NDVA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS
COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 30 avril 1998
[Traduction]
Le président (M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.)): Bonjour, tout le monde. Bienvenue à notre séance. Nous allons entendre ce matin le général Baril. Bonjour, monsieur. Nous allons également entendre le colonel McClellan.
Je crois savoir, général, que vous avez une brève allocution liminaire à nous faire, et nous partirons de là. Nous vous écoutons, monsieur.
[Français]
Général J.M.G. Baril (chef d'état-major de la Défense, ministère de la Défense nationale): Merci et bonjour, monsieur le président.
Distingués membres du comité, je suis heureux d'être avec vous une fois de plus aujourd'hui. Avant de vous présenter le lieutenant-colonel McLellan, je voudrais poursuivre sur un sujet qui a été abordé au cours de la séance de mardi dernier.
Plusieurs d'entre vous ont fait allusion au rapport du vérificateur général sur la modernisation des Forces canadiennes, qui vient d'être publié, ainsi qu'aux incidences que ce rapport pourrait avoir sur l'allocation de ressources à d'autres secteurs, comme la qualité de la vie. Ayant eu la chance de parcourir ce rapport, je voudrais maintenant soulever le point suivant.
[Traduction]
Dans tout pays, des forces armées en état de fonctionner convenablement ne peuvent se passer d'instruction, d'équipement, de leadership et de conditions de service adéquats ou, en d'autres termes, d'une qualité de vie. Ces quatre éléments constituent un tout. Chacun d'eux a ses exigences particulières à différents moments, et, dans toute la mesure du possible, nous essayons de les équilibrer. Toutefois, aucun élément ne peut être soutiré de l'ensemble sans porter préjudice à la capacité opérationnelle des formes armées. Chaque élément doit satisfaire à une norme minimale.
• 0905
L'ancien ministre de la Défense nationale se préoccupait de la
norme relative au leadership. Par conséquent, un rapport au premier
ministre sur le leadership et l'administration des Forces
canadiennes a été publié. Le vérificateur général était préoccupé
par la norme afférente à l'équipement, d'où la publication de ce
rapport. Le gouvernement s'intéresse vivement aux conditions de
service, ce qui explique pourquoi nous nous sommes rassemblés
aujourd'hui pour parler de la qualité de la vie dans les Forces
canadiennes.
[Français]
À la fin de la journée, nous aurons précisé les besoins de chacun des secteurs: instruction, équipement, leadership et conditions de service, et chacun se disputera de maigres ressources. Mais, comme je l'ai mentionné mardi, il n'est pas du tout question de compromis. Des forces armées en état de fonctionner ont besoin d'un tout équilibré. La solution ne consiste pas à négliger la norme d'un élément donné au profit d'un autre. Quand bien même nos militaires seraient heureux, leur donner de l'équipement désuet ne rendrait pas les Forces armées plus efficaces.
[Traduction]
Et des soldats malheureux qui ont de bons chars, je dois l'ajouter, ce n'est pas un bon mélange non plus.
J'ai maintenant le plaisir de vous présenter le lieutenant-colonel Rick McClellan, officier des projets spéciaux pour le chef d'état-major et le sous-ministre adjoint responsable du personnel, qui vous entretiendra du processus qu'il a entamé. Cette étude a répondu à nos attentes, puisque nous avons obtenu les commentaires de nos militaires. Il se peut que certaines observations nous aient déplu, mais il est temps d'agir et de rétablir la confiance et la fierté dans les militaires canadiens à tous les niveaux.
Le rapport du lieutenant-colonel McClellan donnera le ton aux nombreux changements qui doivent être apportés à la façon dont nous traitons notre personnel blessé.
Enfin, monsieur le président et membres du comité, permettez-moi de répondre d'emblée à la question que vous désirez sûrement me poser. Le rapport ne sera pas relégué aux oubliettes. Je vous donne l'assurance que je prendrai les mesures qui s'imposent.
[Français]
Monsieur le président, merci.
Le président: Merci, monsieur le général. Colonel.
[Traduction]
Le lieutenant-colonel R.G. McClellan (officier des projets spéciaux pour le chef d'état-major et le sous-ministre adjoint responsable du personnel, ministère de la Défense nationale): Monsieur Bertrand, membres du comité, bonjour. Je suis très heureux de vous rencontrer enfin pour vous mettre au courant d'une initiative de la plus haute importance, soit l'Étude sur les soins donnés aux militaires blessés et aux familles.
Lorsque cette étude a été entreprise, j'étais le travailleur social en chef des Forces canadiennes. Étant donné l'importance de ces questions, on m'a retiré de ce poste pour me nommer officier des projets spéciaux afin que je puisse prendre tout le temps voulu pour mener cette étude à la seconde étape. Je vous remercie de m'accorder l'occasion de vous parler de cette étude.
Au nom de tous les militaires, de leurs familles et des survivants avec qui nous avons discuté durant cette étude, je profite de l'occasion pour vous offrir leurs remerciements. Je suis également ravi de découvrir que certains d'entre eux ont pu présenter leurs cas devant votre comité à Edmonton, à Trenton, et bientôt à Halifax et à Borden, et nous les avons encouragés à prendre part à ce processus. La tenue d'un tel forum attentif et soucieux de leurs intérêts a permis à nos membres de formuler leurs préoccupations et a fait fonction de remède très apprécié. Il ne fait aucun doute que ce type d'environnement était la solution que nous avons tenté de créer au cours de notre étude.
Tout l'historique de cette étude, y compris les motifs, les objectifs, la composition de l'équipe et les méthodes, fait l'objet du présent rapport déposé à votre intention. En conséquence, je ne traiterai pas de ces sujets. Je tiens plutôt à souligner le fait que, dès le début de l'étude, l'équipe s'est rendu compte que les répondants manifestaient de la méfiance envers le processus. Nous avons donc décidé que la méthode la plus efficace de gagner cette confiance était d'écouter attentivement leurs récits, sans porter de jugement, tout en promettant de leur faire part de l'utilisation qui serait faite de ces récits, sans leur faire de promesses que nous ne pourrions pas tenir.
Nous sentions vraiment que la partie la plus importante de l'étude était l'apport personnel, c'est-à-dire rendre visite aux personnes interrogées là où elles vivent, les rencontrer face à face, s'asseoir avec elles dans leur cuisine ou dans leur cour, ou, dans un cas que j'ai vécu personnellement, les interviewer dans une salle de quilles parce que c'était là qu'elles étaient.
Malgré le peu de temps et tout ce qu'il y aurait à dire, j'aimerais discuter des détails du processus, des découvertes réalisées, et des histoires que nous ont racontées les militaires, leurs familles et leurs survivants. Je vous signale d'abord que, lorsque nous avons entrepris la rédaction du rapport, tout étant terminé et ayant en mains toutes les données dans nos bureaux ici à Ottawa, nous nous sommes rendu compte que ces récits nous avaient tous touchés personnellement. Nous éprouvions tous une certaine colère, un certain malaise, et nous étions tous fort surpris des récits que nous avaient faits les membres, leurs familles et les survivants.
• 0910
Bien que nous ayons déjà entendu et lu des histoires de
compassion et de soins donnés aux militaires blessés au sein des
Forces canadiennes, nous avons entendu, dans la plupart des cas,
des histoires de rejet et de douleur. Il faut reconnaître que cette
étude portait sur les préoccupations personnelles des militaires,
de leurs familles et de leurs survivants. Néanmoins, après analyse
de tous les facteurs, il en émerge des sentiments généralisés de
désillusion et de désespoir ou, dans de nombreux cas, de la colère
brute et de la méfiance, sentiments qui visaient par association
les membres de l'équipe.
Le sentiment le plus souvent formulé était celui d'être abandonné, oublié, ou même étiqueté «marchandise endommagée» à la suite d'une blessure, ou encore laissé pour compte par un système qui ne promettait rien d'autre qu'un traitement équitable et une intervention digne des besoins subséquents à la blessure. En fait, nous avons été frappés par une dichotomie: d'une part, le désir exprimé par les Forces canadiennes d'être attentifs à apporter l'aide nécessaire aux militaires blessés et à leurs familles et, d'autre part, le sentiment commun des militaires et de leurs familles voulant que la marchandise ne soit pas livrée.
Au cours de notre étude, plusieurs ont également fait état des vrais besoins qui existent maintenant. Des gens nous disaient: «Je ne peux pas attendre que vous ayez terminé votre étude; j'ai besoin d'aide dès maintenant.»
Donc, dans ces cas-là, notre équipe a ouvert pour chacun de ces cas un dossier particulier. Nous nous sommes employés immédiatement à combler leurs besoins, et dans plusieurs cas nous avons pu leur donner satisfaction sans délai.
Au moment de la rédaction, et même encore aujourd'hui, les membres de l'équipe—qui est maintenant dissoute—et moi-même avons reçu et continuons de recevoir des appels de militaires qui désirent participer à cette étude afin de raconter leur histoire. Cela semble indiquer que les cas que nous avons vus et entendus ne formaient que la pointe de l'iceberg, qu'ils ne constituaient pas des cas isolés, mais reflétaient plutôt un problème général d'envergure que nous devions résoudre.
Nous avons commencé par chercher les motifs à l'origine d'une telle situation. Après tout, d'où provenaient cette attitude négative, cette colère et cette frustration? D'où provenaient-elles?
C'est en lisant entre les lignes des histoires entendues et lues que nous avons découvert qu'il ne semblait pas y avoir beaucoup d'endroits au sein des Forces canadiennes, ou d'organisations comme Anciens combattants Canada, où les militaires et leurs familles avaient vraiment le sentiment d'être écoutés ou même crus. Ces personnes se butent à des règles, à des règlements et à des politiques, qui sont sûrement pertinents dans leur cas, mais qu'elles connaissent fort peu, ou, au mieux, qu'elles trouvent déroutants.
[Français]
En somme, leurs approches aux différents niveaux des responsables du système donnaient l'impression que tous étaient plus préoccupés par le maintien des règles que par l'aide aux patients.
[Traduction]
Il existe plusieurs bonnes politiques au sein des Forces canadiennes, et certaines qui doivent être modifiées. En fait, ce ne sont pas nécessairement les règles, les règlements et les politiques qui engendrent une telle situation, mais plutôt les attitudes des personnes qui doivent les interpréter et travailler dans le cadre ainsi établi.
L'équipe a entendu et vu des cas de condescendance et d'attitudes désobligeantes, et même d'approches froides qui semblaient s'additionner pour créer le sentiment de méfiance et de désespoir exprimé dans la plupart des histoires. De telles attitudes ont mené à une mentalité de tranchée entre les militaires blessés et le personnel des Forces canadiennes et d'Anciens combattants Canada. Il était clair que les militaires avaient le sentiment de devoir se préparer à livrer un combat, à chaque échelon du processus, pour se faire entendre, pour être crus, pour toucher enfin une pension.
Dans le cadre de la présente discussion, nous soulignons un certain nombre d'attitudes répandues, qui accroissent la frustration et diminuent l'espoir.
D'un point de vue général, nous avons remarqué deux attitudes principales: la première, où l'on dit que ce sont eux qui doivent venir nous voir. Autrement dit, nous, au quartier général ou ailleurs, nous attendons le membre, sa famille ou ses survivants, et s'ils ne viennent pas, eh bien, il n'y a pas de problème, n'est-ce pas?
• 0915
À cet égard, nous devons prendre davantage l'initiative. Nous
devons quitter le confort de nos bureaux et nous rendre
immédiatement chez la personne blessée pour prendre soin d'elle
tout de suite.
La seconde attitude consiste à dire non la première fois. Au lieu de chercher à donner une réponse positive au requérant qui a besoin d'aide, nous énonçons tout d'abord les raisons pour lesquelles cette personne ne peut obtenir ce qu'elle demande. Nous avons tendance à dire non d'abord.
D'un point de vue individuel, nous avons relevé deux autres attitudes principales. La première consiste à dire: je comprends votre problème, mais ce n'est pas ma responsabilité; donc allez-vous-en. Au lieu de dire: eh bien, ce n'est pas ma responsabilité, mais laissez-moi votre demande, je vais obtenir une réponse et je vous rappellerai, mais non, on a tendance à dire non tout d'abord.
La conviction presque tangible que les membres essaient toujours d'obtenir plus que ce qu'ils méritent nous conduit à l'attitude suivante, à savoir l'idée que le membre essaie de profiter du système. Peu importe si la demande est légitime, on part du principe que le membre demande la lune, et c'est pourquoi on étouffe dans l'oeuf toute demande au départ.
Si nous voulons améliorer les choses, nous devons changer ces attitudes et ces approches de manière que les règles et les politiques se concrétisent de façon appropriée. Les règlements et les politiques sont en soi utiles, mais si nous devenons esclaves du règlement, on est incapable d'imaginer des moyens de venir en aide aux gens à court terme.
Dans ce processus des soins donnés aux militaires blessés et à leurs familles, nous avons découvert un autre problème, soit l'identification des blessés. Il est très vite apparu qu'aucune organisation des Forces canadiennes ne détient de données sur l'identification des décès et des blessures; donc aucune ne peut les rassembler.
La consignation et la communication opportunes au niveau de l'unité n'avaient pas lieu selon les règles établies. Dans certains cas, des soldats qui avaient perdu les deux jambes dans un échange de coups de feu se retrouvaient sur la liste de ceux qui avaient des blessures mineures. De plus, le transfert des données au quartier général ne semblait pas garantir la facilité d'accès.
Cet état de choses a donné lieu à des situations tendues, comme celle au cours de laquelle l'épouse a vu, à la télévision, son mari transporté après une fusillade. Elle a téléphoné à son unité, où on lui a répondu qu'il n'était pas blessé et qu'elle devait sûrement faire erreur. Son histoire s'est assombrie lorsqu'elle a décidé de remonter la voie hiérarchique pour obtenir une réponse. Ce n'est qu'après avoir reçu la vraie réponse que son combat a débuté. Elle a dû se débattre pour obtenir de l'aide afin de pouvoir se rendre auprès de son mari: toujours le règlement et les ordres.
Je me contenterai de dire qu'il a été extrêmement difficile d'établir le nombre de blessés graves, de blessés très graves et de blessés légers depuis le 1er janvier 1992, et aucune organisation interne n'a pu valider avec précision ses propres données.
Combien de fois avons-nous entendu cette phrase: «Eh bien, nous pensons que ces chiffres sont exacts, mais il n'y a aucun moyen de les vérifier.» Nous devons donc améliorer la consignation et la communication des cas de blessures ainsi que la collecte des données connexes. Il s'agit là de l'une de nos premières recommandations. Il ne fait aucun doute que la consignation des cas de blessures et la gestion des données au sein des FC sont déficientes et que la vérification auprès des banques de données des organismes de l'extérieur, comme ACC, relève très souvent de l'impossibilité.
Étant donné que cette situation a de nombreuses répercussions sur une vaste gamme d'organisations, il faudra vraisemblablement engager des ressources financières supplémentaires afin de mettre sur pied un système adéquat. Cette question sera élaborée au cours de la phase II. Des discussions ont même déjà été entreprises afin de déterminer le type d'organisation nécessaire à l'amélioration du système.
Nous avons découvert un troisième problème dont je veux vous faire part maintenant, et c'est le fait que dans de nombreux cas le militaire et sa famille se sont perdus en raison du grand nombre de niveaux au sein de l'organisation avec lesquels ils ont dû communiquer pour obtenir une réponse, ou même être écoutés. En d'autres occasions, ils ont simplement abandonné ou ils sont redescendus en tentant de passer d'une organisation à l'autre. Par exemple, il existe tout un monde entre le fait d'être un militaire et tout ce que cela signifie du point de vue de la prestation des services et le fait d'être un civil relevant d'Anciens combattants Canada.
Le transfert d'information d'une organisation à l'autre était inefficace, car Anciens combattants Canada devait attendre que les Forces canadiennes lui transmettent les dossiers médicaux avant de pouvoir donner suite à une demande de pension. Dans un cas, le dossier médical n'avait pas encore été reçu après 236 jours. Cela signifie que le demandeur doit attendre longtemps.
• 0920
Il existe aussi de nombreuses preuves qui montrent que ces
deux organisations ne communiquaient pas très bien ensemble et ne
disposaient d'aucune mesure pour empêcher la perte de dossiers
durant le transfert de l'une à l'autre.
D'importantes améliorations ont été apportées depuis quelque temps, ce qui a permis à Anciens combattants Canada de réduire de 50 p. 100 son délai de réponse aux demandes de pension, et son pourcentage de réponses positives dans le premier cas a également augmenté de 50 p. 100.
Enfin, la quatrième question importante, souvent mentionnée durant l'examen, porte sur le formulaire des Forces canadiennes CF-98... Vous en avez sûrement entendu parler au cours de votre enquête. On doit remplir ce formulaire chaque fois qu'un militaire se présente aux autorités médicales, peu importe le type de blessure. On y consigne l'heure et la date de la blessure, ainsi que le fait que le militaire était de service ou non à ce moment. Ce formulaire peut avoir des répercussions importantes sur la vie du militaire lorsque, parfois des années plus tard, il ou elle souhaite demander une pension en raison d'une blessure particulière. Anciens combattants Canada exige ce formulaire pour déterminer le moment de la blessure et le fait que le militaire était de service ou non.
Notre équipe a remarqué qu'en de trop nombreuses occasions aucun rapport n'était rempli. Ainsi, lorsque le militaire se présentait pour demander une pension à Anciens combattants Canada, il était extrêmement difficile de juger sa cause. Il va de soi qu'une telle situation causait un stress énorme dans la vie du militaire en question et de sa famille. L'équipe d'étude a formulé des recommandations au sujet de diverses méthodes possibles pour établir le moment et le fait que le militaire était de service ou non pour accorder une pension. Elle analysera la question au cours de la phase II de l'examen. Pour leur part, les dirigeants d'Anciens combattants Canada ont hâte de mettre cette initiative sur pied.
Membres du comité, ce rapport préliminaire souligne un certain nombre de lacunes dans la manière dont les Forces canadiennes traitent leurs militaires blessés et leurs familles, de même que le rôle joué par Anciens combattants Canada relativement à ces lacunes. Bien qu'il s'agisse essentiellement d'une mauvaise nouvelle, le fait que cette étude ait lieu démontre que nous avons toutes les raisons de croire que les choses vont s'améliorer.
Il est certain que les attitudes devront changer, et nous avons toutes les raisons de croire qu'elles changeront si l'on en croit le soutien dont cette initiative jouit en très haut lieu. Essentiellement, nous avons posé une question et nous avons eu une réponse. Il ne fait aucun doute pour moi que le chef d'état-major de la Défense et les cadres supérieurs de notre ministère et d'ACC partagent notre détermination d'améliorer la situation.
Savez-vous quel est l'événement le plus important qui doit survenir à présent? C'est que les récits des militaires, des anciens militaires, de leurs familles et de leurs survivants soient pris en note, soient écoutés et influent enfin sur nos décisions.
Je suis très heureux du fait que ce rapport a été rendu public tout récemment, parce que ces personnes l'ont bien vu. Elles ont vu que leur témoignage et leur recommandation ont été écoutés par les plus hautes autorités. Voilà qui fera beaucoup pour atténuer le scepticisme qu'on constate chez les gens, leur méfiance et leur colère, lorsqu'ils verront que ce qu'ils pensent et disent sincèrement a été écouté en haut lieu.
Nous avons apporté plusieurs améliorations depuis le dépôt de notre rapport. J'aimerais maintenant vous parler de certaines d'entre elles. La démarche adoptée par l'équipe d'amélioration du MDN et d'ACC est un exemple typique. La recommandation visant l'élargissement de l'étude en est un autre. Il est maintenant temps de passer à la deuxième phase de cette étude, c'est-à-dire au processus de validation et de consultation qui mènera à des solutions et à la formulation d'autres recommandations visant une amélioration générale de la situation, puis à la troisième phase, le plan d'action, dans le cadre duquel les recommandations retenues seront mises en oeuvre.
À notre avis, les structures changeront et les anciens paradigmes disparaîtront. Nous prévoyons terminer la deuxième phase de cette étude d'ici le mois d'août 1998 et élaborer un plan d'action ou de mise en oeuvre d'ici le mois de novembre. Ce qu'il faut faire entre autres choses au cours de la deuxième phase, c'est convaincre les organisations, à l'interne comme à l'externe, qu'il leur faut céder une partie de ce qu'elles considèrent être leur territoire sacré et envisager de nouvelles initiatives de collaboration afin de venir en aide aux militaires et à leurs familles.
Je voudrais profiter de l'occasion pour vous faire part de certaines autres recommandations que je considère comme essentielles à la réussite de la présente initiative. Je vous demande de consulter les recommandations 3 à 5, qui traitent essentiellement d'une relation de travail étroite et personnelle avec Anciens combattants Canada et des questions relatives à la gestion des données, par exemple.
• 0925
Il faut de la volonté organisationnelle et politique pour
faire tomber les anciennes barrières et pour mettre en place de
nouvelles relations de travail. Il faudra aussi engager des sommes
supplémentaires, surtout pour établir un nouveau module et voir à
la question de la collecte des données et de leur propriété.
Je dirai pour terminer que je suis très heureux de constater le soutien que reçoit la présente initiative auprès des plus hautes instances des Forces canadiennes et d'Anciens combattants Canada. Ce document marque un point tournant, nous pouvons en tirer beaucoup, et nous allons le faire dans un avenir très proche.
[Français]
Je tiens à remercier M. Bertrand et les membres du comité de m'avoir permis de comparaître ici aujourd'hui. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup.
[Traduction]
Nous passons maintenant à la période des questions.
Monsieur Benoit.
M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Merci, monsieur le président.
Bonjour, général, colonel.
J'aimerais commencer par vous poser quelques questions, colonel. J'ai entendu dire qu'au sein de l'armée on met sur écoute les lignes téléphoniques et lit le courrier des gens, et ce, régulièrement. J'aimerais savoir si c'est vrai.
Ce que vous avez là, c'est ce que j'ai entendu et ce que j'ai lu, et je tiens à vous en remercier. Cela correspond très bien à ce que notre comité a entendu au cours de ses voyages dans le pays. Nous avons entendu beaucoup de gens, et, de toute évidence, vous avez entendu les mêmes gens, parce que c'est un excellent rapport, et je tiens à vous en féliciter. Bien sûr, vous aurez droit à de sincères félicitations si l'on donne suite à ce rapport.
Je lis à la page 2: «Après tout, d'où provenaient cette attitude négative, cette colère et cette frustration?» Nous avons nous aussi entendu cette colère, qui venait du coeur, de tant de gens, des personnes blessées elles-mêmes et de leur famille. Vous avez fort bien décrit l'irritation que l'on éprouve à l'égard du système. Les gens disent: «Nous avons été blessés en servant notre pays, au Canada ou à l'étranger, et ce sont nous, les blessés, qui devons nous battre pour obtenir quoi que ce soit.» Ils disent: «On pensait que si on était blessé, on allait s'occuper de nous. C'est ce qu'on pensait; c'est ce à quoi on s'attendait de l'armée et de notre pays.» Puis ils ont découvert qu'ils devaient lutter pour obtenir la moindre chose.
La première réponse, c'est un non automatique. Combien de fois avons-nous entendu cela au cours de notre voyage? Je pense que les députés ministériels seront d'accord pour dire qu'on a entendu ça très souvent.
Puis, s'ils ont été grièvement blessés, ils doivent se battre—très souvent pendant plusieurs années, pendant que leur santé se détériore—contre le ministère ou les Forces canadiennes. Si leur blessure les contraint à quitter les forces armées, ils doivent reprendre leur combat du début, comme s'il n'y avait aucune communication entre l'armée et Anciens combattants Canada.
C'est ce qu'on a dit à notre comité, et, chose certaine, je l'ai entendu moi-même plus d'une fois. Les gens sont en colère, mais je pense que tous les membres de notre comité ont également compris que ces femmes et ces hommes qui nous servent sont bien mal traités.
Nous avons écouté les gens. Il est vrai qu'on entend surtout les personnes qui ont été les plus maltraitées. Je m'attendais à ce que l'on entende ces gens. Mais il est encourageant de voir que vous avez admis cela aussi dans votre rapport, et je vous en félicite.
