Passer au contenu

HEAL Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.



CHAPITRE 5
RESPONSABILITÉS ET RÔLES ÉVENTUELS DU GOUVERNEMENT FÉDÉRAL

Un des principaux objectifs du Comité était de comprendre quel rôle le gouvernement fédéral pourrait jouer dans l'établissement de normes nationales en matière de sécurité, de résultats et de processus pour les dons d'organes et de tissus, en plus de mieux sensibiliser et renseigner le grand public et les professionnels de la santé au sujet des dons, de la collecte et des greffes d'organes et de tissus.

Tout en clamant la nécessité d'une présence fédérale dans tout mécanisme national, les témoins souhaitaient que le ministère fédéral de la Santé joue des rôles précis. Ils reconnaissaient volontiers sa capacité, en vertu de la Loi sur les aliments et drogues, d'établir et d'appliquer des normes de sécurité et de qualité des organes et tissus, et appuyaient à cet égard les mécanismes de réglementation et d'inspection mis en place au palier fédéral pour en assurer le respect. Les témoins ont aussi loué l'aptitude de Santé Canada à lancer des campagnes nationales de sensibilisation du grand public et des professionnels de la santé. Ils ont également signalé des façons dont Santé Canada peut intervenir par ses efforts constants de promotion de la santé et de prévention auprès de groupes particuliers, et par l'appui général que le ministère apporte au système de santé. Quelques témoins ont évoqué l'appui que le Conseil de recherches médicales (CRM) apporte à la recherche biomédicale et aux travaux connexes.

Le gouvernement fédéral aurait un rôle important à jouer, par le biais de l'organisme national envisagé, à l'égard de bien des questions que suscitent les dons et les greffes. Le Comité entrevoit aussi, sur d'autres plans, un rôle complémentaire mais indépendant de l'administration fédérale, par le biais surtout du ministère de la Santé. En particulier, le Comité pense que le ministre de la Santé pourrait notamment prendre des mesures immédiates pour parer aux besoins examinés ci-après et faire progresser tout le domaine des dons et des greffes. Le Réseau national des transplants pourra ensuite, une fois sur pied, prendre d'autres mesures de soutien.

A. NORMES

1. Généralités

Les témoins n'ont pas contesté l'importance de la réglementation constante du sang, des tissus et des organes que réalise le Programme des produits thérapeutiques (PPT) de la Direction générale de la protection de la santé. Le Comité a pris bonne note de la réglementation actuelle sur le sang et le sperme, et entrevoit un rôle manifeste pour le gouvernement fédéral dans l'élaboration de normes de sécurité et de qualité semblables à l'égard d'autres aspects des organes et tissus.

Le Comité s'est penché de plus près sur la question des normes en matière de résultats et de procédés dans son examen de la structure nationale. Pour certains témoins cela toucherait surtout les normes professionnelles et la normalisation des installations, et relèverait donc des provinces. Tout en acceptant en grande partie cette analyse, le Comité a déjà souligné la nécessité non seulement d'assurer la sécurité mais aussi la disponibilité et la répartition équitable, et d'optimaliser les résultats désirés. L'importance attachée aux résultats découle de la nécessité de suivre de près les greffés au cas où l'issue serait défavorable. Les maladies infectieuses retiennent beaucoup l'attention, mais d'autres résultats défavorables, susceptibles de réduire la qualité de vie ou d'exiger une nouvelle greffe, pourraient faire l'objet de la surveillance assurée par Santé Canada, soit dans le cadre du PPT, soit par le biais du Laboratoire de lutte contre la maladie.

Comme il a été mentionné, le processus d'adoption de la Norme générale canadienne sur la sécurité des organes et des tissus destinés aux greffes a déjà duré plusieurs années. Devant les appels répétés en faveur de normes de sécurité nationales rigoureuses, le Comité veut obtenir confirmation que la NGC et ses normes secondaires auront bientôt force de règlement par renvoi dans la Loi sur les aliments et drogues. Le Comité est heureux d'apprendre que le PPT sera mis à contribution dans l'examen et la révision périodiques de ces normes nationales et que des rapports d'évaluation de la conformité des programmes de transplantation seront soumis au PPT dans l'année de l'adoption du règlement.

