JUST Rapport du Comité
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CHAPITRE 1 :
INTRODUCTION
1.1 L'appareil de justice pénale, malgré la complexité et les contradictions qui lui sont propres, est considéré par plusieurs comme le principal moyen de garantir à la population canadienne un niveau de sécurité acceptable à la maison, dans leurs entreprises, dans leurs milieus de travail et dans la rue. L'incarcération et la réadaptation des délinquants et leur réinsertion sociale en tant que citoyens respectueux des lois sont autant de mesures visant à apaiser les craintes touchant la sécurité publique. Elles ne peuvent cependant être prises que dans le cadre de l'appareil de justice pénale, après constatation de la responsabilité pénale et imposition d'une peine par la cour.
1.2 Le présent rapport traite de questions découlant de l'application des dispositions législatives adoptées par le Parlement à l'égard de l'administration des peines d'emprisonnement de deux ans ou plus. Il est tout à fait approprié que le Sous-comité sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition fasse rapport de ses constatations à ce moment-ci, car le système correctionnel et de mise en liberté sous condition est en transition sous bien des aspects. Bon nombre des constatations et des recommandations du Sous-comité reflètent cette réalité, présente pendant toute la durée de son étude.
1.3 Le Parlement a adopté en 1992 la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition1 (ci-après appelée la Loi) pour remplacer la Loi sur les pénitenciers et la Loi sur la libération conditionnelle, qui ont été abrogées. La Loi, qui a été modifiée plusieurs fois depuis, découle de plusieurs documents : les travaux réalisés au milieu des années 1980 dans le cadre de la Révision du droit correctionnel par le ministère du Solliciteur général, le rapport de 1987 de la Commission canadienne sur la détermination de la peine, un rapport déposé en 1988 par un prédécesseur du comité permanent, un livre vert du gouvernement publié en 1990 et un rapport de 1991 du prédécesseur du comité permanent.
1.4 De nombreux incidents et événements se sont produits depuis l'entrée en vigueur de la Loi, dont ceux, marquants et lourds de conséquences, qui se sont produits en avril 1994 à la Prison des femmes à Kingston et ont donné lieu à la création d'une commission d'enquête dirigée par madame la juge Louise Arbour. Le rapport que celle-ci a déposé en avril 1996 a eu en effet une profonde incidence sur le Service correctionnel.
1.5 La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition porte le fondement législatif et les responsabilités du Service correctionnel du Canada (le Service) à la partie I, de la Commission nationale des libérations conditionnelles (la Commission) à la partie II et de l'Enquêteur correctionnel à la partie III.
1.6 Les parties I et II de la Loi contiennent aussi la définition des diverses formes de mise en liberté sous condition dans la collectivité et l'admissibilité des délinquants au régime, et désignent l'autorité compétente (soit le Service ou la Commission) chargée de prendre les décisions concernant l'applicabilité et la disponibilité de ces mises en liberté. Les différentes formes de mise en liberté sous condition sont les suivantes : le placement à l'extérieur, les permissions de sortir, la semi-liberté, la libération conditionnelle totale et la libération d'office présumée.
1.7 En mars 1998, le solliciteur général a publié un document de consultation intitulé Pour une société juste, paisible et sûre : La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition cinq ans plus tard. Ce document et une série d'études techniques ont été distribués à grande échelle et offerts sur Internet, dans le cadre du processus de consultation du Ministère. Après la publication de ces documents, soit en mai 1998, l'ancien solliciteur général a comparu devant le comité permanent. En octobre 1998, le Ministère a rendu public un résumé des réactions au document de consultation.
1.8 La Loi contient des dispositions prévoyant l'examen parlementaire de la Loi et des conséquences de son application, examen que le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a confié au Sous-comité qu'il a créé à cet effet le 3 novembre 1998. Ce dernier a commencé son étude en février 1999. Le présent rapport est le résultat de cette étude.