Lcol R.G. McClellan: Je répondrai brièvement à votre première question en vous disant: non, je ne mets pas de lignes téléphoniques sur écoute ou, à ma connaissance, tout autre moyen de communication.
M. Leon Benoit: Eh bien, vous avez compris ce que je voulais dire de toute façon. Je vous félicite sincèrement pour ce rapport, et j'espère qu'on y donnera suite. Et j'espère que cela ne s'arrêtera pas là. J'espère que les gens qui ont témoigné devant le comité et les autres qui sont venus me voir et, j'en ai la certitude, les autres députés, seront traités différemment à compter de maintenant.
• 0930
Je n'avais qu'une question à vous poser. Vous mentionnez le
lien qu'il y a entre les Forces canadiennes et Anciens combattants
Canada. Vous admettez qu'il y a un problème ici. Va-t-on faire
quelque chose bientôt pour remédier à ce problème? Encore là, on
imagine aisément ces familles qui doivent se prêter à un processus
qui dure parfois plusieurs années, pendant que leur santé se
détériore, dans les Forces canadiennes. Puis ça recommence avec
Anciens combattants Canada.
Nous avons entendu une dame, à Petawawa, je crois—je peux me tromper—qui parlait de cela. Elle disait qu'on l'avait même obligée à obtenir un tout nouveau rapport d'un médecin. Ce n'est pas facile à obtenir quand on vit sur une base, vous savez. Il faut conduire longtemps, et ça prend du temps. Ils doivent aller jusqu'au bout du processus dans les forces armées, et recommencer avec Anciens combattants Canada. Ils ont tous ces frais à payer—dont une bonne partie ne sont pas remboursés—et ils doivent se donner tout ce mal pour obtenir un nouveau rapport d'un médecin qui ne fait que répéter ce que le premier médecin a dit. Certaines de ces personnes voient parfois cinq ou six médecins qui leur disent à peu près la même chose. Ils en voient deux ou trois au cours du premier processus, à l'intérieur des Forces canadiennes, puis ils en voient deux ou trois autres dans le processus d'Anciens combattants Canada pour obtenir une pension.
Est-ce qu'on va faire quelque chose ici?
Lcol R.G. McClellan: Absolument, et on a déjà commencé. D'ailleurs, au sein de l'équipe que nous avons formée l'an dernier, il y avait deux fonctionnaires d'Anciens combattants Canada. Donc nous avions des gens d'ACC au sein de notre équipe.
Tout comme nous, ACC tient à améliorer les communications. Il y a peu de temps encore, j'étais à Charlottetown pour parler de la seconde phase du rapport, et ils sont impatients d'y prendre part.
Nous avons également procédé à un échange d'officiers pour améliorer les communications. Le général Boutet, qui est dans la salle, a été détaché aux Anciens combattants. Le ministère a également détaché un cadre supérieur à la Défense. Nous sommes donc de plus en plus proches et nous nous connaissons mieux, ce qui fait que ce genre de situations n'existent plus.
M. Leon Benoit: J'ai ici le nom de quelqu'un que vous connaissez sans doute, car le Sun en a parlé le 1er avril, je crois. Le caporal-chef Garry Dolhan a été blessé lors d'un saut en parachute. Le journal en a fait état. Il a atterri dans un boisé. Plusieurs personnes m'ont dit que cette zone de saut était considérée comme extrêmement dangereuse, peut-être même plus dangereuse que ne l'exige ce genre d'entraînement. Quoi qu'il en soit, il a été gravement blessé.
Pendant son hospitalisation, des militaires sont venus le trouver pour l'interroger. Alors voilà le bonhomme, couché sur le dos et gravement blessé, à qui on demande ce qui s'était passé pendant le saut. Il n'est pas vraiment à mon avis en état de porter un jugement le lendemain même de son accident alors qu'il a très mal, qu'il ne sait même pas s'il pourra jamais retrouver l'usage de ses jambes, sans même parler de poursuivre son service.
Êtes-vous au courant de cet incident?
Lcol R.G. McClellan: Non, monsieur, mais j'imagine que ce qui s'est passé à ce moment-là, c'est ce que nous appelons une enquête sommaire. Chaque fois qu'il y a un accident, une enquête sommaire est lancée.
J'ignore comment ces gens se sont adressés à lui. Vous laissez entendre qu'ils ont été inquisiteurs, voire qu'ils l'ont accusé, ce qui est tout à fait regrettable. Une enquête sommaire doit toujours être conduite de façon objective, mais il faut également procéder très rapidement après l'accident, alors que le souvenir de celui-ci est encore frais en mémoire. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas au courant.
M. Leon Benoit: Mme Dolhan m'a appelé pour me dire qu'elle craignait que son mari ne soit purement et simplement abandonné par l'armée, ou quelque chose de ce genre. Voilà une déclaration assez bouleversante quand on sait qu'elle ignore si son mari pourra à nouveau marcher, voire rester dans les forces. C'est tout leur avenir qui vient d'être remis en cause, et c'est la première pensée qui lui est venue à l'esprit.
C'est précisément la raison pour laquelle je me félicite que vous l'ayez mis dans votre rapport.
Gén J.M.G. Baril: Je pourrais peut-être dire un mot à propos de cet exemple précis, c'est-à-dire l'un de nos officiers qui a été blessé à l'occasion d'un saut effectué en compagnie de soldats américains. Il a été gravement blessé, c'est exact. J'imagine que lorsqu'on veut trop bien faire, on risque de commencer l'enquête trop rapidement, donc sans beaucoup d'égards.
Ce qui m'a vraiment perturbé dans le cas en question—et je suis d'ailleurs personnellement intervenu auprès du commandant responsable—c'est que l'accident s'est produit et que presque immédiatement, dans les quelques jours qui suivirent, son épouse ait à ce point perdu confiance en notre système qu'elle a cru bon d'en parler publiquement, convaincue qu'elle était de devoir protéger son mari parce qu'il avait été blessé. C'est cela qui m'a vraiment fait mal aux tripes.
• 0935
Voilà donc l'un des exemples dont nous parlons. Lorsqu'un
accident survient, nous devons veiller à tout. Nous n'avons qu'une
seule occasion de conserver et de renforcer la confiance de nos
hommes et de nos femmes, et, si nous n'en profitons pas, cette
confiance sera pour nous perdue pendant très longtemps.
Nous entendons toutes ces histoires que le colonel McClellan a lui-même entendues. Nous n'allons jamais pouvoir réparer les dégâts qui ont été commis, mais dans ce cas-ci je pense pouvoir vous garantir que nous avons pris le taureau par les cornes.
M. Leon Benoit: C'est précisément ce que je voulais vous faire dire. Nous ne pouvons pas faire marche arrière, mais il n'empêche qu'il y a plusieurs victimes qui, selon moi, ne sont pas bien traitées. Voilà précisément une excellente occasion de faire en sorte que cette personne et sa famille soient convenablement traitées.
Gén J.M.G. Baril: Soit dit en passant, il va très bien et il se remet.
M. Leon Benoit: Je vous remercie.
Le président: Merci à vous.
Monsieur Proud.
M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président, et je vous remercie également, messieurs.
Je dois assurément vous remercier, colonel McClellan, pour ce que vous êtes venu nous dire ce matin. Tout comme mon collègue, M. Benoit, j'ai désormais davantage le sentiment que les choses sont en train de se mettre en place. Pour beaucoup de gens, la route a été très longue. Tout au long de nos déplacements au Canada, nous avons entendu parler de tous ces terribles problèmes. Cela fait plusieurs années que je fais partie du comité, et j'y ai entendu bon nombre d'histoires que je préférerais n'avoir pas à entendre une nouvelle fois.
En ma qualité de secrétaire parlementaire du ministre des Anciens combattants, je sais qu'on a critiqué à la fois le ministère des Anciens combattants et le ministère de la Défense nationale. Je sais également que beaucoup de progrès ont été réalisés dans ce domaine. Malheureusement, cela a pris un certain temps, et je pense qu'il a fallu faire changer d'attitude à pas mal de gens.
Je voudrais vous remercier tous pour cet examen que vous avez conduit et également féliciter les deux ministères pour la façon dont ils s'y sont pris.
Avec tout ce que nous entendons un peu partout au Canada... et comme je le disais, il y a bien des histoires que nous ne voudrions pas devoir entendre à nouveau. Il est regrettable que nous ayons ainsi laissé dégénérer ce problème. J'espère que nous sommes maintenant arrivés au bout du chemin et que nous allons désormais avoir un système tel que tous ces hommes et toutes ces femmes, lorsqu'ils feront la transition entre les forces armées et le secteur civil à la suite d'une blessure, recevront les soins et l'attention qu'ils méritent.
C'est tout ce que j'avais à dire.
Le président: Je vous remercie, monsieur Proud.
Madame Longfield.
Mme Judi Longfield (Whitby—Ajax, Lib): Je vous remercie.
Je suis ravie d'avoir pris connaissance du rapport et je suis du même avis que M. Benoit, car, effectivement, ce rapport corrobore tout ce que nous avons entendu.
Il y a néanmoins une ou deux choses qui piquent ma curiosité. Lorsque je lis les conclusions et les données, je constate que 941 questionnaires ont été envoyés et que 214 ont été renvoyés dans les délais prévus. En d'autres termes, 42 p. 100 seulement des questionnaires vous ont été renvoyés. Faites-vous quelque chose pour assurer un suivi quelconque dans les autres cas? Savez-vous pourquoi le taux de réponse a été si bas?
Lcol R.G. McClellan: Nous avons essayé d'en savoir plus long au moment où les questionnaires ont commencé à nous parvenir. Les gens déménagent, il y en a qui quittent le pays, il y en a d'autres qui n'ouvrent pas leur courrier, si vous voyez ce que je veux dire. Il a été extrêmement difficile, à partir des listes d'adresses dont nous disposions, de découvrir si effectivement M. ou Mme Dupont habitait bien à l'appartement B de la rue Machin à Montréal. Nous n'avons toutefois pas essayé de donner suite plus avant. À mesure que l'examen se poursuivait, il est devenu impossible de faire davantage pour des raisons de temps.
Mme Judi Longfield: De sorte qu'alors que vous avez envoyé 941 questionnaires, vous ne savez pas vraiment combien sont parvenus à bon port. Parmi ceux qui l'ont effectivement reçu, le pourcentage de questionnaires renvoyés est peut-être plus élevé que le chiffre que nous voyons ici.
Lcol R.G. McClellan: Mais le nombre de questionnaires que nous avons récupérés, peu importe l'endroit où la rupture s'est effectivement produite, était néanmoins suffisant pour être statistiquement valable.
Mme Judi Longfield: De toute évidence, comme je le disais, cela donne néanmoins un aperçu.
• 0940
Une ou deux choses encore très rapidement. Encore une fois, je
n'ai pas lu le rapport dans son intégralité, et peut-être en fait-il état,
mais il y a un certain nombre de gens pour qui il existe
un conflit d'intérêts majeur chez les médecins militaires qui sont
obligés de faire un rapport circonstancié sur l'état de santé des
membres des forces armées qui ont subi des blessures, et en
particulier de ceux qui sont, pourrions-nous dire, employables et
déployables. Nous savons que plusieurs militaires qui avaient été
blessés ont caché leur état de santé parce que selon eux, s'ils
allaient consulter le médecin, celui-ci devait faire un rapport, ce
qui risquait d'entraîner leur libération. Avez-vous entendu dire la
même chose et, si oui, qu'en pensez-vous?
Lcol R.G. McClellan: Effectivement, nous avons entendu dire à plusieurs reprises que cette question de la divulgation spontanée d'un traumatisme physiologique ou psychologique empêchait effectivement beaucoup de gens... Ils ont l'impression que s'ils font état d'une blessure ou d'un traumatisme, c'est la fin de leur carrière. Ce n'est toutefois pas tout à fait exact pour l'essentiel. Quoi qu'il en soit, cette idée préconçue les dissuade de révéler...
Mme Judi Longfield: Si c'est effectivement l'impression qu'a un employé qui s'est blessé, il est évident que nous devons faire quelque chose pour rectifier le tir, n'est-ce pas?
Lcol R.G. McClellan: Oui. Mais nous avons beau lui dire de nous faire confiance, lui demander où il a mal, quel est le bobo, et lui dire que nous allons l'aider, il n'en croit rien. Cela est dû en grande partie au fait que les membres des forces armées ont l'impression que leur carrière risque d'en souffrir, qu'ils risquent d'être libérés ou bloqués pour des raisons médicales, si vous voyez ce que je veux dire.
Gén J.M.G. Baril: Si vous me permettez d'intervenir ici, je pense que c'est une question à la fois de comportement humain et de méfiance à l'endroit de nos médecins. Je suis relativement convaincu qu'il y a souvent des joueurs de hockey qui entrent sur la patinoire malgré une blessure et qui n'ont pas consulté le médecin de l'équipe parce que leur carrière risque d'être compromise s'ils se font blesser une nouvelle fois. Nous avons tous fait cela lorsque nous étions plus jeunes, lorsque nous n'avions pas cette perception du danger que cela représentait. Mais le fait de ne pas parler d'une blessure afin de pouvoir aller s'entraîner avec l'équipe, et le faire jour après jour, est regrettable. C'est une question qui relève de l'entraîneur et du médecin. Nous devons faire tout notre possible pour que notre joueur, notre soldat, ne soit pas blessé, comme ce serait le cas dans une équipe de hockey, car nous avons également affaire à un groupe de professionnels.
De là à aller jusqu'à dire que le médecin militaire est moins coulant qu'un médecin civil, il est évident que d'entrée de jeu, lorsqu'on consulte un médecin militaire qui connaît le règlement, qui connaît les politiques et qui les applique, qui commence par faire un bilan clinique et qui y ajoute ensuite la touche humaine voulue, par rapport au médecin de quartier qui ignore tout du règlement, il est certain que la recommandation ne sera pas la même dans les deux cas. Il appartient donc à la hiérarchie et au commandement de décider des suites à donner et d'appliquer la règle universelle. Ce sont là des décisions très difficiles à prendre du point de vue humain, mais ce sont des décisions qui doivent être prises constamment.
Mme Judi Longfield: Je conçois très bien ce que vous nous dites, mais permettez-moi de revenir... Nous avons souvent entendu des épouses nous dire qu'elles craignaient pour la carrière de leur mari, et qu'elles ne faisaient pas confiance au médecin militaire. Elles faisaient peut-être confiance au traitement prescrit, mais elles ne faisaient pas confiance à sa... loyauté n'est peut-être pas le bon terme, mais ce que je veux dire, c'est que le médecin militaire sert l'armée d'abord et son patient ensuite.
Je pense que lorsqu'un militaire se blesse et éprouve des problèmes, surtout... Pour revenir à l'analogie entre le joueur de hockey et le militaire, un joueur de hockey qui subit une blessure peut toujours trouver de l'aide à l'extérieur de la Ligue nationale, il peut consulter un médecin indépendant, alors qu'un militaire ne peut pas aller demander une deuxième ou une troisième opinion ou consulter quelqu'un qui fait directement partie de la hiérarchie.
Je comprends très bien votre sentiment à ce sujet, mais vous devez savoir que ce genre de peur est très profondément ancrée chez les militaires.
Gén J.M.G. Baril: Je pourrais ajouter que cette crainte est due à une insuffisance d'information détaillée, une information qui aurait pourtant dû être fournie au moment même. Quiconque entend dans le cabinet du médecin qu'il va lui arriver ceci ou cela se trompe, car l'étude du dossier médical est un processus beaucoup plus complexe.
Mme Judi Longfield: Fort bien.
On nous a dit que les critères d'assurance-revenu militaire étaient beaucoup plus rigoureux que ceux des autres régimes de pension ou d'assurance de la fonction publique. Nous avons également appris que si un militaire subit une blessure pendant une opération de maintien de la paix ou pendant une mission spéciale, selon la définition qui en est donnée, la pension commence à la date de la demande. Si par contre un militaire se blesse alors qu'il est à l'entraînement ou dans une base, il n'est pas admissible avant sa libération, ce qui représente une véritable disparité. Est-ce que quelque chose est prévu pour remédier à cela? S'agit-il selon vous d'un problème bien réel?
Gén J.M.G. Baril: J'en conviens, vous avez parfaitement raison. J'en ai d'ailleurs discuté ici même mardi dernier. Il y a effectivement une différence. Mais pour nos militaires, être blessé en Bosnie ou pendant une inondation à Winnipeg ne fait guère de différence. C'est la même chose. Ce sont les deux ministères qui s'en occupent. Le problème est un peu complexe, et je vous recommande d'ailleurs de le signaler lorsque vous entendrez les anciens combattants et le ministère des Anciens combattants, car ce sont eux les experts en la matière.
Mme Judi Longfield: Cela relève du ministère des Anciens combattants plutôt que de celui de la Défense; c'est bien cela?
Gén J.M.G. Baril: C'est un peu plus complexe que cela. Je ne suis pas juriste, et le ministère a des avocats pour s'occuper de cela.
Mme Judi Longfield: Parfait, je vous remercie.
Le président: Merci.
Monsieur Price.
M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Merci, monsieur le président, et merci à vous, messieurs, d'être venus ce matin.
J'allais poursuivre dans la même veine que Mme Longfield parce que vous nous avez dit ceci:
-
Dans tout pays, des forces armées en état de fonctionner
convenablement ne peuvent se passer d'instruction, d'équipement, de
leadership et de conditions de service adéquats ou, en d'autres
termes, d'une qualité de vie.
Ce que nous entendons dire, c'est que la peur semble pratiquement régner au sein des forces armées. Nos militaires sont tout à fait prêts à aller se battre et à faire ce qu'on leur demande à l'étranger, mais ils ont pratiquement peur de faire quoi que ce soit de dangereux au Canada. S'ils subissent une blessure au Canada, ils n'ont pas le même soutien que celui qu'on leur donne à l'étranger. J'imagine que cela s'inscrit un peu dans le même fil de ce que vous demandait Mme Longfield, et c'est assez préoccupant. Comment pouvez-vous avoir des militaires qui soient vraiment prêts à s'entraîner à fond lorsqu'ils ont cette crainte omniprésente de ne pas obtenir le même genre de service d'appui lorsqu'ils se blessent au Canada que celui qu'ils obtiennent lorsqu'ils sont blessés sur un théâtre d'opérations.
Gén J.M.G. Baril: J'imagine que les troupes qui s'entraînent au Canada ou qui servent à l'étranger ne connaissent pas cette peur. Nos soldats sont très courageux. Ce qui se passe, c'est qu'il y a des gens qui ne font pas suffisamment confiance au système et qui craignent que, s'ils sont blessés, le système ne s'occupera pas bien d'eux.
Pour la plupart d'entre nous, lorsque nous sommes en opération, nous ne pensons sans doute pas vraiment aux possibilités d'être blessés. Nous pensons que le système s'occupera bien de nous et nous n'y pensons tout simplement pas. La famille du militaire ne devrait pas être dans la même situation, mais nous avons connu tant de cas difficiles que même si je vous donnais 1 000 exemples du contraire, cela ne suffirait pas à faire oublier les cas problèmes. Je ne saurais accepter que nos militaires qui risquent leur vie au Canada ou à l'étranger pensent que leurs familles seront délaissées tout comme eux si jamais ils sont tués, grièvement blessés, ou même légèrement blessés.
M. David Price: Cela doit avoir une incidence sur l'entraînement au Canada si nos militaires ont effectivement cette crainte omniprésente de ce qui surviendra s'ils sont blessés pendant l'entraînement. Nous formons d'excellents soldats, là n'est pas la question, mais...
Gén J.M.G. Baril: Moi aussi, j'ai été jeune. Lorsque j'avais 18 ou 19 ans, il ne me serait jamais venu à l'idée que je pourrais être blessé, de sorte que je n'avais peur de rien. C'est peut-être la raison pour laquelle la troupe n'en fait pas suffisamment état. Il a fallu six ou sept ans de missions extrêmement intensives qui nous ont occasionné un grand nombre de victimes de toutes sortes en un laps de temps très court pour que nous comprenions effectivement que nous nous y prenions mal. Nous avions été présents à Chypre pendant 29 ans. Plus de 30 000 militaires canadiens y ont servi, et, à l'époque, nous ne l'avions pas compris, ou encore nous n'avions pas écouté.
Je pense que pendant ma carrière j'ai entendu un nombre considérable de non, et il n'y avait rien que je pouvais faire à ce sujet. Ce n'était pas de mon ressort. Mais, à l'heure actuelle, tous ces non qui s'accumulent finissent par atterrir sur mes genoux.
M. David Price: Je ne vous le fais pas dire.
• 0950
Mais il me semble qu'évidemment les problèmes que nous
connaissons tous à l'heure actuelle reviennent immanquablement à
une question d'argent. J'imagine que le vérificateur général en
convient, à en croire le rapport que vous venez de voir. Vous nous
avez d'ailleurs dit aujourd'hui même que des militaires heureux
dotés d'un équipement désuet ne constituent pas une force armée
efficace.
Vous avez également dit que le rapport du vérificateur général n'allait pas être mis aux oubliettes. Vous avez personnellement garanti que vous alliez prendre l'initiative. Que pouvez-vous faire? Qu'envisagez-vous? Pensez-vous à un échéancier que vous pourriez mettre en place?
Gén J.M.G. Baril: Il appartient au ministère dans son ensemble d'apporter une réponse au rapport du vérificateur général, et je ne doute pas que nous avons d'ores et déjà des experts qui s'y sont attelés.
Mais si vous me le permettez, en ce qui nous concerne, ce n'est pas si grave. Cela nous fait effectivement comprendre qu'il a été extrêmement difficile de vivre avec les ressources de plus en plus limitées qui, depuis tant d'années, sont imposées au ministère. Il a fallu procéder à des coupures massives, à des changements draconiens et à une restructuration considérable. Et lorsque cela se produit, il est certain qu'il y a quelqu'un, quelque part, qui doit en subir les conséquences, et je crains que ce ne soit nos militaires qui en ont souffert, ce qui est regrettable.
Quoi que nous fassions, nous ne pouvons rejeter tout cela sur les épaules de ces hommes et de ces femmes qui font partie des forces armées, nous ne pouvons leur imposer ces souffrances pour la seule raison que nous manquons de ressources. Il faut rajuster le tir, mieux gérer et obtenir le maximum pour notre argent, mais sans pour autant compromettre la qualité de la vie de nos militaires, et cela, depuis le matériel jusqu'aux logements, en passant par les services médicaux. Nous devons bien nous occuper de toute la maisonnée.
M. David Price: Je suis on ne peut plus d'accord avec vous. J'aime beaucoup ce que vous nous dites, que les compromis ne sont pas une solution. C'est très important. Mais comment allez-vous vous y prendre? Allez-vous peut-être faire pression sur nous pour que nous augmentions nos budgets?
Gén J.M.G. Baril: J'allais dire pour commencer non sans mal, mais je pense avoir beaucoup d'appui, non seulement ici dans cette salle, mais également au ministère, au gouvernement et au Canada en général. C'est cela qui me donne confiance. Notre pays va s'occuper de ceux et celles qui sont chargés d'assurer sa défense.
M. David Price: Colonel McClellan, vous avez mentionné dans votre exposé que le comité d'examen était dissous. Les problèmes y ont été évoqués, des solutions ont été mises sur la table, mais à l'heure actuelle c'est un peu comme si le rapport tout entier avait été remis sur les tablettes. Vous nous avez dit que cet examen allait se poursuivre, mais allez-vous pour cela constituer un nouveau comité d'examen? S'agira-t-il du même groupe qui va poursuivre le travail ou de gens tout à fait différents qui vont reprendre à zéro?
Lcol R.G. McClellan: Laissez-moi vous dire pour commencer que le rapport n'est certainement pas relégué aux oubliettes, et qu'il ne le sera en aucun cas. Certes, le comité d'examen a été dissous. Je l'avais constitué pour aller s'enquérir auprès des gens et pour découvrir les réponses aux questions. Maintenant, il m'appartient à moi et à un petit nombre de gens de mon entourage de concevoir la phase II et la phase III. Mais le rapport n'est certainement pas sur les tablettes.
M. David Price: Je l'espère bien.
Lcol R.G. McClellan: L'élément positif dans tout cala...
