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NDVA Rapport du Comité

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CHAPITRE IV
BLESSÉS, PENSIONNÉS ET ANCIENS COMBATTANTS

INTRODUCTION

S'il est vrai que la rémunération et le logement sont des facteurs primordiaux pour la qualité de vie des militaires et de leurs familles, rien ne saurait importer davantage pour leur moral et efficacité que le fait de pouvoir compter sur des soins de qualité, et de savoir qu'il y aura de l'aide pour les blessés, leurs familles, et les familles en deuil, en cas de blessure ou de mort dans l'exercice de leurs fonctions. Même si la plupart d'entre eux ne subiront jamais de blessures de toute leur carrière, ils tiennent à avoir la certitude qu'il y aura l'aide voulue pour eux et leurs familles, le cas échéant. Qu'ils quittent les rangs prématurément à l'issue d'une blessure grave ou au terme d'une longue carrière sans incident, ils s'attendent à recevoir un traitement digne en tant qu'anciens combattants ou retraités. Ils misent sur ces attentes et elles font partie intégrante de la carrière qu'ils envisagent lorsqu'ils se présentent volontaires.

Les Canadiens et Canadiennes qui entrent dans les forces armées le font parce qu'ils veulent servir leur pays et qu'ils sont prêts à sacrifier leur vie s'il le faut pour défendre l'intégrité du territoire et maintenir la paix internationale. Pendant les deux guerres mondiales et le conflit de la Corée, le Parlement, au nom du peuple canadien, a envoyé nos garçons et nos filles lutter aux côtés des forces alliées dans des contrées étrangères. En temps de paix, notre personnel militaire participe aux opérations de maintien de la paix des Nations Unies et de l'OTAN. Ce genre d'intervention pacifique diffère de celle que l'on attend de nos soldats dans le contexte d'une guerre totale, mais la distinction n'est pas toujours évidente, compte tenu, entre autres, d'opérations récentes comme celle de la poche de Medak. En effet, les Forces canadiennes de maintien de la paix se sont souvent trouvées dans des situations dangereuses, voire de véritables conflits, et le prix a été très onéreux. Depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale, plus d'une centaine de casques bleus Canadiens ont perdu la vie et plusieurs ont été blessés dans l'exercice de leurs fonctions. La mort du caporal James Ogilvie à la fin du mois d'août, quinzième soldat canadien à perdre la vie pendant les opérations de maintien de la paix en ex-Yougoslavie et celle du sapeur Gilles Desmarais en septembre, le seizième, illustrent les dangers toujours présents. Cependant, il y en a bien d'autres encore qui meurent ou subissent des blessures au Canada et à l'étranger au cours des exercices d'entraînement pour les opérations de maintien de la paix ou l'acquisition d'autres compétences militaires. Même si le bilan des pertes en temps de paix n'est pas comparable à celui en temps de guerre, c'est un chiffre non négligeable, surtout dans le contexte des opérations de maintien de la paix des années 1990. Au nombre des blessés, on compte ceux qui subissent les effets du syndrome de stress post-traumatique (SSPT) et d'autres types de stress, sans parler des blessures physiques. Les personnes avec des blessures psychologiques ont besoin d'autant de soins et surtout de compréhension que ceux avec des blessures physiques.

Il est donc assez troublant de constater que les Forces canadiennes ont éprouvé tant de difficultés à bien s'occuper des blessés et des familles de ceux qui sont morts ou qui ont été blessés dans l'exercice de leurs fonctions. Les déclarations faites au Comité, telles celles du major Henwood et de ceux qui ont vu la mort ou la blessure de leurs amis et camarades, dénotent le sentiment d'avoir été abandonnés, voire trahis. Les témoignages et les bulletins de nouvelles révèlent sans l'ombre d'un doute que certaines des familles affectées estiment que les Forces étaient indifférentes face à leurs préoccupations. La malhabileté et l'insensibilité des Forces dans ce contexte seraient en partie attribuables à une question de culture militaire. L'objectif premier de l'entraînement et de la discipline qui vont de paire avec le service militaire consiste à former des hommes et des femmes capables de remplir leur mission jusqu'au bout, peu importe l'intensité du feu ennemi ou le nombre de camarades tombés autour d'eux. Il en est toutefois qui auraient oublié que cet objectif n'exclut pas la compassion, et même qu'il s'agit d'un facteur tout à fait essentiel.

LA NÉCESSITÉ DE CHANGER D'ATTITUDE

En effet, la certitude de savoir que l'on s'occupera comme il faut des blessés et des leurs, et que l'on verra aux besoins des familles en deuil est un des éléments les plus favorables au maintien du moral d'une unité militaire moderne. Or, le moral au sein des Forces canadiennes ne saurait être entièrement rétabli sans d'abord restituer la confiance dans la capacité de l'organisation de bien prendre soin des blessés et d'assurer le soutien des familles des individus tués ou blessés. Cet aspect ne faisait nul doute pour les Forces qui ont entrepris leur propre enquête, sans attendre la fin des délibérations du Comité. L'importance de cette question est telle que nous ne pouvons qu'applaudir le Ministère pour l'urgence accordée à l'examen de ses politiques et procédures.

La démarche devait s'amorcer au printemps 1997, alors que le Comité commençait à se pencher sur les problématiques liées à la qualité de vie. Certaines des questions soulevées lors des premières réunions ont contribué à sensibiliser le Ministère au problème. Mais l'élément catalyseur par excellence fut une série de bulletins de nouvelles décrivant la consternation, voire la colère, des militaires blessés et des leurs devant la soi-disant indifférence du Ministère à l'égard de leur sort. Le fait d'envoyer par courrier les médailles octroyées à des personnes blessées ou décédées dans l'exercice de leurs fonctions, qu'il s'agisse d'une procédure normale ou du fruit d'un malentendu, constituait, aux yeux de nombre de leurs proches, une preuve flagrante de l'insensibilité militaire. Des préoccupations croissantes à propos de lacunes de ce genre ont incité le chef d'état-major de la Défense intérimaire à ordonner une étude sur les soins donnés aux militaires blessés et aux familles, étude qui devait conclure en septembre 1997 avec le rapport dit McLellan. Le rapport fut rendu public au début de 1998.

