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NDVA Rapport du Comité

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CONTEXTE

ÉTUDE SUR LES ACQUISITIONS

CONTEXTE

Le 11 février 1999, le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants a entendu des représentants du Bureau du vérificateur général témoigner au sujet des chapitres 3 et 4 du rapport de 1998 du vérificateur général intitulés Équiper et moderniser les Forces canadiennes et Défense nationale ¾ Grands projets d’acquisitions et de biens d’équipement. Le vérificateur général a alors suggéré au Comité d’examiner les nombreuses difficultés auxquelles se bute le ministère de la Défense nationale lorsqu’il procède à ses acquisitions. (Le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes a publié un bref rapport à ce sujet en octobre 1998, après avoir eu deux rencontres avec le vérificateur général et des fonctionnaires de la Défense nationale, mais il n’avait pas tenu d’audiences approfondies.) Le 18 février 1999, le Comité a résolu d’approfondir la question, et le 2 mars 1999, il a commencé à entendre divers fonctionnaires des ministères fédéraux concernés par les acquisitions de matériel de défense, des représentants de l’industrie et des membres du public que le sujet intéresse, notamment des universitaires. Dans l’intervalle, dans le cadre de son rapport de 1999, le Bureau du vérificateur général a réalisé deux autres études liées à cette question des acquisitions en matière de défense ¾  l’une sur le recours à un fournisseur unique et l’autre sur la diversification de la prestation des services (DPS). Le Comité a conclu ses audiences le 21 mars 2000.

INTRODUCTION

« [L]a réussite de nos efforts militaires, autant du point de vue de notre capacité que du moral des effectifs, repose sur quatre piliers », et l’équipement est l’un d’entre eux, a déclaré le ministre de la Défense nationale. À tout instant, le ministère de la Défense nationale (MDN) gère environ 20 projets majeurs de la Couronne, auxquels s’ajoutent quelque 81 projets d’immobilisations approuvés. Au cours de l’exercice 1999-2000, ce ministère dépensera environ 4,4 milliards de dollars pour ses acquisitions d’immobilisations, soit près de la moitié des dépenses d’approvisionnement du gouvernement du Canada. Étant donné l’ampleur des achats en question, il est particulièrement important que le processus soit bien géré, que l’utilisation des ressources soit optimale et que la meilleure posture des forces soit obtenue de la façon la plus économique. Sans transiger sur la priorité du rapport coût-efficacité, le processus devrait viser à contribuer à l’expansion industrielle du Canada et au bien-être économique des Canadiens chaque fois que c’est possible. Ici, deux enjeux sont en cause : la responsabilité financière à l’égard du contribuable canadien et la fourniture à nos forces armées d’un équipement approprié au moment opportun.

Pour démontrer à quel point il importe que le processus d’acquisition soit réformé, le Comité rappelle qu’aucun matériel de remplacement de l’hélicoptère Sea King n’a encore été livré aux Forces canadiennes, alors que ce besoin opérationnel a été signalé pour la première fois il y a près de 25 ans. En fait, aucun contrat n’a encore été conclu pour combler cette lacune. Le gouvernement devrait se pencher sur cette priorité en souffrance immédiatement.

Notre étude a permis de dégager deux facteurs qui sont d’une importance primordiale pour l’acquisition et l’entretien du matériel de défense. Tout d’abord, le ministère de la Défense nationale doit pouvoir compter sur un budget qui soit stable et prévisible pour planifier ses achats de manière à protéger correctement la capacité des forces canadiennes. Deuxièmement, le processus d’acquisition lui-même, y compris le contexte dans lequel il se situe, doit être bien géré. Notre rapport examine ces facteurs à la lumière des thèmes qui ont surgi tout au long des audiences et il propose une série de recommandations en conséquence.

Beaucoup des problèmes soulevés au cours de cette étude concernaient le processus d’acquisition du matériel de défense dans son ensemble, mais le Comité a néanmoins concentré son attention sur les achats majeurs de biens d’équipement. Pour autant, l’importance de la gestion des petits achats de biens et services ne s’en trouve nullement diminuée. Au contraire, on suppose qu’une amélioration du processus d’achat des matériels de défense de grande taille, plus complexe, aura inévitablement des effets positifs sur eux. Soulignons enfin que, si l’étude du Comité et le présent rapport ont pour objectif d’améliorer les achats du matériel de défense, l’analyse qui suit et les recommandations qui l’accompagnent débordent les pratiques du ministère de la Défense nationale et concernent toute l’administration publique. En effet, à l’heure actuelle, il n’existe au Canada aucune règle établissant une différence entre les achats de matériel de défense et les achats généraux du gouvernement.

ASSURER UN BUDGET DE DÉFENSE STABLE ET PRÉVISIBLE

Le ministère de la Défense nationale a fourni une contribution majeure aux efforts du gouvernement visant à contrôler les dépenses et à diminuer les coûts en réduisant les effectifs et en restructurant les services. Entre 1990 et 1998, le budget total du MDN a subi une baisse de 33 %, soit la plus forte des pays de l’OTAN. Ainsi, le

processus budgétaire normal pour le ministère de la Défense au cours des dernières années, sous l’ancien gouvernement et sous l’actuel, consistait à accorder une enveloppe fixe au ministre de la Défense et à lui demander de voir ce qu’il pouvait faire avec cette somme. Cela met le ministère de la Défense dans une situation vraiment difficile. […] Les recherches révèlent, sur une période prolongée, que ce sont toujours les achats d’immobilisations qui souffrent de cette dynamique. Au Canada, les achats d’immobilisations ne font pas partie d’une stratégie, ne font pas partie d’une politique, mais constituent un élément résiduel. C’est ce qui reste après les dépenses de personnel et après les dépenses d’exploitation.

 

Ce sont les moyens disponibles qui ont servi à déterminer les priorités des Forces canadiennes en matière d’équipement, plutôt que l’inverse, d’où l’adoption d’une méthode de « conception en fonction des coûts ». Inévitablement, les fonds qui restent sont insuffisants pour entretenir le matériel existant, sans parler de la mise à niveau ou du remplacement des éléments désuets et problématiques. La capacité des forces armées s’en trouve compromise. Ainsi, faire correspondre la capacité requise avec les fonds disponibles constitue l’un des défis essentiels auxquels sont confrontées les Forces canadiennes (FC) en ce qui concerne les achats de matériel.

Comme conséquence, et c’est ce qui inquiète le vérificateur général, les FC achètent du matériel « bas de gamme » ¾ c’est-à-dire du matériel qui ne répond que partiellement aux besoins de départ ¾ ou « moins de matériel » que ce qui serait nécessaire. L’analogie suivante, proposée au cours de nos travaux, illustre bien le dilemme auquel font face les responsables des achats :

Posons une hypothèse : si vous avez besoin d’une nouvelle voiture, vous pourriez vouloir acheter une Cadillac, mais il faudra attendre cinq ans avant de pouvoir vous le permettre. Vous achetez donc quelque chose d’un peu moins cher, mais qui vous mènera tout de même où vous voulez aller. [Toutefois, si on opte pour] une Volkswagen Coccinelle alors qu’on a besoin d’un camion de deux tonnes et demie, [la voiture] ne peut pas transporter la charge voulue et on a tout un problème. L’approche générale est viable, à condition de ne pas aller trop loin.

 

Le vérificateur général concède que la détermination de ce que signifie « aller trop loin » peut constituer un exercice un peu subjectif. Néanmoins, ses fonctionnaires soulignent que le MDN doit étudier les diverses options, déterminer la différence des coûts entre l’achat de matériel qui répond à ses besoins opérationnels et l’achat de matériel moins cher qui demandera plus tard des modifications pour répondre à ces mêmes exigences, pour ensuite décider au mieux.

Le Comité estime lui aussi qu’il s’agit là d’une manière prudente de procéder et, par conséquent, recommande :

Que le ministère de la Défense nationale incorpore à sa politique d’approvisionnement la notion d’ « exigences techniques axées sur le rendement » et oblige ses fournisseurs à produire des données précises sur les coûts en fonction de niveaux préétablis de rendement opérationnel.