M. David Price: Est-ce le même groupe qui va poursuivre? Ces gens ont été mis au courant, et il est à espérer...
Lcol R.G. McClellan: Non, ce ne sera pas le même groupe pour toute une série de raisons, mais les travaux vont se poursuivre. Vous savez fort bien que nos militaires et leurs familles ainsi que leurs proches qui leur ont survécu sont des gens tenaces; ils savent que la question est maintenant dans le domaine public, de sorte qu'ils peuvent tout à fait légitimement nous dire: «Vous nous avez promis de faire ceci», et nous demander des comptes. C'est merveilleux. C'est cela qui appelle à l'action et qui confère un sens de l'enthousiasme à propos du processus.
M. David Price: Je vous remercie.
Il me reste une toute dernière question, général. Vous pourriez peut-être nous expliquer en quelques mots ce que vous entendez faire à propos des médailles du service, et en particulier des médailles d'unité. Je sais qu'on en a déjà brièvement parlé, mais...
Gén J.M.G. Baril: Vous parlez de la poche de Medak ou...
M. David Price: Oui, mais j'aurais probablement dû préciser davantage. Étant donné que les forces armées ont changé considérablement de rôle depuis quelque temps et que nous sommes intervenus par exemple au Manitoba ou à l'occasion de la tempête de verglas, peut-être voudra-t-on prévoir l'une ou l'autre récompense pour ces missions particulières.
Gén J.M.G. Baril: Le gouvernement comme l'état-major y ont effectivement pensé. Nous avons un système de récompenses, de décorations et de citations extrêmement complexe tant au ministère qu'au niveau national. Toutes les distinctions qui sont conférées sont la prérogative du bureau du gouverneur général.
• 0955
Pour revenir plus particulièrement à ce que nous faisons de
notre côté, nous pouvons effectivement récompenser une unité ou un
militaire pour telle ou telle action, que ce soit au Canada ou à
l'étranger.
Notre intervention à Bakovici a été tout à fait différente de tout ce que nous avons fait depuis la guerre de Corée. Il s'agissait surtout d'opérations de maintien de la paix, mais, brusquement, une unité composée de forces régulières et de forces de réserve, de militaires venant de tous les coins du Canada, a dû faire front pour défendre sa position les armes à la main. C'était la première fois que des militaires canadiens ont eu ainsi à intervenir de façon armée en temps de paix.
Je voudrais maintenant mettre un bémol à tout cela en précisant: fort bien, mais c'est précisément cela qu'on nous demande de faire. Quiconque aura à le faire à nouveau ou l'a fait dans le passé va être reconnu comme tel.
En partant du système qui existe actuellement, je me suis demandé si nous pouvions le faire. Je pense que je vais devoir inventer quelque chose de nouveau... en fait pas moi, mais plutôt le système va devoir inventer quelque chose de différent, étant donné que cette action a été elle-même tout à fait différente.
M. David Price: Oui, dans ce cas-là, mais également pendant la tempête de verglas et au Manitoba. Nos militaires interviennent dans toutes sortes d'opérations différentes, ils font preuve d'héroïsme, et cela doit être reconnu. Il est évident aussi qu'il faut le reconnaître au niveau des unités. Je sais que les soldats sont récompensés à titre individuel, et que le système est bien rodé, mais je parle des unités en tant que telles. Souvent, les gens ont tendance à s'identifier à leur unité, et ils en sont très fiers. Si l'unité est récompensée, cela permet parfois de résoudre pas mal de problèmes, de moral notamment.
Je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci beaucoup. Monsieur Lebel.
M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Bonjour, général. Je m'excuse. Je n'étais pas là au début parce que siégeais à un autre comité, mais je suis bien content de vous revoir aujourd'hui. Je n'ai pas énormément de questions. J'ai posé les miennes l'autre jour. Il me revient cependant à l'esprit une chose qui me semble symptomatique.
Lors de notre tournée des bases, un officier et quelques sous-officiers sont venus nous dire qu'ils ne pouvaient plus se permettre de payer leur contribution obligatoire au mess des officiers. Je commencerais peut-être par vous demander pourquoi il y a un mess. Pourquoi y a-t-il eu dans l'armée, jusqu'à maintenant, un mess des officiers ou un mess des sous-officiers? Pourquoi était-ce aussi important? Est-ce que cela ne projetait pas une image de solidarité, de regroupement, de sentiment d'appartenance? Est-ce que l'image du mess, dans les troupes, n'était pas quelque chose d'important? C'est ma première question. Je vous laisse y répondre et j'en poserai ensuite une seconde.
Gén J.M.G. Baril: Ce sujet-là a été soulevé partout au Canada. J'ai aussi fait une tournée partout au Canada. Un certain pourcentage de nos troupes, à tous les grades, pensent qu'un mess, ce n'est plus nécessaire. Ce groupe-là pense peut-être que d'autres services qu'on donne ne sont pas nécessaires, mais dans les Forces canadiennes, nous avons consulté nos sous-officiers et nos officiers à tous les grades et des comités se sont réunis pendant longtemps, et nous sommes arrivés à la conclusion que, pour le bien-être des troupes et des Forces canadiennes, pour la solidarité et l'esprit de corps, les mess étaient encore nécessaires ici, au Canada.
Certaines autres armées ne pensent pas que c'est nécessaire. Si on pense que c'est nécessaire, à ce moment-là, il faut être capable de les faire vivre. Une certaine partie des dépenses de ces organismes est payée avec de l'argent public, tandis que l'autre partie est payée avec de l'argent non public.
Dans une base, si les membres d'un mess veulent avoir moins d'activités, ils peuvent voter démocratiquement—ce sont des organisations démocratiques—pour réduire le coût d'appartenance, mais on a encore un coût d'appartenance obligatoire, qui est très minime. Je suis sûr que plusieurs des membres du mess des officiers ou des sous-officiers, à Ottawa, qui payent religieusement leurs 10 $ ou 12 $ par mois ne savent même pas où est leur mess parce qu'ils ne s'en servent pas.
M. Ghislain Lebel: Cela répond peut-être à ma seconde question. Ne pensez-vous pas qu'il y a une désaffectation du militaire, qu'il soit sous-officier ou officier, vis-à-vis de son unité, vis-à-vis de son regroupement? Pour vous, est-ce que cela ne signifie pas qu'il y a peut-être quelque chose qui n'est pas vraiment sain dans le moral de nos troupes?
Gén J.M.G. Baril: Non. Cela signifie pour moi que notre petite société militaire ou que la vie militaire a beaucoup changé.
• 1000
Quand je suis entré, on était 45
célibataires à Valcartier, je pense. Il y avait un
grand total de trois voitures, dont deux appartenaient à
trois propriétaires parce qu'on ne pouvait pas s'en
acheter chacun une. Je peux vous assurer que la
vie du mess était un peu plus active qu'elle ne
l'est aujourd'hui.
Nos soldats vivaient tous sur la base.
Maintenant, la structure a changé. Comme les officiers ne demeurent plus sur la base, le mess des officiers est fermé le soir, la plupart du temps. Sur la plupart des bases maintenant, il y a des cuisines combinées. Les gens de tous les grades mangent dans la même cuisine. Il n'y a pas assez d'intérêt pour qu'on ouvre les différents mess.
Les choses ont changé. Pour l'instant, c'est comme ça. Tous les gens ont des voitures. On est beaucoup plus libres. Les gens veulent leur liberté. Cependant, on pense qu'il est encore fondamentalement nécessaire d'avoir nos mess, avec des heures réduites, naturellement, ce qui coûte moins cher. C'est un signe des changements qu'il y a dans la société canadienne. Ce n'est pas un signe de malaise. Cela indique peut-être que les gens veulent moins être ensemble, mais pas davantage. Cela indique très clairement qu'il y a eu un changement dans notre société.
M. Ghislain Lebel: Je suis bien d'accord avec vous, mais je trouve cela curieux. Lorsqu'on parle d'une armée, on parle toujours d'un regroupement, que ce soit la base, le peloton, la compagnie ou le régiment. Lorsqu'on parle d'une armée, à mon sens, on parle d'un regroupement d'individus qui entretiennent des liens étroits. Un peloton, c'est presque une fraternité. Quand on n'a pas d'endroit où qu'on ne désire plus avoir d'endroit pour se rencontrer... Je respecte votre opinion, général, mais moi qui suis dans la vie civile, je me demande si on n'est pas en train de vivre une désaffectation du militaire en dehors de ses heures régulières de travail, une diminution du sentiment d'appartenance et finalement un désintéressement pour la carrière militaire purement et simplement. En tout cas, c'est ainsi que je vois les choses. Je suis peut-être complètement dans l'erreur.
Gén J.M.G. Baril: Non, je ne le pense pas. Au fond, ce que vous dites, c'est que les choses sont beaucoup plus compliquées qu'on ne le pense. Quand je suis arrivé dans mon régiment, le traitement du stress, c'était les heures de bonne humeur. Nos anciens combattants se réunissaient tous ensemble autour des tables, où exactement huit personnes pouvaient s'asseoir. Les séances de thérapie avaient peut-être lieu dans les mess, dans nos communautés. Nous prenions soin de nous-mêmes.
Maintenant, étant donné que la société a changé et qu'on a beaucoup plus d'indépendance, on doit compenser ce que vous venez d'exposer. On doit maintenant le faire par des traitements à l'extérieur. On doit maintenant enseigner l'éthique, enseigner les questions ayant trait à la Convention de Genève. Auparavant, il y avait une interaction. Il y avait beaucoup de choses qui se transmettaient par osmose dans le mess. On vivait toujours avec les gens dans le mess, avec nos supérieurs, célibataires ou pas. Beaucoup de choses nous étaient transmises. Les régiments étaient très serrés. On vivait tous ensemble. On mangeait tous ensemble.
Maintenant, cela a éclaté parce que la société a changé. Ce que ces changements nous ont enlevé dans notre société militaire, nous devons le compenser dans nos institutions. Nous devons maintenant enseigner ces choses. C'est pour ça que nous pensons qu'il est encore très nécessaire de forcer nos gens à participer. Maintenant, s'ils ne veulent pas participer, c'est un peu différent.
M. Ghislain Lebel: Je vous remercie, général.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lebel.
Nous passons maintenant au tour de cinq minutes. Monsieur Goldring.
[Traduction]
M. Peter Goldring (Edmonton-Est, Réf.): Je vous remercie, monsieur le président, et je vous remercie aussi, messieurs.
Général, vous pourriez peut-être nous expliquer si, dans votre exposé, vous parliez de façon figurative des «militaires heureux avec de l'équipement désuet». Est-ce que vous vouliez parler du char Leopard de 1972?
Ce sera ma première question. J'en aurai une seconde après celle-là.
Gén J.M.G. Baril: Non, c'était un exemple générique. Lorsque nous les avons achetés, les chars Leopard étaient les meilleurs du monde. Ce n'est plus le cas maintenant, mais nous les modernisons en les dotant d'un blindage rapporté et d'une régie de tir tous temps. Nous améliorons la tourelle ainsi que la régie de tir. Ainsi équipé, le Leopard pourra encore nous servir probablement pendant 12 ans, et à ce moment-là nous verrons ce que nous en ferons.
Ce que j'essaye de vous dire, c'est que nous avons beau avoir le meilleur char, il faut également que son équipage soit bon, sinon l'ensemble ne sera pas bon.
M. Peter Goldring: Je comprends bien cela; je voulais simplement avoir une précision sur les chars dont nous disposons.
En second lieu, nous avons entendu parler d'une maladie qu'on appelle le syndrome de la guerre du Golfe. Elle a eu certaines séquelles, et d'aucuns ont avancé certains facteurs qui en seraient la cause, depuis le vaccin contre l'anthrax—qui est en fait une mixture de plusieurs composés différents—jusqu'aux obus radioactifs, en passant par les insectifuges et tout ce qui a été utilisé pendant ce conflit.
• 1005
A-t-on soigneusement documenté les effets qui pourraient
éventuellement entraîner une recrudescence de ce malaise? Et
particulièrement, lorsque des vaccins sont donnés, inscrit-on
soigneusement toutes les réactions découlant de cette vaccination?
Si j'en parle, c'est que l'on a déjà mentionné le mauvais système
de compte rendu des blessures. J'aimerais savoir de façon
spécifique si vous avez toute la documentation nécessaire pour
empêcher la réapparition d'un syndrome comme celui de la guerre du
Golfe, syndrome qui serait particulièrement dû aux vaccinations.
Gén J.M.G. Baril: Nous tentons évidemment d'éviter de répéter les erreurs de la guerre du Golfe, leçon que nous avons apprise durement en 1990, mais vous posez des questions relativement complexes à un officier d'infanterie. Or, je suis accompagné ce matin de mon médecin en chef, qui a servi avec moi en Afrique. Il était mon conseiller médical au moment où nous devions prendre la décision d'envoyer les dernières troupes dans le Golfe.
Monsieur le président, puis-je lui demander de répondre?
Le colonel Scott Cameron (directeur des Services médicaux, ministère de la Défense nationale): En bref, je répondrais par l'affirmative: dans le cas du déploiement qui nous occupe, nous faisons très attention à noter soigneusement toutes les immunisations et les médicaments que nos troupes reçoivent, de même que les effets secondaires; nous prenons également grand soin d'informer notre personnel des avantages et des risques de tous les médicaments prescrits et de ce que nous appelons les contre-mesures d'ordre médical.
Mais j'ajouterais aussi que nous avons maintenant fait beaucoup de recherches scientifiques et colligé énormément de faits médicaux depuis la fin de la guerre du Golfe en 1991. Nous savons que les anciens combattants de ce conflit souffrent de certaines maladies, et ce plus fréquemment que les civils pour lesdites maladies. Toutefois, on a tenté de bien des façons de cerner une cause spécifique ou une nouvelle maladie, mais cela n'a rien donné jusqu'à maintenant. On n'a pu identifier aucune nouvelle maladie qui soit spécifique à la guerre du Golfe, ni non plus d'agent spécifique, comme un médicament, une immunisation ou un produit chimique qui aurait pu rendre malade à une fréquence plus élevée qu'ailleurs les anciens combattants de ce conflit.
Nous nous attardons maintenant, à juste titre, sur la meilleure façon de traiter ceux d'entre nos soldats qui souffrent de maladie et qui ont servi dans les forces armées non seulement dans la guerre du Golfe mais lors d'autres déploiements. Il se fait beaucoup de travail de recherche dans ce secteur.
En médecine, la première chose à faire, c'est de cerner avec exactitude le problème, faute de quoi il est impossible de traiter efficacement le patient.
M. Peter Goldring: Que savez-vous d'un rapport qui signalerait la possibilité qu'un microbe synthétique se trouve dans le sang de vos soldats infectés? En avez-vous entendu parler?
Col Scott Cameron: Je ne suis pas sûr de savoir exactement de quel rapport il s'agit.
Je sais que l'on a émis à plusieurs reprises l'hypothèse au cours des dernières années que certains micro-organismes seraient la cause des maladies que l'on a constatées chez les anciens combattants de la guerre du Golfe. Il y a eu enquête dans chaque cas, et l'on a tenté d'abord d'identifier l'organisme dans le patient ou, en second lieu, d'identifier les effets que peut avoir cet organisme sur le corps humain. À ce jour, dans les cas sur lesquels nous nous sommes penchés, on n'a jamais pu associer une maladie avec un organisme ni identifier de nouvel organisme. Mais je ne connais pas ce rapport dont vous parlez.
M. Peter Goldring: Merci beaucoup.
Le président: Tout le monde est à l'heure ce matin. Merci beaucoup.
Une voix: Ne vous en vantez pas.
Le président: Je sais. Je ne devrais pas m'en féliciter trop vite.
Monsieur Richardson.
M. John Richardson (Perth—Middlesex, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur le président, j'aimerais consacrer un instant pour signaler la présence dans l'auditoire d'un membre des forces armées qui quittera le service sous peu. Il s'agit du colonel John Gardam avec qui j'ai eu l'occasion de travailler dans le cadre du projet sur le monument commémoratif pour la paix.
John Gardam est un officier de longue date, aguerri, et était chargé du projet du monument commémoratif pour la paix sur la rue Sussex; en notre nom à tous, je voudrais le remercier du fond du coeur d'avoir si bien réussi et d'avoir mis tant d'ardeur à l'ouvrage dans ses contacts avec les troupes chargées du maintien de la paix. Merci.
Des voix: Bravo!
M. John Richardson: C'est bien dommage pour le chef d'état-major de la Défense, car il sait à quel point ce petit bout de papier est important, et je parle du papier qui doit être transporté par chaque sergent de peloton ou sergent-major de compagnie, même lors d'une manoeuvre du maintien de la paix, qu'elle se fasse à Wainwright ou ailleurs. Dès que quelqu'un saute d'un camion, ou d'un char d'assaut, par exemple, bien des choses peuvent se passer: une cheville cassée ou une lésion de la colonne vertébrale. Des choses aussi simples que cela peuvent se produire.
Si le bout de papier est entre les mains du commandant du peloton, celui-ci rédige rapidement une note sur l'incident, en donnant la date, l'heure, et l'endroit, ce qui correspond à la plus grande partie de l'enquête. C'est un document clé.
Or, on nous signale constamment la même chose au sujet de ce rapport sur les blessures. Si l'officier décide qu'il faut se dépêcher et qu'il faut quitter les lieux, et qu'on ramassera le bout de papier plus tard, la plupart du temps, cela ne se fait jamais. On perd le bout de papier et le dossier du blessé se retrouve parmi les derniers.
Je ne sais pas comment vous pouvez changer votre façon de faire. Le rapport sur les blessures faisait partie naguère des instructions permanentes d'opération, peu importe la manoeuvre ou l'exercice, et il fallait s'assurer de le remplir. Venait ensuite une enquête sommaire, auprès de tous les témoins ayant assisté à l'incident et mentionnés dans le rapport. L'enquête se faisait sans qu'il y ait perte de temps, de façon opportune, et s'il fallait indemniser le blessé, cela se trouvait dans son dossier. De plus, si la blessure s'aggravait ultérieurement, on retrouvait facilement le dossier, ce qui permettait de verser une pension au blessé.
Colonel McClellan, je ne sais pas comment vous et vos collègues pouvez faire comprendre cela à vos troupes. Je sais bien que dans le feu de l'action au cours d'une manoeuvre on se dit que l'on s'en occupera plus tard. Mais ce «plus tard» ne survient jamais.
Il faut ordonner à vos hommes de rédiger le rapport; cela prend à peine 30 secondes pour inscrire toute l'information. Ensuite, que ce bout de papier soit froissé ou au fond d'une poche, cela reste tout de même une preuve prima facie de tout ce qui s'est passé. Ce sont les petites choses qui comptent, et particulièrement dans le cas de blessures.
Je préciserais, à votre décharge, que le ministre des Affaires des anciens combattants et ses fonctionnaires se sont montrés hier très ouverts et ravis de la coopération qui existait entre le ministère de la Défense nationale et le ministère des Affaires des anciens combattants. On a raccourci la période de réaction entre les deux ministères et l'on obtient beaucoup plus facilement des pensions pour les anciens combattants.
Nous étions heureux de l'entendre. Et nous sommes ravis de voir que vous confirmez aujourd'hui ce qui s'est dit hier. Toute cette collaboration est encourageante pour nous, surtout lorsqu'on constate que ceux qui méritent une pension la reçoivent rapidement.
Je vous en remercie. Je voudrais également vous féliciter comme d'autres de votre grande franchise de ce matin. C'est un énorme pas dans la bonne direction. La façon dont vous vous êtes exprimé et les exemples choisis étaient justes, opportuns, et représentaient bien le genre d'incidents qui ont été portés à votre attention. Le comité vous en remercie également.
Que dire d'autre si ce n'est la façon dont fonctionne aujourd'hui la Défense nationale, c'est de très bonne augure pour nous tous.
Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Richardson.
Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.
Général, mes collègues ont posé bon nombre des questions que j'avais en tête au sujet des blessures, mais j'aimerais tout de même revenir plus tard sur autre chose.
Auparavant, j'aimerais aborder la question des soldates. À propos du programme visant à inciter les femmes à se joindre aux forces armées, comment les choses se passent-elles?
Gén J.M.G. Baril: Je pourrais peut-être commencer par vous donner ma propre opinion—qui est sans doute un peu plus qu'une simple opinion personnelle étant donné mes galons—au sujet de l'intégration des femmes dans les forces armées. J'en ai d'ailleurs déjà parlé publiquement.
Les lois du pays nous obligent à leur ouvrir nos portes, et nous le ferons. Les femmes qui veulent se joindre à nous, dans les forces armées régulières et dans la réserve, pourront le faire, et elles le font déjà plus qu'avant.
Nous avons fait beaucoup d'erreurs et les femmes se sont heurtées à de bien mauvaises attitudes. Elles ont fait face à beaucoup de résistance, en dépit de la loi.
J'admets humblement que le pire des secteurs des forces armées a été la section des armes de combat, et même l'infanterie. On nous avait dit qu'il fallait accepter les femmes dans l'infanterie, mais nous avons fait en sorte qu'elles ne se sentent pas les bienvenues. Nous avons rendu la vie à ce point difficile à toutes celles qui voulaient s'intégrer dans les forces armées qu'elles ont plié bagages.
• 1015
Je vous dirais que nous allons désormais les accueillir au
sein du personnel combattant et dans tous les autres secteurs des
forces armées. Nous devons les convaincre qu'elles seront
accueillies à bras ouverts. Il est très difficile d'ordonner au
personnel de changer d'attitude, mais il devient de plus en plus
facile de ne pas tolérer dans nos rangs ceux qui refusent de
changer d'attitude.
M. Leon Benoit: Que s'est-il passé pour ce qui est du nombre de personnel féminin depuis cinq ou 10 ans?
Gén J.M.G. Baril: Nos statistiques sur l'intégration des femmes ne sont certainement pas élogieuses, surtout dans les métiers difficiles ou dans les unités des armes de combat, mais la tendance est très forte actuellement et nous investissons beaucoup d'efforts dans le recrutement. Il ne s'agit pas d'imposer un quota, mais nous déployons d'énormes efforts pour faire comprendre à tous les Canadiens, hommes ou femmes, qu'ils peuvent servir dans les forces armées. Ils doivent savoir que dès qu'ils répondent aux critères, peu importe leur origine, qu'ils soient hommes ou femmes, qu'ils parlent français ou anglais, ils peuvent servir partout au Canada.
Les forces armées ont évolué. J'y suis entré il y a maintenant longtemps, et à l'époque, ceux qui ne maîtrisaient pas l'anglais rencontraient des difficultés. Lorsque les femmes ont commencé à joindre nos rangs, elles rencontraient aussi beaucoup de difficultés. Dans tous les domaines, certains secteurs leur sont exclus, et dans les forces armées, il s'agissait du personnel combattant. Et j'avoue que ce territoire leur était exclu au détriment d'excellentes femmes soldates.
M. Leon Benoit: Je n'ai peut-être pas saisi la réponse, mais je voulais savoir comment les chiffres avaient évolué depuis cinq ans, par exemple.
Gén J.M.G. Baril: Les forces armées, dans leur ensemble, s'en tiennent encore à environ 10,5 p. 100 de femmes. Mais la proportion est beaucoup plus élevée au Collège militaire où elle oscille autour de 30 p. 100. Quant aux militaires du rang, dans les unités d'armes de combat, on compte très peu de femmes dans les forces armées régulières, mais beaucoup plus dans la réserve, qui les attire plus.
M. Leon Benoit: J'aimerais que l'on s'en tienne aux forces régulières, si vous voulez bien.
Gén J.M.G. Baril: Bien sûr. Je pourrais vous trouver des chiffres précis, si vous le souhaitez.
M. Leon Benoit: Bien. Je peux sûrement les obtenir.
Vous affirmez vouloir appliquer avec succès le nouveau programme pour faire augmenter le nombre de femmes dans les forces régulières.
Gén J.M.G. Baril: Je ne vais certes pas abaisser la norme des forces armées. D'ailleurs, on ne me le demande pas.
M. Leon Benoit: L'abaisser par rapport à quoi? Notre comité a entendu dire très clairement, surtout lors de nos visites à l'extérieur de nos réunions, que les normes avaient été rabaissées considérablement pour que les forces armées puissent accueillir les femmes.