Dans le cadre de cette étude, l'équipe responsable a communiqué avec des militaires et des anciens blessés et leurs proches, ainsi qu'avec des familles en deuil. Nombre des études de cas qui font partie du rapport confirment l'impression que le Ministère n'avait pas conscience des difficultés auxquelles faisaient face les blessés et leurs familles. Comme pour confirmer le bien-fondé de ce sentiment, l'équipe a eu de la peine à repérer toutes les personnes blessées ces dernières années parce que les dossiers du Ministère n'étaient pas à jour. Nous avons fait notre propre idée des agissements du Ministère lors de nos visites des bases. Des effectifs blessés et leurs proches nous y ont raconté leurs problèmes, problèmes qui dans certains cas, n'ont toujours pas été réglés. À l'instar des participants à l'étude ministérielle, ces personnes ont fait part des expériences qu'elles ont vécues en témoignant devant le Comité ou en lui transmettant des mémoires, et nous leur sommes reconnaissants de leur contribution aux efforts entrepris pour changer l'attitude militaire et instituer des politiques plus convenables.

Tant au cours de l'étude ministérielle que des témoignages devant le Comité, on a clairement pu constater que l'un des problèmes majeurs auxquels sont confrontés les blessés et retraités réside dans la difficulté à obtenir de l'information pertinente à leurs situations. L'information concernant les pensions de retraite est de nature complexe et peut être difficile à obtenir même lorsque les intéressés disposent de tout leur temps pour s'y préparer avec soin. Obligés par la force des choses - blessures invalidantes - à se retirer en pleine carrière, certains se sont vus jetés du jour au lendemain dans l'univers obscur des pensions d'invalidité et des prestations de retraite. Malgré ce qu'un changement aussi brusque et soudain représentait pour eux, leurs démarches auprès du Ministère ne leur ont permis d'obtenir que des semblants d'information par-ci, par-là, de telle direction ou de tel autre organisme, et il n'y avait aucun bureau ou employé précis chargé de les aider. En fait, ils ont dû s'adresser non seulement au ministère de la Défense nationale, mais aussi à celui des Anciens combattants qui, malgré l'expérience acquise avec les anciens combattants des deux grandes guerres, avait négligé son réseau de communications avec le secteur militaire.

Le ministère de la Défense nationale a essayé de redresser la situation avant même de recevoir le rapport de l'équipe chargée de l'étude en créant, en avril 1997, le Centre d'information et de consultation sur les indemnités d'invalidité, dans l'idée de fournir un service ministériel central capable de renseigner les intéressés ou tout au moins de leur indiquer à quels bureaux s'adresser. Lorsque le rapport est paru, une des principales recommandations proposait la reconfiguration du centre, de façon à offrir un service de réponses et de conseils à guichet unique, relativement aux droits à la pension et aux préoccupations des militaires blessés, de leurs familles et des familles en deuil. Le Ministère est en voie de créer un service qui portera le nom de Centre de soutien, aux blessés, aux pensionnés, aux anciens combattants, et à leurs familles (CSBPAC). Le rapport McLellan préconisait une nouvelle organisation proactive qui comprendrait du personnel des Forces canadiennes, des ministères de la Défense nationale et des Anciens combattants. Il recommandait également l'établissement de liens avec les groupes d'anciens combattants, comme la Légion royale canadienne.

Le Comité se range entièrement à cet avis et aux recommandations connexes qui figurent dans le rapport McLellan, car il est convaincu de l'impérieuse nécessité de créer un organe central susceptible de rendre un service rapide et efficace aux divers intéressés. Il importe maintenant de passer à l'action le plus rapidement possible et de faire connaître l'existence de ce centre au personnel militaire et à leurs familles. Par conséquent, nous recommandons :

42. Que le Centre de soutien aux blessés, aux pensionnés, aux anciens combattants, et à leurs familles soit établi le plus tôt possible, qu'il soit doté des ressources nécessaires à accomplir son mandat, et que l'on informe tout le personnel militaire et leurs familles de l'existence de ces services.

La création d'un module d'information central sur les indemnités d'invalidité et autres prestations de retraite est une étape importante, certes, mais elle n'est qu'une mesure structurelle qui ne suffit pas à elle seule s'il s'agit de régler le problème jusqu'au bout. Il suffit de songer au temps qu'il a fallu attendre avant que l'on reconnaisse la nécessité de créer ce guichet unique et d'aider les familles pour constater qu'il y a un problème au niveau comportemental. Si l'on a pu cerner des lacunes au niveau des soins à mesure que les opérations de maintien de la paix produisaient de plus en plus de blessés, encore fallait-il que des procédures fussent en place. À ce que nous avons compris, les blessés n'exigent pas l'impossible, ils se contentent d'un peu d'empathie. Des mesures qui auraient dû être évidentes, tels la visite d'un officier supérieur à l'hôpital où se trouve le blessé, ou un coup de téléphone pour informer les membres de la famille de l'arrivée du blessé à telle heure sur tel vol, n'ont jamais eu lieu, ou elles se sont produites quand elles ne comptaient plus. Ces incidents dénotent un manque de leadership et nous accordons énormément d'importance aux recommandations du rapport McLellan pour ce qui est de la nécessité de fournir une formation sur les soins aux blessés dans les écoles et académies où l'on enseigne l'art du commandement et lors des cours de recyclage offerts aux chefs tous les trois ans. Dans cet esprit, nous recommandons :

43. Que les recommandations du rapport McLellan qui se rapportent à la formation des chefs dans le domaine de la prestation de soins aux blessés soient adoptées le plus tôt possible et que l'on prenne des mesures connexes pour inculquer aux chefs que savoir manifester de l'empathie est une partie intégrante de l'art du commandement. Un rapport devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

