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ENVI Rapport du Comité

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8.     ÉVALUATIONS DU RISQUE ET DE LA VALEUR


8.1    Une des principales missions de l'Agence de réglementation de la lutte antiparisitaire (ARLA) est de protéger la santé humaine et l'environnement en réduisant les risques associés aux pesticides. La façon fondamentale d'y arriver consiste à appliquer la Loi sur les produits antiparasitaires (LPA) et son règlement, qui stipulent que tous les produits importés, fabriqués, vendus ou utilisés au Canada à des fins de lutte antiparasitaire doivent être homologués. Pour être homologué, un pesticide doit satisfaire à deux critères. Les risques pour la santé et l'environnement doivent s'avérer acceptables et le produit doit être jugé comme ayant une valeur. Le présent chapitre porte sur la façon dont l'ARLA, par son processus d'homologation, établit les risques et la valeur des pesticides. Le chapitre suivant porte sur la façon dont l'ARLA utilise les règlements pour gérer les risques. Les annexes 8.1 et 8.2 renseignent sur les méthodes générales d'évaluation du risque et de gestion du risque.

Évaluation du risque

8.2    Le risque que présente l'usage d'un pesticide pour la santé humaine et l'environnement est fonction de deux facteurs : la toxicité du pesticide et la quantité de la substance à laquelle les êtres humains et l'environnement sont exposés. Par conséquent, l'ARLA doit disposer de données de toxicité et d'exposition suffisantes pour pouvoir bien évaluer le risque115. Le demandeur d'homologation (personne désirant faire homologuer un pesticide) est tenu par l'ARLA d'effectuer une série de tests sur la toxicité du pesticide et sur le devenir de ce pesticide dans l'environnement. L'ARLA analyse les résultats afin de déterminer si elle doit homologuer le pesticide et comment celui-ci doit être utilisé. De plus en plus, les méthodes générales d'évaluation du risque sont harmonisées à l'échelle internationale, et l'ARLA s'y conforme.

8.3    Il importe de noter que c'est le demandeur d'homologation et non l'ARLA qui réalise les études, en laboratoire et sur le terrain, sur lesquelles les décisions réglementaires seront fondées. Certains témoins et membres du Comité s'en inquiètent car ils entrevoient la possibilité que les études réalisées et présentées par les demandeurs d'homologation soient biaisées. Pour s'assurer de la qualité et de l'intégrité des données fournies, l'ARLA exige que les études soient réalisées suivant ce qu'on appelle de bonnes pratiques de laboratoire (BPL) et elle a publié une directive d'homologation portant ce titre. Les principes des BPL visent à promouvoir la qualité et la validité des données des tests. Les BPL définissent le processus organisationnel et les conditions dans lesquelles les études de laboratoire et sur le terrain sont planifiées, réalisées, surveillées, consignées et diffusées. L'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a harmonisé les BPL et a établi un plan de surveillance par le truchement du programme de vérification des bonnes pratiques de laboratoire. Les responsables du programme inspectent les laboratoires participants et émettent des déclarations de conformité à ceux qui satisfont aux critères des BPL.

8.4    Toutes les études entreprises pour l'ARLA après le 1er avril 2000 doivent être conformes aux BPL et doivent donc être certifiées à cet égard. Selon l'importance relative et l'incidence potentielle des études en question, l'ARLA peut exempter des laboratoires qui n'ont pas la certification BPL (dispensée par les responsables) s'ils sont certifiés en vertu de programmes semblables.

8.5    Le Comité a envisagé de recommander que l'ARLA réalise ses propres études d'évaluation de risque plutôt que les confier aux demandeurs d'homologation. Il n'entend pas faire cette recommandation pour l'instant à cause de l'existence du programme des BPL de l'ARLA, de la faisabilité de ce genre d'étude pour tous les produits et du fait que d'autres ministères fédéraux acceptent également les données fournies par les demandeurs à l'appui de l'homologation de leurs produits. Nous pensons toutefois qu'il est important que l'ARLA précise les conditions de telles exemptions.

Le Comité recommande que les systèmes de contrôle de la qualité et de l'intégrité des données, qui seraient acceptés comme équivalents en remplacement du programme des bonnes pratiques de laboratoire de l'Organisation de coopération et de développement économiques, soient clairement définis en tant que directive d'homologation de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire.

Santé humaine

8.6    Il est évidemment impossible de mener des études de toxicité sur les êtres humains. Les tests à l'appui d'une homologation sont donc réalisés sur des mammifères dont la longévité est relativement courte, tels le rat, la souris et le chien, et les résultats sont extrapolés à l'être humain.

8.7    Les effets possibles d'un pesticide sur la santé humaine sont variables, de nuls à provoquant la mort. Les tests de toxicité exigés des demandeurs d'homologation sont conçus pour mesurer une gamme d'effets particuliers (souvent appelés effets toxicologiques). Les tests portent sur les aspects suivants :

  • toxicité aiguë
  • toxicité à court terme
  • toxicité à long terme et cancérogénicité
  • toxicité par rapport à la reproduction et au développement
  • génotoxicité
  • métabolisme et toxicocinétique
  • neurotoxicité
  • immunotoxicité et perturbations du système endocriniens (à partir des tests susmentionnées)116.

8.8    Les tests de neurotoxicité ne sont en général nécessaires que pour les classes de produits chimiques connues pour agir sur le système nerveux. Les effets toxicologiques tels que les effets sur le système immunitaire et les effets sur le système hormonal par perturbation endocrinienne ne sont actuellement pas mesurés par des tests particuliers, mais ils sont examinés à la lumière des résultats d'autres études. L'ARLA publie à l'intention des demandeurs d'homologation et du public des directives d'homologation qui énumèrent les études requises selon les types de produits. D'après l'ARLA, ces listes sont de plus en plus harmonisées avec les pays étrangers, surtout avec les États-Unis117. En outre, les méthodes de test actuelles sont normalisées et publiées par l'OCDE118 ou par l'Environmental Protection Agency (EPA) des États-Unis.

8.9    La liste des tests requis pour homologation doit être assez souple pour pouvoir être modifiée en fonction des nouveaux risques potentiels qui sont révélés par les nouvelles connaissances sur les pesticides.

Des modifications au Règlement sur les produits antiparasitaires ont été proposées pour faire en sorte que les conditions générales d'homologation du règlement soient décrites de façon aussi complète que possible119.

