Passer au contenu

NDVA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON NATIONAL DEFENCE AND VETERANS AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES ANCIENS COMBATTANTS

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le vendredi 8 mai 1998

• 0727

[Traduction]

Le président (M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis heureux de vous accueillir ce matin. J'ai l'impression que nous sommes revenus ici après deux ou trois heures d'absence seulement.

Petit détail pratico-pratique avant de commencer: si vous voulez des écouteurs pour l'interprétation, allez les chercher là-bas.

[Français]

Pour ceux qui veulent s'exprimer en français, il n'y a aucun problème. Vous pouvez vous exprimer dans la langue de votre choix.

[Traduction]

Comme je l'ai déjà dit, nous sommes un comité multipartite. L'un des nos membres est M. George Proud, député de Hillsborough, dans l'Île-du-Prince-Édouard. Il était censé être parmi nous ce matin, mais il a été retenu par d'autres engagements. M. Proud est secrétaire parlementaire du ministre des Anciens combattants et, croyez-moi, il aurait aimé être là ce matin.

Pour commencer, je vais demander aux députés d'en face de se présenter, pour que nous sachions qui ils sont.

[Français]

D'habitude, au début de la séance, je demande à tous les députés de se présenter. Nous allons commencer par M. Lebel.

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Bonjour. Je m'appelle Ghislain Lebel et je suis député de la circonscription de Chambly, sur la rive sud de Montréal, au Québec.

[Traduction]

M. David Price (Compton—Stanstead, PC): Bonjour. Je m'appelle David Price, je suis député de Compton—Stanstead et je suis porte-parole du Parti conservateur du Canada en matière de Défense.

M. Leon E. Benoit (Lakeland, Réf.): Bonjour. Je m'appelle Leon Benoit et je représente la circonscription de Lakeland, en Alberta où se situe la base aérienne de Cold Lake. Je suis député réformiste et porte-parole suppléant en matière de Défense.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Je m'appelle Art Hanger, je suis porte-parole du Parti réformiste en matière de Défense et je représente la circonscription de Calgary Northeast.

M. Hec Clouthier (Renfrew—Nipissing—Pembroke, Lib.): Je m'appelle Hector Clouthier, je suis député libéral représentant la circonscription de Renfrew—Nipissing—Pembroke où se trouve la BFC Petawawa.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Je m'appelle David Pratt, je suis député libéral de Nepean—Carleton, qui est juste à l'extérieur d'Ottawa.

Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Je m'appelle Wendy Lill, du Nouveau parti démocratique, et je remplace Chris Axworthy, notre porte-parole pour les questions de Défense. Je suis ici aujourd'hui parce que Dartmouth se trouve dans ma circonscription et que je veux entendre le point de vue de mes électeurs.

• 0730

Le président: Je m'appelle Robert Bertrand, je représente la circonscription de Pontiac—Gatineau—Labelle au Québec et je suis président de ce comité permanent.

Nous allons maintenant entendre notre premier témoin, le contre-amiral Dusty Miller.

Contre-amiral Dusty Miller (témoigne à titre personnel): Merci, monsieur. Je suis très heureux d'être parmi vous ce matin pour vous redire dans un contexte un peu plus formel, ce que je vous ai expliqué hier.

Je vais m'en tenir à mes notes dont j'ai remis un exemplaire traduit aux interprètes, mais je vais passer de l'anglais au français, si cela ne vous dérange pas.

[Français]

Je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous adresser formellement la parole aujourd'hui. J'ai l'intention d'aborder trois sujets que je considère essentiels à la qualité de vie de notre personnel militaire de la force régulière et la force de réserve. Ces sujets sont la solde ou la rémunération, le logement et le rythme opérationnel.

[Traduction]

Ces trois sujets sont: la solde et la rémunération, le logement et le rythme opérationnel.

Avant d'explorer avec vous ces sujets, j'aimerais souligner les initiatives que nous avons parrainées afin d'aider les soldats, les marins et le personnel navigant de ma Formation pour qu'ils puissent en faire le plus possible avec la solde qu'ils reçoivent. Voici des exemples de ce que nous pouvons faire et de ce que nous avons fait au sein des Forces maritimes de l'Atlantique.

Nous avons établi une garderie sur place qui sera surtout adaptée aux besoins des familles monoparentales et qui ouvrira le 1er juin. Avec notre propre argent, nous avons construit 25 chalets à côté d'un lac, à 90 minutes de Halifax, pour que nos membres puissent y passer des vacances bien méritées avec leur famille. Le prix de ces chalets est progressif en fonction de la solde, afin qu'ils soient le plus accessible possible pour tous. Nous avons pris les dispositions nécessaires pour obtenir des billets à prix réduit pour des spectacles et des événements sportifs, en collaboration avec nos merveilleuses entreprises locales. Nous négocions des rabais chez les marchands locaux. Nous avons trouvé des fonds pour construire un nouveau gymnase à l'arsenal et un meilleur centre communautaire. Nous avons rendu plus accessibles les services des Centres de ressources pour les familles des militaires en établissant des bureaux satellites dans toute la région. Nous avons créé un programme d'emploi pour les conjoints par l'entremise duquel on a déjà trouvé plus de 140 emplois pour les conjoints et qui est censé servir de modèle national aux Forces.

[Français]

Ici, à Halifax, nous sommes déterminés à profiter de chaque occasion qui se présente pour améliorer la qualité de vie de nos gens. Même si je suis fier de ce que nous avons accompli jusqu'ici, j'avoue avec regret que ce n'est pas suffisant. Nous avons besoin de votre aide pour traiter des questions de la solde, du logement et de la charge de travail.

[Traduction]

Je sais que vous avez déjà entendu beaucoup de choses sur la solde et la rémunération. En effet, on peut facilement argumenter que, de nos jours, les marins gagnent bien moins que le taux de salaire équitable dicté par le marché pour le nombre d'heures qu'ils ou elles travaillent, et compte tenu des conditions dans lesquelles ils ou elles travaillent. Par exemple, nos marins ont souvent à travailler dans des espaces clos avec peu de confidentialité, 16 heures par jour, 7 jours par semaine, en mer dans l'Atlantique nord, impardonnable, où une erreur humaine peut mettre en danger la vie de leurs compagnons de bord et cela en temps de paix.

Lorsque vous tenez compte de ces éléments et du fait incontesté que nos marins gagnent moins que leurs homologues dans la fonction publique, il est évident que nos gens ne sont pas rémunérés équitablement en fonction des défis auxquels ils sont confrontés. C'est particulièrement vrai dans le cas de nos militaires les moins hauts gradés—les matelots de troisième classe et les sous-lieutenants—qui luttent tous les jours afin d'élever une famille avec une solde qui ne leur permet que très peu de luxe.

Passons maintenant à la question des logements. La principale question concernant le logement dans la région de Halifax est celle de la qualité. Je pense que vous en entendez beaucoup à ce sujet de la part des marins. La réalité est telle qu'il n'y a que très peu d'argent pour rénover les vieux immeubles des bases des Forces canadiennes qui ont été construits dans les années d'après-guerre et dans lesquels vivent nos militaires. Bien que certaines personnes s'obstinent à penser que nos marins vivent dans des logements subventionnés, en réalité, la directive du Conseil du Trésor veut que les militaires des FC paient le prix équitable que dicte le marché pour un logement. Bien sûr, ce n'est pas le cas dans toutes les régions où des membres de la marine sont postés, comme vous avez pu le constater à Esquimalt, où les coûts de logement élevés sont le problème.

• 0735

Or, comme la solde de nos marins est la même sur les deux côtes, il y a lieu à mon avis d'envisager une méthode qui permettra de veiller à ce que tous les militaires des FC aient accès à un niveau commun de logement adéquat, peu importe où ils sont postés au Canada. Voilà le défi.

Des trois sujets mentionnés, la question du rythme opérationnel est certainement sur le même pied que la solde et le logement pour ce qui est de son impact sur le moral des troupes et de la façon dont les gens se sentent vis-à-vis de leur travail. Elle est également la question la plus complexe. Le rythme opérationnel repose sur un équilibre délicat. Il faut tenir compte de plusieurs facteurs, c'est-à-dire le temps consacré aux opérations et le temps consacré à la maintenance et aux réparations; le temps nécessaire aux exercices et à l'entraînement des équipages afin de perfectionner leurs aptitudes au combat et le temps requis pour appliquer ces aptitudes dans l'exercice des missions auxquelles ils sont affectés; enfin, s'il faut consacrer un certain temps à son pays, il faut aussi du temps pour sa famille et soi-même.

[Français]

Trouver cet équilibre est essentiel à notre efficacité opérationnelle et au moral de mes marins. Toutefois, bien qu'essentiels, un certain nombre de facteurs externes continuent de rendre cet objectif difficile à atteindre.

[Traduction]

L'obstacle qui nous empêche le plus d'atteindre cet équilibre a été la réduction constante de notre effectif et de nos budgets au cours des dernières années. En effet, au cours des deux dernières années, en raison de compressions de personnel, les Forces maritimes de l'Atlantique ont perdu 1 000 personnes, ce qui équivaut à presque 10 p. 100 de notre effectif, et 48 millions de dollars, soit 25 p. 100 de notre budget—et nous ne sommes pas une grosse marine, au départ.

Nous pourrions peut-être composer avec de telles réductions si ce n'était du fait que nous sommes, à mon avis, plus occupés que jamais. Cette situation se traduit par un niveau élevé de stress chez certains de nos membres. Mon personnel travaille fort pour rétablir cet équilibre. Par exemple, nous allons réduire la durée d'appareillage du NCSM Toronto, quand il reviendra—nous ne savons pas encore quand—de sa mission non planifiée dans le Golfe persique. Toutefois, les missions que nous avons retirées au Toronto devront maintenant être attribuées à d'autres navires, qui sont déjà eux-mêmes très occupés. En fait, nous donnons d'une main ce que nous avons pris de l'autre.

Depuis ma prise de fonction, j'essaie de créer une atmosphère de professionnalisme détendue et de ralentir un peu le rythme. Mais pour dire vrai, mesdames et messieurs, jusqu'ici, j'ai échoué. Nous continuons de devoir en faire de plus en plus avec moins, en dépit de certaines de nos récentes initiatives, à cause de la combinaison des opérations accrues du monde réel et des réductions budgétaires. Nos navires sont toujours très en demande pour des missions qui sont vitales à la sûreté du Canada, qu'il s'agisse d'opérations dans le Golfe persique ou au large de la Yougoslavie avec la flotte de l'OTAN, de patrouilles de surveillance des pêches et d'affirmation de la souveraineté ou d'opérations visant à représenter le Canada de Haïti et de l'Afrique du Sud jusqu'au nord de la Norvège. Résultat: de plus longues séparations pour les marins de leur famille, plus de stress et l'érosion de la satisfaction d'être militaire.

[Français]

Au cours des dernières années, la situation à terre est devenue la même que celle en mer. Auparavant, une affectation à terre représentait une occasion d'échapper aux 16 heures de travail d'un séjour en mer et de se retrouver dans un milieu de travail plus normal.

[Traduction]

Maintenant, nous demandons à un effectif réduit de fournir le même support que nous avons traditionnellement offert à nos navires en mer. Les gens travaillent de plus longues heures—et je vous rappelle que nous n'offrons pas de prime d'heures supplémentaires—et ont à subir les effets néfastes prévisibles que cela engendre sur leurs familles.

• 0740

Vous m'aviez accordé cinq minutes. Mesdames et messieurs, compte tenu des circonstances exceptionnelles de la vie militaire, je résumerai ainsi: je vous demande de nous aider à offrir à ces militaires dévoués ce dont ils ont le plus besoin, c'est-à-dire un chèque de paie équitable, l'accès à un logement décent et abordable et un rythme opérationnel qui ne continue pas à imposer constamment des demandes extraordinaires sur nos marins.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, amiral.

Monsieur Pratt.

M. David Pratt: Merci, monsieur le président.

Au cours de nos audiences, amiral, bien des gens de la côte est et de la côte ouest sont venus nous parler des différents problèmes de moral et de qualité de la vie au sein des Forces canadiennes. Il se plaignent notamment—et je tiens à bien préciser que je ne m'adresse pas à vous directement, et qu'il s'agit de remarques en général—que les Forces canadiennes pèchent du côté du commandement, car les gens à Ottawa n'ont pas pris position pour le soldat, le marin ou l'aviateur moyen. Cela, nous l'avons même entendu de la bouche du général Roméo Dallaire, qui a reconnu qu'à plusieurs reprises, même s'il disposait de fonds dans son budget, il a dû consacrer ces sommes aux exigences opérationnelles plutôt qu'à l'amélioratioin de la qualité de vie des soldats et des marins.

Que pensez-vous de ce qu'a dit le général Dallaire à propos du commandement des Forces canadiennes qui n'aurait pas fait tout son possible pour défendre le militaire canadien moyen?

Cam Dusty Miller: Il est très difficile de répondre à cette question. Je pense qu'il y a une partie de vérité dans ce qu'a dit le général Dallaire. Je pense que ces dernières années, nous nous sommes retrouvés avec moins d'argent à cause de la restructuration des Forces canadiennes et nous avons dû prendre des décisions très difficiles. Par exemple, nous avons dû accorder la priorité aux missions que nous sommes appelés à remplir dans le monde entier. Suivant ma philosophie du «professionnalisme détendu», j'aimerais penser qu'on accorde la priorité aux gens, malheureusement on ne peut oublier le reste. On ne peut exclure toutes les demandes qui nous sont faites dans ce genre de circonstances, notamment en ce qui concerne les gens. Nous devons nous rappeler que ce sont les hommes et les femmes qui font l'organisation.

Le général Baril a été très clair à ce sujet: nous devons nous occuper de nos subalternes. D'une certaine façon, au cours des dernières années, nous avons négligé cet aspect pour pouvoir continuer de fonctionner du mieux que nous le pouvions, en tant qu'une des meilleures armées du monde—l'une des moins payées aussi, soit dit en passant—pour faire ce que nous faisons le mieux au service du peuple canadien, pour être là en cas de catastrophe, sans attendre pour autant de rémunération supplémentaire. Mais il vient un moment où nous soulevons la tête pour constater que nous avons fait notre part pour ce pays, que nous avons aidé le gouvernement à ramener son déficit à zéro, et que nous l'avons fait un peu aux dépens de nos subalternes.

Maintenant, par le biais des projets dont je viens de vous parler, j'essaie de ressauter cet esprit à tous les échelons de la pyramide, général Baril y compris, pour que tous ceux et toutes celles qui travaillent avec nous assument la responsabilité de nos subalternes.

Dans la marine, nous appliquons ce qu'on appelle le système divisionnaire. Dès qu'un marin ordinaire embarque, il est intégré à une division. Il s'agit d'un très petit groupe de gens ayant la même spécialité. Le supérieur du groupe a pour mission de s'occuper de chaque marin. Lui-même relève d'un supérieur qui s'occupe de lui et qui l'aide dans sa carrière et dans sa formation, qui l'assiste vis-à-vis de ses besoins et ses aspirations.

Nous avons surchargé nos gens de travail pour les raisons que je vous ai expliquées dans ma présentation. Nous avons beaucoup demandé à plusieurs d'entre eux et quand on impose ainsi une forte demande à tout un système, vers le haut comme vers le bas, il faut renoncer à certaines choses. Je crois que nous avons un peu trop négligé le volet humain au cours des quatre ou cinq dernières années, et nous devons nous en occuper à nouveau. Nous en sommes tout à fait conscients. Nous avons rétabli une confiance absolue dans notre commandement.

Nous comptons au sein de notre armée, la plupart pour ne pas dire 99 p. 100 des meilleurs chefs militaires du monde, et sachez que j'ai navigué au sein de plus de 30 marines militaires. Je sais que nous nous dévalorisons d'une certaine façon et qu'il est parfois plus facile de critiquer que de se dire qu'on appartient à une organisation fantastique. Il faut placer les choses en perspective. Nous ne sommes pas stupides. Nous essayons de faire ce qu'il y a de mieux pour nos subalternes.

• 0745

M. David Pratt: On vient de nous donner une tasse à café frappée aux armoiries de la marine coiffées de la mention «Ready, aye, ready»—Prêt oui prêt.

Ne pensez-vous pas qu'à un moment donné, la tête d'une organisation à qui l'on demande de faire la même chose, voire plus avec de plus en moins de ressources—je pense ici au chef d'État-major—devrait dire: «Ça suffit, nous ne pouvons plus faire ce que vous voulez avec les ressources que vous nous donnez»? Ne pensez-vous pas qu'à un moment donné, le chef d'État-major doit se montrer plus ferme sur un plan politique et dire qu'il ne peut plus continuer de remplir le rôle qu'on lui a confié? Par exemple, il convient de décider de ce que l'on fera et de ce que l'on ne fera pas en regard de ce qui est énoncé dans le Livre blanc.

Cam Dusty Miller: Je ne peux répondre pour le chef de la Défense nationale, mais je vais essayer de vous fournir deux ou trois éléments de réponse. Le gouvernement nous demande de remplir certaines missions clairement énoncées dans le Livre blanc. On y dit que nous devons défendre le Canada ainsi que l'Amérique du Nord et qu'en collaboration avec nos alliés, nous devons faire ce que nous pouvons, ici et sur la scène internationale, pour promouvoir le Canada et tout ce qu'il représente en tant que nation démocratique. Cela, nous le faisons très bien.

Je vais vous dire ce qui se passe dans la marine. Quand j'appareille avec la flotte, je prononce toujours un petit discours pour remonter le moral des troupes et je dis à mes marins que depuis la guerre du Golfe nous avons touché 28 navires tout nouveaux, entièrement canadiens, qui sont des bêtes d'informatique et de technologie. Peut-on remplir les missions qu'on nous confie? Je vais vous répondre: nous sommes non seulement en mesure de les remplir, mais de plus nous pouvons le faire mieux que jamais. Nous avons ici, au mouillage, une des marines les plus aptes que j'aie vu en 33 ans de carrière. C'est évident que nous pouvons remplir les missions qui nous sont confiées. En revanche, le prix à payer pour cela n'est-il pas un peu trop élevé? Ne devrions-nous pas un peu lever le pied? Je dirais qu'oui.

C'est là que j'interviens et que j'essaie d'interpréter toutes les demandes qui nous sont soumises pour essayer de lever un peu le pied, pour faciliter un peu la vie aux gens, et c'est ce que j'entends faire tant que j'occuperai ce commandement. Ne vais-je pas me retrouver avec un seul canot et un seul souqueur? Voyez-vous, j'aime beaucoup la marine. J'adore les gens qui y servent. C'est l'une des meilleures organisations que j'aie connues et j'espère que vous vous en êtes rendu compte, hier, pendant votre visite du vieux sous-marin, quand vous avez rencontré nos marins qui sont si fiers de leur submersible. Nous sommes ravis d'avoir touché ce genre de sous-marins, même s'ils sont un peu vieux.

Il y a une toute petite différence entre faire simplement ce qu'on doit faire et le faire de façon intelligente. Notre commandement est en train de voir comment nous allons continuer à assumer nos missions, mais en utilisant mieux nos ressources. C'est ce que nous faisons, par exemple, avec ces sous-marins presque neufs, qui feront encore parfaitement l'affaire dans 30 ans. Nous essayons de trouver des façons de faire notre boulot dans les limites d'un budget restreint. Mais nous devons être prudents dans la façon dont nous nous y prenons et nous devons prendre soin des gens très loyaux qui travaillent avec nous depuis des années.

Nous sommes en train de sortir de la phase de transition. Les dernières années ont été très difficiles à cause des réductions budgétaires et j'aimerais que cela se calme. Je crois que tout est en train de se mettre en place. Nous allons y parvenir, mais comme vous le constatez, il y a un prix à payer: en stress et en bien-être de nos gens. Dans certains cas, nous ne pouvons rien faire à l'échelon local, car il s'agit d'un problème national.

C'est pour cela que vous êtes venus nous voir, que vous essayez de comprendre ce qui se passe, en écoutant les récits parfois très déconcertants que certains vous font. J'espère que vous parviendrez à tirer quelque chose de tout cela et à formuler des recommandations visant à améliorer la situation.

• 0750

M. David Pratt: Merci.

Le président: Monsieur Hanger.

M. Art Hanger: Bonjour, contre-amiral. Je suis heureux de vous voir ici, parce que j'ai été retenu hier et que je n'ai pas pu prendre part à la petite croisière. Je ne sais pas si vous y avez participé vous-même, mais sachez que je suis heureux de vous voir ici ce matin.

Passons au budget. Je ne suis pas certain d'avoir bien noté au passage la proportion de diminution du budget. Disiez-vous que c'était une diminution d'environ 45 p. 100?

Cam Dusty Miller: Vingt-cinq pour cent.

M. Art Hanger: Vingt-cinq pour cent!

Cam Dusty Miller: Cette réduction concerne les Forces maritimes de l'Atlantique à Halifax, plus principalement les services de soutien de la base, les services d'entretien de nos navires.

M. Art Hanger: Où en sont les Forces maritimes de l'Atlantique relativement à cette réduction de 25 p. 100? La réduction a-t-elle été appliquée en totalité ou en partie seulement?

Cam Dusty Miller: Il nous reste encore 10 p. 100 à couper cette année, puis ce sera terminé.

M. Art Hanger: Donc, il n'y aura plus de réduction l'année prochaine?

Cam Dusty Miller: C'est ce qui est prévu.

Voilà pourquoi je dis que nous sortons de la phase de transition, après cette réduction de 25 p. 100. Je devrai encore réduire mon budget de fonctionnement de 10 p. 100, soit environ 10 millions de dollars sur un budget total de 200 millions de dollars.

M. Art Hanger: Vous allez encore devoir réduire de 200 millions de dollars?

Cam Dusty Miller: Non, les 200 millions de dollars correspondent à mon budget de fonctionnement dans la région de Halifax. Il faut que je l'ampute encore de 10 millions de dollars, de-ci de-là, au cours de l'année prochaine.

Nous avons examiné la question du point de vue des opérations et du personnel, et j'ai décidé de réduire le niveau d'activité de la flotte.

M. Art Hanger: Vous ferez moins de formation?

Cam Dusty Miller: C'est cela, nous ferons moins de formation, j'éviterai de faire sortir les gens.

M. Art Hanger: J'ai cru comprendre que, pour leur entraînement, vos plongeurs fréquentent une zone qui n'est pas très loin d'ici.

Cam Dusty Miller: Effectivement, l'unité de plongée de la flotte s'entraîne de l'autre côté du port.

M. Art Hanger: Va-t-elle être dissoute?

Cam Dusty Miller: Jamais. Mais il se peut que j'aie mal compris votre question. Vous voulez savoir si nous allons maintenir cette unité en service?

M. Art Hanger: Je parle de l'emplacement.

Cam Dusty Miller: Pour l'instant, l'unité est basée à Shearwater. Depuis la fermeture de la piste là-bas, nous avons deux propriétés dont nous n'avons pas besoin et qui ont été mises en vente. La municipalité locale voudrait s'en porter acquéreur. Cependant, les installations de l'unité de plongée de la flotte ne seront pas touchées.