Le Comité prend note avec consternation de la constatation principale du chapitre 3 du rapport de 1998 du vérificateur général, à savoir que « le budget en capital du ministère ne serait pas suffisant pour doter le Canada d’une force polyvalente et apte au combat comme le prévoit le ministère ». Au bout du compte, selon le vérificateur général, en 2012, le financement de l’équipement accusera un déficit de 30 milliards de dollars et, d’après ce qu’il a déclaré au Comité, l’évaluation du MDN lui-même se situe aux alentours de 20 milliards de dollars. Au cours du dernier exercice financier, le poste « immobilisations » du budget de défense a accusé une baisse pour atteindre 18 %. Alors que la Stratégie 2020 annonce 23 % comme objectif, certains témoins ont déclaré que « 30 % […], d’après plusieurs forces militaires occidentales, est le pourcentage magique […] du budget de défense [qui doit être] affecté à l’acquisition ». Néanmoins, le vérificateur général est d’avis « qu’il faut de toute urgence régler la question de la disparité entre le budget d’immobilisations de la Défense et les projets d’acquisitions du ministère  ».

Son rapport propose trois solutions : 1) maintenir le statu quo, 2) débloquer des fonds supplémentaires ou 3) restructurer les forces. Pour des raisons évidentes, le Comité ne juge pas la première « option » envisageable. Le dernier budget fédéral réagit positivement à la deuxième solution en annonçant un certain allégement de la situation. En effet, le ministère de la Défense nationale doit recevoir environ 1,7 milliard de dollars de plus au cours des trois prochaines années et il a défini l’équipement comme prioritaire. Toutefois, cela pourrait bien ne pas suffire. Le financement n’est pas toujours stable, particulièrement dans un contexte démocratique où les ministères doivent convaincre chaque gouvernement que tel ou tel programme doit être maintenu. Si les restrictions financières persistent, il faudra que le ministère envisage une restructuration des Forces canadiennes. Le Comité sait que les fonctionnaires de la Défense ont déjà commencé à examiner diverses possibilités à cet égard. Certes, les membres du Comité espèrent que cela ne sera pas nécessaire au bout du compte, mais, selon eux, le simple fait de considérer une telle solution a son utilité, en encourageant les Forces canadiennes à soupeser soigneusement leurs priorités.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que le ministère de la Défense nationale établisse une prévision claire du déficit qu’il prévoit au chapitre des achats d’équipement et qu’il en fasse part, avec données à l’appui, au Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants et au ministère des Finances, afin qu’il en soit tenu compte dans les budgets à venir;

Que le ministère de la Défense nationale transmette au Comité et au ministère des Finances une stratégie claire, y compris un échéancier, concernant l’augmentation à au moins 23 % du volet « projets d’immobilisations » de son budget, à l’intérieur d’un budget de défense qui soit suffisant pour absorber une telle augmentation. En d’autres termes, il faudrait que cette mesure ne nuise pas aux niveaux de personnel ni qu’elle soit prise au détriment de quelque autre partie du budget de défense.

A. Accorder des crédits pour les biens

Le Comité a appris que, lorsque le MDN se départit de certains biens, les gains ne sont pas attribués au ministère, mais versés au Trésor. Lorsque des changements ont été apportés au régime qui concerne la réception des gains provenant de la cession de biens matériels excédentaires, au début des années 90 (les ministères étant autorisés à dépenser 100 % du montant déposé), un régime distinct a été prévu pour les « biens immobiliers ». Cette règle fait actuellement l’objet d’un examen.

Le Comité estime que le ministère devrait être autorisé à conserver, ou du moins à partager les bénéfices générés par la cession de ses biens, matériels ou autres. Encore une fois, comme il l’avait fait dans son rapport sur la « qualité de la vie », le Comité recommande :

Que le ministère de la Défense nationale soit autorisé à utiliser les fonds issus de la vente ou de la location à long terme de ses terres et de ses installations et qu’il continue de faire valoir auprès du Secrétariat du Conseil du Trésor son intérêt à tirer profit de la cession de ses biens, y compris de ses biens immobiliers.

BIEN GÉRER LE PROCESSUS

Les lignes directrices du gouvernement du Canada exigent que l’approvisionnement soit effectué « de manière à accorder la prééminence aux besoins opérationnels, résister à l’examen du public au chapitre de la prudence et de l’intégrité, faciliter l’accès, encourager la concurrence et constituer une dépense équitable des fonds publics ». Le processus comprend trois étapes distinctes : 1) effectuer ou faire effectuer une analyse; 2) lancer un appel d’offres et 3) conclure effectivement un achat ou un contrat.

Pour ce qui est de l’approbation des projets d’immobilisations, elle peut être faite par un ministre jusqu’à concurrence de 30 millions de dollars; au-dessus de cette somme la décision revient au Conseil du Trésor. Toutefois, les projets majeurs de la Couronne (généralement au-dessus de 100 millions de dollars) sont assujettis à une autorisation du Cabinet, en plus de celle du Conseil du Trésor. Actuellement, les comités parlementaires n’ont aucun rôle à jouer dans le processus d’acquisition, sauf à l’étape de l’étude du Budget des dépenses et du Rapport sur les plans et les priorités du ministère. (Dans le cas des services, tous les ministres ont le pouvoir d’acheter à contrat des services pouvant atteindre 2 millions de dollars, à condition de recourir à des offres sur support électronique, jusqu’à 400 000 $ si les appels d’offres sont faits selon la méthode classique, et jusqu’à 100 000 $ s’il n’y a aucune concurrence. Les contrats de services de plus de 2 millions de dollars doivent être approuvés par le Conseil du Trésor.)

À l’heure actuelle, les achats de matériel de défense sont visés par ces politiques et procédures, qui s’appliquent à l’ensemble de l’administration publique. Plusieurs ministères entrent en jeu, et il faut soutenir la démarche sur plusieurs fronts pour assurer la réussite d’une initiative d’acquisition. Par conséquent, les éventuelles améliorations du processus seront, dans certains cas, tributaires des progrès accomplis dans la réforme de haut niveau à l’échelle du gouvernement et de l’engagement des grands décideurs tout au long du parcours, afin d’assurer l’acceptation et la transparence du projet. Le coût de l’équipement peut être influencé grandement par le degré de rapidité et de fermeté des décisions et de l’ensemble des processus.

Le Comité est d’avis que le processus d’acquisition pourrait être accéléré en simplifiant le mécanisme d’approbation des projets évoqué ci-dessus, et il recommande donc :

Que le Secrétariat du Conseil du Trésor examine les moyens possibles d’augmenter le niveau des pouvoirs d’approbation (afin de donner au ministère plus d’autorité sur les budgets et de créer un processus d’approbation simplifié) et que le gouvernement modifie à cette fin la Loi sur la gestion des finances publiques et les lignes directrices du Conseil du Trésor.

Par ailleurs, le Comité estime que le processus d’acquisition des matériels de défense devrait être plus transparent. Le ministère de la Défense nationale et le gouvernement doivent démontrer au public canadien, par le truchement du Parlement et de ses comités, qu’ils administrent et dépensent les fonds des contribuables d’une manière responsable. Le Comité recommande donc :

Que les grands projets de la Couronne (évalués à plus de 100 millions de dollars) envisagés par le ministère de la Défense nationale soient présentés au Comité, afin qu’il puisse en faire publiquement un examen approfondi.

A. Assurer la coordination entre plusieurs ministères fédéraux

Selon certains témoins, la complexité découlant du recours à autant de ministères contribue à la lenteur et à la lourdeur du processus d’acquisition.

