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CHAPITRE 12 :
MARCHÉS PUBLICS
Nous sommes en faveur de la plus forte réduction possible des
tarifs douaniers, voire de leur élimination [...]; ainsi que du
plus haut degré possible d'équité et de transparence
dans les procédures d'approvisionnement et [...] administratives.
De telles mesures devraient ouvrir aux entreprises de GE et à toutes
les entreprises canadiennes des perspectives nouvelles exaltantes [...]
Nous sommes en concurrence avec les meilleurs au monde pour l'obtention
de la maîtrise d'oeuvre de projets à l'étranger [...]
Or, des règles internationales claires, cohérentes et identiques
pour tous et des procédures administratives efficientes sont des
facteurs essentiels de ce succès. [Robert Weese, 31:1635]
De nombreux gouvernements soustraient leurs pratiques en matière
de marchés publics des forces de la concurrence du commerce international,
bien qu'ils se privent peut-être ainsi de la possibilité d'offrir
aux contribuables un usage optimal de leurs impôts. Les contribuables
sont ainsi obligés de supporter les coûts plus élevés
d'opérations des achats effectués sur un marché non
concurrentiel (marges de préférence, appels d'offres sélectifs,
etc.). Les gouvernements préfèrent souvent s'approvisionner
sur le marché intérieur sans doute parce qu'ils considèrent
que les avantages de cette formule sur le plan social en dépassent
les coûts. Apparemment, les pays en développement considèrent
qu'ils ont peu de chances d'obtenir des contrats d'exportation pour approvisionner
des gouvernements étrangers, mais estiment en revanche avoir tout
avantage à accorder un traitement préférentiel à
leurs producteurs nationaux et ainsi favoriser le développement
économique.
Accords sur les marchés publics
La libéralisation des échanges au niveau des marchés
publics a à peu près été écartée
jusqu'en 1979, année de la signature du premier Accord sur les marchés
publics (AMP) lors du Cycle de Tokyo de l'Accord général
sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT). La portée des approvisionnements
du secteur public a été considérablement élargie
lors du cycle d'Uruguay, mais le nombre de pays signataires de l'AMP a
peu augmenté. Comme il s'agit d'un accord plurilatéral, les
membres de l'OMC ne sont pas tous liés par celui-ci. Dans les Amériques,
seuls le Canada et les États-Unis sont parties à l'Accord.
L'Argentine, le Chili et la Colombie ont le statut d'observateur et le
Panama est en train de négocier son adhésion.
Ailleurs dans l'hémisphère, la libéralisation des
échanges au niveau des marchés publics est prévue
également par l'Accord de libre-échange nord-américain
(ALENA), l'Accord du Groupe des Trois (Mexique, Colombie et Venezuela)
et par des ententes bilatérales entre le Mexique et la Bolivie et
entre le Mexique et le Costa Rica. Ainsi, sur les 34 pays qui envisagent
l'établissement d'une Zone de libre-échange des Amériques
(ZLEA), sept seulement - Bolivie, Canada, Colombie, Costa Rica, Mexique,
États-Unis et Venezuela - ont signé des accords en matière
de marchés publics.
Selon une analyse réalisée par la Banque interaméricaine
de développement, les accords sur les marchés publics de
l'hémisphère ont des principes et structures de base similaires,
mais varient en ce qui concerne le cadre, les seuils et d'autres dispositions
spécifiques. Tous contiennent des dispositions obligeant les signataires
à traiter les produits et services des autres signataires de façon
non discriminatoire (c.-à-d. pas moins favorablement que les produits
et producteurs nationaux).
Tous contiennent aussi des dispositions régissant les règles
d'origine et les procédures d'appel d'offres et prévoient
des mécanismes de surveillance et d'exécution, y compris
des procédures de contestation de l'attribution de marchés.
Les plus grandes différences concernent les entités et les
niveaux des marchés publics couverts. Tous les accords couvrent
les biens, les services et les services de construction, mais les signataires
sont autorisés à exclure certaines entités. L'AMP
couvre les entités nationales et infranationales tandis que les
autres accords qui s'appliquent à certains pays de l'hémisphère
concernent strictement les entités nationales1.
