NDVA Rapport du Comité
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Le 11 février 1999, le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants a entendu des représentants du Bureau du vérificateur général témoigner au sujet des chapitres 3 et 4 du rapport de 1998 du vérificateur général intitulés Équiper et moderniser les Forces canadiennes et Défense nationale ¾ Grands projets dacquisitions et de biens déquipement. Le vérificateur général a alors suggéré au Comité dexaminer les nombreuses difficultés auxquelles se bute le ministère de la Défense nationale lorsquil procède à ses acquisitions. (Le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes a publié un bref rapport à ce sujet en octobre 1998, après avoir eu deux rencontres avec le vérificateur général et des fonctionnaires de la Défense nationale, mais il navait pas tenu daudiences approfondies.) Le 18 février 1999, le Comité a résolu dapprofondir la question, et le 2 mars 1999, il a commencé à entendre divers fonctionnaires des ministères fédéraux concernés par les acquisitions de matériel de défense, des représentants de lindustrie et des membres du public que le sujet intéresse, notamment des universitaires. Dans lintervalle, dans le cadre de son rapport de 1999, le Bureau du vérificateur général a réalisé deux autres études liées à cette question des acquisitions en matière de défense ¾ lune sur le recours à un fournisseur unique et lautre sur la diversification de la prestation des services (DPS). Le Comité a conclu ses audiences le 21 mars 2000.
« [L]a réussite de nos efforts militaires, autant du point de vue de notre capacité que du moral des effectifs, repose sur quatre piliers », et léquipement est lun dentre eux, a déclaré le ministre de la Défense nationale. À tout instant, le ministère de la Défense nationale (MDN) gère environ 20 projets majeurs de la Couronne, auxquels sajoutent quelque 81 projets dimmobilisations approuvés. Au cours de lexercice 1999-2000, ce ministère dépensera environ 4,4 milliards de dollars pour ses acquisitions dimmobilisations, soit près de la moitié des dépenses dapprovisionnement du gouvernement du Canada. Étant donné lampleur des achats en question, il est particulièrement important que le processus soit bien géré, que lutilisation des ressources soit optimale et que la meilleure posture des forces soit obtenue de la façon la plus économique. Sans transiger sur la priorité du rapport coût-efficacité, le processus devrait viser à contribuer à lexpansion industrielle du Canada et au bien-être économique des Canadiens chaque fois que cest possible. Ici, deux enjeux sont en cause : la responsabilité financière à légard du contribuable canadien et la fourniture à nos forces armées dun équipement approprié au moment opportun.
Pour démontrer à quel point il importe que le processus dacquisition soit réformé, le Comité rappelle quaucun matériel de remplacement de lhélicoptère Sea King na encore été livré aux Forces canadiennes, alors que ce besoin opérationnel a été signalé pour la première fois il y a près de 25 ans. En fait, aucun contrat na encore été conclu pour combler cette lacune. Le gouvernement devrait se pencher sur cette priorité en souffrance immédiatement.
Notre étude a permis de dégager deux facteurs qui sont dune importance primordiale pour lacquisition et lentretien du matériel de défense. Tout dabord, le ministère de la Défense nationale doit pouvoir compter sur un budget qui soit stable et prévisible pour planifier ses achats de manière à protéger correctement la capacité des forces canadiennes. Deuxièmement, le processus dacquisition lui-même, y compris le contexte dans lequel il se situe, doit être bien géré. Notre rapport examine ces facteurs à la lumière des thèmes qui ont surgi tout au long des audiences et il propose une série de recommandations en conséquence.
Beaucoup des problèmes soulevés au cours de cette étude concernaient le processus dacquisition du matériel de défense dans son ensemble, mais le Comité a néanmoins concentré son attention sur les achats majeurs de biens déquipement. Pour autant, limportance de la gestion des petits achats de biens et services ne sen trouve nullement diminuée. Au contraire, on suppose quune amélioration du processus dachat des matériels de défense de grande taille, plus complexe, aura inévitablement des effets positifs sur eux. Soulignons enfin que, si létude du Comité et le présent rapport ont pour objectif daméliorer les achats du matériel de défense, lanalyse qui suit et les recommandations qui laccompagnent débordent les pratiques du ministère de la Défense nationale et concernent toute ladministration publique. En effet, à lheure actuelle, il nexiste au Canada aucune règle établissant une différence entre les achats de matériel de défense et les achats généraux du gouvernement.
Le ministère de la Défense nationale a fourni une contribution majeure aux efforts du gouvernement visant à contrôler les dépenses et à diminuer les coûts en réduisant les effectifs et en restructurant les services. Entre 1990 et 1998, le budget total du MDN a subi une baisse de 33 %, soit la plus forte des pays de lOTAN. Ainsi, le
processus budgétaire normal pour le ministère de la Défense au cours des dernières années, sous lancien gouvernement et sous lactuel, consistait à accorder une enveloppe fixe au ministre de la Défense et à lui demander de voir ce quil pouvait faire avec cette somme. Cela met le ministère de la Défense dans une situation vraiment difficile. [ ] Les recherches révèlent, sur une période prolongée, que ce sont toujours les achats dimmobilisations qui souffrent de cette dynamique. Au Canada, les achats dimmobilisations ne font pas partie dune stratégie, ne font pas partie dune politique, mais constituent un élément résiduel. Cest ce qui reste après les dépenses de personnel et après les dépenses dexploitation.
Ce sont les moyens disponibles qui ont servi à déterminer les priorités des Forces canadiennes en matière déquipement, plutôt que linverse, doù ladoption dune méthode de « conception en fonction des coûts ». Inévitablement, les fonds qui restent sont insuffisants pour entretenir le matériel existant, sans parler de la mise à niveau ou du remplacement des éléments désuets et problématiques. La capacité des forces armées sen trouve compromise. Ainsi, faire correspondre la capacité requise avec les fonds disponibles constitue lun des défis essentiels auxquels sont confrontées les Forces canadiennes (FC) en ce qui concerne les achats de matériel.
Comme conséquence, et cest ce qui inquiète le vérificateur général, les FC achètent du matériel « bas de gamme » ¾ cest-à-dire du matériel qui ne répond que partiellement aux besoins de départ ¾ ou « moins de matériel » que ce qui serait nécessaire. Lanalogie suivante, proposée au cours de nos travaux, illustre bien le dilemme auquel font face les responsables des achats :
Posons une hypothèse : si vous avez besoin dune nouvelle voiture, vous pourriez vouloir acheter une Cadillac, mais il faudra attendre cinq ans avant de pouvoir vous le permettre. Vous achetez donc quelque chose dun peu moins cher, mais qui vous mènera tout de même où vous voulez aller. [Toutefois, si on opte pour] une Volkswagen Coccinelle alors quon a besoin dun camion de deux tonnes et demie, [la voiture] ne peut pas transporter la charge voulue et on a tout un problème. Lapproche générale est viable, à condition de ne pas aller trop loin.
