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JURI Rapport du Comité

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CHAPITRE 7 : RÉFORME SYSTÉMIQUE ET
AUTRES QUESTIONS

INTRODUCTION

Le Comité, en plus de recommandations concernant les infractions de conduite avec facultés affaiblies, a entendu de nombreuses propositions de changements quant à la façon de mener les poursuites à l'égard de ces infractions. Deux de ces suggestions sont présentées ci-après.

Des recommandations ont également été formulées touchant des questions qui ne relèvent pas directement du Code criminel et qui ne sont donc pas entièrement de compétence fédérale. Cependant, comme elles visent l'efficacité des programmes actuels ainsi que des initiatives à venir, les suggestions concernant la recherche, l'information du public et la coopération intergouvernementale sont abordées dans la dernière partie du présent chapitre.

LA COMPÉTENCE DES COURS PROVINCIALES

L'Association canadienne des policiers (ACP) et les Mères contre l'alcool au volant ont recommandé de modifier le Code criminel de façon à ce que les infractions prévues à l'article 253 (capacités de conduite affaiblies et « plus de 80 mg ») et au paragraphe 254(5) (refus de fournir un échantillon) relèvent toutes complètement de la compétence d'un juge de cour provinciale. Selon l'ACP, une telle mesure éliminerait « les auditions préliminaires inutiles et les causes [seraient] entendues plus rapidement, sans que le droit de quiconque à un juste procès ne soit compromis1 ». La Saskatchewan Government Insurance et la Insurance Corporation of British Columbia (ICBC) appuient toutes les deux l'élimination des auditions préliminaires, mais l'ICBC estime que l'accusé devrait conserver le droit de choisir d'être jugé par un juge ou un jury.

Par ailleurs, les gouvernements de l'Ontario et du Manitoba préfèrent la souplesse actuelle, qui permet au procureur de la Couronne d'opter pour la procédure sommaire ou pour la mise en accusation. L'Association du Barreau canadien et le Barreau du Québec sont également d'avis qu'une modification à ce chapitre serait inutile puisque la majorité des causes sont déjà jugées par une cour provinciale.

Puisque le Code criminel offre une souplesse aux deux parties et qu'il semble que la grande majorité des causes soient déjà traduites devant les cours provinciales, le Comité ne voit aucune raison pour que les infractions de conduite avec facultés affaiblies relèvent entièrement de la compétence des cours provinciales.

AVISER LE PROCUREUR DE LA COURONNE

D'après Sharleen Verhulst, l'avocat de la défense devrait être tenu d'informer la Couronne, avant le procès, de toute erreur dans les écritures que pourrait invoquer l'accusé pour se défendre. Elle cite en exemple des erreurs mineures dans les documents, comme le certificat d'analyse, qui pourraient entraîner un acquittement.

Quand des échantillons d'haleine ou de sang sont prélevés et analysés en conformité avec les exigences de l'article 258 du Code criminel, les résultats sont ensuite admissibles comme preuve de l'alcoolémie de l'accusé au moment de l'infraction présumée. Puisque l'introduction d'un certificat comme preuve permet à la Couronne de prouver l'élément le plus important de l'infraction « proprement dite » (plus de 80 mg), il n'est pas étonnant que les tribunaux exigent un degré élevé de précision et d'exactitude dans ces documents. Quand il y a erreur d'écritures, il convient tout à fait de laisser toute discrétion au tribunal pour déterminer l'admissibilité de la preuve, en tenant compte des règles de la preuve prévues par la loi et la common law. Étant donné que de telles décisions sont nécessairement prises au cas par cas, le Comité n'est pas convaincu qu'il soit utile ou nécessaire d'exiger que les procureurs de la Couronne soient informés à l'avance de telles situations.

SENSIBILISATION ET INFORMATION DU PUBLIC

Selon la Fondation de recherches sur les blessures de la route (FRBR), il faudra, afin d'intensifier le pouvoir dissuasif des dispositions législatives existantes et des modifications qui y ont été apportées, « déployer des efforts afin de sensibiliser davantage le public aux lois et aux conséquences graves d'une condamnation pour conduite en état d'ébriété2 ». Pour appuyer cet argument, la FRBR cite un sondage d'opinions de 1992 qui a révélé que « seulement la moitié des Canadiens croyaient que les contrevenants étaient passibles d'une suspension de permis pour une première infraction », alors qu'en réalité, les modifications de 1985 au Code criminel avaient introduit une interdiction de conduite obligatoire de trois mois. De la même façon, moins de la moitié des Canadiens savaient qu'une amende est obligatoirement imposée lors d'une première condamnation. En outre, la FRBR a constaté que rares sont les Canadiens « qui connaissent l'existence de limites de TA [ou taux d'alcoolémie] inférieures dans certains codes de la route provinciaux3 ».

Le Comité estime que les sanctions peuvent difficilement avoir un effet dissuasif si la plupart des Canadiens ne sont pas au courant de leur existence. C'est pourquoi il exhorte tous les paliers de gouvernement à intensifier leurs efforts pour sensibiliser et informer le public au sujet des mesures particulières qu'ils prennent pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies.

RECOMMANDATION 14

Le Comité recommande que les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux intensifient leurs efforts pour informer les Canadiens de toutes les mesures prises pour lutter contre la conduite avec facultés affaiblies.

UNE MEILLEURE COOPÉRATION FÉDÉRALE-PROVINCIALE-TERRITORIALE

Le chapitre 1 du présent rapport porte sur les complications qui découlent du fait que le Parlement partage avec les provinces et les territoires la compétence législative pour les questions touchant la conduite en état d'ébriété. L'Association canadienne des policiers et le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes invitent tous deux les gouvernements fédéral et provinciaux à travailler ensemble pour élaborer une stratégie nationale de lutte contre la conduite avec facultés affaiblies.

