FINA Rapport du Comité
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La perception de frais dutilisation sur les services publics na rien de bien nouveau. En 1965-1966, on a estimé, selon une mesure, que les frais dutilisation représentaient 1,6 % des recettes du gouvernement fédéral. Depuis, limportance globale de ces frais na guère varié : en 1998-1999, ils représentaient, selon une définition plus large, 2,4 % des recettes du gouvernement, qui ont, par ailleurs, beaucoup augmenté.
Les frais dutilisation ne représentent quune très modeste portion du budget fédéral. Toutefois, depuis létablissement du recouvrement des coûts, ils ont affiché une hausse remarquable sur la base des programmes. En 1998-1999, 391 programmes répartis dans 47 ministères et organismes gouvernementaux sassortissaient de frais dutilisation, ce qui a rapporté 3,7 milliards de dollars, chiffre légèrement supérieur aux 3,5 milliards de dollars obtenus en 1994-1995. On englobe dans ces frais dutilisation toutes sortes de droits : des frais dadmission dans des parcs administrés par le gouvernement fédéral aux loyers exigés pour les terres de la Couronne, en passant par les frais obligatoires pour loctroi de licences et la délivrance de passeports.
Même si les frais dutilisation sont souvent perçus, et parfois à bon escient, comme une forme dimposition, ils peuvent constituer de précieux outils pour les ministères fournissant les services et pour les utilisateurs eux-mêmes, et ce pour plusieurs raisons. Selon le professeur Richard Bird et le professeur de lUniversité de Toronto Thomas Tsiopoulos, « lorsque possible et souhaitable, des frais doivent être imposés pour les services publics, ces derniers ne devant pas être gratuits ».
Pour reprendre les propos de M. Bird : « Tout débat portant sur la politique dimposition de frais dutilisation par le gouvernement doit partir du principe quun service fourni par un organisme public pour lequel il y a un bénéficiaire direct facilement
identifiable que ce soit un groupe ou un particulier doit être payé par le bénéficiaire, sauf si lon peut avancer de solides arguments en faveur dune subvention du service en question par le secteur public. » Selon M. Bird, « cest aux partisans de la subvention, autrement dit de lutilisation des deniers publics pour un service dont ils bénéficient personnellement, d'apporter une justification. »
Les frais dutilisation, sils sont bien conçus, peuvent faire office d'indicateurs de prix et, à ce titre, aller dans le sens de lefficience et de léquité. Des programmes efficients permettent dutiliser de façon optimale des ressources qui sont rares. En tarifant un service ou un bien fourni par lÉtat, les fonctionnaires peuvent établir la quantité de ce bien ou de ce service qui est nécessaire. Comme la fait remarquer le vérificateur général dans son rapport davril 2000 : « Nous avons constaté quune meilleure information sur les coûts est habituellement disponible lorsquun service comporte des frais dutilisation ou un recouvrement des coûts » (demander à un utilisateur de défrayer le coût dun service). Le vérificateur ajoute même : « Sans une bonne information sur les coûts, les gestionnaires des gammes de service ne disposent pas de linformation dont ils ont besoin pour fournir la qualité la plus élevée de service au coût le plus bas possible; cela nous préoccupe. »
Lorsquils ont accès gratuitement à un service public, les consommateurs ont, pour leur part, tendance à y recourir davantage quil ne le faudrait idéalement du point de vue de la société. En réalité, un service fourni gratuitement a un coût de production, et les ressources consacrées à cette production auraient pu être utilisées pour fournir quelque chose qui rapporte : autres services, réduction de la dette ou du déficit, ou allégement fiscal. Cette surconsommation peut également donner aux pouvoirs publics le signal, faux, quils doivent fournir encore plus de ce service déjà surconsommé.
En théorie, si le service en question sassortit dun prix explicite, qui est idéalement égal à son coût marginal le coût dune unité supplémentaire produite , les consommateurs lexigeront en quantité optimale du point de vue de la société. Cette indication du niveau adéquat de la demande encourage à la fois une réduction des coûts et une efficience accrue de la prestation.
Comme la fait remarquer M. Bird « Il ne sagit pas de revenu; il faut veiller à ce que les pouvoirs publics rendent des comptes relativement à lutilisation quils font des ressources et à ce que les utilisateurs directs paient pour le service un montant équivalent à son coût de production. Ainsi, en principe, les utilisateurs de services publics devraient être gagnants si les frais dutilisation sont bien conçus et quils obtiennent un bon rapport qualité-prix, et la société en général gagnera également à une meilleure utilisation des ressources que les citoyens ont transférées à lÉtat. »
Et M. Bird a ajouté que cela ne se produira « que si les recettes que procurent les frais dutilisation se rattachent formellement, par le processus budgétaire, aux dépenses
pertinentes. » Mais cela nest pas tout. Les autres recettes ne peuvent être liées négativement à ces frais dutilisation.
Pour ce qui est des considérations déquité, il faut noter que, lorsque des citoyens nantis utilisent un service public gratuit, lensemble de la société, et donc aussi les plus démunis, subventionne en quelque sorte les premiers. Exiger des frais en contrepartie de lutilisation de certains services (droit damarrage, par exemple) est une mesure que lon peut considérer comme progressiste.
Le clivage entre biens et services publics et biens et services privés est au cur du débat sur les frais dutilisation. En gros, les services « privés » et non les services « publics » devraient être assujettis à des frais dutilisation. Qui plus est, la plupart des économistes estiment que tout bien ou service pouvant être tarifé comme un bien vendu sur le marché privé devrait probablement être fourni par le secteur privé.
Pour établir si un bien ou un service est privé ou public, les économistes tiennent compte de plusieurs caractéristiques. Si la consommation dun bien ou dun service par un consommateur supplémentaire na aucun effet sur la consommation de ce bien ou service par dautres (notion de rivalité), il est alors considéré comme un bien ou un service public. De même, sil est difficile dempêcher les personnes qui ne payent pas pour ce bien ou service den profiter (exclusivité), il sagit alors dun bien ou dun service public. Autrement, cest un bien ou un service privé.
Lexemple classique du service visant le bien public, selon cette acceptation, est la défense nationale. Toute la population en profite, même les personnes qui réussissent à échapper au fisc. Par contre, les avantages dun service privé comme des leçons de parachutisme ne visent que le particulier qui les suit.
Le secteur privé est en règle générale dans limpossibilité de fournir de manière efficiente des biens et des services ayant une incidence positive ou négative indirecte (externalités) ou visant des objectifs sociaux ou politiques particuliers. Dans ces cas, le gouvernement doit intervenir. M. Richard J. Neville (sous-contrôleur général, Secrétariat du Conseil du Trésor) a fait savoir au Comité que : « Plusieurs programmes gouvernementaux visent à protéger la population de risques émanant de secteurs particuliers de léconomie. Selon notre politique en matière de recouvrement des coûts, il devrait revenir au secteur concerné dassumer une partie du coût du programme qui le touche. Selon cet argument, certains de ces coûts devraient entrer dans les coûts de production du secteur en question, car ils le concernent en propre. »
Depuis longtemps, les économistes prônent, comme moyen de réaliser lefficience économique, de recourir à la fiscalité et aux transferts pour prendre en compte les externalités. Cela diffère du recouvrement des coûts à proprement parler.
Les frais dutilisation sont établis en gros selon que lon peut établir le profil du consommateur dun bien ou dun service : il est beaucoup plus facile dexiger des frais en contrepartie dun permis de pêche quen contrepartie dune portion de la défense nationale. En effet, dans le premier cas, il est facile détablir le détenteur du permis, qui reçoit dune ressource publique (les pêches) un avantage dont ne profitent pas les autres (le poisson).
Il ne suffit toutefois pas détablir lidentité du bénéficiaire direct dun service public pour justifier de la perception de frais dutilisation. Il faut déterminer qui bénéficie de la prestation du service. Cest là une tâche plus ardue du fait que la plupart des services publics assortis de frais dutilisation servent à la fois des intérêts privés et le bien public. Lessai de nouveaux médicaments, par exemple, comporte un élément bien public, puisquil garantit quaucun médicament nocif nest vendu au Canada, mais il présente aussi un avantage pour les compagnies pharmaceutiques, car il atteste de la qualité des médicaments vendus. Dans de tels cas, il est légitime que lutilisateur paye un montant en contrepartie de lavantage quil reçoit, le reste étant couvert par les recettes générales. La valeur dun avantage privé conféré par un service public est lavantage conféré en sus de celui qui pourrait découler dautres moyens. Par exemple, si la vente dun médicament est autorisée aux États-Unis, en Angleterre, au Japon, etc., à quoi servirait-il de lapprouver au Canada? Par contre, si le médicament est approuvé au Canada en premier, les entreprises privées y gagnent beaucoup.
Même lorsque lon a décidé dans quelle mesure un service est public ou privé, il est difficile détablir le montant des frais à payer. Selon la théorie économique, il vaut mieux demander un prix qui est égal au coût marginal, comme sur un marché parfaitement compétitif. Il est cependant difficile de calculer le coût marginal le coût de production dune unité supplémentaire dun bien ou dun service. Idéalement, le coût marginal comprend non seulement le coût financier direct de production, mais également le coût doption. Par exemple, au moment détablir les frais dadmission à un parc, il faut tenir compte du coût dentretien de ce parc, mais aussi des revenus que lon pourrait tirer si les terres étaient utilisées autrement.