Cela dit, et toujours sur le plan du comportement vis-à-vis des blessés, il ne faudrait peut-être pas se limiter à l'attitude des chefs, mais regarder également du côté de toute la communauté militaire. Tel que le signale le rapport McLellan au paragraphe 172, rien n'a pu nuire autant aux chances de rétablissement des militaires blessés et à leur sentiment de confiance en soi, que d'avoir l'impression que leurs chefs et camarades pensent qu'ils sont « avariés » et sans valeur, militairement parlant. Les militaires sont des personnes en pleine forme physique qui sont entièrement dévouées à leur tâche, ce qui fait que toute blessure ou maladie grave les affecte doublement, car ils doivent non seulement se faire une raison de la dégradation de leurs aptitudes physiques, mais encore assimiler que leur carrière militaire a brusquement touché à sa fin. Ceci devient d'autant plus difficile lorsque l'armée qu'ils croyaient si bien servir se montre indifférente à leur sort en les reléguant à la retraite ou en se contentant de les licencier. Il faudrait, dans la mesure du possible, retenir en actif les militaires blessés qui, en dépit de certaines limitations, demeurent une ressource précieuse de par leurs compétences et expérience.

Bien entendu, il est parfois des réalités incontournables, et il n'est malheureusement pas toujours possible de permettre à certaines personnes de rester dans le service. La réduction de l'effectif des militaires dans les Forces canadiennes depuis la fin de la guerre froide empêche d'y garder tous les blessés que l'on voudrait. Lorsque les effectifs se chiffraient à 100 000, on pouvait affecter les blessés à certains postes sans trop de difficulté. Aujourd'hui, cependant, suivant les consignes du Livre blanc sur la défense de 1994, la Force régulière doit comprimer son contingent à 60 000 personnes d'ici 1999, de sorte que le moindre poste compte pour beaucoup. Conformément au principe d'universalité que prône le Ministère, tout le personnel militaire doit satisfaire des normes très exigeantes pour ce qui est de la forme physique et de la capacité d'endurance requises pour le combat, et ceux qui ne sont plus en mesure de les satisfaire sont tenus de quitter les rangs. Ce principe affecte non seulement les personnes gravement invalidées à la suite d'une blessure ou d'un accident dans le cadre d'opérations militaires, mais aussi celles qui sont atteintes d'une maladie qui les empêchera à la longue de remplir leurs obligations militaires.

Bien sûr, ceux qui doivent quitter les rangs en raison d'une blessure ou d'une maladie peuvent toujours faire carrière dans le secteur civil et y occuper des postes intéressants. Tout comme d'autres Canadiens handicapés, les anciens militaires blessés seront en proie aux préjugés de certains employeurs, ce qui fait qu'ils risquent de tarder à trouver un emploi. Heureusement, il y a d'importantes exceptions à la règle, telle la société Computing Devices of Canada, qui se fait un devoir d'engager les anciens militaires, et plus particulièrement ceux qui ont dû quitter les Forces en raison de la gravité de leurs blessures. De telles compagnies reconnaissent volontiers que les militaires blessés possèdent de l'expérience et une série de compétences qui peuvent être mises à profit dans le secteur privé. Un autre exemple est le Corps canadien des commissionnaires dont le mandat consiste déjà à engager les anciens militaires. Ce mandat pourrait être étendu à l'ouverture de nouvelles perspectives d'emploi pour les blessés, entre autres, dans le cadre de son projet d'expansion et de diversification des services qui seront offerts aux sociétés privées aussi bien qu'aux organismes publics. Un militaire blessé, qui doit tout d'un coup songer à changer de profession, serait soulagé d'apprendre que l'on dispose d'une liste de sociétés qui s'intéressent aux compétences et à l'expérience qu'il aurait à offrir, et qu'il suffit de les contacter. Cela l'aiderait sans doute à un prompt rétablissement. Ainsi, tout en renforçant les liens avec les sociétés qui reconnaissent déjà l'importance d'offrir des emplois aux blessés, le Ministère devrait chercher à sensibiliser davantage de compagnies au sort de ces hommes et femmes, et, lorsqu'elles sont en quête de nouveaux talents, il devrait les encourager à songer aux compétences et à l'expérience que les anciens militaires sont en mesure de leur apporter. C'est pourquoi nous recommandons :

44. Que l'on procède à la mise au point de programmes visant à sensibiliser les sociétés privées et les organismes publics à l'expérience et aux compétences que les personnes ayant quitté les rangs sont en mesure d'offrir, et à les aider à engager des militaires qui ont été obligés de renoncer à leur carrière prématurément aux suites d'une blessure grave ou d'une maladie.

Ces programmes doivent aider tout particulièrement les personnes qui sont dans la vingtaine ou la trentaine et qui doivent pourvoir aux besoins de leurs jeunes familles en dépit d'une blessure invalidante qui leur interdit de poursuivre la carrière de leur choix. Il s'agirait en définitive d'aider ces jeunes personnes à trouver un emploi aussitôt que possible afin de leur éviter toute pénurie financière. Cela dit, le ministère de la Défense nationale ne doit pas miser exclusivement là-dessus pour ce qui est d'aider les blessés à trouver un emploi. Il doit également se soucier de préparer ces personnes pour un nouveau travail et le retour à la vie civile, et ce avant qu'elles ne quittent les Forces. En ce moment, ces cours de réadaptation ne peuvent commencer qu'après leur départ, mais on aurait tout intérêt à amorcer l'apprentissage dès que l'intéressé se sent suffisamment rétabli pour suivre des cours. Dans le contexte actuel, nombre de personnes demeurent pendant des mois dans les Forces à la suite d'une blessure en attendant que l'on vienne à bout d'interminables formalités de licenciement. Or, la logique nous fait présumer que ce temps perdu pourrait être mis à profit pour leur réadaptation à la vie civile, sans attendre leur départ. Par conséquent, nous recommandons :

45. Que les cours de réadaptation, à leur choix, à l'intention des blessés appartenant aux Forces canadiennes commencent au plus tard six mois avant leur licenciement.