12. Le Comité recommande donc :

12.1 Que le ministre de la Santé s'assure que la Norme générale canadienne sur la sécurité des organes et des tissus destinés aux greffes et ses normes secondaires soient approuvées et deviennent exécutoires au plus tôt, de préférence dans les six mois de l'incorporation par renvoi dans le règlement adopté aux termes de la Loi sur les aliments et drogues;

12.2 Que Santé Canada produise un rapport annuel public sur l'examen des normes et toute version révisée de celles-ci.

2. Xénotransplantation

La question des normes de xénotransplantation représentait, pour le Comité, un sujet plus complexe. Saisi d'une ébauche de l'éventuelle Norme canadienne de xénotransplantation, le Comité a appris que Santé Canada n'a encore approuvé aucune xénotransplantation. Il est conscient, cependant, que la transplantation aux humains de cellules, de tissus ou d'organes d'animaux vivants est de plus en plus perçue comme une solution à la pénurie d'organes humains. Santé Canada a rappelé que, à défaut de réglementation explicite, les xénotransplants sont considérés comme des produits thérapeutiques et donc assujettis à la Loi sur les aliments et drogues. Il s'ensuit que, aux termes de la réglementation, le PPT pourrait à l'avenir approuver les demandes d'études ou d'essais cliniques sur des xénotransplants. Le Comité trouve cette procédure inquiétante.

Les témoins divergeaient d'opinion sur l'idée de poursuivre les recherches sur la xénotransplantation au Canada. La plupart de ceux qui préconisaient l'interdiction de ces travaux le faisaient pour des motifs moraux, mais d'autres ont fait valoir que le risque potentiel pour la sécurité du public, même s'il reste à prouver, est suffisant pour justifier l'interdiction totale des recherches. D'autres témoins ont fait observer que seule la recherche peut permettre de répondre aux questions qui restent au sujet de la xénotransplantation et que les avantages potentiels justifient la poursuite des travaux de recherche. La plupart des témoins reconnaissaient l'existence de risques potentiels pour la sécurité du public, mais les partisans de la poursuite des recherches estimaient qu'une expérimentation bien conçue permettrait d'aller au fond des choses et de répondre aux questions sans mettre en péril la santé de quiconque. Interrogé au sujet des directives établies pour la recherche sur la xénotransplantation, le CRM a répondu que l'Énoncé de politique des trois conseils : Éthique de la recherche avec des êtres humains lie actuellement ses chercheurs dont les travaux mettent en cause des humains et que ceux-ci doivent en outre, il faut croire, respecter les normes établies.

13. Le Comité estime que la question de la recherche sur la xénotransplantation devrait faire l'objet d'un débat public plus éclairé sous l'égide d'un organisme bien défini. Il recommande donc :

13.1 Que tous les travaux de recherche ou autres dans le domaine de la xénotransplantation soient ouverts au public et transparents;

13.2 Que Santé Canada s'emploie à informer et à consulter le grand public;

13.3 Que Santé Canada s'assure que les essais cliniques de xénogreffe ne soient réalisés qu'une fois les normes projetées de xénotransplantation devenues applicables;

13.4 que le Conseil de recherche médicale et les autres organismes subventionnaires fédéraux s'assurent que leurs chercheurs respectent toutes les normes établies.

B. DIFFUSION D'INFORMATION

La diffusion d'information sur la santé est l'un des rôles qui donne le plus de visibilité à Santé Canada. Le ministère s'y emploie par des conférences, des publications et, ces derniers temps, par des initiatives comme le Réseau canadien de la santé qui font appel à la technologie de l'information. La restructuration du Bureau de la santé et de l'inforoute de Santé Canada vont dans le sens d'une infostructure destinée à renseigner, de façon fiable et équitable, sur la santé. Le recours aux stratégies de marketing social permet au ministère de cibler, outre ceux qui influent le plus sur l'élaboration des programmes et des politiques, des segments précis de la population qui ont besoin d'information pour prendre des décisions en matière de santé. Toutes ces entreprises permettent au Comité de croire que tant le grand public que les professionnels des soins de santé pourront bientôt tirer profit de meilleures connaissances dans ce domaine.

Pour l'instant, Santé Canada diffuse de l'information au moyen d'initiatives générales et de campagnes ciblées sur divers groupes comme les enfants, les personnes âgées et les femmes. Il serait facile d'adapter ou de renforcer les efforts actuels de manière à créer des mécanismes polyvalents qui mettraient facilement à la portée du grand public et des professionnels de la santé tous les aspects des dons et des greffes. D'autre part, la présence de l'Institut de la santé autochtone, comme organisme de diffusion d'information, de perfectionnement des ressources humaines et de renseignement sur les formes de traitement, est perçue comme un moyen de centrer davantage l'attention sur les besoins en tissus et organes d'Autochtones.