1.9 Le Sous-comité a commencé par élaborer son mandat et le publier en décembre 1998. Le mandat, qui se voulait un point de départ pour l'étude des vastes questions intéressant le Sous-comité, a été largement diffusé auprès des parties dont on espérait qu'elles présenteraient des mémoires; ceux-ci allaient constituer un aspect important de l'examen parlementaire. Même s'il utilisait comme textes de fond le document de consultation et les études techniques du ministère du Solliciteur général, le Sous-comité a clairement indiqué dans son mandat que les intervenants n'étaient pas tenus de limiter leur mémoire aux enjeux présentés. (Le mandat du Sous-comité figure à l'annexe A.) À la suite de la publication de son mandat et de sa demande de mémoires, le Sous-comité a reçu des mémoires et d'autres documents provenant de divers groupes, organismes et particuliers. (La liste de ces présentations figure à l'annexe C.) Il a tenu des audiences publiques à Ottawa et dans d'autres parties du Canada pour entendre de vive voix les préoccupations des divers intervenants. (La liste des audiences publiques figure à l'annexe B.)
1.10 Le Sous-comité avait décidé dès le départ que le processus d'examen ne serait pas une démarche abstraite ou théorique. Par conséquent, il a visité le plus grand nombre possible d'établissements correctionnels dans les délais qui lui étaient imposés : des plus anciens aux plus nouveaux, représentant tous les niveaux de sécurité et situés dans toutes les régions du pays. Il s'est rendu dans toutes les parties de ces établissements et en a profité pour rencontrer les équipes de gestion et les comités consultatifs de citoyens, et pour tenir des séances à huis clos avec des surveillants de libération conditionnelle, des agents de correction, des employés de première ligne, le personnel affecté aux programmes ou aux soins de santé, des délégués syndicaux, des employés du Bureau de l'enquêteur correctionnel et des représentants des détenus.
1.11 Lors des visites de ces établissements, le Sous-comité a également pu assister à plusieurs audiences de la Commission nationale des libérations conditionnelles et a rencontré les commissaires à huis clos.
1.12 Le Sous-comité a tenu des séances à huis clos afin que les personnes les plus touchées par les dispositions et l'application quotidienne de la Loi puissent parler franchement et en toute confidentialité. Il n'a donc pas enregistré ni transcrit les délibérations de ces séances, mais a plutôt pris des notes au fur et à mesure. Lorsqu'il mentionne dans le présent rapport des faits appris au cours de ces visites, le Sous-comité ne donne le nom ni de la personne, ni de l'établissement, ni de la région. (Une liste des établissements correctionnels visités dans les cinq régions du Canada figure à l'annexe D.)
1.13 À la fin du processus, le solliciteur général du Canada, le sous-solliciteur général, le commissaire du Service correctionnel, le président de la Commission nationale des libérations conditionnelles et l'Enquêteur correctionnel ont comparu en audience publique devant le Sous-comité. Les députés ont pu s'inspirer des mémoires soumis et des visites aux établissements pour poser les questions voulues et jeter de la lumière sur divers points.
FONCTIONS DES ORGANISMES EN VERTU DE LA LOI
1.14 Les fonctions prévues par la Loi pour chacun des organismes compétents ne sont que brièvement décrites ici. Des descriptions plus détaillées sont fournies tout au long du rapport, au fil des constatations et des recommandations du Sous-comité.
1.15 Le Service correctionnel est chargé d'écrouer et d'évaluer les délinquants purgeant une peine d'emprisonnement de deux ans ou plus, et de gérer ces peines. Il exploite des établissements correctionnels de niveaux de sécurité maximale, moyenne et minimale pour les hommes et les femmes, les centres correctionnels communautaires où habitent les délinquants qui jouissent d'une forme quelconque de mise en liberté sous condition avec surveillance dans la collectivité, et les bureaux communautaires de libération conditionnelle qui surveillent les libérés sous condition dans la collectivité. Le Service correctionnel passe également des contrats avec de nombreux organismes du secteur privé qui exploitent des maisons de transition et assurent la surveillance communautaire des détenus libérés sous condition. Il se charge non seulement de gérer les peines des délinquants, mais aussi de préparer ces derniers à une mise en liberté graduelle et à leur élargissement. Le Service correctionnel fournit aussi à la Commission des renseignements sur les détenus pour l'aider à prendre les décisions en matière de mise en liberté sous condition. Il a aussi un rôle important à jouer pour ce qui est de déterminer quels détenus la Commission devrait songer à maintenir en incarcération au-delà de la date présumée de libération d'office, peut-être même jusqu'à la fin de leur peine. En dernier lieu, le Service correctionnel assure la surveillance des libérés sous condition dans la collectivité.
