JUST Rapport du Comité
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
CHAPITRE 2 :
CRITÈRE
PRÉPONDÉRANT :
LA PROTECTION DU PUBLIC
2.1 La principale fonction du système correctionnel et de mise en liberté sous condition est d'administrer les peines d'incarcération prononcées par les cours pénales, et ce, de façon à ce que le délinquant puisse un jour réintégrer la collectivité à titre de citoyen respectueux des lois, sans récidiver ni faire de victimes.
2.2 Le présent chapitre traite de la protection du public, critère prépondérant désigné par le Parlement comme sa politique législative la plus importante à l'intention de ceux qui appliquent et interprètent la Loi tous les jours. La Société John Howard du Canada insiste sur ce point en précisant, dans son mémoire, que les préposés au système correctionnel et de mise en liberté sous condition doivent organiser leurs activités quotidiennes en fonction de cet énoncé de l'objet de la Loi2. Le Bureau consultatif pour les services aux victimes d'actes criminels de l'Ontario, dans son mémoire, exhorte le Sous-comité à garder au premier plan de ses délibérations le critère prépondérant de la protection du public en tant qu'objet fondamental du système correctionnel et de mise en liberté sous condition3. Le Sous-comité a appliqué ce conseil en formulant les conclusions et les recommandations de son rapport.
2.3 La Loi contient deux énoncés de l'objet, soit l'article 3, qui s'adresse au système correctionnel fédéral, et l'article 100, qui vise le régime de mise en liberté sous condition (dans lequel le Service correctionnel et la Commission des délibérations conditionnelles jouent un rôle). L'article 3 se lit comme suit :
Le système correctionnel vise à contribuer au maintien d'une société juste, vivant en paix et en sécurité, d'une part, en assurant l'exécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines, et d'autre part, en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois.
2.4 Comme on peut le voir, l'objet du système correctionnel est clair : c'est la protection du public par la gestion des peines au moyen de mesures de garde et de surveillance des délinquants ainsi que leur réadaptation et leur réinsertion sociale. Il est en outre évident que cette disposition de la Loi comporte une hiérarchie de valeurs : la garde, la surveillance, la réadaptation et la réinsertion sont désignées comme les moyens d'assurer la protection du public. L'article 100 de la Loi se présente ainsi :
La mise en liberté sous condition vise à contribuer au maintien d'une société juste, paisible et sûre en favorisant, par la prise de décisions appropriées quant au moment et aux conditions de leur mise en liberté, la réadaptation et la réinsertion sociale des délinquants en tant que citoyens respectueux des lois.
2.5 L'objet de la mise en liberté sous condition est limpide : c'est la protection du public par des décisions, quant au moment et aux conditions de libération, propres à faciliter la réadaptation et la réinsertion des délinquants en tant que membres de la collectivité respectueux des lois. Il est, là aussi, également clair que cette disposition de la Loi contient une hiérarchie de valeurs : le moment et les conditions de la mise en liberté en vue de la réadaptation et de la réinsertion sont présentés comme des moyens d'assurer la protection du public.
2.6 Il n'est pas rare que le Parlement adopte des énoncés d'objet et de principe afin d'indiquer aux responsables de l'application et de l'administration des lois les objectifs qu'il veut atteindre. Les dispositions actuelles du Code criminel concernant la détermination de la peine contiennent une déclaration d'intention semblable.
2.7 Le Sous-comité estime que l'objet législatif tant du système correctionnel que du régime de mise en liberté sous condition, tel qu'il le comprend, n'a pas à être changé. Cependant, le Service et la Commission doivent faire en sorte que ces dispositions déclaratoires constituent les critères fondamentaux qui serviront à évaluer les politiques et les décisions.
