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ENSU Rapport du Comité

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Opinion dissidente du Bloc Québécois sur le Sommet de Kyoto

En endossant à l’Assemblée nationale l’objectif de la Convention cadre sur les changements climatiques adoptée à Rio de Janeiro en 1992, le Québec a clairement établi sa responsabilité quant à la mise en œuvre de celle-ci sur son territoire. Pour le Bloc Québécois, il en va de même pour la Convention qui sera ratifiée à Kyoto.

Cette volonté s’explique non seulement à la lumière de l’exercice responsable de ces compétences constitutionnelles, mais également du fait que le Québec comme les autres provinces, est le mieux placé pour agir efficacement en fonction des particularités énergétiques, géographiques et économiques propres à son territoire.

En conséquence, le gouvernement du Québec entend définir ses propres politiques, stratégies et programmes étant donné sa situation particulière en matière d’émissions des gaz à effet de serre. Compte tenu de ses compétences, le Québec a l’intention de procéder en fonction de ses priorités et selon son propre échéancier.

Ceci dit, les émissions toxiques ne connaissent pas de frontières. Le Québec reçoit déjà une large part de sa pollution de l’Ontario et de la Nouvelle-Angleterre. Cette interdépendance est encore plus évidente lorsqu’on traite des changements climatiques à l’échelle de la planète. Pour ces raisons, nous sommes grandement préoccupés par les problèmes structurels au sein du gouvernement fédéral et reconnaissons, comme le rapport majoritaire, que le gouvernement fédéral aura fort à faire pour améliorer son bilan dans ce dossier.

Cible de réduction

D’entrée de jeu, pour le Bloc Québécois, il est déplorable que le gouvernement ait attendu jusqu’au dernier moment pour nous faire part de sa position en vue du sommet de Kyoto. Cet objectif de dernière minute représente bien l’amateurisme et l’improvisation de ce gouvernement dans le dossier des gaz à effet de serre.

Le 1er décembre dernier, le gouvernement fédéral a finalement annoncé sa position de négociation en vue du Sommet de Kyoto. Pour les pays industrialisés comme le Canada, la cible fédérale est de réduire d’ici 2010 les émissions des gaz à effet de serre de 3 p. 100 sous les niveaux de 1990 et d’un 5 p. 100 additionnel pour 2015, et ce, dans le cadre d’une entente internationale exécutoire.

Nous reconnaissons le bout de chemin accompli par le gouvernement libéral depuis la rencontre fédérale-provinciale de Regina au mois de novembre dernier. Lors de cette réunion, le gouvernement est resté muet sur un objectif de réduction et se limitait strictement à une cible de stabilisation. C’est donc un pas en avant de la part du gouvernement qui se rapproche ainsi de la position que défendait seul le Québec, en incluant des cibles de réduction pour 2010 et 2015.

Toutefois, ces cibles demeurent insuffisantes à nos yeux. Elles sont en flagrante contradiction avec les études du ministère fédéral de l’Environnement qui définissent les impacts majeurs auxquels nous exposent les changements climatiques en cas d’inaction gouvernementale. Nous souhaitons que le Québec, le gouvernement fédéral et les provinces, s’entendent sur une cible ambitieuse et responsable de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Cette cible doit être au moins deux fois plus élevée que la mince cible fédérale actuelle de 3 p. 100 de réduction pour l’an 2010.

Échecs du gouvernement libéral

Le Comité a analysé les mémoires de nombreux ministères fédéraux. Le rapport majoritaire résume bien l’inefficacité des mesures fédérales actuelles pour réduire concrètement les émissions canadiennes. Mais le rapport ne va pas assez loin à nos yeux, car les chiffres parlent d’eux-mêmes. Au lieu d’atteindre une stabilisation pour l’an 2000 comme l’entente de Rio le prévoyait, le Canada affiche déjà, trois ans avant l’échéance, une augmentation des émissions de 13 p. 100. Ce gouvernement refuse d’admettre qu’il a lamentablement échoué avec ses mesures volontaires. À notre avis, seul un constat d’échec clair permettra au gouvernement fédéral de réorienter son action vers certaines voies intéressantes que propose le rapport majoritaire.

Dans ce contexte, il est inacceptable que le gouvernement libéral n’ait pas présenté un plan concret de réduction des gaz à effet de serre aux Canadiennes et Canadiens et aux Québécoises et Québécois avant le Sommet de Kyoto. Les États-Unis, malgré leur position timide pour Kyoto, ont, à tout le moins, pris l’engagement d’investir 5 milliards de dollars afin de stimuler l’efficacité énergétique et le développement de nouvelles technologies.