Le vérificateur général concède que la détermination de ce que signifie « aller trop loin » peut constituer un exercice un peu subjectif. Néanmoins, ses fonctionnaires soulignent que le MDN doit étudier les diverses options, déterminer la différence des coûts entre lachat de matériel qui répond à ses besoins opérationnels et lachat de matériel moins cher qui demandera plus tard des modifications pour répondre à ces mêmes exigences, pour ensuite décider au mieux.
Le Comité estime lui aussi quil sagit là dune manière prudente de procéder et, par conséquent, recommande :
Que le ministère de la Défense nationale incorpore à sa politique dapprovisionnement la notion d « exigences techniques axées sur le rendement » et oblige ses fournisseurs à produire des données précises sur les coûts en fonction de niveaux préétablis de rendement opérationnel.
Le Comité prend note avec consternation de la constatation principale du chapitre 3 du rapport de 1998 du vérificateur général, à savoir que « le budget en capital du ministère ne serait pas suffisant pour doter le Canada dune force polyvalente et apte au combat comme le prévoit le ministère ». Au bout du compte, selon le vérificateur général, en 2012, le financement de léquipement accusera un déficit de 30 milliards de dollars et, daprès ce quil a déclaré au Comité, lévaluation du MDN lui-même se situe aux alentours de 20 milliards de dollars. Au cours du dernier exercice financier, le poste « immobilisations » du budget de défense a accusé une baisse pour atteindre 18 %. Alors que la Stratégie 2020 annonce 23 % comme objectif, certains témoins ont déclaré que « 30 % [ ], daprès plusieurs forces militaires occidentales, est le pourcentage magique [ ] du budget de défense [qui doit être] affecté à lacquisition ». Néanmoins, le vérificateur général est davis « quil faut de toute urgence régler la question de la disparité entre le budget dimmobilisations de la Défense et les projets dacquisitions du ministère ».
Son rapport propose trois solutions : 1) maintenir le statu quo, 2) débloquer des fonds supplémentaires ou 3) restructurer les forces. Pour des raisons évidentes, le Comité ne juge pas la première « option » envisageable. Le dernier budget fédéral réagit positivement à la deuxième solution en annonçant un certain allégement de la situation. En effet, le ministère de la Défense nationale doit recevoir environ 1,7 milliard de dollars de plus au cours des trois prochaines années et il a défini léquipement comme prioritaire. Toutefois, cela pourrait bien ne pas suffire. Le financement nest pas toujours stable, particulièrement dans un contexte démocratique où les ministères doivent convaincre chaque gouvernement que tel ou tel programme doit être maintenu. Si les restrictions financières persistent, il faudra que le ministère envisage une restructuration des Forces canadiennes. Le Comité sait que les fonctionnaires de la Défense ont déjà commencé à examiner diverses possibilités à cet égard. Certes, les membres du Comité espèrent que cela ne sera pas nécessaire au bout du compte, mais, selon eux, le simple fait de considérer une telle solution a son utilité, en encourageant les Forces canadiennes à soupeser soigneusement leurs priorités.
Par conséquent, le Comité recommande :
Que le ministère de la Défense nationale établisse une prévision claire du déficit quil prévoit au chapitre des achats déquipement et quil en fasse part, avec données à lappui, au Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants et au ministère des Finances, afin quil en soit tenu compte dans les budgets à venir;
Que le ministère de la Défense nationale transmette au Comité et au ministère des Finances une stratégie claire, y compris un échéancier, concernant laugmentation à au moins 23 % du volet « projets dimmobilisations » de son budget, à lintérieur dun budget de défense qui soit suffisant pour absorber une telle augmentation. En dautres termes, il faudrait que cette mesure ne nuise pas aux niveaux de personnel ni quelle soit prise au détriment de quelque autre partie du budget de défense.
Le Comité a appris que, lorsque le MDN se départit de certains biens, les gains ne sont pas attribués au ministère, mais versés au Trésor. Lorsque des changements ont été apportés au régime qui concerne la réception des gains provenant de la cession de biens matériels excédentaires, au début des années 90 (les ministères étant autorisés à dépenser 100 % du montant déposé), un régime distinct a été prévu pour les « biens immobiliers ». Cette règle fait actuellement lobjet dun examen.
Le Comité estime que le ministère devrait être autorisé à conserver, ou du moins à partager les bénéfices générés par la cession de ses biens, matériels ou autres. Encore une fois, comme il lavait fait dans son rapport sur la « qualité de la vie », le Comité recommande :
Que le ministère de la Défense nationale soit autorisé à utiliser les fonds issus de la vente ou de la location à long terme de ses terres et de ses installations et quil continue de faire valoir auprès du Secrétariat du Conseil du Trésor son intérêt à tirer profit de la cession de ses biens, y compris de ses biens immobiliers.
Les lignes directrices du gouvernement du Canada exigent que lapprovisionnement soit effectué « de manière à accorder la prééminence aux besoins opérationnels, résister à lexamen du public au chapitre de la prudence et de lintégrité, faciliter laccès, encourager la concurrence et constituer une dépense équitable des fonds publics ». Le processus comprend trois étapes distinctes : 1) effectuer ou faire effectuer une analyse; 2) lancer un appel doffres et 3) conclure effectivement un achat ou un contrat.
Pour ce qui est de lapprobation des projets dimmobilisations, elle peut être faite par un ministre jusquà concurrence de 30 millions de dollars; au-dessus de cette somme la décision revient au Conseil du Trésor. Toutefois, les projets majeurs de la Couronne (généralement au-dessus de 100 millions de dollars) sont assujettis à une autorisation du Cabinet, en plus de celle du Conseil du Trésor. Actuellement, les comités parlementaires nont aucun rôle à jouer dans le processus dacquisition, sauf à létape de létude du Budget des dépenses et du Rapport sur les plans et les priorités du ministère. (Dans le cas des services, tous les ministres ont le pouvoir dacheter à contrat des services pouvant atteindre 2 millions de dollars, à condition de recourir à des offres sur support électronique, jusquà 400 000 $ si les appels doffres sont faits selon la méthode classique, et jusquà 100 000 $ sil ny a aucune concurrence. Les contrats de services de plus de 2 millions de dollars doivent être approuvés par le Conseil du Trésor.)
À lheure actuelle, les achats de matériel de défense sont visés par ces politiques et procédures, qui sappliquent à lensemble de ladministration publique. Plusieurs ministères entrent en jeu, et il faut soutenir la démarche sur plusieurs fronts pour assurer la réussite dune initiative dacquisition. Par conséquent, les éventuelles améliorations du processus seront, dans certains cas, tributaires des progrès accomplis dans la réforme de haut niveau à léchelle du gouvernement et de lengagement des grands décideurs tout au long du parcours, afin dassurer lacceptation et la transparence du projet. Le coût de léquipement peut être influencé grandement par le degré de rapidité et de fermeté des décisions et de lensemble des processus.