2.8 La Loi contient deux dispositions énonçant les principes censés aider à la réalisation de l'objet dont il vient d'être question : l'article 4 s'applique au Service correctionnel et l'article 101, à la Commission des libérations conditionnelles. Voici l'article 4 de la Loi :
Le Service est guidé, dans l'exécution de ce mandat, par les principes qui suivent :
a)
la protection de la société est le critère prépondérant lors de l'application du processus correctionnel;b)
l'exécution de la peine tient compte de toute information pertinente dont le Service dispose, notamment des motifs et recommandations donnés par le juge qui l'a prononcée, des renseignements obtenus au cours du procès ou dans la détermination de la peine ou fournis par les victimes et les délinquants, ainsi que des directives ou observations de la Commission nationale des libérations conditionnelles en ce qui touche la libération;c)
il accroît son efficacité et sa transparence par l'échange, au moment opportun, de renseignements utiles avec les autres éléments du système de justice pénale ainsi que par la communication de ses directives d'orientation générale et programmes correctionnels tant aux délinquants et aux victimes qu'au grand public;d)
les mesures nécessaires à la protection du public, des agents et des délinquants doivent être le moins restrictives possible;e)
le délinquant continue à jouir des droits et privilèges reconnus à tout citoyen, sauf de ceux dont la suppression ou restriction est une conséquence nécessaire de la peine qui lui est infligée;f)
il facilite la participation du public aux questions relatives à ses activités;g)
ses décisions doivent être claires et équitables, les délinquants ayant accès à des mécanismes efficaces de règlement de griefs;h)
ses directives d'orientation générale, programmes et méthodes respectent les différences ethniques, culturelles et linguistiques, ainsi qu'entre les sexes, et tiennent compte des besoins propres aux femmes, aux autochtones et à d'autres groupes particuliers;i)
il est attendu que les délinquants observent les règlements pénitentiaires et les conditions d'octroi des permissions de sortir, des placements à l'extérieur et des libérations conditionnelles ou d'office et qu'ils participent aux programmes favorisant leur réadaptation et leur réinsertion sociale;j)
il veille au bon recrutement et à la bonne formation de ses agents, leur offre de bonnes conditions de travail dans un milieu exempt de pratiques portant atteinte à la dignité humaine, un plan de carrière avec la possibilité de se perfectionner ainsi que l'occasion de participer à l'élaboration des directives d'orientation générale et programmes correctionnels.L'article 101 dit ceci :
La Commission et les commissions provinciales sont guidées dans l'exécution de leur mandat par les principes qui suivent :
a)
la protection de la société est le critère déterminant dans tous les cas;b)
elles doivent tenir compte de toute l'information pertinente disponible, notamment les motifs et les recommandations du juge qui a infligé la peine, les renseignements disponibles lors du procès ou de la détermination de la peine, ceux qui ont été obtenus des victimes et des délinquants, ainsi que les renseignements et évaluations fournis par les autorités correctionnelles;c)
elles accroissent leur efficacité et leur transparence par l'échange de renseignements utiles au moment opportun avec les autres éléments du système de justice pénale d'une part, et par la communication de leurs directives d'orientation générale et programmes tant aux délinquants et aux victimes qu'au public, d'autre part;d)
le règlement des cas doit, compte tenu de la protection de la société, être le moins restrictif possible;e)
elles s'inspirent des directives d'orientation générale qui leur sont remises et leurs membres doivent recevoir la formation nécessaire à la mise en oeuvre de ces directives;f)
de manière à assurer l'équité et la clarté du processus, les autorités doivent donner aux délinquants les motifs des décisions, ainsi que tous autres renseignements pertinents, et la possibilité de les faire réviser.2.9 Ces deux dispositions indiquent clairement au Service et à la Commission comment le Parlement veut qu'ils appliquent les objets législatifs dans leurs activités quotidiennes. Les dispositions du Code criminel sur le prononcé des peines utilisent une technique d'orientation législative semblable, décrite sous les rubriques « Principe fondamental » et « Principes de détermination de la peine ».