1.16 La Commission nationale des libérations conditionnelles, tribunal administratif indépendant, a toute compétence législative pour accorder, refuser, annuler ou révoquer la libération conditionnelle des délinquants sous responsabilité fédérale dans les établissements fédéraux ainsi que des détenus sous responsabilité provinciale ou territoriale dans les établissements provinciaux ou territoriaux, là où il n'existe pas de commission des libérations conditionnelles. La Colombie-Britannique, l'Ontario et le Québec sont dotés de commissions provinciales. En plus de prendre des décisions sur la mise en liberté sous condition, la Commission nationale des libérations conditionnelles peut également ordonner le maintien en incarcération, jusqu'à la fin de la peine, des détenus qui pourraient commettre une infraction grave en matière de drogue ou causer des dommages graves avant la fin de leur peine. Elle peut aussi, quand demande lui en est faite, accorder des pardons et recommander l'exercice de la prérogative royale de clémence. Le Sous-comité n'est toutefois pas chargé d'examiner cette fonction qui ne figure pas dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.
1.17 L'Enquêteur correctionnel agit en tant qu'ombudsman des détenus sous responsabilité fédérale, indépendamment du Service correctionnel. Des enquêtes peuvent être amorcées à la demande de l'Enquêteur ou du solliciteur général ou par suite de la réception d'une plainte formulée par un délinquant ou un détenu ou en son nom. L'Enquêteur correctionnel peut étudier les rapports d'enquête du Service correctionnel concernant des événements où un détenu est décédé ou a subi des blessures graves. Le rapport annuel qu'il présente au solliciteur général est déposé au Parlement.
1.18 Le lecteur est donc à même de constater, ce que confirmera le reste du rapport, que les dispositions législatives, les organismes et les politiques adoptées par le Parlement sont complexes et parfois déroutants. Le Sous-comité a préparé le présent rapport de ses conclusions et recommandations de façon à ce que cet ensemble complexe soit moins intimidant pour ceux qui cherchent à comprendre le système correctionnel et de mise en liberté sous condition en place à l'heure actuelle.
1.19 Malgré la complexité des enjeux abordés dans le présent rapport, le Sous-comité a pu déceler un certain nombre de thèmes sous-jacents qui se sont dégagés de l'examen et qui ont servi d'orientation et de fondement au présent document. Nous ne donnerons ici que les grandes lignes de ces thèmes, lesquels seront approfondis au fur et à mesure des observations et des recommandations du Sous-comité :
- La protection du public et la sécurité de la collectivité sont les critères prépondérants dans toute décision prise dans le cadre du système correctionnel et de la mise en liberté sous condition.
- Pour tenir compte de ces critères prépondérants, le système correctionnel et de mise en liberté sous condition a et doit avoir comme objectif principal la réadaptation et la réinsertion sans risque des détenus en tant que citoyens productifs et respectueux des lois.
- Le système correctionnel et de mise en liberté sous condition doit encourager les délinquants à participer activement au processus et les autorités compétentes à voir à ce qu'ils le fassent.
- Les responsables du système correctionnel et de mise en liberté sous condition doivent veiller à ce que les décisions soient prises de façon juste et équitable. La gestion des peines s'effectue dans le contexte de la primauté du droit et du devoir d'agir avec équité, où les privilèges et les droits des détenus sont certes limités en raison du milieu correctionnel, mais ne sont pas invalidés.
- Le système correctionnel et de mise en liberté sous condition doit inviter la participation des Canadiens.
- Le système correctionnel et de mise en liberté sous condition institué par le Parlement en 1992 est encore en transition, comme en témoignent de façon très éloquente les différences matérielles entre les anciens établissements correctionnels et les plus récents. Cet état de transition se manifeste aussi sur d'autres plans : le recrutement et la formation des personnes chargées de traiter avec les détenus et les exigences qui leur sont imposées, les nouvelles façons de travailler avec une clientèle difficile, la composition de la population carcérale et les défis que présente cette dernière à ceux qui gèrent les peines.
1
# L.R.C., chap. C-44.6 (L.C. 1992, chap. 20), version modifiée.