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INDU Rapport du Comité

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OPINION DISSIDENTE
NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE
JUIN 2000

La Loi sur la concurrence est un instrument tout prêt que nous pourrions utiliser ici, maintenant, très vite — moyennant […] un élargissement de sa portée et des modifications mineures — pour profiter d'une conjoncture favorable à la diversification. Je pense surtout ici à l’importance de journaux de propriété locale, par opposition à des journaux appartenant à de grandes sociétés […]. (Témoin, Tom Kent, 17 mai 2000)

Par la présente opinion dissidente, le Nouveau Parti démocratique ne cherche en rien à minimiser l’importance des travaux réalisés par le Comité, mais tient seulement à faire ressortir une lacune du rapport provisoire, lequel ne règle pas de façon satisfaisante le problème de plus en plus préoccupant de la concentration des médias au Canada.

Dans sa sagesse, le Comité a statué que la Loi sur la concurrence n’était pas le mécanisme approprié pour traiter de problèmes qui concernent une branche d’activité en particulier, comme dans le cas des monopoles et de la concentration dans le secteur des journaux. Le Nouveau Parti démocratique n’est pas de cet avis, estimant qu’il incombe au Bureau de la concurrence de bien peser toutes les considérations relatives à l’intérêt public et pas seulement les intérêts commerciaux lorsqu’il doit décider si un projet de fusion dans le secteur des journaux porte atteinte à la concurrence.

Le Bureau de la concurrence a demandé au Forum des politiques publiques d’effectuer une étude à ce sujet. Le Comité aura alors l’occasion d’étudier ses observations sur les nombreuses questions en cause. Cependant, le Nouveau Parti démocratique hésite à attendre l’achèvement des travaux du Forum vu le caractère pressant du dilemme qui se pose dans l’industrie canadienne des journaux. Nous souscrivons à l’opinion de l’ancien président de la Commission royale sur les quotidiens de 1981, M. Tom Kent, quand il dit : « Dans l'intérêt du public et en toute justice envers le milieu des affaires en général, notamment envers les actionnaires de Thomson et de Hollinger, il est nécessaire que le gouvernement arrête une politique claire et en fasse l'annonce sous peu. J'espère que nous ne nous retrouverons pas de nouveau dans une situation où l'on aura attendu trop longtemps de prendre une décision. » (Témoin, Tom Kent, 17 mai 2000)

Des arguments probants tendent à montrer que le niveau de concentration malsain que l’on observe aujourd’hui dans l’industrie des journaux est imputable à l’absence de mesures législatives efficaces pour le prévenir. Voici certains des faits patents :

Près de 90 % des quotidiens du Canada sont contrôlés par de grandes et puissantes chaînes de journaux – en Colombie-Britannique, 95 % des journaux appartiennent au groupe Hollinger.

En 30 ans, la proportion des journaux indépendants est passée de 40 % à moins de 5 % du tirage des quotidiens de langue anglaise – une chaîne, Hollinger, contrôle 45,4 % des journaux de langue anglaise.

Trois autres grandes chaînes — Québécor, Torstar Corp. et Thomson — contrôlent les 50 % restants des journaux de langue anglaise.

Une poignée de villes seulement ont des quotidiens concurrents de langue française ou de langue anglaise.

Dans quatre provinces, un propriétaire unique a la mainmise sur la totalité des quotidiens, à savoir la famille Irving au Nouveau-Brunswick et Hollinger dans l’Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve et en Saskatchewan.

La concentration de la propriété entraîne des licenciements massifs de journalistes du fait que les grandes chaînes de journaux cherchent à réduire les coûts de salles de presse, ce qui a des répercussions considérables sur la qualité de l’information et sur le marché du travail.

Un autre problème suscite de plus en plus d’inquiétudes, à savoir l’ouverture éventuelle du secteur des journaux à la propriété étrangère. Pour notre part, nous estimons que, pour résoudre le problème que pose la propriété des quotidiens du Canada, il faut briser les monopoles et non permettre aux journaux de tomber dans des mains étrangères. Le fait de substituer une chaîne américaine à une chaîne canadienne n’améliorerait en rien la situation, mais exposerait la culture canadienne à un risque encore plus grand.

Priorités du NDP

Nous estimons que le rapport provisoire pèche du fait qu’on n’y recommande pas de faire appliquer, par le Bureau de la concurrence, des conditions de nature culturelle dans le contexte d’une loi sur la concurrence révisée.

Nous estimons que, comme de nombreux journaux sont actuellement à vendre, le Comité du patrimoine doit immédiatement effectuer une étude approfondie de la propriété des médias tandis que nous avons l’occasion de régler la question.

Le gouvernement doit encourager la diversité au niveau de la propriété des journaux en envisageant des solutions innovatrices, notamment les suivantes :

Le Bureau de la concurrence pourrait exiger que les journaux soient vendus individuellement et non collectivement, ce qui en rendrait le prix plus abordable et permettrait du même coup à des intérêts autres que les grands groupes d’en faire l’acquisition.

On pourrait se servir du régime fiscal pour encourager la propriété locale par opposition aux grandes chaînes :

M. Tom Kent a proposé ce qui suit : « on pourrait encourager la diversification de la propriété en permettant que des investissements correspondant à, disons, 10 % de l'avoir nécessaire à l'achat d'un journal donnent droit à une déduction pour amortissement accéléré. » (Témoin, Tom Kent, 17 mai 2000)

On pourrait envisager des façons de désigner les journaux dans une section nouvelle et distincte de la Loi sur la radiodiffusion (laquelle réglemente actuellement tous les radiodiffuseurs et a créé la Société Radio-Canada/CBC et le CRTC).

On pourrait s’inspirer de ce qui se fait en Europe et adopter des mesures législatives portant expressément sur la propriété et les parts de marché des journaux.

On pourrait envisager un mécanisme d’octroi de subventions à la presse grâce auquel les journaux qui ne sont pas toujours soutenus par de la publicité d’entreprises bénéficieraient d’un certain financement public.

Le Nouveau Parti démocratique tient à doter le système d’un mécanisme de freins et de contrepoids qui protège l’intégrité de ce que nous consommons en tant que citoyens. Nous estimons que nos propositions constituent une excellente solution de rechange au statu quo et qu’elles méritent à ce titre d’occuper une place de choix dans les travaux futurs du Comité et dans le débat général sur la propriété des journaux au Canada.