2.10 Tout comme les articles 3 et 100 de la Loi, les articles 4 et 101 désignent la protection de la société comme étant le critère prépondérant lors de l'application du processus correctionnel et dans tous les cas de mise en liberté sous condition. Malheureusement, dans leur forme actuelle, ces dispositions - les alinéas 4a) et 101a) respectivement - sont énoncées de la même manière et semblent avoir le même poids et le même statut que les alinéas suivants, alors que ces derniers sont de toute évidence censés être les moyens par lesquels il faut appliquer le principe directeur prépondérant.
2.11 Ce libellé diminue l'importance du critère prépondérant dans le système correctionnel et de mise en liberté sous condition. Le Sous-comité croit qu'il faudrait régler le problème en remaniant les articles 4 et 101, c'est-à-dire en modifiant la Loi de façon que les alinéas 4a) et 101a), où la protection de la société est établie comme critère prépondérant, soient reformulés comme des principes de base autonomes. Le reste des articles en cause deviendraient des dispositions distinctes qui établissent les principes de fonctionnement pour l'atteinte des objets législatifs et des principes fondamentaux.
2.12 L'alinéa 4a) pourrait donc constituer l'article 4, tandis que le reste de l'article 4 deviendrait un nouvel article 5 à l'intention du Service correctionnel. S'inspirant de l'actuel alinéa 4a), le nouvel article 4 se lirait ainsi :
Principe fondamental : La protection de la société est le critère prépondérant lors de l'application du processus correctionnel.
2.13 Pareille modification pourrait être apportée à l'article 101 afin d'établir le principe fondamental et les principes de fonctionnement applicables à la Commission.
RECOMMANDATION 1
Le Sous-comité recommande de modifier les articles 4 et 101 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de façon que la prépondérance de la protection de la société soit établie en tant que principe fondamental (autonome), applicable au Service correctionnel du Canada et à la Commission nationale des libérations conditionnelles. Le reste des articles 4 et 101 serait conservé dans leur version modifiée en tant que principes de fonctionnement.
2.14 Il y a plusieurs façons de voir à ce que ce principe fondamental soit appliqué sur une base quotidienne. Le reste du présent chapitre traite de certaines d'entre elles et propose les changements nécessaires pour que la protection de la collectivité soit réellement assurée dans des circonstances précises.
2.15 Les annexes I et II de la Loi jouent un rôle important en fournissant au public une certaine protection. L'annexe I contient une liste d'infractions poursuivies par mise en accusation, comportant ou pouvant comporter un dommage grave aux victimes, tandis que l'annexe II énumère les infractions graves en matière de drogue, poursuivies par mise en accusation.
2.16 Ces annexes entrent en jeu à plusieurs moments de l'administration d'une peine. Lorsqu'un délinquant visé par l'une des annexes réclame une permission de sortir sans escorte, l'article 107 prévoit que c'est la Commission nationale des libérations conditionnelles, et non le Service correctionnel, qui a compétence pour l'accorder. En vertu de l'article 125, un délinquant qui a commis une infraction mentionnée à une annexe ne peut être admissible à la procédure d'examen expéditif et ne peut donc pas bénéficier d'une semi-liberté au sixième de sa peine. Enfin, celui qui a commis une infraction figurant à une annexe peut être assujetti aux dispositions de maintien en incarcération au cours de la période prévue pour la libération d'office (articles 129 à 132).
2.17 Ces mesures liées aux annexes ont un impact direct sur la protection du public. Elles motivent le report de la libération dans la collectivité de délinquants qui présentent un risque inacceptable de récidive. Ce faisant, elles garantissent que ceux qui ont commis des infractions graves et risquent de récidiver resteront plus longtemps non admissibles à la libération et demeureront en milieu carcéral où ils ne poseront aucun risque à la collectivité.
2.18 Pour que les annexes soient efficaces et aient l'effet escompté, il est important que les décideurs les revoient continuellement et y ajoutent de nouvelles infractions désignées par le Parlement en fonction des préoccupations et des attentes de la population. L'adoption de ces nouvelles infractions et leur inclusion dans l'une ou l'autre annexe refléteront l'intention du Parlement de dénoncer la conduite criminelle en cause.
