JUST Rapport du Comité
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CHAPITRE 3 :
LA
PROTECTION DU PUBLIC
ET LA RÉADAPTATION DES DÉLINQUANTS
3.1 La mise en oeuvre de programmes visant la réadaptation des délinquants qui ont été condamnés à l'emprisonnement est perçue par certains comme un geste d'indulgence envers ceux qui se sont montrés irrespectueux des lois. Des recherches ont cependant démontré que les programmes visant à résoudre les problèmes qui empêchent les délinquants de fonctionner dans la collectivité permettent efficacement de réduire la récidive criminelle et sont, par conséquent, essentiels à la poursuite de l'objectif premier du système correctionnel, c'est-à-dire le maintien d'une société juste, paisible et sécuritaire.
3.2 Par ailleurs, compte tenu du fait que la plupart des délinquants qui purgent une peine d'emprisonnement sont libérés un jour ou l'autre dans la collectivité, il est de la plus grande importance de reconnaître que l'emprisonnement ne constitue qu'une mesure temporaire de sécurité publique et que seule une transformation durable du comportement des délinquants peut assurer une protection de la collectivité à long terme. À cet égard, et contrairement aux résultats positifs des recherches qui ont traité de l'efficacité des programmes de réadaptation adaptés aux besoins des délinquants, plusieurs recherches ont démontré que l'emprisonnement en soi ne réussit pas à opérer des changements durables dans le comportement des délinquants.
3.3 Dans son mémoire, la Société John Howard du Canada a très bien illustré cette problématique en soulignant que les programmes de réadaptation constituent le fondement d'une réinsertion sociale réussie dans la collectivité :
Il est essentiel d'établir une différence entre les activités de surveillance et de contrôle et les programmes et les services dont le but est de changer le comportement des détenus. Le premier ensemble d'activités impose des contrôles extérieurs, alors que le deuxième ensemble incite à exercer des contrôles intérieurs. Ils ont tous deux un rôle valable et ils sont souvent convergents et complémentaires. Mais si nous ne sommes pas vigilants de façon à maintenir les différences entre les deux, les méthodes de contrôle extérieur l'emporteront sur les tentatives en vue d'établir des contrôles intérieurs. Par exemple, l'incarcération (un contrôle extérieur) empêchera une personne de consommer de l'alcool, mais à moins qu'elle ne cherche à contrôler sa toxicomanie (un contrôle intérieur), il y a un risque élevé qu'après sa mise en liberté, elle ne puisse réussir à la contrôler. Nous devons reconnaître qu'après la date d'expiration du mandat d'un détenu et après que les contrôles extérieurs ne sont plus disponibles, nous devons dépendre entièrement des contrôles intérieurs établis par cette personne pour assurer notre sécurité. Il est donc tout à fait logique de nous prononcer entièrement en faveur de programmes et de services appropriés et efficaces15.
3.4 Tout comme la Société John Howard du Canada, le Sous-comité reconnaît l'importance de différencier entre les activités de contrôle et les programmes et services qui ont pour but de modifier de façon durable le comportement des délinquants. Il appuie donc sans contredit l'objet du système correctionnel tel qu'énoncé à l'article 3 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Cet article reconnaît qu'une approche préconisant un dosage équilibré entre l'aide et le contrôle des délinquants est essentielle à la protection de la collectivité. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, le Sous-comité est d'avis que le Service correctionnel du Canada doit faire tout en son pouvoir pour atteindre cet équilibre, bien qu'il soit conscient que ces objectifs sont souvent difficiles à concilier tant pour les agents, qui doivent porter à la fois le chapeau de surveillant et d'aidant, que pour les administrateurs pour qui la gestion quotidienne des pénitenciers nécessite la prise en compte de plusieurs éléments de contrôle.
3.5 Le Sous-comité a la ferme conviction que la meilleure façon de protéger la population est de préparer les délinquants à leur réinsertion sociale dans la collectivité. Il estime, à cet effet, que la Loi reconnaît à juste titre que toutes les interventions qui ont cours au sein du système correctionnel doivent être conçues et appliquées en vue de la réinsertion sociale éventuelle des délinquants.
3.6 Cela étant dit, puisque les délinquants qui se retrouvent incarcérés dans le réseau correctionnel fédéral sont souvent confrontés à des carences sociales (tel un niveau d'instruction insuffisant, un manque de compétences professionnelles, des problèmes de toxicomanie ou de santé mentale) qui les empêchent bien souvent de mener des vies productives dans la collectivité et que le traitement de ces carences permet efficacement de réduire la récidive criminelle, le Sous-comité est convaincu qu'il est tout à fait logique d'inciter et d'aider les délinquants qui ont reçu une sentence d'emprisonnement à devenir des citoyens respectueux des lois.
