JURI Rapport du Comité
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CHAPITRE 5 : SANCTIONS
Au cours de son examen, le Comité a constaté qu'une grande partie des recommandations formulées visent à accroître les différentes sanctions actuellement en vigueur à l'égard de pratiquement toutes les infractions liées à la conduite avec facultés affaiblies. Dans le présent chapitre, nous passerons en revue les amendes, les peines d'emprisonnement et les ordonnances d'interdiction de conduire actuellement prévues dans le cas d'une première ou d'une deuxième infraction, ou des infractions subséquentes, ainsi que dans le cas des infractions plus graves causant des lésions corporelles ou la mort. La viabilité des sanctions progressives sera également abordée, de même que les recommandations visant l'ajout de nouvelles sanctions dans le Code criminel. Enfin, les sanctions imposées à l'égard de certaines autres infractions prévues au Code criminel seront discutées, dans la mesure où elles peuvent avoir une incidence sur les poursuites intentées relativement aux infractions de conduite avec facultés affaiblies.
AMENDES MINIMALES OBLIGATOIRES
Le Manitoba et la Nouvelle-Écosse trouvent insuffisante l'amende minimale de 300 $ pour une première infraction. Ce point de vue est partagé par l'Association canadienne des policiers et par la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances et les Services policiers de Winnipeg. Parce que son entrée en vigueur date de 1985, il se peut en effet que l'amende actuelle ne suffise plus à dénoncer avec la vigueur voulue le comportement des conducteurs en état d'ébriété. Le Comité est de cet avis, d'autant plus que, comme l'a souligné le ministère de la Justice de la Nouvelle-Écosse, les amendes prévues à l'égard de certaines infractions au code de la route dépassent maintenant le minimum de 300 $. Même si les membres sont conscients du fardeau financier qu'une majoration des amendes risque d'imposer aux contrevenants et à leurs personnes à charge, ils font valoir qu'il existe dans le Code criminel des dispositions qui permettent de s'acquitter des amendes par l'intermédiaire de programmes de substitution établis par le lieutenant gouverneur en conseil concerné.
Parce que le mandat du Comité dans le cadre de la présente étude consiste notamment à faire en sorte que les peines soient à la mesure du sérieux de l'infraction, une majorité de membres du Comité conviennent que l'amende minimale obligatoire pour une première infraction devrait être accrue précisément pour cette raison.
RECOMMANDATION 2
Le Comité recommande que le sous-alinéa 255(1)a)(i) du Code criminel soit modifié pour faire passer à 600 $ l'amende minimale obligatoire pour une première infraction.
INTERDICTIONS DE CONDUIRE OBLIGATOIRES EN VERTU DU CODE CRIMINEL
À la suite d'une condamnation pour une infraction prévue aux articles 253a) (facultés affaiblies), 253b) (alcoolémie de plus de 80 mg) ou au paragraphe 254(5) (refus de fournir un échantillon), le paragraphe 259(1) du Code criminel exige que le juge qui prononce la peine impose une ordonnance d'interdiction obligatoire minimale. Pour une première infraction, le contrevenant se verra interdire de conduire un véhicule à moteur pendant au moins trois mois. Les périodes minimales d'interdiction pour une deuxième infraction et pour chaque infraction subséquente sont respectivement de six mois et un an. La période d'interdiction maximale prévue dans le cas d'une condamnation pour conduite avec facultés affaiblies, lorsqu'il n'y a pas de blessés ni de morts, est de trois ans. Toutefois, la plupart des provinces et territoires ont augmenté cette peine et l'ont assortie de périodes prolongées de révocation du permis de conduire chaque fois qu'il y a condamnation en vertu du Code criminel. En date d'octobre 1997, toutes les provinces, à l'exception du Nouveau-Brunswick, imposaient une suspension fixe d'au moins un an pour une première infraction, la durée de la suspension allant en s'accroissant pour une deuxième infraction et pour chaque infraction subséquente1.