2.19 Ainsi, le Parlement a récemment modifié la Loi sur la concurrence4 afin de faire du télémarketing trompeur soit une infraction punissable par procédure sommaire d'une amende maximale de 200 000 $ ou d'un emprisonnement maximal d'un an, soit un acte criminel entraînant l'amende que le tribunal estime indiquée ou un emprisonnement maximal de cinq ans.
2.20 Afin d'exprimer le sérieux de l'infraction à ses yeux, le Parlement a pris la décision inhabituelle d'énoncer un certain nombre de circonstances aggravantes que le tribunal devra prendre en compte en déterminant la peine. Notons, par exemple, le ciblage délibéré de personnes vulnérables aux tactiques abusives, le choix de victimes antérieures, le montant des recettes obtenues et la manière délibérée dont les tactiques abusives sont employées.
2.21 Pour illustrer davantage la gravité qu'il confère au télémarketing trompeur, le Parlement l'a par la suite ajouté aux dispositions du Code criminel concernant la criminalité organisée5, mais n'a pas inscrit l'infraction aux annexes. Par conséquent, ceux qui ont été poursuivis par mise en accusation, reconnus coupables de télémarketing trompeur et condamnés à une incarcération de plus de deux ans sont admissibles à la procédure d'examen expéditif et peut-être même à une semi-liberté après six mois ou au sixième de leur peine (selon ce qui se produit en second lieu). La Commission nationale des libérations conditionnelles ne s'occupe pas de leurs demandes de permission de sortir sans escorte. De par l'infraction pour laquelle ils ont été condamnés, ils ne sont pas nécessairement soumis aux dispositions de la Loi concernant le maintien en incarcération.
2.22 On voit donc l'importance pour le Parlement de bien considérer s'il veut dénoncer une activité criminelle en faisant davantage que de simplement promulguer une nouvelle infraction avec la sanction corrélative. Le fait de ne pas inscrire une infraction aux annexes se répercute sur les outils législatifs dont disposent les autorités correctionnelles et les responsables de la mise en liberté sous condition qui administrent une peine d'emprisonnement.
2.23 Le télémarketing trompeur n'est pas la seule infraction criminelle absente des annexes dont le public s'est récemment inquiété. Les infractions en matière de pornographie juvénile, dont il est question à l'article 163.1 du Code criminel, sont des infractions mixtes qui, poursuivies par mise en accusation, peuvent valoir des peines supérieures à deux ans; pourtant, elles ne paraissent pas à l'annexe I de la Loi.
2.24 Par contre, le Parlement a modifié6 l'alinéa 125(1)a) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition afin que les personnes reconnues coupables d'un acte de gangstérisme ne soient pas admissibles à la procédure d'examen expéditif. Il l'a fait après que l'opinion publique se fût insurgée contre le fait que plusieurs contrevenants ayant écopé de longues peines pour des infractions de drogue graves non seulement furent considérés admissibles à la procédure d'examen expéditif, mais également mis en semi-liberté au sixième de leur peine plutôt que six mois avant la date d'admissibilité à la libération conditionnelle. Cette modification ne s'est toutefois pas accompagnée de l'ajout aux annexes des actes de gangstérisme, définis à l'article 2 du Code criminel.
2.25 Le Sous-comité estime que les annexes de la Loi révèlent quelles infractions criminelles le Parlement juge suffisamment graves pour mériter une dénonciation spéciale et, par conséquent, une prolongation de la peine d'emprisonnement. Même si le Sous-comité formule, ailleurs dans le présent rapport, des conclusions et des recommandations influant sur le recours aux annexes, il est d'avis que ces dernières doivent être conservées, étendues par l'adjonction d'infractions et revues régulièrement pour déterminer la pertinence d'ajouts.