La Loi sur la gestion des finances publiques autorise le Conseil du Trésor à établir une politique en matière d’acquisitions, qui elle-même régit les acquisitions des ministères. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) doit veiller à l’intégrité du processus d’acquisition en appliquant des politiques et procédures qui soient justes, transparentes et concurrentielles. Ce ministère s’occupe des approvisionnements pour le ministère de la Défense nationale depuis près de 60 ans et agit comme un centre décisionnel distinct en ce qui concerne les contrats. Le ministère de la Défense nationale, à titre de ministère parrain, s’occupe de la définition des exigences opérationnelles et de la gestion quotidienne de ses achats. À cela, il faut ajouter Industrie Canada, qui administre la politique gouvernementale des retombées industrielles et régionales (RIR), de concert avec les agences régionales ¾ l’Agence de promotion économique du Canada atlantique, Diversification de l’économie de l’Ouest et les divers Plans de développement économique pour les régions du Québec (Addendum : et l'Initiative fédérale du développement économique du Nord de l'Ontario.  Le 15 mars 2001) Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) est responsable des accords commerciaux qui structurent le processus d’achat dans le cadre d’un régime commercial international libéralisé. Il importe de souligner que les systèmes d’armes de défense et les soutiens de ceux-ci ne sont pas tous visés par l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) et par les accords de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). (En général, 25 % ou moins des achats du MDN sont visés par ces accords au cours d’une année donnée.) D’autres ministères encore peuvent prendre part à tel ou tel achat, en fonction de la stratégie du gouvernement. Par exemple, si l’on accorde la priorité au soutien de l’entreprise autochtone, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) aura aussi son mot à dire. Un comité interministériel responsable de la stratégie d’acquisition veille à ce que chaque ministère intéressé soit représenté et que ses priorités propres soient prises en compte, chacun devant répondre à « un maître différent ».

Au cours de l’étape « évaluation » du processus d’achat, une fois que les sociétés ont soumissionné, les divers éléments de leurs soumissions (caractéristiques techniques, prix, respect de la politique des retombées industrielles et régionales) sont considérés séparément, de manière à ce que l’une n’influe pas indûment sur l’autre. Le ministère de la Défense nationale effectue l’évaluation technique; TPSGC examine le prix; et Industrie Canada s’occupe du côté « retombées industrielles et régionales ». Une fois que les trois volets ont été évalués, ils sont regroupés pour déterminer quel entrepreneur a la meilleure proposition technique, et le meilleur prix, en même temps qu’un ensemble d’avantages industriels et régionaux « acceptables » (voir les détails ci-dessous). Dans la plupart des cas, l’entrepreneur déçu qui juge le processus injuste a la possibilité d’en saisir le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE).

Le vérificateur général du Canada a déclaré au Comité que de nombreuses réformes du processus d’acquisition avaient été mises en œuvre grâce au ministère de la Défense nationale. Le Comité en prend note avec plaisir et, avec l’espoir que ces initiatives se poursuivront, recommande :

Que tous les ministères et organismes fédéraux ayant un rôle dans les achats de matériel de défense ¾ Conseil du Trésor, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), Industrie Canada, ministère des Affaires étrangères et du commerce international (MAECI), et autres ¾

facilitent les réformes nécessaires à l’accroissement de l’efficience et de l’efficacité des achats de matériel de défense, en agissant sur les politiques et procédures qui laissent à désirer dans leurs propres secteurs de responsabilité et qui entravent le processus normal des acquisitions du gouvernement;

continuent d’améliorer la coordination entre les ministères en vue de supprimer les doubles emplois dans le processus d’acquisition.

Selon beaucoup de témoins, la division entre plusieurs composantes de l’administration fédérale des responsabilités et pouvoirs relatifs aux achats de matériel de défense représente un enjeu majeur. De longue date, conformément aux principes énoncés dans la Loi sur la gestion des finances publiques, la séparation des pouvoirs en matière de marchés publics a été considérée comme « primordiale pour garantir non seulement que le processus est équitable, mais aussi qu’il est perçu comme tel ». Toutefois, lorsqu’il y a trop de participants, l’autorité hiérarchique en souffre. En outre, de l’avis de plusieurs témoins, le fait que ce soit un ministère différent qui régisse la fonction contractuelle laisse présager des difficultés, sinon pire, en ce qui concerne la simplification du processus :

[ceux] qui sont responsables de la planification et de la gestion de la défense nationale n’ont pas le contrôle des facteurs de planification. Ils ne connaissent pas le budget. Ils ne savent pas ce qui se passe. Ils ne connaissent pas la stratégie. Ils ne savent pas ce qu’ils vont faire le lendemain. [… L]a plupart des gestionnaires consacrent la majorité de leur temps à répondre à des circonstances imprévues.

La structure actuelle, nous a-t-on dit, perpétue les chevauchements en matière de ressources et les doubles emplois au niveau des fonctions, ce qui signifie perte de temps et, par conséquent, coûts plus élevés.

Même si cela suppose un certain nombre de compromis, il serait bon d’alléger le processus en supprimant les doubles emplois. Une telle mesure pourrait aussi entraîner des économies importantes sur le plan des ressources humaines et financières. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le gouvernement du Canada, en consultation avec le Comité, examine les pratiques des pays de l’OTAN et des nations alliées en matière d’achats de matériel de défense afin de voir s’il est faisable et souhaitable de concevoir des règles spécialement pour ces achats et notamment quels seraient les gains d’efficience que l’on pourrait réaliser en intégrant les fonctions contractuelles de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) à celles du ministère de la Défense nationale.

Dans le même ordre d’idées, on a affirmé au Comité que l’existence d’un si grand nombre de priorités provenant de ministères différents avait pour effet de gonfler le coût final, et de fausser le coût « réel » des achats de défense.

Le sous-ministre adjoint (Matériels) du MDN (au moment des audiences) classe comme suit les objectifs du gouvernement en matière d’approvisionnement :

i. répondre aux besoins opérationnels grâce à une démarche concurrentielle, équitable et accessible;

ii. promouvoir le développement industriel et régional à long terme;

iii. contribuer à l’atteinte d’autres objectifs nationaux : petites entreprises, protection de l’environnement, entreprises autochtones, langues officielles, traités internationaux;

iv. aider les entreprises canadiennes à devenir concurrentielles sur les marchés intérieur et international.

Ainsi, si l’objectif primordial de toute mesure d’approvisionnement de l’administration fédérale est d’assurer aux ministères acheteurs des biens et services de bonne qualité au plus bas prix possible, afin qu’ils puissent mener efficacement leurs activités, les achats de défense sont souvent mis au service de certains objectifs nationaux qui ne concernent pas la défense. Selon plusieurs témoins, il en découle, pour le MDN, des dépenses réelles en argent et en temps.

Le Comité ne doute pas de l’importance des autres objectifs nationaux, mais il s’inquiète du fardeau qu’ils peuvent imposer au budget de défense. Le Comité encourage donc le gouvernement à reconnaître que le coût de la défense est souvent gonflé pour tenir compte d’autres objectifs; si le budget de défense servait uniquement à financer les coûts « réels », le ministère de la Défense nationale disposerait d’un pouvoir d’achat plus grand.

B. Cerner d’abord les besoins opérationnels

Lors de cette étude, certains témoins ont fait remarquer au Comité que la responsabilité concernant la définition des besoins en équipement des Forces canadiennes revenait uniquement au ministère de la Défense nationale. À l’heure actuelle, les trois composantes des forces armées (l’armée, la marine et l’aviation) sont consultées à cette fin.

En effet, la première étape des achats d’immobilisations est l’identification. Le personnel opérationnel cerne une « lacune de capacité » découlant des causes suivantes : « le vieillissement du matériel, l’évolution des opérations, le progrès technologique, l’analyse stratégique qui définit les futurs besoins et l’évolution de la politique gouvernementale ». De multiples fois, le Comité a entendu dire que les structures de force étaient fondées sur des stratégies élaborées pour faire face à des scénarios de conflit dans lesquels les moyens étaient appariés aux fins. Avant de pouvoir établir de quoi vous avez besoin pour fonctionner efficacement et de manière appropriée, vous devez définir le contexte éventuel des opérations et évaluer et identifier les menaces potentielles. Un fonctionnaire du Bureau du vérificateur général a fait observer que :

le ministère n’a jamais vraiment défini ses activités, sa mission, ses rôles, ses objectifs escomptés, d’une manière objective et que nous pourrions évaluer. Il a exprimé tout cela en termes généraux qui rendent impossible toute évaluation des résultats. L’une de nos recommandations perpétuelles, c’est que le ministère termine ses scénarios de combat et les publie, afin que nous ayons des balises pour l’évaluation des acquisitions et d’autres choses, comme l’état de préparation opérationnelle.

Ces scénarios de combat, établis indépendamment des trois services, dans un souci d’objectivité, serviraient de fondement à la planification des Forces armées canadiennes, à l’identification des défaillances et à l’établissement des priorités. Une fois établis, ces scénarios seraient examinés tous les ans au sein du ministère, afin de vérifier qu’ils sont toujours valides. Ce contrôle ne serait pas aussi intensif que l’examen en règle d’un livre blanc, mais il s’exercerait en vertu d’une responsabilité permanente, à caractère crucial et capital, sur les éléments de planification au sein du ministère.