Pour être efficients, les prix doivent également tenir compte des services complémentaires et des substituts existants. Enfin, il faut sabstenir de mettre en place des frais dutilisation si cela saccompagne de coûts supérieurs aux avantages.
Des frais dutilisation bien conçus doivent avoisiner le prix que le secteur privé demanderait pour le service en question; bien sûr, cela nest pas toujours possible. Pour des raisons politiques et bureaucratiques, les frais dutilisation dans le secteur public sont en outre difficiles à modifier. Cest pour cela, et parce quil ny a aucune pression dordre concurrentiel qui sexerce sur de nombreux programmes assortis de frais dutilisation, quil est important détablir ces frais avec le plus de transparence possible. Si lon permet à la population canadienne et aux parties intéressées en particulier de participer à létablissement des frais dutilisation, on sassure que ces derniers sont plus que de
simples sources de revenu. Ce faisant, les groupes touchés peuvent se rendre compte des avantages (prestation efficiente des services) des frais dutilisation.
C. Le cas particulier du fournisseur en situation de monopole
Tout fournisseur en situation de monopole, qu'il soit public ou privé, aura tendance, sil peut le faire en toute impunité, à user de son emprise économique pour demander le maximum à ses clients. Il est donc particulièrement important de veiller à ce que les prix fixés soient raisonnables et particulièrement difficile de convaincre les consommateurs que cest effectivement le cas. (M. Richard M. Bird, professeur)
Il importe de noter que la poursuite de lefficience en matière de frais dutilisation repose sur lhypothèse quil y a concurrence. Les prix ne peuvent jouer le rôle dindicateur defficience que sils permettent la modification de la quantité demandée : un relèvement de prix devrait se traduire par un recul de la quantité demandée. Cependant, de nombreux services du gouvernement sont incontournables. Les compagnies pharmaceutiques qui refusent de payer les frais demandés pour faire approuver de nouveaux médicaments ne peuvent que décider de ne pas faire tester leurs médicaments au Canada et de ne pas les y vendre. Dans ce cas, le gouvernement est un fournisseur en situation de monopole.
Idéalement, lorsque la consommation de services publics est laissée au choix du consommateur, leffort fait par le gouvernement pour maximiser les rendements en établissant un prix qui est égal au coût marginal du service maximisera également le bien-être général, car il y aura une utilisation efficiente des ressources. Toutefois, lorsque le gouvernement est en situation de monopole, le fait quil maximise ses rendements se soldera par des prix qui seront inférieurs au niveau optimal du point de vue social. Selon le M. Bird, « dans bien des cas, le consommateur na pas le choix : il doit utiliser le service assuré par le gouvernement. Et, de plus, ce service étant assuré bien souvent par un gouvernement en situation de monopole, les frais dutilisation deviennent un impôt. »
Cela ne signifie pas quil ne faudrait jamais appliquer de frais dutilisation aux services obligatoires. Une fois encore, lorsque lutilisateur obtient un avantage dont ne jouissent pas les autres consommateurs, idéalement il devrait payer pour cela.
Par ailleurs, il faut se demander qui bénéficie du service fourni. La population bénéficie, par exemple, du fait que les produits nocifs sont interdits de vente. On peut également envisager que les entreprises payent une partie de leur propre autoréglementation. M. Dann Michols (directeur général, Programme des produits thérapeutiques, Direction générale de la protection de la santé, Santé Canada) a déclaré : « À notre avis, le fait que le secteur qui réalise un profit sur la vente de ses produits doit payer pour certains des coûts de lappareil que la société a mis en place pour sassurer que ces produits sont sûrs, efficaces et de grande qualité na rien de paradoxal ».
M. Michols a laissé entendre que ce secteur bénéficie de la présence dun organisme de réglementation efficace et hautement qualifié parce que ce dernier assure la qualité des produits. Une fois encore, la question du degré est épineuse. MM. Bird et Tsiopoulos sont dun avis contraire : « Pour la plupart des services faisant lobjet dune réglementation, il est loin dêtre évident que les clients peuvent être considérés comme des bénéficiaires directs des services quils consomment, lesquels sont soi-disant conçus pour atteindre un but public plus large ». En dautres termes, ce sont les consommateurs et non les entreprises pharmaceutiques qui profitent de lapprobation des médicaments.
Létablissement de frais dutilisation obligatoires répondant à des critères defficience est compliqué du fait que le secteur privé ne fournit souvent aucun bien correspondant qui pourrait servir de référence pour établir les frais. Étant donné que la consommation nest pas élastique par rapport au prix, il est difficile détablir un prix concurrentiel optimal. Idéalement, les frais dutilisation obligatoires devraient être fonction du coût du service et donc représenter un recouvrement. (Une fois encore, il est généralement admis quil est difficile de départager l'intérêt privé du bien public.) Ainsi, ces prix doivent avoisiner ce que lon demanderait dans un marché concurrentiel, ce qui réduit au minimum lincidence des frais de service sur léconomie.
Létablissement de frais dutilisation pour les services obligatoires doit être fait avec soin, en raison de labsence dindicateurs de prix. Il est crucial que les organes de réglementation soient attentifs à la situation des entreprises assujetties à la réglementation et devant payer des frais pour se maintenir en affaires. Comme la déclaré le M. Bird au Comité, les frais dutilisation sont acceptables politiquement parlant « selon la mesure dans laquelle ils servent à financer les services quils visent ».
DE LIMPORTANCE DES FRAIS DUTILISATION
Comme la appris le Comité, la politique de recouvrement des coûts et son application « comportent des conséquences majeures pour léconomie canadienne du point de vue de la productivité, de lemploi, de linnovation et de laccès aux produits » (M. Jayson Myers, premier vice-président et économiste en chef de lAlliance des manufacturiers et des exportateurs du Canada, coprésident de la Coalition des entreprises sur le recouvrement des coûts). Loin de représenter simplement « le coût dune activité commerciale », les frais dutilisation, comme les taxes et les impôts, sassortissent de coûts de transaction pouvant être importants pour lactivité économique. Les frais dutilisation ont une incidence sur la rentabilité et la compétitivité des entreprises, car ils augmentent les coûts de ces dernières.
Le Canada étant un petit marché, des frais prohibitifs en échange de lapprobation de nouveaux médicaments ou de pesticides écologiques, par exemple, peuvent
empêcher les Canadiens davoir accès à une technologie de pointe, sils découragent les entreprises étrangères de leur vendre ces technologies. Ils peuvent également, à léchelle nationale, décourager lesprit dinnovation des entreprises, ce qui entrave la création demplois.
Les petites et moyennes entreprises (PME), moteurs de léconomie canadienne, souffrent de façon disproportionnée de ces frais. Lorsquil faut payer 100 000 $ en licences, cela représente un fardeau beaucoup plus important pour une PME que pour une multinationale, sans parler des lourdeurs administratives qui y sont associées. Des frais dutilisation bien conçus devraient tenir compte de la taille de lentreprise qui doit les verser.
La Business Coalition on Cost Recovery (BCCR) a effectué lune des rares études portant sur les effets des frais dutilisation sur léconomie; selon cet organisme, il semblerait quen 1996-1997, les droits quont versés les entreprises et qui se sont élevés à 1,67 milliard de dollars ont réduit la production de léconomie de 2,56 milliards de dollars, le PIB de 1,37 milliard de dollars et lemploi de près de 23 000 postes. Si lon y ajoute le manque à gagner fiscal résultant de la perte dactivité économique et des emplois non créés (et donc des cotisations à lassurance-emploi non versées), cette somme de 1,67 milliard de dollars ne représente plus, en termes nets, que 270 millions de dollars dargent frais.
Ce nest pas parce que les frais dutilisation, tout comme les taxes et les impôts, faussent lactivité économique quil faut les supprimer. Selon une étude dInfometrica demandée par le Conseil du Trésor, les taxes équivalant aux frais dutilisation actuellement appliqués ont un effet analogue à celui de ces derniers. Mais des taxes ayant une large assiette sassortissent en général de coûts de transaction, de conformité et dadministration inférieurs à ceux des frais dutilisation.
Pour évaluer le plein effet des frais dutilisation, il faut également tenir compte de leurs bons côtés. Lorsquils sont bien conçus, les programmes assortis de frais dutilisation présentent des avantages largement supérieurs aux coûts de transaction, de conformité et dadministration. Cest ce qui transparaît clairement de la Politique sur le recouvrement des coûts et la tarification : « Un régime de recouvrement des coûts nest indiqué que lorsque les avantages quil procure au gouvernement lemportent sur les coûts du démarrage et dadministration des frais ».