14. Le Comité a déjà signalé beaucoup de domaines où un supplément d'information s'impose pour sensibiliser le public et les professionnels, et recommande :

14.1 Que Santé Canada fasse appel à ses initiatives actuelles pour mettre au point et diffuser de l'information précise en collaboration avec les nombreuses organisations qui se sont déjà données ce rôle.

C. PRÉVENTION

Quelques témoins ont rappelé que la prévention est l'un des moyens de réduire le besoin de greffes d'organes et de tissus. Plusieurs des organisations qui s'emploient à convaincre la population de faire des dons préconisent aussi une meilleure sensibilisation du public et des professionnels à la nécessité de prévenir, ou de déceler rapidement, les facteurs qui contribuent à des résultats comme l'insuffisance d'un organe. La Fondation canadienne des maladies du foie, par exemple, appuie la recherche et la sensibilisation du public sur les causes et la prévention des affections hépatiques tandis que l'Institut national canadien pour les aveugles poursuit des efforts de prévention par le biais de la Fondation E.A. Baker pour la prévention de la cécité.

Ces groupes ont insisté sur l'importance de l'appui de Santé Canada pour assurer la coordination nationale de la recherche et de la diffusion d'information en matière de prévention. Le ministère assume déjà une bonne part de responsabilité pour la création de partenariats et la surveillance continue dans des domaines comme le diabète, qui est lié aux affections rénales, cardiaques et oculaires. Il joue aussi, a-t-on appris, un rôle clé dans la diffusion d'information sur le diabète par le biais de sa Direction générale des services médicaux et des services offerts aux collectivités autochtones et inuit. L'incidence élevée du diabète chez les Autochtones laisse entrevoir la probabilité d'une multiplication des greffes rénales. Sans donner des coûts précis, le représentant du ministère a indiqué que les sommes consacrées aux efforts de prévention sont sensiblement inférieures aux frais de transplantation que le gouvernement fédéral assume dans le cadre du Programme des services de santé non assurés.

15. Le Comité juge essentiel de cibler davantage la prévention des états pathologiques qui contribuent aux défaillances d'organes et au besoin de tissus, et recommande:

15.1 Que Santé Canada se charge, au premier chef, de cerner les domaines clés où la prévention et la détection rapides réduiraient la demande d'organes ou de tissus;

15.2 Que Santé Canada crée un programme qui aurait pour mandat précis de stimuler les travaux dans ce domaine.

D. RECHERCHES

Le Comité a entendu des témoignages sur l'état de la recherche biomédicale relative aux dons et aux transplantations d'organes et de tissus au Canada. Outre la xénotransplantation, dont on a parlé souvent, d'autres sujets comme la recherche dans les domaines de l'immunosuppression, de la prévention et des technologies de pointe comme le génie tissulaire et les organes et tissus artificiels ont été abordés.

Vu la forte pénurie actuelle d'organes et de certains tissus, le Comité a la ferme conviction qu'il faudrait encourager toute recherche visant à prolonger la viabilité des organes greffés, à améliorer la qualité de vie des malades, à réduire le nombre de malades qui ont besoin de greffes et à trouver d'autres sources de tissus et d'organes. Des témoins jugeaient au contraire que le gouvernement fédéral n'appuie pas suffisamment ces travaux. Le Conseil de recherches médicales (CRM) a confié au Comité qu'il verse actuellement 1,6 million de dollars par an à 24 projets qui portent directement sur les transplantations d'organes et de tissus. Ce chiffre double à peu près lorsqu'on y englobe les organismes provinciaux et sans but lucratif. D'après les témoignages entendus, les États-Unis consacrent, par habitant, environ 30 fois plus que le Canada à la recherche sur les greffes. L'industrie pharmaceutique finance une très grande partie de ces travaux canadiens de recherche.

Le CRM nous a exposé les domaines où il finance des travaux de recherche relatifs aux organes et tissus. Outre les sept subventions liées aux greffes de moelle osseuse chez les leucémiques, il en a accordé sept à la recherche de solutions de rechange aux greffes d'organes (p. ex. les organes et tissus artificiels), quatre à la transplantation d'îlots pancréatiques chez les diabétiques, quatre aux greffes hépatiques et deux aux aspects préliminaires de la xénotransplantation. Il nous a aussi révélé que le problème de rejet de tissus est ciblé par plusieurs de ces projets. Les travaux de recherche dans ce domaine gravitent autour de la création des Instituts canadiens de recherche en santé (ICRS) qui comprendraient, a-t-on informé le Comité, un Institut de recherches sur l'immunologie et la transplantation.