8.10    Le Comité est d'accord avec ce type de modification, mais il craint toujours que les directives d'homologation de l'ARLA qui dictent les exigences aux demandeurs d'homologation ne soient pas à jour par rapport à l'état actuel du savoir scientifique concernant les dommages que les pesticides peuvent causer à l'homme. Il ressort déjà que certaines substances peuvent avoir des effets graves sur les systèmes nerveux et endocrinien, et pourtant aucune condition d'homologation n'impose des essais obligatoires particuliers pour mesurer ces effets. Le Comité a reçu plusieurs mémoires concernant cette lacune. Le Sierra Club du Canada, l'Association canadienne du droit de l'environnement (ACDE), le Collège de médecine de famille de l'Ontario et l'Association canadienne des troubles d'apprentissage (ACTA) proposent d'exiger l'administration courante des tests de neurotoxicité développementale et des tests de perturbation du système endocrinien pour tous les types de produits. Voir ce que Mme Barbara McElgunn, de l'ACTA, a dit à ce sujet :

J'ai lu avec intérêt la transcription des témoignages de personnes qui ont déjà comparu à votre comité, et particulièrement celui de [Mme] Claire Franklin. En effet, celle-ci a déclaré que tous les pesticides subissent une évaluation commerciale poussée avant d'être utilisés et même vendus au Canada. Une telle déclaration, souvent entendue des représentants de l'ARLA, peut bien calmer les inquiétudes du public, mais [à notre avis] elle n'est pas entièrement exacte. Ainsi, la base de données sur la toxicité de nombreux pesticides souffre de graves lacunes, notamment l'absence de données issues de tests de neurotoxicité développementale. Nous sommes préoccupés de constater que les tests de neurotoxicité développementale ne sont pas mentionnés dans [les avis récents] de l'ARLA relatifs à une réévaluation des pesticides organophosphorés qui agissent par action neurotoxique, ni dans le projet de document sur l'harmonisation des règles canadiennes avec celles de l'EPA, pour la protection de la santé des enfants. Pourtant, aux États-Unis, cette carence en matière de tests est une question de première importance à laquelle on semble s'attaquer120.

8.11    Presque tous les témoins ont réclamé que les processus d'évaluation et de gestion du risque soient entièrement transparents, et plusieurs ont recommandé que le processus suivi par l'ARLA soit clairement défini et publié121. En outre, l'ACTA et l'ACDE et CMFO ont proposé que les processus soient inscrits dans une loi ou un règlement. Le Comité est d'accord pour reconnaître que les méthodes d'évaluation et de gestion des risques qu'utilise l'ARLA doivent être publics.

Le Comité recommande que les processus d'évaluation et de gestion des risques qu'applique l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire soient clairement définis et publiés.

8.12    Même si le Comité a reconnu que la pratique suivie par l'ARLA pour recueillir et utiliser des données de toxicité chez les humains est normalisée, il est d'avis qu'il y a beaucoup de vrai dans les présentations de Mme Bertell et de l'ACTA122. Si pour un certain pesticide on ne requiert pas de tests, les effets possibles étudiés dans ces tests ne peuvent jamais être pris en compte dans l'équation du risque. Pour que l'ARLA agisse de manière prudente, elle doit compléter sa liste d'études toxicologiques obligatoires pour les différentes catégories de pesticides. Selon Mme Bertell, la méthode d'évaluation du risque est de portée limitée parce qu'elle repose sur des tests dose-réponse. Selon d'autres témoins, il faudrait prolonger les durées d'exposition précisées dans les protocoles internationaux pour pouvoir mieux évaluer le développement fœtal et juvénile123.

Le Comité recommande que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire ajoute des tests de neurotoxicité et, dès qu'ils seront disponibles, des tests de perturbation du système endocrinien aux études toxicologiques obligatoires pour tous les pesticides.
Le Comité recommande que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire collabore avec l'Organisation de coopération et de développement économiques et l'Environmental Protection Agency des États-Unis afin de modifier les protocoles pour étudier les effets des pesticides sur le développement du fœtus et sur les enfants, incluant le développement neurologique.

8.13    L'évaluation des niveaux d'exposition des êtres humains à un pesticide particulier est une tâche complexe. Par exemple, un travailleur peut être exposé en manipulant des pesticides, en ingérant un aliment ou de l'eau contaminés par des résidus de pesticides ou après avoir été en contact cutané avec un pesticide. On évalue l'exposition dans le cas des travailleurs et des personnes qui sont exposées fortuitement (victimes passives), dont les enfants, et en cas d'ingestion de traces de pesticides dans les aliments (résidus dans les aliments).

8.14    L'ARLA évalue l'exposition d'un travailleur et l'exposition fortuite (d'origine alimentaire ou autre) à un pesticide à partir de données sur le mode et la fréquence d'utilisation du pesticide et sur la quantité utilisée. C'est à partir des résultats des tests menés sur le terrain par des tiers pour le compte du demandeur d'homologation qu'on détermine la concentration résiduelle de pesticides qui peut se retrouver dans un aliment (compte tenu du mode d'emploi).

8.15    Même si l'ARLA fournit des renseignements assez détaillés sur les exigences générales des études de toxicité, elle a publié peu d'information sur la façon dont elle évalue l'exposition, notamment dans le cas des enfants.

Selon bien des témoins, les évaluations sont faites pour des travailleurs de 70 kg et les résultats sont simplement ramenés à l'échelle des enfants124. L'ARLA a fait part au Comité que même si cela a pu se produire dans le passé, ce n'était plus le cas maintenant125.

8.16    L'ARLA a indiqué qu'elle utilise une grande banque internationale de données d'études d'exposition pour caractériser les diverses sous-populations qui peuvent être exposées, dont les enfants. Pour évaluer les expositions non alimentaires des enfants, elle tient compte de l'ensemble des voies d'exposition (par ex., exposition cutanée par contact direct ou indirect avec des pesticides, ingestion non alimentaire par inhalation et par transfert de résidus de la main à la bouche). Les facteurs particuliers dont il est question au chapitre sur la vulnérabilité particulière des enfants, par exemple les types d'activités et les caractéristiques physiologiques uniques, sont pris en compte dans ces évaluations. À défaut de données spécifiques, on utilise des valeurs par défaut prudentes pour obtenir une dose estimative maximale d'exposition. Des méthodes normalisées et reconnues internationalement ont été établies pour évaluer les expositions non alimentaires des nourrissons et des enfants. Les chercheurs de l'ARLA participent étroitement à ces efforts et les suivent de près126. Dans sa lettre au Comité127, Mme Bertell indique que même si l'ARLA prétend tenir compte de l'exposition différente des enfants, rien n'indique de quelle façon elle tient compte du fait que les enfants ont « des systèmes immunitaire et neurologique qui peuvent réagir différemment de ceux des adultes ».