Le Comité craint malgré tout que ces suspensions n'empêchent pas nécessairement un contrevenant de prendre le volant dans d'autres provinces ou territoires canadiens une fois qu'aura pris fin l'interdiction dont ils font l'objet en vertu du Code criminel. Même si le Manitoba et l'Ontario ne sont pas favorables à l'imposition d'interdiction de conduire à vie, le Comité note que l'Association du Barreau canadien appuie l'idée d'accorder aux juges la marge de manoeuvre nécessaire pour imposer des interdictions de conduire de plus de trois ans aux récidivistes. L'Association canadienne des policiers et le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes réclament eux aussi des modifications au Code criminel pour permettre l'imposition d'interdictions d'une durée illimitée à l'égard des multirécidivistes. Le Comité partage les préoccupations exprimées par la Fondation de recherches sur les blessures de la route (FRBR) et d'autres intervenants concernant la nécessité d'adopter des mesures d'intervention et de dissuasion plus efficaces à l'égard des buveurs invétérés.
C'est pourquoi les membres du Comité sont majoritairement en faveur d'une augmentation globale des périodes d'interdiction prévues au paragraphe 259(1) et n'excluent pas non plus la possibilité d'imposer une interdiction à vie après une troisième infraction ou une infraction subséquente. Toutefois, dans les juridictions appliquant des programmes d'antidémarrage alcoométrique, le Comité croit que les tribunaux devraient pouvoir substituer ce genre de programmes à une partie de la période d'interdiction minimale obligatoire d'un délinquant primaire.
RECOMMANDATION 3
Le Comité recommande que l'alinéa 259(1)a) soit modifié de façon à prévoir une ordonnance d'interdiction de conduire d'au plus trois ans et d'au moins un an pour une première infraction, ou une interdiction d'au moins trois mois lorsque le reste de la période d'interdiction est remplacé par l'application d'un programme d'antidémarrage alcoométrique.
Le Comité recommande en outre que les alinéas 259(1)b) et c) soient modifiés de façon à prévoir une ordonnance d'interdiction de conduire d'au plus cinq ans et d'au moins deux ans pour une deuxième infraction, et d'au moins trois ans pour toute infraction subséquente.
Pour leur part, les députés du Bloc Québécois se réjouissent que le Comité ait retenu la possibilité d'imposer des sanctions alternatives (antidémarrage alcoométrique) pour les contrevenants lors d'une première infraction, et ce, dans les provinces où le programme est disponible. Le Bloc Québécois croit toutefois que ce principe devrait également s'appliquer pour les récidivistes.
Le Bloc Québécois a été sensible au fait que de longues sanctions d'interdiction de conduire amènent souvent les contrevenants à conduire malgré l'interdiction. C'est pourquoi les députés bloquistes croient que des sanctions alternatives comme l'antidémarrage alcoométrique sont efficaces pour modifier le comportement des contrevenants, favoriser leur réhabilitation tout en assurant la sécurité de la population. Les députés du Bloc Québécois craignent que des sanctions minimales plus longues s'avèrent, en pratique, inefficaces et ne réduisent pas le nombre d'accidents et d'infractions.
A. Conduite avec facultés affaiblies
L'Association canadienne des policiers soutient que la peine minimale obligatoire applicable en cas de condamnation pour conduite avec facultés affaiblies devrait passer de 14 à 90 jours d'emprisonnement, dans le cas d'une deuxième infraction, et de 30 jours à 4 mois d'emprisonnement pour toute infraction subséquente.
Dans l'hypothèse où les recommandations 2 et 3 susmentionnées seront mises en oeuvre, le Comité ne voit pas la nécessité pour l'instant d'accroître les périodes minimales d'emprisonnement pour les infractions prévues aux articles 253 et 254.
B. Peine maximale pour une déclaration de culpabilité par procédure sommaire
Le gouvernement du Manitoba ainsi que la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances et les Services policiers de Winnipeg recommandent eux aussi de faire passer de 6 à 18 mois la peine maximale d'emprisonnement prévue lorsqu'il y a déclaration de culpabilité par procédure sommaire pour conduite avec facultés affaiblies.
Le Comité n'est pas prêt pour l'instant à recommander que l'on augmente la peine maximale applicable en cas de déclaration de culpabilité par procédure sommaire, étant donné que les tribunaux ont la possibilité d'imposer une peine d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à cinq ans pour les infractions plus graves, si la Couronne choisit de procéder par voie de mise en accusation.
C. Conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles ou la mort
Les participants au processus d'examen du Comité sont largement favorables à l'imposition de sanctions plus sévères pour les infractions de conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles ou la mort. Ainsi, l'Association canadienne des policiers et le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes soutiennent qu'il devrait y avoir une période minimale obligatoire d'emprisonnement dans l'un et l'autre cas, si le contrevenant a déjà été condamné pour conduite avec facultés affaiblies ou a refusé de fournir un échantillon d'haleine. De plus, le gouvernement du Manitoba ainsi que la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances et les Services policiers de Winnipeg réclament instamment que la sanction maximale applicable en cas de conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles passe de 10 à 14 ans d'emprisonnement pour être compatible avec la sanction maximale imposée aux auteurs de voies de fait graves. De même, ils estiment que la sanction maximale prévue pour la conduite avec facultés affaiblies causant la mort devrait être augmentée pour passer de 14 ans d'emprisonnement à l'emprisonnement à perpétuité, pour être plus conforme à la sanction maximale prévue dans les cas d'homicide involontaire coupable.
En ce qui a trait aux sanctions prévues pour conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles ou la mort, le Comité est conscient que ces dispositions visent à intervenir efficacement pour contrer les pires conséquences possibles du comportement que nous avons le mandat d'examiner. Il croit en outre que les propositions susmentionnées partent du principe que les sanctions imposées à l'égard de la conduite avec facultés affaiblies ne peuvent être considérées hors contexte et doivent concorder avec les peines prévues pour des actes différents mais tout aussi préjéduciables. Les raisons pour cela sont de deux ordres. D'abord, les principes de détermination de la peine énoncés à l'article 718.2 du Code criminel prévoient que la sévérité des peines soit la même pour des actes délictueux semblables. Ensuite, le Comité ne peut faire fi du fait que l'imposition de peines plus lourdes pour certaines infractions peut avoir des conséquences imprévues au moment de décider des accusations à porter ou de négocier les plaidoyers.
Le Comité a donc examiné attentivement les propositions formulées et en est arrivé aux conclusions suivantes : étant donné que ni la négligence criminelle causant des lésions corporelles ou la mort, ni les infractions d'homicide involontaire ne sont passibles de peines d'emprisonnement minimales obligatoires, il serait malvenu pour l'instant d'imposer pareilles peines aux personnes reconnues coupables de conduite avec facultés affaiblies. Autrement, il pourrait être très tentant pour un accusé de plaider la négligence criminelle ou l'homicide involontaire. La même réserve nous incite à rejeter l'idée d'accroître la peine maximale de 10 ans imposée à l'égard de la conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles, étant donné que la peine maximale actuellement applicable en cas de négligence criminelle causant des lésions corporelles est elle aussi de 10 ans. Toutefois, étant donné que la peine maximale prévue dans les cas d'homicide involontaire coupable et de négligence criminelle causant la mort est l'emprisonnement à perpétuité, la majorité des membres du Comité sont convaincus que la peine maximale pour conduite avec facultés affaiblies causant la mort devrait être la même.
RECOMMANDATION 4
Le Comité recommande que le paragraphe 255(3) soit modifié pour permettre l'imposition d'une peine d'emprisonnement à perpétuité à la suite d'une condamnation pour conduite avec facultés affaiblies causant la mort.
RECOMMANDATION 5
Le Comité recommande que la ministre de la Justice examine les peines prévues dans le Code criminel pour conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles ou la mort et pour négligence criminelle causant des lésions corporelles ou la mort afin de déterminer si ces infractions ne devraient pas faire l'objet de peines minimales obligatoires.
SANCTIONS PROGRESSIVES BASÉES SUR LE TAUX D'ALCOOL DANS LE SANG (TAS)
Pour que la sévérité de la sanction soit proportionnelle à la gravité de l'infraction, la FRBR recommande que le Code criminel soit modifié pour prévoir un système de sanctions progressives établies en fonction du TAS. Cet organisme soutient en effet que l'imposition de sanctions progressives basées sur le TAS est justifiée à la lumière des preuves empiriques démontrant que les risques de collision sont considérablement plus élevés chez les conducteurs ayant un TAS élevé et que les risques de récidive sont également plus grands chez ces conducteurs. La recommandation de la FRBR est appuyée par un certain nombre d'organismes et de particuliers2.
