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HUMA Rapport du Comité

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III. LA VÉRIFICATION DE 1999 ET SES CONSTATATIONS

En 1999, le Ministère a entrepris une vérification interne d’un échantillon de subventions et contributions pour déterminer si l’administration de certains programmes était conforme à ses propres lignes directrices et à celles du Conseil du Trésor. La vérification n’avait pas pour but de déterminer si les fonds en question avaient été utilisés efficacement pour atteindre les objectifs poursuivis. Contrairement aux vérifications menées par le vérificateur général du Canada, celle du Ministère ne visait pas à déterminer s’il y avait eu ou non optimisation des ressources. Elle se voulait plutôt un outil pour déterminer si les programmes visés étaient bien gérés. Dans les secteurs public et privé, les gestionnaires ont recours à ce genre de vérification pour évaluer les pratiques administratives internes et pour mieux gérer les risques. Les représentants du Ministère et le vérificateur général ont affirmé au Comité que DRHC effectuait régulièrement des vérifications internes de ce genre avec l’autorisation du sous-ministre. Ainsi, le Bureau de vérification interne (BVI) du Ministère effectue chaque année environ 25 examens et vérifications portant sur divers programmes et il évalue les risques opérationnels auxquels s’expose le Ministère dans la poursuite de ses grands objectifs.

Chronologie des événements

Le greffier du Conseil privé et ex-sous-ministre du Ministère a dit au Comité qu’il a ordonné la vérification interne de 1999 dès qu’il a eu connaissance des résultats de la vérification des dépenses engagées par le Ministère au titre de la Stratégie du poisson de fond de l’Atlantique qu’avait effectuée le vérificateur général pour déterminer s’il y avait eu optimisation des ressources. L’objectif de cette vérification, dont les résultats ont été rendus publics en octobre 1997, était d’évaluer dans quelle mesure les dépenses de 1,748 milliard de dollars faites par le Ministère au titre de la Stratégie avaient aidé les travailleurs à s’adapter aux changements dans l’industrie du poisson de fond et de déterminer si cette stratégie d’adaptation de la main-d’œuvre comportait un cadre de reddition des comptes efficace. Voici ce qu’avait conclu le vérificateur général à l’époque :

…étant donné la difficulté d’obtenir une information claire et précise, des décisions ont été prises à partir de renseignements incomplets, qui ne répondaient pas aux exigences des critères d’admissibilité de la Stratégie. Des erreurs ont été notées dans l’application de ces critères depuis le début de la mise en place de la Stratégie et plusieurs rectifications ont dû être apportées. Diverses interprétations des critères d’admissibilité ont entraîné un traitement différent des participants d’un endroit à l’autre. […] L’absence d’un cadre de reddition des comptes adapté à ce type d’intervention n’a pas permis de s’assurer de la valeur reçue en contrepartie de l’argent dépensé.

Le vérificateur général avait aussi formulé plusieurs recommandations pour améliorer la reddition des comptes en rapport avec la Stratégie et d’autres programmes semblables.

C’est après avoir reçu ce rapport que l’ancien sous-ministre dit avoir pris conscience de l’existence possible de problèmes semblables dans l’administration d’autres programmes du Ministère, eux aussi financés par des dépenses discrétionnaires, comme la Stratégie.

Le directeur général du Bureau de vérification interne du Ministère a indiqué au Comité que la vérification des subventions et des contributions avait été approuvée en février 1998 et que ses modalités avaient été définitivement établies le 18 décembre 1998. En vertu de ces modalités, les objectifs de la vérification consistaient :

…à évaluer la gestion et la prestation des programmes de subventions et de contributions de DRHC et à faire des recommandations pratiques, axées sur les résultats, aux gestionnaires et aux employés, sur les moyens d’améliorer la gestion des projets, de réduire les risques et d’élaborer un meilleur cadre de responsabilité.

Pour atteindre cet objectif, l’examen [vérification] a porté sur les questions suivantes :

    1. les subventions et les contributions sont-elles allouées et utilisées aux fins prévues conformément aux objectifs, aux politiques, aux règles et aux procédures en vigueur tout en tenant compte des principes de responsabilité, d’efficacité, d’efficience et d’économie;
    2. les fonds de subventions et de contributions sont-ils suffisamment à l’abri des erreurs, des détournements, d’une mauvaise utilisation et des abus, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de DRHC. Le cas échéant, l’examen fournit une estimation de l’importance des pertes.