Le Comité est davis que le processus dacquisition pourrait être accéléré en simplifiant le mécanisme dapprobation des projets évoqué ci-dessus, et il recommande donc :
Que le Secrétariat du Conseil du Trésor examine les moyens possibles daugmenter le niveau des pouvoirs dapprobation (afin de donner au ministère plus dautorité sur les budgets et de créer un processus dapprobation simplifié) et que le gouvernement modifie à cette fin la Loi sur la gestion des finances publiques et les lignes directrices du Conseil du Trésor.
Par ailleurs, le Comité estime que le processus dacquisition des matériels de défense devrait être plus transparent. Le ministère de la Défense nationale et le gouvernement doivent démontrer au public canadien, par le truchement du Parlement et de ses comités, quils administrent et dépensent les fonds des contribuables dune manière responsable. Le Comité recommande donc :
Que les grands projets de la Couronne (évalués à plus de 100 millions de dollars) envisagés par le ministère de la Défense nationale soient présentés au Comité, afin quil puisse en faire publiquement un examen approfondi.
A. Assurer la coordination entre plusieurs ministères fédéraux
Selon certains témoins, la complexité découlant du recours à autant de ministères contribue à la lenteur et à la lourdeur du processus dacquisition.
La Loi sur la gestion des finances publiques autorise le Conseil du Trésor à établir une politique en matière dacquisitions, qui elle-même régit les acquisitions des ministères. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) doit veiller à lintégrité du processus dacquisition en appliquant des politiques et procédures qui soient justes, transparentes et concurrentielles. Ce ministère soccupe des approvisionnements pour le ministère de la Défense nationale depuis près de 60 ans et agit comme un centre décisionnel distinct en ce qui concerne les contrats. Le ministère de la Défense nationale, à titre de ministère parrain, soccupe de la définition des exigences opérationnelles et de la gestion quotidienne de ses achats. À cela, il faut ajouter Industrie Canada, qui administre la politique gouvernementale des retombées industrielles et régionales (RIR), de concert avec les agences régionales ¾ lAgence de promotion économique du Canada atlantique, Diversification de léconomie de lOuest et les divers Plans de développement économique pour les régions du Québec (Addendum : et l'Initiative fédérale du développement économique du Nord de l'Ontario. Le 15 mars 2001) Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAECI) est responsable des accords commerciaux qui structurent le processus dachat dans le cadre dun régime commercial international libéralisé. Il importe de souligner que les systèmes darmes de défense et les soutiens de ceux-ci ne sont pas tous visés par lAccord de libre-échange nord-américain (ALENA) et par les accords de lOrganisation mondiale du commerce (OMC). (En général, 25 % ou moins des achats du MDN sont visés par ces accords au cours dune année donnée.) Dautres ministères encore peuvent prendre part à tel ou tel achat, en fonction de la stratégie du gouvernement. Par exemple, si lon accorde la priorité au soutien de lentreprise autochtone, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC) aura aussi son mot à dire. Un comité interministériel responsable de la stratégie dacquisition veille à ce que chaque ministère intéressé soit représenté et que ses priorités propres soient prises en compte, chacun devant répondre à « un maître différent ».
Au cours de létape « évaluation » du processus dachat, une fois que les sociétés ont soumissionné, les divers éléments de leurs soumissions (caractéristiques techniques, prix, respect de la politique des retombées industrielles et régionales) sont considérés séparément, de manière à ce que lune ninflue pas indûment sur lautre. Le ministère de la Défense nationale effectue lévaluation technique; TPSGC examine le prix; et Industrie Canada soccupe du côté « retombées industrielles et régionales ». Une fois que les trois volets ont été évalués, ils sont regroupés pour déterminer quel entrepreneur a la meilleure proposition technique, et le meilleur prix, en même temps quun ensemble davantages industriels et régionaux « acceptables » (voir les détails ci-dessous). Dans la plupart des cas, lentrepreneur déçu qui juge le processus injuste a la possibilité den saisir le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE).
Le vérificateur général du Canada a déclaré au Comité que de nombreuses réformes du processus dacquisition avaient été mises en uvre grâce au ministère de la Défense nationale. Le Comité en prend note avec plaisir et, avec lespoir que ces initiatives se poursuivront, recommande :
Que tous les ministères et organismes fédéraux ayant un rôle dans les achats de matériel de défense ¾ Conseil du Trésor, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), Industrie Canada, ministère des Affaires étrangères et du commerce international (MAECI), et autres ¾
facilitent les réformes nécessaires à laccroissement de lefficience et de lefficacité des achats de matériel de défense, en agissant sur les politiques et procédures qui laissent à désirer dans leurs propres secteurs de responsabilité et qui entravent le processus normal des acquisitions du gouvernement;
continuent daméliorer la coordination entre les ministères en vue de supprimer les doubles emplois dans le processus dacquisition.
Selon beaucoup de témoins, la division entre plusieurs composantes de ladministration fédérale des responsabilités et pouvoirs relatifs aux achats de matériel de défense représente un enjeu majeur. De longue date, conformément aux principes énoncés dans la Loi sur la gestion des finances publiques, la séparation des pouvoirs en matière de marchés publics a été considérée comme « primordiale pour garantir non seulement que le processus est équitable, mais aussi quil est perçu comme tel ». Toutefois, lorsquil y a trop de participants, lautorité hiérarchique en souffre. En outre, de lavis de plusieurs témoins, le fait que ce soit un ministère différent qui régisse la fonction contractuelle laisse présager des difficultés, sinon pire, en ce qui concerne la simplification du processus :
[ceux] qui sont responsables de la planification et de la gestion de la défense nationale nont pas le contrôle des facteurs de planification. Ils ne connaissent pas le budget. Ils ne savent pas ce qui se passe. Ils ne connaissent pas la stratégie. Ils ne savent pas ce quils vont faire le lendemain. [ L]a plupart des gestionnaires consacrent la majorité de leur temps à répondre à des circonstances imprévues.
La structure actuelle, nous a-t-on dit, perpétue les chevauchements en matière de ressources et les doubles emplois au niveau des fonctions, ce qui signifie perte de temps et, par conséquent, coûts plus élevés.
Même si cela suppose un certain nombre de compromis, il serait bon dalléger le processus en supprimant les doubles emplois. Une telle mesure pourrait aussi entraîner des économies importantes sur le plan des ressources humaines et financières. Par conséquent, le Comité recommande :
Que le gouvernement du Canada, en consultation avec le Comité, examine les pratiques des pays de lOTAN et des nations alliées en matière dachats de matériel de défense afin de voir sil est faisable et souhaitable de concevoir des règles spécialement pour ces achats et notamment quels seraient les gains defficience que lon pourrait réaliser en intégrant les fonctions contractuelles de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC) à celles du ministère de la Défense nationale.