On semblait s'inquiéter du système de «deux poids, deux mesures», ce qui se comprend aisément. Il semble que pendant un certain temps, les forces armées avaient accepté une norme différente. Puis, comme l'armée s'est rendu compte qu'elle devait niveler les normes, elle a décidé de les rabaisser pour que les femmes puissent répondre aux critères. Cela, on nous l'a dit très clairement. Réfutez-vous cette affirmation?
Gén J.M.G. Baril: Certainement. Nous n'avons pas abaissé la norme. Au contraire, nous en avons fixé une. Dans l'infanterie, comme dans l'artillerie ou même dans les corps blindés, il n'y avait pas de normes. Pourquoi? Parce que l'on tenait pour acquis que tout soldat de l'artillerie était capable de faire entrer un gros obus dans la culasse du canon.
On pensait que les femmes ne pouvaient entrer dans l'artillerie parce qu'elles n'étaient pas suffisamment fortes. Or, nous avons découvert qu'il y avait plus d'un homme incapable de charger le canon avec l'obus. Les lois du pays nous ont imposé de fixer une norme. Comment pouvions-nous empêcher les femmes d'entrer dans l'armée en leur imposant de courir 20 milles en portant un poids de 100 livres? Or, dès que nous nous sommes demandés pourquoi il était nécessaire de courir 20 milles en portant 100 livres, nous avons dû justifier nos normes.
Certaines des normes imposées avaient été choisies de façon spécifique pour faire en sorte que les femmes ne puissent pas entrer dans l'armée, ce qui était tout à fait malhonnête à l'époque. Cela ne correspondait pas à la norme exigée normalement pour l'infanterie, les corps blindés ou l'artillerie. Et si vous me dites que cela n'a rien à voir avec les normes, je vous répliquerai que j'ai pris personnellement à partie certains de ceux qui prétendaient que cela n'avait rien à voir avec les normes, parce que j'avais constaté qu'ils imposaient leurs propres normes personnelles. Or, cela n'est pas la façon de faire dans les forces armées.
M. Leon Benoit: Mais je dirais que cette opinion est généralisée, surtout dans l'armée, et que l'on semble convaincus que les normes ont été abaissées, comme dans le cas des marches.
Mais ce n'est pas vraiment ce qui m'intéresse. Ce qui m'intéresse, c'est de savoir pourquoi les femmes voudraient entrer dans l'armée étant donné la façon dont on gère les affectations, et particulièrement celles qui divisent la famille. Voilà ce qui m'intéresse. Vous pouvez bien prétendre encourager les femmes, mais je pense que toutes celles qui souhaitent avoir des enfants et vivre en famille sont défavorisées, et cela s'applique également aux hommes qui veulent voir grandir leurs enfants pendant un certain temps. Tous les soldats sont prêts à accepter des affectations outre-mer et certaines autres affectations qu'ils savent être essentielles, mais ce qui les embête véritablement, ce sont les affectations qui se suivent sans arrêt, comme par exemple lorsqu'ils se font envoyer suivre un entraînement ailleurs alors qu'ils reviennent à peine de Bosnie. Et puis, une fois cet entraînement spécial terminé, surgissent alors les tempêtes de verglas et les inondations. Ils sont tout à fait disposés à aller aider les gens en cas d'urgence. Ils ne veulent pas non plus se défiler des sessions d'entraînement. Mais ils ont l'impression souvent que leurs familles sont divisées de façon parfaitement injustifiée.
• 1020
Les forces armées devront décider si elles veulent accueillir
des familles dans leurs rangs ou pas, car pour l'instant, c'est
catastrophique.
Voilà ce que je voulais dire. Comment pensez-vous pouvoir attirer les femmes dans vos rangs si vous continuez à traiter les familles de la sorte?
Gén J.M.G. Baril: Je ne dirais pas, comme vous l'avez fait, que les forces armées canadiennes traitent les familles de façon catastrophique. Mais j'avoue que nous nous sommes trompés dans bien des cas.
Quand deux conjoints qui ont une famille portent tous deux l'uniforme, les gestionnaires de carrière et nous faisons de notre mieux pour affecter les deux ensemble, dans l'intérêt des forces armées, puisqu'il vaut toujours mieux maintenir la cohésion de la famille.
Mais il peut toujours arriver que la famille doive se séparer. Dans bien des cas, c'est une question de choix, lorsque la femme décide de ne plus se déplacer, pour préserver le bien-être de sa famille. Cela arrive souvent lorsqu'elle a un bon emploi et qu'elle ne porte pas l'uniforme. Cela rend la situation très difficile.
Ma tâche à moi est de m'occuper des forces armées et j'ai pour rôle de former des gens capables de se battre. Voilà mon mandat.
M. Leon Benoit: Je comprends, et j'y reviendrai au prochain tour de questions, car j'aimerais vous signaler un cas particulier.
Je suis préoccupé par les nombreux cas dont on nous a parlés, des cas de conjoints qui portent tous les deux l'uniforme mais dont l'un a été affecté... Et l'affectation dont je parle n'est pas la première, puisqu'au cours des dernières années, la famille a été séparée à la suite d'affectations nombreuses qui se suivaient les unes les autres. Il semble que l'un des conjoints ait été envoyé en affectation quelque part alors que d'autres s'étaient portés volontaires pour le remplacer et étaient aussi qualifiés que lui. On nous a signalé ces cas assez souvent pour que je sache que c'est un problème très grave.
Je vous donnerai mon exemple plus tard, car il ne me reste plus de temps.
Le président: Madame Longfield.
Mme Judi Longfield: J'invoque le Règlement.
Nous sommes convoqués spécifiquement aujourd'hui pour parler des soins dispensés aux soldats blessés et à leurs familles. M. Benoit et d'autres ont peut-être des choses très sérieuses à discuter, mais notre but aujourd'hui est de discuter du personnel blessé. Nous savons à quel point le problème est grave, et je souhaite que nous leur accordions toute l'attention qu'il mérite.
Je voudrais bien que nous nous en tenions à ce thème général dans nos questions et nos discussions. Lors de réunions subséquentes, nous aurons sans doute l'occasion d'aborder d'autres sujets. Je suis personnellement très préoccupée par le personnel blessé, et j'ose espérer que nous y consacrerons tout notre temps aujourd'hui.
M. Leon Benoit: Puis-je répondre, monsieur le président...
Le président: Soyez bref, je vous prie, monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Cette critique me visait. Je reconnais sans doute la gravité du problème, et je l'ai déjà signalé, mais je ne m'attends pas à ce que quiconque au comité le président ou quelqu'un d'autre, n'empêche de poser des questions qui m'intéressent.
Je profitais de la rare présence du chef de l'état-major de la Défense pour lui poser certaines questions sur un autre sujet. C'est mon droit le plus strict, et personne ne devrait tenter de m'en empêcher.
Nous sommes tous prêts à reconnaître la gravité du problème des blessés.
Le président: Général, voulez-vous répondre...
Gén J.M.G. Baril: Le bien-être de la famille fait partie intégrante de la qualité de vie, et les affectations et déplacements à l'échelle du Canada préoccupent grandement les gestionnaires de carrière de l'armée et tout l'état-major.
Les lois canadiennes m'obligeant à accepter comme recrues des mères célibataires ou des pères célibataires avec quatre enfants, je dois néanmoins m'assurer que j'ai les ressources suffisantes pour m'en occuper, même si c'est par le truchement de certaines règles. Je ne peux tout de même pas envoyer en Afrique pour sauver des enfants qui meurent de faim une mère de famille qui, pour ce faire, laisserait ses propres enfants au Canada. C'est parfaitement illogique.
Il est très difficile pour un soldat d'accepter que sa famille soit séparée ici même au Canada, car l'armée lui rend souvent ce choix très difficile. En effet, nous déplaçons souvent les soldats. Il est très difficile de diviser des couples mariés. Mais ceux qui entrent dans les forces armées ou qui se marient une fois qu'ils sont soldats savent depuis le tout début que la vie ne leur sera pas facile. Certains s'en désolent, mais j'ai rencontré beaucoup de soldats très dévoués qui acceptent cet état de choses parce qu'ils ont choisi dès le départ d'entrer dans les forces armées le sachant fort bien.
• 1025
LorsquÂun parent célibataire ou des couples mariés choisissent
de porter l'uniforme, nous cherchons à leur faciliter la tâche tout
en nous assurant que les forces armées continueront à être
opérationnelles. Nuire aux gens ne plaît à aucun d'entre nous.
Le président: Merci.
Monsieur Clouthier.
M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib): Merci beaucoup, monsieur le président.
Sir Winston Churchill est reconnu comme étant l'un de nos grands dirigeants du monde moderne. En temps de crise, et en particulier pendant Deuxième Grande Guerre, il a inspiré généraux, simples soldats et civils. Je vais paraphraser une de ses fameuses citations: Il disait que nous devrions craindre que l'obscurantisme ne réapparaisse sur les ailes étincelantes du silence. Comme nous l'avons constaté ce matin et lors de nos visites dans les différentes bases, le silence ne régnera plus. Les forces armées s'expriment désormais et font valoir leurs points de vue et leurs préoccupations.
Je conviens avec M. Benoit, ce qui en soi est inquiétant, que l'exposé de ce matin du lieutenant-colonel était des plus exhaustifs, des plus francs, et qu'il augure bien.
Comme le signalait plus tôt ma collègue Judi Longfield, nous devons parler aujourd'hui des blessures dont est victime le personnel militaire et des conséquences que cela entraîne pour les familles.
J'ai reçu une lettre à la suite de notre visite à la base de Petawawa. Je demanderai au greffier de la distribuer après que j'aurai lu cette lettre d'une page qui donne un point de vue différent et dont j'aimerais partager le contenu avec vous. J'ai donc reçu hier, cette lettre que m'envoyait Yohanna Ball, domiciliée au 28 East Street à Petawawa. Je cite:
-
Monsieur Clouthier,
-
Le «Daily News» de Pembroke publiait dans son édition du 25 avril
dernier un article intitulé «Les troupes de la base parlent
franchement». La lecture de cet article m'a rappelé une crise que
notre propre famille avait vécue.
-
Mon mari est maintenant à la retraite après avoir passé 30 ans dans
la force régulière et sept ans dans la réserve.
-
Notre fille Kimberly est née le 27 septembre 1969, prématurément.
La crise du FLQ était à nos portes. Kimberly est née avec de graves
problèmes cardiaques, et elle a passé toute sa première année à
l'hôpital pour enfants de Toronto. À notre demande, les forces
armées ont envoyé notre famille à Borden, pour que nous puissions
être plus proches de Toronto et pour que mon mari puisse toujours
travailler dans son propre domaine. Robert était à l'époque
caporal. Notre fille a vécu six ans, et pendant toute sa courte
vie, l'armée a mis à notre disposition jour et nuit un chauffeur et
une voiture prêts à nous emmener, ma fille et moi à l'hôpital.
-
Je me rappelle qu'à une occasion, Kim est tombée malade à la maison
et a dû être transférée à Toronto. Il m'a suffi d'un simple coup de
fil pour que quelqu'un vienne chez moi s'occuper des garçons et
qu'on envoie une voiture pour nous amener à l'hôpital. Nous sommes
arrivés à l'hôpital dans l'après-midi, et j'ai informé le chauffeur
qu'il pouvait rentrer chez lui car je ne savais pas quand la
condition de ma fille se stabiliserait. À 3 heures du matin, alors
que je descendais dans la salle d'attente à l'entrée de l'hôpital,
j'y ai vu le chauffeur qui attendait toujours, «au cas où il puisse
être d'une quelconque utilité». C'était en 1974, et Robert était à
Chypre. Pendant les six années qu'elle a vécu, Kim a subi sept
opérations pour corriger des malformations, Kim a eu une
trachéotomie pendant quatre ans, et chaque fois qu'elle se trouvait
dans un état critique—c'est-à-dire souvent—mon mari se faisait
dire par ses supérieurs qu'il n'avait pas à s'inquiéter et qu'il
pouvait rester à la maison tant que l'état de Kim ne se serait pas
stabilisé. Jamais ne lui a-t-on diminué sa solde ni enlevé de
congés. Je ne connais pas de compagnie civile qui aurait fait tout
ce qu'ont fait les forces armées pour nous, tout en gardant mon
mari à leur service. Ce régime de vie a continué pendant six
longues années, jour et nuit.
-
Nous savons tous que la vie dans les forces armées ne se résume pas
à du 9 à 5, cinq jours par semaine. Nous parlons ici d'hommes et de
femmes qui sont les premiers à donner leur vie pour leur pays. La
vie y est dure, et il vaut mieux s'en tenir à l'écart si l'on n'a
l'estomac. Il revient à chacun de se faire une bonne vie au sein
des forces armées ou de se rendre la vie difficile. Je voulais tout
simplement vous dire que dans le besoin, les forces armées nous ont
soutenus. Mon mari et moi leur en serons éternellement
reconnaissants.
-
Signée: Yohanna Ball
• 1030
Mon général, cette lettre dit exactement le contraire de ce
que nous avons entendu dire, nous qui avons visité les bases. Je
suis personnellement d'avis que les forces armées essaient de faire
ce qu'il faut.
Je sais que le colonel a affirmé que l'objectif principal des forces armées, c'était de s'engager à s'améliorer. Mon général, vous avez déjà comparu trois ou quatre fois devant notre comité, et vous avez répété d'une fois à l'autre que vous n'étiez pas patient. Je le comprends car quiconque n'est pas patient aime voir de l'action. Vous êtes vous-même un homme d'action. Vous avez admis vous-même ne pas être le docteur No, et vous n'allez pas tolérer la situation.
Général, vous avez une occasion qui est offerte à peu de gens, puisque vous êtes chef d'état-major. Lorsqu'on vous confie une responsabilité aussi grande, il y a je suppose beaucoup à faire pour s'assurer que les choses sont bien faites. Il ne fait aucun doute qu'il existe des problèmes dans l'armée. Mais vous, Général, vous êtes celui qui laisserez les solutions en héritage. Je ne suis pas un dinosaure, même si je dis que cela remonte à 20 ou 30 ans, qu'il faut remonter à la nuit des temps. Vous avez dit que lorsque vous êtes arrivé dans l'armée, il n'y avait pas beaucoup de voitures. Je ne croyais pas que vous étiez suffisamment vieux pour vous souvenir de l'époque des diligences.
Général, pourriez-vous me dire ce qu'il faut faire maintenant? Vous avez dit que c'était vous le patron, d'accord. Cela me fait plaisir d'entendre quelqu'un dire qu'il est le patron, qu'il prendra des décisions difficiles. Pour notre part, nous vous appuyons. Les échelons supérieurs du gouvernement veulent adopter de bonnes solutions pour l'armée. Mais en fin de compte, Général, j'ai entendu trop de généraux qui, une fois à la retraite, déclaraient qu'il aurait fallu faire ceci ou cela. Votre attitude à vous semble être aux antipodes de la leur. Vous êtes, j'en suis sûr, la personne que l'armée cherchait—pas seulement en ce qui a trait aux blessés, mais pour toute la gamme des problèmes qu'examine l'armée.
Que devons-nous faire? C'est à vous qu'il incombe d'en décider.
Gén J.M.G. Baril: Merci.
Quand j'étais en entraînement sur la colline de Gagetown et que je regardais les attaques des équipes de combat, le général Radley-Walters, un général très distingué qui avait reçu les plus hautes décorations et dont les états de service étaient remarquables, m'avait dit: «Il ne faut pas repousser l'ennemi à petits coups, il faut lui casser la gueule.» C'est exactement ce que j'essaie de faire. Nous nous sommes attaqués au problème à petits coups depuis trop longtemps, mais sa gravité s'est accrue et nous devons maintenant nous y attaquer à grands coups de poing. Je vais mettre au pas des forces armées et je demanderai au ministère de faire de même, mais c'est le point du Canada que nous avons besoin pour régler cet énorme problème. Pour réussir, j'ai besoin d'appui sur toutes parts, ainsi que des ressources nécessaires.
Voilà ce que je ferai maintenant. Nous resserrons nos rangs et nous allons de l'avant. L'attaque sera massive. Elle nécessitera de grandes quantités de ressources, de ressources humaines, de compétences. Malheureusement, la mise en oeuvre du programme de réduction des forces nous a fait perdre beaucoup de spécialistes. S'il faut les ailleurs, nous le ferons. Nous ne pouvons pas nous en tirer tout seuls, avec ce que nous avons. J'ai donc besoin de tout l'appui...
Cela va faire des étincelles. Nous fonçons.
M. Hec Clouthier: Si le général Grant Radley-Walters était votre mentor, vous avez eu un excellent mentor. Je le connais bien. Et il est suffisamment brillant, M. Benoit, pour prendre sa retraite dans la grande circonscription de Renfrew—Nipissing—Pembroke.
Merci beaucoup, Général, et bonne chance.
Gén J.M.G. Baril: Merci, monsieur.
Le président: Merci beaucoup, M. Clouthier.
Général, notre comité possède également quelques poings, mais ils luttent trop souvent les uns contre les autres.
Monsieur Price.
M. David Price: Merci, monsieur le président.
Permettez-moi de poser quelques questions au colonel Cameron.
Le président: Oh oui.
M. David Price: J'aimerais savoir où nous en sommes à l'heure actuelle dans le dossier de la méfloquine. J'ai deux questions à poser, puisqu'il s'agit d'un médicament expérimental que nous avons utilisé. Premièrement, la méfloquine était-elle fabriquée au Canada? Je sais bien qu'il s'agit d'un médicament expérimental, et les problèmes qu'on a plus tard constatés... Le colonel McClellan pourrait peut-être expliquer ce qui se fait dans ce dossier.
Col Scott Cameron: Tout d'abord, je ne saurais vous dire exactement où le médicament que nous avons utilisé était fabriqué. Je puis toutefois vous trouver le renseignement. Je suppose qu'il était fabriqué aux États-Unis, mais je n'en suis pas certain.
M. David Price: Les troupes américaines l'utilisaient-elles également?
Col Scott Cameron: Oui, les Américains ont très souvent utilisé de la méfloquine.
M. David Price: Vous l'avez donc fait parce qu'ils le faisaient.
Col Scott Cameron: J'ai une observation à faire au sujet de la méfloquine. Ce médicament est maintenant approuvé. À l'époque dont vous parlez, il était en voie d'être approuvé au Canada. Comme vous le savez, le Canada n'est pas un pays tropical et bien des médicaments que nous utilisons pour protéger nos soldats dans des milieux tropicaux ne sont pas approuvés dans notre pays parce qu'ils n'y sont pas utilisés. Nous devons souvent utiliser des médicaments qui sont approuvés ailleurs pour protéger nos soldats et, pour faire approuver le médicament, nous avons recours à un programme spécial d'accès par le truchement de Santé Canada.
Depuis cette époque, comme vous le savez, la méfloquine a été approuvée. Elle est utilisée partout au monde, pas seulement par les militaires mais aussi par les voyageurs qui se rendent dans ces régions. Comme bien des médicaments, il a des effets secondaires. C'est surtout sur l'importance de ces effets secondaires que porte la controverse mais de nombreuses études ont été faites partout au monde, ailleurs que dans les forces armées, sur les effets comportementaux et psychiatriques que peut avoir ce médicament. Jusqu'à présent, ces études ont démontré que ces effets sont très rares.
M. David Price: Mais nous n'utilisons pas du tout ce médicament dans l'armée à l'heure actuelle, n'est-ce pas?
Col Scott Cameron: Nous n'avons pas l'occasion de l'utiliser à l'heure actuelle, mais si nous en avions de nouveau l'occasion, nous ferions comme nous faisons toujours, c'est-à-dire que nous ferions une évaluation très détaillée des risques et des avantages et nous recommanderions le médicament qui, à notre avis, offre la meilleure protection.
N'oublions pas que la malaria est la maladie infectieuse la plus mortelle au monde. C'est une maladie très grave et nous devons être bien protégés contre elle.
M. David Price: Il existe d'autres moyens de prévenir la malaria.
Col Scott Cameron: C'est vrai, mais dans certains cas, certains médicaments sont meilleurs que d'autres, selon la souche de malaria qui est répandue dans la région.
M. David Price: Il y a aussi la question de l'anthrax. D'après mes sources d'information, le vaccin contre l'anthrax sera maintenant fabriqué au Canada. Un contrat a même été signé. Je me demande où en sont les essais. Le vaccin a été mis à l'essai aux États-Unis—cela a été fait—et, que je sache, il ne présente aucun danger. Seule une personne sur x peut présenter des réactions particulières. Si ce vaccin est maintenant fabriqué au Canada, devra-t-on faire des essais complets ici ou allons-nous adopter les résultats des essais qui ont été faits aux États-Unis?
Col Scott Cameron: Tout d'abord, je ne suis pas au courant qu'un contrat ait été octroyé pour la fabrication au Canada du vaccin contre l'anthrax. Tous les médicaments que nous utilisons dans nos forces armées doivent respecter les normes canadiennes, et nous avons plusieurs moyens de nous en assurer. Pour décider si nous ferons des essais de certains produits, nous nous fondons sur notre degré de confiance quant à la fabrication du produit et à la documentation qui nous est fournie sur l'innocuité, l'efficacité et les autres caractéristiques du médicament. Je ne sais pas si cela répond à votre question.
Je suis désolé, j'ai oublié votre dernière question.
M. David Price: C'est ce que je voulais savoir, jusqu'où nous allons.
Le colonel McClellan peut peut-être répondre à ma prochaine question. La méfloquine a posé certains problèmes. Qu'est-il arrivé depuis aux personnes qui ont connu ces problèmes?
Lcol R.G. McClellan: Vous parlez des problèmes psychologiques provoqués par la méfloquine?
M. David Price: Oui.
Lcol R.G. McClellan: Qu'il s'agisse d'une maladie psychologique ou d'une jambe cassée, tous les membres des Forces canadiennes reçoivent les traitements nécessaires.
M. David Price: Je pense particulièrement au groupe qui est revenu de Somalie, puisque c'est dans ce cas qu'on a parlé des effets secondaires possibles du médicament, qui auraient provoqué certains de ces problèmes. A-t-on fait un suivi auprès du groupe qui avait utilisé la méfloquine?
Lcol R.G. McClellan: À ma connaissance, il n'y a pas eu de suivi particulier et précis. Tout membre de ce groupe qui a des problèmes médicaux reçoit les traitements appropriés, mais pour ce qui est du groupe dans son ensemble—une, deux, trois personnes...
M. David Price: Vous n'avez pas pris de mesure particulière dans leur cas?
Lcol R.G. McClellan: Non.
M. David Price: D'accord.
Gén J.M.G. Baril: Vous m'inquiétez, puisque j'ai utilisé de la méfloquine 10 fois peut-être depuis 1991 et personne n'a communiqué avec moi depuis.
Des voix: Oh, oh!
Col Scott Cameron: J'ai une observation à ajouter. On a prévu faire une étude sur les effets que peut avoir la méfloquine sur les militaires. Il n'y a pas encore eu de déploiement qui ait nécessité une utilisation suffisamment vaste du médicament pour que nous puissions réaliser cette étude.
M. David Price: D'accord. Merci beaucoup.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Le président: Merci beaucoup. Avant de donner la parole à M. Benoit, j'aimerais poser quelques questions au colonel McLellan.
Dans votre présentation, vous parlez de l'équipe d'amélioration composée de gens de la Défense nationale et des Anciens combattants. J'aimerais avoir un peu plus d'information là-dessus. Est-ce une équipe permanente? Je sais qu'elle a été formée tout récemment, mais est-ce qu'elle va rester en place? À quelle fréquence les membres se rencontrent-ils? Combien y a-t-il de membres? Qui siège su comité? Quand vous vous rencontrez, parlez-vous de cas bien spécifiques? Parlez-vous de soldats qui ont des problèmes ou plutôt de choses d'ordre général? C'est ma première question. Je vais vous laisser répondre.