Le Comité estime qu'il incombe au Parlement, au gouvernement du Canada et aux gouvernements et aux assemblées législatives des provinces et des territoires de coordonner leurs efforts afin d'obtenir des résultats à ce chapitre. Des ressources ont déjà été affectées à cette fin. Par exemple, le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé (CCATM) est composé de représentants des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Étant chargé de réduire le pourcentage des mortalités routières attribuables à la conduite en état d'ébriété, le CCATM a établi la Stratégie de réduction de la conduite avec facultés affaiblies (SRCFA/STRID), une initiative conjointe regroupant les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ainsi que d'autres organismes afin « de mettre au point une infrastructure et des approches concertées pour résoudre le problème de la conduite avec facultés affaiblies4 ». S'inspirant de l'expérience de diverses compétences, le CCATM examine les diverses initiatives législatives et administratives, en fait rapport et recommande des mesures de lutte contre ce problème.

Le Comité loue les efforts du CCATM et presse tous les niveaux de gouvernement de continuer à coordonner leurs efforts. Cependant, il constate que les représentants du ministère des Transports de l'Ontario ont parlé de l'incidence des causes en matière de conduite en état d'ébriété sur les ressources judiciaires, pour préciser qu'il faudrait étudier plus à fond les dispositions pertinentes du Code criminel afin de déterminer où il serait possible de rationaliser5. Il suggère à cette fin qu'un comité de travail fédéral, provincial et territorial réunissant des juristes soit formé pour mener la tâche à bien. Le Comité estime que la répression et les poursuites en matière de conduite avec facultés affaiblies sont des questions suffisamment importantes et complexes pour mériter l'examen par un tel groupe. En outre, nous sommes persuadés qu'il faudra un degré élevé de coopération entre les divers paliers de gouvernement pour faire avancer la campagne contre la conduite en état d'ébriété.

RECOMMANDATION 15

Le Comité recommande qu'un groupe de travail fédéral, provincial et territorial composé de juristes soit formé pour examiner la répression et les poursuites en matière de conduite avec facultés affaiblies et pour déterminer s'il est nécessaire ou souhaitable d'apporter au Code criminel d'autres modifications que celles proposées dans le présent rapport.

LES BESOINS EN MATIÈRE DE RECHERCHE

Tout au long de son examen, le Comité a à maintes reprises été saisi de l'importance de données empiriques sur la conduite avec facultés affaiblies et des effets mesurés de toute mesure administrative ou législative prise pour remédier à ce problème. Par exemple, les Mères contre l'alcool au volant recommandent que des études exhaustives soient effectuées afin d'évaluer l'efficacité de la loi dans la lutte contre la conduite en état d'ivresse et les décès, les blessures et les coûts sociaux qu'elle cause6. Des organismes comme la Fondation de recherches sur les blessures de la route et la Fondation de la recherche sur la toxicomanie, pour ne nommer que ces deux-là, effectuent d'importantes recherches sur cette question, souvent avec un appui financier de la part de ministères et d'organismes de divers paliers de gouvernement. Cependant, le Comité estime que le gouvernement fédéral doit continuer d'appuyer les efforts déployés pour déterminer les mesures efficaces de lutte contre la conduite en état d'ébriété en y affectant les ressources supplémentaires nécessaires. En outre, il semble indiqué de recueillir des données supplémentaires au niveau national, ce qui exigera la collaboration des ministres provinciaux et territoriaux responsables de l'administration des tribunaux. En effet, le Comité a notamment constaté au cours de l'examen une absence de données statistiques accessibles et complètes sur les peines imposées aux conducteurs pris en faute. De tels renseignements pourraient s'avérer fort utiles aux fins de l'examen parlementaire proposé dans la dix-septième et dernière recommandation du présent rapport.

RECOMMANDATION 16

Le Comité recommande que la ministre de la Justice examine la disponibilité générale d'information concernant la conduite en état d'ébriété au Canada et consacre des ressources supplémentaires à la préparation d'études et de politiques plus complètes, de concert avec les provinces et les territoires.

EXAMEN PARLEMENTAIRE

La dernière grande refonte des dispositions du Code criminel sur la conduite avec facultés affaiblies a eu lieu en 1985. Bien qu'il y ait eu plusieurs modifications mineures dans l'intervalle, le Comité souligne que le Parlement n'a pas, depuis, effectué d'examen exhaustif de la législation. Étant donné l'énorme incidence de la conduite en état d'ivresse sur la société canadienne et le rythme de la réforme législative qu'ont adopté d'autres administrations, le Comité est d'avis que des examens systématiques et opportuns s'imposent, afin que le Parlement puisse évaluer l'impact des mesures antérieures et soupeser les avantages possibles de nouvelles propositions.

RECOMMANDATION 17

Le Comité recommande que, cinq ans après le dépôt du présent rapport, la Chambre des communes se penche sur l'application des dispositions du Code criminel sur la conduite avec facultés affaiblies.


1 Mémoire au Comité, p. 11. L'ACP admet qu'il faudrait réduire la peine maximale à cinq ans moins un jour, afin d'assurer la conformité avec l'alinéa 11f) de la Charte.

2 Mémoire au Comité, p. 5.

3 Ibid.

4 Mémoire au Comité, p. 2.

5 Donna Connelly Miller, ministère des Transports de l'Ontario, procès-verbal du 17 février 1999, 1600.

6 Mémoire au Comité, p. 20.