3.7 Bien qu'il n'ait pas été en mesure d'examiner en profondeur des programmes de réadaptation lors de son examen de la Loi, le Sous-comité souhaite formuler, dans les pages qui suivent, des recommandations générales qui touchent la réadaptation des délinquants et leur réintégration sécuritaire dans la collectivité. Ces recommandations, qui traitent des éléments indispensables à une planification correctionnelle efficace du point de vue de la diminution de la récidive criminelle, sont le fruit des témoignages que le Sous-comité a recueillis tout au long de son processus d'examen de la Loi, incluant également ses rencontres à huis clos avec des délinquants et des personnes qui oeuvrent, soit à titre d'employé ou de bénévole, au sein du système correctionnel fédéral.
3.8 Les éléments traités dans ce chapitre sont :
- l'accès à un ensemble d'informations fiables en temps opportun sur les délinquants;
- l'adaptation des programmes de réadaptation aux besoins spécifiques des délinquants;
- les programmes de réadaptation au sein de la collectivité;
- la nécessité de prendre en compte les besoins propres aux délinquantes, aux délinquants autochtones, aux délinquants âgés, aux jeunes et aux délinquants souffrant de troubles sérieux de santé dans la mise en oeuvre de programmes et de services de réadaptation.
UN MANDAT CLAIR POUR LE SERVICE CORRECTIONNEL
3.9 Dans le cadre de son mandat de gestion des détenus fédéraux, le Service correctionnel a pour responsabilité d'encourager et d'aider les délinquants à réintégrer la collectivité en tant que citoyens respectueux des lois en leur offrant des services et des programmes de réadaptation susceptibles de les aider à réintégrer avec succès la collectivité. Il doit donc, en plus de surveiller les délinquants et de répondre à leurs besoins fondamentaux en nourriture, vêtements, hébergement et services de santé, leur offrir des programmes et des services susceptibles de les aider à modifier leur comportement. La Loi fait d'ailleurs mention à plusieurs reprises de cette responsabilité qui incombe au Service correctionnel du Canada :
Article 3. Le système correctionnel vise à contribuer au maintien d'une société juste, vivant en paix et en sécurité [...] en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois.
Article 5. Est maintenu le Service correctionnel du Canada, auquel incombent les tâches suivantes :
[...]
(b) la mise sur pied de programmes contribuant à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale;
[...]
Article 76. Le Service doit offrir une gamme de programmes visant à répondre aux besoins des délinquants et à contribuer à leur réinsertion sociale.
L'INFORMATION SUR LES DÉLINQUANTS
3.10 Étant donné qu'une bonne connaissance des problèmes auxquels font face les délinquants est indispensable à la gestion du risque en établissement et en communauté de même qu'à la mise en oeuvre de programmes efficaces du point de vue de la réduction de la récidive criminelle, le Service correctionnel doit pouvoir accéder en temps opportun à un ensemble d'informations fiables concernant les délinquants.
3.11 Pour être en mesure de remplir son mandat, le Service correctionnel procède donc à l'évaluation initiale de tous les délinquants qui lui sont confiés afin de cerner leurs besoins en matière de programmes de réadaptation et de surveillance dès leur admission en détention. La politique du Service correctionnel prévoit actuellement un délai maximum de 56 jours pour compléter cette évaluation16 qui servira à déterminer dans quel établissement le délinquant devra purger sa peine17 et à développer une planification correctionnelle qui lui convienne.
3.12 La planification correctionnelle a pour but d'aider le délinquant à modifier son comportement de manière à ce qu'il devienne un citoyen respectueux des lois. Présentée sous forme de plan détaillé, cette planification est construite sur la base des informations recueillies lors de l'admission du délinquant au pénitencier de même que sur celle des évaluations qui ont eu cours depuis son admission en détention. Le plan correctionnel comprend tous les programmes et traitements devant être suivis par le délinquant pendant toute la durée de sa peine ainsi que les objectifs qu'il doit atteindre par l'entremise de ces derniers.
3.13 Pour que le plan correctionnel s'avère efficace du point de vue de la réduction de la récidive criminelle, c'est-à-dire que les programmes et les traitements s'attaquent directement aux facteurs à l'origine du comportement criminel du délinquant, le Service correctionnel doit donc être en mesure de déterminer ces facteurs sur la base d'informations fiables18, les facteurs qui l'ont conduit à poser des actes criminels par le passé.