[Traduction]
Lcol R.G. McClellan: Si vous me le permettez,
[Français]
je parle un peu français,
[Traduction]
mais je répondrai en anglais. L'équipe d'examen a été créée à seule fin d'exécuter la directive du chef d'état-major qui demandait de voir qui, parmi les soldats, étaient blessés, comment ils étaient traités, quelle était leur opinion sur les soins qu'ils recevaient et quelle amélioration ils recommandaient.
Au départ, j'avais l'impression qu'il fallait consulter tous les éléments des Forces canadiennes, mais j'ai choisi un certain nombre d'officiers principaux des services sociaux car ils possédaient les compétences nécessaires en matière d'entrevue et d'écoute. Ils n'ont été réunis qu'aux fins de cette partie de l'exercice.
Nous ne nous réunissons pas constamment. Nous l'avons fait pendant nos travaux et nous avons discuté de cas particuliers. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous avons pris des mesures à court terme pour répondre aux besoins à court terme. Il n'est pas prévu que cette équipe continuera de travailler ensemble durant tout le reste de l'examen. En fait, ce n'est pas nécessaire. Le groupe a été démantelé à la fin de la première étape, car le vrai travail doit commencer maintenant, c'est-à-dire qu'il faut répondre aux demandes des membres auxquels nous avons parlé.
[Français]
Gén J.M.G. Baril: Monsieur le président, je crois que vous parliez de l'équipe interdépartementale
[Traduction]
entre les Forces canadiennes et le ministère des Anciens combattants. Je voudrais répondre de façon précise à vos questions et, si vous me le permettez, je trouverai les renseignements concernant le mandat du groupe, la fréquence de ses réunions et l'entente qui existait entre les deux ministères. Je communiquerai tout cela ensuite à votre comité.
[Français]
Le président: Pour renchérir sur ce qui a été dit des deux côtés ce matin, c'est vrai qu'on nous a parlé de toutes sortes de problèmes quand nous sommes allés de base en base. Je pense que cette initiative, que vous avez prise, je crois, était très importante pour aider à aplanir les difficultés entre les deux ministères. Donc, j'apprécierais énormément que vous me fassiez parvenir cette information.
Gén J.M.G. Baril: Monsieur le président, je pense que les deux ministères sont d'accord pour dire qu'on s'est pointés du doigt pendant trop longtemps et qu'il faut maintenant se serrer les coudes et prendre soin des gens. Ils appartiennent aux deux ministères.
[Traduction]
Le président: Une dernière question, colonel, si vous me le permettez. Il me reste encore du temps.
Vous dites dans votre rapport:
-
Je suis très heureux de constater le soutien que reçoit la présente
initiative auprès des plus hautes instances des FC, du MDN et
d'ACC.
A-t-on fait un suivi quelconque, pas nécessairement des études, sur ce que les simples soldats pensent de tout cela? Savons-nous si des personnes qui ont été blessées approuvent cette nouvelle façon de procéder?
Lcol R.G. McClellan: À ma connaissance, il n'y aura pas d'autre suivi pour savoir ce qu'ils pensent. Tout comme d'autres, j'ai reçu des appels de ces gens, qui se disaient très satisfaits; ils sont très contents des progrès réalisés dans le cadre de cette initiative, car ils n'y croyaient pas trop lorsque nous les avons consultés. Ils ne croyaient pas que nous réagirions autant à leur propos. Je ne vais pas communiquer avec tous ces gens-là de nouveau pour leur demander ce qu'ils en pensent. Ils ont mon numéro de téléphone et ils m'ont appelé.
Le président: Ils peuvent effectivement vous appeler. Merci beaucoup, colonel.
Lcol R.G. McClellan: Merci.
Le président: Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.
• 1045
Quand je suis arrivé ici ce matin, j'avais bon nombre de
questions difficiles à vous poser sur des cas particuliers et sur
certains témoignages que notre comité a entendus. Vous nous avez
présenté un rapport de qualité, colonel. Vous avez en fait répondu
à bon nombre de mes questions, et j'en suis très content. Je ne
poserai pas de questions sur les cas particuliers dont j'avais
discuté. Je voudrais être bien certain que ces cas seront suivis de
près; j'espère qu'ils le seront. C'est très important.
Il y a un sujet dont on n'a pas beaucoup parlé, celui de ce qu'on appelle les blessures légères. C'est un sujet dont on nous a parlé très fréquemment, ici et lors de nos visites dans les bases.
Lorsque des gens s'adonnent à des activités très difficiles et se blessent, ils l'endurent aussi longtemps qu'ils le peuvent—les problèmes de pieds, par exemple, sont très communs—jusqu'à ce qu'ils estiment ne plus pouvoir fonctionner, mais là encore, ils hésitent à consulter un médecin car si ce dernier décide que la blessure les empêchera de faire leur travail, il devra présenter un rapport. En fait, ces gens craignent que cela mette fin à leur carrière. D'après eux, il s'agit de blessures relativement légères mais pour lesquelles on leur dit souvent d'arrêter de se plaindre pour rien. On nous en a parlé souvent et cela doit donc être fréquent.
Votre rapport contient-il des mesures pour ce genre de situation? Ces blessures sont souvent aggravées parce que les gens hésitent à consulter un médecin. On nous a déjà dit que les gens craignent que le médecin déclare la blessure. Si la blessure empire, le commandant, alors... Ils ne craignent pas seulement que cela mette fin à leur carrière, ils savent que cela peut se produire.
Mais en ne faisant pas traiter plus tôt ces blessures qu'on appelle légères, celles-ci s'aggravent à un point tel que le résultat est effectivement la fin de leur carrière. C'est ce qu'ils craignent.
Dans votre étude, avez-vous traité de ce type de blessures, qui est beaucoup plus fréquent que les blessures extrêmement graves?
Lcol R.G. McClellan: Un grand nombre de gens ont répondu, même si ce n'était pas ceux que nous avons interviewés directement. Puisque le nombre de personnes était limité, nous avons donc décidé de n'interviewer personnellement que les personnes qui ont subi des blessures graves et très graves. Mais bon nombre de gens qui avaient subi des blessures légères de ce genre, en jouant au soccer ou en réparant leur camion, sont venus nous faire part de leurs préoccupations. Nous n'avons pas eu l'impression toutefois qu'ils allaient au SEM consulter le médecin. Leur problème, c'est que lorsqu'ils sont allés au SEM pour recevoir des soins, ils n'ont pas fait remplir ce fameux formulaire CF-98. Cela leur est retombé sur le nez.
Bien des gens s'inquiètent au sujet de leur carrière. J'en ferais autant si j'avais une famille et des enfants d'âge scolaire. Je m'inquiéterais aussi et je ne me ferais peut-être pas soigner non plus.
M. Leon Benoit: Votre étude traite-t-elle de ce type de blessures?
Lcol R.G. McClellan: Oui.
M. Leon Benoit: Oui?
Lcol R.G. McClellan: Nous n'avons pas seulement étudié les cas de blessures graves et très graves. Toutes les personnes qui ont été blessées, même s'il s'agissait de blessures légères, de blessures psychologiques et physiques, ont été consultées dans le cadre de cet examen.
M. Leon Benoit: Certaines personnes que nous avons entendues ou à qui nous avons parlé nous ont dit que c'était un problème grave. Elles estimaient que ces blessures avaient mis fin à leur carrière parce qu'elles n'avaient pas été traitées. Et parce qu'elles n'avaient pas été déclarées comme elles auraient dû l'être, ces personnes n'avaient pas les documents nécessaires pour obtenir la pension qu'elles auraient dû avoir, à leur avis.
Nous entendons évidemment davantage de gens qui s'estiment lésés, mais nous en avons entendus un assez grand nombre. Quelles recommandations faites-vous dans votre rapport pour régler ce genre de cas?
Lcol R.G. McClellan: Pour régler le problème des gens qui ne veulent pas signaler leurs blessures parce qu'ils craignent pour leur carrière? C'est bien votre question?
M. Leon Benoit: Oui.
Lcol R.G. McClellan: Bon nombre de gens nous ont dit...
M. Leon Benoit: Et parce que le commandant leur reproche de se plaindre pour rien. Il semble que ce soit une réponse assez courante: «Arrête de chialer et travaille. Ici, c'est l'armée. Les p'tites natures n'ont pas leur place dans l'armée».
• 1050
Je comprends cela. Il y a du vrai là-dedans. Il faut qu'il y
ait... C'est une vieille expression, je suppose. Cela montre bien
mon âge. Mais je comprends qu'il faut qu'il y ait un juste milieu.
Notre armée doit être prête et en forme. Je comprends tout cela.
Mais c'est néanmoins un problème grave. Quelles sont vos
recommandations?
Lcol R.G. McClellan: L'une de nos recommandations sur la question des «p'tites natures» que vous avez signalée, c'est qu'il faut que les attitudes changent. On ne peut évidemment adopter des lois pour faire changer les attitudes, n'est-ce pas? On peut toujours prêcher par l'exemple, etc., mais nous adoptons nos attitudes environ 10 minutes avant de naître et nous les abandonnons environ 10 minutes après notre mort. C'est très difficile d'obliger les gens à changer d'attitude.
Lorsque le soldat Bloggins se présente au SEM ou à son commandant pour signaler qu'il est blessé, si l'officier lui répond de cette façon, ou bien c'est qu'il n'a pas entendu ce que le soldat a dit, ou bien c'est que le soldat Bloggins signale qu'il est blessé tous les matins à 8 heures. Il est bien difficile de répondre à cette question.
M. Leon Benoit: Mais vous avez parlé d'attitude, et c'est important à mon avis. Je fais le lien entre cela et la lettre que M. Cloutier nous a lue précédemment. Cela remonte à 1969 ou 1974, environ. Ce sont les deux dates mentionnées. C'était il y a 20 ans, et j'ai pourtant l'impression que l'attitude n'était pas la même à cette époque, que le moral était plus fort, que ce n'était pas parfait, mais c'était mieux que... On nous l'a répété à maintes et à maintes reprises, le moral se détériore dans les Forces canadiennes.
Cette lettre, pour moi... Je sais que ce n'est qu'un exemple, qu'un seul cas, mais cela vient confirmer ce que j'avais déjà constaté, c'est-à-dire que l'attitude a changé dans l'armée, mais pas pour le mieux, lorsqu'il s'agit de prendre soin des membres des forces armées. S'ils sont blessés, vous les soignez...
Lcol R.G. McClellan: Nous prenons soin d'eux également même s'ils ne sont pas blessés.
M. Leon Benoit: Mais c'est bien ce qu'on nous a dit, que les choses ne sont pas comme elles devraient l'être.
Le président: Monsieur Benoit, votre temps est écoulé, mais le général semble vouloir commenter certaines de vos déclarations.
Gén J.M.G. Baril: J'ai deux observations à faire.
Premièrement, monsieur Benoit, vous avez parlé... Vous avez appelé cela des blessures mineures. C'est un problème grave.
Compte tenu de la réduction des effectifs et de ce que nous devons augmenter notre efficacité, il est devenu très difficile de conserver chez nous des personnes blessées, qui ne peuvent exercer leurs fonctions à 100 p. 100, pour quelque raison que ce soit, qu'elles aient été blessées ou jouant au soccer ou dans des opérations. Nous avons des politiques que je qualifierais de rigoureuses pour nous assurer que nos gens peuvent travailler partout au Canada ou à l'étranger, qu'ils peuvent être déployés selon leur métier. Sinon, ils doivent partir.
Chez nous, quand nous estimons que quelque chose vaut la peine d'être fait, il arrive parfois que nous en fassions trop. Je veux simplement m'assurer de ce que nous ne dépassions pas les limites. Nous avons une politique. Sa validité a été confirmée par les tribunaux du Canada, mais je voudrais également l'appliquer de façon humaine. C'est ce dont vous parlez, je crois.
Deuxièmement, si les choses se dégradent et que nous ne prenons pas soin de nos gens... Vous avez sans doute toute une pile de lettres semblables à celle de M. Cloutier sur des choses qui se sont produites hier, il y a un an ou 10 ans. Il y a beaucoup de bonnes choses qui ne sont jamais racontées, mais il y en a trop de mauvaises qui se produisent encore. Cela me dérange énormément.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Longfield.
Mme Judi Longfield: Je serai très brève.
Vous avez mentionné un certain nombre de rapports qui ont été déposés au sujet des soldats blessés. Vous avez parlé entre autres de l'Étude du traitement des membres libérés des FC pour raisons médicales, de 1997, du Review of Casualty Reporting: Final Report, d'août 1996, du DND/VAC Improvement Team Final Report, de septembre 1997, et d'un document intitulé Modernisation de la qualité de vie dans l'armée de terre - Rapport final, de 1995.
Nous savons que cette question a été étudiée et que votre rapport contient d'excellentes recommandations. Mais vous dites également que vous ne recommanderez pas les mesures qui ont été recommandées par le passé. Dites-vous par cela que toutes les recommandations incluses dans ces rapports ont été mises en oeuvre, ou que votre rapport a préséance sur ceux-là? Comment tout cela sera-t-il coordonné?
Lcol R.G. McClellan: Tout d'abord, si j'ai dit cela, c'est que je ne veux pas qu'il y ait double emploi avec ce qui se fait déjà. Entre autres, l'étude du traitement des membres libérés des FC pour raisons médicales est une étude apparentée à celle que nous avons faite, et c'est pourquoi je l'ai incluse dans les ouvrages de référence. En fait, c'est moi qui coordonne actuellement cette étude et les recommandations se trouvent à la deuxième étape de celle-ci.
Pour ce qui est de l'examen sur les mécanismes de déclaration des blessures, pas grand-chose a été fait jusqu'à présent. Mais des mesures seront prises maintenant, car tout cela viendra se joindre aux mesures qu'ils prendront par suite de ce rapport-ci.
L'équipe d'amélioration MDN-AAC a produit un excellent rapport qui nous a permis d'avoir un tableau clair de la situation actuelle, tant de ses éléments positifs que de ses éléments négatifs. Ce rapport nous permet de déterminer notre orientation. Je suis très satisfait de ses résultats.
Tous ces rapports et études ne sont pas oubliés, mais nous n'allons pas réinventer la roue. Nous voulons nous assurer de reprendre toutes leurs recommandations dans le cadre d'une approche unifiée à l'égard des soins aux blessés.
Mme Judi Longfield: Ces recommandations seront donc prises en compte et mises en oeuvre.
Lcol R.G. McClellan: Oh, vous pouvez en être assurée.
Mme Judi Longfield: D'excellentes études ont été réalisées déjà. Nous pourrions sans doute remplir la table de piles de cinq à six pieds de rapports qui ont été rédigés par des gens qui y ont mis tout leur coeur. Chaque fois que nous les rencontrons ils nous disent: «Je l'ai dit à ce comité-ci ou à ce comité-là, je l'ai dit au comité précédent, un de mes amis l'a dit à un autre comité». Leur degré de frustration...
Je crois savoir, général, que vous avez bien hâte de donner maintenant un grand coup de poing pour régler tout cela. J'aimerais toutefois m'assurer que tout cet excellent travail qui a été fait sera réuni et que les recommandations seront appliquées.
Gén J.M.G. Baril: Je puis vous l'assurer. Non seulement tout cela sera colligé dans le cadre d'un seul grand projet, d'un grand coup de collier, mais ce sera également le cas dans tout ce qui relève de notre compétence. C'est pourquoi nous avons pris des éléments de tous les résultats des rapports dont nous disposons.
On nous a dit à maintes reprises que le temps de faire des études était terminé et qu'il fallait passer à l'action, ce qui est tout à fait mon avis. Ce dossier a une telle envergure qu'après s'être penchés sur les problèmes mineurs relevant de notre autorité, il nous faut maintenant passer à l'action avec le bulldozer. Voici le bulldozer.
Mme Judi Longfield: Quand pouvons-nous espérer que ce bulldozer se mettra en marche?
Lcol R.G. McClellan: Il est déjà en marche, en première vitesse.
Gén J.M.G. Baril: Je pense que le moteur tourne déjà.
Mme Judi Longfield: Fantastique.
Je vous remercie beaucoup.
Le président: Merci beaucoup.
Voilà qui met fin à notre séance avec votre groupe ce matin. Je remercie tous les participants d'être venus.
Chers collègues, nous allons faire une pause de cinq minutes pour permettre à nos nouveaux témoins de prendre leur place.
Le président: Je vous souhaite de nouveau la bienvenue. Nous sommes heureux d'accueillir ce matin les représentants de la Légion royale canadienne, de l'Association canadienne des anciens combattants des forces des Nations Unies chargées du maintien de la paix et de l'Association canadienne des anciens combattants pour le maintien de la paix. Nous allons commencer par M. Keast.
• 1110
Si j'ai bien compris, vous allez tous les trois faire une
déclaration liminaire et ensuite, nous passerons à la période des
questions. Monsieur Gardam, vous allez partager votre temps de
parole.
M. R.E. Keast (directeur adjoint, Bureau d'entraide, Direction nationale, Légion royale canadienne): Merci, monsieur le président et membres du comité. Je suis très heureux de pouvoir prendre la parole aujourd'hui sur un sujet aussi important.
La Légion royale canadienne s'est longtemps enorgueillie de représenter ceux et celles qui ont servi leur pays. Par le passé, elle s'est surtout intéressée aux anciens combattants des Première et Deuxième Guerre mondiale et de la Guerre de Corée. Cependant, les militaires qui ont servi dans les Forces canadiennes après cette période ont de plus en plus besoin de notre aide pour s'y retrouver dans le dédale des règlements et des politiques qui régissent le système des pensions d'invalidité en vertu de la Loi sur les pensions.
Nous avons donc été fort heureux que soient acceptées les ouvertures que nous avons faites afin d'intégrer davantage la Légion au monde militaire moderne. Cela fut particulièrement évident lorsque le lieutenant-général Dallaire a demandé à des représentants d'Anciens combattants Canada et de la Légion royale canadienne de se joindre à lui lors de sa comparution devant le comité de la Défense nationale et des anciens combattants, en mars 1997, et lorsqu'il a fait allusion à la Légion comme faisant partie de la famille élargie des Forces canadiennes.
Grâce à notre réseau d'environ 1 500 filiales, dont la plupart comptent un agent d'aide sociale bénévole, et de 500 000 membres, nous sommes idéalement positionnés au Canada—et je crois savoir que nous avons 21 filiales aux États-Unis et trois en Allemagne—pour répondre aux besoins des membres actuels et anciens membres des Forces canadiennes.
En outre, nos agents professionnels d'aide sociale—on en compte 15 dans les directions provinciales établies un peu partout au pays, cinq à la Direction nationale à Ottawa et un au sous-bureau de la Direction nationale à Charlottetown—représentent les requérants à toutes les étapes du processus des pensions d'invalidité en vertu de la Loi sur les pensions. Cela englobe les demandes originales, la recherche afférente, les révisions, les appels et les reconsidérations. Dans l'ensemble, nous traitons environ 10 p. 100 des demandes alors que le ministère des Anciens combattants s'occupe du reste. Cela vise évidemment toutes les étapes également.
Dire que la Légion se voit comme un membre de la famille élargie des Forces canadiennes est des plus approprié. En effet, la Légion se considère comme telle depuis sa création en 1926. Ces dernières années, afin de permettre à notre propre organisation et au ministère des Anciens combattants de mieux répondre aux besoins des militaires contemporains, nous avons orienté nos efforts vers un certain nombre de domaines.
La Légion continue de chercher des façons d'aider les gens en ce qui concerne les pensions d'invalidité puisque cela touche tant les membres actuels de la force régulière et de la réserve que ceux qui en ont récemment obtenu leur libération.
En ce moment, le directeur de notre Bureau d'assistance participe, à Dubrovnik, en Croatie, à la première Conférence internationale sur les conséquences psychosociales de la guerre, qui porte en particulier sur le trouble du stress post-traumatique. Ce forum réunira plus de 300 experts du monde entier qui se pencheront sur cette forme d'invalidité très pénible et de plus en plus commune étant donné qu'un nombre de plus en plus grand de nos gardiens de la paix reviennent des zones de service spécial affligés de ce trouble.
En octobre 1998, la Légion parrainera un symposium à Charlottetown. Nous invitons les Forces canadiennes à y envoyer des représentants des services de soutien administratif et médicaux, en particulier du personnel de la clinique de stress post-traumatique.
• 1115
Le ministère des Anciens combattants aura l'occasion d'y
envoyer ses arbitres, les conseillers médicaux de son bureau chef
et d'autres personnes clés. Pour sa part, la Légion royale
canadienne y sera représentée par tous ses agents d'aide sociale
des directions provinciales et nationale, ainsi que les membres de
ses comités des Services aux anciens combattants et du troisième
âge.
Les membres du Tribunal des anciens combattants (Révision et Appel), situé à Charlottetown, pourront également y assister. C'est ainsi que des intervenants à toutes les étapes du processus de pension auront accès à ce symposium.
Le Dr Matthew Friedman, chef du centre consacré au stress post-traumatique à White River Junction, au Vermont, sera le conférencier principal.
Le général Dallaire et son personnel seront invités à participer au symposium comme ils l'ont fait lors de la session précédente tenue en octobre 1996. Nous espérons ainsi pouvoir améliorer considérablement notre capacité collective d'aider ceux qui souffrent de troubles de stress post-traumatique, qu'ils soient encore dans les forces ou qu'ils aient été confiés au système de soutien médical civil après leur libération.
Des agents d'aide sociale de la Légion provenant des directions nationale et provinciales participent au séminaire du Service de préparation à une seconde carrière qui se donne dans diverses bases militaires du pays. Lors de ces séances d'information, nous expliquerons les rouages du Système des pensions d'invalidité ainsi que le fait que les agents d'aide sociale du ministère des Anciens combattants et de la Légion sont là pour représenter les gens et les aider.
Ces séminaires suscitent énormément d'intérêt auprès des effectifs actuels. La dernière session organisée à Borden l'année dernière avait attiré une foule très attentive. On y abordait de multiples sujets. Il y a eu énormément de questions au sujet du processus de pension d'invalidité. Dans bien des cas, les militaires ne savaient pas ou ne comprenaient pas certaines choses et voulaient davantage de renseignements. Il y avait aussi énormément de malentendus. Certains ne croyaient pas être autorisés à présenter une demande tant qu'ils étaient encore dans l'armée. Certains m'ont posé la question suivante: «Je n'ai pas de CF-98, de rapport de blessure. Cela signifie-t-il que je ne peux présenter de demande?»
On a parlé aujourd'hui de ces rapports de blessure. Il est très important d'en avoir un car cela facilite le processus. Mais je travaille dans ce domaine depuis 10 ans maintenant et je ne crois pas qu'il soit précisé nulle part dans la Loi sur les pensions qu'il faille présenter un rapport de blessure pour obtenir une pension. Il s'agit d'un élément qui nous aide à établir le bien-fondé du cas. Nous devons prouver qu'il y a invalidité et que cette invalidité est liée au service. Le rapport de blessure est un outil qui nous permet de lier l'invalidité au service. Mais bien souvent, il n'y en a pas ou, s'il y en a un, la rubrique sur les fonctions de la page 2 n'est pas remplie. Cela n'invalide pas la demande. Il faut que les gens sachent que ces formules peuvent être remplies après coup.
Une autre question qu'on me pose souvent: «Devrais-je présenter une demande maintenant? Cela risque-t-il d'influencer ma carrière? Devrais-je attendre de quitter l'armée?» Chose certaine, les éléments de preuve sont plus à jour si la personne est encore dans l'armée, qu'il y ait ou non de rapport de blessure. On peut obtenir des déclarations de témoins si les personnes en question sont encore dans l'armée, peut-être des lettres de collègues et des renseignements médicaux. Nous répondons à ces personnes que c'est à elles de décider, mais qu'elles peuvent effectivement présenter une demande pendant qu'elles sont encore dans l'armée. Elles ne peuvent recevoir de prestations que le lendemain de leur libération, à moins que le requérant ait servi dans une zone de service spécial.
Nous pensons que ces séminaires sont très importants et nous sommes tout à fait disposés à aider les Forces canadiennes à communiquer l'information pertinente et à offrir l'aide de la Légion aux ex-militaires ou aux militaires actifs.