Le Comité est d’accord pour dire que les scénarios de combat sont un outil essentiel de la planification de défense. De plus, il souscrit à l’idée que ces scénarios peuvent être particulièrement utiles pour identifier les défaillances de l’équipement, première étape d’un bon processus d’achat. Par conséquent, le Comité recommande :

Que, dès que possible, le ministère de la Défense nationale termine et rende publics ses scénarios de combat, lesquels deviendront un moyen objectif d’évaluer, d’une part, les objectifs d’acquisition et, d’autre part, l’état de préparation opérationnelle des Forces canadiennes;

Que le ministère de la Défense nationale étudie annuellement ses scénarios de combat pour s’assurer qu’ils demeurent adaptés aux réalités géostratégiques du moment.

Sur un sujet connexe, un témoin a soulevé la question de la capacité du MDN et des Forces canadiennes d’effectuer la recherche opérationnelle nécessaire pour établir ces scénarios de combat. À l’heure actuelle, seulement deux bureaux — celui du directeur de l’Analyse de défense (DAD) et celui du directeur général de la Recherche opérationnelle (DGRO) — établissent des scénarios de planification des forces et des évaluations de menace qui sont cruciaux pour les trois branches des forces armées. Malheureusement, les réductions depuis 1990 ont limité le personnel de ces deux bureaux, et, de l’avis du témoin, ils ne suffisent pas aux tâches qui leur sont déléguées. Par conséquent, il a recommandé, pour guider le processus d’acquisition, d’augmenter le financement accordé à ces secteurs de recherche opérationnelle pour qu’ils aient la capacité de « se doter d’une vision stratégique viable et autonome en matière d’évaluation de la menace, de scénarios de planification des forces et de doctrine de guerre interarmées ». Le personnel de ces bureaux pourrait en outre constituer des membres essentiels d’équipes intégrées de projet. Le Comité recommande :

Que le ministère de la Défense nationale évalue si l’Analyse de défense (DAD) et le directeur général de la Recherche opérationnelle (DGRO) ont un personnel suffisant pour effectuer l’importante recherche opérationnelle qui sert à l’ensemble des Forces canadiennes, y compris pour établir et revoir en permanence les scénarios de combat.

i. Créer des politiques qui font correspondre les attentes aux moyens (et vice versa)

Tout au long des audiences, les témoins ont répété que la politique de défense est importante, mais qu’en réalité, sans équipement, toute mise en œuvre est impossible. Toutefois, à maintes reprises, les membres du Comité ont entendu les témoins parler du contexte décisionnel dans lequel se déroulent nos processus d’achat : sans une orientation claire, il est impossible de déterminer les besoins de matériel.

Les priorités sont définies en fonction du genre de forces armées que le gouvernement souhaite dans l’actuel contexte géostratégique. Un témoin a judicieusement décrit la situation : « Les gouvernements peuvent choisir où ils veulent se situer pour pouvoir fonctionner sur ce spectre [de sécurité] et ils peuvent prendre les décisions appropriées concernant l’équipement, les dépenses, la taille de la force, l’entraînement, etc., pour respecter cette politique. » À l’évidence, le gouvernement du Canada ne peut prétendre que ses forces armées « peuvent tout faire n’importe où et dans n’importe quelles conditions ». Pour ce qui est des achats d’équipement, le ministère (et le gouvernement qui le guide) doit choisir soigneusement et reconnaître que, « dès qu’on commence à éliminer des éléments clés de la capacité de défense [du Canada], on réduit sa capacité d’évoluer dans cet environnement [de sécurité] ».

Selon plusieurs témoins, le Livre blanc sur la défense de 1994 n’offre plus l’orientation claire qui serait nécessaire dans ce domaine et, par conséquent, le Canada n’a pas de politique adéquate pour guider ses achats. Dans ce contexte, il serait utile de procéder à un examen descendant de la prise de décision concernant l’objet des Forces canadiennes. Le Comité recommande donc :

Que le gouvernement envisage d’entreprendre l’examen de la politique de défense et de sécurité du Canada en vue de mettre à jour le Livre blanc sur la défense de 1994. L’examen devrait englober les nouveaux scénarios de combat élaborés par le ministère de la Défense nationale et détailler clairement les attentes et les intentions du gouvernement à l’égard de ses forces armées.

Il a aussi été suggéré au Comité que le gouvernement crée un organisme consultatif permanent national de la sécurité, coordonné au plus haut niveau (par le premier ministre), pour superviser toutes les questions de sécurité et de défense. Un témoin a déploré qu’il n’y ait pas de spécialiste de la défense au Cabinet du premier ministre à l’heure actuelle. Le Comité note également que le premier ministre et le chef d’état-major de la défense ne se rencontrent pas régulièrement. Les membres du Comité estiment qu’il conviendrait d’étudier cette suggestion dans l’examen de la politique recommandé plus haut. De plus, le Comité a l’intention de tenir des audiences sur l’éventuelle création d’un tel organisme consultatif et il soumettra sa recommandation à ce moment.

ii. Se concerter avec les alliés

Les alliances peuvent aider à rendre plus efficace l’acquisition de matériel et à en réduire les coûts de deux façons.

D’abord, le Canada (comme la plupart des pays) peut compter jusqu’à un certain point sur ses alliés pour compenser sa faiblesse dans certains secteurs. Voilà une stratégie utile dans l’immédiat pour pallier à son manque de moyens. Toutefois, passé un certain point, les Forces armées canadiennes deviendraient un boulet pour les alliés, qui ne souhaiteraient plus la présence du Canada, et l’interopérabilité serait mise en péril. Le Comité croit que le ministère de la Défense nationale est très conscient de cette réalité et qu’il doit continuer de montrer la vigilance requise.

Ensuite, il y a de nombreux avantages à s’équiper de pair avec les alliés, en particulier quand il s’agit d’un équipement qui doit d’abord être mis au point, comme dans le cas du Joint Strike Fighter. Le Canada peut accéder, à bon prix, à une technologie qui autrement serait hors de sa portée. Là aussi, le Comité est convaincu que le MDN est conscient de la situation et qu’il recherchera les initiatives intéressantes à cet égard.

Le Comité tient actuellement des audiences sur la révolution dans les affaires militaires, où l’interopérabilité occupe une place de premier plan. Il a l’intention de formuler des recommandations précises sur cette question et d’autres qui s’y rattachent dans un prochain rapport.

iii. Prévoir à long terme

Une fois que le ministère a clairement déterminé ses besoins opérationnels, il doit dresser la liste préliminaire des solutions possibles, chiffrées de façon estimative. Il peut ensuite inclure un projet dans le plan d’immobilisations à long terme, « ce qui signifie que l’on s’engage à combler la lacune [… et à passer] aux étapes suivantes du projet ». Le Comité a appris que le caractère prévisible du calendrier de ce plan d’immobilisations à long terme, en particulier pour les gros achats de l’État, est essentiel au processus d’acquisition. Selon l’Association de l’industrie de la défense du Canada, « l’impact des retards dans la prise de décision peut être grave pour l’industrie. Les moyens financiers et les compétences sont souvent gaspillés quand le gouvernement n’agit pas au moment opportun pendant le processus d’acquisition ». Dans bien des cas, ce gaspillage se répercute sur les Forces canadiennes, car il diminue la capacité de l’industrie de réagir rapidement aux besoins du ministère. Le Comité recommande :

Que le ministère de la Défense nationale détermine les besoins à long terme des Forces canadiennes en matière de biens et services d’équipement selon un calendrier clair, qu’il rende ceux-ci publics et qu’il fournisse régulièrement au Comité des mises à jour des prévisions de besoins.

Une autre association industrielle a soulevé un point connexe :

L’approvisionnement en matériel de défense à potentiel de combat est un processus continu. L’irrégularité des grosses commandes de matériel de défense a une incidence négative sur l’industrie. L’alternance des cycles d’expansion et de ralentissement conduit à des pertes sur les plans de la main-d’œuvre, de l’expertise technique et de l’investissement public chaque fois qu’un projet se termine. Cet effet négatif pourrait être compensé en partie par la participation de l’industrie aux activités d’entretien pour la durée de vie utile du matériel, aux mises à niveau techniques et à la gestion des plates-formes.