Le directeur général a aussi précisé au Comité que l’équipe de vérification avait effectué son travail entre janvier et septembre 1999 et avait remis une ébauche de rapport le 5 octobre 1999, ébauche à laquelle il manquait toutefois la réponse de la direction. Le Conseil de gestion du Ministère a reçu l’ébauche du rapport de vérification le 13 octobre 1999. C’est après cela, aux dires des représentants du Ministère, que la ministre du Développement des ressources humaines du Canada a été mise au courant, soit le 17 novembre 1999. Le rapport final de la vérification, incluant la réponse de la direction, a été achevé le 6 janvier 2000. Puis, le 11 janvier, la sous-ministre a donné une séance d’information pour l’ensemble du Ministère afin de présenter les résultats de la vérification. La ministre a ensuite rendu public le rapport final de la vérification le 19 janvier 2000.

L’échantillon de vérification

Pour atteindre les objectifs de son examen des subventions et contributions, l’équipe de vérification a constitué un échantillon aléatoire stratifié composé de 459 dossiers de projet, en choisissant des dossiers dans chacun des 27 sous-programmes constituant l’univers de vérification. Sur l’ensemble des dossiers de projet choisis, 73 (16 %) étaient financés par des subventions, et 386 (84 %) en vertu d’ententes avec des tierces parties appelées à recevoir les contributions du Ministère. La valeur de tous les projets visés par la vérification était d’environ 230 millions de dollars.

Même si le sous-ministre adjoint, Services financiers et administratifs, a affirmé au Comité que l’échantillon comportait un nombre à peu près égal de projets de chaque sous-programme, ce n’était manifestement pas le cas. Selon l’annexe A du rapport de vérification, le nombre de projets de chaque sous-programme faisant partie de l’échantillon variait de deux, pour l’Initiative d’emploi pour les Autochtones en milieu urbain; à 73, pour l’Alphabétisation. Les projets vérifiés mis en œuvre par l’administration centrale représentaient 61 % (278) de l’ensemble des projets de l’échantillon — ce qui constitue une proportion importante, puisque les représentants du Ministère ont indiqué au Comité que l’administration centrale n’avait la responsabilité que d’environ 10 % des programmes financés par des subventions et des contributions. Sur les 181 projets vérifiés relevant des bureaux régionaux et locaux du Ministère, 34,8 % (63 projets) avaient été choisis dans le Canada atlantique, 13,8% (25 projets) au Québec, 22,1 % (40 projets) en Ontario et 29,3 % (53 projets) dans l’Ouest canadien.

En plus d’examiner tous les projets faisant partie de l’échantillon, l’équipe de vérification :

    • est allée examiner sur place 63 projets, notamment les demandes de remboursement des promoteurs;
    • a examiné les paiements anticipés pour déterminer s’ils étaient conformes aux lignes directrices du Conseil du Trésor;
    • a procédé à une analyse des privilèges d’accès aux systèmes informatiques du Ministère;
    • a évalué le contrôle des décaissements.

Les constatations

La vérification interne de 1999 a permis de faire ressortir un certain nombre de problèmes importants de gestion administrative et financière, comme ceux relevés dans les vérifications antérieures de programmes semblables réalisés par le Ministère et son prédécesseur, Emploi et Immigration Canada. Sur tous les dossiers de projet examinés, 69, soit 15 %, ne contenaient aucune demande du promoteur. Dans les 390 autres dossiers de projets qui renfermaient une demande :

    • 280 (72 %) ne renfermaient pas de prévisions de trésorerie;
    • 179 (46 %) n’indiquaient pas le nombre de participants prévu;
    • 98 (25 %) ne comportaient pas de description des activités financées;
    • 98 (25 %) ne donnaient pas de précisions sur les caractéristiques des participants au programme;
    • 43 (11 %) ne comportaient pas de projet de budget;
    • 43 (11 %) ne décrivaient pas les résultats prévus.

La vérification a révélé d’autres graves lacunes administratives :

    • Dans presque tous les cas (97 %), les dossiers vérifiés ne contenaient aucune indication démontrant qu’on avait vérifié, avant d’accepter le projet, que le promoteur n’avait pas de dettes impayées envers le Ministère.
    • Les deux tiers des dossiers ne contenaient aucune justification pour expliquer la recommandation ou l’approbation du projet.
    • Dans 112 cas, les signatures requises ne figuraient pas sur le document d’approbation du projet, l’accord ou, à tout le moins, sur une des demandes relatives au projet.
    • La valeur monétaire initiale avait été modifiée (habituellement à la hausse) pour le tiers des projets vérifiés et dans 36 % de ces cas, la raison de la modification n’était pas indiquée.
    • La grande majorité des projets (87 %) ne renfermait aucune preuve de supervision et 80 % de tous les projets vérifiés ne renfermaient aucune preuve de contrôle financier.
    • Les trois quarts des accords de contribution de l’échantillon ne prévoyaient aucune surveillance du niveau d’obtention des résultats prévus et n’avaient fait l’objet d’aucun suivi à cet égard.