RECOMMANDATION 2
Le Sous-comité recommande de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition par l'inscription aux annexes des infractions concernant la pornographie juvénile et les actes de gangstérisme (définis à l'article 2 du Code criminel). Au moment de modifier la législation pénale, le Parlement devrait songer à ajouter d'autres infractions aux annexes tel le télémarketing trompeur comme moyen de dénoncer la conduite criminelle.
ARRESTATION POUR MANQUEMENT AUX CONDITIONS DE LA LIBÉRATION
2.26 La réussite de la réinsertion sociale dépend de l'imposition au délinquant de conditions appropriées de mise en liberté, ainsi que d'une étroite supervision. Il incombe au délinquant de vivre dans la collectivité selon ces conditions et au surveillant, de voir à ce que ces dernières soient respectées. Le public sera efficacement protégé dans la mesure où les délinquants et les surveillants de leur liberté respecteront leurs obligations et leurs responsabilités.
2.27 Or les délinquants n'observent pas toujours les conditions de leur remise en liberté, et ces situations sont couvertes par l'article 135 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Lorsqu'un délinquant viole l'une des conditions de sa libération conditionnelle (semi-liberté et libération conditionnelle totale) ou d'office, un membre de la Commission ou la personne que le président ou le commissaire désigne, nommément ou par indication de son titre, peut suspendre la libération et autoriser l'arrestation du délinquant et sa réincarcération.
2.28 Des dispositions semblables existent pour ce qui est du placement à l'extérieur et des sorties sans escorte. Le paragraphe 18(6) de la Loi habilite le directeur d'établissement qui suspend ou annule un placement à délivrer un mandat d'arrestation et de réincarcération. En vertu de l'article 118, l'autorité qui suspend ou annule une permission de sortir sans escorte après l'avoir approuvée peut par mandat autoriser l'arrestation et la réincarcération.
2.29 Le Centre d'information de la police canadienne (CIPC), une banque nationale de données accessible à presque tous les corps de police, contient des renseignements sur les détenus libérés sous condition et d'office. En communiquant avec le Service correctionnel, les utilisateurs du CIPC peuvent déterminer si une personne est un détenu sous responsabilité fédérale.
2.30 Les pouvoirs conférés par le paragraphe 18(6) et les articles 118 et 135 de la Loi ainsi que la facilité d'obtenir de l'information sur les libérés conditionnels rendent possibles l'arrestation et la réincarcération des délinquants qui contreviennent à leurs conditions de mise en liberté. L'inobservance peut revêtir deux aspects : la perpétration d'une nouvelle infraction ou le manquement aux conditions elles-mêmes. Si un libéré conditionnel commet une nouvelle infraction, il peut être arrêté et accusé par les autorités policières de la même façon que n'importe quel autre suspect.
2.31 La situation se complique lorsqu'un libéré conditionnel enfreint l'une de ses conditions sans commettre une nouvelle infraction criminelle. Voici comment le Bureau consultatif pour les services aux victimes d'actes criminels de l'Ontario décrit la situation dans laquelle se retrouvent alors les policiers :
Les agents doivent [...] tenter d'obtenir de SCC un service 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, ainsi que la décision de révoquer la libération conditionnelle et d'émettre un mandat. Non seulement ce processus est-il lourd, long et coûteux mais, étant donné la décision interne de SCC de ne pas incarcérer les personnes coupables de violation des conditions de libération conditionnelle, il peut s'avérer contraire à la sécurité soi-disant assurée par l'imposition des conditions7.
2.32 Le Bureau propose donc que l'article 145 du Code criminel, qui crée l'infraction d'être en liberté sans excuse légitime avant l'expiration de la période d'emprisonnement, soit modifié pour créer l'infraction de violation de conditions de libération conditionnelle.