3.14 De l'avis du Barreau du Québec et du Dr Marnie Rice, psychologue et directrice des recherches à la division à sécurité maximale Oak Ridge du Penetanguishene Mental Health Centre, une information de qualité à cette étape du processus est indispensable afin d'assurer la protection de la collectivité, puisqu'elle permettra un classement adéquat du délinquant dans un établissement qui soit adapté à son niveau de sécurité et à ses besoins en matière de programmes de réadaptation et alimentera son dossier en vue d'une libération conditionnelle éventuelle.
3.15 Dans son mémoire au Sous-comité, le Dr Marnie Rice a souligné l'importance d'obtenir des renseignements fiables et complets sur les délinquants dans ces termes :
Il est absolument essentiel d'obtenir le bon type de renseignements complets sur les délinquants pour faire une évaluation précise des risques. Les instruments les plus précis pour prédire la violence au sein de la population carcérale dépendent essentiellement de l'exactitude des renseignements obtenus auprès de plusieurs sources, fait qui a été reconnu dans l'élaboration de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition19.
3.16 Selon le Barreau du Québec, il importe par ailleurs que ces informations soient transmises le plus rapidement possible au Service correctionnel afin que ce dernier soit en mesure de classer les délinquants dans un établissement où ils pourront accéder à des programmes de réadaptation qui répondent à leurs besoins. Aux dires de plusieurs témoins rencontrés lors de cette étude, des retards dans la transmission de l'information peuvent compromettre sérieusement la réadaptation des délinquants. Dans son mémoire, le Barreau du Québec fait la remarque suivante :
[L]e classement d'un détenu doit se faire le plus rapidement possible afin de lui permettre d'accéder à des programmes de réadaptation propres à sa situation et qui ultimement, lui permettront de réintégrer la société en ne présentant plus de risque pour la collectivité20.
3.17 Au cours de son examen de la Loi, le Sous-comité a appris que le Service correctionnel éprouvait de la difficulté à obtenir en temps opportun toutes les informations nécessaires à une évaluation initiale efficace des délinquants qui lui sont confiés. Tel que noté précédemment, cette situation est susceptible de mener à une évaluation imprécise des risques que représentent les délinquants et de leurs besoins particuliers en matière de programmes de même qu'à des décisions inappropriées en matière de mise en liberté sous condition. Ayant pris connaissance du plus récent rapport du vérificateur général du Canada sur le processus de réinsertion sociale des délinquants21 et considéré les remarques de plusieurs témoins qui ont soulevé des lacunes en cette matière22, le Sous-comité reconnaît que les problèmes en matière d'échange d'informations entre les différentes composantes du système de justice pénale peuvent avoir une incidence négative sur le processus de réinsertion sociale et que l'obtention, en temps opportun, de renseignements complets et de qualité sur les délinquants est indispensable à une planification correctionnelle efficace. Il juge néanmoins que les problèmes soulevés par les divers témoins ne relèvent pas de la Loi elle-même, puisqu'elle reconnaît l'importance de la communication des renseignements23, mais bien de sa mise en oeuvre. En conséquence, le Sous-comité estime que la meilleure façon de résoudre les problèmes en matière d'échange d'informations est d'inciter le Service correctionnel à poursuivre les efforts qu'il a entrepris jusqu'à maintenant afin d'améliorer le partage des informations entre les diverses composantes du système de justice pénale. Notons que le Service correctionnel a déjà signé des ententes officielles en matière de communication de renseignements avec la Commission nationale des libérations conditionnelles et des organismes provinciaux de neuf provinces.
3.18 À la lumière de ce qui précède et considérant par ailleurs qu'il reste beaucoup à faire pour améliorer l'échange des informations entre les différentes composantes du système de justice pénale, le Sous-comité présente la recommandation suivante :
RECOMMANDATION 6
Le Sous-comité recommande au Service correctionnel du Canada d'augmenter ses efforts et d'allouer plus de ressources afin 1) d'obtenir plus rapidement l'information jugée nécessaire à une évaluation initiale des délinquants qui soit efficace du point de vue de leur réintégration sécuritaire dans la collectivité et, 2) de s'assurer que l'information qu'il reçoit est exacte et complète.
DES PROGRAMMES ADAPTÉS AUX BESOINS DES DÉLINQUANTS
3.19 Au cours de son examen de la Loi, le Sous-comité a également pris connaissance des éléments de la programmation correctionnelle et communautaire qui favorisent la réadaptation des délinquants et leur réinsertion sociale dans la collectivité24. Des témoins ont sur ce point indiqué aux membres du Sous-comité que les programmes de réadaptation qui protègent le mieux la population de la récidive criminelle sont ceux qui ciblent les besoins criminogènes du délinquant et qui adaptent le niveau d'intervention au niveau de risque de récidive associé au délinquant.