Lors de ses visites sur place, l’équipe de vérification a vérifié des demandes de remboursement totalisant environ 5 millions de dollars. Trois pour cent de ces dépenses n’auraient pas dû être autorisées selon les conditions des divers accords de contribution. En outre, 13 % des demandes de remboursement de dépenses ne s’appuyaient sur aucun document justificatif satisfaisant. Comme il était impossible au cours des visites sur place d’établir de façon formelle l’existence d’un trop-payé, les vérificateurs ont avisé les agents de programme responsables des dossiers concernés et ils ont entrepris de faire un suivi afin de déterminer s’il y avait effectivement eu trop-payé.

L’équipe de vérification a également constaté que sur l’ensemble des projets vérifiés mettant en cause des accords de contribution, quelque 261 millions de dollars, soit 26,3 % de toutes les dépenses de projet, avaient été déboursés au cours du dernier mois de l’exercice (c.-à-d. après le début de mars). Ce chiffre est de beaucoup supérieur à la moyenne mensuelle des décaissements pour les mois d’avril à février, c’est-à-dire les 11 premiers mois de l’exercice, qui est de 19,6 %. Les visites sur place ont démontré qu’on avait recours à cette pratique pour éviter la non-utilisation des fonds destinés aux programmes du Ministère. Ces paiements étaient faits à partir du budget de l’exercice précédent à titre d’avance pour l’année suivante. Les vérificateurs ont indiqué que cette pratique était abusive et contraire aux lignes directrices du Conseil du Trésor régissant les paiements anticipés.

Enfin, l’équipe de vérification a constaté des situations qui, à son avis, étaient de nature à compromettre l’intégrité des systèmes financiers du Ministère. Parce que les tâches ne sont pas suffisamment bien réparties entre les agents de projet, il arrive souvent qu’un même agent s’occupe d’un projet de subvention ou de contribution dès le moment où la demande initiale est présentée jusqu’à la clôture du projet, sans qu’il n’y ait d’intervention de la part des gestionnaires ou très peu. Par conséquent, un agent de projet peut décider d’effectuer des paiements et aussi les approuver, d’où l’élimination d’un élément important du contrôle. En ce qui a trait à l’accès aux systèmes financiers, l’équipe de vérification a constaté que le même code d’accès avait été parfois donné à plus d’un employé (accès multiple) et que des codes génériques pouvaient aussi être utilisés de façon anonyme.

Les représentants du Ministère ont rappelé au Comité que ces constatations sont valables pour l’ensemble de l’univers de vérification, mais ne doivent pas être interprétées comme étant applicables à un secteur de programme, à un sous-programme ou à une région en particulier.

Raisons expliquant les constatations des vérificateurs

Le rapport de vérification et certains des témoins qui ont comparu devant le Comité ont invoqué diverses raisons pour expliquer la situation décrite dans le rapport de vérification. En voici quelques-unes :

    • la réorganisation du Ministère en 1993;
    • le début de l’examen du système de sécurité sociale en 1994;
    • la réforme de l’assurance-chômage et l’examen des programmes en 1995;
    • les ententes sur le développement du marché du travail (EDMT) conclues avec les provinces et les territoires en 1996.

Tous ces changements ont entraîné une réduction de l’effectif du Ministère de 5 000 années-personnes, la fermeture et le regroupement de plus de 300 bureaux et le transfert d’au-delà de 2 000 employés aux gouvernements provinciaux. Le Comité ne doute pas que ces facteurs ont contribué aux problèmes administratifs relevés lors de la vérification interne de 1999.

Le Comité se demande cependant si les conséquences de tous ces changements sont effectivement la principale cause du problème. Deux vérifications antérieures ont déjà révélé des problèmes semblables et permis de constater : « …que des documents de contrôle clés manquent dans au-delà de 80 % des dossiers vérifiés, que les rapports des examens financiers manquent dans 50 % des dossiers vérifiés; qu’il n’y a pas de répartition des tâches, que la compétence laisse à désirer et que la gestion ou le contrôle interne sont déficients dans 50 % des projets visités ». Selon une vérification de suivi effectuée en 1994, « …il y a encore très peu de preuves que l’exécution du programme s’est améliorée de façon significative à l’échelle locale. De fait, huit importantes recommandations découlant de la vérification de 1991 n’avaient pas encore été mises en œuvre de façon satisfaisante. […] Le contrôle et le suivi continuent d’être négligés, souvent même avec des projets complexes et pluriannuels qui impliquent de grosses sommes ».

Le greffier du Conseil privé a pour sa part déclaré au Comité que les compressions et les autres raisons invoquées par le Ministère pour justifier son inaction « …ne devraient [tout simplement pas] excuser les lacunes administratives mises en évidence par la vérification ». Le Comité croit que les Canadiens ont aujourd’hui moins confiance dans la compétence administrative du Ministère. Il est maintenant temps de rétablir cette confiance.