8.17    Pour évaluer les risques pour la santé humaine, on compare les niveaux estimatifs d'exposition aux niveaux sans danger recommandés à la suite de tests toxicologiques.

8.18    La première étape dans le calcul des niveaux sans danger pour une exposition humaine consiste à établir, pour chaque test toxicologique, le niveau maximal d'un pesticide pour lequel on n'observe aucun effet nocif ou toxicologique chez l'animal qui subit le test. C'est ce qu'on appelle la concentration sans effet négatif observable (CSENO). Parmi les CSENO de chaque test, on choisit une valeur de référence, qui est souvent la CSENO correspondant à la plus faible concentration qui ne produit pas d'effet négatif.

8.19    Les animaux de laboratoire ne sont toutefois pas des humains. Le problème qui se pose alors consiste à savoir comment établir des niveaux sans danger pour l'homme à partir des niveaux sans danger évalués chez les animaux testés dans les études de laboratoire. L'ARLA procède à cette extrapolation pour deux différents types d'exposition : exposition de travailleurs ou de victimes passives, et exposition alimentaire.

8.20    Dans ce type d'évaluation, on divise le niveau jugé sans danger pour les animaux d'expérience (CSENO de référence) par l'exposition estimative des travailleurs ou des victimes passives afin d'établir la marge de sécurité (MS).

En général, l'ARLA considère une MS de 100 comme acceptable pour tenir compte de la variation possible des réponses et des extrapolations chez les animaux et les êtres humains128 (c.-à-d. que l'exposition estimative devrait être 100 fois inférieure à la CSENO de référence).

8.21    Mme Bertell et les représentants de l'organisme Campagne pour la réduction des pesticides ont critiqué cette méthode parce que, à leur avis, c'est à partir des résultats d'études sur l'exposition réelle des travailleurs, des victimes passives et des populations, et d'études de laboratoire, qu'on peut évaluer les effets possibles avec exactitude129. (La question du suivi et de la déclaration obligatoires des effets négatifs sera abordée au prochain chapitre.)

8.22    Pour établir les niveaux d'exposition alimentaire sans danger chez les êtres humains à partir d'extrapolations de résultats sur les animaux de laboratoire, l'ARLA divise la CSENO de référence par un facteur de sécurité de 10.

8.23    Une autre source de variation vient des différences normales dans une population humaine. Autrement dit, différentes personnes peuvent réagir différemment à une même exposition. Par conséquent, la CSENO est divisée par un autre facteur de sécurité de dix. L'ARLA calcule donc le niveau sans danger pour les humains (appelé la dose journalière admissible ou DJA) en divisant la CSENO par un facteur de sécurité de 100 (facteur de 10 multiplié par un facteur de 10).

8.24    L'idée des facteurs de sécurité et de leur application dans le calcul des DJA pour les pesticides et les additifs alimentaires a été adoptée par l'Organisation mondiale de la santé (OMS) au début des années 1960130. Concernant les facteurs de sécurité, le Fonds mondial pour la nature ainsi que l'Association canadienne du droit de l'environnement et le Collège de médecine de famille de l'Ontario ont toutefois proposé que l'ARLA suive l'exemple des États-Unis en matière de protection des enfants131. Aux États-Unis, la Food Quality Protection Act (FQPA) exige que l'Environmental Protection Agency (EPA) applique un facteur de sécurité additionnel de 10 lorsqu'elle évalue le risque découlant de la présence d'un pesticide dans l'alimentation des enfants. Le facteur ne peut être éliminé que si des données fiables montrent que les résidus sont sans danger pour les enfants. Aux États-Unis, ce facteur de sécurité additionnel est destiné à tenir compte de la toxicité possible pré- et postnatale et de l'état plus ou moins complet des données d'exposition et de toxicité relatives aux enfants. Étant donné la vulnérabilité des enfants, des fœtus et des autres segments de la population dont il est question aux chapitres 6 et 7 du présent rapport, le Comité est d'avis que les enfants doivent être mieux protégés contre les dangers possibles des pesticides. Par conséquent, nous pensons que l'ARLA devrait aller plus loin que les États-Unis et tenir compte de la vulnérabilité de certains segments de la population en évaluant tous les risques et non seulement les risques d'origine alimentaire132.

Le Comité recommande :
a) que Santé Canada poursuive la recherche sur la pertinence d'un facteur additionnel de 10 afin de protéger la santé des enfants;
b) que soit au moins ajouté un facteur de sécurité de 10 dans le calcul de la tolérance aux résidus de pesticides contenus dans les aliments afin de protéger la santé des membres vulnérables de la population, dont les enfants et les fœtus;
c) que soit au moins décuplées les marges de sécurité acceptables pour les enfants, pour les faire passer de 100 à 1 000;
d) que l'application de ce facteur de sécurité additionnel soit inscrite dans la nouvelle loi sur la lutte antiparasitaire.

8.25    Le facteur de sécurité accru servira de tampon pour tenir compte de l'incertitude actuelle concernant l'exposition et la vulnérabilité des enfants et des autres groupes de la population sensibles aux pesticides.

8.26    Il arrive que de faibles quantités de pesticides, appelées résidus, se retrouvent dans un aliment. Pour éviter qu'une exposition alimentaire à des résidus de pesticides chez l'être humain dépasse le niveau sans danger, soit la dose journalière admissible, l'ARLA établit des limites maximales pour les niveaux de résidus de pesticides qui sont permis dans les aliments. Ces limites sont appelées limites maximales de résidus ou LMR. Le Comité a appris que la méthode de calcul des LMR est à peu près la même dans l'ensemble des pays développés et des organismes internationaux. Elle consiste à évaluer, à partir d'essais sur le terrain, la quantité de pesticides qu'il est probable de retrouver dans un aliment ainsi que la quantité de l'aliment qui sera consommée. Les LMR pour un pesticide ne sont approuvées que si leur total dans tous les aliments possibles est inférieur à la dose journalière admissible pour ce pesticide. L'ARLA fixe actuellement des LMR pour chaque pesticide, et ne tient pas compte de la présence de résidus de plusieurs pesticides. Les LMR sont précisées dans la Loi sur les aliments et drogues, et la surveillance des infractions est la responsabilité de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA), un organisme autonome qui relève d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. L'ACIA doit assumer toutes les fonctions d'inspection se rapportant aux aliments -- sécurité, économie, fraudes, exigences commerciales -- et les programmes sanitaires visant les animaux et les plantes.