3.20 Divers témoins, dont la Société John Howard du Canada et la Société John Howard de Terre-Neuve, ont souligné, en ces termes, l'importance d'offrir des programmes d'intervention qui s'attaquent aux facteurs à l'origine du comportement criminel des délinquants :
Il faut cibler les besoins criminogènes, ces facteurs de risque reliés au comportement qui, lorsqu'ils sont changés, sont reliés à des modifications dans le comportement criminel; il s'agit notamment des attitudes et des sentiments antisociaux, de la fréquentation de pairs procriminels, de la toxicomanie et de l'incapacité de résoudre des problèmes. Il a été démontré que les programmes qui ciblent ces facteurs reliés au comportement sont les plus prometteurs pour réduire la récidive25.
Les chances de succès de la mise en liberté graduelle peuvent être accrues en mettant en oeuvre des programmes correctionnels efficaces qui prennent en compte les facteurs relatifs au comportement des détenus qui leur ont fait commettre des infractions26.
3.21 Lors de son témoignage à Halifax, Terry Carlson de la Société John Howard de Terre-Neuve a pour sa part souligné l'importance d'adapter l'intensité des interventions en fonction du risque de récidive associé à chaque délinquant. Il a soutenu que pour être efficaces du point de vue de la réduction de la récidive criminelle, les programmes offerts aux délinquants doivent être orientés et organisés en fonction du risque qu'ils représentent pour la collectivité. Il a ainsi soutenu que plus le délinquant est considéré à risque élevé de récidive, plus l'intensité de l'intervention doit être grande et que, conformément à ce principe de réduction efficace de la récidive, le Service correctionnel doit concentrer ses efforts sur la mise en oeuvre de programmes à l'intention des détenus considérés à risque moyen ou élevé de récidive.
3.22 Cela étant dit, le Sous-comité est d'avis que la société est mieux protégée si les programmes de réadaptation mis en oeuvre par le Service correctionnel sont efficaces et pertinents. Il considère donc essentiel que ce dernier travaille de façon à ce que le choix et la fréquence des programmes d'intervention offerts aux délinquants concordent avec leurs besoins criminogènes et le niveau de risque de récidive qu'ils représentent pour la collectivité.
3.23 Ayant pris connaissance, lors de ses visites de pénitenciers, du principe d'orientation et d'organisation des interventions auprès des délinquants, le Sous-comité souhaite d'ailleurs encourager le Service correctionnel à poursuivre ses efforts afin de différencier les interventions auprès des délinquants en fonction du risque qu'ils représentent pour la collectivité.
3.24 Selon le Sous-comité, ce principe de différenciation reconnaît l'importance de la réinsertion sociale des délinquants tout en réduisant le risque de compromettre la sécurité de la population. Ce principe, tel que défini dans le Guide de gestion de cas du Service correctionnel, s'applique comme suit :
Délinquant ayant un haut potentiel de réinsertion sociale : Dans ces cas, on devrait privilégier une intervention axée sur la mise en liberté. L'intervention de faible intensité devrait être envisagée en établissement (lorsque nécessaire); s'il existe des besoins d'intervention de base reliés à la Stratégie correctionnelle, i.e. compétences psychosociales, le traitement de la toxicomanie, de la délinquance sexuelle ou de la violence familiale, et l'alphabétisation, ceux-ci devraient être appliqués en communauté
Délinquant ayant un potentiel de réinsertion sociale modéré : Dans ces cas, on doit combiner une intervention en établissement et en communauté; les programmes de base visant strictement à rendre le risque acceptable pour la sécurité du public doivent être appliqués en établissement et suivis en communauté par d'autres programmes de base ou de programmes de plus faible intensité (prévention de la rechute, maintien des acquis).
Délinquant ayant un faible potentiel de réinsertion sociale : Les interventions de base (Stratégie correctionnelle) doivent être appliquées en établissement avant la mise en liberté et se poursuivre en communauté27.
3.25 Le Sous-comité estime par ailleurs essentiel que le Service correctionnel encourage les délinquants qu'il a sous sa charge à passer graduellement d'un établissement à sécurité supérieure à un établissement à sécurité moindre avant de se voir octroyer une libération sous condition dans la collectivité. Selon le Sous-comité, cette diminution progressive du niveau de surveillance des délinquants reconnaît également l'importance de la réinsertion sociale des délinquants tout en réduisant le risque de compromettre la sécurité de la population. Le Sous-comité encourage donc le Service correctionnel à faire connaître aux délinquants les avantages qu'ils auraient à se retrouver dans un établissement correctionnel offrant une sécurité moindre et ce, tant du point de vue de leur réinsertion sociale que de l'augmentation de leurs chances de bénéficier d'une mise en liberté sous condition.