16. Le Comité recommande :

16.1 De débloquer d'autres crédits fédéraux pour la recherche sur les transplantations;

16.2 Que ces travaux couvrent une gamme plus grande de questions de santé publiques : questions biomédicales, aspects sociaux, prévention, issues des pratiques, etc.

E. APPORT D'AIDE AU SYSTÈME DE SANTÉ

Le Comité est bien conscient que les provinces ont toute latitude pour ce qui est des services de santé précis assurés par les hôpitaux et les médecins. À l'égard des greffes, il appartient aux administrations provinciales de s'occuper des listes d'attente, des services de soins intensifs et d'urgence, et du diagnostic. Plusieurs témoins ont cependant réclamé des fonds pour appuyer les initiatives hospitalières en matière de collecte et de transplantation d'organes. Le Comité entrevoit effectivement des possibilités de financement de projets pilotes liés aux soins primaires et la prestation de services intégrés par le biais du Fonds pour l'adaptation des services de santé. On lui a signalé, par exemple, plusieurs projets pilotes novateurs qui recueillent de l'information sur les communications que les médecins ou infirmiers/infirmières établissent avec les familles, et sur le rôle des coordinateurs chargés d'accroître la collecte d'organes et de tissus.

Le Comité considère que l'engagement renouvelé par plusieurs provinces aux principes de la Loi canadienne sur la santé dans Union sociale va dans le sens des efforts de suivi et de mesure de l'issue chez les greffés. Le partenariat national du Comité de coordination de la facturation réciproque, présidé par Santé Canada, donne l'exemple d'une façon d'assurer la transférabilité entre provinces par des ententes sur le coût des transplants. Santé Canada peut également déceler les disparités dans l'accès aux transplantations nécessaires et imposer des amendes en cas de contravention aux principes nationaux, de dépassements d'honoraire ou d'imposition de frais d'usagers. Des témoins ont évoqué, par exemple, l'accès restreint à certaines utilisations des tissus reproducteurs.

17. Le Comité recommande :

17.1 Que Santé Canada examine la possibilité d'entreprendre avec les provinces et les territoires, des projets pertinents sous l'égide du Fonds de transition;

17.2 Que Santé Canada, de concert avec l'organisme national surveille le respect de la Loi canadienne sur la santé en matière de transplantations et, au besoin, permette la création d'un mécanisme fédéral-provincial-territorial pour s'occuper des sujets d'inquiétude.

F. TRANSITION

Le Comité est d'avis qu'il faut intervenir immédiatement. Il exhorte les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux d'examiner dès que possible les questions urgentes d'inadéquation entre les nombres de donneurs et de greffes requises. Le Comité reconnaît qu'il est impossible de créer immédiatement un organisme national pleinement fonctionnel. Le Comité de coordination national pour le don et la distribution d'organes et de tissus (CCN) a indiqué au Comité que, dans son travail pour le Comité consultatif F-P-T des services de santé, il se concentre actuellement sur quatre grandes questions nationales : les normes d'accréditation, les algorithmes de distribution, le système de suivi de la distribution et l'accès aux transplants.

Selon le Comité, le CCN devrait, durant la courte période de transition vers un organisme national permanent, jouer un rôle consultatif de surveillance pour faire progresser le dossier. Avec les services de secrétariat et autres du personnel désigné de Santé Canada, le CCN devrait s'assurer que le travail préparatoire de coordination à l'appui de l'organisme national débute immédiatement. Cette nouvelle responsabilité du CCN ne vise pas à remplacer ou à dédoubler le travail en cours, ni à y nuire. De plus, le Comité n'entend pas ajouter à la charge de travail des membres du CCN qui y consacrent bénévolement temps et compétences.

18. Par conséquent, le Comité recommande :

18.1 Que, tout en poursuivant ses efforts pour mettre sur pied un organisme national, le ministre fédéral de la Santé cherche immédiatement à obtenir l'appui du Comité de coordination national pour le don et la distribution d'organes et de tissus, et lui affecte une petite équipe d'employés de Santé Canada pour débuter les travaux.

18.2 Que le Comité de coordination national pour le don et la distribution d'organes et de tissus fasse rapport de la situation au Comité permanent de la santé de la Chambre des communes dans les six mois.