Il serait tout aussi bénéfique pour le Canada daméliorer ses programmes dapplication des frais dutilisation que de disposer dun régime de réglementation bien conçu en général. Comme un témoin l'a affirmé : « Quoique certains autres pays se caractérisent par un marché plus vaste que le nôtre, le Canada pourrait se distinguer comme centre mondial de la découverte sil se donnait les moyens dêtre un chef de file
mondial grâce à des procédures rapides et respectées partout dhomologation de la technologie. Adopter cette ligne de conduite pourrait attirer des investissements considérables en R-D tout en offrant aux producteurs canadiens lavantage concurrentiel dêtre les premiers à utiliser les technologies les plus avancées. » (M. Charles D. Milne, vice-président, Affaires gouvernementales, Institut pour la protection des cultures)
Le Comité a constaté quil est difficile de brosser un tableau complet du programme de recouvrement des coûts du gouvernement, car linformation sur les 391 programmes publics assortis de frais dutilisation est répartie dans plus de 47 ministères et organismes gouvernementaux, et que la liste que tient le Conseil du Trésor nest pas suffisamment précise pour ce qui est de la nature des frais, étant donné quelle regroupe les frais pour activités discrétionnaires et les frais obligatoires ainsi que les frais exigés des entreprises et ceux demandés des consommateurs. Ce type de ventilation des renseignements est absolument crucial si lon veut quune réforme significative du Programme de recouvrement des coûts au Canada porte fruit.
Au niveau des ministères, la Politique stipule que tous les frais dutilisation doivent faire lobjet dune analyse de limpact sur les entreprises : les frais qui sont trop lourds pour les entreprises doivent être révisés ou éliminés. Aucune analyse globale de leffet total cumulatif de l'ensemble des frais dutilisation appliqués na toutefois jamais été entreprise. Il est donc difficile, voire impossible, de savoir si les avantages de la politique en matière de frais dutilisation lemportent sur les inconvénients (la plupart des études étant concentrées sur les coûts de la réglementation). Il faudrait, comme le recommande lAssociation des consommateurs du Canada, étudier les avantages et du recouvrement des coûts et de la réglementation : « Parce que le gouvernement impose une réglementation dans le but de protéger la santé de la population et lenvironnement, il faut également tenir compte des résultats et non se limiter aux coûts ». (Mme Jennifer Hillard, vice-présidente, Questions et politiques, Association des consommateurs du Canada).
Les conclusions des analyses effectuées ne sont pas encourageantes. Selon larticle de MM. Bird et Tsiopoulos faisant suite à leur enquête de 1997, toutes les études sur les frais dutilisation appliqués par tous les ordres de gouvernement « en arrivent à la même conclusion : la plupart des frais dutilisation sont mal appliqués ». Daprès cet article, la majorité des analystes sentendent pour dire que « le gros des frais dutilisation existants visent davantage à obtenir des fonds quà appliquer un principe économique ».
Les représentants du Conseil du Trésor ont fait savoir que la Politique en matière de recouvrement des coûts allait faire lobjet dun examen autorisé. Celui-ci, qui devrait se terminer dici lhiver prochain, comporterait des consultations avec des ministères et
organismes gouvernementaux, des secteurs économiques et dautres groupes intéressés. En fait, il sagit d'aller bien au-delà dun simple examen des rouages de la Politique.
Recommandation 1 :
Le Comité craint que lexamen du recouvrement des coûts que le Conseil du Trésor est sur le point de mener ne sera pas dune portée suffisante, même sil porte sur dimportantes questions de réglementation. Il recommande donc quun comité parlementaire mène une étude à léchelle du gouvernement sur la Politique sur le recouvrement des coûts et la tarification pour quil soit possible den évaluer les avantages et les coûts. Cette étude pourrait servir de base à toute réforme de la politique.
Pour effectuer cette étude, comme toute étude sur les coûts et les avantages en général, il incombe den mesurer les effets qualitatifs, ce qui est difficile. Toute tentative dans ce sens sera toutefois préférable à la situation actuelle, caractérisée par un manque dinformation relatif aux avantages.
Autre sujet connexe : la transparence de linformation sur les frais dutilisation. Même si le Conseil du Trésor réunit des renseignements sur le sujet, le public ny a pas facilement accès, que ce soit par ministère ou par programme.
Il faut actuellement communiquer avec 47 organismes distincts pour obtenir une information complète sur les frais dutilisation, cest-à-dire sur leur ampleur, leur structure, etc. Cela na aucun sens, surtout que le Conseil du Trésor, en tant quorganisme gouvernemental central, a pour responsabilité de suivre lapplication de la Politique. Qui plus est, il serait bon que les frais dutilisation soient déclarés selon leur catégorie, tout comme les taxes.
Recommandation 2 :
Il faudrait faire en sorte que toutes les parties intéressées puissent avoir aisément accès aux renseignements sur les frais dutilisation. Cette information devrait inclure la formule utilisée pour les établir, permettre d'établir sils sont obligatoires et sils doivent être acquittés par des entreprises, et préciser le montant de recettes quils génèrent et les résultats quils sont censés viser. Il serait également bon dindiquer la mesure dans laquelle ils servent le bien public ou des intérêts privés, ainsi que leur justification.
Recommandation 3 :
Les recettes que procurent les frais dutilisation doivent être déclarées chaque année, au moment de la publication du budget.
QUALITÉS DUNE BONNE POLITIQUE EN MATIÈRE DE FRAIS DUTILISATION
En plus de répondre à des impératifs économiques, une bonne politique de recouvrement des coûts exige surveillance, financement et règlement des différends efficaces. Le Comité a pu voir que les témoins sentendaient sur ces points, quils représentent divers secteurs de l'économie, des organismes gouvernementaux ou le Bureau du vérificateur général ou qu'ils proviennent du milieu universitaire. Le Comité a trouvé ces idées utiles pour évaluer la politique en vigueur.
Dans son rapport de décembre 1997, le Bureau du vérificateur général a résumé ces points de la façon suivante : « Les ministères ont-ils réduit le plus possible leurs coûts avant de demander aux utilisateurs de payer? Les répercussions financières et socio-économiques des frais dutilisation et leur incidence sur la concurrence, tant à court terme quà long terme, ont-elles été considérées? Existe-t-il des mécanismes de recours adéquats pour les parties intéressées? Et, ce qui est peut-être la question la plus importante pour les parlementaires, le Parlement possède-t-il linformation dont il a besoin pour surveiller cette tendance? »
Uniformité, reddition des comptes et transparence. Les particuliers et entreprises devant payer des frais dutilisation devraient, tout comme pour les taxes, sattendre à une certaine uniformité dans la qualité des frais imposés dun ministère à lautre. Parce quils sont liés à un service, ces frais devraient être reliés clairement aux coûts de ce dernier. Il faudrait également des mécanismes de règlement des différends clairs, tout comme un organisme de surveillance central fort habilité à assurer luniformité entre ministères.
Les recettes devraient être un objectif secondaire. Comme la fait remarquer un témoin, les frais dutilisation doivent être perçus par les ministères comme pouvant générer des recettes qui compensent les compressions budgétaires. « La mise en place du recouvrement des coûts s'accompagne trop souvent d'une réduction des financements gouvernementaux. » (Mme Jean Szkotnicki, présidente, Institut canadien de la santé animale) Par conséquent, les ministères ne tiennent pas compte des gains defficience que peuvent leur procurer les frais dutilisation. Selon Mme Szkotnicki, « la loi américaine, la Prescription Drug User Fee Act, stipule clairement que les crédits de la FDA ne peuvent pas être réduits dans les secteurs où lon administre un régime de ticket modérateur. Autrement dit, les recettes tirées des frais dutilisation ont pour but de compléter les crédits gouvernementaux, et non de les remplacer. »
Consultation et études dimpact : Les ministères doivent consulter les parties payeuses et mener des études dimpact pour sassurer que les coûts des frais dutilisation ne lemportent pas sur les avantages. Ils doivent porter une attention particulière à la situation des petites entreprises, pour lesquelles les frais et les exigences en matière de réglementation sont souvent disproportionnés.
LA POLITIQUE SUR LE RECOUVREMENT DES COÛTS : ENJEUX ET PRÉOCCUPATIONS
Il ny a pas de corrélation entre la théorie et ce qui se fait en pratique. (Mme Szkotnicki)
La Politique sur le recouvrement des coûts et la tarification a été adoptée en avril 1997. Elle prescrit expressément une coopération et des « consultations véritables et efficaces » entre les ministères et organismes dune part et leurs « clients » dautre part, ainsi que « dautres parties concernées afin de sassurer de ne pas porter atteinte à des objectifs stratégiques concurrents ». Le Conseil du Trésor est garant de la Politique, et il lui incombe de surveiller son application « au moyen de la rétroaction des clients, des vérifications internes et externes, de lévaluation des programmes, détudes spéciales et de lexamen des plans dactivité annuels du ministère ».
Toutefois, cest aux ministères et organismes quil incombe de concevoir et dadministrer des programmes de recouvrement des coûts conformes et de créer des dispositifs dappel.