Le Canada a proposé d'étendre l'application de l'AMP aux
administrations provinciales, sous réserve de leur approbation,
si d'autres signataires, notamment les États-Unis, acceptent un
moindre recours aux exceptions; cette proposition n'a pas abouti. Les administrations
provinciales n'ont pas donné leur autorisation et les États-Unis
continuent de résister à l'élimination des réserves
pour les petites entreprises. Par conséquent, le Canada n'a pas
accès aux marchés publics des entités infranationales
dans les autres pays signataires de l'AMP.
De tous les accords sur les marchés publics de l'hémisphère,
l'ALENA est celui dont les seuils confèrent aux fournisseurs du
Canada, du Mexique et des États-Unis le plus grand degré
d'accès aux marchés publics des gouvernements nationaux.
Pour ce qui est du Canada et des États-Unis, l'accord couvre les
marchés de biens d'une valeur minimale de 25 000 dollars américains.
Dans tous les autres cas, l'accord concerne les marchés publics
de biens et de services autres que les services de construction d'une valeur
minimale de 50 000 dollars américains. Le seuil minimal applicable
aux entreprises publiques est fixé à 250 000 dollars américains.
Quant aux services de construction, l'accord couvre les contrats des gouvernements
fédéraux et des entreprises fédérales d'un
valeur d'au moins 6,5 millions de dollars américains et 8 millions
respectivement. Bientôt, des seuils analogues à ceux de l'ALENA
s'appliqueront aussi à la Bolivie et au Costa Rica dans leurs accords
bilatéraux avec le Mexique2.
L'Accord du Groupe des Trois couvre les marchés publics d'une
valeur de 50 000 dollars américains pour les entités fédérales
et de 250 000 pour les entreprises gouvernementales. En réalité,
cependant, l'accès au marché est limité par l'existence
de « réserves » lesquelles, en 1996, s'appliquaient
à 45 p. 100 des marchés fédéraux dans les trois
pays signataires. Ces réserves sont censées être réduites
tous les deux ans jusqu'en 2004, après quoi une réserve de
5 p. 100 des achats annuels totaux existera indéfiniment et pourra
être affectée à n'importe quelle entité fédérale
ou entreprise publique figurant dans les listes en annexe à l'accord.
Bien qu'il ait un cadre plus large, l'AMP contient des seuils de valeur
qui donnent un accès plus limité que n'importe où
ailleurs dans l'hémisphère aux marchés publics. L'AMP
couvre les achats publics de biens et de services d'une valeur de 130 000
DTS3 (172
700 $US) ou plus au niveau fédéral et de 200 000 DTS (265
800 $US) ou plus au niveau infranational. Pour ce qui est des entreprises
publiques nationales, le seuil du Canada s'établit à 355
000 DTS (471 700 $US). Quelle que soit l'entité publique, l'accord
s'applique aux services de construction d'une valeur de 5 millions de DTS
(6 645 000 $US) ou plus.
Il n'est pas facile de calculer la taille totale du marché des
achats des gouvernements nationaux de l'hémisphère, mais
on pense que ces achats s'élèvent en moyenne à 10
p. 100 du PIB d'un pays4.
En 1997, on estimait à environ 10 700 milliards de dollars américains
le PIB total dans l'hémisphère. Il s'ensuit que les marchés
des gouvernements nationaux dans cette partie du monde ont totalisé,
de façon estimative, 1 100 milliards de dollars américains
en 1997. Si l'on ajoute à cela les achats des entreprises publiques
et des gouvernements infranationaux qui, dans le cas du Canada, dépassent
largement ceux des entités fédérales, l'importance
des marchés publics dans l'hémisphère s'en trouve
grandement augmentée. Cependant, une bonne partie de ce marché
est généralement exclue de l'application des accords, comme
on l'a dit ci-haut5.
En outre, du point de vue du Canada, les fournisseurs ont déjà
accès à la part du lion des marchés publics dans l'hémisphère
occidental par le biais de l'ALENA qui couvrirait apparemment plus de 80
p. 100 des marchés publics des gouvernements nationaux de l'hémisphère.
