ENVI Rapport du Comité
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10. RÉÉVALUATION DES PESTICIDES ET EXAMENS SPÉCIAUX
10.1 Les pesticides, une fois homologués et donc jugés utiles et sans danger, ne sont actuellement soumis à aucune réévaluation systématique à moins qu'il existe des preuves ou des indices probants qu'ils présentent des risques inacceptables pour la santé humaine ou l'environnement.
10.2 Dans son rapport de 1999, le commissaire à l'environnement et au développement durable a reproché à l'ARLA de ne pas réévaluer les « anciens pesticides »175, soulignant que sur les 500 matières actives contenues dans les pesticides homologués, plus de 300 ont été évaluées avant 1981 et plus de 150, avant 1960. Le commissaire s'est dit irrité devant le manque de progrès réalisés par le gouvernement canadien en matière de réévaluation des pesticides.
Depuis plus de 13 ans, le gouvernement fédéral a reconnu officiellement qu'il faut réévaluer les pesticides. Nous nous attendions donc à ce qu'il ait élaboré un programme à cette fin. Nous avons constaté que, jusqu'ici, le Canada n'a pas agi et n'a pas tenu ses engagements en matière de réévaluation176. |
À mesure que des renseignements nouveaux sont disponibles sur le devenir et les effets des produits chimiques toxiques, de nouvelles méthodes d'essai sont introduites pour évaluer les risques. La réévaluation des anciens pesticides s'impose parce que les pesticides homologués il y a 15 ans n'ont pas été examinés d'aussi près que ceux qu'on homologue actuellement.
10.3 Même si l'ARLA procède à des réévaluations de certains anciens pesticides, les progrès ont été lents et il n'est pas clair que ces examens font intervenir des paramètres tels que les risques cumulatifs et globaux. Le Comité a découvert que certaines réévaluations ont été entreprises il y a plus de 20 ans (par ex., l'examen du pentachlorophénol)177. De l'avis du commissaire à l'environnement et au développement durable, du Fonds mondial pour la nature (WWF), du Canadian Environmental Defence Fund (CEDF) et de l'Association canadienne des manufacturiers de spécialités chimiques, la réévaluation des pesticides n'est pas aussi efficace, ou ne progresse pas aussi rapidement, qu'il le faudrait au Canada. Ils proposent donc qu'un programme de réévaluation rigoureux, transparent, opportun et bien financé soit établi immédiatement.
10.4 L'Association canadienne des manufacturiers de spécialités chimiques a indiqué que ses membres ont actuellement de la difficulté à comprendre comment s'effectueront les évaluations, c'est-à-dire quels renseignements seront acceptés des pays étrangers et quel coût et quels délais seront imposés aux titulaires d'homologation. L'Association, le CEDF, le WWF et l'Institut pour la protection des cultures sont d'avis que le programme de réévaluation devrait comporter des critères précis concernant les éléments à évaluer, les délais et les motifs d'évaluation, ainsi qu'un mécanisme pour communiquer les résultats et entendre les appels du public178. L'ARLA a répondu en partie à ces préoccupations en publiant un projet de directive intitulé « Nouvelle approche concernant la réévaluation » en décembre 1999.
10.5 Cette nouvelle approche a été présentée par l'ARLA au Conseil consultatif de la lutte antiparasitaire, au Comité consultatif de gestion économique et à d'autres ministères pour commentaires. Tel que recommandé par l'Équipe d'examen du processus d'homologation des pesticides en 1990 et accepté par le Cabinet, les réévaluations s'inspireront d'examens d'autres pays si ces examens respectent les normes canadiennes179. L'ARLA a dit au Comité que les évaluations tiendront compte des pratiques américaines, telles que décrites dans la Food Quality Protection Act, et porteront sur le risque global, toutes sources d'exposition confondues, ainsi que sur le risque cumulatif des pesticides ayant des modes d'action similaires, lorsque des méthodes d'évaluation seront au point. L'ARLA introduira également un facteur de sécurité accru pour les enfants et les nourrissons. On peut s'attendre que, d'ici 2005-2006, tous les pesticides homologués avant 1995 auront été réévalués. Le délai pour achever les réévaluations des pesticides organophosphorés a été fixé à décembre 2000180.
10.6 Étant donné que les pesticides présentent des risques inconnus, et donc potentiels, le Comité souhaite idéalement que les réévaluations soient réalisées le plus tôt possible; il reconnaît toutefois que le processus d'évaluation au Canada profitera des évaluations faites aux États-Unis et ailleurs, et il ne voudrait pas que le processus de réévaluation nuise à l'homologation de nouveaux produits de remplacement qui pourraient être plus sûrs. Compte tenu de ces deux facteurs, le Comité juge acceptable que les réévaluations soient complétées au plus tard en 2006.
Le Comité recommande que le programme de réévaluation dispose de fonds suffisants pour que tous les pesticides homologués avant 1995 soient réévalués d'ici 2006 au plus tard. |
10.7 La directive de l'ARLA sur la réévaluation propose quatre programmes. Ces programmes dictent en quelque sorte la priorité des examens et/ou leur délai d'exécution. Par exemple, deux des programmes seront liés à la priorité, à l'avancement et au succès de programmes américains. La directive de l'ARLA exige également que le public participe à l'établissement des priorités. Le Comité est d'accord avec la plupart des témoins qui ont affirmé que les efforts de gestion et d'évaluation du risque devraient avant tout porter sur les enfants. La priorité en matière de réévaluation devrait être accordée aux substances présumées avoir des effets sur le développement du ftus et la santé de l'enfant, surtout les substances neurotoxiques et les modulateurs du système endocrinien.