8.27    Entre 1994 et 1998, l'ACIA a vérifié un total de 43 379 échantillons d'aliments, dont 805 contenaient des résidus en quantités supérieures aux limites admissibles, contrevenant ainsi à la Loi sur les aliments et drogues. Le nombre d'infractions a augmenté pour les produits canadiens, et est resté constant ou a peut-être diminué pour les produits importés133. Si un produit alimentaire contient un résidu de pesticide pour lequel aucune LMR n'est prescrite dans la Loi sur les aliments et drogues, la concentration de ce résidu doit être inférieure à une valeur par défaut de 0,1 ppm (Voir l'annexe 8.3).

8.28    Dans leur témoignage, plusieurs groupes de protection de la santé, y compris le Sierra Club du Canada et l'Institut canadien de la santé infantile, ont dit s'inquiéter de la présence de résidus de pesticides dans les aliments. Le public et les médias partagent cet avis. Selon un article publié en mai 1999, une étude a révélé que le nombre de pesticides résiduels décelés dans les fruits et les légumes avait doublé depuis 1994134. Selon l'ACIA, il est possible que cette hausse ait pu être décelée grâce à des méthodes scientifiques améliorées qui permettent aux experts de mesurer de très faibles quantités de résidus. L'Agence a souligné le fait que les concentrations décelées dans l'étude susmentionnée ne dépassaient pas les limites prescrites et ne présentaient donc aucun danger pour la santé. Elle a expliqué qu'il revient à Santé Canada de déterminer si ce genre d'observation impose une modification des LMR135.

8.29    Le Comité demeure préoccupé au sujet de la sécurité des aliments malgré le fait que les LMR sont rarement dépassées. Il s'inquiète de deux points importants. Premièrement, dans le calcul des LMR, on ne tient pas compte des sources possibles d'exposition à des pesticides autres que les expositions alimentaires. Ces autres sources peuvent faire en sorte que le risque combiné dépasse le seuil sans danger prescrit pour les êtres humains. Deuxièmement, bien des pesticides agissent de façon similaire. Or, on continue de calculer des LMR pour chaque pesticide sans tenir compte des effets cumulatifs des résidus provenant de pesticides semblables qui pourraient également être présents dans les aliments et l'environnement. L'évaluation individuelle des pesticides ne tient pas compte des interactions possibles entre les différents pesticides. Le Comité a appris que l'ARLA envisage d'inclure le risque cumulatif et le risque combiné dans ses évaluations, notamment parce que la loi américaine exige maintenant que ces paramètres soient pris en compte136. Le Comité partage toutefois les préoccupations exprimées par de nombreux témoins -- dont l'Institut canadien de la santé infantile, le Fonds mondial pour la nature, le Comité de la santé de l'environnement du Collège des médecins de famille de l'Ontario, l'Association canadienne du droit de l'environnement et la Conférence circumpolaire inuit -- selon lesquelles les pesticides sont actuellement évalués individuellement malgré le fait qu'ils se présentent sous forme de mélanges dans l'environnement137. Il se peut donc qu'on sous-estime grandement les risques auxquels nous sommes exposés, de sorte que des changements s'imposent immédiatement.

Le Comité recommande que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire tienne compte du risque cumulatif, du risque combiné et des interactions possibles entre pesticides dans leurs évaluations et dans le calcul subséquent des limites maximales de résidus, et que ces éléments soient incorporés dans la nouvelle loi sur la lutte antiparasitaire.

8.30    Les vérifications de l'ACIA devraient porter sur les LMR de chaque pesticide présent dans des aliments et préciser la quantité totale de tous les pesticides présents.

Santé de l'environnement

8.31    L'ARLA évalue les risques pour l'environnement à l'aide d'une méthode presque identique à celle qu'elle utilise pour évaluer les risques pour la santé humaine. Les niveaux sans danger sont évalués dans des études de laboratoire et ensuite comparés aux estimations des concentrations qu'on devrait s'attendre à trouver dans l'environnement si on utilisait le pesticide. C'est au demandeur d'homologation qu'il revient de réaliser les études exigées par l'ARLA, dont un grand nombre sont maintenant harmonisées à l'échelle internationale.

8.32    Pour évaluer la toxicité, on soumet une gamme d'espèces, dont des espèces d'oiseaux, d'invertébrés, de plantes et de poissons, à des expositions de courte et de longue durée, à diverses concentrations du pesticide138. Pour chaque test et chaque espèce, on note la concentration la plus élevée pour laquelle aucun effet n'est observé. C'est ce qu'on appelle la concentration sans effet observable (CSEO). La CSEO la plus faible, observée chez l'espèce la plus vulnérable, est considérée comme une concentration sans danger pour l'environnement.

8.33    La concentration du pesticide dans l'environnement est évaluée à partir de plusieurs résultats d'analyse. Les propriétés chimiques du pesticide sont établies (par ex., état physique, tension de vapeur, solubilité dans l'eau et liposolubilité). Le temps de séjour dans l'environnement du pesticide avant qu'il ne se décompose est évalué à partir d'études sur sa décomposition sous l'effet de la lumière, de l'eau, de l'air et de phénomènes biologiques. L'ARLA détermine également si le pesticide peut s'accumuler dans des organismes au sommet de la chaîne alimentaire139. Ces études permettent de voir comment le pesticide se déplace dans l'environnement et d'évaluer sa concentration dans l'environnement. Le demandeur d'homologation ou les ministères peuvent effectuer des essais sur le terrain pour obtenir des données réelles sur le comportement d'un pesticide dans l'environnement.

8.34    L'évaluation du risque pour l'environnement consiste à comparer la concentration jugée sans danger pour l'environnement (CSEO de référence) avec la concentration prévue dans l'environnement (un peu comme dans l'évaluation des expositions des travailleurs et des victimes passives).