Un groupe d'étude est en train de déterminer si la jetée de Shearwater pourrait être utilisée par la municipalité à des fins commerciales, parallèlement à nos activités actuelles.

Vous voulez une réponse précise à ce sujet?

M. Art Hanger: Oui.

Cam Dusty Miller: Vous voulez savoir si l'unité de plongée de la flotte risque de perdre ses installations? Il n'y a pas de danger pour l'instant. Nous cherchons à déterminer s'il nous serait possible de cohabiter avec des activités commerciales. Nous sommes encore loin de savoir ce que nous pourrons faire exactement et si nous pourrons faire quelque chose.

L'unité de plongée de la flotte utilise 214 ou 215 jours par an ces installations, qui ont été spécialement choisies parce que les eaux y sont calmes et qu'il y a peu de circulation.

Les plongeurs s'y entraînent et l'on y retrouve des pièces d'équipement très particulières, en très bon état, dont certaines sont arrimées à demeure dans cette zone.

Il nous coûterait très cher de retirer tout cela et l'on peut se demander si le jeu en vaudrait la chandelle. Je ne le sais pas et nous en sommes à ce stade de l'analyse.

M. Art Hanger: Donc, ce n'est pas encore réglé.

Cam Dusty Miller: Non.

M. Art Hanger: Ma prochaine question va concerner l'économat des Forces canadiennes, le CANEX. Ce n'est pas la première fois que je visite un CANEX, et le président et moi avons eu l'occasion de nous rendre à l'un des Centres de ressources pour voir certains prix.

• 0755

Je me suis entretenu avec deux ou trois personnes. Apparemment, il n'y a pas une grande différence de prix par rapport à un 7-Eleven, par exemple. Il est difficile de faire des comparaisons pour le mobilier, mais disons qu'en général, vous n'avez pas grand avantage à avoir un CANEX sur place. Nous avons constaté cela pendant la visite.

Personne n'a jamais pensé à regrouper tous les CANEX, à la façon des PX américains? De toute évidence, les Américains achètent des marchandises à prix nettement inférieur et ils ont plus de choix.

Cam Dusty Miller: Et que penseriez-vous d'augmenter la solde de nos marins? Tout cela est philosophique, monsieur Hanger.

M. Art Hanger: Vous pourriez aller jusqu'à demander ce qu'il y aurait de mal à leur consentir toute une gamme d'abattements fiscaux, qu'ils méritent vraiment.

Cam Dusty Miller: Tout à fait. Il n'y aurait rien de mal à cela. Je pense que c'est même une bonne idée.

M. Art Hanger: Ce que je veux vous dire, c'est que tous ces avantages n'ont en fait d'avantages que le nom. Soit ils sont récupérés sous la forme d'impôt, soit vous payez la même chose que les civils partout ailleurs sur le marché et peut-être même plus.

Je vous ai fait cette suggestion au cas où vous chercheriez des avantages susceptibles de vous rendre la vie un peu plus facile. J'aimerais savoir si quelqu'un s'est penché sur la question pour déterminer si vous ne pourriez pas avoir un système beaucoup plus intéressant pour les membres. Pourquoi ne pas miser sur la quantité et sur la variété de marchandises?

Cam Dusty Miller: Je vois. Il faut préciser deux ou trois choses à propos des CANEX. On y pratique des prix raisonnables toute l'année pour toute une gamme de marchandises; ils disposent de leur propre système de vente et les bénéfices sont versés dans des caisses centrales.

C'est notre argent. C'est notamment cet argent que nous avons utilisé pour faire construire les chalets et réaliser d'autres projets. Il y a donc des avantages cachés que tout le monde ne voit pas a priori.

Quant à la comparaison avec la façon dont les Américains font affairer, nous touchons là une question d'ordre philosophique. Je ne vous dirai pas que ma première réaction à votre question n'était pas désinvolte, mais tout se ramène, sur un plan philosophique, à la façon dont on traite tous les Canadiens et toutes les Canadiennes, qu'ils soient militaires ou pas...

Bien sûr, les États-Unis sont plus peuplés que le Canada. Leur système repose sur une vaste infrastructure: là où il n'y a pas de grands magasins, là où il n'y a pas de commissariat, ils en construisent. Ils disposent d'une vaste organisation et leur pouvoir de négociation leur permet d'acheter des marchandises à bas prix.

À l'échelle locale, j'essaie d'utiliser notre pouvoir de négociation pour les quelque 10 000 militaires qui travaillent ici et qui sont occasionnellement reconnus par la collectivité. Je ne dis pas qu'on tient ces gens-là pour acquit, mais ils ont toujours été là et l'on peut penser qu'ils le seront toujours. Pourquoi donc leur consentirait-on plus d'avantages qu'aux autres?

D'un autre côté, nous essayons de faire comprendre à la collectivité que notre effectif de 10 000 personnes a un impact économique certain.

C'est une des raisons pour lesquelles je suis passé à la télévision la semaine dernière pour dire que nous allions accueillir un exercice naval international dans deux ou trois mois... À cette occasion, nous abriterons 25 bâtiments étrangers dans le port de Halifax. Cet exercice va rapporter 9 millions de dollars à la municipalité régionale de Halifax. J'ai donc demandé ce que les militaires pourraient espérer recevoir en retour... parce que, après tout, nous n'avions pas à organiser ce genre d'exercice ici.

Les civils nous disent, eh bien, nous allons peut-être vous accorder un petit quelque chose... Burger King va consentir un rabais de 15 p. 100 à tous ceux qui seront porteurs d'une carte d'identité militaire. Vous savez, chaque petite chose va nous aider.

M. Art Hanger: Sans aucun doute.

Cam Dusty Miller: Voilà que, pour la première fois, nous nous servons d'un atout que nous n'avons jamais utilisé par le passé. Si nous continuons à négocier dans ce sens, nous en arriverons peut-être au point où les municipalités pourront elles-mêmes nous offrir certains avantages qui nous permettront de nous passer du CANEX. Nous faisons donc ce que nous pouvons pour obtenir de meilleurs prix, pour économiser par ailleurs et, en fin de compte, mieux nous en tirer dans l'ensemble.

Mais il y a peut-être lieu de maintenir le CANEX en place tant que nous n'aurons pas bien établi de meilleures conditions auprès des marchands locaux.

• 0800

M. Art Hanger: J'ai une dernière question à poser.

Le MDN a des parcelles de terrain un peu partout au pays. Certaines se trouvent en plein milieu des villes, au coeur des régions urbaines. Je ne parle pas uniquement de la marine, mais il se trouve que, vous aussi, avez des terrains qui pourraient être vendus au public.

À Calgary, vous avez 1 000 acres en plein milieu de la ville; à Edmonton, il y a 640 acres au centre ville également, qui ont été mis en vente. Toutes vos propriétés pourraient rapporter gros.

A-t-il été question, au sein du MDN, de ce qu'on allait faire avec l'argent de la vente des terrains? De toute évidence, le produit des ventes sera versé dans les recettes générales, mais je me demandais si vous n'aviez pas négocié quelque chose pour le faire réinjecter dans le budget de l'armée et vous en servir pour répondre à vos besoins. Les militaires avec qui je me suis entretenu à ce sujet ne semblent pas y avoir pensé, pourtant vous allez bientôt être privé d'une importante ressource. Cette occasion ne se présentera qu'une fois. Quand les terrains auront été vendus ce sera terminé et les sommes rondelettes que l'opération aura rapportées seront versées dans les recettes générales. Avez-vous pris part à des négociations de ce genre?

Cam Dusty Miller: Pas vraiment, et je ne peux donc pas vous donner de précision, mais je suis au courant de ce débat de nature philosophique dont vous parlez.

Peut-on espérer recevoir le produit de la vente des terrains et du matériel déclarés excédentaires? Parce qu'il ne s'agit pas uniquement de terrains; il est aussi question de désarmer quelques navires, comme celui qui est amarré dans le port en ce moment, le NCSM Cormorant, notre navire hydrographique. J'ai demandé que le produit de sa vente soit remis à la marine et ce serait très bien si c'était possible.

Vous avez raison, l'argent est versé dans une caisse centrale et il est ensuite distribué au compte-gouttes aux divers ministères. Une partie revient à la Défense, mais en général il est centralisé et le gouvernement l'utilise de la façon qui lui convient. Si nous comparaissons aujourd'hui devant vous, c'est aussi pour vous demander de faire reverser une partie de cet argent dans le budget de la Défense afin de nous faciliter la vie.

M. Art Hanger: Pas de problème, cela permettrait de corriger la situation du côté du logement.

Cam Dusty Miller: Ce serait un début, mais il y a aussi bien d'autres choses à corriger.

M. Art Hanger: Certainement. Merci.

Cam Dusty Miller: De rien.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président, et bonjour à vous, amiral.

Un peu plus tôt, parlant de budget, vous avez exprimé le voeu que la situation se stabilise.

D'ici l'an prochain, vous devrez assumer une autre réduction de 10 p. 100 de votre budget militaire. Vous allez le faire en réduisant vos opérations afin de ne pas couper dans vos effectifs, mais les gens réclament une augmentation salariale, que je trouve personnellement tout à fait raisonnable. Cependant, si vous augmentez les soldes, je ne vois pas comment vous parviendrez à ne pas réduire vos effectifs.

J'aimerais que vous nous disiez ce que vous en pensez.

Cam Dusty Miller: Pour cela, il faut supposer que l'augmentation salariale doit être assumée par notre ministère. Si tel est le cas, vous avez raison, nous aurons un choix à faire, en fonction des circonstances.

Si vous dite que pour augmenter les militaires nous allons devoir réduire le budget nous permettant d'assurer nos missions de par le monde ou réduire mon budget de fonctionnement, vous avez raison! Il faudra bien que j'aille chercher cet argent quelque part. Voilà pourquoi tout à l'heure je disais que nous donnons d'une main droite ce que nous prenons de l'autre.

Voilà pourquoi nous demandons l'aide du gouvernement central, parce que jusqu'à présent tous les efforts de réduction ont été réalisés aux dépens de nos gens, étant donné que nous devions maintenir nos activités opérationnelles. Mes supérieurs n'apprécieraient certainement pas beaucoup que je leur signifie mon intention de piocher dans nos budgets opérationnels.

Personnellement, j'estime que nous ne devons pas réduire davantage nos effectifs, même si cela devait vous permettre d'économiser beaucoup sur le plan de la masse salariale... parce que j'ai besoin de tout le monde, à l'exception peut-être de quelques-uns, ici et là. Grâce à la mise en service d'un nouveau matériel n'exigeant pas autant d'entretien, de réparations, il est possible de répartir différemment les effectifs.

• 0805

Si nous devons augmenter les gens et puiser pour cela dans le budget de la Défense, nous devrons effectivement faire preuve d'imagination pour que les avantages d'une augmentation des soldes ne se transforment pas en gros inconvénient global.

M. Leon Benoit: D'où l'argent pourrait-il venir, à part le budget de la Défense?

Cam Dusty Miller: Vous êtes peut-être plus en mesure que moi de répondre.

Des voix: Bravo, bravo!

M. Leon Benoit: Voici ce que je veux dire. Les militaires réclament une augmentation de leur rémunération, et à juste titre. Des gens sont venus nous demander que les blessés soient mieux traités, notamment que les personnels blessés en opération à l'étranger reçoivent des prestations plus raisonnables. D'autres veulent être mieux traités sur le plan des affectations et veulent surtout que les familles soient réunies. Toutes ces demandes sont tout à fait légitimes. D'autres encore sont venus réclamer un meilleur équipement, notamment de meilleurs paquetages. Enfin, certains disent être surchargés de travail et demandent qu'on les épargne un peu.

D'un côté, donc, nous avons affaire à toutes ces demandes et, de l'autre, comme vous le savez, le budget de la Défense sera réduit à 9,3 milliards de dollars l'année prochaine, soit de 10 p. 100.

Supposons maintenant que ce gouvernement change son fusil d'épaule et décide de réinjecter un milliard de dollars dans vos opérations. Cela changerait tout, parce qu'en 1992, quand je me suis penché sur le budget de la Défense pour la première fois, celui-ci était de 12,5 milliards de dollars. Il est maintenant de 9,3 milliards. Supposons donc que le gouvernement change d'avis et qu'en février prochain, à l'occasion du prochain budget, il vous accorde un milliard de plus pour l'année suivante.

Donc, vous qui êtes responsable des Forces terrestres...

Cam Dusty Miller: Des Forces maritimes de l'Atlantique.

M. Leon Benoit: Excusez-moi.

Cam Dusty Miller: Ce n'est pas grave. Vous ne vous en prenez pas aux Forces terrestres tout de même?

M. Leon Benoit: Non, pas du tout.

Donc, vous qui êtes responsable des Forces maritimes de l'Atlantique, vous devrez décider de ce que vous allez faire avec ce milliard de dollars supplémentaire. Cette somme vous ramènerait au niveau budgétaire de cette année, parce qu'après la réduction qui vous place à 9,3 milliards de dollars, l'ajout d'un milliard de dollars vous portera un peu plus haut que le niveau de cette année ou de celui de l'année dernière. Quelles seraient alors vos priorités?

Cam Dusty Miller: Vous venez juste de me dire que si le budget de la Défense était augmenté—surprise!—pour augmenter nos gens, nous nous retrouverions dans la même situation qu'à l'heure actuelle. Autrement dit, je vais tout de même devoir réduire mes opérations d'environ 10 p. 100 pour trouver les 10 p. 100 que je dois couper maintenant.

Cependant, mes subalternes seraient augmentés. Cela ne réglerait pas complètement tous les problèmes qu'ils sont venus vous exprimer, mais les choses iraient mieux. Qui plus est, comme je réduirais mon budget de missions, les gens passeraient moins de temps en mer, seraient moins stressés et auraient un peu plus d'argent. Dans l'ensemble, je pense que ce serait mieux.

M. Leon Benoit: Certes, les choses pourraient être pires, mais vous n'avez pas encore ressenti tout le contre-coup des réductions budgétaires annoncées il y a deux ans.

Cam Dusty Miller: C'est vrai. Nous en sommes à la dernière année des réductions budgétaires.

M. Leon Benoit: C'est exact. Donc, si en février prochain, on augmentait votre budget d'un milliard de dollars, vous devrez décider de vous en servir pour augmenter la solde, pour consentir un meilleur traitement aux blessés, pour augmenter les pensions ou encore pour vous doter d'un meilleur équipement, notamment de l'équipement personnel. Tout cela, vous devrez le faire à partir du même budget de 9,3 milliards de dollars. Supposons encore une fois que le gouvernement change son fusil d'épaule et l'augmente à 10,3 milliards de dollars. Où placeriez-vous la priorité pour alléger la charge de travail de vos subalternes?

Cam Dusty Miller: Comme je viens juste de vous le dire, j'accorderais la priorité au personnel. Par exemple, j'aimerais augmenter les soldes et améliorer le régime médical. Je diminuerais le nombre de missions pour compenser les 10 p. 100 de réduction budgétaire, cela pour imposer le moins de stress possible sur les familles.

Je vous ai dit que sur le plan du matériel, la marine est très bien lotie. Nous avons touché 28 bâtiments tout neufs, tous de construction canadienne. J'aimerais que nous nous en servions d'instruments de marketing dans le monde entier, et j'espère que c'est ce que feront les chantiers navals canadiens, parce qu'ils ont vraiment un bon produit à offrir.

• 0810

M. Leon Benoit: Pensez-vous que grâce à cet ajout d'un milliard de dollars—qui vous ramènerait à un budget à peu près équivalent à celui de cette année—vous seriez en mesure d'accorder des augmentations de solde appréciables?

Cam Dusty Miller: Les choses ne seront pas pires que ce qu'elles sont aujourd'hui.

Je ne sais pas si je comprends bien. Je suis en train de vous dire que mes gens doivent être augmentés. C'est cela ma priorité. Si vous voulez nous donner un milliard, nous le prendrons.

M. Leon Benoit: Vous savez, je n'y suis pour rien; cela concerne le gouvernement, qui est un gouvernement libéral. Nous, nous sommes dans l'opposition et je tiens à ce que ce soit bien clair.

Je veux dire que...

Cam Dusty Miller: Vous savez, j'ai toute mon équipe ici.

M. Leon Benoit: ... même après cette éventuelle augmentation budgetaire, vous vous retrouverez exactement au même niveau qu'aujourd'hui.

Cam Dusty Miller: J'essaie de vous faire comprendre que ce ne sera pas le cas. Dans ma flotte, je compte un grand nombre de marins très fiers, qui sont très heureux de faire ce qu'ils font. Ils ont choisi la marine et ils sont toujours prêts à prendre la mer. Le tableau n'est pas aussi noir que cela. Nous sommes en train d'ergoter sur deux ou trois choses, dont la solde, et je viens de vous dire que c'est cela qui est prioritaire pour moi. J'espère que ce sera votre priorité à vous aussi.

En 1978, en Angleterre, j'étais l'officier le plus payé de toutes les forces de l'OTAN. Les officiers anglais étaient les moins payés de tous. L'année suivante, ils ont obtenu une augmentation salariale de 34 p. 100 et depuis 1978, je suis l'officier le moins payé de l'OTAN. Nous avons l'une des meilleures armées du monde; alors dites-moi où est la priorité.

M. Leon Benoit: C'est tout à fait là où je voulais en venir.

Le président: Madame Lill.

Mme Wendy Lill: Merci beaucoup, amiral Miller.

J'ai été très intéressée par ce que vous avez dit au sujet de la solde, qui est constitue le problème central.

Hier soir, certains nous ont dit quelque chose qui m'a vraiment troublée: des gens ont l'impression que les soins médicaux dans l'armée sont dangereux, parfois inférieurs aux normes établies. Ils trouvent que dans l'armée, on ne respecte pas le droit des particuliers, ils n'ont pas accès à leur dossier médical et ne reçoivent pas leur solde régulièrement. Ce problème des chèques de solde qui ne sont pas versés régulièrement, qui ne portent pas sur le bon montant ou qui sont amputés d'un seul coup à cause d'un surpaiement antérieur, est terrible.

J'essaie de faire la part entre vos problèmes financiers en général, qui découlent de la réduction des budgets de la Défense, et des problèmes systémiques dus aux mentalités. Comment se fait- il que l'armée ne dispose pas d'un système médical décent dans lequel les gens pourraient avoir confiance, ni d'un système comptable efficace qui pourrait leur permettre de percevoir leur chèque régulièrement? Dites-moi ce que vous en pensez.

Cam Dusty Miller: Commençons par le système médical.

Notre système médical a fait l'objet des mêmes réductions budgétaires que le reste de nos opérations; tout en a été affecté: le service que nous offrons, le genre de services médicaux que nous devons offrir à nos gens en opération et les services que nous devons leur consentir à terre.

Dans la marine, nous avons un adjoint médical à bord de chaque navire et quand nous envoyons un groupe de navires en opération, un médecin se joint à la flottille. Ce sont là des exigences médicales uniques. À terre, quand il y a quatre ou cinq hôpitaux dans la collectivité, il n'est pas forcément nécessaire d'avoir un hôpital militaire, mais il faut un lieu où le personnel médical puisse se consacrer à sa pratique, quand il n'est pas en opération.

Vous savez bien sûr que les services de santé un peu partout au Canada ont été passés à la loupe. Malheureusement, à l'armée, les choses ne sont pas différentes. Nous avons dû couper un peu partout. Notre principale préoccupation est d'assurer les services médicaux en opération. Pour cela, nous avons dû réduire nos effectifs dans le passé. Nous nous sommes sérieusement penchés sur la question et nous nous sommes demandés comment maintenir un niveau raisonnable de service, comment utiliser les hôpitaux civils locaux et comment continuer à envoyer une partie du personnel médical en mer. C'est cela qui est arrivé au cours des dernières années.

• 0815

Nous sommes passés d'une situation où nous fournissions tout... d'ailleurs, sur le plan du logement, nous sommes passés de LF subventionnés à des logements dont le loyer correspond au prix du marché. Nous sommes passés d'une situation où nous offrions des services médicaux complets, pour lesquels les patients n'avaient pas à attendre, à une situation où nous devons envoyer les gens en ville pour passer des radiographies parce que nous n'avons pas les moyens de remplacer notre installation de radiologie.

C'est ainsi et je le regrette. Je ne sais pas si nous pourrons revenir à la situation du passé. Les temps sont durs, partout au Canada, pour les services de santé, et nous n'échappons pas à la règle, d'autant plus que nous accordons la priorité aux services de santé en opération.

Malheureusement, les opérations nous distinguent justement de ce qui se passe dans le civil. Un marin qui tombe malade à bord d'un bâtiment peut se retrouver dans n'importe quel hôpital au monde. Normalement, il est ensuite rapatrié dans un de nos hôpitaux pour être suivi par un médecin, mais nos médecins font justement la navette entre la terre et la mer. Nous n'avons pas la même stabilité sur le plan des soins de santé que le civil moyen résidant à Halifax qui est toujours soigné par le même médecin depuis qu'il est tout petit.

Je pense qu'il nous faut compenser un peu tout cela. Nous devons assurer des services médicaux plus stables. Les responsables des services médicaux se débattent, comme nous tous, pour nous permettre de continuer à assurer nos missions. Nous cherchons d'autres moyens d'assurer les services médicaux à nos troupes, et nous avons recours aux services civils.

Cela veut dire qu'il faut parfois aller assez loin pour obtenir le service offert jadis sur la base. Mais c'est ainsi. Ce n'est certainement pas parfait, mais peut-on espérer faire des économies et en même temps continuer à offrir un service spécialisé raisonnable? C'est ainsi que les choses fonctionnent.

Dans la deuxième partie de votre question, je pense que vous faisiez allusion au système de solde de nos réservistes. La gageure est de taille, parce que les réservistes de la marine sont répartis dans 24 divisions un peu partout au pays et qu'ils viennent servir trois ou quatre jours à la fois, certains six mois et d'autres 30 jours à la fois.

Quand ils sont mobilisés pour certaines missions, par exemple pour servir sur les navires de la défense côtière—qui, il faut le préciser, sont tous exploités par la réserve, qui en est très fière—ils sont envoyés en mer. Leur dossier de solde, normalement géré à Edmonton, demeure là-bas quand ils prennent la mer pour de brèves périodes. Quand ils reviennent, leur dossier de solde est envoyé à Halifax. C'est un véritable cauchemar que d'administrer ainsi ce système de paie, dans des conditions qui conviendraient peut-être à la Banque de Montréal, mais certainement pas à nous.

Je ne suis pas en train de vous fournir des excuses. Je pense que c'est la façon dont les réservistes sont payés qui constitue le plus gros problème ou le plus gros irritant dans leur cas. Ils aimeraient toucher des chèques de solde qui soient exacts et qui leur arrive à temps. Je continue de recevoir des lettres de capitaines de navire qui me disent que leurs subalternes reçoivent les mauvais montants et en retard.