Par exemple, l'un de nos agents de service se rendra en Allemagne du 2 au 9 mai 1998 à titre de membre de l'équipe de briefing aux effectifs des Forces canadiennes. Il donnera aux effectifs des Forces canadiennes trois types de séminaires sur les services à Geilenkirchen. Ces séminaires porteront sur le processus de pensions d'invalidité, les types de pensions d'invalidité, les critères, le processus d'appel et les prestations. Je répète encore une fois que nous sommes tout à fait disposés à venir en aide aux Forces canadiennes et aux militaires actifs pour communiquer l'information pertinente.
Au cours de la dernière année, notre directeur a également assisté à des rencontres avec le commandant du Centre d'instruction au combat de Gagetown et des officiers de l'administration du personnel de l'armée à Ottawa. Dans le cadre du cours élémentaire de médecin militaire, qui s'adresse aux médecins militaires nouvellement recrutés, l'un de nos agents d'aide sociale a donné un exposé sur les questions touchant les pensions d'invalidité et sur les façons dont les médecins militaires peuvent prêter assistance dans le cadre du processus des pensions. Comme vous le savez, il n'est pas suffisant d'obtenir un diagnostic d'invalidité. La deuxième étape qui consiste à faire le lien entre cette invalidité et le service militaire, est très importante. On fait souvent appel à ces médecins à cette étape également.
• 1120
À l'instar du ministère des Anciens combattants, la Légion a
été représentée par des conseillers au sein du Groupe d'études sur
les soins dispensés aux militaires et à leurs familles. Le rapport
crucial de ce groupe servira de cadre de travail permettant aux
Forces canadiennes de se sensibiliser davantage aux besoins de ceux
qui sont devenus invalides en servant leur pays.
La Légion royale canadienne ne perd aucune occasion de travailler de concert avec les Forces canadiennes et le ministère des Anciens combattants afin de promouvoir le mieux-être de ceux qui ont servi leur pays. Qu'il s'agisse d'une demande de pension d'invalidité ou d'obtenir une décision équitable concernant l'indexation de la pension de retraite des Forces canadiennes pour les militaires qui ont été libérés pour des raisons d'invalidité, la légion, en tant que membre de la famille élargie des Forces canadiennes, continuera de jouer son rôle. Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Gardam.
M. John Gardam (président national, Association canadienne des anciens combattants des forces des Nations Unies chargées du maintien de la paix): Je m'appelle John Gardam et je suis président de l'Association canadienne des anciens combattants des forces des Nations Unies chargées du maintien de la paix.
Monsieur le président, membres du comité, nous vous remercions de nous avoir invités à faire cet exposé. Pour nous, c'est un moment important car c'est la première fois que les deux associations nationales unissent leurs voix pour défendre les intérêts des nombreux anciens combattants, vivants et décédés, qui ont servi dans le cadre de forces de maintien de la paix.
Le Canada est à juste titre très fier de sa tradition de service dans les opérations de maintien de la paix. Nos soldats ont participé à pratiquement toutes les missions de maintien de la paix des Nations Unies et à d'autres aussi qui ne se sont pas déroulées sous les auspices des Nations Unies. À l'heure actuelle, nous sommes représentés au sein de la force multinationale et nous fournissons des observateurs dans la péninsule du Sinaï, entre Israël et l'Égypte.
Par contre, il n'y a pas lieu de s'enorgueillir du manque d'intérêt et de compassion à l'égard des anciens combattants gardiens de la paix qui ont été blessés ou tués, et de leur famille. Nous n'avons pas été à la hauteur. L'objet de notre comparution aujourd'hui est de recenser certaines des lacunes du système de soins offerts aux militaires des forces armées canadiennes qui sont blessés ou tués dans le cadre de missions de maintien de la paix, ainsi que le manque d'aide et d'informations pour les familles des soldats blessés ou tués. Nous proposons à ces lacunes une solution simple et facile à comprendre, une solution qui devrait être appliquée.
Mon exposé se divise en deux parties. Premièrement, je vais essayer de vous faire comprendre ce qu'est une mission de maintien de la paix dans la perspective des soldats canadiens, en offrant une définition d'une telle mission. Ensuite, Jim MacMillan-Murphy, de notre organisation soeur à Victoria, vous parlera d'autres aspects.
Nous proposons une solution simple, facile à exécuter et à comprendre. Cette solution s'adresse aux soldats du maintien de la paix canadiens, à leur instigation, et si les intervenants le souhaitent, les organisations offrant des services aux ex-casques bleus canadiens pourront y participer. Nous sommes d'ailleurs prêts à faire notre part. Ceux d'entre nous qui sont à la retraite sont tout à fait disposés à faire en sorte que le système fonctionne bien.
Nous n'avons pas l'intention de traiter des problèmes propres aux employés civils canadiens qui assument divers postes au sein des missions de maintien de la paix. Cela dit, il importe de noter que trois civils canadiens sont morts au cours d'une mission au Vietnam de 1954 à 1973 et qu'un autre vient récemment de perdre la vie en Macédoine, dans l'ex-Yougoslavie, en 1997.
Premièrement, permettez-moi de vous donner une définition de ce qu'est un ancien combattant et un gardien de la paix. D'après le dictionnaire, un ancien combattant est un soldat ayant de longs états de service, notamment dans des conflits armés.
Soit dit en passant, j'ai remis au président, à l'intention du comité, un exemplaire de mon livre intitulé The Canadian Peacekeeper. Cet ouvrage relate toutes les missions de maintien de la paix jusqu'en 1992.
• 1125
Nous pensons que cette définition reflète très bien
l'engagement à long terme du Canada aux missions de maintien de la
paix et le recours constant aux Forces armées canadiennes pour ces
missions.
Un gardien de la paix est un membre des Forces armées canadiennes détaché par le gouvernement du Canada pour participer à une mission de maintien de la paix sanctionnée par les Nations Unies ou par l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord ou par tout autre groupe de défense collective auquel adhère le Canada.
Au sujet du Monument au maintien de la paix—on vous a dit tout à l'heure que j'en ai été plus ou moins l'artisan—nous avons décidé d'inscrire toutes les missions sur le mur... peu importe sous quel régime nos troupes avaient été envoyées dans ces missions, que ce soit sous l'égide d'un accord de Genève, des Nations Unies ou, comme c'était le cas dans l'ex-Yougoslavie, de l'OTAN.
Dans de multiples missions de maintien de la paix, l'observateur militaire joue un rôle très important. Ce rôle est assumé par un militaire affecté à une zone particulière dans le contexte de la mission de maintien de la paix. Il doit bien connaître cette région car c'est lui qui rencontre les chefs des factions belligérantes et qui doit établir avec eux des relations empreintes de respect mutuel, et ce, pour négocier le rétablissement de l'activité économique, la réunion des familles et de nombreuses autres activités qui visent toutes le retour à la vie normale.
L'une des raisons pour lesquelles un observateur militaire figure parmi les statues du monument au maintien de la paix, c'est que bon nombre de nos missions de maintien de la paix dans le passé ont fait appel à des observateurs militaires non armés. Ces soldats sont appelés à observer la situation et à faire rapport des violations des ententes de cessez-le-feu, notamment des survols et des activités non autorisées entre les lignes de cessez-le-feu. Lorsqu'un cessez-le-feu est rompu, c'est l'observateur qui doit négocier son rétablissement, sans égard au caractère périlleux de la situation, car tel est son rôle. Il doit le faire sans arme, équipé seulement de sa formation militaire, de son expérience, de son tact, de sa diplomatie, voire de son astuce, grâce aux rapports empreints de respect mutuel qu'il a déjà noués avec les chefs de faction. Idéalement, il est également en contact radio constant avec le quartier général pour qu'on sache, à la minute près, ce qui se passe dans cette zone.
Les aviateurs, les soldats et les marins canadiens ont servi partout dans le monde depuis 1948 sous les drapeaux des Nations Unies, dans le cadre de nombreuses missions non parrainées par les Nations Unies et, à l'heure actuelle, ils servent dans l'ex-Yougoslavie sous le drapeau de l'OTAN. Dans chaque mission, leur rôle a été soit de fournir des observateurs militaires, soit de fournir des troupes de combattants de première ligne pour occuper des postes d'observation, conduire des véhicules de patrouille ou appuyer la mission sous le plan de l'aviation, des communications et de la logistique, et parfois pour ces trois volets.
Pour se rendre compte du travail des gardiens de la paix et de leurs longs états de service, peu importe le corps d'armée, on n'a qu'à regarder les médailles qu'arborent aujourd'hui les membres des forces armées pour constater que nombreux sont ceux qui ont été casque bleu en différents endroits. Il y a environ deux semaines, le magazine Maclean's présentait en page couverture la photo d'un casque bleu de Petawawa. On y relatait les divers endroits où nos militaires ont servi, ainsi que le fait qu'ils retournent à l'étranger à maintes et maintes reprises.
Certains d'entre vous auront remarqué un chiffre sur le ruban militaire. Ce chiffre signale le nombre de fois qu'une personne a servi dans une mission en particulier. Ainsi, nous avons un brigadier à la retraite, le brigadier Beattie d'Ottawa, qui arbore un 12 sur son ruban de Chypre. Il y a également un sergent des services postaux qui arbore un 14. En effet, il était l'un des deux seuls sergents aptes à assumer ces fonctions et il retournait à Chypre tous les six mois. Il partageait cette tâche avec un autre militaire.
Les soldats canadiens contribuent à chaque mission de façon tellement différente et à tellement de niveaux, qu'ils soient en service ou non, que notre contribution ne saurait être vue autrement qu'un effort authentique pour rétablir la paix et l'harmonie entre les peuples du pays où se déroule la mission. À notre avis, le plus grand compliment qu'on puisse faire à un militaire canadien, c'est de lui conférer le titre de gardien de la paix.
• 1130
Qu'est-ce que le maintien de la paix? La charte des Nations
Unies autorise à la fois le maintien de la paix et l'imposition de
la paix. Une mission de maintien de la paix est organisée
uniquement lorsque les deux antagonistes en font la demande. Une
mission d'imposition de la paix peut être établie par les Nations
Unies dans le but d'intervenir dans les affaires internes d'un État
ou entre États pour rétablir la paix dans une zone de conflit. Les
missions d'avant 1989 étaient surtout des missions de maintien de
la paix. Après 1989, les missions ont pris plusieurs facettes. On
pouvait au départ imposer la paix pour graduellement en arriver au
maintien de la paix. Les missions dans l'ex-Yougoslavie et en Haïti
sont de bons exemples de cela. La différence, c'est que
l'imposition de la paix peut exiger le recours aux armes pour
imposer la paix entre des factions belligérantes.
Lorsque nous avons créé le Monument au maintien de la paix, l'idée originale était d'installer la sentinelle armée au-dessus du terme «réconciliation» et l'observateur militaire aux Nations Unies sur le côté où l'on pouvait lire «au service de la paix». La veille du dévoilement le sculpteur nous a fait remarquer qu'on ne pouvait placer la sentinelle armée au-dessus du terme «réconciliation» car cela ressemblait trop à un ultimatum. Nous avons donc interverti les personnages, au grand étonnement du gouverneur général qui, au moment de dévoiler le document, s'est retrouvé devant une statue différente de celle à laquelle il s'attendait, d'après le texte qui lui avait été remis deux jours avant.
Dans notre mémoire, nous énonçons clairement les critères de maintien de la paix du gouvernement du Canada. Sept critères doivent être respectés pour que nous acceptions de participer à une mission de maintien de la paix. Les deux premiers revêtent une importance particulière: le mandat doit être clair et applicable et les principaux antagonistes doivent accepter un cessez-le-feu et la venue de militaires canadiens dans leur pays pour les aider à rétablir la paix. Avant 1989, la plupart des conflits régionaux et des antagonistes en général étaient appuyés soit par la Russie soit par les États-Unis. Maintenant, évidemment, l'influence soviétique qui pouvait s'exercer pour qu'un pays respecte l'accord de maintien de la paix diminue de plus en plus.
Le maintien de la paix classique est défini d'abord et avant tout par la FUNU I—et c'est la mission à laquelle j'ai participé—dans la péninsule du Sinaï, entre l'Égypte et Israël. Nous avons appliqué la même mission classique de maintien de la paix à Chypre. Mais graduellement, le maintien de la paix a commencé à évoluer en ce sens qu'il a commencé à faire appel à l'aide humanitaire, à l'aide économique, à la formation et au recyclage des civils. Les forces de maintien de la paix ont dû elles aussi évoluer.
Ainsi, notre équipe s'est rendue en Afghanistan pour former les civils et leur apprendre comment vivre dans un pays infesté de mines antichar d'assaut et antipersonnel. Nous avons appris à la population civile comment survivre dans cet environnement. De nos jours, les missions de maintien de la paix sont souvent polyvalentes car dans un État déchiré par les conflits internes, on ne saurait traiter uniquement un aspect du problème. Les meilleurs exemples de cela sont la Yougoslavie et Haïti.
Une mission de maintien de la paix classique peut s'étaler sur plusieurs années, comme cela a été le cas à Chypre. Autre caractéristique, on n'y retrouvera jamais des unités des superpuissances, uniquement des unités des puissances moyennes, comme le Canada. Ces pays doivent respecter le caractère politique, racial et religieux du pays afin que les troupes de maintien de la paix ne soient pas sources de problèmes.
• 1135
Ainsi, lorsque nous sommes allés en Angola, nous avons compris
que la mission de maintien de la paix devait être composée de
militaires parlant couramment le français. Cela a causé un problème
énorme à certains pays outre le Canada car ces derniers comptaient
très peu de militaires capables de parler français. Toute la
mission s'est déroulée en langue française, ce qui a constitué une
première.
On demande habituellement au Canada de fournir des unités d'aviation, de communication et de logistique car nous sommes l'une des rares puissances moyennes qui ont des unités où l'on parle les deux langues officielles de l'ONU, qui sont disposées à participer à des missions de maintien de la paix et à prêter ces unités extrêmement techniques. Ces missions se déroulaient dans des régions hostiles du monde. Les risques étaient considérés acceptables, mais néanmoins des Canadiens ont été tués et blessés en faisant leur travail.
Depuis 1989, les choses ont changé. Nous avons été témoins de la chute de l'URSS, de la fin de la guerre froide et de l'érosion de l'influence stabilisatrice des superpuissances. Les conflits régionaux où se déroulent maintenant des missions de maintien de la paix sont devenus de plus en plus dangereux pour les casques bleus. Ces conflits sont souvent de nature interne plutôt qu'entre États. À preuve, El Salvador, l'Angola et l'ex-Yougoslavie. Le mandat des casques bleus exige souvent qu'ils désarment et démobilisent les factions belligérantes et qu'ils assurent la transition d'un conflit violent à la réconciliation politique.
Des missions d'imposition de la paix sont également devenues nécessaires. Ces missions visent au départ le maintien de la paix et l'aide humanitaire, notamment le soutien aux organismes d'aide pour acheminer des vivres et autres formes de secours. Ensuite, il devient évident—et c'est ce qui s'est produit particulièrement dans l'ex-Yougoslavie—que les factions belligérantes préfèrent se faire la lutte que de vivre en paix, et nous nous retrouvons coincés au milieu. Il s'ensuit que dans bien des cas, le type d'équipement que nous apportons dans nos missions a changé. Par exemple, le premier groupe qui s'est rendu en Yougoslavie a apporté des armes lourdes qui, dans bien des cas, avaient été utilisées en Allemagne. De nos jours, il est courant que les unités soient munies de transports de troupes blindés et d'hélicoptères.
Deux incidents illustrent la nature hostile de nos missions. Je ne reviendrai pas sur ce qui s'est passé à Medak car j'ai lu dans les journaux qu'on vous en a déjà parlé. Mais je pense qu'il vaut la peine de vous relater l'histoire du caporal-chef Isfled qui est retourné une seconde fois dans un champ de mines qu'il avait déjà nettoyé... Au cours de la nuit, quelqu'un avait remis les mines en place. Il a été tué par l'une d'elles. Au Rwanda, il y a également de nombreux exemples de gangs qui s'en sont pris aux effectifs de l'ONU.
C'est en raison de ces incidents et de nombreux autres qu'il faut qualifier les soldats du maintien de la paix canadiens d'anciens combattants, avec tout ce que cela implique. On ne peut plus tourner autour du pot car de nombreux soldats de maintien de la paix ont servi dans des théâtres d'opérations hostiles et sont bel et bien des anciens combattants.
Dans le cas de Medak, il est particulièrement intéressant de noter que près de la moitié du régiment Second Patricias était composé de réservistes qui, bien sûr, méritent tout autant que les autres d'être considérés comme des Anciens combattants du maintien de la paix.
Je vais m'en tenir là et céder la parole à Jim.
M. Jim MacMillan-Murphy (Association canadienne des anciens combattants pour le maintien de la paix): Bonjour, monsieur le président.
Je vais maintenant vous parler de la perception du public.
Selon la perception du public, le maintien de la paix consiste à envoyer des troupes de soldats canadiens afin de gérer une situation déjà pacifique, ce qui est loin d'être la vérité. De façon générale, la population ignore que des soldats canadiens ont été tués et blessés par des coups de feu ennemis et des mines terrestres dans les nombreuses missions auxquelles nous avons participé. En raison de cette ignorance, on ne reconnaît pas le rôle qu'ont joué les anciens combattants canadiens qui ont participé à ces missions dans des régions potentiellement et souvent réellement hostiles où on les a envoyés.
Par conséquent, cette perception et cette attitude du public se reflètent par diverses vexations, notamment l'absence d'un livre souvenir pour les militaires décédés dans les missions de maintien de la paix qui viendrait s'ajouter aux six autres livres souvenir déjà en montre à la Tour de la paix. On n'accorde pas à ces soldats le même intérêt et la même compassion qu'à leurs frères d'armes de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée.
• 1140
Je vais maintenant vous parler des problèmes systémiques
auxquels ont été confrontés les casques bleus blessés et décédés,
ainsi que leurs familles.
Lorsqu'une guerre éclate, elle commence habituellement par une déclaration formelle d'hostilité entre les combattants. Une telle déclaration a établi la base juridique relativement à l'emploi de troupes canadiennes.
La mission de maintien de la paix débute par une résolution des Nations Unies destinée à interposer entre les combattants qui ont accepté un cessez-le-feu et accepté la présence d'une telle mission des troupes et des observateurs militaires. C'est bien différent d'une situation de guerre, et cela a exigé au Canada des dispositions spéciales...
Le président: Monsieur MacMillan, voudriez-vous ralentir un peu votre lecture? Les interprètes ont de la difficulté à vous suivre.
M. Jim MacMillan-Murphy: Bien. Veuillez accepter mes excuses, car c'est ma façon de parler terre-neuvienne. Je vais tenter de revenir au mode plus lent, au mode de parler à la canadienne.
C'est bien différent d'une situation de guerre, et cela a exigé du Canada qu'il prenne des dispositions juridiques spéciales pour déclarer une zone de mission du maintien de la paix, zone de service spécial, afin que les troupes canadiennes puissent y maintenir leurs droits et leurs privilèges, tels que le droit à la pension.
Lorsqu'un soldat du maintien de la paix subit des blessures graves, le commandant de l'unité a des responsabilités bien définies. Il doit signaler la blessure et évacuer le blessé de la zone. Mais étant donné que l'unité de combat reste dans la zone de la mission, une fois que le blessé est de retour au Canada, il lui manque trop souvent le soutien direct et la camaraderie de l'unité; sa famille peut en être également privée, particulièrement si elle habite loin du soldat.
Une fois les soins médicaux directs terminés, le casque bleu se retrouve souvent seul, sans personne pour l'aider ou pour répondre à ses questions, pour interpréter les règlements, pour fournir de l'information et des conseils ou pour plaider sa cause. Il en est résulté des situations qui ont embarrassé le ministère et le gouvernement, comme ce fut le cas pour le casque bleu qui a dû se plaindre publiquement de ce qu'on ne lui fournissait pas de fauteuil roulant au cours de sa convalescence après qu'il eut été frappé par un franc-tireur en Bosnie. Ce même casque bleu ayant perdu toutes ses médailles puisque son équipement avait été rassemblé pour lui par quelqu'un d'autre, il a eu beaucoup de mal à trouver de l'aide pour faire remplacer ses médailles, et a dû même se tourner vers des organisations d'anciens combattants.
On peut se demander pourquoi on ne lui a pas offert l'aide d'un officier à qui il aurait pu poser toutes ces questions. Dans nombre des cas constatés à ce jour, le simple fait de savoir vers quelle organisation ou vers qui se tourner aurait pu éviter beaucoup de problèmes inutiles et beaucoup de stress. Le milieu militaire semble avoir ignoré ce besoin.
Lorsqu'un casque bleu est tué, le commandant de l'unité a des responsabilités bien définies. Le groupe arrière de l'unité envoie un officier pour aider la femme et la famille du casque bleu à régler tous les détails de l'enterrement, mais nous avons constaté que le choix d'un officier à cette fin n'est pas toujours le bon; il en résulte parfois de la confusion dans la famille lorsque l'officier fait des promesses ou interprète incorrectement une lettre qui leur aurait été envoyée. L'absence de l'unité et de son personnel plus compétent se traduit parfois par un manque de compassion et de soutien moral à l'égard de la famille, soutien que l'unité aurait pu normalement fournir.
Il y a une autre question liée au décès d'un casque bleu ou aux blessures qu'il peut subir: combien de temps devraient se poursuivre les responsabilités de l'unité à l'égard du casque bleu, ou à l'égard de sa veuve et de sa famille? Les règlements sont muets là-dessus, peut-être à juste titre. Le régiment est une famille et s'occupe des familles du blessé ou du décédé dans la mesure du possible. Mais si le casque bleu avait été envoyé d'une autre base comme renfort ou d'une unité de réserve, vers qui la veuve peut-elle se tourner pour avoir de l'aide et combien de temps l'organisation désignée devrait-elle soutenir la veuve et la famille?
On pourrait dire la même chose du casque bleu qui a été blessé et de sa famille. La réponse est assez difficile, car chaque famille puise à même ses propres forces pour aider le soldat à guérir plus ou moins vite. Je pense qu'il faut surtout faire en sorte que tout ce qui doit être fait a bel et bien été fait et que l'on a évalué le besoin d'offrir du soutien à plus long terme; il faut également évaluer dans quelle mesure ce sont les différents intervenants qui peuvent offrir ce soutien et quel intervenant est le mieux équipé pour le faire.
• 1145
Voilà pourquoi il faudrait préciser les rôles et les
responsabilités de tous les intervenants, définir les politiques et
les procédures et établir si tous les éléments de notre proposition
sont nécessaires.
Je vous présente un ensemble de six propositions qui, d'après nous, devraient se traduire par un système homogène simple à utiliser par tous les intervenants et qui devraient répondre aux besoins de toutes les parties prenantes, notamment les casques bleus et leurs familles et tous ceux qui doivent les aider et les appuyer.
Il saute aux yeux que la priorité, c'est de préciser la politique et les lignes directrices sur le soutien qui doit être fourni à un casque bleu blessé et à sa famille, ou fourni à la veuve et à la famille d'un casque bleu décédé. Le manque d'information et une application inégale des règlements peuvent affliger inutilement des gens qui vivent déjà la détresse.
Ce que je dis est particulièrement vrai dans le cas des réservistes qui se portent volontaires comme casques bleus. Cela peut même entraîner des problèmes supplémentaires pour le ministère de la Défense nationale. Ces problèmes peuvent parfois durer fort longtemps, puisque l'information et son actualisation font parfois défaut et que les renseignements sont vagues ou contradictoires.
Ainsi, huit mois après le décès de son mari, une veuve ne savait toujours pas avec qui communiquer au sujet de la plaque à installer sur la pierre tombale de son mari.
En second lieu, les règles, règlements et points de contact doivent être centralisés pour que tous ceux qui en ont besoin puissent y avoir accès facilement. La meilleure solution semblerait être une banque de données en direct qui donne accès au système d'aide de base. Cette banque de données pourrait simplement consister en un répertoire exhaustif de tous les sujets pertinents, répertoire qui pourrait orienter l'utilisateur vers les règlements, un répondant, une agence ou autorité responsable, et surtout vers un lieu de contact où il serait possible de trouver un nom et un numéro de téléphone.