Dans le même ordre didées, on a affirmé au Comité que lexistence dun si grand nombre de priorités provenant de ministères différents avait pour effet de gonfler le coût final, et de fausser le coût « réel » des achats de défense.
Le sous-ministre adjoint (Matériels) du MDN (au moment des audiences) classe comme suit les objectifs du gouvernement en matière dapprovisionnement :
i. répondre aux besoins opérationnels grâce à une démarche concurrentielle, équitable et accessible;
ii. promouvoir le développement industriel et régional à long terme;
iii. contribuer à latteinte dautres objectifs nationaux : petites entreprises, protection de lenvironnement, entreprises autochtones, langues officielles, traités internationaux;
iv. aider les entreprises canadiennes à devenir concurrentielles sur les marchés intérieur et international.
Ainsi, si lobjectif primordial de toute mesure dapprovisionnement de ladministration fédérale est dassurer aux ministères acheteurs des biens et services de bonne qualité au plus bas prix possible, afin quils puissent mener efficacement leurs activités, les achats de défense sont souvent mis au service de certains objectifs nationaux qui ne concernent pas la défense. Selon plusieurs témoins, il en découle, pour le MDN, des dépenses réelles en argent et en temps.
Le Comité ne doute pas de limportance des autres objectifs nationaux, mais il sinquiète du fardeau quils peuvent imposer au budget de défense. Le Comité encourage donc le gouvernement à reconnaître que le coût de la défense est souvent gonflé pour tenir compte dautres objectifs; si le budget de défense servait uniquement à financer les coûts « réels », le ministère de la Défense nationale disposerait dun pouvoir dachat plus grand.
Lors de cette étude, certains témoins ont fait remarquer au Comité que la responsabilité concernant la définition des besoins en équipement des Forces canadiennes revenait uniquement au ministère de la Défense nationale. À lheure actuelle, les trois composantes des forces armées (larmée, la marine et laviation) sont consultées à cette fin.
En effet, la première étape des achats dimmobilisations est lidentification. Le personnel opérationnel cerne une « lacune de capacité » découlant des causes suivantes : « le vieillissement du matériel, lévolution des opérations, le progrès technologique, lanalyse stratégique qui définit les futurs besoins et lévolution de la politique gouvernementale ». De multiples fois, le Comité a entendu dire que les structures de force étaient fondées sur des stratégies élaborées pour faire face à des scénarios de conflit dans lesquels les moyens étaient appariés aux fins. Avant de pouvoir établir de quoi vous avez besoin pour fonctionner efficacement et de manière appropriée, vous devez définir le contexte éventuel des opérations et évaluer et identifier les menaces potentielles. Un fonctionnaire du Bureau du vérificateur général a fait observer que :
le ministère na jamais vraiment défini ses activités, sa mission, ses rôles, ses objectifs escomptés, dune manière objective et que nous pourrions évaluer. Il a exprimé tout cela en termes généraux qui rendent impossible toute évaluation des résultats. Lune de nos recommandations perpétuelles, cest que le ministère termine ses scénarios de combat et les publie, afin que nous ayons des balises pour lévaluation des acquisitions et dautres choses, comme létat de préparation opérationnelle.
Ces scénarios de combat, établis indépendamment des trois services, dans un souci dobjectivité, serviraient de fondement à la planification des Forces armées canadiennes, à lidentification des défaillances et à létablissement des priorités. Une fois établis, ces scénarios seraient examinés tous les ans au sein du ministère, afin de vérifier quils sont toujours valides. Ce contrôle ne serait pas aussi intensif que lexamen en règle dun livre blanc, mais il sexercerait en vertu dune responsabilité permanente, à caractère crucial et capital, sur les éléments de planification au sein du ministère.
Le Comité est daccord pour dire que les scénarios de combat sont un outil essentiel de la planification de défense. De plus, il souscrit à lidée que ces scénarios peuvent être particulièrement utiles pour identifier les défaillances de léquipement, première étape dun bon processus dachat. Par conséquent, le Comité recommande :
Que, dès que possible, le ministère de la Défense nationale termine et rende publics ses scénarios de combat, lesquels deviendront un moyen objectif dévaluer, dune part, les objectifs dacquisition et, dautre part, létat de préparation opérationnelle des Forces canadiennes;
Que le ministère de la Défense nationale étudie annuellement ses scénarios de combat pour sassurer quils demeurent adaptés aux réalités géostratégiques du moment.
Sur un sujet connexe, un témoin a soulevé la question de la capacité du MDN et des Forces canadiennes deffectuer la recherche opérationnelle nécessaire pour établir ces scénarios de combat. À lheure actuelle, seulement deux bureaux celui du directeur de lAnalyse de défense (DAD) et celui du directeur général de la Recherche opérationnelle (DGRO) établissent des scénarios de planification des forces et des évaluations de menace qui sont cruciaux pour les trois branches des forces armées. Malheureusement, les réductions depuis 1990 ont limité le personnel de ces deux bureaux, et, de lavis du témoin, ils ne suffisent pas aux tâches qui leur sont déléguées. Par conséquent, il a recommandé, pour guider le processus dacquisition, daugmenter le financement accordé à ces secteurs de recherche opérationnelle pour quils aient la capacité de « se doter dune vision stratégique viable et autonome en matière dévaluation de la menace, de scénarios de planification des forces et de doctrine de guerre interarmées ». Le personnel de ces bureaux pourrait en outre constituer des membres essentiels déquipes intégrées de projet. Le Comité recommande :
Que le ministère de la Défense nationale évalue si lAnalyse de défense (DAD) et le directeur général de la Recherche opérationnelle (DGRO) ont un personnel suffisant pour effectuer limportante recherche opérationnelle qui sert à lensemble des Forces canadiennes, y compris pour établir et revoir en permanence les scénarios de combat.
i. Créer des politiques qui font correspondre les attentes aux moyens (et vice versa)
Tout au long des audiences, les témoins ont répété que la politique de défense est importante, mais quen réalité, sans équipement, toute mise en uvre est impossible. Toutefois, à maintes reprises, les membres du Comité ont entendu les témoins parler du contexte décisionnel dans lequel se déroulent nos processus dachat : sans une orientation claire, il est impossible de déterminer les besoins de matériel.