FOURNIR DES SOINS ET DE L'INFORMATION

Outre des cours de réadaptation à la vie civile, les Forces offrent toute une série de programmes à l'intention des blessés et autres effectifs qui quittent les rangs. Ce n'est pas pour autant qu'elles peuvent se permettre de leur tourner le dos, et il leur incombe d'aider les anciens militaires à se remettre de leurs blessures, qu'elles soient directement ou indirectement liées au service. Par exemple, la question la plus contrariante qui nous a été soumise au cours de notre étude était celle de la situation d'un contingent de membres devenus gravement malades à l'issue de leur participation aux opérations du golfe Persique lors du conflit de 1990-1991. Au Canada comme ailleurs, on parle du syndrome de la guerre du Golfe pour décrire les maladies qui affligent ces personnes, même si l'usage de ce terme fait l'objet d'un interminable débat qui s'articule autour des causes et des effets de ces maladies. Il demeure que lors de nos réunions publiques et de la présentation de mémoires, nombre d'anciens combattants de la guerre du Golfe nous ont décrit les graves problèmes de santé qui les affectent depuis. Ces personnes sont prises au beau milieu de la controverse sur la pathologie de ces maladies que certains experts associent à l'exposition aux agents utilisés pour la guerre chimique ou à certains types de vaccins, alors que d'autres contestent ces hypothèses. Des médecins et autres spécialistes des États-Unis, du Royaume-Uni et du Canada continuent à étudier les problèmes de santé du personnel militaire qui a participé à la guerre du Golfe. Un rapport d'un comité du Sénat américain et une étude des Centres for Disease Control and Prevention d'Atlanta sont récemment parus à ce sujet. Bien qu'il s'agisse des toutes dernières études sur la question, les conclusions sont loin d'avoir mis fin au débat.

Ce qui importe c'est que nombre de personnes souffrent de graves problèmes de santé à l'issue de leur participation à la guerre du Golfe et qu'elles doivent, elles et leurs familles, faire face aux problèmes financiers attribuables à la fin aussi soudaine qu'inattendue de leur carrière militaire. Au stade où en sont les choses, le Comité ne se sent pas en mesure d'ajouter quelque chose de concret au débat sur les causes des maladies assimilables au syndrome de la guerre du Golfe. Néanmoins, nous nous inquiétons du sort de nombreux anciens militaires qui en sont atteints, surtout parce qu'ils ont de la difficulté à obtenir de l'aide. Nos visites dans les bases nous ont appris que beaucoup d'entre eux se sentaient totalement abandonnés, seuls aux prises avec cet univers complexe qu'est celui des pensions d'invalidité. Ces personnes finissaient par s'adresser à la Légion royale canadienne et à d'autres groupes qui n'ont rien négligé pour tenter de démêler les interminables obstacles administratifs et les aider à obtenir le soutien et les soins qu'il leur fallait. Rien ne saurait mieux illustrer les lacunes des ministères de la Défense nationale et des Anciens combattants pour ce qui est du manque de détermination et d'empathie à l'endroit des besoins et problèmes des blessés, que l'exemple de ces individus qui ont participé à la guerre du Golfe et qui souffrent de graves problèmes de santé. Nos recommandations, conjuguées aux mesures déjà adoptées par les ministères devraient, espérons-le, améliorer de beaucoup les pratiques courantes vis-à-vis des blessés. Soulignons néanmoins que les personnes affectées à la suite de leur participation à la guerre du Golfe ont besoin d'une aide supplémentaire dans le contexte des démarches en vue d'obtenir leur pension d'invalidité et des informations. Les ministères de la Défense nationale et des Anciens combattants ont déjà entrepris une série d'études sur la question et ils ont reconnu la nécessité de créer un organe central qui fournirait de l'information et de l'aide. Le Comité estime toutefois qu'il faudrait accorder une priorité encore plus marquée à la création de cet organe centralisé et ciblé. Par conséquent, nous recommandons :

46. Que les ministères de la Défense nationale et des Anciens combattants établissent un guichet unique auquel les personnes atteintes de maladies chroniques graves depuis leur participation à la guerre du Golfe, puissent facilement s'adresser pour toute consultation en matière d'aide, de recherches et d'information.

Quels que soient les motifs des problèmes qui affligent les personnes qui ont participé à la guerre du Golfe, c'est un fait que, tout au long de leur carrière, nos militaires s'exposent inévitablement à toute une série de situations qui peuvent aboutir à des blessures ou à des maladies. Il leur arrive de prêter leurs services dans des pays où les normes sanitaires sont loin d'être à la hauteur des nôtres, et les problèmes ont tendance à s'aggraver à la suite de conflits. Certains nous ont fait part de leurs craintes vis-à-vis des effets des substances toxiques auxquelles ils s'exposent dans l'exercice de leurs fonctions dans des zones de conflit. Les séquelles ne se font sentir que bien des années plus tard, et on est tenu de documenter les faits dans tous les détails si l'on veut accélérer le processus d'indemnité et obtenir les soins adéquats. Compte tenu de la diversité des substances chimiques en question, il faudrait instituer des procédures exigeant que la nature de la substance reconnue toxique soit consignée dans chaque cas. Par conséquent, nous recommandons :

47. Que l'on formule des lignes directrices exigeant la documentation adéquate de toute opération militaire où le personnel serait exposé à des substances toxiques reconnues.