Un rapport élevé entre la CSEO pour l'environnement et la concentration prévue dans l'environnement indique que la marge de sécurité (MS) est élevée et qu'on peut s'attendre à des effets limités du pesticide. Plus le rapport est faible, plus le pesticide risque d'avoir des effets négatifs sur les organismes non visés.

8.35    Le Comité a appris que, dans certains cas, les évaluations actuelles ne peuvent empêcher des dommages à l'environnement. Par exemple, plusieurs mortalités massives de poissons ont été signalées à l'Île-du-Prince-Édouard à cause du lessivage de pesticides qui avaient été appliqués selon leur mode d'emploi140. Le ministère de la technologie et de l'environnement de cette province est d'avis qu'il faut améliorer les évaluations des risques pour l'environnement en mettant davantage l'accent sur les conséquences possibles pour l'environnement et sur la qualité et la quantité des données analysées141. Selon le Comité, une meilleure collaboration avec les autres ministères fédéraux et provinciaux aidera à atteindre cet objectif.

8.36    M. Bernard Hill, chimiste de l'environnement d'Agriculture et Agroalimentaire Canada au Centre de recherche de Lethbridge, a cité un cas où il a soumis des données sur un pesticide sans jamais recevoir de réponse satisfaisante justifiant l'homologation du produit. Le Comité s'étonne que l'ARLA semble ne pas tenir compte des avis d'experts selon lesquels l'usage de certains pesticides aurait eu des effets négatifs sur l'environnement. Selon le témoignage de quelques experts, il faudrait retirer l'homologation de certains pesticides ou en interdire certains usages. Et pourtant l'ARLA aurait affirmé que le risque était à son avis minime142.

Le Comité recommande que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire fonde ses évaluations de sécurité environnementale sur un plus grand nombre d'études complètes et approfondies concernant les effets des pesticides sur l'environnement (par ex., dans l'eau, l'air, le sol, les sédiments et les organismes non visés).
Le Comité recommande que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire rétablisse un mécanisme direct de présentation des résultats d'études scientifiques indépendantes. Une fois les résultats présentés, l'Agence devrait faire part de ses réactions aux auteurs, particuliers ou groupes, de ces études.

Prière de consulter le chapitre 15 du présent rapport pour plus de renseignements sur la collaboration interministérielle.

Évaluation de la valeur

8.37    Pour faire homologuer un pesticide, le demandeur doit démontrer non seulement que celui-ci ne présente aucun risque inacceptable pour la santé humaine ou l'environnement, mais aussi qu'il a une valeur. La valeur ou l'utilité d'un pesticide est un sujet controversé. Pour les tenants de l'utilité des pesticides, la valeur d'un pesticide réside dans sa capacité de contribuer à la lutte antiparasitaire. L'usage de pesticides peut se traduire par des avantages économiques, sanitaires et environnementaux directs et indirects.

8.38    Économiquement, les pesticides peuvent se mesurer aux pertes causées à une culture par une invasion de mauvaises herbes ou aux pertes de matière ligneuse causées par la moisissure dans un parc à bois débité. Des avantages sanitaires peuvent résulter de l'extermination des blattes, de l'usage de fongicides pour empêcher la croissance de champignons dans les tapis ou de la chloration de l'eau des piscines. Voici quelques exemples d'avantages sur le plan environnemental : épuration au chlore des eaux usées143, fumigation pour éliminer les insectes exotiques qui pourraient dévaster les forêts canadiennes et usage de pesticides pour protéger les boisés urbains.

8.39    Selon des témoins, la plupart -- voire la totalité -- des usages des pesticides entraînent des risques qui dépassent de loin les avantages144. Évidemment, pour tous les groupes communautaires qui ont comparu devant le Comité, les risques potentiels que présente l'usage des pesticides à des fins esthétiques sont bien supérieurs à ses avantages. Le Comité convient que les risques découlant de l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques sont de loin supérieurs à ses avantages et que cet usage devrait être considéré comme n'ayant aucune valeur. De plus, le Comité convient que les pesticides sans valeur ne devraient pas être homologués (voir la recommandation finale du chapitre 12).

8.40    Par ailleurs, selon d'autres témoins, les pesticides peuvent avoir des effets bénéfiques, mais il faut les considérer à la lumière des coûts. Il ne s'agit pas ici simplement des coûts financiers, mais aussi des coûts associés aux effets négatifs pour la santé humaine, les autres organismes et l'environnement. Ces coûts sont difficiles à chiffrer car il existe peu de méthodes normalisées permettant de les mesurer. Les évaluations de la valeur de l'ARLA comportent trois volets : évaluation de l'efficacité, évaluation économique et évaluation de la durabilité145. Nous traiterons ici uniquement de l'efficacité et de la durabilité.

8.41    L'évaluation de la durabilité est un élément relativement nouveau dans la démarche de l'ARLA pour évaluer la valeur146. Il s'agit d'évaluer le rôle du traitement proposé dans la lutte antiparasitaire et dans l'ensemble des systèmes de production, notamment :

  1. la compatibilité du produit avec les pratiques de production durable et la lutte antiparasitaire intégrée et sa contribution à celles-ci, en tenant compte de la biologie de l'agent nuisible et du niveau de population auquel un organisme devient un agent nuisible;
  2. par comparaison avec les produits et les méthodes de remplacement, notamment la contribution possible du produit à la réduction des risques (par ex., parce qu'il est moins persistant, moins toxique ou moins bio-accumulable ou parce qu'il a un effet moindre sur les organismes bénéfiques et les autres organismes non visés); sa
  3. contribution à la gestion de la résistance147.

Nous traiterons davantage de la gestion antiparasitaire intégrée et de la durabilité au chapitre 11, intitulé « Les solutions de rechange aux pesticides ».

8.42    Les demandeurs d'homologation doivent réaliser des études d'efficacité, normalement sous la forme d'essais sur le terrain, afin d'évaluer l'efficacité du produit et la tolérance de l'hôte. Ces essais leur permettent également d'établir le libellé de l'étiquette, ainsi que la dose et la fréquence minimales requises pour obtenir un résultat concluant et fiable sans endommager l'hôte ou la culture. L'ARLA évalue les résultats de ces études afin de déterminer si le produit est à la hauteur des allégations du demandeur et de recommander la plus faible dose possible qui permet de lutter contre l'agent nuisible tout en réduisant les risques pour la santé et l'environnement148.