Plus précisément, les « ministères doivent effectuer des examens périodiques afin de sassurer que les exigences à légard de la politique sur les frais dutilisation sont respectées. Ces examens devraient tenter de déterminer si les frais devraient être augmentés ou diminués lorsque la structure des coûts change, lorsque la proportion des avantages pour le grand public et pour le secteur privé a changé, ou lorsque les niveaux de service ont été modifiés ». La Politique prévoit également que « [l]es ministères et les organismes gouvernementaux devraient être disposés à examiner toute répercussion imprévue lorsquun client le demande ». (Politique sur le recouvrement des coûts et la tarification)
Le Président du Conseil du Trésor « servira de point de contact pour les clients qui estiment navoir pas eu droit à une audition équitable par les ministères et les organismes gouvernementaux dans le cadre du processus détablissement des frais ». (Politique sur le recouvrement des coûts et la tarification)
Cette décentralisation pose plusieurs problèmes. Premièrement, en vertu de la Politique, et comme lont confirmé les témoignages, cest aux ministères quincombe au
premier chef la responsabilité dune mise en uvre équitable et compatible avec les règles du Conseil du Trésor. Il semble que ce dernier ne joue quun rôle passif au niveau des rouages. Par exemple, on suppose demblée que les frais dutilisation imposés dans lensemble de ladministration publique ne dépassent jamais 100 % du coût des programmes. M. Neville a expliqué que cette conviction sexplique du fait que « cest lun des principes. [ ] Nous navons jusquici eu aucune indication dun déséquilibre excessif ».
Selon une affirmation de M. Milne, à laquelle dautres témoins ont fait écho, linterprétation et lapplication des lignes directrices sur le recouvrement des coûts ne sont pas uniformes. « On a laissé aux ministères et organismes le soin de déterminer eux-mêmes la façon deffectuer le recouvrement des coûts, doù un éventail de marches à suivre dans lensemble de ladministration publique. »
Sil est vrai que cette décentralisation donne aux ministères le loisir dadapter la Politique à leurs besoins particuliers, elle implique en revanche un manque duniformité possible dans lapplication. De fait, des groupes dentreprises ont déclaré au Comité que le traitement et lanalyse des études dimpact sur les entreprises variaient dun programme à lautre, sans parler de lexistence ou de labsence dun dispositif dappel.
Ce quil faudrait, comme la dit M. Neil Maxwell (directeur principal, Opérations de vérification, Bureau du vérificateur général du Canada), cest « que le processus de perception des frais dutilisation soit moins morcelé, et quil soit régi par une stratégie ministérielle d'ensemble ». De lavis du Comité, une politique de recouvrement des coûts bien conçue permettrait, dans une grande mesure, de résoudre ces problèmes.
La Politique sur le recouvrement des coûts et la tarification est pratiquement muette sur la façon de départager le bien public des intérêts privés. M. Michols a déclaré au Comité que, faute de directives du Conseil du Trésor, la Direction générale de la protection de la santé avait dû « élaborer en grande partie sa propre théorie » là-dessus.
M. Milne a en outre souligné la confusion entourant la définition du bien public et de lintérêt privé au sens de la Politique, doù léternelle question de savoir si une industrie privée doit même payer pour obtenir des services obligatoires. « Ceux qui payent pour participer à une mission commerciale ou pour obtenir un passeport prennent une décision discrétionnaire, et ce sont eux qui en tirent un avantage. Lexamen objectif dun médicament ou dun pesticide protège la société, que le demandeur en obtienne ou non lhomologation. On ne sait pas très bien si cest le client ou la société qui paie. » Cest exactement largument de M. Bird.
Le vérificateur général a lui aussi insisté à ce sujet. « Il faudrait préciser la façon dont on définit le bien public par rapport au bien privé. Voilà où les députés du Comité pourraient jouer un rôle très utile. »
Recommandation 4 :
Il faudrait que lorganisme central soit plus précis au sujet de lapplication de la Politique sur le recouvrement des coûts et la tarification et singulièrement quil donne des directives plus rigoureuses sur la définition du bien public et des intérêts privés, afin que les programmes qui imposent des frais dutilisation ne soient pas dessaisis des recettes fiscales générales, qui sont en fait linvestissement du public dans leurs activités.
Recommandation 5 :
Il faudrait que le Conseil du Trésor établisse des normes uniformes que tous les ministères et organismes appliqueraient et par rapport auxquelles ils devraient justifier tout écart.
Le président du Conseil du Trésor est le dernier échelon du processus dappel. Toutefois, la responsabilité du processus lui-même est laissée en grande partie à linitiative de chaque ministère. Le ministre et le ministère se trouvent ainsi placés en situation de conflit dintérêts : en fait, le ministère est prié de trancher, alors que sa décision peut influer sur les recettes du portefeuille. De plus, comme la souligné M. Garth Whyte (premier vice-président, Affaires nationales, Fédération canadienne de lentreprise indépendante) : « Dans tous les autres domaines où il existe un mécanisme de règlement des différends lALENA, les barrières internes au commerce, etc. cest un organe neutre qui est prévu. À qui doit sadresser le propriétaire de lentreprise en cas de problème? Si une coalition de 20 associations commerciales différentes déclare quelle a un problème, et quelle sadresse au Conseil du Trésor en disant : « voici quelques sujets dont nous aimerions discuter, quest-ce quil faut faire pour que cela soit réglé? »
Faute dune autorité centrale, de nombreux mécanismes disparates sont apparus. Mme Szkotnicki, en tant que coprésidente de la BCCR, a signalé au Comité un certain nombre de divergences dans le processus dappel. « Lorsque nous nous sommes adressés à lAgence canadienne dinspection des aliments à propos du programme chargé dapprouver les vaccins vétérinaires, nous nous sommes aperçus quen remontant la chaîne hiérarchique jusquaux hauts fonctionnaires et au ministre Vanclief, il était possible dobtenir gain de cause. De fait, ils vont mettre au point des mesures pour rétablir le respect des normes ».
« Nous avons procédé de la même façon pour le programme des médicaments vétérinaires et, disons-le franchement, nous nous sommes butés à un mur. Nous revenons constamment à la charge, mais rien nindique quune solution va être apportée
aux problèmes que connaît le programme des médicaments vétérinaires. Il nexiste pas de plan visant à améliorer la situation dans cet organisme, et cest un organisme qui a beaucoup de problèmes. »
La qualité des divers processus dappel est incertaine. M. Neville a dit au Comité : « Plus de 400 programmes, ou composantes de programmes, ont recours au recouvrement des coûts. Nous ne pouvons pas les surveiller individuellement pour voir sils comportent un mécanisme de règlement des différends. De temps à autre, nous déduisons labsence dun tel dispositif parce que les gens se servent de la solution de rechange, à savoir le recours au président du Conseil du Trésor en cas dimpasse ».
M. Myers résume le problème comme suit : « Le fait quil soit nécessaire de remonter la hiérarchie montre quil nexiste pas de processus de règlement des différends dans les programmes, alors que cela devait être prévu dès le départ ».
« Deuxièmement, daprès les discussions daujourdhui, jentrevois certaines difficultés, lorsque vous dites quil faut sadresser aux ministères. Nous nous sommes aperçus que la mise en uvre de ces programmes est souvent laissée à la discrétion des ministères et organismes. Dans certains ministères la consultation se fait et les choses se déroulent comme il se doit, ailleurs non. Cest là une partie du problème. Il ny a ni surveillance globale ni critère qui sapplique partout, et rien nest prévu pour la mise en uvre. »
Il est essentiel que les frais dutilisation soient considérés comme équitables par ceux qui les paient, notamment lorsquils sappliquent à une activité obligatoire et que les usagers nont dautre choix que de les payer. Encore une fois, nous revenons aux problèmes entourant la Politique sur le recouvrement des coûts. Alors que, par exemple, le vérificateur général a estimé que lAgence canadienne dinspection des aliments (ACIA) ne possédait pas de mécanisme officiel de résolution des différends, le vice-président de lACIA, Affaires publiques et réglementaires, M. Jean Chartier, a déclaré au Comité que son organisme était fermement convaincu den avoir mis un en place. Comme il la dit au Comité : « Je précise entre parenthèses que la politique de 1997 ne définit nullement le mécanisme de règlement. Sa nature dépend donc beaucoup de l'interprétation quon en fera. ». Le Comité est davis que cela doit changer.
Recommandation 6 :
Le bon fonctionnement de toute politique sur le recouvrement des coûts exige quun processus dappel transparent, clair et indépendant soit offert à ceux qui paient des frais dutilisation. Le Comité exhorte donc le gouvernement à créer un processus dappel explicite et à créer un poste dombudsman indépendant chargé dinstruire les plaintes des usagers.
Labsence de droit de regard entraîne notamment une absence de responsabilité réelle concernant la Politique sur le recouvrement des coûts. La non-uniformité des mécanismes dappel en est lillustration. En effet, les ministères ne rendent pas compte au Parlement de la façon dont ils fixent et collectent les frais dutilisation, lesquels représentent plusieurs milliards de dollars. Puisque, comme les taxes, les frais dutilisation peuvent avoir des effets considérables sur la productivité, la prospérité et linnovation, il est important que le Parlement dispose dun moyen réel de surveiller la mise en place de nouvelles tarifications, de même que les augmentations des tarifs déjà existants. Il y également lieu que le Parlement contrôle les effets des frais imposés. Cette mesure engagerait aussi la participation des Canadiens qui ne sont pas directement touchés par les frais dutilisation, mais qui, en tant que citoyens, ont un intérêt dans ces programmes.
Recommandation 7 :
Puisque les frais dutilisation sont analogues à des taxes, le mécanisme doit faire lobjet dun contrôle plus serré, et ce dernier ne peut pas être laissé aux organismes eux-mêmes. Il faudrait que tous les nouveaux frais dutilisation et toutes les modifications à des frais existants soient assujettis à lexamen dun comité parlementaire et ne soient adoptés quavec laval de celui-ci. Un tel mécanisme favoriserait la reddition des comptes et garantirait la mise en place de tarifications qui soient toujours appropriées. Il faudrait aussi que le Parlement réexamine les tarifs déjà en place pour sassurer quils sont bien conçus et bien appliqués.