 

De fait, le Comité a recueilli des commentaires de plusieurs témoins là-dessus, et on semble s’entendre pour dire que le ministère aurait tout intérêt à rendre moins « boulimique », plus durable et plus régulier le processus d’acquisition de l’équipement. Le ministère pourrait ainsi éventuellement éliminer les achats non requis dans l’immédiat (ce qui réduirait le nombre de « remisages »). Il pourrait aussi faire des mises à niveau de manière plus continue à mesure qu’arrivent les nouveaux équipements.

Un témoin de la Fédération des travailleurs de construction navale a donné comme exemple le fait que le Canada « songe actuellement à remiser une demi-douzaine environ de navires de défense côtière que nous [venons de construire]. […] On aurait dû les construire à un moment où il était possible de leur fournir l’équipage nécessaire » et les mettre effectivement en service. Un autre témoin indépendant a décrit comme suit les avantages de répartir les grosses livraisons d’équipement :

Sur une certaine période, on aura de nouveaux navires qui entreront en service à un rythme très raisonnable, et ils pourront être modernisés à mesure qu’ils seront produits. [Ainsi] on ne démarre pas la production pour l’arrêter et connaître toutes les affres de la bureaucratie pour s’interroger à nouveau sur le programme et le redémarrer ensuite; cela pourrait permettre de régulariser le débit d’une certaine façon.

 

Toutefois, il prévient que ce genre d’achats est tributaire de l’appui permanent du gouvernement. Dans un système démocratique, cela peut faire problème, car « le gouvernement au pouvoir engage en fait le gouvernement suivant à poursuivre le programme », ce pour quoi il n’y a pas de garantie.

D’autres témoins ont fait observer que si cette solution est envisageable pour certaines plates-formes, comme les navires, elle pourrait ne pas convenir à d’autres. De plus, le vérificateur général s’inquiète de ce que les Forces canadiennes ne s’équipent qu’en partie. Néanmoins, l’idée d’adopter une stratégie d’achats « en continu » est valable dans certains cas. Les fonctionnaires de la Défense auraient à évaluer si elle est souhaitable, cas par cas, pour éviter d’acquérir une plate-forme sans tous les éléments voulus ou sans le nombre suffisant de pièces. Par conséquent, le Comité recommande :

Que le ministère de la Défense nationale détermine le bien-fondé d’adopter une approche « en continu » pour les grands projets d’immobilisations et qu’il élabore sa stratégie en conséquence.

Le Comité prend note que le ministère met déjà à l’essai l’acquisition globale, c’est-à-dire qui réunit l’achat d’origine et le soutien sur toute la durée utile du matériel. Cette approche montre l’importance de savoir combien coûtera l’exploitation d’un système. Un représentant de l’industrie a fait remarquer que « le côté soutien du continuum d’acquisition […] est l’aspect le plus négligé de l’acquisition de matériel complet et celui qui offre, […] le plus grand potentiel de rendement, s’il est réformé ».

Des fonctionnaires du ministère ont en outre appris au Comité que des efforts étaient en cours pour évaluer un programme pilote à caractère technologique qui permettrait la constante mise à niveau d’un système tout au long de sa durée utile. Le Comité s’est fait dire que le secret d’une acquisition est « d’acheter une plate-forme censée durer longtemps et de continuer de la mettre à niveau ».

Le Comité se réjouit de ces initiatives et encourage le ministère à poursuivre sur sa lancée.

C. Effectuer des analyses adéquates avant de prendre une décision

La deuxième phase des achats de défense, selon l’ancien sous-ministre adjoint (Matériels), est le développement. Au ministère de la Défense nationale, un comité d’examen supérieur (qui approuvera l’énoncé des conditions du projet précisant le quoi, le comment, le qui, le quand et le pourquoi de l’achat) est mis sur pied. Le ministère nomme un chargé de projet et crée un bureau de projet. C’est à ce moment qu’il doit effectuer l’analyse des options, les études de faisabilité et les évaluations de risque et préciser les prévisions quant au coût de chaque option.

C’est aussi l’étape de la gestion du processus d’acquisition par le MDN qui fait l’objet de la principale critique du vérificateur général. Dans son rapport de 1998, celui-ci indique que le ministère a mal utilisé les analyses dans plusieurs domaines — options, essais et évaluation, gestion des risques — à l’appui de ses décisions. Le vérificateur général soutient aussi que dans certains cas où des analyses ont été faites, elles ne l’ont pas été avant la décision d’achat; le ministère a procédé dans le désordre.

Quand le personnel du vérificateur général a étudié la plus récente ébauche du guide de réforme des acquisitions du MDN, il a trouvé que le ministère avait accordé peu d’importance à l’analyse des options et aux besoins tactiques de première ligne, même si le ministère avait au moins fourni « des directives sur l’analyse des options dans son manuel électronique sur réseau ». Les vérificateurs ont aussi remarqué que le ministère n’avait pas pris d’engagement précis en réponse au rapport du Comité permanent des comptes publics concernant la mise à l’essai de l’équipement avant le choix définitif.

Quoi qu’il en soit, ces critiques ne changent rien au fait que, depuis les vérifications de 1998 et devant l’intérêt soutenu du Parlement à l’égard des achats de défense, le MDN a entrepris de nombreuses réformes. Le Conseil du Trésor s’est aussi montré actif de ce côté. En collaboration avec plusieurs ministères, le Conseil établit à l’heure actuelle le cadre de base pour améliorer la gestion des risques dans l’ensemble de l’appareil fédéral.

Le Comité convient que la prise de décision objective se fonde sur de telles études et analyses menées en fonction de besoins clairement établis. En même temps, ses membres comprennent que ces analyses rallongent leur processus et peuvent amener à « pécher par excès d’analyse », comme l’a indiqué un fonctionnaire de la Défense. Le ministère de la Défense doit trouver le juste milieu entre les moyens d’accélérer le processus et les analyses voulues pour guider la prise de décision. Le Comité demande :

Que le ministère détaille ses plans pour renforcer l’analyse avant la prise de décision, en particulier en matière d’essais et d’évaluation, et fournisse au Comité un calendrier clair de la mise en œuvre des plans.

i. Offert dans le commerce et en vente libre (OCVL)

Comme l’achat de matériel disponible dans le commerce ne suppose pas de coûts de développement, et que les coûts supplémentaires en sus du prix établi se limitent à des modifications précises, les achats OCVL coûtent souvent moins cher. Le Comité reconnaît que l’achat d’articles disponibles dans le commerce puisse être avantageux pour le contribuable. Toutefois, pour s’assurer que le matériel convient aux besoins des Forces canadiennes, il faut en faire l’essai en contexte d’exploitation avant l’achat. Pour faciliter cela, le Comité recommande :

Que le Conseil du Trésor établisse une politique claire d’essai et d’évaluation des produits offerts dans le commerce et en vente libre, afin de profiter au maximum de cette solution intéressante, en remplacement des produits qui exigent une mise au point après l’achat.

ii. Diversification des modes de prestation des services

La diversification des modes de prestation des services se fonde sur l’hypothèse que l’industrie peut administrer certaines parties de l’activité de défense nationale plus efficacement et à moindre coût que les militaires et les fonctionnaires. Ainsi, le ministère de la Défense nationale tâche actuellement d’impartir sa chaîne d’approvisionnement (la demande de propositions doit être finalisée en mai 2000) et recherche l’appui de l’industrie pour les missions opérationnelles (mise en œuvre prévue pour l’automne 2000). Toutefois, au cours des audiences, on a soulevé plusieurs préoccupations à l’égard de ce genre d’initiative.

D’abord, le vérificateur général a affirmé que les économies vérifiées « étaient toutes beaucoup moindres que celles que les ministères de la défense attendaient et prétendaient avoir réalisées ». La diversification des modes de prestation a fait économiser, mais plus difficilement que prévu. Néanmoins, les vérificateurs ont ajouté que les Forces canadiennes ne sont pas seules dans leur cas, toutes les forces de défense étant aux prises avec le même problème.