8.43    Les intervenants des secteurs agricole et industriel recommandent, par la voix du Comité consultatif de gestion économique149, d'assouplir grandement, voire d'éliminer, cette exigence afin de réduire les délais150. Selon le Comité, ce serait une erreur. L'analyse de l'efficacité est un outil précieux pour réduire l'application des pesticides et les risques qu'ils présentent pour l'environnement et la santé humaine.

Le Comité recommande que l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire continue d'exiger un ensemble complet de données sur l'efficacité d'un pesticide avant de l'homologuer.

Autres méthodes d'évaluation du risque

8.44    La plupart des données sur la toxicité d'un pesticide concerne les ingrédients qui lui confèrent son efficacité (ingrédients actifs). Les formulants sont les ingrédients du produit final autres que les ingrédients actifs et en constituent souvent la plus grande partie.

Leur composition est considérée comme un secret industriel et le fabricant n'est pas tenu de la divulguer sur l'étiquette. Souvent appelés « ingrédients inertes », les formulants ne sont pour la plupart aucunement inertes. Certains le sont effectivement, mais d'autres peuvent être des solvants, des surfactants (savons) ou des huiles qui peuvent avoir des propriétés toxiques151. Ce n'est que depuis peu que les formulants occupent une place importante dans l'évaluation de la sécurité des pesticides152. L'Association canadienne du droit de l'environnement et le Collège de médecine de famille de l'Ontario ont proposé que l'ARLA peaufine sa politique sur les formulants. Cette politique pourrait préciser comment l'ARLA évaluera les formulants présents dans les pesticides homologués. Ces formulants devraient être évalués de sorte que leur usage ne soit autorisé qu'une fois leurs effets potentiels connus153. L'ARLA a mis au point une politique sur les formulants, qu'elle compte publier pour commentaires en 2000154.

8.45    Les contaminants présents dans certains produits, contrairement aux formulants, n'y sont pas ajoutés intentionnellement. Leur concentration est en général très faible, de sorte qu'on les appelle souvent des microcontaminants. Bien des contaminants ne présentent aucun danger (par ex., l'eau) mais, comme les formulants, certains peuvent être très préoccupants.

8.46    Étant donné que les formulants et les contaminants (incluant les microcontaminants) présents dans un pesticide peuvent être toxiques, le Comité craint que les risques qu'ils peuvent présenter pour l'environnement et la santé ne soient pas bien évalués (Veuillez vous référer au chapitre 13 du présent rapport, Information et participation du public Canada, pour l'information sur l'étiquetage des ingrédients « toxiques ».)

Le Comité recommande que les formulants soient assujettis aux mêmes dispositions en matière d'évaluation, d'examen et d'accès à l'information que les « ingrédients actifs », et qu'ils soient tenus de figurer sur l'étiquette des pesticides. Les contaminants, y compris les microcontaminants, devraient faire l'objet d'un examen approfondi, et toute information sur leur toxicité devrait être mise à la disposition du public. Ces nouveaux aspects des évaluations de sécurité devraient être inscrits dans la nouvelle loi sur la lutte antiparasitaire.

8.47    En général, l'ARLA doit évaluer les nouveaux usages importants des pesticides. Actuellement, si l'homologation d'un pesticide permet son application sur le maïs et qu'on prévoit ensuite l'appliquer sur un maïs transgénique, l'ARLA ne réévalue pas le pesticide. L'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) a informé le Comité qu'elle n'envisage pas de modifier quoi que ce soit quant à l'utilisation des pesticides lorsqu'elle évaluera des plantes transgéniques. Pour l'homologation des plantes transgéniques, l'ARLA ne fournit à l'ACIA que des conseils en matière de gestion de la résistance de l'hôte. Le Comité s'inquiète que des changements quant à l'utilisation puissent survenir sans que l'ARLA réévalue le pesticide en question.

Le Comité recommande, vu l'absence de données à long terme sur l'usage des pesticides sur des plantes transgéniques, que la nouvelle loi sur la lutte antiparasitaire précise qu'il faut modifier l'homologation de tout pesticide lorsqu'on l'appliquera à une plante transgénique. Le processus de modification devrait comprendre une évaluation de l'utilisation de ce pesticide sur la plante transgénique.

Fardeau de la preuve

8.48    Selon le témoignage de l'ARLA, les fabricants de pesticides sont responsables, en fin de compte, de la sécurité de leurs produits155. Pour les pesticides qui n'ont pas encore été homologués, le fardeau de la preuve revient au fabricant du pesticide, qui doit démontrer que le produit est sans danger pour l'usage proposé. D'après la réglementation actuelle, cette responsabilité revient en quelque sorte au gouvernement et à la population dès qu'un pesticide est homologué et mis en vente. Selon le Canadian Environmental Defence Fund quiconque désire qu'un pesticide soit retiré du marché doit prouver qu'il présente un risque inacceptable. C'est donc à lui qu'incombe le fardeau de la preuve156. Même s'il reconnaît que le gouvernement doit assumer une certaine part de responsabilité lorsqu'il homologue un produit, le Comité est d'avis que la réglementation actuelle exige trop du public et du gouvernement et pas assez du fabricant.

Le Comité recommande que le fardeau de la preuve quant à l'absence de risque inacceptable d'un pesticide incombe au fabricant, avant et après l'homologation.

.

Annexe 8.1 : Analyse intégrée du risque*

*Conrad Brunk, atelier sur la gestion du risque, 1998.

Annexe 8.2 : Évaluation du risque


MÉthodes d'Évaluation du risque

Évaluation du risque

Les étapes fondamentales de l'évaluation du risque sont l'identification du danger, l'évaluation de l'exposition, l'évaluation des conséquences et l'estimation du risque.

1.    Identification du danger : On commence par repérer les dangers associés au pesticide. C'est à cette étape qu'on envisage les propriétés réelles du produit chimique en cause, et sa propension à causer des effets toxiques. C'est ce qu'on appelle également la toxicité intrinsèque de la substance. Le danger posé par un produit chimique se mesure en établissant la quantité requise pour tuer 50 p. 100 des organismes testés (dose léthale), la quantité qui cause un effet chez 50 p. 100 des organismes (concentration efficace moyenne), etc. Les gouvernements disposent de directives qui classent ces résultats quantitatifs en fonction de la toxicité relative, de sorte qu'on peut comparer les produits chimiques lorsqu'on évalue le danger potentiel pour divers organismes (rat, poisson, oiseau, etc.) dans divers milieux (air, eau, sol et sédiments). Ces guides de classement sont très utiles à la troisième étape et sont donc de plus en plus uniformisés au niveau mondial, à la suite de protocoles internationaux et du travail d'organismes comme l'Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE).