Nous avons mis en oeuvre trois programmes informatiques pour essayer de régler ce problème. Chaque fois que nous avons essayé un système différent, nous avons réglé une partie du problème, mais pas tout. Je vais vous dire ce que nous ne sommes pas arrivés à régler.

Quand il prend la mer et se débranche du réseau de fibres optiques reliant son ordinateur de bord—qui permet de déterminer la masse salariale de l'équipage et le moment où il doit être payé—le navire se trouve livré à lui-même. Nous ne disposons pas des systèmes satellites, très coûteux, qui nous permettraient de verser les soldes, par exemple, quand le bâtiment fait escale à Boston. Ça ne fonctionne pas ainsi.

Que vais-je faire sur ce plan? Eh bien nous allons en revenir à un système de registre manuel de la solde en attendant que quelqu'un trouve une solution. Mais qui? Je sais, moi, qui; c'est une personne à qui nous ne cessons de répéter que la formule actuelle ne fonctionne pas dans notre situation. Peut-être que cela fonctionne pour d'autres, mais pas pour certains de nos marins. Or, j'estime qu'il faut faire passer en premier les marins et les pilotes, ceux qui voyagent à l'étranger. Nous devons élaborer un système qui nous permettra de leur accorder la priorité. Les gens qui sont à terre peuvent toujours aller à la banque et régler leur problème avec le directeur, ce que ne peuvent pas faire ceux que nous envoyons en mission ailleurs. C'est sur ce plan que je vais essayer d'intervenir pour améliorer le système.

• 0820

Mme Wendy Lill: J'aurais une autre petite question.

Ce que vous nous avez dit à propos des réductions accordées par Burger King, au vu du fort contingent de clients qui s'annoncent à Halifax, a retenu mon attention.

Pourquoi n'en profiteriez-vous pas pour appliquer le principe des appels téléphoniques de compassion permettant aux couples d'entrer en contact, peu importe où les militaires se trouvent dans le monde? Ne pourriez-vous pas également profiter de votre puissance d'achat pour faire fléchir les prix de Sprint ou de MT&T? Vous pourriez négocier une carte de téléphone, à un taux de 10c. la minute. Vous ne pouvez pas faire cela? Vous y avez pensé?

Cam Dusty Miller: Non seulement nous pouvons le faire, mais nous le faisons déjà. Nous devons... Je ne sais pas s'il faut faire preuve de prudence... Non, nous n'avons pas à être prudents.

J'ai rencontré les familles des marins du Toronto pendant la guerre du Golfe. Les choses ont changé depuis que nos marins ont été dans le Golfe en 1990 et 1991. Vous savez, il est très coûteux d'appeler là-bas. Les gens avaient droit à 15 minutes d'appels gratuits par mois, ce qui n'est pas beaucoup. Des femmes de militaire m'ont dit qu'il fallait passer par un opérateur outre-mer ne parlant pas anglais, qui établissait la liaison avec la France et qui ensuite faisait le relais avec le Golfe... À peine avaient-ils le temps de se dire bonjour que les 15 minutes étaient terminées.

Les factures de téléphone étaient de 800 $ par mois. C'est beaucoup pour des gens qui ne gagnent pas autant que ce que je le voudrais pour commencer.

Qu'avons-nous fait? Eh bien, nous nous sommes adressés à MT&T. Nous essayons de faire honte à la concurrence pour qu'elle offre des rabais aux militaires, parce que vous avez raison, il y en a 10 000 à 12 000 ici, dont beaucoup vont servir en mer, ce qui devrait nous permettre d'obtenir de meilleurs prix.

Quelque chose a changé depuis cette époque: nous avons maintenant un système de courrier électronique à bord des navires qui n'existait pas il y a cinq ou six ans. Le Toronto a renvoyé 12 000 courriers électroniques. En fait, je vais devoir imposer des règles à ce sujet, parce que certains envoient des courriers de 20 pages, ce qui nous revient très cher, les communications étant assurées par satellite.

Nous allons demander aux gens de se limiter à des courriers de deux ou trois paragraphes, tant que le programme opérationnel nous le permet. Il faut en effet se préoccuper aussi des missions à remplir.

Je trouve que les familles n'ont jamais été autant en contact avec les militaires qu'à notre époque. Pendant la Seconde guerre mondiale, les gens recevaient une lettre tous les trois mois et c'est le seul contact que les femmes avaient avec leurs époux. Maintenant, c'est instantané et en cas d'urgence, la communication est bien sûr établie tout de suite. Il suffit à l'officier commandant du navire de décrocher le téléphone et de m'appeler, où qu'il se trouve dans le monde, pour que nous puissions résoudre tous les problèmes. Donc, je suppose que tous les cas d'urgence peuvent être traités de la sorte.

Bien sûr, nous devons pouvoir donner aux familles la possibilité de se parler pendant plus de 15 minutes, mais c'est un choix personnel qu'on doit laisser aux militaires. C'est à eux de décider combien de temps ils veulent parler à leur famille quand ils sont en mission à l'extérieur. Il faut évidemment leur donner la possibilité de communiquer avec leur famille. Nous essayons de faire en sorte que cette possibilité leur revienne le moins cher possible avec MT&T, Sprint ou d'autres compagnies de téléphone.

Le président: Merci beaucoup, madame Lill.

Monsieur Price.

M. David Price: Merci, monsieur le président.

Merci d'être venu nous rencontrer ce matin, amiral Miller. Il est très important qu'un officier supérieur comme vous se trouve ici. Nous n'avons pas entendu suffisamment de hauts gradés, comme vous, prendre la parole devant leurs subalternes. Cela montre à quel point vous êtes près de vos hommes et c'est très important.

Je crois que vous avez répondu à la plupart des questions que je voulais vous poser, mais revenons sur la solde qui, comme vous l'avez dit, est votre principale préoccupation. Les trois thèmes que vous avez mentionnés au début étaient la solde, le logement et le rythme opérationnel. Leur accordez-vous une importance relative correspondant à l'ordre dans lequel je les ai cités? Ce sont sans doute vos trois grands thèmes, mais vous sont-ils personnels ou s'agit-il d'un sentiment partagé par tous les membres de la hiérarchie?

Cam Dusty Miller: Je pense que c'est un sentiment qu'on retrouve à tous les niveaux de la hiérarchie, et c'est le sentiment que j'éprouve, moi aussi. Je vous parle en mon nom, mais je me sens aussi parfaitement à l'aise de diriger une marine qui, comme je vous le disais, est équipée d'un matériel de haute technologie et où l'on travaille en toute intelligence. Il faut faire attention à la façon dont on envisage la chose.

• 0825

Personnellement, j'estime que les gens ne sont pas assez payés pour le travail qu'ils font. Ils travaillent plus fort que jamais. C'est un couteau à double tranchant, parce qu'un bâtiment en mer... Quand je les rencontre en mer, je trouve habituellement que leur moral est bon. Ils sont concentrés sur ce qu'ils font pendant la mission, ils font ce qu'ils adorent faire et leur famille est loin. C'est quand les deux se mélangent qu'on en arrive des situations volatiles. Quand ils sont à quai trop longtemps, leur moral en prend un coup. Tant qu'à être sur un bateau, se disent-ils, autant être en mer.

Nous sommes une arme unique en son genre. Nous sommes une arme où le service est très exigeant. La paie en fait partie. Quand les marins rentrent à la maison, ils veulent passer du temps chez eux, ils veulent passer du temps de qualité avec leur famille. Donc, il faut admettre qu'il est nécessaire d'améliorer ce temps de qualité. Ils ont droit à un temps de qualité et ils ont droit à un logement agréable, raisonnable.

C'est donc en troisième lieu que je m'intéresserai aux opérations. Je vous ai parlé du Toronto qu'on avait envoyé en mission à la dernière minute. Lors de la première intervention dans le Golfe, il nous a fallu 10 jours pour armer à neuf de vieux navires afin qu'ils puissent remplir la mission. Le gouvernement nous a dit: Il faut envoyer un navire dans le Golfe persique et c'est pour cela que j'ai ordonné au Toronto de quitter le Portugal et de faire route vers le sud, plutôt que vers le nord. Le bâtiment était merveilleusement équipé et il ne nous restait plus qu'à donner une formation supplémentaire à l'équipage en guerre nucléaire, biologique et chimique. Nous avons dû aussi lui faire parvenir l'équipement de protection approprié pour croiser dans ces eaux. C'est comme cela que ça s'est passé. Dans la marine, il y a une grande différence entre ce que l'on peut faire et ce que nous ne pouvons pas faire.

Quand j'ai appris que le Toronto devait être déployé pour 10 mois environ, j'ai demandé: «Qui a ordonné cela? Comment peut-on demander aux gens de passer 10 mois en mer?» Comme les gens risquaient d'être séparés de leurs familles pour une aussi longue période, je l'ai ramenée à 8 mois.

M. David Price: Vous êtes dans une situation très intéressante, savez-vous? En un certain sens, nous sommes un groupe de lobby auprès du gouvernement. Vous aussi êtes dans cette position.

Le général Baril a été très clair en disant qu'il ne voulait pas qu'on prenne de la main gauche pour donner de la droite. De toute évidence, nous allons devoir chercher des budgets supplémentaires, ce dont M. Hanger et M. Benoit ont parlé plus tôt.

Il a également été fait mention des terrains que vous possédez. Le produit de leur vente est une autre possibilité qu'il faut envisager.

J'apprécie que... je m'attends à ce que vous me donniez un coup de main en démarchant votre hiérarchie de votre côté, comme vous venez de le faire avec nous aujourd'hui. Merci d'être venu.

Cam Dusty Miller: J'espère que vous trouverez l'argent auprès des Canadiens et des Canadiennes.

[Français]

Le président: Monsieur Lebel.

M. Ghislain Lebel: Contre-amiral, j'ai bien apprécié votre déposition. Les membres de ce comité seront appelés à discuter entre eux et à trouver des solutions aux problèmes qui affligent actuellement les forces militaires. À mon avis, le principal problème est le sous-paiement. Je voudrais vous dire, et ce n'est pas une question mais plutôt un commentaire, qu'il y a des suggestions qui sont apportées à ce comité. On parlait de vendre des actifs et de garder l'argent à l'intérieur des forces. Je suis pour cela, moi aussi, mais il y a loin du désir au plaisir, comme on le sait.

On parle de réduction, d'allègements fiscaux, de choses qu'on obtient duty free et d'une foule de choses qui, à mon avis, semblent des privilèges. Je vous fais part de ma position devant le comité. Je crois que le problème actuel des forces tient au fait que, pendant plusieurs années, elles ont été sous-payées tout en jouissant d'une foule de privilèges...

Cam Dusty Miller: Oui, c'est cela.

M. Ghislain Lebel: ...qui faisaient que l'ensemble se présentait bien. Cependant, au fur et à mesure qu'on enlevait les privilèges, on se retrouvait devant une triste réalité. On était mal payé. Si le comité recommande qu'on accorde aux forces davantage de privilèges mais non une hausse substantielle de salaire, au gré des gouvernements qui vont suivre et de la pression des journalistes, on va obtenir encore une fois des privilèges qui deviendront illusoires dans la paie du militaire.

• 0830

Donc, ma recommandation personnelle sera qu'on ne mette pas l'accent sur les privilèges, sur ce qu'on peut obtenir duty free, sur le CANEX. On reconnaît qu'on a une armée de qualité et qu'on doit dorénavant payer ses membres comme des professionnels de qualité. Donc, c'est la recommandation que j'entends faire à ce comité. Si on arrive à établir quand même quelques privilèges, parce que c'est une négociation et qu'il y aura une contrepartie, eh bien, ce sera tant mieux pour l'armée, mais il serait dévastateur que la rétribution soit basée sur des privilèges et non sur des droits. C'est ce que je voulais vous dire.

Cam Dusty Miller: Actuellement, il y a encore moins de privilèges dans les Forces armées canadiennes et moins de salaire. C'est là qu'est le problème.

[Traduction]

Je vais poursuivre dans l'autre langue. Vous avez tout à fait raison, monsieur, nous sommes en train de perdre les privilèges dont vous avez entendu parler et qui ne sont pas visibles. On n'en entend pas toujours parler.

En revanche, on peut modifier le niveau de solde. Les privilèges se sont érodés avec le temps; par exemple, nous n'avons plus de logements subventionnés. Au CANEX, les prix ne sont plus la moitié de ce qu'ils sont en ville. Nous n'avons plus de cigarettes hors taxe. Ce genre de chose a évolué, comme notre société, car ce genre de privilèges est un phénomène de société.

Les avantages que nous retirons de notre pouvoir de négociation dans la région de Halifax-Dartmouth, comme dans toutes les autres bases d'ailleurs au Canada, ne sont valables que tant qu'on en a besoin. Ces avantages nous seront offerts au coup par coup, tant que les civils estimeront que le personnel de la base est mal payé.

Le défi qui vous incombe, à l'échelle nationale, est de parvenir à augmenter les soldes du personnel. Telle doit être notre priorité et cela, je vous le dis en ma qualité de commandant de cette base. Nous allons chercher, à l'échelle locale, à obtenir quelques privilèges pour améliorer l'ordinaire de ceux et celles qui travaillent pour nous un peu partout au Canada.

[Français]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Lebel.

[Traduction]

Merci, amiral.

Avant que vous ne partiez, pendant les échanges de tout à l'heure, vous avez dit que le budget de la Défense serait amputé de 10 p. 100 l'année prochaine. Je veux m'assurer que j'ai bien compris et que nous sommes tous sur la même longueur d'onde.

Cam Dusty Miller: Ce n'est pas ça.

Le président: Je tiens à préciser que l'année prochaine le budget de la Défense va augmenter. Pour cette année, soit en 1998, il est de 9,3827 milliards de dollars et, pour l'année prochaine, soit en 1999, il sera de 9,7407 milliards de dollars. L'augmentation est d'environ 370 millions de dollars. Je voulais simplement m'assurer que tout le monde a bien cette information.

Cam Dusty Miller: Merci. J'ai moi-même fait confusion entre mon budget personnel et le budget national...

Le président: Je vois. Merci beaucoup.

[Français]

M. Ghislain Lebel: Monsieur le président, cette augmentation-là ne vient-elle pas du fait qu'on achète des sous-marins? Cela n'est-il pas affecté à l'équipement?

Le président: Non.

M. Ghislain Lebel: D'accord. On vérifiera.

Le président: Merci beaucoup.

Cam Dusty Miller: Merci beaucoup.

[Traduction]

Le président: Nous accueillons le premier maître de première classe Earl Corn.

Premier maître de 1re classe Earl Corn (témoigne à titre personnel): Monsieur le président, madame et messieurs les députés, je dois vous présenter mes excuses parce que je ne parle pas français et que je sais tout juste m'exprimer dans ma langue maternelle de la Saskatchewan, l'anglais.

Je me sens honoré de pouvoir prendre la parole devant vous aujourd'hui. Je suis très optimiste et je ne doute pas que vous êtes venus ici pour écouter très attentivement une partie des membres des Forces maritimes de l'Atlantique, ainsi que de leurs familles et de leurs amis.

Il y a quelques mois à peine, le CPDNAC, présidé par Mme Mary Clancy, nous rendait visite à Halifax. Ce comité a écouté ce qu'avaient à dire de nombreuses familles de militaire servant dans la marine, des gens qui espéraient que celui-ci prendrait bonne note des nombreux problèmes auxquels sont confrontées les familles de militaire. Notre personnel a vraiment espéré que cette visite permettrait d'améliorer leur sort, mais comme une élection a suivi tout de suite, nous nous retrouvons aujourd'hui en face de nouveaux visages.

• 0835

Espérons que ce nouveau comité saura entendre les voix de ceux et de celles qui témoignent devant lui et qu'on ne se détournera pas de leurs préoccupations. Espérons que, dans peu de temps, le Parlement agira pour aider véritablement les militaires et leur famille. Il est impératif que ce comité soit totalement neutre, comme les militaires qui vous servent.

J'ai lu la plupart des témoignages que vous avez entendu un peu partout dans notre grand pays et je me propose d'en reprendre la teneur et d'aller un peu au-delà.

Il y a d'abord le problème de ceux et de celles qui sont blessés, pas seulement sur le théâtre d'opérations, mais qui risquent leur vie quotidiennement pour remplir leurs tâches normales.

Pendant la guerre du Golfe, j'étais patron d'embarcation à bord du NCSM Margaree. Nous faisions route vers le soleil des Antilles pour nous joindre à des manoeuvres OTAN de la Force navale permanente de l'Atlantique. C'est alors que nous avons été déroutés pour nous rendre à Ponta Delgada, dans les Açores. Après une brève escale, nous avons repris la mer pour intégrer une escadre à réaction rapide de l'OTAN afin de faire face à toute éventualité. Après un travail intensif, nous avons mis le cap sur Funchal, sur l'île de Madère, pour ce qui devait être quelques jours bine mérités de repos et de détente.

Mais tel ne fut pas le cas, car à 14 h 45 le 8 février 1991, deux de mes compagnons de bord sont morts dans un tragique accident pendant qu'ils travaillaient sous la coque de la frégate américaine USS Pharris. Tous les jours, je bois dans une tasse que m'a offerte le Command Master Chief du Pharris. Je le fais à la mémoire des mes camarades: le sous-lieutenant Corey Wells et le matelot-chef Billy Hynes, qui ont donc perdu la vie dans ce tragique accident.

Ce qui m'inquiète le plus, c'est le sort de Mme Debbie Hynes qui doit élever ses trois jeunes fils sur une moitié de solde et—s'il reste un peu d'argent—sur une prestation supplémentaire de décès.

D'un autre côté, que va-t-il advenir du caporal Ricard, l'un de nos soldats du GC, quand il prendra sa retraite? Il a perdu la jambe dans un accident horrible à Petawawa, en 1991.

Dans les Forces maritimes de l'Atlantique, nous retirons une grande fierté de la façon dont nous nous occupons de notre personnel, de la manière dont nous mobilisons toutes nos ressources, dont nous passons toutes nos soirées et nos week-ends pour nous assurer que nos blessés, nos malades et nos mourants bénéficient de la meilleure attention possible.

Par exemple, il y a une liste d'attente des patients. Nous avons un commandant qui est responsable du personnel et qui fait office d'officier commandant, et le premier maître de première classe de la base qui tient le rôle de premier maître de première classe de la division. Nous essayons de faire en sorte que la paperasserie ne vienne pas se mettre au milieu du chemin et que les conjoints et les familles n'aient pas à se débattre seuls de leur côté. Nous voulons combler les besoins de la famille tout entière.

Permettez-moi de vous citer quelques exemples: Nous avons fait construire des rampes d'accès pour fauteuil roulant et avons fait installer des lits d'hôpitaux dans les foyers des blessés et des malades. Nous avons envoyé des officiers désignés auprès de malades en phase terminale, plusieurs mois avant le décès, afin qu'ils s'occupent de la succession et du reste. Après le décès d'un de nos camarades, nous veillons à ce que l'officier désigné demeure en contact avec la famille pendant plusieurs années et lui apporte son aide au besoin.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, j'aimerais vous remettre une tasse symbolisant le souvenir de tous les militaires qui sacrifient quotidiennement leur bien-être au service de notre pays.

Ce que je veux dire, c'est que ceux et celles qui portent cet uniforme sont des gens différents. Cet uniforme n'est pas une simple tenue de travail, c'est un froc au plein sens du terme.

Quand un navire est en difficulté en mer, nous affrontons des lames de 40 pieds dans des coups de vent de force-10 pour porter secours à l'équipage. Nous envoyons un hélicoptère que nous poussons à la limite de ses capacités, dans d'horribles conditions météorologiques, pour hélitreuiller un de nos techniciens SAR au bout d'un frêle câble.

Comme je ne peux pas parler pour les fantassins, vous devrez entendre les histoires qu'ils ont à vous conter. Nous faisons tout cela parce que nous aimons notre pays et nos compatriotes et que nous plaçons leur bien-être au-dessus du nôtre. Tout ce que nous demandons, au bout du compte, c'est qu'on s'occupe des blessés et de leur famille, ainsi que des familles des décédés. Ne permettons pas au brouillard bureaucratique d'embuer notre jugement et à nous demander quel genre de fonctions que ces militaires, blessés ou décédés, remplissaient au moment de leur accident.

• 0840

En dernier lieu, je vais m'attarder un peu sur la solde, bien que vous en ayez déjà entendu beaucoup parler. Avec un effectif d'employés civils réguliers et de réservistes d'environ 100 000 personnes, nous sommes l'un des plus gros employeurs au Canada. Vous vous devez de payer à tous nos militaires, du plus petit soldat et marin jusqu'à nos généraux et amiraux, une solde raisonnable pour le travail qu'ils accomplissent.

Nous savons bien que notre pays est en grande difficulté à cause de l'important déficit accumulé au fil des ans. Dans l'armée, nous avons fait notre part en ramenant la situation à un niveau raisonnable de deux façons: d'abord, en réduisant notre budget annuel qui était de 12 milliards de dollars à 9 milliards de dollars, par le gel de nos soldes et la réduction de nos effectifs. Nos chefs militaires ont relevé cette gageure, ont soumis des idées nouvelles et novatrices, comme le rachat des congés accumulés afin d'aider les militaires à joindre les deux bouts. Il est intéressant de constater, soit dit en passant, qu'au bas de l'échelle tous les officiers et sous-officiers subalternes ont demandé qu'on leur paie leurs congés non utilisés.

En outre, nous avons fait l'objet d'ajustements en fonction de postes-repères—je suis sûr que vous êtes au courant de cela—liés à ce qui se fait dans la fonction publique. Nombre de militaires estiment que cela leur a coûté des milliers de dollars au fil des ans. Nous estimons que le Conseil du Trésor devrait payer pour les écarts sur le plan de l'identification à des postes-repères. Cela doit se faire tout de suite, pas dans trois ou quatre ans, et la différence devrait immédiatement être ajoutée à la solde.

Je sais que les Canadiens et les Canadiennes sont fiers de leur armée, surtout depuis les inondations du Manitoba et la tempête de verglas en Ontario, au Québec et au Nouveau-Brunswick.

Je vais vous raconter une histoire qui met en exergue la différence entre la façon dont les militaires perçoivent leur vocation et la façon dont le personnel civil conçoit son travail. En face de la maison où j'habite, ici, vit un jeune homme et sa famille. Il travaille pour la Nova Scotia Power. Pendant la tempête de verglas, il est allé travailler dans le Maine. Pendant les 18 jours qu'il a passés là-bas, il a touché plus de 13 000 $ en heures supplémentaires et certains de ses camarades qui sont allés travailler au Québec et en Ontario ont fait tout autant d'argent que lui. À son retour, il a emmené sa femme au Venezuela pour une semaine de vacances.

Dans la même rue habite un caporal de l'armée qui a travaillé pendant 17 jours environ au Québec. Il a touché sa solde normale augmentée d'une grosse allocation quotidienne de 12,35 $. Vous savez ce qui est arrivé quand il est rentré à la maison? Eh bien, on lui a donné cinq jours de permission spéciale. Il n'a pas pris de vacances pendant ce temps-là. Il est resté chez lui.