2.33 L'Association canadienne des policiers adopte sur le sujet une position semblable. Elle décrit ainsi la situation de l'agent qui se retrouve dans une telle situation :
La police ne peut arrêter et accuser un délinquant qui a manqué aux conditions de sa libération conditionnelle. Elle ne peut qu'aviser l'agent de libération conditionnelle qui décidera si la libération doit ou non être révoquée ou si le délinquant récidivera. La police devrait pouvoir arrêter et accuser les délinquants qui ont manqué aux conditions de leur libération conditionnelle8.
2.34 L'Association recommande donc que le Code criminel soit modifié de façon que le manquement aux conditions de la libération conditionnelle devienne un acte criminel9.
2.35 Le Sous-comité souscrit aux mémoires qu'il a reçus à ce sujet. Le paragraphe 18(6) et les articles 118 et 135 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition ne suffisent pas pour englober toutes les circonstances dans lesquelles se retrouvent les responsables de l'application de la Loi lorsqu'un libéré conditionnel viole l'une de ses conditions, sans qu'il s'agisse d'une nouvelle infraction criminelle. Il faut donc prendre des dispositions autorisant un policier dans une telle situation à arrêter immédiatement le délinquant.
2.36 Le Sous-comité n'est cependant pas convaincu qu'il faille créer un nouvelle infraction au Code criminel pour englober les genres de situations dont il est question dans la présente partie du chapitre. Il faudrait plutôt modifier la Loi elle-même de façon à permettre à la police d'arrêter sans mandat les délinquants trouvés en train de violer les conditions de leur libération conditionnelle ou d'office. De cette façon, un policier pourrait arrêter sans mandat un délinquant trouvé en train de violer l'une de ses conditions de mise en liberté, dans des circonstances où il est impossible de le détenir avant d'avoir obtenu un mandat en vertu du paragraphe 18(6) et des articles 118 et 135 de la Loi. Cette modification donnerait aux policiers, aux autorités correctionnelles et aux responsables de la libération conditionnelle d'autres outils pour traiter en temps opportun les manquements aux conditions de libération conditionnelle.
RECOMMANDATION 3
Le Sous-comité recommande de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de façon à permettre à un policier qui trouve un délinquant en train de violer une condition de toute forme de libération conditionnelle de l'arrêter sans mandat.
2.37 Des incidents se sont produits dans les établissements correctionnels, entraînant la mort ou des blessures graves, et les victimes ont été tant des détenus que des employés. Même si les enquêtes consécutives à l'incident ne peuvent guère en changer le cours, elles peuvent servir à mettre en lumière et à traiter les causes, les lacunes d'orientation et les faiblesses des pratiques quotidiennes. Elles peuvent aider à trouver des solutions qui permettraient de réduire les risques que la situation ne se reproduise avec parfois des conséquences tragiques. La mise en oeuvre des recommandations découlant des enquêtes contribue à la protection de ceux qui se trouvent dans les établissements correctionnels - détenus, employés et autres personnes.
2.38 Les articles 19 à 21 de la Loi concernent les enquêtes du Service correctionnel. L'article 19 exige que le Service fasse enquête et remette un rapport au commissaire, même si une autre enquête est en cours en vertu de l'article 20, lorsqu'un détenu meurt ou subit des blessures graves. Le rapport établi par suite d'une telle enquête doit être remis à l'Enquêteur correctionnel. L'article 20 permet au commissaire de charger des personnes de faire enquête et de lui remettre un rapport sur toute question concernant le fonctionnement du Service. Enfin le paragraphe 116(1) du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition impose, entre autres choses, au directeur d'un pénitencier qu'il signale le décès d'un détenu au coroner ou au médecin légiste compétent.
2.39 Le Syndicat des employés du Solliciteur général a recommandé au Sous-comité que l'article 19 de la Loi soit modifié pour exiger la tenue d'une enquête en cas de décès ou de blessure grave d'un membre du personnel10. Il justifie ainsi sa recommandation :
Le Service est responsable, aussi, de la santé et de la sécurité de ses employés. Il devrait donc mener une enquête (neutre et impartiale) lorsqu'un agent décède ou subit des blessures11.