2.    Évaluation de l'exposition : À cette étape, on détermine si la substance pénètre dans l'environnement ou vient en contact avec l'homme ou l'animal. C'est à cette étape qu'on se pose des questions comme quand, où, et comment l'exposition a lieu. En quelle quantité et à quelle concentration? La substance est-elle persistante et s'accumulera-t-elle chez l'être vivant (bio-accumulation), de sorte que sa concentration continuera à s'accroître dans l'environnement?

3    Évaluation des conséquences : La première et la deuxième étapes sont réunies pour permettre d'évaluer le risque. Le danger multiplié par l'exposition égale le risque. Si soit le danger, soit l'exposition fait défaut ou est nul, alors il n'y a pas de risque (3 X 0 = 0).

Le danger X exposition = risque

Par cette équation, il est clair qu'on peut être en présence d'un produit chimique ayant une toxicité intrinsèque faible (et donc un danger faible) mais accompagné d'une exposition élevée, ce qui donne lieu à un risque élevé (2 X 6 = 12) ou, à l'inverse, d'une substance présentant une toxicité intrinsèque plus élevée mais une exposition faible, ce qui donne également lieu à un risque élevé (4 X 3 = 12).

L'évaluation des risques consiste à identifier l'issue du risque. C'est ici que les directives interviennent et qu'on tente de déterminer quel serait l'effet réel du produit chimique sur l'homme, l'organisme, l'environnement, etc. L'impact peut être majeur (décès, perte de la capacité reproductrice), mineur (légère diminution de la taille des ongles des pieds) ou moyen. C'est également à cette étape qu'on repère les organismes les plus vulnérables, et ce qui les rend vulnérables.

4.    Estimation du risque : La dernière étape consiste à déterminer le niveau acceptable d'exposition des populations cibles ou, en d'autres mots, dans quelle mesure l'homme, les poissons, les grenouilles, les enfants, etc. peuvent être exposés à la substance sans subir d'effet nocif à court ou à long terme. La concentration sans effet toxique observée (CSENO) est l'indice le plus souvent utilisé pour calculer l'exposition jugée acceptable. En effectuant l'évaluation du risque, la CSENO est divisée par un facteur de sécurité.

Une fois que la dose acceptable est établie (CSENO / facteur de sécurité), le résultat est comparé à ce que l'évaluation de l'exposition a permis d'estimer. Si l'exposition prévue est plus élevée que la dose acceptable calculée, alors il faut mettre en place des mesures pour atténuer la libération du produit ou l'exposition au produit. On arrive ainsi à la gestion du risque.

 

ANNEXE 8.3 : Résumé du rapport de l'Agence canadienne d'inspection des aliments sur les teneurs en résidus de pesticides et la fréquence de contamination de certains produits alimentaires d'origine agricole vendus au Canada entre 1994 et 1998

INTRODUCTION

Voici un résumé de l'information contenue dans le rapport de l'Agence canadienne d'inspection des aliments sur les teneurs en résidus de pesticides et la fréquence de contamination de certains produits alimentaires d'origine agricole vendus au Canada entre 1994 et 1998. Ce rapport a été publié le 6 novembre 1998. Les résultats couvrant 1998-1999 n'ont pas encore été publiés.

Aux fins du rapport, les denrées se divisent en quatre catégories : fruits et légumes frais canadiens, fruits et légumes transformés canadiens, fruits et légumes frais importés, et fruits et légumes transformés importés. Quatre données de base figurent dans le rapport :

1)    Le nombre total d'échantillons prélevés;

2)    le nombre d'échantillons sans résidus détectables (feu vert);

3)    le nombre d'échantillons contenant des résidus (feu jaune);

4)    le nombre d'échantillons dépassant la limite maximale de résidus fixée par Santé Canada (feu rouge).

Au total, 44 379 échantillons ont été prélevés durant la période couverte par le rapport. Ils se répartissent comme suit :

Tableau 1 : Échantillons prélevés

Total
échantillons
prélevés

frais

transformés

canadiens
importés

6 879
34 591

378
2 531

Feu vert

Du total des 44 379 échantillons prélevés, 35 487* ne comportaient aucun résidu décelable (A.R.D.) Ils se répartissent comme suit dans les quatre catégories :  

Tableau 2 : Échantillons ne comportant aucun
résidu décelable (A.R.D.)

Total
A.R.D.*

frais

transformés

canadiens
importés

5 511 (80%)
27 255 (78.8%)

349 (92%)
2 372 (93.7%)

Feu jaune

Du total des 44 379 échantillons prélevés, 10 682* contenaient des résidus détectés (résultats positifs aux dosages). Voici leur répartition :

Tableau 3 : Échantillons contenant des
résidu détectés

Total
positifs*

frais

transformés

canadiens
importés

1 710 (24.8%)
8 767 (25.3%)

33 (8.7%)
172 (6.8%)

Feu rouge

Du total des 44 379 échantillons prélevés, 805* contenaient des résidus dépassant les limites permises et contrevenaient donc à la Loi sur les aliments et drogues. En voici la répartition :

Tableau 4 : Échantillons contrevenant
à la Loi

Total
contrevenant

 à la Loi 

frais

transformés

canadiens
importés

82 (1.2%)
711 (2%)

2 (0.53%)
10 (0.4%)



* Les chiffres ne s'additionnent pas toujours (le nombre d'échantillons sans résidus plus le nombre d'échantillons avec résidus n'égale pas exactement le total des échantillons prélevés) parce qu'on dose plusieurs résidus dans le même échantillon. Les résultats présentés ainsi peuvent porter à confusion. Ainsi, si 100 pommes subissent des tests pour les pesticides A et B, et que 5 présentent le pesticide A et 5 autres le pesticide B, alors 90 pommes ne contiennent pas de résidus de ces pesticides au seuil de détection. Si par ailleurs 5 pommes contiennent à la fois le A et le B, alors 95 pommes sont sans résidus. Présentés ainsi, les résultats semblent indiquer un risque plus faible dans le deuxième cas, ce qui n'est pas le cas. Les résultats sont présentés de façon à éviter cette interprétation. Ainsi, les chiffres dépassent parfois le total et les pourcentages dépassent parfois 100 %. Le tableau 6 du rapport d'ACIA indique la présence de résidus de plusieurs pesticides dans un seul échantillon. Ainsi, on a trouvé 9 échantillons contenant les résidus de 5 pesticides.