Une deuxième préoccupation porte sur le besoin de définir plus précisément les attentes dès le départ, y compris d’établir si la diversification de la prestation est véritablement la meilleure façon de procéder. Un représentant de l’industrie a souligné que le ministère doit établir clairement qu’il ne peut pas effectuer telle ou telle tâche avant de s’adresser à l’industrie. S’il peut s’acquitter de la tâche, le gouvernement ne devrait pas gaspiller son temps et ses ressources ni ceux de l’industrie en poursuivant une démarche inutile qui n’aboutira pas (comme cela est survenu dans le passé). En somme, le gouvernement doit déterminer ces coûts longtemps à l’avance et agir en conséquence. Pour faciliter cela, le Comité recommande :

Que le ministère de la Défense nationale utilise le guide d’analyse du « faire ou faire faire » du Secrétariat du Conseil du Trésor pour évaluer les produits offerts dans le commerce et en vente libre et justifier ses décisions de les utiliser ou de recourir à un autre mode de prestation plutôt que d’opter pour des projets de développement ou d’utiliser les services internes.

En troisième lieu, la diversification des modes de prestation peut nuire aux fonctions militaires si les forces armées dépendent logistiquement de fournisseurs extérieurs. Le MDN a abordé la question en déterminant certains « services de base » qui, par nature, ne peuvent être fournis que par des militaires. La détermination de ce qu’est un service de base est assez subjective et doit être faite avec soin. En vérité, bien des limites ne se préciseront qu’après des essais en conditions réelles d’exploitation.

Enfin, le vérificateur général a conclu qu’il fallait du personnel compétent pour effectuer les analyses de rentabilisation requises, et le Comité se réjouit que le ministère ait maintenant établi des analyses de rentabilisation normalisées pour commencer à régler le problème. (Nous traitons plus loin du perfectionnement professionnel du personnel.)

D. Préserver la concurrence

On a dit que la concurrence « incite les entrepreneurs à mieux faire leurs devoirs ». D’ailleurs, sans réserve, des témoins ont désigné l’appel à la concurrence comme la principale méthode d’acquisition. C’est aussi l’avis du Comité.

Néanmoins, le gouvernement a reconnu que dans certains cas, le recours à un fournisseur exclusif est essentiel, pour des raisons de rapidité et autres, mais que c’est un outil qu’il faut employer de façon sélective sans violer l’esprit de la concurrence. À cette fin, le gouvernement du Canada a créé le Préavis d’adjudication de contrat (PAC), dont le vérificateur général soupçonne qu’il est de plus en plus utilisé pour contourner l’appel à la concurrence, comme une sorte de « cinquième exception » aux règles d’acquisition du gouvernement.

De plus, un représentant du Bureau du vérificateur général a signalé qu’aucun des ministères vérifiés, dont la Défense nationale, ne disposait d’un comité supérieur d’examen des marchés « pour vérifier la justification du recours à un fournisseur unique », comme le suggèrent les politiques du Conseil du Trésor. Le vérificateur a aussi informé le Comité que le Conseil du Trésor avait « catégoriquement rejeté la recommandation voulant que les décisions de faire appel à un fournisseur exclusif soient examinées et approuvées par un cadre supérieur indépendant ». Dans leur témoignage devant le Comité, des fonctionnaires du Conseil du Trésor ont affirmé que le Secrétariat avait pris des mesures pour améliorer la mise en œuvre de sa politique de PAC.

En réponse à ces problèmes et afin d’exprimer sa foi en la valeur de la concurrence, le Comité recommande :

Que le Conseil du Trésor 1) précise quelles mesures il a prises pour améliorer la mise en œuvre de sa politique du Préavis d’adjudication de contrat et 2) reconsidère son refus de la recommandation faite par le vérificateur général d’exiger l’examen par une instance supérieure indépendante des décisions prises au sein des ministères de recourir à un fournisseur exclusif;

Que le ministère de la Défense nationale mette en place une procédure, soumise par exemple à l’examen du vérificateur général, laquelle exigerait que des fonctionnaires supérieurs prennent ou approuvent la décision de faire appel à un fournisseur exclusif et qu’ils en prennent la responsabilité.

E. Former du personnel compétent pour administrer correctement le processus

Un avocat qui a témoigné devant le Comité a souligné que, quand on manque aux règles d’acquisition, le problème vient souvent de ce « qu’on comprend mal ce que la politique et les règles exigent au sein des ministères mêmes. Au niveau opérationnel, les gens ne semblent pas connaître leurs obligations ». D’autres témoins ont aussi relevé ce manque apparent de connaissances et de formation parmi de nombreux agents responsables des achats. Tous ont indiqué que des dispositions pour remédier à ces lacunes amélioreraient grandement le processus, car ceux chargés de l’administrer seraient mieux équipés pour agir avec certitude et conformément aux règles. Ainsi pourrait se réaliser le double objectif de réduire la longueur du processus et le nombre des griefs. En février 1999, les ministres du Conseil du Trésor ont approuvé la création de programmes pour former et accréditer des professionnels de l’acquisition dans les ministères, y compris à la Défense nationale.

Le Comité trouve encourageant que le Conseil du Trésor s’attaque à cette lacune importante du processus d’acquisition et recommande :

Que le Conseil du Trésor rende compte au Comité du calendrier de mise en œuvre et des plans pour surveiller les résultats (par exemple, données de référence, indicateurs de rendement, calendriers d’évaluation, etc.) de son programme destiné à normaliser le perfectionnement professionnel dans l’ensemble de l’appareil fédéral par la formation et l’accréditation des agents chargés des achats et acquisitions;

Que le ministère de la Défense nationale veille à ce que tous ses gestionnaires du matériel et des approvisionnements soient bien informés des procédures d’achat en vigueur et, selon les besoins, accrédités en gestion de projets dès que possible.

F. Reconnaître le rôle de l’industrie

Le Comité comprend bien que l’infrastructure de l’industrie de la défense est un élément critique de la souveraineté et un pilier essentiel de la sécurité nationale. Toutefois, s’il est un message que le Comité a entendu de façon particulièrement claire, c’est que la base industrielle de défense du Canada ne peut dépendre uniquement des affaires générées dans le pays. Nos industries de défense sont tributaires des exportations, et elles ont indiqué que l’utilisation des technologies et produits canadiens par leur consommateur interne (MDN) est indispensable à l’obtention de bons résultats du côté des exportations. Compte tenu de ces réalités, la question suivante demeure : quelle est la meilleure façon pour le Canada de préserver et de promouvoir son infrastructure industrielle de défense?

Les ministères, y compris celui de la Défense nationale, ont dit prendre des mesures pour faire intervenir l’industrie beaucoup plus tôt dans le processus d’approvisionnement. Par exemple, on invite maintenant l’industrie à faire des commentaires sur les projets d’énoncés de besoins et de demandes de propositions avant d’y mettre la dernière main. On procède ainsi pour que les attentes du gouvernement en matière d’approvisionnement soient réalistes, et les résultats visés, réalisables. Cela favorise également l’équité et l’ouverture du processus.

Des représentants de l’industrie préconisent qu’on aille encore plus loin et qu’on établisse un mécanisme officiel de consultation entre l’industrie et le gouvernement. L’Association de l’industrie de la défense du Canada souhaite que le ministère crée un « conseil consultatif de l’industrie de la défense », grâce auquel l’industrie participerait au travail de planification au niveau du Comité de gestion de la défense. Des relations semblables ont été établies dans d’autres pays, notamment dans le cadre de l’initiative Smart Procurement, au Royaume-Uni, ainsi qu’en Allemagne, où le gouvernement vient de demander aux entreprises de collaborer officiellement aux activités d’acquisition.

Toutefois, certains représentants du gouvernement canadien expriment des réserves à ce chapitre et affirment que, même si une coopération des plus étroite est souhaitable, un partenariat à caractère officiel avec l’industrie pourrait rendre problématique une concurrence équitable et compromettre la gestion objective des relations contractuelles. Néanmoins, l’actuel SMA (Matériels) à la Défense nationale dit avoir l’intention d’instituer des consultations à caractère général plus fréquentes « plus tard cette année ».