Il est souvent difficile de détecter les effets des substances toxiques et il peut être laborieux d'établir le lien entre un incident lointain et la maladie actuelle. Il n'est pas moins difficile de diagnostiquer les effets du stress sur le bien-être physique et psychologique d'une personne. Ce n'est pas tout le monde qui comprendra que son comportement au bout des années remonte à un incident vécu lors d'une opération militaire. Il arrive aussi que la personne elle-même ait du mal à découvrir la racine du problème, et à l'assimiler. En attendant, elle est blessée, et il lui faut du temps et des soins pour se rétablir, tout comme s'il s'était agi d'une blessure physique. Les rapports difficiles que les forces armées, canadiennes et autres, ont entretenus avec le personnel atteint des effets du syndrome de stress post-traumatique (SSPT) ou d'autres types de stress, sont amplement documentés. Heureusement, il ne s'agit plus de les accuser de lâches ou de déserteurs et de les placer devant un peloton d'exécution, comme l'on faisait encore au début de ce siècle, mais on est toujours loin de comprendre et d'accepter les effets du stress post-traumatique ou autre. Malgré les nombreux efforts que les Forces canadiennes consentent depuis les dernières années pour aider ses membres à surmonter ces effets, il nous semble qu'il faudrait réaffirmer l'importance des divers programmes qui s'inscrivent dans cette initiative. Il convient également d'insister sur la démarche de sensibilisation qui vise à montrer aux gens la manière d'agir et de réagir dans leurs échanges avec les personnes affectées.

Les Forces canadiennes ont acquis beaucoup de savoir-faire pour ce qui est d'aider les casques bleus à surmonter les effets du SSPT. Elles sont même en mesure d'aider le personnel de la GRC et d'autres services de police civile qui ont participé à nombre d'opérations de maintien de la paix ces dernières années. Bien entendu, il y a toujours lieu de se perfectionner, et les contacts doivent être maintenus avec d'autres organismes experts dans la matière. Comme il faut parfois des années avant de pouvoir confirmer un diagnostic, on risque de sous-estimer le bien-fondé de tels programmes, surtout lorsque les ressources sont limitées et qu'il existe d'autres besoins tout aussi pressants. Mais en revenant au présent, la nécessité de ces programmes est reconnue et il est rassurant de savoir que les Forces disposent de conseillers susceptibles d'aider les individus à faire face aux situations difficiles, le plus rapidement possible, comme dans le cas de l'accident tragique de l'appareil de Swissair au large de la côte de Nouvelle-Écosse, où le personnel militaire a participé aux opérations de récupération des corps et des débris. Néanmoins, nous estimons qu'il convient d'insister sur l'importance de ces programmes afin qu'ils soient toujours là quand on en aura besoin à l'avenir. C'est pourquoi nous recommandons :

48. Que l'on réaffirme l'importance des programmes destinés au suivi des personnes qui souffrent des effets du syndrome de stress post-traumatique ou d'autres types de stress, et que l'on y affecte davantage de fonds.

Bien que les fonctionnaires du Ministère aient cherché à nous rassurer, nous nous inquiétons de la disponibilité de programmes SSPT en ce qui concerne les nombreux réservistes qui faisaient partie des unités de la Force régulière lors des diverses opérations de maintien de la paix des dernières années. De retour au Canada, les membres de la Force régulière ont facilement accès aux services disponibles à la base. Pendant ce temps, les réservistes rentrent chez eux, dans des localités souvent éloignées de la base la plus proche, et ne savent à qui s'adresser des mois, voire des années plus tard lorsqu'ils sont confrontés aux effets du SSPT. La situation se complique du fait que certains réservistes quittent la Réserve au terme des opérations de déploiement à l'étranger, et qu'il devient plus difficile de repérer ceux qui auraient besoin d'aide et de déterminer comment la leur fournir. Il faut néanmoins poursuivre ces efforts à l'intention des réservistes, et c'est pourquoi nous recommandons :

49. Que l'on ne néglige aucun effort pour veiller aux besoins des réservistes, en accordant une attention spéciale à ceux qui ont participé à des opérations de maintien de la paix, qui auraient besoin d'aide pour lutter contre les effets du syndrome de stress post-traumatique.

Il va sans dire que la mise en oeuvre de programmes pour aider les personnes à lutter contre les effets du stress et améliorer la qualité des soins fournis à ceux qui ont subi des blessures physiques est une démarche nécessaire. Néanmoins, il est tout aussi important de disposer de personnel médical spécialisé pour le suivi des blessés et leur renvoi à des conseillers susceptibles de les aider à surmonter le stress ou les effets des blessures physiques. Au cours de nos visites dans les bases, nous avons pris connaissance de la problématique du système médical et dentaire des Forces canadiennes à recruter et à retenir des professionnels de la santé compétents. La pénurie croissante de médecins militaires se fait sentir tant dans les bases au Canada que dans le contexte des opérations à l'étranger. On apprend des blessés qui ont manifesté leurs opinions au groupe de travail du rapport McLellan que, lors des opérations à l'étranger, il leur est arrivé de devoir passer quelque temps dans des hôpitaux locaux, sans recevoir l'attention voulue des médecins et du personnel militaire canadiens. Les militaires et les leurs ont profité de nos visites dans les quatre coins du pays pour souligner leur inquiétude à l'égard des changements récemment introduits dans les services médicaux offerts dans les bases et la pénurie de médecins. Le but des recommandations du rapport McLellan, et des nôtres aussi, consiste à améliorer la qualité des soins prodigués aux blessés et à rassurer le personnel, leurs familles et, en bout de ligne, le public canadien, de sorte que l'on sache que les effectifs des Forces canadiennes blessés recevront tous les soins voulus et qu'ils seront traités de façon humanitaire. Cela dit, les efforts à ce chapitre risquent d'être contrés par une éventuelle détérioration du système médical et dentaire des Forces canadiennes qui serait attribuable à la difficulté de recruter et de retenir des médecins. C'est pourquoi nous recommandons :

50. Que l'on réexamine le remodelage du système médical et dentaire des Forces canadiennes de façon à assurer que les besoins futurs seront satisfaits. On devrait également porter attention aux besoins médicaux des familles militaires et aux problèmes qu'elles ont avec l'assurance-maladie lorsqu'elles déménagent d'une province à l'autre.