En général les infractions touchant les produits canadiens sont en hausse (0,4 p. 100 avant 1991, 0,55 p. 100 de 1992 à 1994, et 1,2 p. 100 de 1994 à 1998) tandis que les infractions touchant les produits importés sont stables ou légèrement à la baisse (2,6 p. 100 avant 1991, 2,74 p. 100 de 1992 à 1994, et 1,94 p. 100 de 1994 à 1998).

Les quatre annexes au rapport de l'ACIA donnent les résultats par denrée et par pesticide. Les annexes correspondent aux quatre catégories. Les normes sont différentes selon le pesticide, et les concentrations sont particulières à chaque denrée, afin qu'un aliment qui constitue une part importante du régime alimentaire réponde à des exigences plus strictes. Les concentrations particulières figurent dans le règlement d'application de la Loi sur les aliments et drogues.

Les résultats particuliers indiquent encore que les organochlorés nuisibles à l'environnement comme le DDT et ses métabolites (aldrine, dieldrine, endrine, heptachlore, lindane et quelques autres) sont rares dans les échantillons canadiens. Dans les importations, ces composés, en particulier le DDE (principal produit de la décomposition du DDT) continuent d'être détectés à une fréquence supérieure. Cependant, même dans les importations, ces pesticides dépassent rarement les limites réglementaires.

 


115 R. Bertell, correspondance adressée au Comité, le 27 février 2000; Association canadienne des troubles d'apprentissage, correspondance adressée au Comité, le 2 mars 2000; Institut canadien de la santé infantile, correspondance adressée au Comité, le 3 mars 2000.

116 Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, site Web, décembre 1999.

117 Témoignages, réunion no 2, le 2 novembre 1999.

118 Organisation de coopération et de développement économiques, directive concernant les essais sur les produits chimiques, octobre 1998.

119 Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, modifications proposées à la Loi sur les produits antiparasitaires, janvier 1999.

120 Témoignages, réunion no 4, le 16 novembre 1999.

121 Association canadienne des médecins pour l'environnement, mémoire présenté au Comité, le 1er décembre 1999; l'Association canadienne du droit de l'environnement et le Collège de médecine de famille de l'Ontario, mémoire présenté au Comité, le 1er décembre 1999; et Institut canadien pour la protection des cultures, mémoire présenté au Comité, le 25 novembre 1999.

122 Témoignages, réunion no 16, le 14 décembre 1999; Témoignages, réunion no 4, le 16 novembre 1999.

123 Correspondance adressée au Comité par l'Association canadienne des troubles d'apprentissage le 2 mars 2000 et par l'Institut canadien de la santé infantile, le 3 mars 2000.

124 Association canadienne des médecins pour l'environnement, mémoire présenté au Comité, le 1er décembre 1999; Association canadienne du droit de l'environnement et le Collège de médecine de famille de l'Ontario, mémoire présenté au Comité, le 1er décembre 1999; Institut canadien pour la protection des cultures, mémoire présenté au Comité, le 25 novembre 1999.

125 Correspondance adressée au Comité, Mme Claire Franklin, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, le 29 février 2000, le 24 août 1999, le 20 décembre 1999.

126 Correspondance adressée au Comité, Mme Claire Franklin, Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, le 29 février 2000.

127 Correspondance adressée au Comité, Mme Bertell, le 27 février 2000.

128 Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, site Web, décembre 1999.

129 Témoignages, réunion no 16, le 14 décembre 1999; Témoignages, réunion no 3, le 4 novembre 1999.

130 Amdur, M. O., J. Doull et C. D. Klaassen, Casarett and Doull's Toxicology: The Basic Science of Poisons, 4e éd., Pergamon Press, New York, 1991.

131 Témoignages, réunion no 5, le 17 novembre 1999; Témoignages, réunion no 11, le 1er décembre 1999.

132 United States Code, titre 21, chap. 9, artcle 346a.

133 Agence canadienne d'inspection des aliments, Niveaux et incidences de résidus de pesticides dans certains produits agroalimentaires disponibles au Canada en 1994-1998, Rapport technique, novembre 1998.

134 « Level of Pesticide Residues up in Canada Produce », Globe and Mail, le 24 mai 1999.

135 Témoignages, réunion no 128, le 8 juin 1999.

135 Témoignages, réunion no 126, le 1er juin 1999.

137 Témoignages, réunion no 4, le 16 novembre 1999; Témoignages, réunion no 5, le 17 novembre 1999; Témoignages, réunion no 16, le 14 décembre 1999; Association canadienne du droit de l'environnement, Collège de médecine de famille de l'Ontario, mémoire présenté au Comité.

138 Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, site Web, décembre 1999.

139 Ibid.

140 Témoignages, réunion no 14, le 8 décembre 1999.

141 Ibid.

142 Témoignages, réunion no 12, le 2 décembre 1999.

143 Association canadienne des eaux potables et usées, mémoire présenté au Comité.

144 Témoignages, réunion no 13, le 7 décembre 1999, et réunion no 15, le 13 décembre 1999.

145 Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, site Web, décembre 1999.

146 Ibid.

147 Ibid.

148 Ibid.

149 Créé pour conseiller l'ARLA en 1997.

150 Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, site Web, Plan de travail du CCGE, objectif 2.1.3, le 10 mars 1999.

151 Fonds mondial pour la nature, Les problèmes générés par les pesticides au Canada : Un livret d'information à l'intention des parlementaires, juin 1999; Sierra Club du Canada, mémoire présenté au Comité.

152 Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, site Web, décembre 1999.

153 Association canadienne du droit de l'environnement et le Collège de médecine de famille de l'Ontario, mémoire présenté au Comité.

154 Témoignages, réunion no 23, le 17 février 2000.

155 Témoignages, réunion no 126, le 1er juin 1999.

156 Témoignages, réunion no 5, le 17 novembre 1999.