10.8 Le Comité reconnaît que la réévaluation de tous les pesticides homologués avant 1995 exigera des ressources humaines et financières. Il reste toutefois à savoir comment l'ARLA financera ces réévaluations. L'Association canadienne des médecins pour l'environnement a indiqué qu'il faut préciser les sources de financement pour faire en sorte que ce facteur ne soit pas un obstacle au processus181. Selon l'Association canadienne des manufacturiers de spécialités chimiques et l'Institut canadien pour la protection des cultures, l'ARLA ne devrait pas financer les réévaluations au détriment de l'homologation des nouveaux produits182. Selon l'Association, il faudrait plutôt que le Conseil du Trésor débloque de nouvelles ressources183.
10.9 Les examens spéciaux sont un autre moyen de réévaluer les produits déjà homologués. Des examens spéciaux sur des pesticides ou des groupes de pesticides particuliers peuvent être entrepris lorsque de nouveaux renseignements sont disponibles. Par exemple, l'examen spécial du carbofurane a été entrepris en 1990 à la suite de requêtes de la part de chercheurs d'Environnement Canada. Cet examen a entraîné l'interdiction de la forme granulaire de ce pesticide. Malheureusement, l'ARLA n'a entrepris aucun autre examen spécial depuis184.
10.10 Les examens spéciaux pourraient s'avérer un outil précieux pour répondre aux préoccupations qu'a fait surgir le suivi après homologation ou la déclaration obligatoire des effets nuisibles que propose l'ARLA. L'Agence propose actuellement d'inscrire dans la nouvelle loi sur la lutte antiparasitaire des critères et des processus de réévaluation et d'examen spécial. Elle propose notamment que la nouvelle loi précise que le ministre « doit entreprendre un examen spécial s'il y a des raisons de croire à la possibilité de risques ou de valeurs inacceptables » et « doit justifier sa réponse à une demande d'examen spécial du public185». Cet examen pourrait également être entrepris à la suite de progrès scientifiques ou à la demande du public. En plus des exigences de réévaluation et d'examen spécial, la nouvelle loi devrait autoriser le ministre à imposer des conditions concernant l'élimination des stocks. Cela aiderait à empêcher quiconque de stocker indéfiniment des pesticides qui ne sont plus homologués ou de s'en débarrasser.
10.11 Même si les propositions de l'ARLA concernant les examens spéciaux sont bien accueillies, la nouvelle loi devrait établir qu'un examen spécial doit être entrepris s'il y a raison de croire à la possibilité de risques inacceptables, sans en préciser les délais ou les motifs.
10.12 La réévaluation de tous les pesticides homologués avant 1995 est une tâche monumentale. Elle doit être aussi approfondie que les évaluations qu'effectuent actuellement l'ARLA, mais aussi tenir compte de toutes les recommandations pertinentes faites dans le présent rapport.
10.13 Le Comité est d'avis qu'il faudrait établir un processus de réévaluation systématique afin d'éviter les retards accumulés. Aux États-Unis, des réévaluations obligatoires doivent être effectuées tous les 15 ans186. Cela dit, le Comité recommande de fixer à 15 ans la période maximale d'homologation d'un pesticide avant son évaluation. Par exemple, si un produit est homologué en 2000, il devra automatiquement être réexaminé en 2015 s'il n'a fait l'objet d'aucun examen spécial. Toutefois, s'il a fait l'objet d'un examen spécial en 2005, sa réévaluation ne sera obligatoire qu'en 2020.
10.14 La réévaluation des pesticides est, pour les témoins comme pour l'ARLA, la grande priorité. C'est en conjuguant un programme de réévaluation rigoureux et bien financé et un système d'examen spécial que l'ARLA s'assurera que des pesticides désuets ne se retrouvent pas sur le marché.
175 Les anciens pesticides s'entendent en gros des pesticides homologués avant 1995.
176 Rapport de 1999 du commissaire à l'environnement et au développement durable, chap. 3.
177 Association canadienne du droit de l'environnement et le Collège de médecine de famille de l'Ontario, mémoire présenté au Comité.
178 Témoignages, réunion no 129, 10 juin 1999; Témoignages, réunion no 5, le 17 novembre 1999; Témoignages, réunion no 9, le 25 novembre 1999.
179 Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, Modifications proposées à la Loi sur les produits antiparasitaires, janvier 1999.
180 Témoignages, réunion no 126, le 1er juin 1999.
181 Témoignages, réunion no 11, le 1er décembre 1999.
182 Témoignages, réunion no 8, le 24 novembre 1999, Témoignages, réunion no 9, le 25 novembre 1999.
183 Témoignages, réunion no 8, le 24 novembre 1999.
184 Rapport de 1999 du commissaire à l'environnement et au développement durable, chap. 3.
185 Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, Modifications proposées à la Loi sur les produits antiparasitaires, janvier 1999.
186 United States Code, titre 7, chapitre 6, alinéa 136a(g)(1).