Les priorités sont définies en fonction du genre de forces armées que le gouvernement souhaite dans lactuel contexte géostratégique. Un témoin a judicieusement décrit la situation : « Les gouvernements peuvent choisir où ils veulent se situer pour pouvoir fonctionner sur ce spectre [de sécurité] et ils peuvent prendre les décisions appropriées concernant léquipement, les dépenses, la taille de la force, lentraînement, etc., pour respecter cette politique. » À lévidence, le gouvernement du Canada ne peut prétendre que ses forces armées « peuvent tout faire nimporte où et dans nimporte quelles conditions ». Pour ce qui est des achats déquipement, le ministère (et le gouvernement qui le guide) doit choisir soigneusement et reconnaître que, « dès quon commence à éliminer des éléments clés de la capacité de défense [du Canada], on réduit sa capacité dévoluer dans cet environnement [de sécurité] ».
Selon plusieurs témoins, le Livre blanc sur la défense de 1994 noffre plus lorientation claire qui serait nécessaire dans ce domaine et, par conséquent, le Canada na pas de politique adéquate pour guider ses achats. Dans ce contexte, il serait utile de procéder à un examen descendant de la prise de décision concernant lobjet des Forces canadiennes. Le Comité recommande donc :
Que le gouvernement envisage dentreprendre lexamen de la politique de défense et de sécurité du Canada en vue de mettre à jour le Livre blanc sur la défense de 1994. Lexamen devrait englober les nouveaux scénarios de combat élaborés par le ministère de la Défense nationale et détailler clairement les attentes et les intentions du gouvernement à légard de ses forces armées.
Il a aussi été suggéré au Comité que le gouvernement crée un organisme consultatif permanent national de la sécurité, coordonné au plus haut niveau (par le premier ministre), pour superviser toutes les questions de sécurité et de défense. Un témoin a déploré quil ny ait pas de spécialiste de la défense au Cabinet du premier ministre à lheure actuelle. Le Comité note également que le premier ministre et le chef détat-major de la défense ne se rencontrent pas régulièrement. Les membres du Comité estiment quil conviendrait détudier cette suggestion dans lexamen de la politique recommandé plus haut. De plus, le Comité a lintention de tenir des audiences sur léventuelle création dun tel organisme consultatif et il soumettra sa recommandation à ce moment.
Les alliances peuvent aider à rendre plus efficace lacquisition de matériel et à en réduire les coûts de deux façons.
Dabord, le Canada (comme la plupart des pays) peut compter jusquà un certain point sur ses alliés pour compenser sa faiblesse dans certains secteurs. Voilà une stratégie utile dans limmédiat pour pallier à son manque de moyens. Toutefois, passé un certain point, les Forces armées canadiennes deviendraient un boulet pour les alliés, qui ne souhaiteraient plus la présence du Canada, et linteropérabilité serait mise en péril. Le Comité croit que le ministère de la Défense nationale est très conscient de cette réalité et quil doit continuer de montrer la vigilance requise.
Ensuite, il y a de nombreux avantages à séquiper de pair avec les alliés, en particulier quand il sagit dun équipement qui doit dabord être mis au point, comme dans le cas du Joint Strike Fighter. Le Canada peut accéder, à bon prix, à une technologie qui autrement serait hors de sa portée. Là aussi, le Comité est convaincu que le MDN est conscient de la situation et quil recherchera les initiatives intéressantes à cet égard.
Le Comité tient actuellement des audiences sur la révolution dans les affaires militaires, où linteropérabilité occupe une place de premier plan. Il a lintention de formuler des recommandations précises sur cette question et dautres qui sy rattachent dans un prochain rapport.
Une fois que le ministère a clairement déterminé ses besoins opérationnels, il doit dresser la liste préliminaire des solutions possibles, chiffrées de façon estimative. Il peut ensuite inclure un projet dans le plan dimmobilisations à long terme, « ce qui signifie que lon sengage à combler la lacune [ et à passer] aux étapes suivantes du projet ». Le Comité a appris que le caractère prévisible du calendrier de ce plan dimmobilisations à long terme, en particulier pour les gros achats de lÉtat, est essentiel au processus dacquisition. Selon lAssociation de lindustrie de la défense du Canada, « limpact des retards dans la prise de décision peut être grave pour lindustrie. Les moyens financiers et les compétences sont souvent gaspillés quand le gouvernement nagit pas au moment opportun pendant le processus dacquisition ». Dans bien des cas, ce gaspillage se répercute sur les Forces canadiennes, car il diminue la capacité de lindustrie de réagir rapidement aux besoins du ministère. Le Comité recommande :
Que le ministère de la Défense nationale détermine les besoins à long terme des Forces canadiennes en matière de biens et services déquipement selon un calendrier clair, quil rende ceux-ci publics et quil fournisse régulièrement au Comité des mises à jour des prévisions de besoins.
Une autre association industrielle a soulevé un point connexe :
Lapprovisionnement en matériel de défense à potentiel de combat est un processus continu. Lirrégularité des grosses commandes de matériel de défense a une incidence négative sur lindustrie. Lalternance des cycles dexpansion et de ralentissement conduit à des pertes sur les plans de la main-duvre, de lexpertise technique et de linvestissement public chaque fois quun projet se termine. Cet effet négatif pourrait être compensé en partie par la participation de lindustrie aux activités dentretien pour la durée de vie utile du matériel, aux mises à niveau techniques et à la gestion des plates-formes.
De fait, le Comité a recueilli des commentaires de plusieurs témoins là-dessus, et on semble sentendre pour dire que le ministère aurait tout intérêt à rendre moins « boulimique », plus durable et plus régulier le processus dacquisition de léquipement. Le ministère pourrait ainsi éventuellement éliminer les achats non requis dans limmédiat (ce qui réduirait le nombre de « remisages »). Il pourrait aussi faire des mises à niveau de manière plus continue à mesure quarrivent les nouveaux équipements.
Un témoin de la Fédération des travailleurs de construction navale a donné comme exemple le fait que le Canada « songe actuellement à remiser une demi-douzaine environ de navires de défense côtière que nous [venons de construire]. [ ] On aurait dû les construire à un moment où il était possible de leur fournir léquipage nécessaire » et les mettre effectivement en service. Un autre témoin indépendant a décrit comme suit les avantages de répartir les grosses livraisons déquipement :
Sur une certaine période, on aura de nouveaux navires qui entreront en service à un rythme très raisonnable, et ils pourront être modernisés à mesure quils seront produits. [Ainsi] on ne démarre pas la production pour larrêter et connaître toutes les affres de la bureaucratie pour sinterroger à nouveau sur le programme et le redémarrer ensuite; cela pourrait permettre de régulariser le débit dune certaine façon.
Toutefois, il prévient que ce genre dachats est tributaire de lappui permanent du gouvernement. Dans un système démocratique, cela peut faire problème, car « le gouvernement au pouvoir engage en fait le gouvernement suivant à poursuivre le programme », ce pour quoi il ny a pas de garantie.
