FISH Rapport du Comité
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INTRODUCTION
1. Le 2 juillet 1992 a marqué un tournant dans la vie de dizaines de milliers de Canadiens de l'Atlantique. Ce jour-là, le ministre des Pêches de l'époque, l'honorable John Crosbie, a annoncé un moratoire de deux ans sur la pêche de la morue du Nord. Ce moratoire a été rapidement suivi de plusieurs autres visant d'autres stocks de morue et d'autres espèces de poissons de fond importantes. Les captures autorisées pour les poissons de fond qu'on pouvait encore pêcher ont été radicalement réduites presque partout. Ainsi, en un très court laps de temps, l'industrie de la pêche du poisson de fond du Canada a été pratiquement fermée. Cette situation a eu de très sérieuses répercussions sociales, économiques et culturelles sur ceux qui dépendaient directement et indirectement de cette industrie et sur les collectivités des provinces de l'Atlantique et du Québec.
2. En rétrospective, il est clair que ce désastre se dessinait depuis longtemps. Au début des années 1980, les pêcheurs côtiers ont vu diminuer tant leurs prises que la taille moyenne de la morue pêchée. Au milieu des années 1980, certains scientifiques du ministère des Pêches et des Océans (MPO) ont aussi commencé à se rendre compte que quelque chose clochait sérieusement, malgré l'augmentation des prises du secteur hauturier et les estimations favorables des stocks. À la fin des années 1980, les scientifiques du MPO ont commencé à réviser à la baisse leurs estimations des stocks de morue du Nord et le 12 février 1989, le gouvernement fédéral mettait sur pied le Groupe d'examen de la morue du Nord et en confiait la présidence au professeur Leslie Harris. En mars 1990, ce groupe publiait son rapport qui confirmait que le taux de mortalité de la morue du Nord dû à la pêche était beaucoup plus élevé qu'on ne l'avait cru et qu'il pourrait menacer la viabilité du stock. Le groupe recommanda de réduire immédiatement le total des prises admissibles de manière à réduire la mortalité attribuable à la pêche. Les totaux des prises admissibles de morue du Nord (2J-3KL)1 pour 1990 et 1991 ont donc été réduits, mais pas autant que le recommandait le groupe Harris.
3. En mai 1990, le gouvernement a créé le premier des trois importants programmes d'adaptation destinés à faire face à la crise de plus en plus importante de l'industrie de la pêche du poisson de fond de l'Atlantique, le Programme d'adaptation des pêches de l'Atlantique (PAPA). Il a été suivi du Programme d'adaptation et de redressement de la pêche de la morue du Nord (PARPMN) en 1992 et du Programme d'adaptation de la pêche du poisson de fond de l'Atlantique (PAPPFA) en 1993.
4. Lorsque le PARPMN a été mis en place en 1992, la majorité des gens croyait que le moratoire sur la morue du Nord durerait deux ans et que la pêche reprendrait en 1994. Malgré le moratoire, le déclin du stock s'est poursuivi et il est devenu clair que son rétablissement et la reprise des activités normales de pêche ne surviendraient pas avant longtemps encore.
5. Le PAPPFA et le PARPMN ont pris fin le 15 mai 1994. Ils ont été remplacés par un nouveau programme intitulé La Stratégie du poisson de fond de l'Atlantique (LSPA). Ce programme offrait à la fois un soutien du revenu aux travailleurs et des mesures d'adaptation de l'industrie. Il devait aider les personnes les plus touchées par le ralentissement du secteur de la pêche du poisson de fond à traverser la crise, ainsi que faciliter la tâche à ceux qui souhaitaient s'orienter vers d'autres secteurs. Il devait également aider l'industrie à résoudre un grave problème de surcapacité dans le secteur de l'exploitation. L'élément le plus original de la Stratégie était les «mesures actives d'aide à l'emploi» qui assortissait le soutien du revenu à une participation active à d'autres composantes du programme comme la formation ou les projets de développement communautaire.
6. On avait prévu que 26 500 personnes s'inscriraient à ce programme. Il s'en est plutôt inscrit 40 000, soit environ 50 p. 100 de plus. Dès le départ, cet accroissement de la clientèle a fortement grevé l'enveloppe budgétaire de 1,9 milliard de dollars qui avait été allouée à LSPA dans le budget fédéral de février 1994. Afin de ne pas dépasser ce budget, divers changements ont été successivement autorisés par le Cabinet afin de réaffecter des fonds prévus pour des mesures d'adaptation de LSPA au volet du soutien du revenu. De plus, les mesures actives d'aide à l'emploi ont été mises de côté. Malgré ces changements, le budget de LSPA sera épuisé plus tôt que prévu. On prévoit maintenant que les prestations seront versées jusqu'au 31 août 1998, soit trois mois plus tard qu'on avait prévu (mai 1998), mais beaucoup plus tôt que ce qui avait été annoncé au départ (mai 1999).
7. La réaffectation des fonds réservés aux mesures d'adaptation explique en partie pourquoi la participation aux mesures d'adaptation a été beaucoup plus faible que prévue. Malgré l'arrêt presque complet de la pêche du poisson de fond, il est peu probable que de nombreux stocks de poisson de fond se rétablissent à court terme, même si des concentrations de morues saines ont été observées dans des baies de Terre-Neuve.
8. La fin de LSPA et le rétablissement incertain et inégal des stocks de poissons de fond de la côte de l'Atlantique amènent les intéressés à se poser de sérieuses questions sur l'initiative qui pourrait remplacer LSPA en 1998 et sur la politique de gestion des pêches dans la région de l'Atlantique. C'est pourquoi le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes a entrepris, dès qu'il l'a pu, une étude de la Stratégie et de la gestion des pêches dans le Canada atlantique.
9. Pendant 9 jours, du 23 novembre au 1er décembre 1997, le Comité permanent des pêches et des océans a visité 15 collectivités à Terre-Neuve et au Labrador, au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse afin de consulter directement les pêcheurs, les travailleurs d'usine, ainsi que les représentants des organisations de pêcheurs, des collectivités, des gouvernements provinciaux et des organisations non gouvernementales. Le présent rapport est une synthèse des opinions exprimées lors de ces réunions. Un large consensus se dégage sur la majorité des questions, mais sur d'autres, on a noté d'importantes divergences d'opinions qui sont souvent liées à des différences d'ordre régional. Le présent rapport tente dans toute la mesure du possible d'inclure tout l'éventail des points de vue exprimés sur les principaux thèmes abordés.
10. Dans pratiquement toutes les collectivités que le Comité a visitées, les témoins ont affirmé que c'était la première fois qu'un représentant du gouvernement fédéral - c'est-à-dire un parlementaire ou un haut fonctionnaire - s'y rendait pour les rencontrer personnellement et pour écouter leurs préoccupations. En fait, nous croyons que c'est la première fois qu'un comité de la Chambre des communes visite ainsi autant de petites collectivités de Terre-Neuve, du Canada atlantique et du Québec. Bon nombre de témoins ont exprimé leur gratitude aux membres du Comité pour être venus les voir dans leur collectivité, mais de nombreux intervenants ont également signalé qu'ils doutaient que le Comité puisse obtenir des changements importants.
11. Lors de certaines des séances, le climat était parfois chargé d'émotion et les témoins ne mâchaient pas leurs mots. Le Comité a toutefois toujours reçu un accueil chaleureux et poli. Les membres du Comité désirent donc exprimer leur plus vive gratitude aux gens et aux collectivités côtières du Canada atlantique et du Québec.
1 Sous-zones de l'OPANO, à l'est de Terre-Neuve et au sud du Labrador.