Selon la Politique, les ministères et organismes doivent également :
Effectuer des études dimpact pour cerner tous les effets potentiels importants, positifs et négatifs, et den tenir compte en vue de prendre une décision bien pensée au sujet des frais;
Évaluer avec les clients limpact cumulatif des frais imposés par toutes les entités fédérales, et évaluer les frais proposés dans ce contexte;
Identifier aux clients les services qui ne sont pas offerts gratuitement, et leur expliquer clairement pourquoi ils ne sont pas gratuits, et comment on établit les frais et comment les coûts sont contrôlés;
Réagir rapidement aux préoccupations et aux suggestions des clients;
Établir un processus de règlement des différends auquel on pourra recourir lorsque les plaintes des clients mènent à une impasse (p. ex. un comité consultatif chargé de conseiller le ministre).
On ne sait pas dans quelle mesure les ministères consultent effectivement les entreprises au sujet des frais dutilisation. En ce qui concerne les analyses dimpact sur les entreprises, le Comité a appris quelles ne sont pas prises au sérieux par certains ministères. Selon Mme Szkotnicki :
Toutefois, il arrive souvent que lon nétudie pas limpact des frais de recouvrement des coûts ou quon lignore tout simplement. Trop souvent, lorganisme qui exige des frais se concentre sur la nécessité de se procurer des recettes, plutôt que sur la valeur des services fournis. Par exemple, Industrie Canada tient un répertoire détaillé de données sur les faillites au pays. Or, ce ministère exige actuellement environ 250 000 $ par année pour fournir ces données. Dans un des secteurs du marché touché, se trouve une petite entreprise canadienne qui est en concurrence avec trois multinationales américaines. Lentreprise canadienne qui doit payer ces frais se retrouve très désavantagée par rapport à ses concurrents.
« La Fédération canadienne de lentreprise indépendante (FCEI) a rappelé au Comité quun des éléments à prendre en considération pour déterminer limpact du recouvrement des coûts est la question de la productivité. En effet, le recouvrement des coûts est considéré comme un obstacle de taille à lamélioration de la productivité des petites entreprises. Plus dun membre sur quatre de la FCEI, considère cet élément comme une priorité pour lamélioration de la productivité de leur entreprise. »
Selon le rapport de la BCCR, le Programme des produits thérapeutiques (PPT) na guère donné suite aux deux rapports de lindustrie et au rapport indépendant établi par Price Waterhouse, et le comité mixte industrie-gouvernement sest révélé « un forum de discussion utile », mais rien de plus.
En ce qui concerne les frais imposés par les Services maritimes de la Garde côtière canadienne, deux études controversées ont déjà été effectuées. Une troisième étude, par le Conseil du Trésor cette fois, a été annoncée au milieu de 1998. Selon M. Wayne Smith (vice-président-directeur général, Seaway Marine Transport, Association des armateurs canadiens), « Voilà plus dun an et demi que cette annonce a été faite, et l'étude a bien de la difficulté à se concrétiser. Les choses progressent très lentement ».
Il est difficile de savoir si tous ces cas isolés sadditionnent pour constituer, dans lensemble du gouvernement, un problème systémique causé par la forte décentralisation des responsabilités relatives à la Politique sur le recouvrement des coûts. Comme la souligné M. Neville, les études dimpact sont laissées à linitiative des ministères eux-mêmes; on semble tenir pour acquis que cette portion de la Politique est bien appliquée : « Nous ne sommes pas tenus dexaminer ces évaluations (des impacts économiques).
Nous supposons demblée que chaque ministère les effectue comme il faut et partage linformation recueillie avec les intéressés ».
Le Conseil du Trésor entretient, aux dires de M. Neville, « des rapports constants avec les ministères. Nous recevons leur rétroaction et celle de bon nombre dutilisateurs. Je dirais que nous sommes au courant dune bonne partie de ce qui se fait, mais nous ne pouvons pas toujours suivre tout ce qui se passe dans 103 ministères et organismes ».
Recommandation 8 :
Le Comité recommande que le Conseil du Trésor précise de manière explicite sur quoi doivent porter les études dimpact du recouvrement des coûts sur les entreprises, et quil sassure que les ministères effectuent ces études. Chaque fois que cela est possible, il faudrait procéder à des comparaisons avec létranger.
Cette recommandation porte sur le nud du problème qui entoure la Politique sur le recouvrement des coûts et la tarification : cette Politique nest pas appliquée uniformément.
La Politique souligne que « la perception de frais dutilisation ne doit pas simplement servir à générer des revenus pour répondre aux besoins en financement dun ministère ou dun organisme gouvernemental. Les frais doivent refléter le coût du bien ou du service ou la valeur du privilège conféré ».
Les objectifs annoncés de la Politique, qui sont également conformes à la théorie économique, sont :
De favoriser une affectation efficiente des ressources;
De promouvoir une approche équitable du financement des programmes gouvernementaux, obligatoires ou non, en faisant payer des frais dutilisation justes aux récipiendaires ou bénéficiaires directs de services qui vont au-delà de ceux dispensés au grand public;
De donner au grand public sa juste part du produit des ressources ou activités publiques ou contrôlées par le gouvernement.
En conséquence, la Politique demande aux ministères détablir leurs prix selon la valeur au marché, là où la chose est possible. Les prix sont également censés tenir compte de certaines considérations liées aux politiques, comme les effets externes et le bien public par opposition aux intérêts privés. En ce qui concerne les services de réglementation, les tarifs doivent refléter le coût; la Politique souligne que « [m]ême
lorsquil sagit de services obligatoires, le gouvernement peut les adapter aux besoins de ses clients ». Et plus loin, elle ajoute : « Les frais devraient être établis daprès des normes de service et des mesures de rendement claires et, de préférence, acceptées au préalable, à moins que lon puisse démontrer quil ne serait ni pratique ni raisonnable de le faire. »
La Politique est, dune façon générale, conforme à la bonne pratique économique : les frais sont censés être liés aux coûts et avoisiner la tarification au coût marginal si possible, et limpact économique des frais est censé être pris en compte. Les frais dutilisation doivent être utilisés non pas pour apporter des recettes, mais comme moyen dencourager les efficiences et de « repenser le rôle de lÉtat ». Dans lintention du gouvernement, il est clair que les frais ne doivent pas constituer une nouvelle catégorie dimpôts. Toutefois, que la Politique fonctionne bien dans la pratique est une tout autre question. En ce qui concerne les frais associés à des services obligatoires, le rapport de la BCCR affirme : « Si cette Politique était suivie par les ministères qui exigent des droits pour des services réglementaires, plus de la moitié de la bataille serait gagnée. Mais elle nest pas suivie, et elle na pas été appliquée par le Conseil du Trésor. »
La situation ne semble pas prometteuse. Comme le font remarquer MM. Bird et Tsiopoulos, « une bonne partie de ce qui se fait actuellement au Canada sous prétexte dimposition de "frais dutilisation" na guère de bon sens. Certaines activités tarifées ne devraient probablement pas lêtre. Beaucoup des frais imposés risquent de ne pas susciter les incitations économiques quil faudrait. Certains des commentaires défavorables du public qui y voit des "pompes à argent" sont peut-être justifiés. Enfin, en aucun cas, semble-t-il, le gouvernement ne se donne la peine dexpliquer correctement, ni aux citoyens en général ni aux utilisateurs (et aux gestionnaires) des services en particulier, pourquoi il importe dimposer des frais, et pourquoi précisément ces frais-là ».
Et plus loin : « En règle générale, ce qui est actuellement tarifé par le gouvernement, et la façon dont les tarifs sont établis, correspond à un accident de parcours ou à la convenance de ladministration, tout autant que ou plus que une politique rationnelle. » Et cela est vrai à tous les échelons de ladministration publique, pas seulement au palier fédéral.
La Politique, dans sa forme actuelle, ne traite pas de façon approfondie les importantes différences, dont nous avons déjà parlé, entre les frais dutilisation volontaires et obligatoires. Les frais obligatoires sappliquent généralement à des services
comme la délivrance de permis et les inspections. Dans ces domaines, même sil est facile de définir qui est lutilisateur direct, on ne sait pas très bien quel avantage privé celui-ci obtient en payant. On peut se demander si les utilisateurs devraient même avoir à payer pour le service, dont un très vaste public profite indirectement (p. ex. les inspections alimentaires qui visent à assurer la qualité).
Les groupes industriels ont à quelques reprises allégué que les frais dutilisation sappliquant à des services obligatoires ne sont rien dautre que des impôts qui ne portent pas leur nom. La Cour suprême semble avoir émis une opinion à ce sujet dans son arrêt doctobre 1998, selon lequel les frais dutilisation obligatoires qui nont aucun rapport avec les coûts engagés pour la fourniture du service, sont des impôts de fait. Comme les impôts ne peuvent pas être établis par règlement, mais doivent être adoptés par une assemblée législative, les frais en question (en loccurrence, les frais dhomologation des testaments, en Ontario) ont été jugés illégaux.