Dautres témoins ont fait observer que si cette solution est envisageable pour certaines plates-formes, comme les navires, elle pourrait ne pas convenir à dautres. De plus, le vérificateur général sinquiète de ce que les Forces canadiennes ne séquipent quen partie. Néanmoins, lidée dadopter une stratégie dachats « en continu » est valable dans certains cas. Les fonctionnaires de la Défense auraient à évaluer si elle est souhaitable, cas par cas, pour éviter dacquérir une plate-forme sans tous les éléments voulus ou sans le nombre suffisant de pièces. Par conséquent, le Comité recommande :
Que le ministère de la Défense nationale détermine le bien-fondé dadopter une approche « en continu » pour les grands projets dimmobilisations et quil élabore sa stratégie en conséquence.
Le Comité prend note que le ministère met déjà à lessai lacquisition globale, cest-à-dire qui réunit lachat dorigine et le soutien sur toute la durée utile du matériel. Cette approche montre limportance de savoir combien coûtera lexploitation dun système. Un représentant de lindustrie a fait remarquer que « le côté soutien du continuum dacquisition [ ] est laspect le plus négligé de lacquisition de matériel complet et celui qui offre, [ ] le plus grand potentiel de rendement, sil est réformé ».
Des fonctionnaires du ministère ont en outre appris au Comité que des efforts étaient en cours pour évaluer un programme pilote à caractère technologique qui permettrait la constante mise à niveau dun système tout au long de sa durée utile. Le Comité sest fait dire que le secret dune acquisition est « dacheter une plate-forme censée durer longtemps et de continuer de la mettre à niveau ».
Le Comité se réjouit de ces initiatives et encourage le ministère à poursuivre sur sa lancée.
C. Effectuer des analyses adéquates avant de prendre une décision
La deuxième phase des achats de défense, selon lancien sous-ministre adjoint (Matériels), est le développement. Au ministère de la Défense nationale, un comité dexamen supérieur (qui approuvera lénoncé des conditions du projet précisant le quoi, le comment, le qui, le quand et le pourquoi de lachat) est mis sur pied. Le ministère nomme un chargé de projet et crée un bureau de projet. Cest à ce moment quil doit effectuer lanalyse des options, les études de faisabilité et les évaluations de risque et préciser les prévisions quant au coût de chaque option.
Cest aussi létape de la gestion du processus dacquisition par le MDN qui fait lobjet de la principale critique du vérificateur général. Dans son rapport de 1998, celui-ci indique que le ministère a mal utilisé les analyses dans plusieurs domaines options, essais et évaluation, gestion des risques à lappui de ses décisions. Le vérificateur général soutient aussi que dans certains cas où des analyses ont été faites, elles ne lont pas été avant la décision dachat; le ministère a procédé dans le désordre.
Quand le personnel du vérificateur général a étudié la plus récente ébauche du guide de réforme des acquisitions du MDN, il a trouvé que le ministère avait accordé peu dimportance à lanalyse des options et aux besoins tactiques de première ligne, même si le ministère avait au moins fourni « des directives sur lanalyse des options dans son manuel électronique sur réseau ». Les vérificateurs ont aussi remarqué que le ministère navait pas pris dengagement précis en réponse au rapport du Comité permanent des comptes publics concernant la mise à lessai de léquipement avant le choix définitif.
Quoi quil en soit, ces critiques ne changent rien au fait que, depuis les vérifications de 1998 et devant lintérêt soutenu du Parlement à légard des achats de défense, le MDN a entrepris de nombreuses réformes. Le Conseil du Trésor sest aussi montré actif de ce côté. En collaboration avec plusieurs ministères, le Conseil établit à lheure actuelle le cadre de base pour améliorer la gestion des risques dans lensemble de lappareil fédéral.
Le Comité convient que la prise de décision objective se fonde sur de telles études et analyses menées en fonction de besoins clairement établis. En même temps, ses membres comprennent que ces analyses rallongent leur processus et peuvent amener à « pécher par excès danalyse », comme la indiqué un fonctionnaire de la Défense. Le ministère de la Défense doit trouver le juste milieu entre les moyens daccélérer le processus et les analyses voulues pour guider la prise de décision. Le Comité demande :
Que le ministère détaille ses plans pour renforcer lanalyse avant la prise de décision, en particulier en matière dessais et dévaluation, et fournisse au Comité un calendrier clair de la mise en uvre des plans.
Comme lachat de matériel disponible dans le commerce ne suppose pas de coûts de développement, et que les coûts supplémentaires en sus du prix établi se limitent à des modifications précises, les achats OCVL coûtent souvent moins cher. Le Comité reconnaît que lachat darticles disponibles dans le commerce puisse être avantageux pour le contribuable. Toutefois, pour sassurer que le matériel convient aux besoins des Forces canadiennes, il faut en faire lessai en contexte dexploitation avant lachat. Pour faciliter cela, le Comité recommande :
Que le Conseil du Trésor établisse une politique claire dessai et dévaluation des produits offerts dans le commerce et en vente libre, afin de profiter au maximum de cette solution intéressante, en remplacement des produits qui exigent une mise au point après lachat.
La diversification des modes de prestation des services se fonde sur lhypothèse que lindustrie peut administrer certaines parties de lactivité de défense nationale plus efficacement et à moindre coût que les militaires et les fonctionnaires. Ainsi, le ministère de la Défense nationale tâche actuellement dimpartir sa chaîne dapprovisionnement (la demande de propositions doit être finalisée en mai 2000) et recherche lappui de lindustrie pour les missions opérationnelles (mise en uvre prévue pour lautomne 2000). Toutefois, au cours des audiences, on a soulevé plusieurs préoccupations à légard de ce genre dinitiative.
Dabord, le vérificateur général a affirmé que les économies vérifiées « étaient toutes beaucoup moindres que celles que les ministères de la défense attendaient et prétendaient avoir réalisées ». La diversification des modes de prestation a fait économiser, mais plus difficilement que prévu. Néanmoins, les vérificateurs ont ajouté que les Forces canadiennes ne sont pas seules dans leur cas, toutes les forces de défense étant aux prises avec le même problème.
Une deuxième préoccupation porte sur le besoin de définir plus précisément les attentes dès le départ, y compris détablir si la diversification de la prestation est véritablement la meilleure façon de procéder. Un représentant de lindustrie a souligné que le ministère doit établir clairement quil ne peut pas effectuer telle ou telle tâche avant de sadresser à lindustrie. Sil peut sacquitter de la tâche, le gouvernement ne devrait pas gaspiller son temps et ses ressources ni ceux de lindustrie en poursuivant une démarche inutile qui naboutira pas (comme cela est survenu dans le passé). En somme, le gouvernement doit déterminer ces coûts longtemps à lavance et agir en conséquence. Pour faciliter cela, le Comité recommande :
Que le ministère de la Défense nationale utilise le guide danalyse du « faire ou faire faire » du Secrétariat du Conseil du Trésor pour évaluer les produits offerts dans le commerce et en vente libre et justifier ses décisions de les utiliser ou de recourir à un autre mode de prestation plutôt que dopter pour des projets de développement ou dutiliser les services internes.