Le déséquilibre des budgets alloués aux différentes formes d’énergie est majeur. Nous ne citerons ici que deux exemples, ceux des subventions au développement de l’énergie nucléaire et des énergies classiques à haute teneur en carbone (pétrole, charbon). D’après le budget de Ressources naturelles Canada, pour 1997-1998, le gouvernement fédéral prévoit consacrer 64 millions de dollars au contrôle des changements climatiques. De cette somme, 44 millions sont investis dans les programmes d’efficacité énergétique («leadership», information, actions volontaires, réglementation et recherche et développement). Le ministère dépensera 14 millions destinés aux énergies renouvelables et 6 millions aux carburants et aux techniques de remplacement. Comme le mentionne le rapport majoritaire en rappelant le témoignage de Madame Maria Barrados, vérificatrice générale adjointe à RNCan, il est difficile de savoir si les dépenses engagées par RNCan portent fruit, pour la simple raison qu’elles sont si modestes.

En effet, ces montants sont dérisoires lorsqu’on les compare aux 12 milliards de dollars attribués (en dollars constants de 1992) aux travaux de recherche et de développement pour l’énergie nucléaire, fonds qui sont dépensés principalement en Ontario. Même si l’énergie nucléaire n’est pas un producteur de gaz à effet de serre, nous dénonçons ce déséquilibre financier favorisant le nucléaire aux dépends des énergies renouvelables et du développement de nouvelles technologies environnementales.

Nous arrivons au même constat lorsque nous comparons ces montants dans le domaine des hydrocarbures. En effet, ce secteur a accaparé l’essentiel des dépenses de 11 milliards de dollars du Programme énergétique national, seulement à des fins d’exploration et de mise en valeur des ressources pétrolières. Nous devons également souligner l’aide au financement totalisant 1,8 milliards de dollars destinée au projet Hibernia à Terre-Neuve et les 550 millions de dépenses fédérales pour l’usine de valorisation du pétrole à Lloydminster en Saskatchewan. À cela, s’ajoute une aide totalisant environ 200 millions de dollars pour l’usine de valorisation de New Grade en Saskatchewan et le développement du pipeline de l’Île de Vancouver.

Le Bloc Québécois ne juge pas ici du bien-fondé de chacun de ces projets créateurs d’emplois. Nous questionnons plutôt le sérieux de ce gouvernement qui se dit préoccupé par les changements climatiques. Les 64 millions de dollars consentis aux énergies renouvelables sont une goutte d’eau dans l’océan des subventions accordées au secteur énergétique dans son ensemble. Aussi longtemps que le gouvernement libéral refusera de reconnaître cette situation comme il le fait depuis son accession au pouvoir, il ne convaincra personne du sérieux de sa volonté de réduire les gaz à effet de serre.

Partage des responsabilités

Ce sont le Québec et les provinces qui seront responsables, sur leur territoire respectif, de l’application de la Convention de Kyoto. C’est pourquoi le Bloc Québécois propose la création d’un organisme indépendant du gouvernement fédéral composé d’experts et de citoyens, qui assurerait le suivi des réductions des émissions de gaz à effet de serre et rédigerait périodiquement un rapport public sur l’évolution des réductions. Nous favorisons la création d’un tel comité parce que le rôle des provinces sera capital pour l’atteinte des objectifs de réduction fixé à Kyoto. Le Commissaire à l’environnement ne peut répondre à cette tâche. Il n’a pas le mandat de vérifier les agissements des provinces en matière d’environnement. La Table ronde nationale sur l’environnement et l’énergie de même que le Conseil canadien de l’énergie ne font pas l’affaire non plus. Ces organismes relèvent strictement du gouvernement fédéral et leurs membres sont nommés par le Premier ministre.

Certaines recommandations, telle que la recommandation 10, proposent au gouvernement fédéral de s’ingérer dans les affaires municipales par le biais de mécanismes nationaux de consultation et de collaboration. Nous dénonçons cette recommandation car elle passe outre la responsabilité strictement provinciale des affaires municipales.

Nous considérons valable la proposition de création d’un fond atmosphérique canadien. Toutefois, le Bloc Québécois considère que ce fonds devrait être basé sur le modèle tripartite (gouvernements fédéral, provinciaux et les municipalités) du programme des infrastructures. Le programme devrait également prévoir une clause d’opting out pour les provinces qui veulent mettre sur pied leur propre programme comme cela ce fait déjà dans le cas du programme fédéral Défi climat et son pendant québécois, le programme ÉcoGESte.

Pour le Bloc Québécois, les changements climatiques que nous connaissons sont extrêmement préoccupants. Pour y faire face, nous devons adopter des objectifs de réduction responsables, élaborer des mesures gouvernementales efficaces et assurer un suivi indépendant. Il faut être conscient qu’en cherchant encore à accélérer la croissance économique sans tenir compte des mécanismes de fonctionnement de l’atmosphère, la génération actuelle provoque peut-être des changements de conditions qui affecteront la capacité des générations futures de subvenir à leurs besoins.