LES PROGRAMMES DE RÉADAPTATION AU SEIN DE LA COMMUNAUTÉ
3.26 Comme moyen de réduire la récidive criminelle, les programmes communautaires ont été considérés par certains témoins comme étant, dans bien des cas, plus efficaces que les programmes offerts au sein des établissements carcéraux. Dans son mémoire, la Société John Howard de Terre-Neuve a ainsi soutenu qu' : « Il est important de mettre en oeuvre d'excellents programmes en milieu carcéral, mais les recherches effectuées montrent qu'il est encore plus efficace de mettre en oeuvre des programmes communautaires28 ». Soulignant pour sa part que les problèmes auxquels sont confrontés les délinquants sont souvent d'ordre social, l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec a soutenu dans son mémoire que l'établissement carcéral n'est souvent pas le meilleur endroit pour régler ces problèmes29.
3.27 Tel que noté précédemment, le Sous-comité considère qu'une approche favorisant la réduction de la récidive criminelle implique tout autant l'offre de programmes de réadaptation au sein de la collectivité qu'une surveillance appropriée. Il a donc été particulièrement sensible au fait que plusieurs témoins aient fait état de l'insuffisance des programmes et des ressources communautaires affectés à l'encadrement des délinquants.
3.28 Thomas Hoban, président du Conseil correctionnel communautaire de Miramichi au Nouveau-Brunswick, a fait part au Sous-comité du manque de programmes communautaires en ces termes :
Il y a un grave déséquilibre entre les programmes offerts en établissement carcéral et ceux offerts dans la communauté. En fait, il y a beaucoup de programmes dans les établissements carcéraux, mais rien au sein des communautés. Il existe certains programmes en milieu urbain, mais aucun en région rurale au Canada. Les détenus qui participent à des programmes en établissement n'ont accès à aucun programme de suivi après leur remise en liberté30.
3.29 Le Sous-comité a également pris connaissance des lacunes en matière de programmes communautaires qui ont été soulignées récemment par le vérificateur général du Canada. Dans son rapport déposé au Parlement en avril 1999, ce dernier affirmait :
Bien que le Service ait assuré une continuité entre les programmes de réadaptation en établissement et dans la collectivité, sa capacité d'offrir ces programmes dans la collectivité ne lui permet pas de répondre aux besoins de l'heure31.
3.30 Le Sous-comité est d'avis que la réintégration des délinquants dans la collectivité serait grandement facilitée si les programmes auxquels ils participaient en milieu carcéral leur étaient également offerts au sein de la collectivité. Cette programmation continue est essentielle, selon lui, puisque s'il n'y a pas de programmes au sein de la collectivité pour poursuivre le travail accompli dans l'institution, les chances que les délinquants retombent dans leurs habitudes criminelles demeurent importantes. Rappelons à cet égard que l'importance de la programmation continue est reconnue depuis longtemps et qu'une des raisons ayant justifié, dans les années 1970, le transfert des responsabilités en matière de surveillance des délinquants en liberté sous condition de la Commission nationale des libérations conditionnelles au Service correctionnel du Canada était qu'on voulait assurer la continuité des programmes au sein de la collectivité.
RECOMMANDATION 7
Le Sous-comité recommande au Service correctionnel du Canada d'augmenter ses efforts et d'allouer plus de ressources en matière de programmes communautaires afin de s'assurer que les délinquants en liberté sous condition reçoivent le soutien jugé nécessaire à une réinsertion sociale réussie.
3.31 Considérant l'importance des programmes de réadaptation, le Sous-comité tient à mentionner qu'il accueille favorablement l'annonce du solliciteur général du Canada concernant les ressources qui seront affectées aux programmes dans l'année à venir. Lors de son témoignage à Ottawa, le 31 mai 1999, le solliciteur général s'est exprimé ainsi : « Dans l'année à venir, le Ministère entend élargir les programmes communautaires qui offrent du traitement, de la formation et de la surveillance aux délinquants libérés sous condition32 ».
DES GROUPES SPÉCIAUX QUI ONT DES BESOINS SPÉCIAUX
3.32 La Loi accorde au Service correctionnel et à la Commission nationale des libérations conditionnelles « une marge de manoeuvre sur le plan législatif et opérationnel, pour faire en sorte que les programmes, les traitements et les décisions adoptés répondent aux besoins et aux cas particuliers de la clientèle correctionnelle et des groupes qui la composent33 ».