En troisième lieu, la diversification des modes de prestation peut nuire aux fonctions militaires si les forces armées dépendent logistiquement de fournisseurs extérieurs. Le MDN a abordé la question en déterminant certains « services de base » qui, par nature, ne peuvent être fournis que par des militaires. La détermination de ce quest un service de base est assez subjective et doit être faite avec soin. En vérité, bien des limites ne se préciseront quaprès des essais en conditions réelles dexploitation.
Enfin, le vérificateur général a conclu quil fallait du personnel compétent pour effectuer les analyses de rentabilisation requises, et le Comité se réjouit que le ministère ait maintenant établi des analyses de rentabilisation normalisées pour commencer à régler le problème. (Nous traitons plus loin du perfectionnement professionnel du personnel.)
On a dit que la concurrence « incite les entrepreneurs à mieux faire leurs devoirs ». Dailleurs, sans réserve, des témoins ont désigné lappel à la concurrence comme la principale méthode dacquisition. Cest aussi lavis du Comité.
Néanmoins, le gouvernement a reconnu que dans certains cas, le recours à un fournisseur exclusif est essentiel, pour des raisons de rapidité et autres, mais que cest un outil quil faut employer de façon sélective sans violer lesprit de la concurrence. À cette fin, le gouvernement du Canada a créé le Préavis dadjudication de contrat (PAC), dont le vérificateur général soupçonne quil est de plus en plus utilisé pour contourner lappel à la concurrence, comme une sorte de « cinquième exception » aux règles dacquisition du gouvernement.
De plus, un représentant du Bureau du vérificateur général a signalé quaucun des ministères vérifiés, dont la Défense nationale, ne disposait dun comité supérieur dexamen des marchés « pour vérifier la justification du recours à un fournisseur unique », comme le suggèrent les politiques du Conseil du Trésor. Le vérificateur a aussi informé le Comité que le Conseil du Trésor avait « catégoriquement rejeté la recommandation voulant que les décisions de faire appel à un fournisseur exclusif soient examinées et approuvées par un cadre supérieur indépendant ». Dans leur témoignage devant le Comité, des fonctionnaires du Conseil du Trésor ont affirmé que le Secrétariat avait pris des mesures pour améliorer la mise en uvre de sa politique de PAC.
En réponse à ces problèmes et afin dexprimer sa foi en la valeur de la concurrence, le Comité recommande :
Que le Conseil du Trésor 1) précise quelles mesures il a prises pour améliorer la mise en uvre de sa politique du Préavis dadjudication de contrat et 2) reconsidère son refus de la recommandation faite par le vérificateur général dexiger lexamen par une instance supérieure indépendante des décisions prises au sein des ministères de recourir à un fournisseur exclusif;
Que le ministère de la Défense nationale mette en place une procédure, soumise par exemple à lexamen du vérificateur général, laquelle exigerait que des fonctionnaires supérieurs prennent ou approuvent la décision de faire appel à un fournisseur exclusif et quils en prennent la responsabilité.
E. Former du personnel compétent pour administrer correctement le processus
Un avocat qui a témoigné devant le Comité a souligné que, quand on manque aux règles dacquisition, le problème vient souvent de ce « quon comprend mal ce que la politique et les règles exigent au sein des ministères mêmes. Au niveau opérationnel, les gens ne semblent pas connaître leurs obligations ». Dautres témoins ont aussi relevé ce manque apparent de connaissances et de formation parmi de nombreux agents responsables des achats. Tous ont indiqué que des dispositions pour remédier à ces lacunes amélioreraient grandement le processus, car ceux chargés de ladministrer seraient mieux équipés pour agir avec certitude et conformément aux règles. Ainsi pourrait se réaliser le double objectif de réduire la longueur du processus et le nombre des griefs. En février 1999, les ministres du Conseil du Trésor ont approuvé la création de programmes pour former et accréditer des professionnels de lacquisition dans les ministères, y compris à la Défense nationale.
Le Comité trouve encourageant que le Conseil du Trésor sattaque à cette lacune importante du processus dacquisition et recommande :
Que le Conseil du Trésor rende compte au Comité du calendrier de mise en uvre et des plans pour surveiller les résultats (par exemple, données de référence, indicateurs de rendement, calendriers dévaluation, etc.) de son programme destiné à normaliser le perfectionnement professionnel dans lensemble de lappareil fédéral par la formation et laccréditation des agents chargés des achats et acquisitions;
Que le ministère de la Défense nationale veille à ce que tous ses gestionnaires du matériel et des approvisionnements soient bien informés des procédures dachat en vigueur et, selon les besoins, accrédités en gestion de projets dès que possible.
Le Comité comprend bien que linfrastructure de lindustrie de la défense est un élément critique de la souveraineté et un pilier essentiel de la sécurité nationale. Toutefois, sil est un message que le Comité a entendu de façon particulièrement claire, cest que la base industrielle de défense du Canada ne peut dépendre uniquement des affaires générées dans le pays. Nos industries de défense sont tributaires des exportations, et elles ont indiqué que lutilisation des technologies et produits canadiens par leur consommateur interne (MDN) est indispensable à lobtention de bons résultats du côté des exportations. Compte tenu de ces réalités, la question suivante demeure : quelle est la meilleure façon pour le Canada de préserver et de promouvoir son infrastructure industrielle de défense?
Les ministères, y compris celui de la Défense nationale, ont dit prendre des mesures pour faire intervenir lindustrie beaucoup plus tôt dans le processus dapprovisionnement. Par exemple, on invite maintenant lindustrie à faire des commentaires sur les projets dénoncés de besoins et de demandes de propositions avant dy mettre la dernière main. On procède ainsi pour que les attentes du gouvernement en matière dapprovisionnement soient réalistes, et les résultats visés, réalisables. Cela favorise également léquité et louverture du processus.
Des représentants de lindustrie préconisent quon aille encore plus loin et quon établisse un mécanisme officiel de consultation entre lindustrie et le gouvernement. LAssociation de lindustrie de la défense du Canada souhaite que le ministère crée un « conseil consultatif de lindustrie de la défense », grâce auquel lindustrie participerait au travail de planification au niveau du Comité de gestion de la défense. Des relations semblables ont été établies dans dautres pays, notamment dans le cadre de linitiative Smart Procurement, au Royaume-Uni, ainsi quen Allemagne, où le gouvernement vient de demander aux entreprises de collaborer officiellement aux activités dacquisition.