AMÉLIORER LES PROCÉDURES

Bien entendu, la nature et la gravité des blessures et maladies varient selon le cas. Si certains militaires doivent carrément renoncer à leur carrière, d'autres, par contre, pourront regagner leur unité au terme d'une brève période de convalescence. Ils reçoivent les soins nécessaires et leur blessure ou maladie est bien documentée. Or, au cours de notre démarche, nous avons pris connaissance de situations lamentables où certaines personnes avec des problèmes de santé ou victimes de blessures légères, hésitaient à consulter les médecins de crainte de se faire licencier. Comme les compressions sont à l'ordre du jour, ils craignaient que le moindre indice de maladie entraînerait la fin de leur emploi et de leur carrière. On prétend que certaines personnes ayant subi des blessures dans l'exercice de leurs fonctions ont gardé l'incident secret, s'exposant ainsi aux séquelles d'une maladie qui risque de s'aggraver au fil des années, sans compter qu'elles ne seraient pas en mesure de fournir la documentation voulue pour obtenir une pension d'invalidité. Ce climat de crainte est malsain, tant pour les intéressés que pour l'ensemble des Forces. Faute de soins, la santé des souffrants risque de se détériorer avec le temps, ce qui finit par donner un personnel moins fiable à l'heure des opérations. On doit pouvoir se faire soigner sur les faits sans craindre d'autres conséquences. De la même façon, les chefs doivent respecter des consignes précises sur le recours aux formulaires CF98 à remplir en cas de blessure, de manière à ce que l'on dispose d'une documentation complète pour toute question concernant un accident, un dossier médical, et, éventuellement, pour toute demande de pension d'invalidité ou autre forme d'assistance. Il est arrivé que les chefs n'ont pas rempli ces formulaires correctement ou au moment opportun. On relève en fait des cas où les enquêtes sur la mort ou la blessure d'un militaire n'ont pas abouti, en raison du manque de documentation ou d'un malentendu au niveau des procédures. À la lumière des leçons apprises, les Forces canadiennes ont amélioré les procédures afférentes à ce genre d'incidents, mais les chefs, et tout le personnel, doivent bien comprendre le processus de rapport des blessures pour faire en sorte que les blessures sont bel et bien signalées et, qu'au besoin, il y a enquête. Par conséquent, nous recommandons :

51. Que l'on procède à un examen des politiques régissant le rapport des blessures et maladies, de façon à assurer que les chefs et que l'ensemble du personnel comprennent les procédures clairement et qu'ils les appliquent de manière uniforme.

Certains pourront rester dans l'armée une fois rétablis de leurs blessures, alors que d'autres devront quitter les rangs en raison de la gravité de leur condition. Advenant le cas, ils se trouvent à faire face à toute une série de circonstances, selon qu'ils comptent de longues années de service, ou si une carrière qui s'annonçait prometteuse prend fin prématurément. D'une façon ou d'une autre, ils auront tous à passer par les chemins tortueux et difficiles qui mènent à la pension d'invalidité, cause d'inquiétude depuis quelques années. Les blessés des Forces canadiennes, tout comme les anciens combattants des deux guerres mondiales et du conflit de la Corée, doivent s'adresser au ministère des Anciens combattants à qui il incombe d'administrer la Loi sur les pensions. Les demandes de pension d'invalidité sont soumises à sa considération, alors que les appels ou les demandes de prestations supplémentaires relèvent du Tribunal des anciens combattants (révision et appel), organisme indépendant de nature quasi judiciaire qui fait partie du Ministère. Si l'on dénote quelques améliorations depuis quelques années, le processus demeure extrêmement compliqué et frustrant pour de nombreux blessés.

L'ébranlement que signifie une blessure invalidante inattendue a souvent été exacerbé par le fait de devoir se familiariser à toute vitesse avec les exigences et procédures de demande d'une pension d'invalidité. Dans certains cas, le conjoint ou autre proche parent de ceux qui ont été grièvement blessés ont dû se jeter dans ce que l'un des témoins a qualifié de « champ de mines tout parsemé de papiers », pour n'obtenir un renseignement valable que des mois après avoir présenté la demande, sous prétexte d'erreurs administratives. Le centre d'information établi par la Défense nationale de concert avec Anciens combattants Canada contribuera à résoudre quelques-uns des problèmes qui menacent les personnes en quête d'information. Toutefois, il reste bien des questions à résoudre pour ce qui est du transfert opportun des dossiers médicaux et des dossiers du personnel. Malgré le fait de disposer de dossiers complets, de formulaires CF98 correctement remplis, et d'autres documents à l'appui de leur cas, certaines personnes ont dû attendre très longtemps avant d'être fixées sur leur situation, et ce simplement à cause du temps qu'il faut pour transférer les dossiers du personnel d'un ministère à l'autre.

L'examen des dossiers par Anciens combattants Canada pour établir l'admissibilité à une pension d'invalidité doit nécessairement prendre quelque temps, mais on comprend la frustration des gens qui doivent vivre dans un état d'incertitude prolongé à cause d'un détail bureaucratique comme le transfert des dossiers. Ces retards sont particulièrement exaspérants lorsqu'il s'agit de personnes qui, ayant subi une blessure invalidante, voient toute leur vie se bouleverser brusquement, carrière et situation financière comprises. De plus en plus de dossiers seront bientôt disponibles sous format électronique et le transfert devrait se faire plus aisément, mais il ne faut pas se leurrer, car la mise au point et le perfectionnement d'un tel système prendra encore des années. Il faut donc d'ores et déjà prendre des mesures pour assurer le transfert opportun des dossiers médicaux et autres du ministère de la Défense nationale à celui des Anciens combattants. D'autres sources de dossiers, telles les Archives nationales, devraient également participer aux discussions afin que les dossiers du personnel soient disponibles le plus rapidement possible pour des motifs de pension ou autre. Par conséquent, nous recommandons :

52. Que les ministères de la Défense nationale et des Anciens combattants travaillent de concert avec d'autres organismes pour simplifier les procédures et assurer le transfert efficace et rapide de tout dossier ayant une pertinence pour le personnel qui quitte les Forces. Un rapport sur les progrès réalisés à ce chapitre devrait être présenté au CPDNAC d'ici un an.