Malgré l'attrait de ces arguments, le Comité partage certaines des préoccupations exprimées par d'autres participants à son processus d'examen. Par exemple, les gouvernements du Manitoba et de l'Ontario craignent que l'imposition de sanctions progressives fondées sur le TAS ne donne lieu à des contestations à propos du degré d'incapacité et ne complique ainsi les procédures judiciaires. La Saskatchewan Government Insurance soutient que l'application de sanctions progressives fondées sur le TAS pourrait accroître le fardeau administratif des forces policières et compliquer l'application des mesures prévues et l'engagement de poursuites à l'égard des infractions de conduite avec facultés affaiblies. L'Insurance Corporation of British Columbia craint que les sanctions progressives ne fassent augmenter le nombre d'accusations pour refus de fournir un échantillon d'haleine et ne multiplient ainsi le nombre de condamnations sans nécessairement débarrasser les routes des buveurs invétérés. De plus, un certain nombre de participants font valoir que les sanctions progressives basées sur le TAS sont inutiles, puisque les tribunaux considèrent déjà qu'un TAS élevé est une circonstance aggravante aux fins de la détermination de la peine3.
Même s'il est convaincu qu'un taux d'alcool dans le sang très élevé devrait ordinairement entraîner une sanction plus lourde, le Comité ne veut pas compliquer encore davantage l'enquête et la poursuite des infractions de conduite avec facultés affaiblies. C'est pourquoi nous préférerions que les tribunaux imposent automatiquement des peines plus lourdes dans les cas plus extrêmes. À cette fin, il faudrait qu'il soit explicitement mentionné dans les principes de détermination de la peine actuellement prévus à l'article 718.2 du Code criminel que l'existence de preuves démontrant une alcoolémie au moins deux fois plus élevée que la limite légale doit être considérée comme une circonstance aggravante au moment de déterminer la peine.
RECOMMANDATION 6
Le Comité recommande que le Code criminel soit modifié pour faire en sorte que les juges qui prononcent la peine considèrent comme une circonstance aggravante le fait d'avoir une alcoolémie au moins deux fois plus élevée que la limite légale.
INTERDICTION DE CONDUIRE À VIE
Cette question est abordée à la recommandation 3 visant à accorder aux tribunaux la marge de manoeuvre voulue pour ordonner une interdiction de conduire à vie après une troisième infraction.
Plusieurs participants au processus d'examen du Comité ont proposé d'étendre l'utilisation des dispositifs de verrouillage du système de démarrage. Comme il est mentionné précédemment dans le présent rapport, ces dispositifs sont actuellement utilisés en Alberta et au Québec comme condition à l'obtention d'un permis restreint pour les conducteurs sous le coup d'une suspension provinciale de leur permis. La FRBR a affirmé au Comité que les dispositifs antidémarrage avec éthylomètre renforcent non seulement le comportement de sobriété, mais permettent également « d'empêcher une tragédie en cas de rechute »4. La FRBR propose que les juges soient autorisés à ordonner l'installation d'un dispositif antidémarrage comme condition à la remise en liberté sous surveillance, ou en échange d'une réduction de la durée d'application de l'interdiction de conduire fédérale. Le Conseil sur l'usage abusif de la drogue préférerait que l'on recoure à l'antidémarreur alcoométrique « avant toute autre peine imposée par les tribunaux » pour les récidivistes ainsi que pour ceux dont le taux d'alcool dans le sang est élevé5.
Même si la recommandation 3 permettrait l'utilisation d'antidémarreurs alcoométriques pour réduire l'interdiction de conduire imposée à un délinquant primaire, le Comité est convaincu qu'un plus vaste recours à ces dispositifs pourrait encore mieux protéger le public tout en ayant un effet dissuasif certain sur les contrevenants à titre individuel. Nous croyons aussi que d'autres provinces ou territoires auraient tout intérêt à s'inspirer des programmes en vigueur au Québec et en Alberta. Même s'il est évident que l'administration d'un tel programme représente des coûts énormes, il ne fait également aucun doute que la majorité de ces coûts serait absorbée par les utilisateurs. C'est pourquoi le Comité exhorte toutes les instances provinciales et territoriales au Canada à se doter de programmes d'installation d'antidémarreurs alcoométriques, devant servir comme condition à la mise en liberté surveillée ou comme outil administratif accessible au registraire concerné.
RECOMMANDATION 7
Le Comité recommande que le paragraphe 732.1(3) du Code criminel soit modifié pour autoriser les juges qui prononcent la peine à exiger l'installation d'un antidémarreur alcoométrique comme condition à la mise en liberté surveillée, dans les provinces ou territoires où ce genre de programme existe.
