie de l'ouest du Canada où la production de bétail et la transformation des produits alimentaires occupent maintenant une plus grande place.

M. Larry McCormick: Monsieur le président, j'aurais quelques derniers commentaires à faire. C'est vraiment réjouissant de voir ce qui se passe à Brandon, au Manitoba. Je suis heureux de savoir que la Commission canadienne du blé est là pour les autres cultivateurs de l'ouest du Canada et qu'ils peuvent être assurés de leur avenir.

Merci, monsieur le président.

Le président: Vous avez une petite question à poser, monsieur Hoeppner.

M. Jake Hoeppner: Oui.

Je me posais seulement une question au sujet des droits d'importation japonais sur les spiritueux, monsieur Gifford. Cela est-il valable également pour les produits dérivés du canola?

M. Mike Gifford: Non, je parlais d'une taxe intérieure sur les spiritueux qui était moins élevée pour les boissons destinées au marché intérieur que pour les boissons importées, monsieur le président. Il s'agit d'un cas de discrimination contre les boissons importées.

Dans le cas du canola, les Japonais imposent un droit sur l'huile de canola. En ce qui concerne le canola proprement dit, il peut être importé en franchise. Par contre, en ce qui concerne l'huile de canola, la taxe est de x yens au kilogramme et elle a été réduite de 36 p. 100. Le problème auquel sont confrontés les cultivateurs et les triturateurs de canola canadiens est qu'en raison de l'augmentation de la valeur du yen, l'équivalent ad valorem de ce droit n'a cessé de fluctuer. L'un des objectifs du Canada au cours du prochain cycle de négociations sera de négocier un accès en franchise dans le monde entier pour tous les oléagineux et les produits dérivés, y compris le canola; il s'agit en quelque sorte d'une franchise généralisée.

• 1045

Le président: Merci beaucoup d'être venus ce matin, messieurs.

La séance est levée. Reprise des délibérations jeudi à neuf heures.