Toujours dans le contexte des dossiers médicaux et des dossiers du personnel, on nous a également commenté le fait qu'ils n'étaient pas facilement accessibles aux personnes intéressées. Certaines ont dû attendre longtemps et elles ont fini par croire qu'elles ne les obtiendraient jamais. On nous a assuré que le personnel peut avoir accès à ses dossiers médicaux, mais qu'il y a certaines formalités à remplir en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, à savoir qu'il faut y supprimer toute allusion à des commentaires effectués par des tiers. Résultat : ces formalités risquent de traîner avant que les dossiers ne soient transmis aux intéressés, surtout lorsque la Défense nationale et d'autres organismes ont beaucoup d'autres demandes à satisfaire avec des ressources plutôt restreintes. Toutefois, la procédure de communication des dossiers aux intéressés doit être accélérée.

Si la multiplicité et la complexité des documents nécessaires à établir l'admissibilité à la pension et le montant de celle-ci risquent de décourager les intéressés au départ, rien n'est plus frustrant pour les blessés et les leurs que l'exigence d'Anciens combattants, et d'autres organismes, relativement à utiliser leurs propres médecins-examinateurs, même lorsque des dossiers bien documentés ont été constitués par des médecins de la Défense nationale. Comme on nous l'a signalé à Trenton et ailleurs, certaines personnes blessées qui ont déjà été examinées par des médecins militaires, doivent souvent demander à un membre de la famille de les accompagner chez le médecin lors des rendez-vous qui font partie de leur rétablissement. Ainsi, le fait de devoir se rendre chez d'autres médecins uniquement pour satisfaire les exigences d'Anciens combattants ou du Régime d'assurance-revenu militaire (RARM) semble stérile et place un fardeau inutile sur les patients et leurs familles. Nous nous rangeons à cet avis et nous félicitons le ministère des Anciens combattants des efforts qu'il est en train de consentir pour se servir des dossiers médicaux de la Défense nationale au lieu d'exiger des examens médicaux supplémentaires. Pour veiller à ce l'on poursuive ces efforts, nous recommandons :

53. Que les ministères de la Défense nationale et des Anciens combattants ainsi que les autres organismes modifient les procédures pour réduire au minimum le chevauchement des visites médicales et autres exigences afférentes au traitement des demandes de pensions d'invalidité. Un rapport à cet effet devrait être présenté au CPDNAC d'ici un an.

Il va de soi que le fait d'éviter le chevauchement des examens au niveau ministériel n'empêche nullement les effectifs militaires d'obtenir l'avis d'autres médecins, militaires ou civils, s'ils l'estiment opportun. À ce que nous avons compris, les frais de consultation pour obtenir un deuxième avis d'un médecin civil sont absorbés par le Ministère.

L'accélération du transfert des dossiers médicaux et l'élimination du chevauchement des visites médicales ne seront pas d'un grand secours si le traitement des demandes de pensions d'indemnité continue à s'éterniser au ministère des Anciens combattants. Notre Comité a participé, il y a déjà quelques années, au processus législatif qui a abouti à la création du Tribunal des anciens combattants (révision et appel). Cette mesure était conçue, entre autres, pour accélérer le traitement des demandes de pension et des appels soumis par les anciens combattants des deux guerres mondiales et du conflit de la Corée. Selon le Ministère, on a réalisé d'importants progrès depuis, puisque le traitement des demandes ne prend plus que quelque 6 mois, par opposition aux 18 mois exigés par le passé. Nous applaudissons ces progrès, mais nous croyons qu'il est essentiel de raccourcir ce délai le plus possible. Certes, les anciens combattants des deux guerres et du conflit de la Corée méritent une réponse rapide, mais il en est de même pour les militaires qui se voient contraints de renoncer à leur carrière en raison d'une blessure invalidante. Par conséquent, nous recommandons :

54. Que le ministère des Anciens combattants poursuive les démarches décisives qu'il a amorcées pour réduire autant que possible les délais de traitement des demandes de pensions d'invalidité et des appels. Un rapport devrait être présenté chaque année au CPDNAC.

Outre l'intention d'accélérer le traitement de ces demandes, le ministère des Anciens combattants devrait songer à modifier certains des critères dont il s'inspire à leur endroit. En vertu de la Loi sur les pensions administrée par le Ministère, l'admissibilité à une pension d'invalidité et le montant des prestations peuvent varier en fonction des circonstances dans lesquelles les blessures se sont produites. Dans bien des cas, les blessés ou leurs familles doivent fournir des preuves au Ministère comme quoi la blessure ou la maladie qui a abouti à l'invalidité ou au décès de la personne est directement liée au service militaire. Les prestations sont établies en vertu de la Loi sur les pensions et selon ce que l'on appelle le principe d'indemnité. La situation diffère pour le personnel déployé à l'étranger pour participer aux opérations de maintien de la paix et à d'autres opérations internationales, telles celles de la guerre du Golfe. Depuis 1949, pratiquement toutes les missions de maintien de la paix et la totalité des opérations à l'étranger ont été désignées de zones de service spécial. Dans ces cas, les prestations sont établies suivant le principe d'assurance. Autrement dit, une invalidité ou un décès attribuable à l'exercice des fonctions dans une zone de service spécial a droit à obtenir une pension, que la cause soit directement liée au service militaire ou non. Le principe d'assurance serait celui que l'on appliquerait dans le cas d'un casque bleu blessé cette année dans une zone de service spécial, tel qu'il en a été pour quiconque a exercé ses fonctions dans un théâtre d'opérations désigné du temps de la Deuxième Guerre mondiale. Pour résumer, le simple fait de se trouver dans une zone de service spécial peut donner droit à une pension en cas de blessure, quelles que soient les circonstances, alors que sous le principe d'indemnité, on est tenu d'établir qu'il y a lien entre la blessure et l'exercice des fonctions militaires.