Le Comité croit qu’une contribution plus marquée de l’industrie dès les premiers stades de la planification des acquisitions aura des effets positifs, et il encourage le ministère à mener ces consultations. Le Comité recommande également :

Que le ministère de la Défense nationale évalue la proposition de l’Association de l’industrie de la défense du Canada (AIDC) d’établir un « conseil consultatif de l’industrie de la défense » au niveau du Comité de gestion de la défense et qu’il élargisse ce conseil consultatif afin que d’autres intervenants représentant d’autres secteurs industriels puissent en faire partie.

i. Reconnaître le « coût » (et la valeur) des retombées industrielles et régionales

Au cours des audiences, beaucoup de discussions visaient à mesurer le bien-fondé (ou l’absence de bien-fondé) de la Politique des retombées industrielles et régionales (RIR), approuvée par le Cabinet en 1986 et qui touche environ 25 % des marchés publics canadiens, dans le domaine de la défense principalement.

Les RIR pour l’acquisition de matériel de défense sont autorisées en vertu de l’ALENA et des règles de l’OMC, puisque les achats de ce type ne sont généralement pas visés par ces accords de commerce international, ni par la plupart des autres accords du même genre.

Par ailleurs, l’Accord sur le commerce intérieur (ACI) — signé par le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires — interdit au gouvernement d’exiger d’un entrepreneur principal qu’il satisfasse aux contingents régionaux dans son plan relatif aux retombées industrielles.

Les représentants d’Industrie Canada ont observé que cela correspond aux « meilleures pratiques commerciales »; ils soutiennent que, les RIR étant appliquées de façon à favoriser de saines décisions à la fois de la part des entrepreneurs principaux et d’éventuels sous-traitants, rien ne prouve qu’une prime se rattache au fait de répondre aux exigences de la politique. Par exemple, on ne peut pas généralement appliquer les RIR dans le cas des produits disponibles sur le marché : obliger l’entrepreneur de modifier son réseau habituel d’approvisionnement annulerait en fait les avantages de telles acquisitions.

Des témoins d’Industrie Canada ont par ailleurs attiré l’attention sur les avantages procurés par les RIR : leur ministère estime que, de 1986 à 2006, la politique des RIR aura créé 35 000 emplois, selon un facteur de 85 000 $ par emploi.

Ils ont aussi observé que les retombées industrielles et régionales ont une importance secondaire par rapport aux besoins opérationnels du ministère acheteur, qui recherche le moindre coût. D’après des représentants gouvernementaux, les RIR ne constituent jamais un facteur décisif dans l’attribution de contrats aux entrepreneurs, ceux-ci étant évalués uniquement en fonction de seuils établis — les offres n’obtiennent pas un rang ou une valeur, mais réussissent ou échouent.

Toutefois, la plupart des représentants de l’industrie, y compris ceux de l’AIDC, disent que la politique des RIR fait augmenter les frais d’approvisionnement, par exemple pour ce qui est du temps d’administration de leur personnel, et que les choses seraient plus simples sans cette politique. Un représentant de l’industrie s’est plaint de ce que les objectifs des RIR étaient « mal définis, voire secrets ». Un autre a cependant fait observer que l’actuelle politique ne résout pas la question du développement de la capacité nationale de défense, car l’accent est mis en priorité « sur le fait d’importer une capacité au Canada plutôt que sur le fait de maintenir ou d’exporter une capacité existant au Canada ». À son avis, le seul fait qu’elle soit située au Canada constitue presque une pénalité pour son entreprise. Un autre témoin de l’industrie a fait entendre un son de cloche unique, soit que, à condition qu’on s’y prenne adéquatement, les retombées industrielles régionales sont « une très bonne chose » et « [qu’il] n’y a pas de coûts additionnels ».

En 1992, le vérificateur général a voulu quantifier l’incidence des RIR sur les coûts de l’approvisionnement. Son bureau a conclu qu’il s’agissait d’un processus subjectif dans le meilleur des cas, et il n’a pu trouver de réponse concluante à la question. Les coûts peuvent n’être que les dépenses nécessaires à l’administration des retombées industrielles en ce qui concerne les produits disponibles dans le commerce, ou représenter jusqu’à 20 % des dépenses totales des projets.

Dans le but de mieux comprendre ces questions, Industrie Canada a récemment commandé :

une évaluation majeure […] assez détaillée [de] la politique des RIR. Cette évaluation, qui a été faite par une société d’experts-conseils indépendante, a confirmé que la politique des RIR permet au gouvernement d’en obtenir pour son argent, notamment en rapport avec les ressources qu’il investit […] La société d’experts-conseils a toutefois fait état de certaines réserves liées au fait que les retombées obtenues tenaient davantage du court terme que du développement durable à long terme. Ces lacunes étaient généralement attribuables à la création d’une capacité canadienne en matière de matériel de défense pour lequel il n’existe pas de marché intérieur. Il était très difficile de maintenir les avantages.

Cela fait écho à l’affirmation d’un autre témoin selon lequel les RIR ont « très peu d’effet en aval sur l’économie canadienne ».

Toutefois, le rapport final de la société d’experts-conseils affirme que la « politique a réussi à faire mieux connaître certaines sociétés des régions ouest et est. Cela a des avantages considérables par comparaison à la valeur relativement faible du travail qui est acheminé vers ces régions ». Le document souligne aussi que la répartition des marchés fédéraux n’en a pas été faussée par l’application des RIR de manière sensible. Enfin, ce rapport de source indépendante conclut que « la politique a des effets minimes sur le coût des acquisitions là où il existe une capacité intérieure » et que « les frais que la gestion des RIR impose aux entrepreneurs sont […] faibles ».

Compte tenu de ces différents points de vue, le Comité recommande :

Qu’Industrie Canada veille à ce que les considérations opérationnelles demeurent le premier impératif des acquisitions et que les politiques des retombées industrielles et régionales (RIR), qui contribuent à l’expansion industrielle du Canada, 1) assurent aux entreprises déjà situées au Canada un accès égal aux marchés de la défense et 2) soient mises en œuvre de manière efficiente, économique et rapide.

ii. Préserver la capacité d’exporter et d’importer en toute liberté

Comme l’a fait observer un témoin, « toutes les armées du monde ont besoin des mêmes choses, et très peu de pays sont capables de leur fournir tout ce dont elles ont besoin ». Le Canada ne fait pas exception à cette règle : les dépenses que nous consacrons à la défense sont tout simplement insuffisantes au maintien d’une capacité industrielle interne qui répondrait à tous les besoins des Forces canadiennes. L’AIDC signale que « les coûts de l’édification et du maintien d’une telle capacité seraient exorbitants ». Le Canada doit donc compter dans une certaine mesure sur les importations pour répondre à ses besoins en matière de défense.

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Canada et les États-Unis entretiennent une relation économique unique au chapitre de la défense, définie dans l’Accord sur le partage de la production de défense (DPSA) et dans l’Accord sur le partage du développement industriel pour la défense (DDSA). Cette relation spéciale repose sur la notion de sécurité nord-américaine et sur une base industrielle commune, et « les divers gouvernements qui se sont succédé ont reconnu que l’utilisation concertée de nos ressources en matière de recherche, de développement et de production est dans l’intérêt de nos deux pays tant dans le domaine de la défense que sur le plan économique ».

Sur le total des exportations de l’industrie de la défense canadienne à l’échelle mondiale (environ 1,8 milliard de dollars), les achats américains représentent une valeur d’un milliard de dollars — plus de la moitié. De nombreuses firmes canadiennes sont tributaires de leur accès à la technologie et au marché américains, un facteur d’importance critique pour leur survie.

Par le passé, le Canada était exempté de nombreuses dispositions de l’International Traffic in Arms Regulation (ITAR) des États-Unis. Il n’était pas nécessaire d’obtenir de permis pour l’exportation de biens et services de défense des États-Unis vers le Canada, sauf pour une gamme assez étroite d’éléments particulièrement névralgiques. Le 12 avril 1999, le département d’État américain a apporté à l’ITAR des modifications ayant pour effet de réduire sensiblement les exemptions en question et d’exiger des entreprises canadiennes qu’elles obtiennent un permis d’exportation pour 11 (auparavant 5) catégories sur 19, ce qui mettait fin effectivement au traitement spécial accordé à l’industrie canadienne de la défense. Le nouvel ITAR devait devenir permanent en juillet 1999, après un examen initial de 120 jours, mais la secrétaire d’État américaine, Madeleine Albright, a prolongé indéfiniment la période d’examen après que les pourparlers se sont enlisés entre les négociateurs canadiens et américains. Le 8 octobre 1999, le gouvernement canadien a annoncé qu’on avait conclu un « accord de principe » sur les principaux éléments d’une solution et que les officiels allaient immédiatement entreprendre de régler les détails en vue de mettre en œuvre les modifications nécessaires sur le plan réglementaire. Un article récent (3 février 2000) du Globe & Mail révèle que ces négociations « finales » ne règlent pas les questions en suspens et que, dans l’intervalle, les entreprises canadiennes ont perdu plusieurs occasions d’affaires. Des représentants de l’industrie ont dit au Comité que, si la situation ne s’améliore pas, de nombreuses entreprises canadiennes devront déménager aux États-Unis pour survivre.