Selon Mme Szkotnicki, « les frais sont devenus des impôts. Malheureusement, il existe de nombreux exemples de frais exigés pour des services non rendus. Lindustrie des médicaments et des matériels médicaux nous en offre un excellent exemple. Santé Canada exige que les fabricants de médicaments et de matériels médicaux acquittent annuellement des droits pour renouveler leur licence détablissement. Les fabricants de matériels médicaux ne reçoivent aucun service en retour. Aucun inspecteur ne visite leurs installations, et il nexiste aucune norme de service à respecter pour obtenir la licence. La transaction se résume au paiement des frais et à la délivrance dun « certificat » attestant que le demandeur peut exploiter son établissement; il sagit donc dun impôt, plutôt que de frais, puisque le payeur ne reçoit aucun service ».
Bien entendu, ce nest pas là lintention de la Politique : elle est dénaturée dans son application, et non pas défectueuse dans son principe.
LExamen des programmes mené par le gouvernement en 1994 a eu lieu dans un contexte où il était de mise de réduire fortement les dépenses publiques; dans bien des endroits, les ministères ont considéré les frais dutilisation comme un moyen de renflouer leurs budgets réduits. Dans certains cas, les programmes de recouvrement des coûts ont été structurés en vue dobtenir un montant déterminé. Entre 1994-1995, date à laquelle lExamen des programmes a été mis en route, et 1996-1997, les frais dutilisation ont augmenté de 17 % (de 3,5 à 4,1 milliards de dollars), tandis que les dépenses des programmes baissaient de 7 %. Les frais réglementaires obligatoires payés par les entreprises canadiennes ont augmenté de 47 % entre 1994 et 1996.
Des témoins ont dit au Comité que la restructuration de ladministration publique, menée à la suite de lExamen des programmes de 1994, avait rendu plus difficile la mise en place de bons programmes de recouvrement des coûts. Ainsi, M. Chartier, du ministère de lAgriculture et de lAgroalimentaire, a déclaré au Comité :
Chose certaine, les révisions de programmes elles-mêmes ont également posé des tas de défis aux divers ministères, qui devaient s'adapter à ces nouvelles réalités que sont la mondialisation et la nouvelle économie. En outre, s'il m'est permis de parler au nom de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, sa création en tant que telle remonte à 1997 et elle a été créée, je le répète, à partir de quatre ministères différents et cela a ajouté d'autres défis à ceux que nous avions. Ajoutons à cela le fait que nous avons eu à nous accommoder du moratoire qui a été imposé, (les frais sont gelés jusquen 2002) : tous ces événements divers ont contribué à compliquer un peu plus la mise en uvre complète de l'esprit et de la lettre de cette politique qui a été révisée en 1997.
La raison dêtre des frais dutilisation est censée être daméliorer lefficience des services fournis par le gouvernement, et non pas de produire des recettes. Pourtant, selon certains témoins, la production de recettes était un facteur majeur dans la définition des frais. Comme la déclaré M. Michols du PPT, le montant des frais demandé a été fixé en fonction des ressources disponibles.
Évoquant le cas de lAgence canadienne dinspection des aliments (ACIA), le vérificateur général a souligné : « On a [ ] dabord mis laccent sur la perception des frais dutilisation, et à mon avis, le ministère a dû faire de son mieux, ensuite, pour appliquer le reste de la Politique. Toutefois, on na pas dit aux fonctionnaires quils devaient avoir mis en uvre tous les aspects de la Politique pour commencer à percevoir les droits. Je crois quon a très rapidement commencé à intégrer les recettes ainsi perçues au processus budgétaire ».
Le processus détablissement des frais sen trouve faussé et, dans le cas des services discrétionnaires, le niveau des droits est dautant plus éloigné du coût marginal, cet idéal dont on reconnaît déjà quil est difficile à atteindre. Lorsquil sagit de services obligatoires, le fait de définir un niveau cible de recettes distend le lien entre les frais dutilisation et le coût du service fourni. Le fait de définir une recette cible, que lon partage ensuite selon le nombre dunités fournies (pour obtenir un coût moyen cest la méthode privilégiée détablissement des prix dans le secteur public), décourage la réalisation defficiences et conforte lopinion selon laquelle le recouvrement des coûts ne sert quà produire des recettes, et non pas à encourager une utilisation économique des ressources gouvernementales.
Il peut en résulter une situation dans laquelle le grand public, par le truchement des impôts généraux et des crédits parlementaires, assume une part trop faible dun service faisant lobjet dun recouvrement, tandis que lutilisateur du service paie trop cher. Comme le laisse entendre la Politique, le recouvrement des coûts ne doit pas être utilisé comme excuse pour réduire les budgets.
M. Michols a déclaré au Comité : « À notre avis, le recouvrement des coûts est une politique gouvernementale utile, mais les programmes doivent pouvoir compter sur les ressources et linfrastructure dont ils ont besoin pour veiller à ce que les Canadiens et les clients profitent pleinement des avantages de cette Politique ».
Recommandation 9 :
Le Comité recommande que létude sur les frais dutilisation à léchelle pangouvernementale examine : 1) dans quelle mesure les frais dutilisation sapprochent dune fixation efficiente des prix; et 2) si le recouvrement des coûts a entraîné un sous-financement (à partir des recettes générales) des services mis sous le régime du recouvrement des coûts et un surfinancement des autres. Il faudrait que létude porte notamment sur les frais dutilisation appliqués à des services obligatoires, sur les normes de rendement, ainsi que sur le partage entre les avantages publics et privés, dans le but dexpliciter les exigences de la Politique. Il faudrait que soient élaborées des lignes directrices plus précises et plus simples à appliquer, afin de faciliter la détermination des prix imposés pour les services discrétionnaires et pour les services obligatoires.
F. Le principe de l« utilisateur-payeur, utilisateur-décideur »
Certains groupes craignent que les organismes soient pris au piège sils comptent de plus en plus sur le recouvrement des coûts. Selon M. Michols, « [d]autres intervenants pourraient douter de lintégrité des services offerts, à savoir que les examens et les évaluations de médicaments pourraient être faussés, si lon part du principe que celui qui paie a bien le droit de choisir. Cest une préoccupation très réelle en ce qui concerne le régime de réglementation ». Selon Santé Canada, les recettes totales du recouvrement des coûts accumulées par son Programme des produits thérapeutiques (créé en janvier 1998, à partir de lancienne Direction des médicaments et du Bureau des matériaux médicaux de la Direction de lhygiène du milieu) sélèvent à 39,9 millions de dollars, soit environ les deux tiers du budget total du Programme.
Il sagit là dun domaine difficile, comme M. Neville la dit au Comité : « Les fonctionnaires responsables doivent trouver une formule équilibrée qui corresponde aux besoins de la clientèle, sans compromettre pour autant les orientations fondamentales de leurs programmes. Cela ne peut pas être simple. Toutefois, les représentants de lindustrie ont tout à fait le droit de se dire insatisfaits lorsque les services ne sont pas au niveau de ce qui avait été convenu. Cest là un aspect qui mérite que lon sy arrête
longuement et qui constituera sûrement lun des éléments clés de notre examen des politiques. »
Selon les membres de lAssociation des consommateurs du Canada, « la société civile, tout en étant généralement favorable à lidée que les entreprises et les industries paient des droits pour exercer leurs activités au Canada, na pas confiance dans les renseignements payés par lindustrie et craint que le fait de verser de largent au gouvernement donne à celle-ci la possibilité dinfluer sur les organes de réglementation ». (Mme Hillard).
Évoquant le PTT, Mme Jean Jones (présidente, Conseil de la santé au Canada, Association des consommateurs du Canada) a déclaré : « Dans de nombreux forums, au cours des deux dernières années, les consommateurs ont dit craindre que le processus dexamen des médicaments ne soit très tributaire des fonds provenant du recouvrement des coûts. À leur avis, cette dépendance fausse lobjectif premier du processus, qui est de protéger la santé du public, en le faisant porter davantage sur le service au client. Les hauts fonctionnaires parlent maintenant des industries comme de clients, ce qui renforce limpression selon laquelle ils cherchent davantage à servir lindustrie quà protéger les consommateurs ».
M. Bird y voit aussi un problème. Prenant un exemple à lextérieur de ladministration fédérale, il a déclaré : « Supposons que je doive réglementer lindustrie du taxi. Mes clients ne sont ni les propriétaires ni les chauffeurs de taxi, mais les utilisateurs. Et lanalogie est parfaite. Les clients ne sont pas les gens avec qui vous traitez directement dans la plupart des cas. Ce sont en fait les citoyens canadiens et cest pourquoi il est capital [ ] que ces gens soient toujours entendus ».