Vous pourriez toujours me dire que ce caporal a été payé pour faire le travail qu'on lui a confié, parce que c'est la carrière qu'il a choisie, mais est-ce juste? La majorité des civils avec qui je me suis entretenu à ce sujet estiment, tout comme moi, que ce n'est pas juste.

Un peu plus tôt, j'ai parlé de solde. Il aurait été fantastique que le p.d.-g. de ma boîte, le chef d'État-major, nous dise: Vous trouverez 1 000 $ de plus dans votre enveloppe en récompense du travail exceptionnel que vous avez fait pour aider les citoyens de ce pays.

Je pourrais vous donner bien d'autres exemples de ce qu'il faudrait faire pour aider nos militaires et leur famille, mais je pense en avoir dit assez. Il est maintenant temps de passer aux actes et je compte sur vous pour cela.

Je terminerai en citant un célèbre poète canadien, le major John McCrae:



Va combattre notre ennemi: notre bras frêle te tend la torche, à
toi de la porter tout haut!




Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci beaucoup pour votre exposé, premier maître. J'ai constaté avec plaisir que vous accordez beaucoup d'importance à la façon dont sont traités les blessés et les familles de ceux et de celles qui tombent en service commandé. Nous avons bien sûr entendu souvent parler de ce problème pendant nos audiences.

Vous parliez du rachat des congés accumulés. C'est bien comme cela que ça se passe?

Pm 1 Earl Corn: Effectivement.

M. Leon Benoit: Quand cela s'est-il produit et que faut-il en conclure?

Pm 1 Earl Corn: Nous avons eu l'occasion de le faire à trois ou quatre reprises, grâce à des économies réalisées dans le budget du SMA ou dans le budget global de l'armée... À la fin de l'année, on a proposé aux gens qui n'avaient pas épuisé tous leurs congés... Vous ne savez peut-être pas qu'en début de carrière, le crédit de congés est de 20 jours par an, et que la cinquième année il passe à 25 jours.

• 0845

En vertu de l'ancien système, comme les gens ne pouvaient pas prendre toutes leurs permissions, ils accumulaient leurs jours de congés. La politique a été modifiée et, maintenant, il faut épuiser le crédit de congé chaque année, dans la mesure du possible. Ce n'est que dans des circonstances opérationnelles particulières qu'on peut les accumuler.

Tout récemment, on nous a proposé de les racheter une nouvelle fois. Ceux qui veulent se prévaloir de cette option toucheront leur argent sur la dernière paie du mois de mai. Ce sera le cas de la plupart des officiers et sous-officiers subalternes, ainsi que des hommes et des caporaux, parce qu'il n'y a pas assez longtemps qu'ils sont à l'armée pour avoir profité de cette option auparavant—parce qu'ils n'avaient en fait pas de crédits excédentaires—ou encore, pour les plus anciens d'entre eux, parce qu'ils s'en seront prévalus la première fois...

M. Leon Benoit: Il est donc question des congés accumulés avant l'adoption de la politique qui vous oblige maintenant à les prendre année après année...

Pm 1 Earl Corn: Sauf en cas de besoins opérationnels, monsieur. Sauf si nous devons partir en opération ou si quelque chose d'autre a été modifié et que nous ne pouvons pas prendre nos congés. De plus, le maximum cumulable est de 25 jours.

M. Leon Benoit: J'essaie de savoir combien de jours de congés... si je ne m'abuse, les fantassins sont tenus d'épuiser leurs jours de congés dans l'année.

Pm 1 Earl Corn: C'est la nouvelle politique sur les congés. Nous essayons de l'appliquer du mieux que nous le pouvons. Elle présente certains avantages. Cela fait 33 ans que je porte cet uniforme et je n'ai pu prendre qu'à deux reprises trois semaines de congés de suite. C'est sans doute la meilleure chose qui me soit jamais arrivée. À ces deux reprises, j'ai vraiment eu la chance de me détendre. C'était un extra que je m'accordais, parce qu'en vertu de l'ancien système, je n'avais qu'une semaine ou dix jours de vacances et, dans ces conditions-là, à peine on commence à se détendre vers la fin des vacances qu'on se préoccupe déjà du retour au travail.

Mais cette possibilité n'est pas garantie à tous les soldats, marins et aviateurs. Nous essayons de faire tout en notre pouvoir pour leur permettre d'en profiter.

M. Leon Benoit: Dites-moi, ce programme de rachat de congés est-il coûteux? Est-il...

Pm 1 Earl Corn: Cela dépend du nombre de jours à rembourser à chacun... Certains n'ont que 9 jours à se faire rembourser et d'autres ont jusqu'à 30 jours. L'année dernière, on perdait automatiquement ce qui n'avait pas été pris. Cette année, peu importe qu'on ait accumulé 20, 30 ou 50 jours, même 150 jours de congé, on peut se les faire rembourser. Tout le monde ne se prévaut pas de ce remboursement. Certains veulent conserver ce cumul de congé pour plus tard, pour les prendre éventuellement avant de prendre leur retraite ou pour quitter le service un peu plus tôt.

M. Leon Benoit: Très bien. Merci.

Le président: Merci, premier maître. Merci beaucoup aussi pour les tasses.

Adjudant Jim McCluskey.

Cam Dusty Miller: Monsieur le président, je dois partir. Mieux vaut que je vous laisse seul pour parler avec les gens qui sont derrière moi. Merci beaucoup de m'avoir accueilli.

Le président: Très bien. Merci.

L'adjudant Jim McCluskey (témoigne à titre personnel): Bonjour, je m'appelle Jim McCluskey et je suis ici pour représenter les techniciens SAR. Je vais aborder deux points dans ma présentation: la révision de la solde et la prime de spécialiste de la recherche et du sauvetage.

La catégorie militaire de technicien en recherche et sauvetage est tout à fait unique et elle correspond à l'un des emplois les plus exigeants et les plus dangereux au monde. Les techniciens en recherche et sauvetage, couramment appelés techniciens SAR, se retrouvent souvent dans des situations d'urgence vitale. La capacité de prendre rapidement des décisions complexes est une dimension essentielle de notre travail, et cela pour assurer à la fois la sécurité des victimes au sol et celle des techniciens SAR. Les techniciens SAR évoluent dans un milieu particulièrement hostile, caractéristique des incidences sur lesquels ils sont appelés à intervenir, souvent par gros temps. On s'attend ainsi à ce que les techniciens SAR interviennent dans les conditions les plus défavorables qui soient. C'est ainsi qu'ils sont appelés à sauter en parachute, à pratiquer la survie en milieu sauvage, à plonger, à conduire des opérations de sauvetage en montagne, à faire de l'hélitreuillage et à apporter des soins en secourisme avancé.

À l'heure où l'on est soumis à l'inflation et au gel des salaires, à l'heure où le coût de la vie et les impôts augmentent, il est temps de revoir la solde des techniciens SAR. Étant donné les risques considérables qu'ils sont appelés à prendre pour remplir leur mission et l'importance financière que le gouvernement accorde aux services qu'ils rendent, nous espérons que les techniciens SAR percevront une solde et une prime de risque qui soient en rapport avec leurs fonctions et avec les risques qu'ils courent.

Je vous ai remis un document qui fait ressortir l'écart entre les risques considérables que prennent les techniciens SAR et la valeur financière que cela représente. Loin de moi l'idée de jouer aux mercenaires. Il se trouve simplement qu'à cause de la situation économique actuelle, et du blocage des salaires dans le passé, la qualité de vie des techniciens SAR a souffert.

Pour mieux vous communiquer et mieux vous faire comprendre nos préoccupations, le document en question s'attarde sur deux aspects. D'abord, il place le salaire des techniciens SAR dans le contexte de leur milieu de travail; deuxièmement, il analyse la question de la prime de spécialité. Le document fait ressortir que l'actuel salaire des techniciens SAR est insuffisant. Nous espérons que leur catégorie de solde ainsi que leurs primes seront revues après une étude soigneuse de ce document.

• 0850

La solde des techniciens SAR se compose de la solde normale des Forces canadiennes accordée à un spécialiste de niveau un, à laquelle s'ajoute une prime de spécialiste en recherche et sauvetage. Les deux, ensemble, constituent la rémunération des techniciens SAR. La partie prime n'ouvre pas droit à pension.

Les techniciens en recherche et sauvetage offrent aux Forces canadiennes ainsi qu'à la population canadienne un service de recherche et de sauvetage très spécialisé. Ils possèdent en effet les connaissances, les compétences, le professionnalisme et le courage nécessaires pour s'acquitter de cette mission unique au nom du Canada. Aucun autre service au Canada n'est apte à fournir un personnel formé dans un aussi large éventail de compétences. Dans bien d'autres pays, il faut mobiliser plusieurs organismes pour remplir les missions de sauvetage.

Au Canada, le gouvernement reconnaît le haut degré de compétence des techniciens SAR et il les autorise à remplir leur mission dans des conditions météorologiques souvent très défavorables. À partir de différents types d'aéronefs, les techniciens SAR interviennent auprès de patients à qui ils prodiguent des soins essentiels à la survie. Tout le monde—le gouvernement, la profession médicale, les Forces canadiennes et la population civile—reconnaît et apprécie les compétences des techniciens en recherche et sauvetage ainsi que la valeur de leurs interventions sur le plan des relations publiques.

Les techniciens SAR travaillent à la limite de leurs capacités physique, mentale et émotive pour exercer leur métier avec la maturité et le professionnalisme qui font leur réputation. Ils effectuent des missions, par les airs et par la mer, dont l'objet est de porter secours à des personnes en détresse. Ils apportent des soins salutaires et des soins provisoires qui se sont considérablement améliorés au cours de la dernière décennie. Les techniciens SAR préparent les blessés et les extirpent ensuite de leur mauvaise posture pour les évacuer par la mer, par les airs ou par la route. Ils secourent des gens dans toutes les conditions climatiques, exigeant toutes sortes de formations. Ils effectuent des missions dans l'Arctique, dans les océans, dans des montagnes escarpées et dans des champs de glace. Toutes ces missions de sauvetage prennent place dans les pires conditions imaginables, tant sur le plan du climat que sur celui du terrain.

Les escadrons de recherche et de sauvetage répondent à des centaines d'appels chaque année. La majorité de ces missions font appel à l'utilisation de parachutes planants, à l'hélitreuillage, à l'utilisation de lunettes de vision nocturne et toutes exigent une parfaite santé, conforme à certaines normes médicales.

Le technicien en recherche et sauvetage d'aujourd'hui est hautement spécialisé dans tout un éventail d'interventions post-traumatiques. Il transporte avec lui le matériel permettant de contrôler le rythme cardiaque du patient, son pouls, les taux sanguins, la teneur du sang en oxygène, etc. En outre, il est appelé à dispenser des traitements de pointe permettant de maintenir le patient en vie et d'éviter qu'il ne souffre.

Quand il n'est pas dans les airs, le technicien SAR doit assurer l'entretien de premier et de deuxième échelon de son équipement, ce qui exige temps et formation. À cause des compressions budgétaires et des réductions d'effectifs de la Défense nationale, les techniciens SAR doivent maintenant se livrer à des prévisions budgétaires portant sur les ressources, les missions, la formation et l'entretien.

En outre, les techniciens de recherche et de sauvetage doivent maintenir 24 types de compétence en vol. C'est le seul métier ou la seule classification en aéronautique exigeant une qualification sur voilure fixe et sur voilure tournante.

De nos jours, les techniciens SAR remplissent plus de fonctions administratives que jamais auparavant. À cause des réductions d'effectif des dernières années, les techniciens SAR sont devenus des administrateurs financiers et des spécialistes de l'approvisionnement. Les fonctions qui, avant, étaient remplies par des commis de section, des agents d'approvisionnement de l'escadre et des commis aux services financiers, incombent à présent aux techniciens SAR.

Le personnel doit suivre des cours dans l'art du commandement, des cours de retitularisation médicale et des cours de perfectionnement professionnel. Pour faire tout cela, en plus de nos fonctions normales, nous devons porter plusieurs casquettes et faire de nombreuses heures supplémentaires. Nous sommes certains, dans notre profession, de passer un maximum de temps loin de chez nous. Cela ne va pas sans imposer un stress supplémentaire sur les techniciens SAR et sur leur famille, ni sans leur créer un surcroît de problèmes.

Il est établi que la CEM de technicien SAR est l'une des fonctions les plus particulières, les plus exigeantes et les plus stimulantes qui soit. C'est un métier hautement spécialisé exigeant une formation poussée et le respect de normes strictes. Si l'on ne peut effectivement pas placer de valeur sur la vie humaine, il n'en demeure pas moins que les techniciens SAR doivent pouvoir bénéficier d'une qualité de vie raisonnable pour garder le moral et vivre dans la dignité.

Mon deuxième thème de discussion sera la prime de spécialité. La liste que vous avez sous les yeux présente l'écart entre la prime de spécialiste des techniciens SAR et celles du personnel navigant, des parachutistes et des plongeurs. Plusieurs fois par semaine, les techniciens en recherche et sauvetage risquent leur vie pour porter secours à des Canadiens et à des ressortissants étrangers. Les techniciens SAR sont sur le pied de guerre 24 heures sur 24, 365 jours sur 365. Pour chaque mission qui fait les grands titres nationaux, on compte des centaines d'opérations qui passent inaperçues même si elles sont tout aussi dangereuses.

Comme je vous le disais, un technicien SAR est un parachutiste, un spécialiste de la survie, un plongeur, un secouriste en montagne et un spécialiste du secourisme avancé. L'index B, qui se trouve dans le livre que je vous ai remis, dresse la liste des primes de sauvetage perçues en 12 années de service. Je n'ai fait cela qu'à titre comparatif. Si l'on ajoute la prime de personnel navigant, celle de parachutiste et celle de plongeur, on arrive à plus de 700 $. La prime de spécialiste du sauvetage est de 439 $; pourtant les techniciens SAR doivent remplir toutes les missions donnant droit aux autres primes. De plus, ils sont quotidiennement confrontés aux périls associés à l'escalade en montage, à l'hélitreuillage et au contact éventuel avec des maladies contagieuses.

Compte tenu de ces incohérences relativement à la prime de spécialiste de sauvetage, nous espérons que votre comité recommandera la révision de la prime actuelle. Bien que la qualité de la vie ne se ramène pas uniquement à une question d'argent, l'indépendance financière n'en demeure pas moins importante pour les techniciens SAR et leur famille.

• 0855

En conclusion, je dirais que ce document aborde à peine le problème que vivent les techniciens en recherche et sauvetage et le genre de missions qui leur sont confiées.

Votre comité possède déjà une bonne compréhension du genre de service que les techniciens SAR apportent à la population canadienne. Le professionnalisme et l'éthique des techniciens SAR sont sans égal. Aucun autre service dans le monde n'envoie des hommes dans l'Arctique, en plein orage, pour affronter à la nage des creux de 20 mètres; aucun service ne parachute des sauveteurs dans des forêts denses ou dans des eaux océaniques glacées, ou en pleine montagne pour porter secours à d'autres.

Voilà donc les missions que les techniciens en recherche et sauvetage doivent accomplir avec courage et discipline. Nous avons établi le caractère tout à fait unique de la profession de technicien SAR. Cela étant posé, nous aimerions être promus à la catégorie salariale de spécialiste de niveau II et percevoir une prime de sauvetage équivalente au total des primes de personnel navigant, de parachutiste et de plongeur.

Afin de bien comprendre et d'apprécier la fonction de technicien SAR, les membres de votre comité sont invités à examiner également les annexes A, B et C qui sont un témoignage rendu au professionnalisme, au courage et au sens du sacrifice dont les techniciens en recherche et sauvetage font preuve tous les jours. Ces annexes renferment des marques d'appréciation du Premier ministre, du gouverneur général, du ministre de la Défense nationale et de celui qui était le chef d'État-major par intérim de la Défense nationale au moment où la lettre en question a été signée.

Si votre comité devait leur consentir la révision de solde ou l'étude qu'ils réclament, les techniciens SAR aimeraient beaucoup avoir la possibilité de se faire représenter dans ces discussions afin que le gouvernement comprenne mieux les demandes que nous formulons.

La qualité de la vie est importante pour les Forces canadiennes et les techniciens en recherche et sauvetage ne font pas exception. Il ne faut surtout pas oublier que les techniciens SAR sont des membres des Forces canadiennes qui entretiennent des espoirs, des rêves, qui ont pris des engagements et qui ont des familles méritant d'être récompensées pour le dévouement et l'engagement dont ils font preuves.

Merci.

Le président: Merci pour votre exposé.

Monsieur Pratt.

M. David Pratt: Merci, monsieur le président.

Monsieur le président, l'adjudant McCluskey m'a remis le livre sur la révision des soldes que je vais remettre tout de suite au greffier. Avant le début de la réunion, l'adjudant McCluskey m'a dit que plusieurs de ses camarades allaient être décorés. D'ailleurs, je ne sais pas s'ils l'ont déjà été ou s'ils sont sur le point de l'être, mais quoi qu'il en soit, il pourrait peut-être nous faire part de cette information lui-même.

Adj Jim McCluskey: Quatre d'entre nous viennent d'apprendre qu'ils allaient être décorés. Deux vont recevoir l'Étoile du courage pour leur acte héroïque accompli à 300 milles des côtes. Un yacht était tombé en panne de gouvernail en plein milieu d'un violent orage; l'équipage a déclenché son EPIRB et a appelé à l'aide. Nous avons répondu à son appel et deux d'entre nous se sont fait hélitreuiller sur le point pour remonter les passagers. Comme ce yacht était d'un modèle ancien, le mat principal était arrimé aux bordages par des gréements qui ont empêché les sauveteurs de se faire déposer sur le pont. Il leur a donc fallu récupérer les naufragés sur les gréements mêmes.

Ils sont parvenus à en remonter deux en s'y prenant ainsi, pas sans s'être cogné eux-mêmes à droite et à gauche. Après avoir été emportée par une lame, une personne s'était raccrochée au bastingage et l'équipage ainsi que les techniciens SAR ont dû batailler ferme pour parvenir à la hisser à bord de l'hélicoptère. Le quatrième membre d'équipage était tombé par-dessus bord. Il a fallu plusieurs tentatives pour lui porter secours, car les creux étaient très profonds.

Deux autres de mes camarades vont recevoir la Croix de la Vaillance. Pour ceux qui ne le sauraient pas, cette croix est la plus importante décoration accordée au Canada en temps de paix. Elle sera donc remise à deux techniciens SAR pour leurs actes héroïques dans la Mer du Labrador, en décembre 1996, encore une fois en plein milieu d'une violente tempête. Leur mission consistait à sauter dans l'eau, à se faire ramasser par un canot et à embarquer à bord d'un grand porte-conteneurs parce qu'un membre de l'équipage était mourant. Ils devaient donc lui apporter toute l'aide médicale dont ils étaient capables.

Quand ils sont arrivés au-dessus de la zone, il faisait nuit, la tempête faisait rage, les creux étaient profonds, le vent était fort et il faisait très froid. Les deux membres de la SAR ont décidé de sauter tout de même—ils étaient près du Cercle arctique—et au moment où le canot les a récupérés, ils étaient couverts de glace. Ils sont ensuite restés à bord du navire une journée et demie et sont parvenus à sauver la vie du patient, qui souffrait d'une importante déshydratation. Les autres membres d'équipage ont déclaré que si les techniciens SAR n'avaient pas sauté cette nuit-là, le malade n'aurait pas survécu.

• 0900

Il y a aussi le revers de la médaille. Il y a deux jours, un de nos camarades à Trenton s'est cassé les deux chevilles en sautant en parachute. Pendant six heures, ce jour-là, on s'est demandé si l'on ne devait pas l'amputer. Il est sans doute perdu pour la profession. Donc, comme vous le voyez, il y a bien sûr les côtés positifs, mais il y a aussi des côtés négatifs.

M. David Pratt: Adjudant McCluskey, pouvez-vous indiquer au comité le salaire de départ d'un technicien SAR, c'est-à-dire au moment où il embrasse ce métier?

Adj Jim McCluskey: Le salaire d'un technicien SAR oscille entre 40 000 et 44 000 $. Cette rémunération est composée de la solde correspondant à la catégorie militaire, à laquelle vient s'ajouter la prime de spécialité et une prime de risque qui représente 400 $ pour quelqu'un ayant 12 ans de service. Pour les plus jeunes, c'est beaucoup moins.

M. David Pratt: Étant donné les conditions dans lesquelles vous travaillez, êtes-vous tenus de maintenir une forme physique meilleure que celle des autres militaires?

Adj Jim McCluskey: Oui. À cause du travail que nous faisons, il nous arrive souvent de nous heurter violemment contre les francs-bords des navires, de nous réceptionner durement après un saut en parachute, d'atterrir dans des arbres ou dans des champs de glace. Il faut être en parfaite condition physique pour pouvoir repartir en mission après avoir été «tabassé» de la sorte.

M. David Pratt: Il y a un aspect à propos de la rémunération de spécialiste qui m'étonne beaucoup: votre prime n'ouvre pas droit à pension. En connaissez-vous la raison?

Adj Jim McCluskey: Non. Cela remonte à 1991. À l'époque, nous avions demandé que notre solde soit réexaminée. Quelques officiers supérieurs s'en sont chargés et c'est pour cela d'ailleurs que j'ai demandé que nous soyons représentés lors de tout réexamen éventuel dans l'avenir. À cette époque, le groupe d'étude avait conclu que le niveau I était très bien et que la prime de technicien SAR n'ouvrirait pas droit à pension. Partant du principe que cette prime était imposable, elle devrait également ouvrir droit à pension, nous avons demandé des explications. On ne nous a fourni aucune raison.

M. David Pratt: Merci, monsieur le président.

Le président: Quel est votre programme de travail?

Adj Jim McCluskey: Il est fondé sur des périodes de 30 jours. Si j'étais de service aujourd'hui, je rentrerais à 16 h et j'assurerais la veille jusqu'à 7 h 30 le lendemain matin. Je devrais être prêt à intervenir sur demande pendant cette période. Le lendemain matin, je ferais une journée normale de travail, de 8 h à 16 h.

À cause de la politique qui consiste à nous faire prendre obligatoirement nos congés, nous n'avons pas le choix et nous nous retrouvons en sous-effectif pour faire le travail, ou du moins nous n'avons pas assez d'heures-hommes pour assurer le service. La plupart de mes camarades—des militaires en général et pas uniquement les techniciens SAR—passent la première heure de leurs quatre heures d'astreinte à travailler dans leurs fonctions régulières, ce qu'ils ne sont pas censés faire.

Le président: Merci pour votre exposé.

Adj Jim McCluskey: De rien.

Le président: Nous accueillons maintenant Barb St. John.

Mme Barb St. John (témoigne à titre personnel): Bonjour. Je suis venue vous faire part de mes préoccupations au sujet des anciens combattants. Mon père, mon beau-père et mes deux grands-pères sont des anciens combattants.