3.33 Bien que le Sous-comité comprenne les raisons justifiant une reconnaissance plus explicite dans la Loi des problèmes qui touchent les délinquantes et les délinquants autochtones - entre autres par l'établissement de critères précis afin d'assurer que les politiques et les pratiques répondent aux besoins particuliers de ces deux groupes - il souhaite que les besoins spéciaux propres aux jeunes34, aux délinquants âgés de même qu'aux délinquants souffrant de problèmes de santé sérieux soient explicitement reconnus dans la Loi. Ces groupes de délinquants méritent d'être mentionnés dans la Loi et ce, même si le Sous-comité est conscient que la Commission nationale des libérations conditionnelles et le Service correctionnel reconnaissent déjà les besoins propres à ces groupes dans leurs pratiques. De l'avis du Sous-comité, ces modifications permettraient d'assurer une visibilité aux besoins particuliers de ces groupes.
3.34 Le Sous-comité est donc d'avis qu'il importe de modifier l'énoncé de principes qui doit guider le Service correctionnel du Canada ainsi qu'une disposition prévue dans la section des dispositions générales concernant la Commission nationale des libérations conditionnelles de façon à ce que la Loi reconnaisse explicitement les besoins et les problèmes propres à ces groupes de délinquants.
RECOMMANDATION 8
Le Sous-comité recommande de modifier l'alinéa 4(h) et le paragraphe 151(3) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition par l'ajout des délinquants âgés, des délinquants qui souffrent de problèmes sérieux de santé de même que des jeunes à la liste des groupes de délinquants considérés comme ayant des besoins spéciaux.
3.35 Les problèmes que posent la prise en charge et la gestion des délinquants autochtones et des délinquantes pour le Service correctionnel et la Commission ont fait l'objet de plusieurs études par le passé. Ces dernières ont d'ailleurs bien souvent permis d'améliorer nos connaissances concernant les besoins spécifiques de ces populations de même que les services correctionnels qui leur sont destinés.
3.36 Malgré les progrès réalisés depuis quelques années et bien que l'alinéa 4(h) et le paragraphe 151(3) de même que les articles 77 et 80 à 85 de la Loi reconnaissent déjà l'importance d'offrir des programmes et des services adaptés aux besoins particuliers des délinquantes et des délinquants autochtones au sein du système correctionnel, le Sous-comité est d'avis qu'il reste beaucoup à faire afin d'améliorer la situation de ces deux populations correctionnelles dans nos pénitenciers. La section qui suit traite donc de ces deux populations et des recommandations du Sous-comité en matière de services et de programmes offerts aux femmes et aux Autochtones au sein du système correctionnel.
3.37 Quant à la situation des délinquantes sous juridiction fédérale, il est important de noter qu'elles représentent environ 2 à 3 p. 100 de l'ensemble des délinquants condamnés à une peine de juridiction fédérale. Leur nombre rend donc difficile la prestation de programmes et de services efficaces du point de vue de leur réinsertion sociale dans la collectivité. Plusieurs études ont d'ailleurs démontré que les femmes délinquantes n'ont pas accès à des programmes et des services comparables à ceux offerts à la population carcérale masculine.
3.38 Il ne faut donc pas se surprendre du fait que le Sous-comité ait entendu parler maintes fois, au cours des audiences qu'il a tenues, de l'insuffisance des programmes et des services destinés aux femmes et ce, bien qu'en général la plupart des témoins aient fait état d'une amélioration générale de la situation des femmes au sein du système correctionnel depuis la création des établissements régionaux pour femmes.
3.39 Lors de ses visites de pénitenciers à travers le pays, le Sous-comité a également constaté que les programmes destinés aux femmes délinquantes étaient insuffisants. Il est donc particulièrement sensible aux remarques faites par certains témoins, dont Lisa Addario de la National Associations Active in Criminal Justice, Marie-Andrée Bertrand de l'École de criminologie de l'Université de Montréal de même que Kim Pate de l'Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, qui ont soutenu que le manque flagrant de programmes et de services adéquats destinés aux délinquantes constituait un préjudice défavorable envers elles.
3.40 Compte tenu de leur petit nombre au sein de la population carcérale, le Sous-comité reconnaît la difficulté pour le Service correctionnel d'assurer des programmes diversifiés pour les délinquantes. Concernant les femmes incarcérées dans les pénitenciers à sécurité maximale, le rapport du Groupe de travail sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition a souligné:
Le petit nombre de participantes a souvent pour effet d'empêcher l'application de programmes ou d'en réduire l'efficacité. De ce fait, la plupart des femmes bénéficient d'une aide individuelle (par exemple, sur le plan scolaire) et d'un counseling individualisé, ce qui n'est pas vraiment une chose souhaitable ni, dans bien des cas, efficace dans la réduction du risque35.