ÉVALUATION OU TRAITEMENT OBLIGATOIRE
Comme l'indique le chapitre 2, plusieurs administrations exigent maintenant une évaluation ou un traitement pour alcoolisme comme condition au rétablissement du permis de conduire, une fois la période de suspension du permis terminée. Bon nombre des participants au processus d'examen du Comité sont d'avis que la peine seule n'est peut-être pas un moyen dissuasif efficace, en particulier dans le cas des contrevenants aux prises avec des problèmes de toxicomanie. Les Mères contre l'alcool au volant et l'Association canadienne des automobilistes soutiennent que le Parlement devrait exiger l'évaluation de tous les conducteurs pris en état d'ébriété et le traitement des contrevenants, lorsque la situation le justifie, dans le cadre de la peine imposée. L'Association du Barreau canadien est favorable à ce que le tribunal ordonne une évaluation dans le cas des contrevenants récidivistes et de ceux qui ont été condamnés pour des infractions plus graves de conduite avec facultés affaiblies. L'organisme estime que les juges devraient aussi avoir le pouvoir d'obliger une personne à se faire traiter lorsque la situation le justifie.
Le Comité est convaincu que le traitement est le seul moyen efficace de prévenir les récidives, en particulier dans le cas des buveurs invétérés qui semblent être les plus réfractaires au changement. Par conséquent, nous félicitons les instances provinciales ou territoriales qui ont mis en oeuvre des programmes d'évaluation et de traitement à l'intention des contrevenants aux prises avec des problèmes de consommation abusive ou de dépendance. Le Comité estime toutefois nécessaire de prendre d'autres mesures pour faire en sorte que même les contrevenants qui n'ont aucun espoir immédiat de récupérer leur permis de conduire puissent faire l'objet d'une évaluation et d'une ordonnance de traitement, sans leur consentement contrairement à ce qui est en ce moment exigé en vertu de l'alinéa 732.1(3)g). C'est pourquoi le Comité est favorable à une modification du Code criminel pour mettre ces moyens à la disposition du juge qui prononce la peine.
RECOMMANDATION 8
Le Comité recommande que le paragraphe 732.1(3) du Code criminel soit modifié pour autoriser le juge qui prononce la peine à ordonner que les personnes condamnées pour conduite avec facultés affaiblies subissent une évaluation et suivent le traitement recommandé dans leur cas, comme condition à leur mise en liberté surveillée, dans les provinces et territoires où un traitement est offert.
LIBÉRATION POUR SUIVRE UN TRAITEMENT CURATIF
Comme il est mentionné au chapitre 2 du présent rapport, les ordonnances de traitement curatif sont prévues au Code criminel depuis 1976. Le paragraphe 255(5) autorise un tribunal à absoudre un conducteur en état d'ébriété à la condition qu'il participe à un programme de traitement curatif pour régler ses problèmes d'alcool ou de drogue. L'ordonnance remplace la condamnation et ne peut être rendue que si le tribunal estime que l'intéressé a besoin d'une cure de désintoxication et que l'ordonnance en question n'ira pas à l'encontre de l'intérêt public. La disposition n'est applicable que dans les provinces ou territoires où elle a été promulguée, en l'occurrence, au Nouveau-Brunswick, au Manitoba, à l'Île-du-Prince-Édouard, en Alberta, en Saskatchewan, au Yukon et dans les Territoires du Nord-Ouest6.
Un certain nombre de participants au processus d'examen du Comité, notamment la Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances et les Services policiers de Winnipeg, l'Association canadienne des policiers et l'Insurance Corporation of British Columbia, soutiennent que cette mesure n'est pas une solution acceptable dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies. Par contre, le Barreau du Québec et le Conseil canadien des avocats de la défense sont d'avis que les ordonnances de traitement curatif devraient continuer d'être une option accessible aux tribunaux. L'Association du Barreau canadien affirme que ces ordonnances devraient être accessibles de façon uniforme dans l'ensemble des provinces et territoires.
Étant donné que la disposition relative au traitement curatif n'est en vigueur que dans les provinces et territoires qui en ont fait la demande, le Comité ne changerait rien au libellé actuel du paragraphe 255(5) du Code criminel.