Cela servirait de point de départ unique pour tous ceux qui sont chargés d'aider le casque bleu et sa famille. Cela pourrait servir à surmonter le problème que pose l'affectation d'un officier mal informé auprès de la famille. De plus, cela permettrait à ceux qui doivent élaborer la politique de s'assurer que les changements proposés sont bénéfiques.
En troisième lieu, nous proposons de créer une section centrale au sein du quartier général de la Défense nationale qui n'ait qu'une seule responsabilité, soit d'être le lieu de contact central et le défenseur des casques bleus, afin d'aider ces derniers à surmonter leurs problèmes.
Cette section serait chargée d'assurer une liaison constante avec tous les intervenants, notamment avec les autres ministères du gouvernement fédéral, afin que les politiques et règlements d'ailleurs s'imbriquent les uns dans les autres et afin que tous soient informés de tout changement éventuel et de nouvelles propositions.
Cette section serait chargée également du suivi des dossiers pour faire en sorte que les différents intervenants s'acquittent de leurs tâches en temps opportun, et que les obstacles soient aplanis; cette section devrait également être prête à conseiller et à intervenir selon le besoin.
La banque de données dont j'ai parlé pourrait être entre les mains de cette section qui exploiterait un bureau central destiné à recevoir toutes les demandes et à les aiguiller de façon qu'il soit possible de faire le suivi et de documenter pour référence tous les problèmes et la façon dont ils ont été résolus. Nous proposons d'envoyer comme bénévoles certains de nos membres afin qu'ils offrent leurs services à ce bureau central, ce qui pourrait réduire les frais généraux de notre proposition.
En quatrième lieu, nous proposons d'examiner, de définir et d'annoncer à grand renfort de publicité le rôle que doit jouer le système des travailleurs sociaux dans les Forces armées canadiennes. Ainsi, les travailleurs sociaux doivent avoir un rôle beaucoup plus actif à jouer dans l'aide aux casques bleus et à leurs familles, surtout si le casque bleu souffre de dépression à la suite de sa mission ou du syndrome de stress post-traumatique.
Il faut former les médecins de l'unité et les officiers supérieurs de l'unité pour qu'ils puissent mieux identifier les militaires qui ont de la difficulté à faire face au stress de la mission, afin que leur traitement puisse commencer le plus rapidement possible. À cet égard, nous vous recommandons de revoir ce qui s'est fait au Canada au cours de la Seconde Guerre mondiale dans le traitement de l'épuisement au combat, traitement qui différait de celui que les alliés dispensaient et qui a donné d'excellents résultats.
Nous recommandons que l'on fasse d'office le suivi de tout le personnel revenant de mission, comme on a commencé à le faire en Suède et au Danemark.
Enfin, nous recommandons que l'on examine la politique de relations publiques s'appliquant à la divulgation des détails entourant un décès lorsqu'un casque bleu tombe sous les balles de belligérants. En effet, il y a eu récemment beaucoup de confusion autour de la cause véritable de deux décès, dont celui du caporal Gunther. L'incapacité pour les familles de recevoir des réponses au sujet de la cause véritable des décès a plongé celles-ci dans une grande affliction et a causé de l'embarras au gouvernement qui semblait vouloir faire de la dissimulation.
• 1150
Les Canadiens sont des gens solides qui peuvent absorber
beaucoup. Nos casques bleus subissent des pertes, et on devrait
pouvoir se servir de ces pertes pour expliquer comme il faut à la
population canadienne pourquoi la participation des casques bleus
canadiens aux missions de maintien de la paix vise à rendre le
monde meilleur. Je cède maintenant la parole à John Gardam.
M. John Gardam: En guise de conclusion, j'espère que vous avez compris quel était notre but de ce matin: d'abord, définir le rôle du casque bleu; ensuite, illustrer le besoin de reconnaître ce casque bleu comme un ancien combattant, afin que sa contribution ne soit pas oubliée; et enfin, reconnaître la nécessité de mettre sur pied un système qui permette de s'occuper des blessés des opérations de maintien de la paix.
Comme l'a signalé mon collègue, ce ne sont pas des paroles en l'air, puisque nous sommes disposés à aider le quartier général de la Défense nationale à faire fonctionner l'agence centrale dont nous avons proposé la mise sur pied. Nous vous recommandons de définir clairement et de rendre publics le rôle et les responsabilités de tous les participants.
Dans les cas de blessures ou de décès, le passage des responsabilités de l'unité au quartier général de la Défense nationale, d'une part, puis de la Défense nationale au ministère des Anciens combattants, d'autre part, de même que les responsabilités de tous ceux qui ont un rôle dans cette démarche, doivent être définis et, surtout, rendus publics. Il faut préciser et rendre publics les responsabilités et le rôle de l'unité de service social des Forces canadiennes, et il faut examiner la politique s'appliquant à la divulgation de l'information en cas de décès ou de blessure grave d'un casque bleu.
Nous prônons la mise sur pied d'une cellule interministérielle d'intervention proactive. Cette cellule devrait prêter une oreille attentive et compatissante aux doléances du casque bleu blessé et de sa famille, de même qu'aux doléances de la famille du casque bleu décédé. Enfin, ce souci ne devrait pas disparaître au bout d'un certain temps. Il faut assurer un suivi auprès de ces gens pour qu'ils ne se sentent pas oubliés.
Enfin, cette cellule d'intervention doit se faire le défenseur du casque bleu et de sa famille. Au fond, ce que nous demandons au Canada, c'est de revenir aux normes traditionnelles et aux valeurs de compassion que signalait Hec Clouthier dans la lettre qu'il a lue.
Merci beaucoup.
Le président: Merci à tous les trois.
Passons maintenant à la période de questions. Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président, et merci aux trois témoins.
En premier lieu, j'aimerais revenir au dernier commentaire de M. Gardam. Vous dites surtout qu'il faut prôner le retour aux valeurs traditionnelles de compassion et d'équité. J'aimerais que vous m'en parliez un peu plus. Pensez-vous vraiment que les choses ont changé au fil des ans?
M. John Gardam: Mon passe-temps, c'est d'écrire des livres d'histoire militaire. Or, l'un des livres que j'ai étudiés, c'est «When Your Number's Up», de Desmond Morton. Si vous croyez que nous avons aujourd'hui du progrès à faire, regardez ce qui se faisait avant.
Dès 1914, les premiers blessés du Princess Patricia's reviennent à Halifax pour y être hospitalisés. Les autorités ne savaient pas quoi faire à l'époque, mais avaient décidé que la population canadienne ne devrait pas apprendre que des Canadiens avaient été blessés au combat. Il fut donc décidé d'enlever aux blessés leur uniforme et de les habiller avec des vêtements d'occasion fournis par l'Armée du salut, pour qu'ils soient retournés chez eux en civil.
Dans le même livre, on apprend l'histoire d'un homme qui avait demandé une pension d'invalidité parce qu'il avait perdu ces deux jambes et une partie de ses bras lors d'une explosion d'une mine dans les tranchées au cours de la Première Guerre mondiale. Ce n'est qu'après de longues délibérations qu'il fut décidé de lui accorder une pension de 1 000 $ par année.
Vous voyez que notre dossier de la Première Guerre mondiale n'est pas reluisant.
Pour ce qui est de la Deuxième Guerre mondiale, il suffit d'écouter le témoignage du directeur général actuel des Amputés de guerre; il est scandaleux d'entendre à quel point les soldats qui sont revenus au Canada avec un membre en moins ont dû se battre pour obtenir des prothèses. Cliff Chadderton lui-même a été envoyé dans cet édifice-ci pour devenir un adjoint d'un des membres du Cabinet à la seule fin de pouvoir porter son uniforme et sa prothèse et démontrer publiquement à l'époque le rôle qu'avaient joué les forces armées pour le Canada.
• 1155
Les aviateurs qui refusaient de participer à des missions
étaient taxés de faiblesse morale; on leur retirait leur insigne de
vol et on les rétrogradait au grade de simple soldat. Nombreux sont
ceux qui ont été renvoyés au pays dans le déshonneur. Les matelots
qui refusaient de naviguer sur un rafiot précaire dans l'Atlantique
Nord ou dans le Pacifique étaient jetés en prison pour cette
raison.
Il n'est point besoin de remonter loin en arrière pour comprendre comment les choses se passaient autrefois et ce qu'il faudrait faire maintenant. Tournons-nous vers notre passé récent et tâchons d'adopter une attitude moderne.
Cela répond-il à votre question, monsieur?
M. Leon Benoit: Cela dépend de la période sur laquelle on revient en arrière, n'est-ce pas? Vous préconisez un retour aux valeurs traditionnelles de compassion et d'équité mais à quelle époque situez-vous ces valeurs traditionnelles?
M. John Gardam: Au moment où j'ai servi pour la dernière fois, j'étais directeur des carrières pour tous les autres grades des Forces canadiennes—62 000, et à cette époque l'armée prenait de l'expansion. À ce moment-là, je dirigeais aussi le Conseil médical de révision des carrières. Il fallait décider du sort de tel ou tel soldat parce qu'il ou elle ne pouvait plus servir.
À ce moment-là, les effectifs augmentaient et on ne demandait pas de réductions au plus vite, de sorte que les gestionnaires de carrière jouissaient d'une certaine latitude. Je vais prendre l'exemple de quelqu'un de sa circonscription. Il s'agit d'un jeune soldat qui souffrait misérablement de l'herbe à puces à Petawawa. On a dit: «Renvoyez-le.» J'ai répondu: «Il n'en est pas question.» Et nous l'avons intégré à la marine, car en mer il n'y a pas d'herbe à puces. Nous l'avons sauvé.
Je pense qu'aujourd'hui...
Une voix:
[Note de la rédaction: Inaudible]
Des voix: Oh, oh!
M. John Gardam: Permettez-moi une explication. Nous avions un casque bleu dont le pied avait éclaté sur une mine en Bosnie et le général de Chastelain était à ce moment-là chef de l'état-major de la défense. Il m'a dit: «John, gardez-vous bien de le renvoyer. Reclassifiez-le. Intégrez-le à un corps de métier où il pourra travailler le temps qu'il faut pour améliorer son savoir et ses compétences afin qu'il puisse se réinsérer dans la vie civile.» À cette époque-là, nous avions la latitude nécessaire pour agir ainsi.
M. Leon Benoit: Permettez-moi d'approfondir cet aspect. On nous a décrit les gestionnaires de carrière comme ceux qui étaient les plus détestés dans les forces armées. On nous a beaucoup parlé de gestionnaires de carrière. Il est évident qu'ils ne sont pas tous mauvais. Nous le savons. Il faudrait donc chercher le problème du côté des règlements qu'ils doivent appliquer. Forcément, cela n'est pas étranger au problème.
Puisque vous êtes gestionnaire de carrière, j'aimerais que vous me disiez ce qui à votre avis a changé. Il semble qu'à l'époque vous pouviez faire des aménagements. Il y avait sans doute des gens qui se plaignaient alors de ce que vous faisiez, mais c'est naturel, n'est-ce pas? Y aurait-il eu selon vous des changements qui rendent la tâche plus difficile aux gestionnaires de carrière? Ou serait-ce qu'ils s'en moquent désormais?
M. John Gardam: Le chef de l'état-major de la défense a signalé un fait crucial. Quand on dispose d'une petite équipe, il faut veiller à ce que chacun des membres de cette équipe puisse être polyvalent car si ce n'est pas le cas, ceux qui ne peuvent pas accomplir certaines tâches deviennent des entraves pour ceux qui sont en bon état physique. Cela explique pourquoi tant de casques bleus sont envoyés en Bosnie à répétition. Ce sont ceux qui sont en bon état physique. Si donc nous gardons un trop grand nombre de soldats qui ne sont pas prêts au combat, nous pénalisons ceux qui sont demeurés en santé.
M. Leon Benoit: Vous dites donc que c'est une question de nombre, n'est-ce pas? Cela n'a rien à voir avec ce que font les gestionnaires de carrière ou les règles qu'ils doivent appliquer. C'est strictement une question de nombre, n'est-ce pas?
M. John Gardam: Je dirais que les gestionnaires de carrière—il ne faut pas oublier que je n'en suis plus depuis 1984—aujourd'hui ont les mains liées quant à ce qu'ils peuvent faire et ils doivent renvoyer ceux qui ne sont pas en santé ou ceux dont les blessures ne guériront pas en moins d'un an. Ils n'ont pas le choix.
Autrefois, si un membre des forces armées était atteint du cancer, il était accueilli au centre médical de la Défense nationale ici à Ottawa au moment où il devait être hospitalisé. Ces soldats étaient sur rétention médicale jusqu'au moment où ils souhaitaient sortir de l'hôpital ou jusqu'à leur décès. Nous nous occupions d'eux. Nous ne pouvons évidemment plus faire cela car nous ne pouvons pas nous permettre ce luxe. Et ce n'est pas un luxe car les forces armées d'aujourd'hui doivent pouvoir compter sur les effectifs, cette ressource de très grande valeur, comme c'était le cas à mon époque et à celle de Jim. Il faut tout simplement susciter un regain de confiance. Les gens doivent pouvoir se dire qu'on va s'occuper d'eux, sans quoi leur insatisfaction à l'égard de l'armée va s'accentuer, comme vous avez pu le constater vous-même.
M. Leon Benoit: Je pense que vous avez mis le doigt sur un problème clé. À mon avis, de façon générale les hommes et les femmes qui sont dans l'armée ont l'impression qu'on ne va pas s'occuper d'eux s'ils sont blessés. En fait, on ne s'occupe pas d'eux et c'est peut-être pour les raisons que vous avez exposées.
M. Jim MacMillan-Murphy: Puis-je ajouter quelque chose?
On peut se féliciter—surtout quand on songe au rapport McClellan—que toutes nos préoccupations soient maintenant décrites noir sur blanc. Actuellement, cela contribue à améliorer le moral, et en outre, les gens aiment voir celui qui s'est intéressé personnellement aux anciens soldats. Il donne sa parole. Nous savons que nous pouvons compter sur lui. Et le général Dallaire ne fait pas que prononcer de belles paroles car il a lui-même l'expérience concrète de la chose.
Bien des casques bleus, quand ils sont envoyés en zone opérationnelle et rentrent en piète état à cause des atrocités dont ils ont été témoins... parfois nous rentrons et nous pensons que les officiers hauts gradés ne comprennent pas ce que nous avons vécu. Mais manifestement le général Dallaire tient ce discours parce qu'il a vécu la chose concrètement et il nous a beaucoup aidés. Cela aide grandement le moral. Cela vient de cet effort concerté, dont je vous parlais.
Le rapport McClellan a été publié tout récemment et il a déjà créé des remous dans le mouvement des anciens casques bleus. Je reçois sans cesse des coups de téléphone à propos de ce rapport. J'entends des commentaires positifs et on me demande s'il sera mis en oeuvre ou s'il sera mis sur le boisseau. Je me sens réconforté par ce qu'ont dit ce matin le chef de l'état-major de la défense et le colonel McClellan et je compte bien diffuser ce qu'ils ont dit.
M. Leon Benoit: J'aimerais poursuivre dans la même veine et adresser mes questions à M. Keast. Vous avez parlé des anciens combattants qui devaient se bagarrer pour obtenir des pensions, et j'entends ici des gens atteints d'invalidité, et vous avez fait allusion en même temps au syndrome de stress post-traumatique. Le comité a recueilli le témoignage de plusieurs personne, et d'autres en ont parlé par ailleurs, sans doute en partie à cause du fait que des gens atteints de ce syndrome avaient témoigné. Ils ont dit qu'ils ne luttent pas seulement pour obtenir une pension qui les aiderait, mais que dans bien des cas ils luttent pour la vie, et un grand nombre se préoccupent bien davantage de cette lutte pour la vie que de la pension, même si bien sûr les deux sont extrêmement importantes. Il leur faut avoir les moyens de vivre et de subvenir aux besoins de leur famille. C'est un grave problème.
Vous avez suscité mon intérêt quand vous avez dit que vous aviez invité un conférencier du centre SSPT de White River Junction au Vemont. Nous pouvons au Canada profiter de toute l'expérience qui existe sur le sujet car bien des gens luttent pour leur vie—et nous avons recueilli leurs témoignages et celui de leur famille. Nous avons rencontré des gens en si mauvais état qu'on peut se demander combien de temps ils lutteront encore. C'est donc très important et je pense qu'il faut un effort concerté pour obtenir, auprès des experts, le maximum de renseignements sur cette maladie.
Pouvez-vous nous en dire plus long là-dessus? Savez-vous ce qu'ils auraient découvert là-bas pour soigner cette maladie et que nous ignorons ou dont nous ne nous servons pas?
M. R.E. Keast: Il y a forcément un plus grand nombre de malades forcément aux États-Unis.
• 1205
Nous en avons parlé à notre conférence de Charlottetown en
1996. Le sujet était pertinent alors et nous poursuivrons en 1998.
En 1996, nous avons invité des conférenciers, notamment un
psychiatre des forces armées à la retraite et quelqu'un d'autre, de
sorte qu'on peut dire que ce n'est pas l'intérêt qui manque. En
outre, les préposés au règlement des demandes du ministère des
Anciens combattants assistaient à ce séminaire, et on aurait pu
entendre une mouche voler. C'était très émouvant. Nous voulons
poursuivre sur cette lancée.
Comme je vous le disais, Jim Rycroft participe à cette conférence mondiale en ce moment même, de sorte qu'il va rapporter une grande quantité de renseignements que nous partagerons volontiers avec le ministère des Anciens combattants et le ministère de la Défense nationale. Nous avons invité de nouveau les principaux intervenants à Charlottetown cet automne. Je suis optimiste. Nous faisons tout ce que nous pouvons et nous allons travailler en étroite collaboration avec le ministère de la Défense nationale et le ministère des Anciens combattants afin d'aider non seulement ceux qui sont encore en service mais aussi ceux qui ont quitté le service régulier et les anciens combattants atteints éventuellement de cette maladie. C'est une invalidité et nous aidons des gens atteints de toutes sortes d'invalidités contractées lors de leur service militaire.
Bien sûr, pour ce qui est du service en zone de service spécial, ce sont les principes de l'assurance qui s'appliquent. Ces gens sont couverts 24 heures sur 24 et dans une zone de service spécial, il n'est pas difficile de relier une invalidité à l'accomplissement des tâches. Le formulaire FC-98 concerne davantage les blessures des membres des forces régulières en dehors d'une zone de service spécial. On peut évaluer les symptômes, poser un diagnostic, tout cela dans une zone de service spécial—quand il y a eu déclenchement, incident—et nous travaillons en collaboration avec le ministère des Anciens combattants afin de voir ce qu'il faut comme diagnostic et quels sont les éléments qui permettent de prouver un diagnotic précis relié au service militaire. Le SSPT est l'une des invalidités dont sont atteints les gens que nous aidons, mais c'est assurément une maladie de taille.
M. Leon Benoit: J'aimerais revenir là-dessus un peu plus tard. Si je comprends bien, je n'ai plus de temps.
Merci.
M. John Gardam: Permettez-moi d'ajouter quelque chose, monsieur le président.
Le président: Allez-y.
M. John Gardam: Le président de notre association est actuellement hospitalisé ici à Ottawa car il souffre du syndrome de stress post-traumatique. J'ai dû donc le remplacer pour présenter notre exposé. On constate donc que c'est une maladie bien réelle.
Je pense que vous avez mis le doigt sur un véritable problème, et qu'il faut prévenir, et ne pas attendre trop longtemps des preuves, ne pas attendre qu'un patient aboutisse à l'hôpital. En fait, quelqu'un d'autre va me remplacer moi-même et la personne qui est à l'hôpital, et c'est Pierre Lamontagne. Malheureusement, il a dû partir, mais il est effectivement le nouveau président de notre association ici à Ottawa.
Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Proud.
M. George Proud: Merci beaucoup, monsieur le président.
Messieurs, bienvenue et merci de vos exposés. Nous avons entendu trois communications très bien documentées, et tout à fait nécessaires pour étoffer les recommandations que nous ferons dans notre rapport.
Monsieur Gardam et monsieur MacMillan-Murphy, vous avez proposé certaines choses aujourd'hui dont nous avions entendu parler de la part d'autres témoins, mais vous avez expliqué certaines propositions et indiqué des moyens de les appliquer. Je pense que c'est là qu'il nous faut agir. Vous nous avez dit des choses que nous avions entendues à maintes reprises. La recommandation que vous faites, de donner aux casques bleus le statut d'ancien combattant est une chose qu'on nous a signalée bien des fois.
Je voudrais faire quelques remarques et ensuite je poserai mes questions.
Vous avez également dit qu'il fallait revenir aux anciennes façons de procéder, et qu'il fallait remonter assez loin—mais vous ne vouliez pas remonter trop loin dans le temps—pour retrouver ce que vous avez appelé la belle époque, pour rétablir certaines mesures qui existaient auparavant en matière de santé et d'aide, alors qu'elles n'existent plus et qu'on en a besoin. Depuis huit ans, plus particulièrement, nos forces armées ont été appelées à accomplir certaines missions et cela a coïncidé avec la réduction des effectifs. Comme vous le dites, cela a rendu la situation passablement difficile. Il suffit de regarder le nombre de rubans que portent nos soldats pour tirer des conclusions.
Quand je suis allé dans l'ex-Yougoslavie en 1994, j'ai rencontré des gens qui s'y trouvaient pour la troisième fois, et à ce moment-là, il n'y avait pas si longtemps que nous étions impliqués. On voit donc ce qu'ont produit les réductions et cela s'ajoute à tout le reste, à ce que nous avons pu constater quand nous sommes allés dans les bases, sur le plan du logement et le reste.
• 1210
Votre exposé m'encourage vivement et à mon avis vous avez
d'excellents arguments à présenter au gouvernement pour que les
mesures qui s'imposent soient prises. Il n'y a plus de «devrait»
qui tienne. Il faut agir.
Je souhaite vous poser une question sur la situation des anciens combattants. Je vais demander aux membres des associations d'anciens combattants pour le maintien de la paix de répondre à une question sur le statut d'anciens combattants et le statut d'ancien combattant pour le maintien de la paix.
Monsieur Keast, je suppose que la Légion est plus ou moins du même avis. Mais ma question principale est la suivante: Les arguments que vous présentez valent-ils pour les casques bleus seulement ou pensez-vous que tous ceux qui servent dans les forces armées devraient être considérés comme des anciens combattants au bout du compte? C'est une question. J'en poserai une autre après. Qu'en pensez-vous?
M. R.E. Keast: Je ne peux pas parler au nom de toute la Légion, mais depuis 10 ans je travaille à partir des dispositions de la Loi sur les pensions pour aider les gens à obtenir des pensions d'invalidité ou de décès, et je ne pense pas que le mot «ancien combattant» y figure. Il est question des membres des forces armées ou des ex-membres des forces de sorte que ce n'est pas vers les dispositions législatives qu'il faut se tourner.
Assurément, les termes—et je ne dirai pas que le libellé est flou—«ancien combattant de la Première Guerre mondiale» et «ancien combattant de la Deuxième Guerre mondiale» s'y trouvent répétés à plusieurs reprises. C'est indéniable. Personnellement, j'inclurais les anciens combattants de la guerre de Corée et les anciens combattants de missions de maintien de la paix. À mes yeux, ce sont tous des anciens combattants. C'est mon point de vue personnel. Je ne pense pas que cela soit contesté. Une balle est une balle, qu'on la reçoive en Croatie, en Italie ou en Belgique. Tous ces gens servent leur pays. C'est mon sentiment personnel.
M. Jim MacMillan-Murphy: Il est très intéressant de se dire que comme casques bleus, nous oeuvrons pour la paix depuis 50 ans maintenant. Cela représente une période trois fois plus longue que les périodes où nous étions en guerre, et je compte ici les rebellions, la Première Guerre mondiale, la Deuxième Guerre mondiale et la guerre de Corée.
Nous allons donc sur les théâtres de guerre et nous ne sommes pas des combattants mais nous n'en sommes pas moins bel et bien sur place. Il y a des morts et des blessés et nous rentrons affligés du stress post-traumatique.