2.40 Le Sous-comité est d'accord avec cette recommandation et sa justification. Comme il est précisé au début de la présente partie du chapitre, une enquête complète et bien constituée mettra au jour des solutions efficaces à appliquer si besoin est. Il en résultera une plus grande sécurité du milieu de travail des employés correctionnels, ainsi que des conditions de vie plus sûres pour les détenus.
2.41 S'il accepte en principe cette recommandation, le Sous-comité tient à apporter des précisions. Toute modification de l'article 19 de la Loi doit seulement s'appliquer au décès ou aux blessures graves d'un employé correctionnel dans l'exercice de ses fonctions. Le paragraphe 19(2) exigeant la remise du rapport d'une enquête à l'Enquêteur correctionnel ne devrait pas viser les décès ou blessures graves d'employés correctionnels, car ce service examine les plaintes des détenus. Si l'article 19 est changé de la façon proposée, il devra y avoir une modification corrélative au paragraphe 116(1) du Règlement pour exiger que le directeur d'un établissement correctionnel avise le coroner ou le médecin légiste local.
RECOMMANDATION 4
Le Sous-comité recommande de modifier l'article 19 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de façon à exiger que le Service correctionnel du Canada fasse enquête et remette un rapport au commissaire en cas de décès ou de blessure grave d'un membre du personnel correctionnel lié à ses fonctions.
PERMISSIONS DE SORTIR - ACCOMPAGNATEURS BÉNÉVOLES
2.42 Comme il est précisé ailleurs dans le rapport, les permissions de sortir prévues par la Loi sont de deux types : avec escorte ou sans escorte. Ces éléments du système de mise en liberté sous condition sont essentiels à la réintégration graduelle et planifiée des détenus dans la collectivité en tant que citoyens respectueux des lois. Cette façon d'encourager chez les détenus le maintien de liens familiaux et communautaires joue un rôle important dans les efforts visant à protéger la société, car elle réduit le taux de récidive. Le Sous-comité a formulé ailleurs dans le rapport ses conclusions et recommandations concernant les permissions de sortir et les placements à l'extérieur. Il n'est question ici que de ceux qui agissent comme accompagnateurs lors de permissions de sortir avec escorte.
2.43 Les agents du Service correctionnel peuvent agir comme escorte pour des motifs reliés ou non à la sécurité. Les accompagnateurs bénévoles, pour leur part, n'entrent en jeu que lorsqu'il n'y a qu'un faible risque pour la sécurité comme dans le cas des réunions des Alcooliques Anonymes, des Narcotiques Anonymes, des programmes de l'aumônerie, des projets de services communautaires, ainsi que pour répondre à des besoins individuels identifiés dans le plan correctionnel. Les accompagnateurs peuvent être des bénévoles ou des membres de groupes confessionnels, d'organismes non gouvernementaux, de comités consultatifs de citoyens et de communautés autochtones.
2.44 Les accompagnateurs bénévoles sont choisis par le directeur d'un établissement en fonction des besoins des détenus. Auparavant, ils sont présélectionnés et font l'objet d'une vérification approfondie de la fiabilité et du casier judiciaire. Ils reçoivent une orientation et une formation sur le système correctionnel et ses politiques ainsi que sur leurs responsabilités d'accompagnateurs. À l'occasion, après un examen rigoureux de leur réadaptation, d'ex-détenus sont acceptés comme accompagnateurs bénévoles.
2.45 La question des accompagnateurs bénévoles a été portée à l'attention du Sous-comité par le Syndicat des employés du Solliciteur général12. Il recommande que l'article 17 de la Loi soit modifié de façon que seul le personnel correctionnel puisse servir d'escorte lors de permissions de sortir sous escorte, et il justifie ainsi sa proposition :
Cette fonction et responsabilité devrait être uniquement celle d'un agent qui a le statut d'agent de la paix et qui a reçu une formation appropriée pour assurer la garde et la surveillance sécuritaires et humaines des détenus13.