Par conséquent, le Comité recommande :

Que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international travaille énergiquement à maintenir un accès canadien privilégié aux renseignements et au marché des États-Unis, conformément à notre volonté d’assurer la sécurité de l’Amérique du Nord au moyen d’une base industrielle et technologique intégrée.

La Corporation commerciale canadienne (CCC), une société d’état établie en 1946, est un instrument visant à faciliter le commerce et les marchés de gouvernement à gouvernement. Bien qu’elle n’ait aucun rôle à jouer dans le processus d’approvisionnement comme tel, la CCC fait effectivement la promotion de l’industrie canadienne à l’étranger. Le Comité est heureux de saluer sa contribution à la préservation et à la promotion de l’assise industrielle canadienne.

iii. Promouvoir l’innovation

M. Ron Kane, directeur, Espace, électronique et défense, de la Direction générale de l’aérospatiale et de la défense à Industrie Canada, a signalé que « comme les analyses de l’OCDE l’indiquent, le Canada souffre d’une lacune dans le domaine de l’innovation ». D’après les témoignages reçus dans le cadre de la présente étude, on pourrait conclure qu’un des facteurs responsables est le fait que le système d’approvisionnement n’a pas permis à l’industrie canadienne d’innover. Par le passé, la définition des exigences était inutilement normative et rigide.

On a fait valoir au Comité que les officiels du gouvernement disaient en fait à l’industrie, avec force détails, comment elle devait accomplir son travail. Une solution répétée par tous les témoins est qu’il faut donner à l’industrie une marge de manœuvre suffisante pour l’innovation. Le processus d’approvisionnement devrait promouvoir, ou à tout le moins, permettre l’innovation grâce à des demandes de propositions plus générales, laissant autant de latitude que possible au titre des exigences et mettant l’accent sur l’utilisation finale ou la capacité recherchée. C’est à l’industrie de trouver les réponses.

Dans le même ordre d’idée, il y a la question très cruciale des énoncés de besoins trop longs et trop détaillés. À cet égard, un témoin a soulevé l’exemple du projet récent d’hélicoptères de recherche et de sauvetage. Selon toute évidence,

Ce qui aurait dû être un document simple de quelques dizaines de pages énonçant clairement les exigences est rapidement devenu un énoncé de plus de 140 pages comportant 8 annexes de documentation pertinente, un ajout de 33 pages. Il ne faut donc pas se surprendre que cet énorme énoncé des exigences ait mené à la préparation d’une gigantesque demande de propositions de plus de 1 200 pages, qui a causé un véritable choc aux sociétés qui avaient l’intention d’y répondre. Elles ont répondu en soumettant suffisamment de documents pour remplir des tablettes. Le processus était devenu d’une telle complexité qu’il a entraîné des coûts importants. Préparer des réponses donnant des détails inutiles exige beaucoup de temps et d’argent, et les sociétés imputent éventuellement ces coûts au programme.

L’industrie doit répondre à chaque point d’un énoncé des besoins. Le processus est lourd, et tout le monde y perd. Au contraire, en élaguant les énoncés de besoins et en focalisant l’attention sur les résultats, on crée des conditions avantageuses tant pour l’industrie que pour le gouvernement.

Le Comité observe que le ministère de la Défense nationale accorde plus d’importance aux spécifications de performance, par opposition aux spécifications techniques détaillées. Le Comité recommande :

Que le ministère de la Défense nationale insiste de plus en plus, dans ses énoncés des besoins, sur le rendement et la capacité, et qu’il prenne des mesures pour faire en sorte que ses demandes de propositions demeurent simples, claires et gérables.

iv. Mettre en place des incitatifs réels en vue de réduire les coûts

Dans le système d’approvisionnement, le paiement est mal orienté. En matière d’achat d’équipement, payer pour le temps ne témoigne pas d’un bon sens des affaires. Les dépenses devraient récompenser de bons produits, une livraison rapide et la concrétisation des résultats attendus.

À cet égard, on pourrait adopter une démarche semblable à la « facturation en fonction du nombre d’heures de vol ». Une autre façon serait de créer des incitatifs, par exemple permettre à l’industrie de partager les bénéfices d’une réduction des coûts. Le Comité s’est fait dire qu’à l’heure actuelle, la politique de la marge bénéficiaire du gouvernement du Canada est fonction des coûts — plus faibles sont les coûts du gouvernement, plus bas est le profit pour l’industrie; plus élevés sont les coûts, plus élevé est le profit. Un tel contexte ne génère pas d’économies pour le gouvernement.

Le Comité est heureux d’apprendre que le ministère de la Défense nationale examine des façons de lier la rétribution au rendement. Le Comité recommande :

Que le Conseil du Trésor examine l’actuelle politique de la marge bénéficiaire du gouvernement du Canada ainsi que d’autres politiques en matière d’approvisionnement, qu’il y apporte les modifications nécessaires pour rétribuer les résultats, non le temps utilisé, et qu’il conçoive des incitatifs appropriés pour réduire le coût de l’approvisionnement;

Que le ministère de la Défense nationale intègre de tels incitatifs dans ses activités d’approvisionnement et qu’il fournisse au Comité des plans sur la manière dont ils se concrétisent.

v. Renforcer les programmes d’aide

Partenariat technologique Canada (PTC) est l’un des programmes d’innovation du gouvernement fédéral. Créé en mars 1996 en tant que composante intégrale de la Stratégie axée sur l’emploi et la croissance d’Industrie Canada, PTC remplace en partie le Programme de productivité de l’industrie du matériel de défense (PPIMD), supprimé en 1995. Ce dernier avait pour objectif d’établir et d’entretenir à l’échelle du pays de solides industries liées à la défense et capables de livrer concurrence à long terme dans les marchés internes et d’exportation. Cet objectif englobait la constitution et le maintien d’une capacité de production liée à la défense ainsi que de technologies de pointe dans ce secteur.

L’un des principaux secteurs d’investissement de Partenariat technologique Canada est celui de l’aérospatiale et de la défense, y compris la reconversion des industries de défense. Conçu pour respecter les dispositions de l’Organisation mondiale du commerce et de l’Accord de libre-échange nord-américain, PTC crée des partenariats entre le gouvernement et le secteur privé grâce à une formule de partage des coûts visant à soutenir :

la recherche industrielle : la recherche ou l’enquête critique planifiées axées sur l’acquisition de connaissances utilisables dans le développement de nouveaux produits, procédés ou services;

des activités de préproduction (y compris la construction de prototypes, les essais, la qualification et la démonstration);

des études de marché et de faisabilité technique conduisant à d’autres activités admissibles.

Les activités non admissibles englobent : les frais de démarrage; les immobilisations nécessaires pour entreprendre ou accroître une production; l’acquisition de stocks, de terrains ou d’immeubles; les projets de construction; les projets de commercialisation; et la démonstration ou distribution au Canada de technologies étrangères.

Lorsque le projet connaît du succès, l’investissement est remboursable et le gouvernement partage les profits réalisés. En outre, tous les remboursements de PTC sont réinvestis dans le programme PTC plutôt que remis au Trésor, ce qui assure au programme un certain niveau d’autofinancement et la possibilité de prendre de l’expansion.

Un représentant du ministère des Affaires étrangères a fait observer que « beaucoup d'entreprises canadiennes ont manifesté beaucoup d'inquiétude à la suite de la réduction de moitié de l'ex-Programme de productivité de l'industrie du matériel de défense (PPIMD) au début des années 90. Il a été en quelque sorte rempla