Compte tenu des dangers auxquels s'exposent nos militaires aux cours des opérations dans les pays étrangers, que se soit au moment d'effectuer un déplacement ou de se mettre à couvert lors d'un barrage d'artillerie, il n'y a aucun doute que le principe d'assurance doit s'appliquer aux zones de service spécial. Les Canadiens se souviennent de leurs concitoyens morts durant des opérations de maintien de la paix à l'étranger, mais il faut également se souvenir de ceux qui y ont été grièvement blessés et qui, ne pouvant plus exercer leur métier, ont besoin des prestations de la pension d'indemnité pour survivre. Au cours de notre étude, nous avons cependant rencontré des personnes qui s'exposent souvent à subir des blessures graves dans l'exercice de leurs fonctions au Canada, mais qui n'obtiendraient pas pour autant des prestations équivalentes à celles des militaires qui exercent leurs fonctions dans une zone de service spécial à l'étranger. Tout en reconnaissant les dangers inhérents aux opérations à l'étranger, on a constaté que les déploiements à l'intérieur du pays - par exemple, pour aider les autorités canadiennes en cas de tempête de verglas et dans d'autres situations d'urgence - présentent des dangers qui se sont souvent matérialisés dans les dernières années, causant des blessures graves. Les militaires se sont toujours montrés prêts à aider leurs concitoyens dans les situations d'urgence sans sourciller, et il ne s'agit surtout pas de les défavoriser lorsque la blessure se produit lors d'un déploiement au Canada et non pas dans une zone de service spécial à l'étranger. En reconnaissance des dangers qui confrontent les nôtres dans l'exercice de leurs fonctions au Canada aussi bien qu'à l'étranger, nous recommandons :

55. Que la loi soit modifiée de manière à ce que les déploiements à l'intérieur du Canada dans le contexte de situations d'urgence nationales et régionales soient désignés des zones de service spécial aux effets de la pension d'invalidité. Des mesures devraient être également prises pour faire en sorte que les personnes qui subissent des blessures graves dans l'exercice de leurs fonctions au Canada touchent une pension d'invalidité.

Cette définition élargie du terme zone de service spécial qui comprend les opérations au Canada n'exclut pas la possibilité d'un geste de reconnaissance particulier envers les militaires qui servent au pays et qui passent de longs mois loin de chez eux dans des conditions parfois très périlleuses et difficiles. Une bonne partie des militaires que nous avons rencontrés lors de nos visites aux bases ont fait allusion au fait que malgré de nombreux séjours en Bosnie et dans d'autres régions de conflit, ils ne sont pas reconnus comme anciens combattants. Nos soldats des deux guerres mondiales et du conflit de la Corée ont largement mérité l'honneur que leur confère le titre d'anciens combattants aux yeux du public, aussi bien qu'aux termes de la Loi sur les pensions. Mais certains font remarquer qu'au cours des dernières années, nombre de nos militaires ont passé presque autant de mois et d'années à l'étranger dans des régions où le conflit ne fait que s'achever s'il n'y règne pas toujours - que bien des anciens combattants des deux guerres et du conflit de la Corée. Et, quand ils rentrent au pays, ils trouvent une population qui vit en paix, dans une placide ignorance des dangers qu'ils ont bravés et des sacrifices qu'ils ont faits. Ceci diffère de beaucoup du genre de bienvenue et de reconnaissance qui attendaient les anciens combattants d'antan. Les effectifs qui ont exercé leurs fonctions dans les zones de service spécial doivent eux aussi être traités en anciens combattants puisqu'ils ont bien servi leur pays et qu'ils ont contribué au maintien de la sécurité nationale et de la paix internationale. Nombre de personnes ont prêté leurs services dans des contrées lointaines et pendant de longues périodes de temps, dans des conditions sociales et environnementales assez différentes de celles de notre pays. Leur accorder le statut d'anciens combattants, ce serait reconnaître qu'ils se sont acquittés de leur tâche dans des circonstances analogues à celles qu'ont connues les anciens combattants des deux guerres mondiales et du conflit de la Corée. Par conséquent, nous recommandons :

56. Que les effectifs militaires qui ont prêté leurs services dans des zones de service spécial soient reconnus comme anciens combattants.

Étant donné que beaucoup de réservistes ont exercé leurs fonctions dans les zones de service spécial à l'étranger, ils devraient également avoir droit à ce statut. Or, dans les opérations et manoeuvres d'entraînement militaire au Canada, il arrive souvent que les réservistes exercent des fonctions analogues à celles du personnel de la Force régulière et font face aux mêmes dangers. Nous avons déjà manifesté notre inquiétude quant à savoir si les programmes visant à aider les nôtres à lutter contre les effets de divers types de stress s'adressent également à la Réserve, mais nous nous préoccupons également de la mesure dans laquelle elle peut disposer de soins et d'information. Ces problèmes ont été examinés dans le rapport McLellan qui signale, entre autres, que tant les réservistes que le personnel de la Force régulière ne sont pas nécessairement au courant des indemnités d'invalidité et autres prestations auxquelles ont droit les membres de la Réserve. Ceci peut se traduire par des retards dans le traitement des demandes de prestations et frustrer inutilement les réservistes. Advenant blessure, que ce soit d'un membre de la Réserve ou de la Force régulière, nul ne doit plus passer par des expériences comme celles que rapportent les militaires blessés dont il a été question dans le rapport McLellan. Par conséquent, nous recommandons :

57. Que l'on veille à la mise au point de programmes pour mieux informer le personnel militaire sur l'indemnité d'invalidité et autres prestations auxquelles ont droit les membres de la Réserve. Le CPDNAC devrait recevoir chaque année un rapport à cet effet.