Aujourd'hui, je veux vous parler de ce qui m'inquiète à propos de mon père. Il a servi au Canada, aux États-Unis et en Europe continentale, de 1939 à 1945, puis il est demeuré dans l'armée au Canada, après l'armistice. Il a reçu l'Étoile de 1939-1945, l'Étoile France-Allemagne, la Médaille de la Défense et la Médaille de la guerre de 1939-1945. Malheureusement, il n'a pas de régime d'assurance médicale et comme il gagne plus de 1 477 $ par mois, quand on tient compte de son revenu et de celui de son épouse, il n'obtient aucune aide du ministère des Anciens combattants pour ses lunettes et ses soins dentaires.

J'ai l'impression qu'on pioche constamment dans les maigres revenus des personnes âgées. Par exemple, il y a deux ou trois ans, on a décidé que ce qu'il devrait payer au titre des frais médicaux allait doubler. J'ai téléphoné aux renseignements pour savoir ce à quoi un ancien combattant pouvait prétendre et j'ai quasiment dû tirer les vers du nez des gens qui étaient au bout du fil. Pourquoi donc les représentants du ministère des Anciens combattants ne sont-ils pas plus abordables? Pensent-ils faire leur travail en limitant les prestations auxquelles les anciens combattants ont droit et en veillant à ce qu'ils ne soient pas mis au courant? C'est, malheureusement, l'impression que j'ai retirée de mes échanges avec ces gens-là.

• 0905

J'ai fait plusieurs appels et je ne suis tombée qu'une seule fois sur une personne de bonne humeur et pleine d'entrain. Toutes les autres avec qui j'ai parlé m'ont semblé manquer de patience et, parfois, j'ai même eu l'impression de m'entretenir avec un mur. Si j'avais été une personne âgée essayant d'obtenir un renseignement, je crois que j'aurais perdu courage et que je me serais sentie un peu stupide; j'aurais même certainement raccroché le téléphone sans obtenir de renseignements.

J'ai bien reçu tous les livrets et tous les renseignements qu'on m'avait promis en réponse à mes questions, je les ai trouvés informatifs et de plus, imprimés en gros caractères, ce qui en rend la lecture plus facile pour les personnes âgées. Cependant, le revenu plafond n'y est indiqué nulle part. Il faudrait pourtant bien l'indiquer, même sous la forme d'un addendum, en première page, pour que ceux et celles qui gagnent plus que ce montant ne perdent pas leur temps à soumettre une demande.

Je sais, par ailleurs, que les frais d'obsèques des anciens combattants ne sont pas payés si l'intéressé touchait un revenu supérieur à la limite en question.

Pourquoi met-on un prix sur nos anciens combattants? Ces gens-là sont allés faire la guerre pour protéger notre mode de vie et la liberté dont nous jouissons aujourd'hui. Sans leurs sacrifices, nous ne pourrions pas vivre cette vie. Il arrive souvent à mon père et à mon beau-père de parler de toutes ces choses-là et je sais que la nuit, ils ont encore des cauchemars de guerre.

Va-t-on dire à leurs épouses, quand elles deviendront veuves: «Excusez-nous, mais nous ne pouvons pas enterrer vos maris, qui ont combattu pour notre pays et pour notre liberté, parce que vous gagnez un peu plus que le seuil prévu»? Soit dit en passant, ce niveau de gain est inférieur au seuil de faible revenu établi en 1996 par Statistique Canada.

Arrêtons de comptabiliser leur argent comme nous le ferions avec l'argent de poche d'un enfant. Où est-on allé chercher ces 1 477,67 $? Cela veut dire que le Canada, l'une des nations les plus riches du monde, accepte tout à fait l'idée qu'un ancien combattant doive vivre avec 17 000 $ par an, soit près de 1 000 $ de moins que le seuil de bas revenu établi en 1996 par Statistique Canada.

Nous commettons une grave injustice envers un grand nombre d'anciens combattants. À cause de ce genre de politique, la plupart d'entre eux sont contraints de vivre une vie modeste, exempte de tout luxe. Nous pouvons certainement faire mieux que cela. Ne versons-nous pas une retraite aux députés s'ils ont siégé six ans? Ne versons-nous pas des milliers de dollars aux sénateurs pour un travail minimum? Nous gaspillons quotidiennement des milliers de dollars pour faire fonctionner le gouvernement.

Nous devrions rendre hommage à nos anciens combattants. Ne nous contentons pas de nous en souvenir quelques minutes par an, le 11 novembre. Occupons-nous d'eux maintenant, tant qu'ils sont encore auprès de nous. Combattons pour nous assurer qu'ils aient une bonne qualité de vie, eux qui se sont battus et se sont sacrifiés pendant tant d'années pour que le Canada devienne le meilleur pays où vivre dans le monde. Montrons-leur de façon tangible que nous apprécions ce qu'ils ont fait pour nous. Payons-leur leurs lunettes et leurs soins dentaires dont ils ont besoin. Portons-les en terre avec dignité quand leur temps est venu. Montrons-leur du respect, remercions-les maintenant, rassurons-les, disons-leur: «Ne vous inquiétez pas, nous sommes là pour veiller sur vous».

Merci.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Merci beaucoup pour votre exposé.

Capitaine Deborah March.

La capitaine Deborah March (témoigne à titre personnel): Merci beaucoup. Excusez-moi pour ce bref retard.

Je suis la capitaine Deborah March. Je suis chef de la clinique des services sociaux de la base. C'est la deuxième fois que je m'adresse au CPDNAC et je dois dire que je trouve très gratifiant de voir la foule amassée ici; il est aussi très gratifiant de voir autant de députés présents.

Les problèmes auxquels nous sommes confrontés, en tant que travailleurs sociaux, tiennent bien sûr au fait que la solde est insuffisante et que les logements laissent à désirer, mais ils vont bien au-delà. Nous ne pouvons plus nous permettre de faire fi de la composition changeante de la famille de militaire. La famille où le mari prend la mer et où la femme reste à la maison pour s'occuper des enfants n'est plus la norme. Nos militaires et nos enfants sont un microcosme de la société civile et l'on y retrouve de plus en plus de mères célibataires, de pères célibataires, de parents dont les deux font carrière à l'armée, de couples où les deux travaillent, dont l'un à l'armée, de couples de même sexe et de familles dont les enfants ont des besoins spéciaux.

Le nombre accru de déploiements opérationnels a une incidence de plus en plus marquée sur nos familles de la Formation Halifax. La majorité de nos clients de travail social s'accommode assez bien de la sujétion de l'état militaire. Cependant, quand les difficultés personnelles des familles de militaire viennent gruger l'efficacité opérationnelle, nous sommes tenus d'apporter aux personnes concernées un service de soutien et des traitements qui doivent être perçus comme étant sûrs, confidentiels et efficaces pour leur permettre de résoudre leurs problèmes. Nous avons l'obligation de favoriser et d'instaurer un climat d'ouverture pour les familles se prévalant de nos services.

• 0910

J'aimerais vous parler un peu de certaines tendances qui sont apparues depuis ma dernière comparution devant le CPDNAC. J'estime, comme mes collègues travailleurs sociaux du bureau, que ces tendances sont dues à une augmentation du nombre de déploiements et au fait que les services sociaux de cette formation sont maintenant mieux connus.

Depuis 1996, nous avons constaté une augmentation de 110 p. 100 du nombre de dossiers que nous avons ouverts. Le nombre total de cas, quant à lui, a augmenté de 140 p. 100.

Nous avons assisté à une très nette augmentation du nombre de couples réclamant des conseils matrimoniaux. Nous avons constaté une forte augmentation du nombre de couples demandant une médiation avant une séparation ou un divorce. Nous avons constaté une augmentation phénoménale du nombre de demandes d'intervention parvenant de directeurs d'écoles élémentaires et secondaires de premier cycle. Ils nous demandent d'intervenir dans le cas d'enfants de militaires qu'ils estiment être atteints de troubles du comportement dus au déploiement des parents.

Nous travaillons en étroite collaboration avec des travailleurs sociaux cliniques des deux centres de ressources pour les familiales militaires et, ensemble, nous offrons tout un éventail de services s'adressant à des particuliers, à des couples, à des familles et à des groupes. La demande de services destinés à des groupes, surtout en ce qui concerne la maîtrise de la colère et la maîtrise du stress, est à la hausse. La colère et le stress en milieu de travail sont en train de frapper les familles des militaires. À la suite du programme de formation SHARP, le nombre de personnes dirigées pour une évaluation dans les causes de harcèlement est à la hausse.

Nous travaillons en étroite collaboration avec plusieurs organismes civils de consultation familiale de la région et nous entendons dire de nos collègues civils qu'eux aussi ont constaté une augmentation du nombre de familles réclamant des services de consultation. Il n'est pas rare que des familles de militaire préfèrent s'adresser à des services civils, car ils ont l'impression que, dans l'armée, leur démarche pourrait avoir un effet fâcheux sur leur carrière.

Il n'est pas rare que les femmes militaires appartenant à des couples où les deux sont dans l'armée, se trouvent contraintes à renoncer à leur carrière quand leur famille ne peut plus faire face au surcroît de demandes à caractère opérationnel. D'autres personnes ce matin viendront vous en dire davantage à ce sujet.

Dans ce climat de compression des effectifs, nous nous rendons bien compte qu'il n'est plus possible d'accorder systématiquement des affectations au même endroit à des couples dont les deux sont militaires. Il arrive parfois que les besoins opérationnels prennent le pas sur les besoins familiaux, bien qu'il faille chercher à réaliser un équilibre délicat. Disons simplement que nos familles méritent et ont besoin d'être ensemble.

Voilà donc les problèmes auxquels nous sommes confrontés. Que fait-on à la Formation Halifax pour les régler? Eh bien, tout d'abord, de mon point de vue strictement professionnel de travailleuse sociale—ayant une carrière de 18 années dans l'armée dans les services médicaux, commencée tout au bas de l'échelle—je dois dire que nous avons la chance, dans cette Formation, de bénéficier d'un appui inégalé sur les plans logistique, financier et humain, par les services médicaux, les Services de santé de la Formation et notre direction administrative. Du bas au haut de l'échelle, les travailleurs sociaux de la Formation bénéficient de ce genre de soutien.

Notre volume de travail augmentant, j'ai réclamé une augmentation des mes effectifs. On a toujours satisfait mes demandes. Nous sommes ainsi passés de deux travailleurs sociaux en 1996 à cinq en 1998. Grâce à cette augmentation d'effectif, nous sommes en mesure d'offrir davantage de services. Nous offrons maintenant un service en maîtrise de la colère—qui vient s'ajouter à nos programmes de thérapie personnelle, de thérapie de couples, et de thérapies familiales et de groupes—des programmes d'estime de soi, de groupes de couples et de groupes de soutien au retour des missions des Nations Unies.

Pour votre information, sachez qu'après nos dernières séances de soutien d'un groupe de militaires revenant d'une affectation des Nations Unies, les participants ont rédigé un document de travail qui est en train de remonter la hiérarchie à la Formation Halifax.

Nous avons un groupe de soutien de harcèlement, un groupe de soutien des victimes de stress dû à un incident critique et nous faisons une étude du genre de soins à apporter au personnel blessé. Il est certain qu'à l'occasion de vos déplacements au Canada, vous aurez souvent entendu parler de l'étude nationale conduite en 1997 sur les soins à apporter au personnel blessé, étude qui fait ressortir l'existence—chez le personnel militaire, chez leur conjoint, chez les veuves et les orphelins de militaires décédés—du sentiment profond d'être abandonné. Nous avons tout simplement besoin davantage de soins. Nous avons besoin de plus d'attention. L'ancien chef des services de travail social a présidé le groupe d'étude nationale qui a formulé plusieurs recommandations en vue d'établir des normes de soins à l'échelle du Canada.

Mais je le répète, j'estime que nous faisons du très bon travail à la Formation Halifax. Comme l'a signalé avant moi l'amiral Miller, nous sommes tout à fait conscients des défis que nous avons à relever.

• 0915

Notre garderie devrait ouvrir le 1er juin 1998. Je trouve cela absolument merveilleux. Moi qui ne suis plus toute jeune, je trouve tout à fait progressiste que l'armée décide d'ouvrir une garderie. Dès le 1er juin, donc, nous aurons 22 places de garderie et, avec l'appui de l'amiral, nous pourrons augmenter ce nombre à l'automne, si la demande le justifie.

De plus, nous avons des chalets à Falls Lake. Nous bénéficions d'un soutien non négligeable de la part des services du juge avocat-général pour tous les problèmes psychosociaux et juridiques complexes auxquels nos clients sont confrontés. On se rend compte qu'il est de plus en plus nécessaire d'augmenter le nombre de services dispensés par les travailleurs sociaux en uniforme.

En 1997, les travailleurs sociaux militaires apprenaient que leurs effectifs allaient être réduits et que, dans le meilleur des cas, nous nous retrouverions 11 travailleurs sociaux en uniforme, tout au plus. Un an plus tard, nous sommes en train d'envisager d'augmenter nos effectifs en recrutant de façon active. Ainsi, à cette formation seulement, nous avons créé un troisième poste défini de travailleur social militaire. Nous bénéficions d'une excellente collaboration de la part des travailleurs sociaux civils et nous venons de demander la création d'un quatrième poste défini.

Nos commandants nous demandent d'offrir de plus en plus de services sociaux pour des évaluations et des traitements individuels, pour un perfectionnement professionnel et pour apporter un soutien aux victimes de stress dû à des incidents critiques. Notre équipe spécialisée dans ce dernier genre d'intervention, à la formation, comprend 12 meneurs et 22 animateurs formés. Nous sommes prêts à intervenir 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours sur 365. En outre, nous avons une équipe de 4 personnes qui est en disponibilité opérationnelle à 24 heures de préavis, pour les opérations dans le Golfe.

J'aimerais vous faire quelques recommandations du point de vue des travailleurs sociaux militaires, des travailleurs sociaux civils et de notre groupe de clients.

—Il faut soumettre les familles à un bilan psychosocial complet avant les longs déploiements en mer. Cela nous permettra d'éviter de devoir rapatrier des militaires à cause de l'aggravation de certains problèmes familiaux.

—Il faut augmenter les ressources destinées aux actions de prévention.

—Il faut dispenser un meilleur soutien à nos militaires blessés ou malades, ainsi qu'à leur famille.

—Nous devons mieux prévoir les services administratifs et médicaux complets pour nos casques bleus blessés ainsi que des services de suivi pour les familles, quand un militaire est au repos ou a décédé. Il nous faut des normes nationales pour tout cela.

—Nous devons maintenir, voire accroître l'appui que les officiers supérieurs et les sous-officiers supérieurs de cette formation commencent à nous apporter.

—Nous devons continuer d'assurer la formation en matière de prévention du racisme et du harcèlement. Un seul atelier d'une journée portant sur ces thèmes ne suffit pas. Au bureau des services sociaux, nous accueillons non seulement des gens qui ont l'impression d'avoir été victimes de harcèlement, mais aussi des personnes qui ont été accusées de harcèlement, certaines à juste titre, mais d'autres par erreur et d'autres encore injustement. Les effets de telles accusations sur le moral de la personne, de sa famille et de son unité sont dévastateurs. Nos clients des services de travail social ont tout simplement besoin de plus de services.

—Enfin, en cette époque où l'on accorde de moins en moins de promotion au sein de l'armée, il faut trouver d'autres façons de consacrer le rendement supérieur des hommes et des femmes militaires.

Je vous remercie beaucoup.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci beaucoup, monsieur le président.

Merci beaucoup pour votre présentation. Vous avez dit que plusieurs sentent la nécessité de s'adresser dans le civil, parce qu'ils ont l'impression que s'ils allaient consulter les travailleurs sociaux militaires, les psychologues ou autres, ils pourraient en pâtir.

Avant tout, pensez-vous que cette perception soit justifiée?

Capt Deborah March: Parfois oui, parfois non. Si je me fie à ce que j'ai constaté ici au cours des 30 derniers mois, les cadres supérieurs de cette formation sont tout à fait à l'écoute des besoins de leur personnel. Pour vous dire très franchement, monsieur, si nous n'obtenons pas ce que nous voulons auprès d'un échelon, nous passons au suivant, et en général nous finissons par avoir ce dont nous avons besoin pour nos clients.

M. Leon Benoit: Mais alors, à quoi attribuez-vous cette perception?

• 0920

Capt Deborah March: À une combinaison de facteurs. Je pense que les gens parlent beaucoup. Par exemple, un militaire qui n'a pas été correctement traité par ses supérieurs dans le passé, communique sa perception autour de lui. Mais je crois que le personnel reçoit maintenant l'attention qu'il mérite.

M. Leon Benoit: C'est encourageant.

Capt Deborah March: Oui.

M. Leon Benoit: Par ailleurs, il y a la question du harcèlement pour laquelle vous réclamez un plus grand nombre de séances de formation. Je me demande dans quelle mesure cela est efficace et si ces séances permettent vraiment de régler le problème du harcèlement quand on a affaire à un commandant d'unité qui est complètement intolérant au départ. Il faut simplement exposer ce genre de chose, faire en sorte que ce soit très clair et ne pas tolérer le harcèlement. Un point c'est tout.

Capt Deborah March: Je suis absolument d'accord avec vous, monsieur.

Nos clients nous adressent de plus en plus de demandes d'intervention en travail social et réclament des normes d'enquête pour les cas de harcèlement; c'est exactement ce que nous faisons au sein de cette formation. En outre, ils nous demandent de plus en plus d'aller faire enquête en dehors du système militaire.

M. Leon Benoit: Merci beaucoup.

Capt Deborah March: De rien.

Le président suppléant (M. Hec Clouthier): Monsieur Pratt.

M. David Pratt: Merci, monsieur le président.

Je vais vous demander de vous risquer un peu en vous livrant à une conjecture raisonnée. Vous avez parlé des problèmes psychosociaux au sein de l'armée. Étant donné que, de toute évidence, certains de ces problèmes sont signalés et d'autres pas, pourriez-vous vous risquer à me donner le pourcentage approximatif de militaires touchés par les problèmes dont vous vous chargez, qu'il s'agisse de difficultés maritales, de troubles du comportement chez les enfants, de cas de SSTP, bref de toute la gamme des problèmes pouvant affecter...

Capt Deborah March: Malheureusement, monsieur Pratt, je ne pourrai pas vous donner cette approximation en pourcentage. Ce que je peux vous dire, c'est qu'en 1995 quand je suis arrivée à cette formation, nous ouvrions 12 à 18 dossiers par mois. Ce chiffre ne comprend pas les cas déjà en cours. Voyons maintenant ce qui s'est passé en janvier, février, mars et avril. En janvier, nous avons ouvert 54 dossiers, nous en avons ouverts 46 en février. Mars a été un peu plus lent, car nous n'avons ouvert que 34 dossiers, et en avril nous en avons ouvert 49. Comme je le disais, le nombre de nouveaux cas a augmenté de 110 p. 100.

Malheureusement, je ne dispose pas des chiffres exprimés en pourcentage. C'est le mieux que je puisse faire.

M. David Pratt: En fait, vous venez de répondre à la question que j'allais poser ensuite, car je voulais connaître le taux de croissance du nombre de cas. Vous avez aussi parlé de prévention. Je viens de me rendre compte que si nous investissions dans la prévention, nous réduirions pas mal le nombre de problèmes du genre.

Capt Deborah March: Tout à fait.

M. David Pratt: Quel pourcentage de vos ressources consacrez-vous actuellement à la prévention?

Capt Deborah March: Environ 30 p. 100, dans l'ensemble. Nous avons cinq cliniciens qui travaillent à notre bureau. Nous participons à tout un éventail de séances de formation professionnelle. En fait, tout récemment, le Bureau de l'amiral a diffusé une note de service recommandant que tous les officiers supérieurs commandants d'unité envisagent d'inclure dans leurs journées de perfectionnement professionnel des séances de debriefing et de prévention du stress à la suite d'un accident grave. Depuis, nous avons constaté une augmentation du nombre de demandes, au titre de nos services de prévention, émanant des commandants d'unité. S'agissant de prévention, nous intervenons aussi sur le plan de la maîtrise du stress et de la sensibilisation à la colère. La sensibilisation à la colère est différente de la maîtrise de la colère. Elle a pour objet d'amener les gens à prendre conscience de ce qui déclenche la colère chez eux, avant que le problème n'éclate et qu'ils doivent passer à la phase «maîtrise». Donc, la prévention est essentielle et nous affectons effectivement des ressources à ce genre de tâches.

M. David Pratt: Dernière question. Vous attendez-vous à une croissance de la demande de places de garderie?

Capt Deborah March: Absolument.

M. David Pratt: C'est bien, merci.

Capt Deborah March: De rien.

Le président suppléant (M. Hec Clouthier): Madame Lill.

Mme Wendy Lill: Merci beaucoup.

Dans ce cas, je m'intéresse à la santé des femmes. Vous avez parlé des rapports qui s'établissent avec les directions des écoles secondaires de premier et de deuxième cycle à propos des problèmes qu'éprouvent les enfants. Votre personnel consulte-t-il les jeunes? Consulte-t-il les épouses? Se réunit-il avec les mères et les enfants? Quel pourcentage de votre temps consacrez-vous à travailler auprès des familles à résoudre les problèmes qu'elles éprouvent?

Capt Deborah March: La moitié de notre temps. Nous sommes les seuls professionnels dans le secteur militaire à avoir pour mission de s'occuper des familles. La plupart des spécialistes de l'armée ont pour mission de s'occuper des militaires. Nous, on nous a demandé de nous occuper des familles. Nous passons près de la moitié de notre temps auprès des familles, en relations thérapeutiques individuelles et en consulting de couples, de familles ou de groupes.

• 0925

En outre, nous nous faisons davantage connaître par les civils. Nous allons dans les écoles pour y conseiller les enfants, nous conseillons les enseignants sur la façon dont composer avec le stress croissant des enfants dont les parents ont été envoyés en mission à l'étranger.

Mme Wendy Lill: Faites-vous partie de ceux qui recommandent les appels téléphoniques de compassion pour que les familles gardent le contact avec les militaires déployés?

Capt Deborah March: Je ne vais certainement pas dire non. Bien sûr que nous appuyons cela.

Le président suppléant (M. Hec Clouthier): Merci beaucoup, capitaine March.

Capt Deborah March: De rien.

Le président suppléant (M. Hec Clouthier): Y a-t-il d'autres questions? Le capitaine March semble aimer répondre à ce genre de questions.

Capt Deborah March: Merci.

Le président suppléant (M. Hec Clouthier): Merci beaucoup.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président suppléant (M. Hec Clouthier): Matelot-chef Tim Materi.

Le matelot-chef Tim Materi (témoigne à titre personnel): Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis ingénieur naval de formation et je suis maintenant instructeur à l'école DNBC de Purcells Cove.

Hier, j'ai demandé à ma femme quel genre de préoccupations elle entretenait. Je suis un de ceux dont le capitaine March vient de vous parler. Ma famille a été directement touchée.