3.41 La Société Saint-Léonard du Canada a toutefois mis en garde le Sous-comité contre une analyse entièrement fondée sur la rentabilité des programmes destinés aux femmes :
Il n'existe aucune solution rentable en matière de services correctionnels pour les femmes. Leur nombre ne permet pas de faire des économies d'échelles. Toutefois, par le recours à des pratiques optimales dans les programmes destinés aux femmes, nous ouvrirons la voie à des améliorations des services correctionnels pour les hommes et pourrons voir une intégration réussie des femmes dans leurs collectivités, autant de mesures qui sont à l'avantage de tous36.
3.42 De l'avis du Sous-comité, le petit nombre de femmes délinquantes ne constitue pas une raison valable pour ne pas travailler de façon à ce que les femmes puissent obtenir des services qui faciliteront leur réintégration dans la communauté en tant que citoyennes respectueuses des lois. Cette reconnaissance des difficultés auxquelles fait face le Service correctionnel ne doit donc pas justifier l'abandon d'une recherche constante de solutions.
3.43 Bien que le Sous-comité reconnaisse les efforts faits par le Service correctionnel pour pallier à ce problème depuis le dépôt, en 1990, du rapport du Groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale, intitulé La création de choix, et la création du poste de sous-commissaire pour les femmes suite à une recommandation de madame la juge Louise Arbour dans son rapport de 1996, il estime que le Service correctionnel doit poursuivre ses efforts de façon à ce que les femmes incarcérées dans le système correctionnel fédéral aient accès à des programmes et des services qui favorisent leur réinsertion sociale réussie dans la collectivité.
3.44 À cet égard, le Sous-comité estime particulièrement urgent que la sous-commissaire pour les délinquantes planifie avec le Service correctionnel du Canada la mise en oeuvre de plusieurs programmes modernes de travail et de formation dans les établissements correctionnels pour femmes et dans la collectivité. Ces programmes devront, tel que prévu à l'alinéa 4(h) et à l'article 77 de la Loi, être adaptés aux besoins spécifiques des délinquantes et favoriser leur réinsertion sociale au sein de la collectivité.
3.45 En ce qui concerne les délinquants autochtones, les chiffres publiés par le solliciteur général dans son rapport global sont alarmants. Selon ces données, alors que les Autochtones représentent environ 3 p. 100 de la population canadienne, ils représentent 12 p. 100 de l'ensemble des délinquants sous responsabilité fédérale. En outre, les données démontrent que les délinquants autochtones purgent généralement une plus longue partie de leur sentence en établissement plutôt qu'en collectivité et font plus souvent l'objet d'un renvoi en vue d'un examen pour le maintien en incarcération.
3.46 À plusieurs reprises, des études ont permis de démontrer que les programmes existants et les modes de gestion du Service correctionnel ne répondaient pas toujours aux besoins spécifiques des délinquants autochtones et que, par conséquent, le Service correctionnel devait reconnaître les particularités de cette population afin d'assurer que les délinquants autochtones puissent bénéficier de services correctionnels et de programmes favorisant leur réinsertion sociale en tant que citoyens respectueux des lois.
3.47 Aujourd'hui, la Loi reconnaît que l'approche générale du Service correctionnel et la mise en oeuvre de programmes de réadaptation et de réinsertion sociale doivent être sensibles à la culture autochtone ce qui, selon plusieurs témoins rencontrés, constitue une amélioration importante du système correctionnel. Néanmoins, au cours de son examen, le Sous-comité a également entendu des témoins dénoncer le manque de programmes adaptés aux besoins des délinquants autochtones et souligner les problèmes propres à la population autochtone sous juridiction fédérale.
3.48 Compte tenu du fait que le Sous-comité croit que la mise en oeuvre de programmes et de services qui répondent aux besoins particuliers des Autochtones est essentielle à une planification correctionnelle efficace du point de vue de la réduction de la récidive, il recommande que soit créé au sein du Service correctionnel du Canada un poste de sous-commissaire pour les délinquants autochtones semblable à celui déjà existant pour les délinquantes sous juridiction fédérale, afin d'améliorer les services correctionnels pour Autochtones. Le sous-commissaire devrait être chargé d'étudier, d'analyser et de tenter de résoudre les problèmes qui touchent particulièrement les délinquants autochtones au sein du système correctionnel. De l'avis du Sous-comité, il devrait ainsi être chargé de la planification, de l'élaboration des politiques et des programmes, du contrôle et de l'examen des opérations du Service correctionnel de même que de la supervision des études et des travaux de recherche qui traitent des délinquants autochtones. En tant que membre du comité de direction du Service correctionnel du Canada, il devrait par ailleurs participer, au même titre que la sous-commissaire pour les femmes, à toutes les décisions qui ont des répercussions directes ou indirectes sur la population autochtone au sein du système correctionnel.