Si l'on englobe le Brésil et l'Argentine, la proportion passe à
quelque 95 p. 1006.
Comme une bonne partie du marché des achats des gouvernements
nationaux de l'hémisphère occidental bénéficie
déjà de dispositions de libre-échange, les meilleures
perspectives d'une libéralisation accrue semblent dépendre,
tout au moins du point de vue du Canada, d'une extension de la couverture
aux administrations infranationales. Il est cependant peu probable qu'on
y arrive, vu la réticence des États-Unis à réduire
les marchés réservés aux petites entreprises, le manque
d'intérêt des provinces canadiennes et la réticence
de la plupart des pays d'Amérique latine à signer l'AMP.
Les marchés publics et la ZLEA
On a très peu parlé de la question des marchés
publics durant les audiences du Comité. Bien qu'on ne s'attende
pas à la conclusion d'un accord dans ce domaine, le Comité
estime néanmoins que les négociateurs canadiens doivent être
préparés. Comme on l'a signalé dans le neuvième
rapport du Comité, les administrations municipales n'ont pas participé
aux négociations sur les marchés publics qui ont pourtant
des répercussions jusqu'au niveau local. Le gouvernement fédéral
doit à tout le moins consulter les autres ordres de gouvernement
avant les négociations. Un témoin a également dit
estimer que le Canada devrait jouer un rôle de chef de file et promouvoir
une plus grande transparence dans les marchés publics.
Une transparence accrue améliorerait la gestion des échanges,
rendrait les procédures plus visibles et plus équitables
et réduirait la corruption. Cette revendication vise à créer
un climat commercial limpide où les procédures régissant
les affaires seraient empreintes d'intégrité et où
un cadre juridique garantirait aux entreprises une application uniforme
des règles. [Robert Weese, 31:1645]
Étant donné le petit nombre des pays de l'hémisphère
non membres de l'ALENA qui ont accepté de libéraliser leurs
marchés publics, le Comité estime que le Canada devrait adopter
une approche souple. Le Comité recommande par conséquent
:
24. Que la position du gouvernement du Canada au sujet des marchés
publics dans le contexte d'une Zone de libre-échange des Amériques
soit similaire à celle qu'il a adoptée dans l'Accord sur
les marchés publics. Tout accord sur les marchés publics
conclu dans le cadre de la Zone de libre-échange des Amériques
devrait être plurilatéral et couvrir le plus vaste éventail
possible de biens et de services (y compris les services de construction).
En outre, tout accord semblable devrait prévoir un examen périodique
en vue d'élargir et de consolider cet accord.
1 Les
accords bilatéraux entre le Mexique et la Bolivie et le Mexique
et le Costa Rica pourraient être élargis afin d'inclure des
administrations infranationales sur une base volontaire et réciproque.
2 Ces
accords prévoient une réduction des seuils de valeur des
marchés de biens et de services, lesquels seront ramenés
au niveau de l'ALENA en l'an 2000.
3 Les
DTS (droits de tirage spéciaux) ont été convertis
en dollars américains sur la base d'une moyenne quotidienne de 1,329
$US par DTS pour la première moitié de juillet 1999.
4 Évidemment,
ce pourcentage varie d'un pays à l'autre et serait plus élevé
dans les économies développées (voir Sam Laird, Transition
Economies, Business and the WTO, Organisation mondiale du commerce,
TPRD-98-03, mai 1998, p. 1).
5 Par
exemple, selon une note d'information du ministère des Affaires
étrangères et du Commerce international sur l'AMP et les
négociations futures sous l'égide de l'OMC, l'AMP couvrirait
plus de 250 milliards de dollars de marchés publics, montant qui
se trouve bien en deçà de 10 p. 100 du PIB total des pays
signataires.
6 D'après
le 1996 Trade Policy Review du Brésil, ce pays n'a pas l'intention
de signer l'AMP, du moins à court terme (voir WT/TPR/S/21, mars
1996, p. 102).