J'ai déjà 6 missions de l'OTAN à mon actif en 14 années seulement. Je viens juste d'entamer ma 14e année. De plus, il y les périodes d'entraînement.

J'ai essayé de recourir aux services dont vient de vous parler le capitaine March. En 1996, elle était seule avec quelqu'un d'autre dans ce bureau. À l'époque où je me suis présenté, le capitaine March était en permission et l'autre personne était absente.

Finalement, j'ai dû recourir à des ressources extérieures. Dieu merci, au bout d'un certain temps, c'est-à-dire après une attente d'environ deux mois, je suis parvenu à obtenir un rendez-vous de counseling pour mon fils.

Mon fils a dû suivre des séances pour maîtriser le stress parce que «papa n'était jamais à la maison». J'ai effectué deux missions OTAN en deux ans, la première de neuf mois et l'autre de dix mois.

Dans les deux semaines ou à peu près qui précèdent le départ pour une mission de ce genre, vous passez au travers d'une période d'ajustement au foyer. Vous n'êtes pas à prendre avec des pincettes, parce que vous savez ce qui s'en vient. Votre femme aussi est nerveuse, pour la même raison. Et si vous avez de jeunes enfants, ils ne comprennent pas pourquoi maman ou papa ne rentre pas à la maison.

Quand vous rentrez à l'issu d'un long déploiement de trois mois ou plus, vous trouvez que les choses ont changé à la maison. Ce n'est plus comme c'était avant. Votre femme est devenue plus indépendante. Vos enfants ne réagissent pas comme avant quand vous vous présentez sur le pas de la porte.

Je vais vous donner deux ou trois exemples de ce qui s'est passé quand je suis rentré de mission. Ma femme est venue me retrouver sur la jetée. À l'époque, mon fils avait cinq ans. Quand je me suis penché pour le serrer dans mes bras et lui donner un baiser, il m'a giflé parce que papa n'avait pas été à la maison quand il avait eu besoin de lui.

Vous avez sans doute entendu des histoires de ce genre un peu partout au pays. Cinq personnes au bureau des services sociaux pour tout le travail qu'il y a à faire, ce n'est pas assez. Il faudrait plus de ressources. Mais ce n'est qu'un conseil, comme ça en passant.

J'ai une question à vous poser. Qui a institué ce comité?

Le président: Le ministre de la Défense.

Matc Tim Materi: Qui en a choisi les membres?

Le président: Les différents partis.

Matc Tim Materi: Les différents partis eux-mêmes?

Le président: Oui.

Matc Tim Materi: Combien de temps encore allez-vous sillonner le pays avant de commencer à rédiger votre rapport?

Le président: Ce devrait être notre dernière séance à l'extérieur. La semaine prochaine, nous allons accueillir des témoins à Ottawa. Je crois que nous devons également aller à Borden et à Meaford dans deux ou trois semaines, mais c'est à peu près tout. Nous avons visité plusieurs bases un peu partout au Canada.

Matc Tim Materi: Je vais être bien honnête avec vous: je ne sais pas dans quelle mesure je dois vous faire confiance, parce que je ne vous connais pas.

Nous avons vu ce qui est arrivé dans le passé avec ce genre de comités. Les recommandations ont été adressées à Ottawa et les gens nous ont dit: «Eh bien, c'est parfait, merci beaucoup, quand nous en aurons le temps, nous nous intéresserons à tout cela».

Je veux savoir ce que vous comptez faire pour nous représenter vraiment. Nous sommes des quantités négligeables. Tout ce que nous pouvons faire, c'est vous faire part de nos préoccupations. Alors, qu'allez-vous faire? Je vous pose la question maintenant.

• 0930

Le président: Comme je l'ai déjà dit dans le passé, le comité a pour mandat de faire des suggestions au ministre de la Défense, parce que le ministre nous a demandé de rencontrer le plus grand nombre de gens possible sur les bases. Nous espérons qu'il donnera suite à la plupart de nos recommandations.

Matc Tim Materi: Très bien, merci.

L'autre sujet de préoccupation que je voulais soulever concerne les logements militaires et leur dégradation. On dirait que les logements militaires ont perdu leur raison d'être. Voilà maintenant qu'on porte les loyers à hauteur de ceux pratiqués sur le marché. Quel avantage y a-t-il pour un matelot ordinaire, un matelot de deuxième classe, pour le mataf sans spécialité, à résider dans un logement militaire? Eh bien, il n'y en a plus.

Personnellement, j'ai choisi de ne pas aller en logement militaire parce que, croyez-le ou non, j'ai trouvé qu'il revenait moins cher d'acheter une maison et de payer une hypothèque que de résider à loyer dans cette zone close.

Comme je le disais, le logement militaire semble avoir perdu sa raison d'être. Pourquoi le matelot ordinaire, le matelot de seconde classe, le gars qui n'est pas technicien devrait-il loger là et payer un loyer équivalent au prix du marché? Il ne peut pas se le permettre.

Cela, c'est ce qui se passe ici sur la côte est, où c'est moins cher que sur la côte ouest. Je me demande si j'aurais les moyens de vivre sur la côte ouest. C'est complètement ridicule. Voilà l'autre sujet qui me préoccupe beaucoup.

Comme je le disais, je ne réside pas en logement militaire. Parce que j'ai décidé de ne pas loger en zone militaire, je dois aller assez loin, hors de la ville, et je dois parcourir à peu près 56 kilomètres aller et 56 kilomètres retour.

Comme nous sommes en banlieue éloignée, ma femme ne peut travailler. En fait, ce n'est pas tout à fait vrai. Elle pourrait toujours prendre un autre emploi, mais je ne peux même pas me permettre d'acheter un véhicule d'occasion. De plus, comment pourrait-elle prendre un emploi quand je ne suis pas là la majorité du temps pour l'aider, ce qui veut dire qu'elle devrait mettre notre enfant à la garderie ou engager une gardienne à la maison. Une fois tout ces frais payés, que resterait-il de ce second emploi? Rien.

Vous avez entendu parler de ce problème de la solde. Eh bien, quand les premières rumeurs d'une éventuelle augmentation ont commencé à circuler, on nous a effectivement confirmé que notre solde allait être augmentée. J'ai détesté les médias à l'époque— et je continue à les détester aujourd'hui—parce que, par exemple, ils ont annoncé que nous allions recevoir une augmentation de solde de 3,2 p. 100.

Eh bien, ce n'était pas vrai. Nous n'avons pas reçu 3,2 p. 100 d'augmentation, mais seulement 1,2 p. 100, car 2 p. 100 étaient destinés à nous aligner sur les salaires de la fonction publique.

Vous, qui vous occupez de la frappe, est-ce que c'était indiqué là-dedans? Non, ça ne l'était pas.

Des voix: Bravo, bravo!

Matc Tim Materi: Il y a autre chose que je veux indiquer aux dactylographes ici. Quand l'amiral a comparu, il a parlé du Toronto et du fait qu'il a simplement fallu former l'équipage en guerre nucléaire, biologique et chimique. Ce n'est pas vrai. Nous ne faisons pas dans la «guerre» nucléaire, biologique et chimique, nous nous limitons à la «défense» nucléaire, biologique et chimique. Alors, vous feriez bien de changer ce mot aussi. Vous savez comment je le sais? Parce que je suis instructeur et que j'enseigne la défense nucléaire, biologique et chimique.

Merci beaucoup.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Monsieur Pratt.

M. David Pratt: Il serait peut-être utile pour certaines des personnes présentes ici de bien comprendre ce que le comité a fait jusqu'à ce jour.

Nous avons débuté nos audiences en janvier, à Yellowknife, après quoi nous nous sommes rendus à Vancouver, Esquimalt, Comox, Edmonton, Cold Lake et Moose Jaw. Nous sommes également allés à Kingston, Trenton, Val Cartier, Bagotville, Gagetown et Goose Bay, et nous voilà à Halifax.

Nous devons aller en Bosnie, pas la semaine prochaine mais la semaine suivante. Nous avons littéralement entendu... Jusqu'ici, nous avons entendu près de 500 exposés.

• 0935

Comme l'a dit M. Bertrand, c'est le ministre de la Défense nationale qui nous a demandé d'entreprendre cette étude. Je sais que, ces deux ou trois dernières années, on a étudié l'armée sous toutes ses coutures, mais les travaux de ce comité sont sans précédent, du moins sur le plan parlementaire. C'est la toute première fois dans l'histoire canadienne qu'un comité du Parlement va rencontrer des militaires pour se mettre à l'écoute de leurs problèmes.

Je tiens aussi à ajouter que le ministre ne nous aurait pas confié cette étude, ne nous aurait pas demandé de faire tout cela, s'il n'avait pas l'intention de donner suite à nos recommandations. On ne va pas, comme ça, faire monter la pression et faire croire au changement pour ensuite laisser tout le monde. Je ne pense absolument pas que c'est cela qui est prévu.

Je crois que les gens se rendent de plus en plus compte de l'existence d'un problème, notamment à la suite des travaux de ce comité. Un peu partout au Canada, on se rend compte qu'il faut faire quelque chose pour corriger les problèmes de l'armée.

Nous l'avons vu récemment dans la couverture médiatique dont le comité a fait l'objet. Le magazine Maclean's a publié un article-couverture sur le sujet. Il en a été question dans les journaux nationaux, à CTV, à la CBC-SRC, sur les ondes de la radio et dans presque tous les journaux de toutes les villes que nous avons visitées.

Je pense donc que les Canadiens comprennent davantage les problèmes et les défis auxquels l'armée est confrontée.

Ainsi, quand nous soumettrons notre rapport, sans doute à l'automne, le gouvernement disposera d'environ 150 jours pour y répondre. Je crois pouvoir vous dire que la présentation de ce rapport, au stade où nous en sommes—avec les milliers de pages de témoignages que nous avons recueillis—va provoquer un grand débat. Il sera aussi sans doute l'objet d'une certaine controverse mais, en fin de compte, il sera bénéfique pour tous ceux et toutes celles qui portent un uniforme de l'armée canadienne.

Matc Tim Materi: J'ai du mal à le croire.

J'ai une question à vous poser. Est-ce que tous les membres du comité qui ont sillonné le pays et qui vont aller en Bosnie se trouvent ici ou ont-il changé?

Le président: Ce comité est composé de 15 membres, mais vous avez ici ceux et celles qui ont participé jusqu'ici à la plupart des audiences. Ce sont ces personnes qui vont aller en Bosnie.

Vous avez dit que vous aviez comparu devant un comité semblable, mais je crois pouvoir affirmer qu'hormis les réunions de Halifax, l'année dernière, si je ne m'abuse—mais on pourra toujours me corriger à ce propos—c'est la première fois qu'un comité de parlementaires se déplace de base en base pour aller à la rencontre des gens.

Matc Tim Materi: Vous avez parlé du niveau d'attente et du fait que votre objectif n'était pas de nous donner de faux espoirs. Eh bien, à ce sujet, je vais vous dire quelque chose, qui concerne de nouveau la solde.

L'année dernière, quand il a été question d'une augmentation de solde, on nous a dit que lorsque la décision aurait été prise d'attribuer ceci ou cela à tel et tel groupe syndical—soit dit en passant, nous attendons toujours l'annonce du règlement—l'augmentation serait rétroactive au 1er avril précédent.

Eh bien, selon le dernier message dont j'ai pris connaissance il y a environ un mois, un petit mot innocent est venu s'ajouter à cela, car on précise maintenant qu'elle «pourra» être rétroactive au 1er avril. Ce n'est pas créer des attentes, ça?

Le président: Monsieur Benoit.

M. Leon Benoit: Merci, matelot-chef. Tout à l'heure, vous nous avez parlé du stress que tout ce temps passé en déploiement imposait à votre famille. Aujourd'hui, l'amiral nous a dit qu'à cause de la diminution du niveau d'activités du NCSM Toronto—son équipage devant passer plus de temps avec les familles—le niveau d'activité augmentera pour les autres. Serez-vous touché par cela?

Matc Tim Materi: Personnellement?

M. Leon Benoit: Oui.

Matc Tim Materi: Je serai muté le 6 juillet. J'ai de la chance parce que je vais pouvoir passer une autre année à Shearwater où j'aurai enfin la possibilité d'apprendre la deuxième langue officielle.

Nous avons fait un sondage ici pour savoir combien de gens parlent la deuxième langue officielle. Vous seriez surpris du peu de mains qui se sont levées. Nous sommes censés assumer un rôle phare, ici. Nous sommes censés être un pays où tout le monde parle les deux langues officielles.

• 0940

Au fait, je vous le demande, combien d'entre vous parlent les deux langues officielles?

Eh bien, voilà un bel exemple que vous donnez aux autres.

Des voix: Ah, ah!

Le président: Soyons justes; il y a pas mal de députés qui sont bilingues.

Matc Tim Materi: Je m'en serais douté.

Savez-vous que tous les francophones qui s'engagent dans les Forces armées sont envoyés en cours de langue anglaise pendant cinq semaines? Cependant, les anglophones, eux, ne vont pas passer cinq semaines en cours de langue française. Pourquoi?

M. Leon Benoit: Nous avons entendu parler de ce problème de formation linguistique.

Revenons-en à la question des longues périodes que vous devez passer à l'extérieur et des répercussions négatives que cela a sur vos familles... Je suppose que les répercussions seraient énormes et que ce serait très difficile dans de telles circonstances.

Vous avez parlé du rôle important des travailleurs sociaux et du fait qu'ils ne sont pas assez nombreux. Pouvez-vous m'expliquer quel genre d'aide un travailleur social peut vous apporter? En quoi vous aide-t-il? Que fait-il qui puisse vous aider et aider votre famille?

Matc Tim Materi: Je n'ai pas eu l'occasion de traiter avec les travailleurs sociaux militaires. Quand je me suis rendu à leur bureau pour demander de l'aide, je n'ai pu en obtenir. J'ai dû m'adresser à l'extérieur.

Depuis ce temps, en un an et demi, les choses ont considérablement changé à la base d'après ce que j'ai cru comprendre.

Un psychologue de l'extérieur m'a aidé à composer avec les situations de stress. Il a aidé ma femme à être plus efficace dans son rôle de mère seule, parce qu'elle est effectivement parent seul, la plupart du temps. On a également aidé mon fils à maîtriser ses colères. Nous allons là-bas et nous nous parlons avec le psychologue...

M. Leon Benoit: Vous trouvez donc que ce service vous a été utile pour...

Matc Tim Materi: Je ne peux pas parler du service des travailleurs sociaux militaires. Quand j'ai voulu en bénéficier, il n'y avait personne au bureau. Mais je suis effectivement satisfait du service offert à l'extérieur.

M. Leon Benoit: Très bien. J'aurais une dernière remarque à faire. Vous n'avez pas mâché vos mots quand vous avez dit craindre que rien ne sortirait de ce comité.

Matc Tim Materi: Je ne dirais pas cela. Si je me fie à ce qui s'est fait dans le passé, je me demande si je dois avoir confiance dans ce comité.

M. Leon Benoit: Je comprends votre scepticisme. La fiche de route du prédécesseur de ce comité n'est pas très bonne.

Mais je tiens à vous dire que ce comité ne travaille pas pour le ministre. Il s'agit d'un comité de la Chambre des communes qui travaille pour la Chambre des communes et qui fera rapport à la Chambre des communes. Il est composé de députés de tous les partis politiques.

J'espère—en fait je crois—que le rapport traduira fidèlement ce que nous aurons entendu. Je vous dis cela parce que le comité est soumis à la pression publique, parce que nous sommes placés sous les feux des projecteurs des médias et que les Canadiens et les Canadiennes découvrent de plus en plus ce qui va de travers.

Je pense que tout cela va contraindre le gouvernement à agir. En dernière analyse, cependant, je dois vous donner raison: c'est le gouvernement en place qui va déterminer ce qu'il va faire du rapport.

Nous pouvons toujours avoir le meilleur rapport au monde, mais il appartient au gouvernement d'y donner suite ou non et je ne peux rien vous affirmer à ce sujet.

Je ne sais pas si le gouvernement en est déjà conscient, mais il devra tenir compte de l'avis du public qui est maintenant beaucoup plus au courant de ce qui se passe.

Matc Tim Materi: Je vois.

Merci.

Le président: Merci, monsieur Benoit.

Madame Lill.

Mme Wendy Lill: Je vais dire quelques mots à ce sujet également. Pendant ces audiences, j'ai entendu des choses que je n'avais jamais entendues avant et je pense que l'action des médias locaux... Je crois que nous sommes en train de modifier l'idée que les gens se font de l'armée. Cette empreinte n'est pas sur le point de s'estomper.

Vous croyez que ce rapport va aboutir sur les tablettes? Je ne le pense pas. Je crois pouvoir vous affirmer que vous pouvez compter sur plusieurs nouveaux alliés. Il y a d'abord vos députés qui vont suivre de près ce qu'il adviendra de toute cette information et la façon dont elle sera intégrée dans le rapport. Toute tentative de camouflage pourrait soulever un tollé. Et puis, il y a ceux et celles qui prendront publiquement position, dont je ferai partie.

• 0945

Vous pouvez aussi compter sur votre député fédéral; vous pourrez toujours le rencontrer et lui demander que des mesures soient prises. À Dartmouth, c'est moi qui m'en occuperai, mais il y a aussi les députés de Halifax: Alexa McDonough, Gordon Earle et Peter Stoffer. Ils vont surveiller tout cela de très près, comme tous les députés, à l'échelle du pays, qui vont surveiller ce qu'il adviendra du rapport. Ils doivent vous rendre des comptes.

Matc Tim Materi: Merci.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Price.

M. David Price: Vous avez répondu à la plupart des mes questions. Je voudrais cependant vous demander une chose. Vous dites que vous résidez à 56 kilomètres de la base.

Matc Tim Materi: Oui.

M. David Price: Avez-vous déjà logé en LF?

Matc Tim Materi: Non.

M. David Price: Bien, vous avez toujours...

Matc Tim Materi: Savez-vous pourquoi? Eh bien, croyez-le ou non, ma femme ne voulait pas résider en LF. Elle avait déjà vu et entendu tellement de choses horribles et à leur sujet qu'elle n'a pas voulu. Certes, cela nous aurait aidé sur le plan financier, parce qu'à l'époque, les LF étaient subventionnés et que les loyers étaient nettement inférieurs à ce qu'ils sont maintenant.

M. David Price: Très bien. Je vous posais cette question parce que si vous aviez résidé en LF, vous n'auriez pas été aussi loin des travailleurs sociaux. Ne pensez-vous pas qu'elle aurait pu obtenir un meilleur soutien pendant vos déploiements?

Matc Tim Materi: Non.

M. David Price: Auprès de vos amis et...

Matc Tim Materi: Non. Avez-vous visité des logements militaires?

M. David Price: Absolument.

Matc Tim Materi: Vous avez vu leur grandeur?

M. David Price: Oui.

Matc Tim Materi: Vous êtes allé à Shannon Park?

M. David Price: Non, mais nous en avons visité d'autres ailleurs.

Matc Tim Materi: Eh bien, vous devriez venir jeter un coup d'oeil à Shannon Park et à Windsor Park, pour vous rendre compte vous-mêmes de la taille de ces logements dans lesquels on est censé faire vivre une famille—je ne parle pas simplement d'un couple, je parle de famille—pour un loyer équivalent au prix du marché.

M. David Price: Nous sommes tout à fait conscients que le logement est un grave problème. D'ailleurs, tout à l'heure, l'amiral a dit que la question du logement était son deuxième objectif. Il est très clair que les logements familiaux sont l'une des principales causes de mécontentement des militaires, un peu partout au Canada.

Sur ce, je vous remercie.

Matc Tim Materi: De rien.

Le président: Merci beaucoup, David.

[Français]

Monsieur Lebel, vous avez une question?

M. Ghislain Lebel: Oui.

Pour ce qui est de votre question, à savoir ce qu'entend faire le gouvernement du rapport de ce comité, j'en suis à ma deuxième expérience de parlementaire. J'étais là en 1993. J'ai été réélu en 1997 et j'ai vu bien des rapports de comité. Jusqu'à maintenant, je ne partageais pas l'enthousiasme de mes collègues des partis traditionnels, mais dans ce cas-ci, on a entendu le général Baril et le général Dallaire, qui sont venus à Ottawa nous voir et nous entendre, et s'excuser devant le comité. Je pense qu'ils se rendent à l'évidence et qu'ils reconnaissent qu'il faut... Le général Dallaire a insisté sur le fait qu'il fallait mettre l'accent sur les ressources humaines. Ils savaient que les journaux parlaient du moral des troupes.

Je crois sincèrement que le gouvernement, de bon ou de mauvais gré, va devoir faire quelque chose—on présume toujours de sa bonne foi et j'espère qu'il va le faire de bon coeur—parce que la situation est devenue catastrophique. C'est tout ce que j'avais à dire.

[Traduction]

Matc Tim Materi: Eh bien, monsieur Lebel, j'espère que vous avez raison et que ce genre de problème sera enfin réglé.

Merci.

Le président: Merci beaucoup pour votre présentation.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Caporal Dave Tremblay.

• 0950

Le caporal Dave Tremblay (témoigne à titre personnel): Bonjour, mesdames et messieurs. Je suis le caporal Tremblay, du NCSM St. John's où je suis commis SGD. J'ai deux choses à dire au sujet de la solde en ce qui concerne les ajustements récents et les ajustements effectués antérieurement.

On m'a reclassé médicalement en 1995. J'étais sergent dans l'artillerie et à cause de ce reclassement, on m'a redonné les droits acquis à mon ancien grade. Je n'ai pas été augmenté depuis 1991. Mon dernier changement d'échelon remonte à 1992.

Je me demande pourquoi un élève officier sorti du rang a droit à tous les rajustements de solde, à tous les rajustements économiques ainsi qu'à toutes les augmentations d'échelon de son ancien grade quand il accepte une rétrogradation volontaire, alors que moi je n'ai pas eu le choix. On m'a dit: «On t'envoie là-bas, tu es caporal maintenant, à toi de t'y faire».

Il y aurait pourtant bien une possibilité sur le plan de la solde des militaires du rang. Si vous consultez les guides de solde normalisée, vous constaterez qu'il y a quatre échelons par grade. Prenons, par exemple, le cas des caporaux et caporaux-chefs. À l'heure actuelle, à la façon dont se passent les choses sur le plan du service et du reste, un militaire peut prendre sa retraite avec le grade de caporal au bout de 20 ans de service. Son échelle de solde est composée de quatre échelons correspondant à une augmentation de 20 $ par an, sur quatre ans. Il lui restera donc 12 ans de carrière après cela où, s'il n'est pas promu, il ne touchera aucune augmentation.

Pour les officiers, c'est différent. Prenez le cas du grade de capitaine qui comporte dix échelons. Un capitaine peut garder ce grade pendant dix ans et être régulièrement augmenté. S'il est promu major, il aura droit à sept autres échelons. De plus, les échelles de solde de ces deux grades ne se recoupent pas, contrairement à celles de caporal et de caporal-chef. Donc, en théorie, avant de prendre une retraite de MR, vous aurez peut-être droit à sept augmentations, alors que si vous la prenez en tant que capitaine ou major, vous en aurez eu 17. La durée de service est un peu différente dans le cas des officiers qui doivent faire 25 ans alors que nous ne devons en faire que 20... Mais il n'y a tout de même pas de comparaison.