Mme Hillard a ajouté : « LACC estime que la transparence et la reddition des comptes sont essentielles pour quun système de recouvrement des coûts paraisse acceptable aux parties prenantes. Les entreprises doivent savoir que les frais quelles assument ne représentent quune portion du prix de revient réel, alors que le reste demeure à la charge du contribuable. Cela doit être dit clairement, afin que les organismes de réglementation ne subissent pas de pressions de la part des entités réglementées. Il doit être clair quils ne font pas que fournir des services à ces dernières. »
La Politique sur le recouvrement des coûts aborde brièvement cette question. Dans une annexe intitulée « Questions et réponses », on peut lire :
Ceux [dont] on exige [quils paient] des frais ont le droit irréfutable dêtre consultés en ce qui concerne les coûts et lefficacité des programmes établis en leur nom, ainsi que les normes de qualité maintenues par de tels programmes. Toutefois, dans la pratique, lapplication de ce principe peut parfois être restreinte lorsque certains objectifs des politiques sont contradictoires. Les ministères et les organismes devraient collaborer aussi étroitement que possible avec leurs clients pour fournir leurs services efficacement sans perdre de vue les objectifs fondamentaux des politiques.
Le Comité note que le Conseil du Trésor a déclaré quil écouterait tous les intéressés lorsquil procédera à lexamen du régime de recouvrement des coûts. Nous remarquons également que lapplication de la Politique tiendra compte de la préoccupation concernant le droit au chapitre de lutilisateur-payeur.
Le fait que cela présente des difficultés indique que les avantages de ces services sont avant tout liés au bien public, et non pas à des intérêts privés. Dans le dernier de ces cas, la participation des utilisateurs à la conception et à la mise en uvre des services obligatoires ne poserait aucun problème grave sur le plan des politiques publiques et nentraînerait pas de conflit dintérêts.
Cest là un autre domaine où le vérificateur général a demandé que le Comité pousse lexamen plus loin. « De plus, [a-t-il dit,] vous pourriez également donner des conseils sur la façon d'éviter les conflits d'intérêts potentiels. Plus un organisme dépend du recouvrement des coûts, et plus s'installe un lien entre le client et son fournisseur, ce qui nest pas toujours nécessairement très sain. Cet aspect-là devrait peut-être vous préoccuper aussi. »
Le Conseil du Trésor, qui a imposé ces frais apparemment sans exiger un engagement ferme à atteindre les niveaux de rendement requis, semble être à lorigine du problème ». (M. Jim Keon, président, Association canadienne des fabricants de produits pharmaceutiques)
Lorsquil a décidé de recouvrer les coûts, le gouvernement sest engagé à exiger des frais équitables, justifiables et transparents. Daprès notre expérience, ces engagements de base nont pas été respectés. (M. Myers)
Daprès la Politique, lun des principaux objectifs des frais dutilisation est daméliorer le service et daccroître lefficience. Il ressort clairement des témoignages entendus par le Comité que, dans bien des cas, cela ne sest pas produit. Dans certains domaines, le niveau de service a même empiré. Au PPT, lhomologation des médicaments prend habituellement près de 600 jours, presque le double du délai de 355 jours promis.
Le manque dinformation cohérente de la part du Conseil du Trésor rend difficile, ici encore, de jauger à quel point la médiocrité du service est répandue. Daprès les témoignages entendus par le Comité, la situation mériterait toutefois quon y regarde de plus près et quon intervienne. Comme la fait observer M. Neville, « Des discussions simposent sur les normes de service, qui sont cruciales au succès de la politique mais ne seront jamais simples. Il y aura toujours, entre ladministration fédérale et le secteur touché, des divergences dopinion sur le niveau de risque acceptable ».
Les représentants du ministère ont donné plusieurs raisons pour expliquer les retards, y compris le manque de ressources attribuable aux compressions budgétaires ainsi que la nécessité de consulter et détudier les répercussions des changements apportés au barème des frais.
Deux éléments méritent quon sy arrête. Dabord, lorsquune personne ou une entreprise doit payer pour obtenir un service, elle a le droit de savoir ce quon lui demande de payer, y compris le temps dattente nécessaire. Et si le service ne correspond pas à ce qui a été « convenu », il devrait y avoir des sanctions.
Recommandation 10 :
Que, lorsque possible, les frais soient réduits si les engagements pris en matière de service ne sont pas respectés.
Dautre part, si les ministères ou organismes ont du mal à sacquitter de leurs fonctions, il faudrait envisager dautres solutions lorsque possible. Comme la affirmé M. Michols, « Au moment où le secteur industriel se mondialise, il est absurde que les organismes de réglementation nen fassent pas autant ». Lidée mérite dêtre examinée, bien que cela pose des problèmes en soi (sur le plan notamment des normes retenues).
Recommandation 11 :
Il faudrait aussi envisager dautres mécanismes dapplication comme le recours à dautres fournisseurs de services et lutilisation de normes internationales. Les gouvernements ont changé leurs façons de faire en substituant des règlements dictés par les lois du marché à ceux imposés dautorité.
Un autre aspect de cette question est celui des formalités administratives et de la paperasserie quentraîne la réglementation. (M. Rob Meijer, analyste des politiques agroalimentaires, Fédération canadienne de lentreprise indépendante)
Le recouvrement des coûts nest pas la seule politique gouvernementale qui touche léconomie. Tout effort pour accroître la compétitivité ou lefficience globale des politiques doit englober plus d'un domaine dintervention gouvernementale. Bien que le présent rapport cible les frais dutilisation, une grande partie de lanalyse est valable pour la politique de réglementation en général. Si des règlements bien conçus et pertinents peuvent avoir des retombées positives sur léconomie canadienne et le niveau de vie des Canadiens, ils imposent aussi des coûts aux entreprises et, par extension, à lensemble des Canadiens et de léconomie. Comme laffirme lOCDE dans un rapport sur la réglementation, « Des réglementations inadaptées sont susceptibles dimposer des coûts
ou des inefficiences non négligeables aussi bien au secteur concerné quà léconomie dans son ensemble ». Les règlements sont assimilables, en ce sens, aux impôts et aux frais dutilisation. Par contre, ils ne devraient servir quà pallier aux lacunes du marché, dans loptique, en général, de ce que nous avons exposé au sujet des directives sur le « caractère public ».
Il serait donc logique quune réforme de la politique des frais dutilisation saccompagne dun examen du régime canadien de réglementation.
Comme la plupart des pays membres de lOCDE, le Canada a entrepris un examen approfondi de son régime réglementaire. Aux États-Unis, le National Partnership for Reinventing Government, lancé par le vice-président Al Gore en 1993, sest attaqué, entre autres, à lexamen de la réglementation en vue de simplifier ladministration publique. Ce travail a produit, dès 1995, des recommandations susceptibles de donner lieu, daprès les estimations établies, à des économies de près de 70 milliards de dollars en cinq ans.
Malgré ces efforts, le nombre de règlements continue de croître dans pratiquement tous les pays. Cela sexplique par bien des raisons, dont le souci dassurer une meilleure protection de lenvironnement. La qualité des règlements importe toutefois plus que leur nombre.
Une étude dimpact de la réglementation (EIR) est conçue de manière à tenir compte de lincidence cumulative des règlements et den peser le pour et le contre. Un programme bien conçu dEIR contribue à éviter dadopter des règlements plus coûteux et moins efficaces quil ne le faut.
Les EIR se heurtent aux mêmes problèmes que les frais dutilisation : elles sont très difficiles à quantifier car la conjugaison danalyses quantitatives et qualitatives se montre parfois difficile. Dautre part, lexpérience des pays de lOCDE a laissé à désirer. Une étude de la réglementation américaine a révélé que la moitié des règlements adoptés ne répondaient pas à un critère de coûts-avantages, malgré 15 années dinvestissements dans un programme axé là-dessus. Selon lOCDE, dautres pays continuent dadopter des règlements sans aucune analyse, même rudimentaire, des coûts.
Il est important aussi denvisager des solutions de rechange, parfois plus efficaces à moindre coût, aux règlements. Signalons, entre autres, la divulgation dinformation, les incitations économiques, les droits de propriété échangeables, les ententes volontaires, lautoréglementation, les obligations en fonction du risque, la persuasion, les formules
axées sur les résultats, et les instruments économiques comme les impôts et les permis échangeables. Le but est datteindre un objectif donné de façon aussi efficace que possible.
Il est difficile de mesurer limpact dun règlement; la plupart des études du genre semblent se contenter détablir le coût de la réglementation, mais pas les avantages, relativement plus difficiles à quantifier, qui en découlent. LOCDE fait cependant observer que la qualité des règlements semble saméliorer dans ses pays membres : « Un indicateur essentiel de lamélioration de la qualité de la réglementation est constitué par labandon de formes anciennes de réglementation économique, qui se traduisent rarement par des avantages nets pour la collectivité, au profit de réglementations sociales dans les domaines de la santé, de la sécurité et de lenvironnement, qui sattaquent aux véritables défaillances du marché et sont susceptibles dentraîner des avantages nets importants ».
LOCDE fait observer que les examens, les analyses dimpact et lintensification des consultations avec les intéressés contribuent à accroître la qualité des règlements, « à tel point que, si lon recense de nombreuses réglementations nouvelles dans les années 90, ces textes sont en général meilleurs que ceux adoptés dans les années 70. En dautres termes, les nouvelles réglementations produisent de meilleurs résultats à un moindre coût ».
En 1992-1993, les ministères et organismes fédéraux ont entrepris, par voie interne et par consultation du grand public, un examen de la réglementation avec lappui du Conseil du Trésor. Entre 1993 et 1998, quelque 835 règlements ont ainsi été révisés ou abrogés.