SANCTIONS APPLICABLES À D'AUTRES INFRACTIONS
A. Conduite malgré une interdiction
Au cours du présent examen, le Comité s'est fait dire que les sanctions prévues à l'égard de certaines infractions au Code criminel relatives à la conduite avec facultés affaiblies devaient faire l'objet de modifications. Ainsi, l'Association canadienne des policiers et le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes soutiennent qu'il faudrait modifier le paragraphe 259(4) pour augmenter la peine maximale imposée aux conducteurs qui prennent le volant alors qu'ils sont sous le coup d'une interdiction.
Étant donné le lien souvent étroit entre ceux qui commettent cette infraction et ceux qui sont visés par une interdiction ou une suspension de permis de conduire découlant d'une condamnation pour conduite avec facultés affaiblies, le Comité estime que les tribunaux devraient avoir la marge de manoeuvre voulue pour imposer une peine plus lourde, en particulier dans le cas des récidivistes.
RECOMMANDATION 9
Le Comité recommande que le paragraphe 259(4) du Code criminel soit modifié pour hausser à cinq ans la peine maximale prévue en cas de condamnation par voie de mise en accusation.
B. Défaut d'arrêter lors d'un accident
L'article 252 considère comme une infraction le fait pour un conducteur impliqué dans un accident de ne pas s'arrêter pour fournir des détails et, au besoin, pour offrir son aide s'il y a des blessés. La peine maximale prévue pour ce genre d'infraction est de cinq ans d'emprisonnement. Le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes soutient que les sanctions infligées à ceux qui omettent de s'arrêter lors d'un accident devraient être modifiées, étant donné que la lourdeur des peines imposées aux personnes reconnues coupables de conduite avec facultés affaiblies peut en inciter certains à fuir les lieux d'un accident pour éviter de se voir imposer de telles peines. Cela peut être particulièrement vrai dans le cas d'un conducteur en état d'ébriété impliqué dans une collision avec un piéton ou un autre véhicule, compte tenu des sanctions découlant d'une condamnation pour conduite avec facultés affaiblies causant des lésions corporelles ou la mort.
Le Comité croit qu'il faudrait faire davantage pour inciter les conducteurs impliqués dans des collisions à s'arrêter et à venir en aide aux éventuels blessés, sous peine d'une sanction en rapport avec les conséquences. Étant donné que plus les lésions sont graves plus les sanctions sont sévères dans les cas de conduite avec facultés affaiblies, le Comité propose que l'article 252 soit modifié pour prévoir de semblables sanctions lorsque la collision fait des blessés ou des morts.
RECOMMANDATION 10
Le Comité recommande que le paragraphe 252(1) du Code criminel soit modifié pour permettre l'imposition d'une peine maximale d'emprisonnement de 10 ans lorsque l'accident cause des lésions corporelles, et d'une peine d'emprisonnement à perpétuité lorsque l'accident cause des décès.
Les députés du Bloc Québécois tiennent à mentionner qu'ils sont tout à fait d'accord avec l'harmonisation des sanctions pour délits de fuite et les sanctions pour conduite avec facultés affaiblies dans les cas d'accidents ayant causé des blessures ou la mort. Au Québec, plusieurs accidents avec délits de fuite sont survenus au cours des derniers mois, c'est pourquoi ce sujet a été au coeur des préoccupations du Bloc Québécois durant les travaux du Comité. Toutefois, le Bloc Québécois aurait préféré que le délit de fuite et la conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort, soient accompagnés d'une peine maximale de 14 ans d'emprisonnement, beaucoup plus appropriée que l'emprisonnement à perpétuité.
1 « La conduite avec facultés affaiblies au Canada, 1996 », Juristat, Statistique Canada, catalogue no 85-002-XPF, vol. 17, no 12, p. 11.
2 L'Association canadienne des policiers, Mères contre l'alcool au volant, l'Association canadienne des automobilistes, le Conseil canadien de la sécurité, le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes et Doug Abernethy ont tous recommandé l'application de sanctions progressives subordonnées au TAS.
3 C'est le cas du ministère des Transports de l'Ontario, du Barreau du Québec et de l'Association du Barreau canadien.
4 Mémoire au Comité, p. 14.
5 Mémoire au Comité, p. 3.
6 Martin's Annual Criminal Code, 1999, p. 465.