J'aimerais qu'il y ait plus d'échelons d'augmentation aux grades de caporal et de caporal-chef qui sont les grades d'exécution au sein des Forces canadiennes.

Merci.

Des voix: Bravo, bravo!

Le président: Merci beaucoup pour votre exposé.

Matelot de première classe Jim Karl? Parfait.

Joy Smith?

Mme Joy Smith (témoigne à titre personnel): Bonjour.

Avant de vous soumettre mon rapport, je vais vous parler un peu de qui je suis. Je suis une gamine de militaire et j'en suis fière. Je suis l'épouse d'un militaire depuis 20 ans et j'en suis également fière. Je viens juste d'entamer ma quatrième année de présidente et présidente du conseil du Centre de ressources pour les familles de militaire de Debert, ce dont je suis très honorée.

Monsieur le président, madame et messieurs les membres du comité, mesdames et messieurs, merci de m'avoir donné la possibilité de venir vous exposer les préoccupations des familles de militaire de Debert.

Aujourd'hui, je vais essentiellement vous parler des répercussions de la réduction des effectifs des Forces canadiennes sur la qualité de vie des familles de militaire. Les renseignements que je vais vous communiquer ont été glanés par-ci par-là dans les comptes rendus de plusieurs réunions publiques que nous avons tenues au cours des trois dernières années au détachement de la BFC Debert. Nous avons décidé de nous intéresser plus particulièrement à cet aspect, car nous avons l'impression que ses conséquences pour les familles militaires sont tout à fait uniques.

L'histoire de la communauté de Debert est expliquée dans notre rapport dont nous vous avons fait remettre des exemplaires. Pour résumer, Debert est une petite communauté militaire qui est passée de 350 familles à 56.

Quand la compression des effectifs a commencé, le ministère de la Défense nationale a informé les familles des membres que les réductions budgétaires allaient nécessiter une diminution, voire l'élimination de la plupart des services de soutien n'étant pas directement reliée aux missions essentielles de la Défense. C'était compréhensible dans la conjoncture économique de l'heure. Nous estimons cependant qu'en cette période de décisions difficiles, de réductions multiples, de changements massifs et de couvertures médiatiques négatives, il convient de tenir compte—sérieusement et sincèrement—des répercussions éventuelles de toutes les mesures prises, notamment sur les familles de militaire.

• 0955

Nous tenons à réitérer les préoccupations générales dont on vous a fait part aujourd'hui à propos du manque de sécurité d'emploi, de la garde d'enfants, des problèmes financiers, du logement, des possibilités d'emploi des conjoints et des adolescents, de l'absence d'une éducation de qualité et des répercussions d'une couverture médiatique négative.

À propos de toutes ces questions nous tenons à préciser que nous ne réclamons pas un traitement spécial: nous demandons qu'on accorde simplement la considération voulue aux familles ayant décidé d'abonnir les services existants en vue d'améliorer le sort de leurs compatriotes. Vous avez droit à de telles considérations si la profession que vous avez choisie vous éloigne régulièrement de votre famille, vous fait prendre des risques pour votre vie et a une incidence négative sur l'éducation de vos enfants, sur l'employabilité de votre conjoint et sur le niveau d'examen auquel vous-même et votre famille devez vous soumettre.

Les familles de militaire savent que pour faire entendre leurs préoccupations, étant donné qu'elles relèvent de la fonction publique, elles n'ont d'autre choix que de soumettre leur situation personnelle à un minutieux examen public. Cependant, dans les récentes relations des médias au sujet des difficultés auxquelles sont confrontées certaines familles de militaire, on a complètement occulté ce que d'autres familles de militaire font pour elles-mêmes.

À cet égard, nous aimerions vous faire part de certains des problèmes occasionnés par la réduction des effectifs de la Défense.

À Debert, nous avons perdu plusieurs installations communautaires: notre centre récréatif, notre centre social, notre club pour adolescents, notre chapelle et nos services de cuisine. Nous avons perdu nos allocations de gîte et de couvert, nous avons perdu tous nos clubs récréatifs à l'exception d'un seul. Nous avons perdu tous nos services sociaux assurés par les militaires, comme les services d'aumônerie, le personnel MEPL et les services de PSP. Nous n'avons plus de salle des rapports, plus de service d'autobus ni d'autre forme de transport. Nous n'avons plus de conseillers financiers et notre secteur n'est plus patrouillé par la police militaire. Nous avons perdu le service d'autobus des enfants de l'élémentaire, qui était assuré par le ministère de la Défense nationale, et nous avons dû démarcher la commission scolaire locale pour que nos enfants soient transportés par autobus.

La BFC Halifax a travaillé très fort pour continuer à offrir les principaux services dont nos familles ont besoin. Malheureusement, comme nous résidons à 125 kilomètres de la BFC, il n'est pas facile de traiter avec le personnel qui nous offre ces services. Ces gens-là sont déjà surchargés de travail et il leur est très difficile, voire impossible, de consacrer du temps aux familles de Debert, à moins de venir les rencontrer en personne. En outre, nous ne recevons plus d'informations courantes, régulières et, dans notre sondage annuel de 1995 au sujet des besoins pour le CRFM, nous avons constaté que la moitié des familles estiment ne pas avoir été suffisamment bien informées au sujet de la réduction des effectifs.

L'autre grand dossier est celui de l'impact sur les possibilités de carrière des conjoints. Ce problème n'est pas nouveau, mais il s'est aggravé à l'occasion de la réduction des effectifs de la Défense.

Les familles de militaire de Debert sont confrontées à une grande incertitude... depuis très longtemps. Il y a l'incertitude relative au maintien ou non à long terme des différentes unités, et l'incertitude relative au logement, qui dure depuis près de deux ans.

S'agissant du logement, après une année complète, aucun accord n'a encore été conclu entre l'office du logement des Forces canadiennes et la Société de développement du parc Colchester, relativement au transfert de l'entretien des logements militaires. Depuis plus d'un an maintenant, les familles de militaire se font dire par l'office de logement des Forces canadiennes qu'il n'y aura absolument aucun travail d'amélioration ni de réparation des logements: ce n'est pas une priorité pour l'office, étant donné que les logements vont être transférés à une société de développement.

Dans notre lutte en vue de faire connaître les préoccupations des familles de militaire à propos des logements, nous avons tenu plusieurs réunions et constitué de nombreux dossiers que nous avons remis à la hiérarchie. Il semble que pendant près d'un an on ait pris des décisions sans tenir compte des préoccupations que nous avions signalées. L'entretien des logements continue de faire problème. On a bien promis aux locataires qu'on les tiendrait informés des décisions les concernant, mais même cela, ce n'est pas réglé.

Il y a aussi le problème de l'isolement. Dans les deux années qui ont suivi l'annonce de la fermeture de la SFC Debert, les familles militaires ont fait savoir qu'elles se sentaient coupées du reste de leur organisation. Il est très difficile de déterminer des responsabilités sur ce plan. Il a fallu attendre énormément de temps pour obtenir des réponses, des informations, pour que l'on donne suite aux réclamations et que l'on prenne des décisions. Le fait que nous soyons à 125 kilomètres de tout service de soutien n'est pas pour arranger les choses. Mais le manque apparent de sécurité et le fait que la société en général était au courant de nos problèmes semblent avoir perturbé beaucoup de familles.

• 1000

Depuis près de six mois, plus de la moitié des anciens LF sont vides. Ce qui était avant une collectivité sûre, fermée, est devenue un secteur ouvert, sans restriction, où tout le monde peut venir taper à votre porte ou sillonner vos rues en voiture.

Plusieurs fois le FRC a reçu des appels de parents inquiets qui avaient vu des étrangers passer en voiture dans leur voisinage, caméra vidéo au poing, filmant les parcs et les terrains de jeu où s'ébattaient leurs enfants. Il aurait été pourtant si simple, pour atténuer les craintes de nombreux parents, de les informer d'avance de ce qui se passait et de demander à des militaires en uniforme d'escorter les représentants des futurs repreneurs ou d'organismes locaux de développement, ou encore les fonctionnaires de l'APECA.

Passons au fait qu'on ne nous appelle pas à maîtriser notre propre destinée. Depuis plus de trois ans, nous avons l'impression d'être sur la touche. Je vais vous en donner quelques exemples. Les organismes locaux se rencontrent pour discuter de questions qui concernent notre collectivité de militaires. Les associations locales de développement reprennent les propriétés. Nous n'avons pas de représentants de la communauté militaire au comité local et nous en sommes réduits à découvrir ce que sera notre avenir en lisant les journaux ou en écoutant la radio.

Il y a aussi les déplacements quotidiens entre le domicile et le travail. Pour de nombreuses familles, la réduction des effectifs s'est traduite par une augmentation des distances quotidiennement parcourues entre le travail et le foyer et, pour d'autres, par un déménagement non planifié. Tout cela a occasionné des séparations inattendues pour les familles de militaire. Il nous faut occasionnellement faire 250 kilomètres aller-retour pour aller ramasser des originaux de documents, des chèques, voir le médecin, voir les conseillers financiers, les travailleurs sociaux ou l'aumônier, ou encore pour faire nos affaires courantes et régler nos finances.

Nous avons difficilement accès aux services essentiels—comme l'hôpital, les services d'urgence, la police, les cliniques médicales, le bureau de dentiste et la banque—car nous sommes à 20 minutes de voiture de tout et que votre conjoint militaire, qui travaille à 20 ou 30 minutes du secteur des LF, doit prendre le seul véhicule familial pour aller au travail.

Nous avons aussi perdu notre panier de bénévoles. L'importante réduction du nombre de familles s'est fait cruellement sentir sur notre capacité d'assumer les fonctions communautaires et d'assurer les événements récréatifs nécessaires à la cohésion des familles, au maintien de leur moral et à la limitation de leur niveau de stress. Cela fait donc peser un lourd fardeau sur les épaules des militaires et de leur famille qui doivent se débattre pour maintenir la vie communautaire tout en étant surchargés dans leur travail.

Nous n'avons plus autant de choix en matière de garde d'enfants. La réduction a provoqué la fermeture des garderies et il y a moins d'adolescents ou de familles pour assurer la garde d'enfants, puisqu'il y a moins de monde dans notre petite communauté.

La qualité de l'éducation a souffert. La réduction a gravement affecté la qualité de l'éducation des enfants de militaire au niveau élémentaire. Jusqu'à 34 enfants de trois niveaux différents se retrouvent dans une seule salle de classe avec un seul enseignant.

Les familles des militaires canadiens ont accepté la sujetion de l'état militaire, avec le mode de vie et les défis très particuliers qui la caractérisent; les déploiements provisoires et la crainte de perdre un être cher font partie de ce choix.

Quand, à cela, viennent s'ajouter les complications, les frustrations et les incertitudes découlant de la réduction des effectifs, les situations sont plus stressantes et il est plus difficile de s'en accommoder. Il faut que tous les paliers du ministère de la Défense nationale accordent une considération particulière à toutes ces familles et s'engagent à leur apporter un soutien et à faire preuve d'empathie envers elle.

Outre qu'elles sont confrontées à une diminution des services locaux, à d'importants changements dans la collectivité, à une relative incertitude quant à leur avenir et à des difficultés financières en général, les familles de militaire de Debert ont eu à faire face à une couverture médiatique négative, à la mauvaise image publique qu'on a donné au métier des armes, et ils ont essuyé le ressentiment des résidents locaux à cause des conséquences économiques de la restructuration.

Il convient de ne pas oublier qu'une restructuration est un exercice qui peut traîner en longueur. Ainsi, un grand nombre des questions posées lors des réunions de 1995 n'ont pas encore reçu de réponse claire en 1997-1998. L'incertitude se prolonge donc depuis plus de trois ans.

Aujourd'hui, nous avons parlé des conséquences que la réduction des effectifs a eu sur les familles de militaire. Nous voulons aussi profiter de cette occasion pour vous faire part des résultats positifs d'un excellent programme dont l'objet est d'aider les familles militaires à faire face à ce genre de problème. Au cours des trois dernières années, le Centre des ressources pour familles de militaire de Debert s'est attaché à aider les familles de militaire dans la phase de réduction des effectifs.

• 1005

À Debert, les familles ont eu la chance que le centre de ressources familiales ne soit pas touché, contrairement à ce qui s'est passé dans d'autres communautés frappées par la restructuration. Malgré la directive de DMFS invitant les commandants locaux à maintenir leurs centres de ressources pour les familles en dépit de la restructuration, plusieurs d'entre eux ne s'y sont pas conformés et des CRFM ont été fermés, certains même six mois avant que les familles ne soient mutées.

Il faut applaudir aux tentatives récentes visant à normaliser les services de soutien aux familles de militaire et à imaginer des formules de financement pour permettre que plus de 40 centres, partout au pays et à l'étranger, continuent de fonctionner. Cependant, la formule de financement établie en fonction du nombre de familles n'est pas sans poser certaines difficultés. Il faudrait laisser une certaine latitude aux commandements pour décider du niveau de financement minimum permettant l'application des normes minimales.

La seule constante pour les familles de militaire de Debert au cours des 30 derniers mois a été notre centre des ressources pour familles de militaire. Il a été question de réduire les services de soutien aux familles par la fusion du CRFM de Debert avec celui de Halifax.

Il faut féliciter les responsables au ministère de la Défense nationale et à la BFC Halifax d'avoir décider de maintenir notre centre des ressources pour les familles à l'échelon local. Cela a permis aux familles de militaire de faire connaître leurs préoccupations communes, de se regrouper pour régler des problèmes communs à l'échelon local et de participer à des fonctions familiales ayant pour objet de réduire le stress et de vivre des moments agréables. L'année dernière seulement, les familles de militaire de Debert ont donné gratuitement plus de 2 000 heures de leur temps pour améliorer la qualité de la vie des familles.

Nous avons quatre grandes recommandations à soumettre au CPDNAC.

1) que le CPDNAC fasse part au Parlement de la nécessité d'accroître le financement destiné aux programmes de soutien des familles dans toutes les bases et les stations des Forces canadiennes. Il est important que nous disposions de budgets supplémentaires pour ce genre d'activité et que nous n'ayons pas à nous battre pour obtenir une fraction de budget commun destiné au matériel, au personnel et au financement des autres coûts directs de la défense.

Il faut permettre au directeur du Centre de soutien aux familles de militaire d'élaborer, de mettre en oeuvre et d'évaluer une campagne de marketing stratégique qui soit non seulement destinée à promouvoir les services offerts aux familles, mais aussi à répondre aux problèmes de marketing social touchant à l'idée que les gens se font des conséquences de l'évaluation de tels services.

2) que le CPDNAC rappelle la nécessité d'adhérer aux paragraphes 2 et 6 des lignes directrices du DMFS relatives à la fermeture des centres de ressources pour les familles. Voici ce qu'ils précisent:

    Comme le PSFM [Programme de soutien aux familles des militaires] est destiné à aider les familles où qu'elles soient situées, il est recommandé que la réduction de personnel dans les CRF [Centre des ressources pour les familles] se fasse par étapes pour coïncider avec le départ des familles. Ainsi, les centres locaux de ressources pour les familles devraient être la dernière unité à fermer dans une base ou dans une station.

De plus,

    le Programme de soutien aux familles des militaires doit avoir pour objet d'apporter un appui aux familles, où qu'elles soient situées.

Dans ces conditions, les fermetures ne devraient avoir qu'une incidence minimale sur les familles ou sur la capacité de les soutenir par le truchement du programme de soutien aux familles des militaires. Nous recommandons que cette directive soit transformée en OAFC.

3) que le CPDNAC insiste auprès du ministère de la Défense nationale sur la nécessité de tenir compte de la répartition et de la réduction des effectifs sur la qualité de vie des familles militaires. Cela pourrait se faire par la nomination d'un BPR chargé d'examiner les conséquences de la restructuration sur les familles de militaire.

En outre, le CPDNAC doit demander qu'on accorde des budgets suffisants aux communautés touchées par la restructuration, quand il est prévu de maintenir les services de soutien aux familles de militaire. Si les normes minimales ne sont pas respectées, il faudra prévoir un montant minimum pour permettre aux petits centres de fonctionner selon ces normes. Le budget doit tenir compte des différents facteurs auxquels les centres sont confrontés: capacité moindre de recueillir des fonds, moins de possibilités d'obtenir des subventions et des dons d'oeuvres de charité, moins de bénévoles pour administrer les programmes et assurer les services, pour ne citer que quelques-uns des problèmes rencontrés.

4) que le CPDNAC appuie la recommandation du DMFS contenue dans sa communication du 13 mars 1997, qui précise ce qui suit:

    [...] le temps est peut-être venu de demander la possibilité d'utiliser une partie des fonds publics pour financer des places de garderie dans certaines circonstances.

    [...] il est peut-être temps d'envisager une forme d'aide directe pour les conjoints de militaire au moment de l'affectation. Il pourrait s'agir d'un crédit pour la recherche d'un emploi, pour le perfectionnement professionnel, pour la formation linguistique ou pour lancer une entreprise à domicile. [...] On pourrait négocier l'autorisation d'utiliser les fonds publics de la sorte [...]

• 1010

Nous espérons qu'après avoir pris connaissance des problèmes que vivent les familles de Debert et de l'importance des services de soutien aux familles, votre comité fera tout son possible pour s'assurer que les bases qui feront l'objet d'une restructuration dans l'avenir pourront maintenir les services offerts par les centres de ressources pour les familles à un niveau raisonnable, cela pour aider véritablement les familles en ces temps de difficulté et de défis. Merci beaucoup.

Le président: Merci pour votre exposé. J'ai une petite question à vous poser.

Un peu partout dans nos audiences, nous avons entendu dire qu'il est difficile pour les conjoints de trouver un emploi quand le mari ou la femme est muté dans une autre base, mais c'est la première fois qu'on nous parle du problème des adolescents. Pouvez-vous me dire s'il est très répandu?

Mme Joy Smith: Je ne peux vous en parler qu'en ce qui concerne notre communauté.

À un moment donné, Debert était considérée comme une affectation semi-isolée, parce que nous n'avions pas directement accès à certains services, comme les transports publics. Nous ne pouvons pas compter sur une très grosse assiette économique. Les possibilités d'emploi sont très limitées à cause de notre emplacement. Pour aller travailler, les adolescents doivent se rendre à 15 minutes de voiture de là, à Truro. Comme il n'y a pas de service de transport public, ils ont besoin d'un véhicule, ce qui n'est pas le cas de la plupart d'entre eux, dans notre collectivité. La plupart du temps, le seul véhicule familial, quand les adolescents sont en âge de conduire, est utilisé par le militaire ou par son conjoint pour se rendre au travail.

La plupart de nos adolescents, qui ne sont pas nombreux, font de la garde d'enfants. Celui ou celle qui veut garder des enfants peut le faire tous les soirs.

Quant à l'emploi des conjoints, c'est extrêmement difficile à cause de notre emplacement.

Le président: Une autre chose que je veux tirer au clair. Dans votre mémoire, vous dites que l'Organisme de logement des Forces canadiennes va transférer une partie des LF à la Société de développement du Parc Colchester.

Mme Joy Smith: C'est exact.

Le président: Les LF vont-ils être vendus?

Mme Joy Smith: La Société de développement du Parc Colchester a été mise sur pied pour prendre la relève et administrer les propriétés après le départ des Forces armées de la FSC de Debert.

Je pense qu'il s'agit d'un simple transfert, pas d'une vente officielle. Quatre-vingts des 120 LF du secteur de Debert ont été transférés à la société de développement local qui les loue à des civils. L'office de logement des Forces canadiennes en conserve 40 qui sont tous occupés par des familles de militaire, et a confié la maintenance à contrat à une entreprise privée.

Depuis une bonne année maintenant l'armée négocie avec la Société de développement du Parc Colchester pour le transfert de l'entretien de ces maisons. Je crois que le dernier délai a été fixé à mars 1997, mais je ne sais pas si le contrat a été signé.

Le président: Merci pour votre exposé.

Mme Joy Smith: Merci de m'avoir accordé votre temps.

Le président: Madame Smith, M. Benoit a une question.

• 1015

M. Leon Benoit: Merci pour votre exposé, madame Smith. J'ai été particulièrement heureux d'entendre vos recommandations.

Vous avez dit être gamine de militaire et en être fière; vous avez dit aussi être l'épouse d'un militaire depuis 20 ans et en être tout aussi fière. Ainsi, vous avez passé toute votre vie à l'armée.

Mme Joy Smith: C'est cela.

M. Leon Benoit: À quels changements avez-vous assisté au fil des ans, pour ce qui est du moral des hommes et des femmes en général, au sein des Forces armées?

Mme Joy Smith: Nous avons passé les trois premières années de notre mariage à Debert, et nous y sommes revenus il y a cinq ans. À l'époque, mon mari était sous-officier subalterne et nous avions tous deux trouvé que, dans cette communauté autonome et dynamique, le moral était bon et que les gens avaient un bon sens de la communauté. Nous savions ce qu'on attendait de nous. Nous savions à peu près comment les choses allaient se passer. Nous nous sentions en sécurité, parce que nous nous levions le matin et que nous savions qu'il n'y aurait pas de... qu'on allait avoir du travail et que la vie pourrait se continuer ainsi.

Ce sentiment de sécurité a disparu en même temps que tout ce à quoi nous tenions: nous pouvions compter sur un logement si nous en avions besoin, nous pouvions nous prévaloir de services de counseling en cas de besoin, les militaires n'allaient pas manquer de travail... Bref, autant de choses qui ont disparu petit à petit, parce qu'on nous les a retirées sans égard envers ceux et celles qui restaient derrière et sans savoir comment on allait maintenir le service.

M. Leon Benoit: Donc, ça doit faire mal quand on vous fait le genre de réflexion que vous citez dans votre mémoire: «Vous saviez à quoi vous attendre, si vous n'aimez pas cela, partez».

Mme Joy Smith: Tout à fait.

M. Leon Benoit: Ça doit vraiment faire mal.

Mme Joy Smith: C'est très pénible et on me l'a dit à moi, personnellement.

Je me rappelle l'époque où mon époux s'est engagé dans l'armée, l'époque où nous nous sommes mariés. Nous n'avons jamais imaginé, à ce moment-là, que nous n'arriverions pas à joindre les deux bouts avec ce qu'il gagnait. Le fait qu'il attende jour après jour pendant deux semaines pour savoir s'il va ou non partir pour le Golfe, pendant que moi je console des amies dont le mari a été désigné pour partir... tout cela fait partie de la vie de femme de militaire et je l'accepte, mais quant à savoir ce dans quoi j'allais m'engager... Je sais ce à quoi ma mère pouvait s'attendre, parce que j'étais là, que j'ai vécu à ses côtés, mais je ne me serais pas attendue à faire face au genre de situation à laquelle nous sommes maintenant confrontés.