2.46 Le Sous-comité partage cette préoccupation relative à l'accompagnement sécuritaire des détenus qui se retrouvent dans la collectivité pour de courtes périodes et à des fins précises. Cependant, il est excessif d'exiger que toutes les fonctions d'escorte soient remplies par le personnel du Service correctionnel. Si un employé devait être accompagnateur dans le cas de chaque permission de sortir sous escorte, il ne serait pas à son poste habituel dans l'établissement correctionnel et, en raison du nombre limité d'employés, les permissions de sortir seraient plus difficiles à obtenir, ce qui réduirait l'utilisation d'un programme plutôt fructueux.
2.47 Le Sous-comité estime toutefois que la préoccupation sous-jacente à la recommandation du Syndicat des employés du Solliciteur général est pertinente. La meilleure façon d'assurer la protection du public est d'appliquer un programme efficace de permissions de sortir sous escorte, en faisant appel à des accompagnateurs compétents, bien formés et bien informés. Ces accompagnateurs peuvent être soit des employés du Service correctionnel, soit des bénévoles civils. Parce que le programme a connu des ratés par le passé, il incombe au Service de faire en sorte que les accompagnateurs soient bien triés, sélectionnés, formés et informés.
2.48 Parallèlement, le paragraphe 115(3) de la Loi stipule que les détenus faisant partie de la catégorie dite « à sécurité maximale » ne sont pas admissibles aux permissions de sortir sans escorte. Cette disposition reconnaît le fait que ce type de détenus présentent un risque élevé d'évasion, qu'ils constituent une grande menace pour la sécurité du public s'ils s'évadent et qu'ils exigent beaucoup de surveillance et de contrôle à l'intérieur du pénitencier14. Le Sous-comité estime qu'il faut reconnaître cette réalité des détenus dits « à sécurité maximale » lors de la sélection des accompagnateurs pour les permissions de sortir avec escorte. Même s'il est peu probable que des détenus ayant la cote de sécurité maximale soient accompagnés par des citoyens bénévoles, il faudrait le préciser dans le texte législatif. Par conséquent, la Loi devrait être modifiée de façon à ce que seuls les employés du Service correctionnel ayant reçu la formation appropriée puissent accompagner des détenus dits « à sécurité maximale » autorisés à sortir sous escorte. Il y aurait alors moins de sorties qui se solderaient par un échec et davantage de permissions de sortir avec escorte qui connaîtraient une conclusion positive.
RECOMMANDATION 5
Le Sous-comité recommande de modifier l'article 17 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de façon à exiger que seuls les employés du Service correctionnel du Canada soient autorisés à accompagner les détenus faisant partie de la catégorie dite « à sécurité maximale » lors de permissions de sortir avec escorte.
2.49 Si la protection du public est le critère prépondérant que doivent appliquer les responsables du système correctionnel et de mise en liberté sous condition, beaucoup d'autres facteurs entrent également en ligne de compte. Les responsables sont tenus non seulement d'exécuter la peine d'emprisonnement imposée par les tribunaux en appliquant des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines, mais il leur faut aussi aider ceux dont ils ont la charge à réaliser d'une façon sécuritaire leur réadaptation et leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois. La réalisation de ces buts est toujours assujettie à la nécessité de promouvoir la sécurité du public.
2.50 Le reste du rapport doit s'inscrire dans ce contexte. Des programmes efficaces, tant à l'intérieur du pénitencier que dans la collectivité, et un bon système de libération conditionnelle et de surveillance constituent un processus graduel grâce auquel les détenus retournent à la collectivité. Voilà ce que vise le Sous-comité en formulant ses conclusions et ses recommandations.
2
# Mémoire, p. 2.4# L.R.C., chap. C-34, version modifiée, article 52.1.
5# L.R.C., chap. C-46, version modifiée, alinéa 462.3b.1).
6# S.C. 1999, chap. 5, article 50.