Les divers comités qui s'occupent des questions des anciens combattants ne voient pas d'inconvénient à reconnaître la situation, mais les difficultés commencent quand certains bureaucrates donnent leur interprétation. Quand on y regarde de plus près, il n'y a pas eu de déclaration de guerre en Corée ni dans le Golfe et pourtant ces bureaucrates ne voient pas d'inconvénients à reconnaître ces conflits comme tels. Il est grand temps que nous cessions d'essayer—et je cherche le mot—d'attaquer les anciens combattants. Il nous faudrait appeler anciens combattants ceux qui le sont. En tant qu'anciens combattants du maintien de la paix, nous nous sommes mérité ce droit étant donné les services rendus, les pertes subies et les honneurs décernés.
Comme je vous le disais, cinquante années au service de la paix de par le monde, c'est long. Le comité devrait recommander que cela soit dit clairement.
Nous siégeons également au comité consultatif des affaires des anciens combattants. Un de nos chevaux de bataille a été de bien faire comprendre ce qu'étaient ces zones de service spécial et ces théâtres de guerre pour que soit reconnu que nous servons en fait dans des zones belligérantes. Nous nous rendons là-bas, et nous faisons de tout. Voilà ce que nous en pensons. Nous nous méritons le droit d'être appelés anciens combattants. Il est grand temps que les choses soient nettes, que nous agissions.
M. George Proud: C'est la raison pour laquelle je pose cette question. Personnellement, je n'y vois pas d'inconvénient. Je pose cette question pour obtenir votre opinion. Si nous devons négocier avec les intéressés, nous devons disposer de...
M. Jim MacMillan-Murphy: La situation est spécifique aux anciens combattants canadiens. Tous les anciens combattants reconnaissent en nous des anciens combattants et à juste titre. Malheureusement, certains bureaucrates...
M. George Proud: Je suppose que ce que l'on entend par ancien combattant...
M. Jim MacMillan-Murphy: Exactement.
M. George Proud: ...est un ancien combattant de la Première Guerre mondiale, de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre de Corée.
M. Jim MacMillan-Murphy: Je cherchais le mot tout à l'heure, et c'est discrimination qui ne me venait pas. Il y a ici discrimination. Un ancien combattant est un ancien combattant, qu'il ait participé à la Première Guerre mondiale, à la Deuxième Guerre mondiale, au conflit coréen, ou qu'il soit ancien combattant de missions de maintien de la paix ou pour sa participation à la guerre du Golfe. Il n'en demeure pas moins un ancien combattant. Il faut donc cesser cette discrimination et...
M. George Proud: Comme vous l'avez dit, Jim, l'une des principales choses à corriger est le fait qu'il faut quitter les forces armées pour essayer d'obtenir une pension et des prestations d'invalidité en faisant valoir sa situation d'ancien combattant. Il y a une difficulté là qu'il faut surmonter. Je pense que l'idée fait son chemin mais le sujet a ressurgi au comité au cours de notre tournée...
• 1215
Je pense que c'est un dossier qui doit faire l'objet de toute
la recherche nécessaire pour réunir toute la documentation et tous
les arguments dont nous aurons besoin pour faire ce genre de
recommandation. Comme vous le savez, quand on veut changer quelque
chose, il est parfois difficile de convaincre certains intervenants
et quant à moi, c'est certainement une recommandation que je ferai.
Je conviendrai volontiers d'autre chose, ce qui s'est produit l'année dernière—et déjà en 1994 quand nous avons fait l'examen de la politique de défense, je le disais—et c'est que nous ne pouvons pas couper d'avantage. En fait, si on me donnait le choix, pour ce que cela vaut, je souhaiterais que l'on grossisse le budget du ministère de la Défense d'année en année pour qu'il atteigne le niveau nécessaire permettant au ministère de faire ce qu'il doit faire. Il faut plus de personnel de même qu'un véritable engagement de la part du gouvernement du Canada.
M. Jim MacMillan-Murphy: Vous avez tout à fait raison. Vous avez fait mouche.
Il y a une chose intéressante. Encore une fois, je me reporte à l'article du magazine Maclean's qui mettait en vedette un ancien combattant revenu de plusieurs missions. Il est vrai que les missions sont courtes mais le soldat est utilisé un peu comme un mercenaire. Bien sûr, c'est bien payé à cause du service outre-mer, de la solde que verse les Nations Unies, mais au retour, il risque d'être atteint du SSPT, il risque de voir son foyer brisé, etc. Nous transformons ces soldats en bombe à retardement social qui peut éclater d'une minute à l'autre. Je pense que s'il y avait plus d'effectifs, nous n'en serions pas là. Il y a également la question des ressources financières.
M. George Proud: Monsieur Keast, vous nous avez parlé de votre travail dans la Légion. Vous menez de front bien des missions si l'on peut dire. Vous dirigez une conférence à Charlottetown sur le syndrome du stress post-traumatique. En tant que membre de la Légion, pensez-vous que les rapports avec le ministère des Anciens combattants se sont améliorés récemment pour ces gens en particulier.
M. R.E. Keast: Je me suis personnellement occupé de cas de SSTP et j'ai obtenu de bons résultats. Naturellement, comme tous les préposés au règlement de demandes appelés à prendre des décisions au premier palier, j'étais moi aussi en 1996 à la conférence où l'on a discuté abondamment du SSTP. On aurait dans la salle entendu voler une mouche. L'auditoire était très attentif aux exposés d'excellents conférenciers. Cette affection est l'une des invalidités dont un soldat peut être atteint lors de son service, de sorte que nous considérons que quelqu'un qui en est atteint a besoin d'aide. Un soldat se sera cassé la jambe ou aura mal au dos. L'autre souffrira d'une perte d'ouïe. Un autre sera atteint du SSTP. Nous en voyons de toutes les sortes.
Les préposés sont appelés, en vertu de la même loi, à rendre des décisions sur toutes sortes d'invalidités. Il y a certaines maladies sur lesquelles il faut fournir des preuves en temps de paix ou quand elles sont contractées dans une zone de service spécial. Voilà comment j'interprète les choses. Nous avons obtenu d'assez bons résultats lors de premières demandes pour une vaste gamme d'invalidités depuis la réforme des pensions en 1985.
M. George Proud: Je voudrais tout simplement signaler que pour ma part, je suis souvent intervenu dans des cas semblables. Mon bureau de circonscription se trouve juste en face du ministère des Anciens combattants à Charlottetown. J'ai vu passer bien des dossiers de ce genre depuis 10 ans que je suis député.
Je vais vous donner un exemple. Je pense qu'il faut continuer de s'acharner. Il faut persévérer. Un monsieur, assez âgé, m'a téléphoné pour me dire que quand il avait 16 ans, il était dans les troupes de réserve pendant la Deuxième Guerre mondiale. Il est tombé d'un camion. Il n'avait jamais rien tenté et voilà qu'il me téléphonait près de 50 ans plus tard. Il m'a demandé comment je pouvais l'aider. Je lui ai dit que je craignais de ne rien pouvoir faire, mais que j'essaierais.
Nous avons acheminé le dossier de A à Z. À la première demande, il a obtenu une pension et une rémunération rétroactive.
Ces choses sont donc possibles. Les gens de mon personnel s'occupent de nombreux cas semblables. Le comité fait une tournée au Canada, il se passe des choses, et vous autres vous travaillez activement: il y a bien des gens qui vont en profiter.
Il y avait aussi ce cas où il a fallu plus de temps mais l'intéressé méritait une pension, qu'il a obtenue. S'il ne l'avait pas demandée, il ne l'aurait pas obtenue. Ce sont des exemples mais je voulais vous en faire part.
M. John Gardam: Monsieur le président, je voudrais dire une dernière chose. Comme les règlements et les lois sont très flous quand il s'agit de définir un ancien combattant, il serait temps que nous disions clairement qu'un ancien combattant est quiconque a participé à la Première Guerre mondiale, à la Deuxième Guerre mondiale, à la guerre de Corée—et lors du conflit coréen, il y a eu 500 pertes de vie—et à une mission de maintien de la paix autorisée par le gouvernement du Canada, quelle qu'elle soit. Tous ces soldats devraient être désignés anciens combattants.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Benoit, nous allons faire un tour de cinq minutes.
M. Leon Benoit: Je voudrais commencer en demandant un complément d'information à M. Keast.
Lors de la conférence dont vous avez parlé, la discussion sur le SSTP a captivé les gens à un tel point que l'on aurait pu entendre une mouche voler dans la salle. Y a-t-il eu d'autres initiatives à part ces conférences? Y a-t-il eu entre le Canada et les grands centres américains qui s'occupent de ces dossiers-là un échange sérieux de personnel médical et de renseignements?
M. R.E. Keast: Au ministère des Anciens combattants, il existe une direction des opérations en pays étranger dont le personnel est basé ici à Ottawa. On me dit qu'elle est en communications avec certaines organisations comme le Département des anciens combattants aux États-Unis et ce à propos de ce genre de questions. Étant donné les traités qui existent, nous pouvons soigner des anciens combattants étrangers ici et les autres pays peuvent en faire autant pour nos anciens combattants pensionnés. Je pense que cette direction est en contact avec les associations d'anciens combattants américaines qui se trouvent au Vermont et ailleurs aux États-Unis.
Je ne saurais dire si elles se sont occupées d'inviter ce conférencier. Mon directeur a participé à la préparation de cette conférence, de même que le directeur adjoint de ce bureau de services. Actuellement, il est en Croatie à la conférence mondiale. Si je ne m'abuse, cette conférence est une première, si bien qu'il est possible que les 300 participants fassent une percée. Espérons que notre représentant nous rapportera de bonnes nouvelles.
On me dit qu'un médecin des forces armées, qui est à la retraite, travaille actuellement au ministère des Anciens combattants à préparer un barème des invalidités et des critères, pour ce qui est du SSPT en tout cas. Il y a donc une liaison à ce niveau-là.
À la Légion, nous n'avons bien entendu pas de médecin au sein de l'équipe du personnel. Nous glanons des renseignements ici et là et nous maintenons des liens et une collaboration avec le ministère des Anciens combattants, la section appel du Tribunal, et le ministère de la Défense nationale, du mieux que nous pouvons, car nous les considérons comme faisant partie de la parenté. Ainsi, nous sommes tout à fait prêts et disposés à aider, à faire tout ce que nous pouvons compte tenu de notre mandat et de nos ressources.
M. Leon Benoit: Autrement dit, vous n'êtes pas parfaitement au courant de ce que les forces armées font pour essayer de régler ce problème?
M. R.E. Keast: Il y a eu une clinique. Le colonel McClellan pourrait certainement vous en parler beaucoup mieux que moi.
M. Leon Benoit: Je sais que la clinique existe. Je me demandais si vous estimiez que les efforts sont consentis avec assez de vigueur.
M. R.E. Keast: Je ne pense pas pouvoir vous répondre là-dessus. Il vaudrait mieux poser la question à un représentant des forces armées.
M. Leon Benoit: D'accord. Je voudrais aborder un autre sujet... Oh, je n'en ai pas le temps.
M. Jim MacMillan-Murphy: L'Association canadienne des anciens combattants pour le maintien de la paix a préparé là-dessus un recueil d'études de cas qui a été transmis au colonel McClellan et...
En toute franchise, d'après les résultats qu'il nous a fournis, d'après les renseignements que nous avons pu lui transmettre, le SSPT qu'il étudie serait spécifiquement canadien. Malheureusement, la première chose à laquelle on songe quand on pense à ce syndrome, c'est au syndrome du Vietnam. Il ne s'agit pas de la même chose dans le cas des casques bleus canadiens.
Les frustrations, les atrocités dont nous sommes témoins, sont différentes à bien des égards. Dans le cas du Vietnam, la frustration pouvait être évacuée lors d'un échange de coup de feu alors que les Canadiens ne peuvent pas ouvrir le feu à moins d'avoir reçu l'ordre ou d'être attaqués. Il y a donc de nombreux aspects qui sont spécifiquement canadiens et qu'il faut prendre en compte.
Étant donné le travail de la Légion et celui du colonel McClellan, nous allons aboutir à des éléments de solution spécifiquement canadiens et tout à fait positifs face au SSPT. En fait, je ne serais pas étonné que nous devenions un exemple pour d'autres.
Les Britanniques, bien sûr, s'intéressent énormément au syndrome qu'ils ont connu eux-mêmes.
Récemment, je me suis mis en contact avec des anciens combattants néo-zélandais, et la question a été soulevée. Ils ont commis l'erreur d'écrire aux anciens combattants néo-zélandais du Vietnam pour essayer de faire des rapprochements, mais cela ne va pas du tout. Essentiellement, nos soldats sont témoins d'atrocités là-bas, et nous devons nous en occuper quand ils rentrent.
• 1225
On a pu constater que les anciens combattants ont passé à
l'action, et que cela a déclenché une réaction dans les forces
armées, sans oublier ce que la Légion a fait, ni le résultat des
études de cas.
Ce que George a dit est intéressant car la Légion et le ministère des Anciens combattants font front commun dans ce cas-ci. C'est tout à fait louable. Le ministère des Anciens combattants commence à faire appel aux groupes d'anciens combattants, aux légions, aux associations de casques bleus, aux anciens combattants de la guerre de Corée. Le ministère s'adresse donc aux personnes concernées, nous demande notre opinion sur divers sujets. Ainsi, les choses commencent à prendre forme.
M. R.E. Keast: Monsieur le président, puis-je ajouter quelque chose?
Le président: Volontiers.
M. R.E. Keast: Il y a environ quatre mois—et je ne me souviens pas de la date exacte—les préposés aux services, là où je travaille, ont rencontré les principaux fonctionnaires du ministère de la Défense nationale qui s'occupent de la clinique du SSPT. Ils ont rencontré entre autres le colonel McClellan et ses collègues.
Je parle ici au nom de toute notre équipe. Nous avons trouvé cette rencontre fructueuse car nous pouvons maintenant associer noms et visages des divers professionnels faisant partie de l'équipe de telle sorte que, pour les clients qui ont besoin de notre aide, il y a là un centre d'accueil et de renseignements qui pourrait servir éventuellement.
Je pense donc que les rapports entre la Légion et d'autres groupes et le ministère de la Défense nationale—je ne peux rien dire à propos du ministère des Anciens combattants—sont marqués par le souci d'un travail commun pour aider nos clients, non seulement dans le cas du syndrome de stress post-traumatique, mais également dans le cas de toute autre affection dont ils pourraient être atteints.
Nous avons du reste été invités à cette réunion que j'ai trouvée fort utile.
M. Leon Benoit: Je me demande pourquoi les gens qui souffrent de cette maladie doivent faire face à tant de frustrations. C'est ce que je ne comprends pas. Ces gens qui souffrent, les membres de leur famille, éprouvent un sentiment d'impuissance, une profonde frustration. Ils ont l'impression que tout le monde s'en moque franchement.
M. Jim MacMillan-Murphy: C'est obtenir des renseignements qui est le plus frustrant. C'est ce dont se plaignent essentiellement les soldats qui rentrent. Quand une unité rentre au pays, je reçois quantité de coups de téléphone. C'est le message que je capte. Je suis sûr que très bientôt on va prévoir quelque chose de mieux mais on nous parle essentiellement de la frustration.
On n'en parlait pas beaucoup auparavant. En 1992, j'avais préparé un article là-dessus, publié dans un journal de la Légion et intitulé «Dans la zone dangereuse». Puis subitement, les choses ont démarré et voilà que nous sommes en train de redécouvrir tout cela.
Autrefois, si quelqu'un avait eu une très mauvaise expérience, il se saoulait, et il essayait de s'en accommoder. Malheureusement, on fabrique ainsi des bombes sociales à retardement, car il y a les flash-back, et l'on peut s'attendre à une réaction.
Le président: Merci.
Monsieur Pratt.
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je voudrais bien comprendre la position des anciens combattants. Si je ne me trompe pas, vous préconisez un changement de politique, pas nécessairement une modification des textes législatifs, parce que la Loi sur les pensions, si je ne m'abuse, ne fait pas référence aux anciens combattants comme tels. N'est-ce pas?
M. R.E. Keast: C'est ce que je crois savoir.
M. David Pratt: Hier, le ministre des Affaires des anciens combattants nous a dit que tout casque bleu qui avait servi dans une zone de service spéciale était traité de la même façon qu'un ancien combattant de la Première ou de la Deuxième Guerre mondiale ou de la guerre de Corée. Nous sommes d'accord, n'est-ce pas?
M. R.E. Keast: En vertu des dispositions de la Loi sur les pensions, les demandes de pension pour invalidité ou décès sont définies aux paragraphes 21(1) ou 21(2). Le paragraphe 21(1) traite des deux guerres mondiales, de la guerre de Corée et des zones de service spéciales. C'est un peu comme une assurance, et le soldat est couvert 24 heures par jour sur le théâtre des opérations. Si donc sur les lieux les symptômes se manifestent, s'il y a un premier diagnostic posé, s'il y a blessure, il est relativement facile d'établir des preuves par la suite, si la personne est encore atteinte de la même invalidité.
Au contraire, le paragraphe 21(2) traite des demandes faites pour service au Canada, en Allemagne ou aux États-Unis, ou ailleurs dans le monde, par des soldats qui aujourd'hui ne se trouvent pas dans une zone de service spéciale. À ce moment-là, établir la preuve revêt un caractère tout à fait différent. Il faut montrer que l'invalidité «était consécutive ou se rattachait directement». Que je sache, il n'y a rien dans la Loi sur les pensions qui traite d'un rapport sur les blessures. On accorde une telle importance à cela: il n'en existait pas, par conséquent...
Il est pratique de pouvoir trouver un rapport bien documenté. Cela facilite notre tâche quand il faut présenter des preuves. Mais les dispositions de la Loi sur les pensions ne demandent pas l'établissement de preuves crédibles et non contestées, ou quoi que ce soit de la sorte, permettant de prouver que l'invalidité était consécutive ou se rattachait directement au service militaire.
• 1230
Les demandes concernant les zones de service spécial se font
suivant le principe de l'assurance. Le soldat se trouve pendant une
période donnée dans une zone de service spécial et c'est alors que
l'incident se produit, que les symptômes apparaissent.
Il suffit d'un petit doute. C'est alors qu'on impose le fardeau de la preuve. L'exigence est la même dans le cas des zones de service spécial, que dans le cas de la Guerre de Corée et des deux guerres mondiales. Pour ce qui est des forces régulières, c'est différent, car il faut que l'invalidité se rattache au service militaire ou à la participation à des sports organisés.
M. David Pratt: La position de votre organisation, monsieur MacMillan-Murphy, est que quel que soit l'endroit, que la personne se trouve dans une zone de service spécial ou non, on devrait toujours considérer...
M. Jim MacMillan-Murphy: Ils se trouvent toujours dans des zones de service spécial, quel que soit l'endroit où ils sont envoyés, mais...
M. David Pratt: Mais il y a eu des missions de maintien de la paix dans des endroits qui n'étaient pas des zones de service spécial, n'est-ce pas?
M. Jim MacMillan-Murphy: Peut-être, mais en l'occurrence, il s'agit bien de zones désignées de service spécial.
M. David Pratt: Excusez-moi?
M. Jim MacMillan-Murphy: Ces zones sont désignées zones de service spécial. À quel endroit songez-vous, monsieur?
M. David Pratt: Notre attaché de recherche me dit qu'il y a eu des missions de maintien de la paix dans des endroits qui n'étaient pas considérés zones de service spécial.
M. George Proud: Je voudrais des éclaircissements en réponse à la question qu'il pose.
À la suite de la Guerre du Golf, une médaille spéciale a été décernée aux anciens combattants de cette guerre parce qu'il s'agissait d'une zone spéciale qui... Vous rappelez-vous que les combattants de Corée ont eu... Si je ne m'abuse, ces zones de service spécial... Quand vous étiez à Chypre, l'île était-elle considérée comme une zone de service spécial?
M. Jim MacMillan-Murphy: Son statut n'a pas été modifié avant 1994...
M. George Proud: C'est cela.
M. Jim MacMillan-Murphy: ...et ensuite on a décidé que ce serait rétroactif. J'aurais dû vous apporter la liste de ces zones que j'ai obtenue auprès du ministère des Anciens combattants. Je suis pratiquement sûr qu'elles sont toutes couvertes.
M. George Proud: Actuellement.
M. Jim MacMillan-Murphy: Actuellement.
Quand on désigne une zone de service spécial, on fixe une date d'entrée en vigueur. Chypre a été désignée zone de service spécial à partir de 1964, quand les premiers Canadiens y sont allés. Mais malheureusement, il y a des gens qui ne comprennent pas très bien et qui viennent nous dire: «J'étais à Chypre en 1967, et la Loi concernant la zone de service spécial a été adoptée en 1994. Je suppose que je ne suis pas couvert». Ils ignorent tout simplement ce qu'il en est et il appartient aux groupes d'anciens combattants de dissiper ces malentendus, ce que nous avons fait.
Pour ce qui est de la reconnaissance officielle des anciens combattants, qui existe en noir et blanc pour la Première Guerre mondiale, la Deuxième Guerre mondiale, la Guerre de Corée et la Guerre du Golf...
M. George Proud: Et la Guerre des Boers.
M. Jim MacMillan-Murphy: Et la Guerre des Boers, bien sûr. On vous a dit récemment, et on l'a répété aujourd'hui, il faudrait recommander que les anciens combattants du maintien de la paix soient clairement définis comme anciens combattants. Cela simplifierait un grand nombre de choses et faciliterait la tâche à la personne qui présente une demande de pension. Les choses seraient simples au moment de s'adresser au ministère des Anciens combattants.
Encore une fois, il ne faut pas se faire d'illusions. C'est se méprendre que de croire que ceux qui partaient pour Chypre partaient en vacances car au grand étonnement de tous, moi le premier, en 1974 l'île a été envahie. Ce n'étaient pas des vacances.
Quant à nous, et on vous l'a déjà dit auparavant, la désignation d'ancien combattant devrait inclure ceux qui ont participé à la Guerre des Boers, à la Première Guerre mondiale, à la Deuxième Guerre mondiale, à la Guerre de Corée, à la Guerre du Golf, et aux missions internationales de maintien de la paix. Cela va couvrir les soldats de l'OTAN qui ont participé à l'IFOR et à la SFOR et à la FFOR et ceux qui ont participé à la Commission internationale de contrôle et de surveillance.
Une voix: Et la guerre du Viêt-nam.
M. Jim MacMillan-Murphy: Je viens de citer ces deux-là, FMO.
Ainsi, si à la liste des gens que l'on considère comme anciens combattants, ceux de la guerre des Boers, de la première Guerre mondiale et de la Seconde guerre mondiale, de la guerre de Corée, de la guerre du Golfe, on ajoutait ceux qui participent à des missions internationales de maintien de la paix, les choses seraient beaucoup plus simples et cela mettrait fin à une grande partie des frustrations qu'éprouvent nos soldats. En outre, l'attitude des gens au retour serait différente, car on saurait que nous sommes des anciens combattants.
Nous avons dû lutter pour obtenir ce droit. Au début, après la fondation de notre association, en réponse aux premières lettres que nous envoyions on nous disait poliment «merci de votre intérêt». Mais il se s'agit pas d'intérêt. Nous en avons l'expérience concrète. Essentiellement, nous luttons pour être reconnus. C'est important. Les hommes ont mérité ce droit: 50 ans de maintien de la paix; 109 Canadiens morts, 103 Canadiens gravement blessés en Yougoslavie et 11 morts. La liste est longue. Les honneurs et les récompenses... Il y a des choses qu'il ne faut pas oublier dans les comptes rendus historiques.
Nous sommes fiers, à juste titre, de l'effort de maintien de la paix des Canadiens. Lester Pearson a reçu le Prix Nobel de la paix en 1956. On ne lui aurait pas décerné si les Canadiens n'avaient pas fait leur travail, si le général Burnes n'avait pas accompli sa tâche. Nous avons de nouveau obtenu pour le Canada le Prix Nobel de la paix en 1988, à cause de nos missions de maintien de la paix.
• 1235
Nous disons tout simplement qu'il est grand temps de dissiper
fausses idées et de mettre le tout noir sur blanc.
Merci.
Le président: Puisqu'il n'y a pas d'autres questions, je veux remercier M. Keast et M. MacMillan-Murphy, et le colonel Gardam, qui sont venus témoigner ce matin. Merci beaucoup. Nous avons beaucoup apprécié votre témoignage.
La séance est levée.