M. Leon Benoit: Que pensez-vous du changement survenu dans la façon dont les médias traitent les militaires et relatent les événements les concernant?

Mme Joy Smith: Je comprends que pour se vendre les médias sont obligés de faire du sensationnalisme. Je le conçois, mais je vais vous répondre en vous donnant un exemple au sujet d'un récent numéro de Maclean's où il est question de toutes ces histoires concernant des familles de militaire.

M. Jim Jamieson, de la direction du soutien aux familles, a répondu à cet article en s'étonnant du tour sensationnaliste qu'on avait donné aux aspects négatifs de la vie des familles de militaire. Il s'est étonné qu'il n'y ait pas d'autres articles insistant sur le travail des centres de ressources pour les familles ou sur ce que les familles font de leur côté pour s'en sortir d'elles-mêmes. Les organismes de soutien aux familles de militaire et de services sociaux sont extrêmement importants, mais il y a des conjoints et des conjointes qui ne veulent plus accepter cela et qui montrent ce qu'ils peuvent faire par ailleurs.

• 1020

Les médias peuvent justifier leur goût du sensationnalisme parce qu'ils doivent se vendre mais pour ce qui est de la vie des gens, nous aurions certainement mérité plus qu'un paragraphe de six lignes sur ce que les familles font pour s'en sortir elles-mêmes.

M. Leon Benoit: Merci.

Enfin, pensez-vous que l'idée que le public se fait des hommes et des femmes servant dans l'armée, des militaires canadiens, a changé dans le temps?

Mme Joy Smith: Avant la Somalie, je dirais que le grand public, sauf celui qui vit à proximité d'une base ou d'une station, était à peu près indifférent à la vie militaire. Il savait que nous étions là et c'était à peu près tout. Bien des notions préconçues à notre égard sont fausses. Par exemple, des gens m'ont dit que je ne paie pas de loyer, que je ne paie pas d'impôt et que l'armée me chauffe et m'éclaire gratuitement. «Je peux y aller dans votre armée, dites?», me lançait-on. Avant la Somalie, la population était soit indifférente, soit désinformée.

Après la Somalie, les gens ont commencé à nous montrer du doigt et à se mettre en colère. Il est devenu un peu plus difficile de marcher la tête haute dans la rue, de regarder les gens dans les yeux et de déclarer «mon mari est militaire». Voilà pourquoi nous portons des rubans translucides. Je porte le mien tous les jours. Quand quelqu'un me demande ce qu'il représente, je dis avec fierté que c'est pour montrer mon appui à l'armée canadienne, aux militaires et à leur famille. Dans une famille de militaire, même s'il n'y en a qu'un qui porte l'uniforme, tout le monde mène une vie de militaire; cela, peu de gens le voient.

M. Leon Benoit: Merci beaucoup.

Le président: Capitaine Sean Taylor.

Le capitaine Sean Taylor (témoigne à titre personnel): Bonjour, monsieur.

Je suis tellement habitué à m'adresser à mes supérieurs en disant madame ou monsieur, que j'en ai développé un tic.

Je serai bref. Je vous ai fait remettre mon mémoire et comme je ne compte pas lire ces trois pages, je ne prendrai pas trop de temps.

J'estime que nous aurions besoin d'un ombudsman extérieur à l'armée. Il existe bien actuellement un système permettant de corriger les problèmes, de régler les différends ou les injustices subis par les militaires. Il s'agit de ce qu'on appelle la réparation de préjudice. Cependant, un de mes amis a constaté que celui ou celle qui se prévaut de cette procédure de redressement de tort est ensuite victime de représailles subtiles, surtout si un supérieur s'en est trouvé embarrassé.

J'ai un problème qui me poursuit depuis un an et demi. Le mois prochain, je vais me prévaloir de la procédure de redressement de tort pour le régler. Je m'attends à subir certaines conséquences, mais je ne peux plus supporter ce problème. Il faut que je m'en débarrasse.

Je sais, par ailleurs, que des gens ont peur de s'exprimer ouvertement par crainte de représailles et qu'ils subissent en silence les injustices qu'on leur fait. Ils ne veulent pas faire de remous. Ils ne veulent pas être la prochaine personne à perdre son emploi à cause de la réduction des effectifs, celle dont on se débarrassera de l'escadron ou du service ou encore celle qu'on mutera ailleurs. Pour tous ces gens-là, j'estime que nous avons besoin d'un ombudsman, de quelqu'un qui pourra nous donner un coup de main de l'extérieur de l'armée, de sorte que les gens s'estimant victimes de représailles subtiles puissent tout de même s'adresser à quelqu'un.

Voilà l'essentiel de ma présentation.

• 1025

Le président: Monsieur Benoit, vous voulez poser une question?

M. Leon Benoit: Je ne me rappelle plus la question que je voulais poser, mais vous envisagez un ombudsman hors du cadre militaire et qui serait chargé de réparer les torts. C'est cela?

Capt Sean Taylor: Le système de réparation de préjudice au sein de l'armée demeurerait, mais je pensais surtout aux gens qui ont peur de recourir à cette procédure parce que, ce faisant, on s'expose à tous ceux qui ont pris part à votre petite injustice. Les gens doivent pouvoir s'adresser à quelqu'un tout en protégeant leur anonymat un certain temps, en attendant de savoir ce qu'ils peuvent faire pour régler leur problème.

M. Leon Benoit: Donc, votre ombudsman ne représenterait pas forcément un dernier recours, mais ce serait une première étape qui pourrait intéresser la personne ayant un problème, des préoccupations ou un grief et qui ne se sentirait pas suffisamment à l'aise pour recourir au système formel. L'ombudsman serait-il un intermédiaire dans ce cas?

Capt Sean Taylor: Ce serait peut-être la meilleure chose à faire. Je ne sais ce que je pourrais vous dire d'autre, mais sachez que des gens ont peur de se prévaloir de l'actuel système formel et je connais des gens qui ont été victimes de représailles subtiles. Je ne veux pas m'enfoncer trop dans le détail, parce qu'ils m'ont demandé de ne pas le faire. J'aurais aimé qu'ils se présentent devant vous, mais ils ont encore peur de parler, même à vous. On nous a garanti que nous ne subirions aucune représaille en nous présentant devant vous, malgré cela, ces personnes ont peur de s'exprimer ouvertement.

Que l'ombudsman soit une personne à qui l'on s'adresserait en dernier recours ou en premier lieu... ce serait quelqu'un, hors de la chaîne de commandement, à qui l'on pourrait faire part de ses griefs sans craindre de représailles. Nous pouvons déjà nous adresser à l'extérieur de la chaîne de commandement. Par exemple, si j'avais un grief relatif aux droits de la personne, je pourrais m'adresser à la Commission canadienne des droits de la personne. Cependant, pendant que la Commission étudierait ce cas, tout grief que j'aurais déposé précédemment au sein des Forces armées serait mis en suspens en attendant que la Commission rende son jugement. Je ne suis pas sûr de ce qui se passerait par la suite.

Ce serait quelqu'un à qui l'on s'adresserait si l'on avait peur d'entamer une procédure de recours.

M. Leon Benoit: La Commission sur la Somalie a recommandé la création d'un poste d'inspecteur général indépendant, complètement en dehors de la structure militaire, qui serait chargé d'examiner des problèmes militaires. Hier, quelqu'un a recommandé que l'on nomme une personne de ce genre dans chaque base. C'est peut-être beaucoup plus cela le genre d'ombudsman dont vous voulez parler. Peut-être que cette personne pourrait relever de l'autorité d'un inspecteur général indépendant. Les deux iraient bien ensemble.

Je comprends tout à fait ce que vous voulez dire et j'apprécie votre intervention.

Merci.

Capt Sean Taylor: Merci, monsieur.

Le président: Monsieur Pratt.

M. David Pratt: Merci, monsieur le président.

Je n'ai pas vraiment d'opinion sur la formule d'un ombudsman pour régler les plaintes, mais je vais jouer les avocats du diable pour voir ce que cela pourrait donner de recourir à un officiel situé en dehors de la chaîne de commandement pour se pencher sur des problèmes de personnel.

Tout cela ne se ramène-t-il pas à une question de commandement? Quand un supérieur, que ce soit un capitaine, un major, un colonel ou autre, a sans cesse des problèmes avec plusieurs de ses subalternes, cela n'est-il pas indicatif qu'il existe un problème dans la façon dont ce supérieur traite ses gens?

Pour pousser un peu plus mon raisonnement, je vous dirai que je n'ai pas l'impression que vous allez régler le problème, que vous allez vous attaquer aux racines du mal. Si au lieu de favoriser la confrontation entre un subordonné et son supérieur, vous recourez à une tierce partie que vous chargerez d'examiner la situation, j'ai l'impression que vous n'arrangerez pas les choses relativement à d'éventuelles promotions à venir, parce que tôt ou tard le responsable du problème découvrira ce qui s'est passé étant donné qu'il y aura enquête.

• 1030

Voici ce que j'essaie de vous dire, doucement mais sûrement: sauf si les deux antagonistes règlent leur problème entre eux, plutôt que de recourir à une tierce partie, chacun se retranchera dans ses positions. Ne pensez-vous pas que c'est ce qu'il risque de se produire si l'on faisait intervenir un ombudsman?

Capt Sean Taylor: Oui et non. L'ombudsman doit avoir les pouvoirs nécessaires pour faire appliquer les décisions qu'il rend, et s'il constate l'existence d'un problème systémique, il analysera alors la situation de toute l'unité.

Il y aura toujours des conflits de personnalité. Le problème, dans l'armée, tient en partie au fait que si je me plains à mon supérieur, il pourra toujours me dire: «Tu as parfaitement raison, je vais en parler à mon patron». Son patron, pourra lui rétorquer: «Désolé, je ne vois pas où est le problème, je ne veux plus en entendre parler». Si tel est le cas, je n'ai plus qu'à me prévaloir de la procédure de recours.

Cela fait 15 ans que je suis dans les Forces armées et j'ai vu comment fonctionne le réseau des copains, monsieur; il fonctionne très bien quand on les embarrasse. Ils se vengent.

Des voix: Bravo, bravo!

M. David Pratt: Mais embarrasser quelqu'un et essayer de travailler avec lui pour résoudre un problème, c'est deux choses différentes.

Des voix: Ah, ah!

Capt Sean Taylor: Mais il ne sert à rien d'essayer de régler un problème avec un officier supérieur, monsieur. C'est sa décision. S'il n'aime pas ce que vous dites, il vous le fera remarquer et ça s'arrêtera là, sauf si vous voulez vous prévaloir de la procédure de recours, auquel cas vous vous en prenez de nouveau au réseau des vieux copains, parce que vous lui passez au-dessus de la tête et que vous allez exposer le problème à l'extérieur de l'unité. Le cas échéant, le problème n'est plus caché au niveau de l'unité.

M. David Pratt: Il est évident qu'il peut y avoir différent type de commandement au sein de l'armée.

Capt Sean Taylor: Effectivement.

M. David Pratt: Certains seront plus communicatifs et plus portés à la consultation pour régler les problèmes avec leurs subordonnés; d'autres, en revanche, seront peut-être plus autocratiques et tyranniques.

Capt Sean Taylor: En ce qui me concerne, mon patron a essayé de m'aider du mieux qu'il l'a pu, mais il s'est fait taper sur les doigts. Il m'appartient maintenant de me prévaloir de la procédure de recours et de faire monter mon problème le long de la hiérarchie. Je dois commencer par lui, bien qu'il ne puisse rien faire pour moi et qu'il l'ait admis. Le dossier sera ensuite transmis à son patron et si je n'aime pas sa réponse, je pourrai monter d'un autre cran.

Au troisième échelon, le problème n'est plus local. Il sort de l'escadre et tout le monde dans l'armée peut en prendre connaissance. Cela peut être gênant pour mes supérieurs, surtout si j'ai vraiment été victime d'une injustice.

Je vais vous donner une idée de ce qui se passe. On m'a détaché temporairement auprès d'une autre unité. Dans l'armée, l'expression «temporaire» est synonyme de six mois. On m'a dit—et vous le trouverez dans mon mémoire—que j'allais être détaché en renfort auprès du quartier général pendant les exercices auxquels le Canada participe. J'ai été d'accord d'apporter mon aide. L'unité que je quittais était à cours de personnel. Mes deux patrons se sont dit que je ne leur manquerais pas pendant six mois et que si je devais être déployé pendant une semaine ou deux, pour ces exercices, que personne n'en mourrait.

Un vendredi après-midi, en novembre 1996, j'ai appris que j'allais être envoyé au Rwanda pour six mois et c'est alors que je me suis rendu compte de ce que tout cela allait signifier. J'ai posé des questions autour de moi, mais personne ne savait que ce poste pouvait faire l'objet d'un déploiement à l'étranger. Personne ne s'est préoccupé de me demander si j'étais vraiment volontaire pour cette mission. Moi, je m'étais engagé dans l'armée de l'air.

Je ne refuse pas de servir mon pays. Je suis très fier de cela. Lisez donc mon premier paragraphe. Je suis très fier de ce que je fais et j'adore ce que je fais. Je n'avais eu aucun problème à porter mon uniforme pendant le scandale de la Somalie. J'y tenais parce que j'y croyais et que j'estimais qu'il fallait faire savoir aux gens que nous n'étions pas tous comme ceux-là.

J'ai essayé de me dégager de ce problème. Si je pose mon grief et qu'il est accepté, je serai enfin relevé de cette affectation temporaire, 21 mois plus tard. C'est l'autre volet de ma plainte. On m'a demandé de le faire pour six mois et il m'aura fallu attendre 21 mois pour en être dégagé. En fait, l'unité auprès de laquelle je suis censé remplir cette mission m'a même laissé entendre que le personnel ne devrait pas rester sur la liste d'attente pendant plus d'un an, car ensuite il est versé sur une liste secondaire.

Je sais que je vais occasionner un certain embarras, parce qu'en acceptant cette affectation, j'ai aidé deux autres militaires en déploiement à court terme. Comme j'ai accepté ce déploiement, je me suis mis en disponibilité pour d'autres déploiements, parce que je suis un bon gars. Cela en est arrivé au stade où je ne parviens même plus à me dégager de cette affectation et personne ne veut me remplacer, parce que j'ai été trop bête.

• 1035

J'ai essayé de m'en sortir. J'ai essayé d'en parler à mon patron. Je vous ai expliqué ce qui s'est passé à cet égard. Je n'ai plus d'autre choix à présent que de me prévaloir de la procédure de recours. Je suis très sérieux et j'ai peur des répercussions que cela pourrait provoquer. C'est en partie pour cela que j'ai décidé de venir m'adresser à vous, parce qu'on m'a dit que si je venais ici, je ne ferais pas l'objet de représailles pour mes propos. En fait, vous allez me servir un peu de bouclier.

J'estime que nous devrions avoir un ombudsman en partie pour cela, pour faire office de bouclier, parce que cette personne serait chargée de surveiller ce qui arrive aux plaignants, une fois réglées les plaintes pour injustice; ce serait une personne qui pourrait veiller à ce qu'il n'y ait pas de représailles.

J'espère avoir répondu à votre question.

M. David Pratt: Je le pense. Comme je le disais, je n'ai pas vraiment d'avis à propos de l'ombudsman, mais vous nous avez un peu éclairé.

Le président: Merci beaucoup.

Capt Sean Taylor: Merci pour votre temps, monsieur.

Des voix: Bravo, bravo!

[Français]

Le président: Mesdames et messieurs, nous entendrons maintenant notre dernier témoin, le caporal Mario Castonguay.

[Traduction]

Le caporal Mario Castonguay (témoigne à titre personnel): Je vais vous parler en français, parce que mon anglais n'est pas très bon.

[Français]

Je m'appelle Mario Castonguay. Je suis caporal et membre des Forces armées canadiennes depuis plus de 17 ans. J'ai demandé à comparaître devant le comité afin de parler de mes problèmes de santé.

Depuis un an, je souffre de problèmes de dos. Les Forces armées canadiennes ont essayé de me guérir avec des traitements de physiothérapie. Après six mois de traitements, la thérapeute m'a remis une lettre à l'intention de mon médecin, l'informant que la physiothérapie ne pouvait rien régler pour moi et qu'il fallait que je me fasse opérer.

J'ai été témoin de l'efficacité du côté militaire, où on a vu à ce que j'obtienne une consultation en physiothérapie le plus vite possible. La qualité des services et le nombre de rendez-vous qu'on a bien voulu m'accorder ont été excellents, car ces services sont encore disponibles dans les hôpitaux militaires. Mais c'est ensuite que les choses se gâtent. En raison de toutes les compressions budgétaires qu'ont subies les Forces armées canadiennes, il n'est plus possible de se faire opérer par un chirurgien des Forces armées, comme c'était le cas auparavant dans les grands hôpitaux militaires d'Ottawa, Halifax et Valcartier. J'ai même écrit une lettre que j'ai adressée à la chaîne de commandement pour savoir si les Forces armées ne pourraient pas accélérer le processus. On m'a répondu que je ne pourrais me faire opérer plus vite que si mon état de santé empirait. Personnellement, je trouve ça complètement ridicule.

Quand j'ai décidé de servir mon pays il y a 17 ans, il y avait du pour et du contre. Mais je me suis quand même enrôlé dans les Forces armées. Parmi les avantages, il y avait le fait qu'il n'y avait pas de niaisage du côté médical. On savait que s'il nous arrivait quelque chose, l'armée prendrait soin de nous et nous remettrait sur pied le plus vite possible. Maintenant, ça a bien changé.

Je vous décrirai ce que j'ai subi après ma physiothérapie. On a commencé par me donner un mois de congé médical, après quoi j'ai recommencé à travailler une journée sur deux. Je ne travaille maintenant que des demi-journées. Je devais prendre deux comprimés de Tylenol 3 et deux d'Ibuprofen trois fois par jour, et un de Réactine. J'ai suivi cette posologie pendant trois mois et j'ai dû arrêter car je n'étais plus du monde. Ma femme me trouvait grincheux, nerveux et très agressif, sans compter tous les autres problèmes de santé que ces médicaments ont occasionnés.

Maintenant je vis avec mon mal. Il y a des matins où il me faut jusqu'à une demi-heure pour sortir de mon lit. Je ne prends plus que deux comprimés de Tylenol 3 au coucher. Mes enfants et ma femme trouvent que j'ai meilleur caractère comme ça. Je dors presque tous les après-midi après le travail pour pouvoir replacer mon dos en ligne droite, pour ainsi dire. Mais si je prends mon fils de deux ans et que je le lève pour jouer avec lui, je le ressens par la suite et je dois me coucher pour replacer mon dos, sinon je deviens tout croche et j'ai de la difficulté à marcher.

Pour ce qui est de ma fierté, face à mes confrères de travail et à la maison, ça fait mal de ne pas pouvoir faire beaucoup de choses. C'est très dur pour le moral.

• 1040

Je ne crois pas que donner des médicaments à une personne pour qu'elle ne sente plus son mal soit une bonne solution à long terme. Les Forces armées canadiennes auraient dû garder leur niveau exceptionnel de services dans leurs hôpitaux. C'était un des bons côtés de la vie militaire, soit de savoir que si jamais on avait un problème de santé, les Forces armées canadiennes prendraient soin de nous aussi vite que possible.

J'espère que mon témoignage aidera votre comité et qu'on apportera des améliorations du côté médical dans les Forces armées canadiennes. Je ne souhaite pas à qui que ce soit de vivre ce que je vis en ce moment.

Je ne connais toujours pas la date où l'on va m'opérer. Je trouve difficile de vivre au jour le jour, sans pouvoir faire de projets de vacances, par exemple. Si je prévois des vacances pour telle ou telle date, c'est peut-être à ce moment-là que l'hôpital civil va m'appeler pour me dire que je dois aller me faire opérer. Si je partais, je perdrais mon tour.

Voici ce je ne comprends pas. Pourquoi les Forces armées canadiennes n'ont-elles pas le pouvoir de contrôler quand un de ses membres subira telle ou telle opération? Dois-je comprendre que si le spécialiste ou le chirurgien est occupé pendant les deux prochaines années, on ne m'opérera que dans deux ans? C'est une situation à laquelle il faut remédier le plus vite possible, pas seulement pour moi, mais aussi pour tous les membres des Forces armées canadiennes.

Pour terminer, j'aimerais ajouter que dans mon coeur, j'ai choisi de servir mon pays et que je ne demande pas grand-chose en échange: seulement un peu de reconnaissance et de respect pour l'être humain que je suis. Merci.

Le président: Merci beaucoup, caporal. Est-ce que vous avez averti vos supérieurs de votre mal de dos?

Capl Mario Castonguay: Comme je vous le disais, j'ai fait parvenir une note de service à la chaîne de commandement. Mon commandant a rencontré le sergent de la base. Tout ce qu'ils peuvent me dire, c'est qu'ils ne peuvent rien faire parce qu'un chirurgien civil doit m'opérer. Il faut qu'on attende. On ne pourrait accélérer le processus que si mon état empirait. Cela n'a pas de bon sens.

Le président: Est-ce que vous faites maintenant les mêmes travaux qu'auparavant?

Capl Mario Castonguay: Non. Je suis habituellement responsable du bon fonctionnement des ordinateurs sur la base. En ce moment, la seule chose que je fais, c'est rester à mon bureau, répondre au téléphone et acheminer les appels, cela à raison de demi-journées. Comme vous le voyez, c'est une perte de temps et d'effort puisqu'en raison de mon absence, mes coéquipiers ont plus de travail à faire. On ne sait pas quand cela va finir. C'est cela qui est fatigant. Si au moins on fixait une date et que je savais qu'on m'opérera le 9 septembre, par exemple, je saurais à quoi m'en tenir.

Je les appelle à chaque mois. Ce mois-ci, j'ai encore appelé et on m'a dit que l'horaire de mai était complet, mais que l'horaire de juin n'était pas encore terminé. En février, la première fois que j'ai consulté le médecin civil, il m'a dit que l'opération aurait lieu au cours du même mois. Je l'ai appelé à la fin du mois de février et sa secrétaire m'a dit qu'elle ne pouvait toujours pas me donner une date, mais que ce serait probablement en mars. Alors, le 9 mars, j'ai rappelé et elle m'a dit que ce ne serait ni en mars ni en avril puisque l'horaire était déjà bien rempli. J'ai attendu jusqu'au mois de mai et on me dit encore que c'est complet et que l'horaire de juin n'est pas encore établi. On peut niaiser longtemps comme cela. Il ne me reste que trois ans d'ici la fin de ma carrière. Est-ce que je vais pouvoir me faire opérer avant d'avoir 20 ans de carrière?

Le président: Merci beaucoup.

Capl Mario Castonguay: Merci.

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, voilà qui met un terme à nos audiences de Halifax. Je tiens à remercier l'amiral et tous les autres qui on su rendre notre séjour très agréable; merci aussi à vous d'être venus et de nous avoir fait part de vos points de vue. Merci beaucoup.

La séance est levée.