Malgré cela, le nombre de règlements continue de croître, mais à un rythme moindre par rapport au sommet de 1 392 atteint en 1985 et aux 676 règlements adoptés en 1998. Ce ralentissement global du nombre de nouveaux règlements se constate dans la plupart des pays membres de lOCDE.
Dans un rapport intitulé Réglementation et compétitivité, déposé en janvier 1993, le Comité des finances sest penché sur le processus réglementaire, de la délégation parlementaire du pouvoir de réglementer à la surveillance et lévaluation des règlements en vigueur. Bon nombre de ses recommandations se retrouvent, dans une certaine
mesure, dans la politique actuelle de réglementation, mais une des plus intéressantes, qui exhortait le Président du Conseil du Trésor à publier chaque année une compilation des « coûts et avantages estimatifs de la réglementation fédérale », brille par son absence. Comme dans le cas des frais dutilisation, linteraction des coûts et avantages de la réglementation na pas été examinée à fond un rapport annuel, comme celui que nous recommandions, contribuerait grandement à donner aux décideurs et aux Canadiens un bon aperçu du débat.
En novembre 1999, le Canada a adopté une nouvelle Politique de réglementation, qui remplaçait celle de 1995. Il retirait du même coup au Conseil du Trésor, qui continue dintervenir dans le processus réglementaire, la responsabilité de cette politique pour la confier au Bureau du Conseil privé, et plus particulièrement à sa Division des affaires réglementaires. Voir lannexe II de cette politique exige entre autres :
la consultation des Canadiens;
lanalyse de limpact économique des règlements;
de nadopter des règlements que si les avantages qui en découlent dépassent les coûts et quil ny a pas de meilleure solution;
létablissement de systèmes de gestion efficaces des ressources réglementaires; et
le respect des processus internationaux et intergouvernementaux.
Le Comité a décelé de grandes divergences dans la mise en uvre de la Politique sur le recouvrement des coûts du Conseil du Trésor. Il nous paraît donc logique de proposer, comme prochaine étape, un examen de la politique de réglementation.
B. Partenariat national de réforme gouvernementale : Lexemple des États-Unis
Aux États-Unis, le programme de National Partnership for Reinventing Government (NPR) en cours offre, dans loptique dun nouvel examen de la structure réglementaire canadienne, un modèle éventuel. Cette réforme, destinée à réinventer le gouvernement à lorée du XXIe siècle afin den améliorer le fonctionnement, den réduire le coût et de donner aux Américains les résultats qui leur tiennent à cur, gravite autour
de plusieurs principes : mieux servir la clientèle, accroître laccès électronique aux services gouvernementaux, produire des résultats quaucun organisme ne peut produire seul et imprégner la culture gouvernementale desprit de réinvention.
Sur le plan de la réforme réglementaire, le but est de cibler les efforts de réinvention sur les responsables qui veulent se conformer aux règles. Cette campagne vise en particulier quatre objectifs énoncés en 1995 :
éliminer les règlements désuets;
récompenser les résultats, plutôt que la bureaucratie;
créer des partenariats populaires;
négocier, au lieu de dicter.
Le président Clinton invitait, la même année, les organismes ministériels à permettre aux entreprises sanctionnées dutiliser le montant des amendes pour corriger leurs problèmes, et à réduire le fardeau de la divulgation en coupant de moitié la fréquence des rapports (par la production de rapports bisannuels au lieu dannuels, par exemple).
Cet effort englobe, aux États-Unis, une vaste gamme dactivités :
léchange de pratiques optimales entre organismes;
lélimination des barrières entre organismes;
la promotion de textes rédigés en langage clair et de moyens de faciliter la conformité;
la création de partenariats avec le secteur privé et les collectivités;
lexploitation des technologies de linformation;
ladoption dautres façons de mesurer les progrès.
Les États-Unis prétendent que cette initiative a eu du succès. Selon le NPR, les organismes gouvernementaux :
abandonnent les méthodes autoritaires utilisées pour encourager la conformité;
mesurent la satisfaction des clients et incorporent aux plans de travail des niveaux cibles de service et de résultats;
sefforcent avant tout daider les entreprises et les secteurs industriels à se conformer aux règlements;
encouragent le secteur privé à participer au processus délaboration de règlements le plus tôt possible.
Des partenariats volontaires conclus sous les auspices de lorganisme de protection de lenvironnement, qui encourage et reconnaît les comportements écologiques, ont permis, en 1998, déconomiser 3,3 milliards de dollars américains, déliminer 7,8 millions de tonnes de déchets solides, en plus déviter lémission de 80 millions de tonnes métriques de gaz carbonique et de permettre la conservation de près de 1,8 milliard de gallons deau propre. De son côté, la commission de protection des consommateurs a mis au point un mode de retrait rapide des produits; les entreprises qui décident de procéder à une telle opération disposent ainsi dun mécanisme efficace. Lorganisme estime que le niveau de succès atteint près de 60 %, contre 30 % dans le cadre des programmes de retrait habituels.
Le service dinspection des aliments a, enfin, lancé un programme préventif à caractère scientifique pour assurer la sécurité des viandes et volailles. En confiant la responsabilité de la sécurité alimentaire aux producteurs, plutôt quà des inspecteurs publics, dans 300 grandes usines en janvier 1998, la salmonelle a été réduite de près de moitié dans les produits à base de volaille, de 30 % dans le buf haché et de 25 % dans le porc.
Comme le Comité la déjà signalé, ce genre douverture, de clarté et de sensibilité lui a paru faire défaut dans limposition de frais dutilisation au Canada. Le gouvernement devrait aussi, conformément aux recommandations formulées ici, envisager dadopter un « budget réglementaire », où figureraient des estimations détaillées du coût total de la réglementation, y compris les coûts dapplication et de conformité, ainsi quune analyse coûts-avantages. Comme le Comité des finances le suggérait en 1993, un examen de la structure réglementaire canadienne aiderait à déterminer dans quelle mesure les efforts antérieurs du Canada pour adopter des politiques réglementaires saines ont été couronnés de succès.
Recommandation 12 :
Que le gouvernement charge une commission détude des lourdeurs administratives dévaluer et de rationaliser les règlements. Cette commission examinerait la pertinence des règlements en vigueur afin que ceux qui ne le sont plus soient récrits ou abrogés simplement. Elle établirait également des lignes directrices pour la mise en place des futurs règlements, qui seraient axées sur l'objectif de réduction du fardeau que représente la réglementation pour l'économie canadienne.
MOT DE LA FIN : LA POURSUITE DU DIALOGUE
Les frais dutilisation ont peu contribué, dans le passé, au financement des programmes publics, doù le peu de liens qui existaient entre un programme et ses résultats, lefficacité de sa structure et ses clients. Comme M. Bird et dautres lont dit au Comité, les frais dutilisation ont contribué à faire prendre conscience du coût des services publics « gratuits ». Par contre, comme la indiqué le vérificateur général, le recouvrement des coûts a contraint les ministères et organismes à se préoccuper du contrôle des dépenses afin de fournir des services qui soient les meilleurs et les plus efficaces possibles.
Limposition de frais dutilisation a surtout suscité un dialogue entre ladministration publique, les particuliers et les entreprises, qui profitent directement de ces programmes de recouvrement des coûts, et les Canadiens desservis par les régimes dagrément et de réglementation.
Le Comité perçoit son rapport comme un élément de ce dialogue. Il a constaté, en examinant le contenu et la mise en uvre de la Politique sur le recouvrement des coûts et la tarification, bien des façons de laméliorer. Ce nest guère étonnant, car il est difficile même en théorie détablir des frais dutilisation sains. Il lest encore plus, bien sûr, au milieu des complexités du monde réel.
La collecte et la diffusion au public de données à jour et détaillées sur les programmes de recouvrement des coûts contribueront à lévaluation de la Politique sur le recouvrement des coûts et la tarification en général et de programmes particuliers. La décentralisation actuelle du programme rend la chose extrêmement difficile. Conjuguée à une meilleure surveillance parlementaire et à un mécanisme indépendant de règlement des différends, lintensification de la coordination centrale requise assurera aux Canadiens la reddition de comptes quils méritent.
La Politique est saine dans lensemble. Vu la nécessité daccroître la reddition de comptes et la cohérence, la plupart des recommandations du Comité visent à la rendre plus explicite et dapplication plus facile. La définition du bien public et des intérêts privés sera, par exemple, une étape difficile mais nécessaire vers la mise au point dune politique cohérente et claire. Ce sera, en tout cas, préférable à la situation actuelle où 47 ministères et organismes se fondent sur leur propre définition du bien public et des intérêts privés, sans parler de leurs propres mécanismes de règlement des différends et de leurs définitions de limpact sur les entreprises.
Le Comité estime que ses recommandations contribueront à renforcer la Politique sur le recouvrement des coûts et la tarification.
Il incombe au gouvernement fédéral de créer un milieu où chacun, citoyens ou entreprises, peut sépanouir. Une bonne politique de frais dutilisation nest, dans ce contexte, quun élément dun climat économique favorable. Tout comme les frais
dutilisation, un régime réglementaire mal appliqué peut nuire aux particuliers et aux entreprises. Le Comité espère que, en plus dalimenter le dialogue sur les frais dutilisation, son rapport en déclenchera un sur la réforme du régime réglementaire dans le but de rendre le gouvernement plus sensible aux besoins des Canadiens.