RECOMMANDATION 9
Le Sous-comité recommande au Service correctionnel du Canada de créer un poste de sous-commissaire pour les délinquants autochtones, doté de pouvoirs et de responsabilités semblables à ceux du sous-commissaire pour les femmes.
3.49 Comme il est mentionné en introduction de ce chapitre, le Sous-comité n'a pas été en mesure de procéder à une analyse en profondeur des programmes offerts par le Service correctionnel. Ayant par ailleurs constaté au cours de son examen que les rapports du vérificateur général du Canada portant sur la réinsertion sociale des délinquants de novembre 1996 et d'avril 1999 ne comportent aucune vérification du processus de réinsertion sociale destiné particulièrement aux délinquantes et aux délinquants autochtones, le Sous-comité est d'avis qu'une analyse en profondeur des programmes et des services offerts pour ces populations correctionnelles pourrait s'avérer d'une grande utilité tant pour le Service correctionnel que pour ces populations correctionnelles et la population dans son ensemble.
3.50 Le Sous-comité estime donc essentiel que le vérificateur général du Canada procède à une vérification afin de cerner les forces et les faiblesses du processus actuel de réinsertion sociale destiné à ces deux populations correctionnelles.
RECOMMANDATION 10
Le Sous-comité recommande que le vérificateur général du Canada procède à une évaluation du processus de réinsertion sociale destiné aux délinquantes de même qu'à une évaluation du processus de réinsertion sociale destiné aux délinquants autochtones au sein du système correctionnel fédéral compte tenu du fait que dans le cadre de ses vérifications précédentes du processus de réinsertion sociale, il n'a pas examiné le cas des délinquantes ni les questions qui sont propres aux délinquants autochtones.
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# Mémoire, p. 10.16# Vérificateur général du Canada, « Chapitre 1. Service correctionnel Canada - La réinsertion sociale des délinquants », Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, avril 1999.
17# Le choix de l'établissement doit refléter le niveau de surveillance requis par le délinquant de même que les mesures de soutien et les programmes dont il a besoin.
18# Cette question sera traitée plus en profondeur dans la prochaine section du présent chapitre.
21# Le vérificateur général du Canada a fait l'analyse des lacunes en matière d'information dans le cadre de son plus récent rapport. Vérificateur général du Canada, « Chapitre 1. Service correctionnel Canada - La réinsertion sociale des délinquants », Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, avril 1999.
22# Parmi les organismes ou les témoins qui ont soulevé des lacunes en matière d'information, mentionnons l'Association canadienne de justice pénale, le Barreau du Québec, la Commission ontarienne des libérations conditionnelles, la Criminal Lawyers Association, Mme Charlene Mandell et le Dr Marnie Rice.
23# Voir le paragraphe 23 (1) de la Loi.
24# Pour plus d'information concernant les caractéristiques des programmes de traitement efficaces, consulter : D. Andrews, J. Bonta et R. D. Hoge, « Classification for Effective Rehabilitation : Rediscovering Psychology », Criminal Justice and Behavior, 1990, vol. 17, p. 19-52.
25# Mémoire, Société John Howard de Terre-Neuve, p. 5.
26# Mémoire de la Société John Howard du Canada, p. 10.
27# Cette pratique est définie dans le Guide de gestion de cas du Service correctionnel du Canada, édition février 1999, « 700-00 Introduction - Processus de réinsertion sociale », p.6-7.
31# Vérificateur général du Canada, « Chapitre 1. Service correctionnel Canada - La réinsertion sociale des délinquants », Rapport du vérificateur général du Canada à la Chambre des communes, avril 1999.
32# Témoignages, 31 mai 1999, 15:40.
33# Solliciteur général du Canada, Rapport global, Pour une société juste, paisible et sûre, Rapport du groupe de travail sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, 1998, p. 163.
34# Il importe à ce sujet de noter que lors de son témoignage devant le Sous-comité, Susan Reid-MacNevin, professeure agrégée et directrice du Département de criminologie et de justice pénale à l'Université St-Thomas de Fredericton, a souligné l'importance de considérer les jeunes contrevenants comme une population ayant des besoins particuliers.
35# Solliciteur général du Canada, Rapport global, Pour une société juste, paisible et sûre, Rapport du groupe de travail sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, 1998, p. 186.