Toutefois, certains représentants du gouvernement canadien expriment des réserves à ce chapitre et affirment que, même si une coopération des plus étroite est souhaitable, un partenariat à caractère officiel avec lindustrie pourrait rendre problématique une concurrence équitable et compromettre la gestion objective des relations contractuelles. Néanmoins, lactuel SMA (Matériels) à la Défense nationale dit avoir lintention dinstituer des consultations à caractère général plus fréquentes « plus tard cette année ».
Le Comité croit quune contribution plus marquée de lindustrie dès les premiers stades de la planification des acquisitions aura des effets positifs, et il encourage le ministère à mener ces consultations. Le Comité recommande également :
Que le ministère de la Défense nationale évalue la proposition de lAssociation de lindustrie de la défense du Canada (AIDC) détablir un « conseil consultatif de lindustrie de la défense » au niveau du Comité de gestion de la défense et quil élargisse ce conseil consultatif afin que dautres intervenants représentant dautres secteurs industriels puissent en faire partie.
i. Reconnaître le « coût » (et la valeur) des retombées industrielles et régionales
Au cours des audiences, beaucoup de discussions visaient à mesurer le bien-fondé (ou labsence de bien-fondé) de la Politique des retombées industrielles et régionales (RIR), approuvée par le Cabinet en 1986 et qui touche environ 25 % des marchés publics canadiens, dans le domaine de la défense principalement.
Les RIR pour lacquisition de matériel de défense sont autorisées en vertu de lALENA et des règles de lOMC, puisque les achats de ce type ne sont généralement pas visés par ces accords de commerce international, ni par la plupart des autres accords du même genre.
Par ailleurs, lAccord sur le commerce intérieur (ACI) signé par le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires interdit au gouvernement dexiger dun entrepreneur principal quil satisfasse aux contingents régionaux dans son plan relatif aux retombées industrielles.
Les représentants dIndustrie Canada ont observé que cela correspond aux « meilleures pratiques commerciales »; ils soutiennent que, les RIR étant appliquées de façon à favoriser de saines décisions à la fois de la part des entrepreneurs principaux et déventuels sous-traitants, rien ne prouve quune prime se rattache au fait de répondre aux exigences de la politique. Par exemple, on ne peut pas généralement appliquer les RIR dans le cas des produits disponibles sur le marché : obliger lentrepreneur de modifier son réseau habituel dapprovisionnement annulerait en fait les avantages de telles acquisitions.
Des témoins dIndustrie Canada ont par ailleurs attiré lattention sur les avantages procurés par les RIR : leur ministère estime que, de 1986 à 2006, la politique des RIR aura créé 35 000 emplois, selon un facteur de 85 000 $ par emploi.
Ils ont aussi observé que les retombées industrielles et régionales ont une importance secondaire par rapport aux besoins opérationnels du ministère acheteur, qui recherche le moindre coût. Daprès des représentants gouvernementaux, les RIR ne constituent jamais un facteur décisif dans lattribution de contrats aux entrepreneurs, ceux-ci étant évalués uniquement en fonction de seuils établis les offres nobtiennent pas un rang ou une valeur, mais réussissent ou échouent.
Toutefois, la plupart des représentants de lindustrie, y compris ceux de lAIDC, disent que la politique des RIR fait augmenter les frais dapprovisionnement, par exemple pour ce qui est du temps dadministration de leur personnel, et que les choses seraient plus simples sans cette politique. Un représentant de lindustrie sest plaint de ce que les objectifs des RIR étaient « mal définis, voire secrets ». Un autre a cependant fait observer que lactuelle politique ne résout pas la question du développement de la capacité nationale de défense, car laccent est mis en priorité « sur le fait dimporter une capacité au Canada plutôt que sur le fait de maintenir ou dexporter une capacité existant au Canada ». À son avis, le seul fait quelle soit située au Canada constitue presque une pénalité pour son entreprise. Un autre témoin de lindustrie a fait entendre un son de cloche unique, soit que, à condition quon sy prenne adéquatement, les retombées industrielles régionales sont « une très bonne chose » et « [quil] ny a pas de coûts additionnels ».
En 1992, le vérificateur général a voulu quantifier lincidence des RIR sur les coûts de lapprovisionnement. Son bureau a conclu quil sagissait dun processus subjectif dans le meilleur des cas, et il na pu trouver de réponse concluante à la question. Les coûts peuvent nêtre que les dépenses nécessaires à ladministration des retombées industrielles en ce qui concerne les produits disponibles dans le commerce, ou représenter jusquà 20 % des dépenses totales des projets.
Dans le but de mieux comprendre ces questions, Industrie Canada a récemment commandé :
une évaluation majeure [ ] assez détaillée [de] la politique des RIR. Cette évaluation, qui a été faite par une société dexperts-conseils indépendante, a confirmé que la politique des RIR permet au gouvernement den obtenir pour son argent, notamment en rapport avec les ressources quil investit [ ] La société dexperts-conseils a toutefois fait état de certaines réserves liées au fait que les retombées obtenues tenaient davantage du court terme que du développement durable à long terme. Ces lacunes étaient généralement attribuables à la création dune capacité canadienne en matière de matériel de défense pour lequel il nexiste pas de marché intérieur. Il était très difficile de maintenir les avantages.
Cela fait écho à laffirmation dun autre témoin selon lequel les RIR ont « très peu deffet en aval sur léconomie canadienne ».
Toutefois, le rapport final de la société dexperts-conseils affirme que la « politique a réussi à faire mieux connaître certaines sociétés des régions ouest et est. Cela a des avantages considérables par comparaison à la valeur relativement faible du travail qui est acheminé vers ces régions ». Le document souligne aussi que la répartition des marchés fédéraux nen a pas été faussée par lapplication des RIR de manière sensible. Enfin, ce rapport de source indépendante conclut que « la politique a des effets minimes sur le coût des acquisitions là où il existe une capacité intérieure » et que « les frais que la gestion des RIR impose aux entrepreneurs sont [ ] faibles ».
Compte tenu de ces différents points de vue, le Comité recommande :
QuIndustrie Canada veille à ce que les considérations opérationnelles demeurent le premier impératif des acquisitions et que les politiques des retombées industrielles et régionales (RIR), qui contribuent à lexpansion industrielle du Canada, 1) assurent aux entreprises déjà situées au Canada un accès égal aux marchés de la défense et 2) soient mises en uvre de manière efficiente, économique et rapide.
ii. Préserver la capacité dexporter et dimporter en toute liberté
Comme la fait observer un témoin, « toutes les armées du monde ont besoin des mêmes choses, et très peu de pays sont capables de leur fournir tout ce dont elles ont besoin ». Le Canada ne fait pas exception à cette règle : les dépenses que nous consacrons à la défense sont tout simplement insuffisantes au maintien dune capacité industrielle interne qui répondrait à tous les besoins des Forces canadiennes. LAIDC signale que « les coûts de lédification et du maintien dune telle capacité seraient exorbitants ». Le Canada doit donc compter dans une certaine mesure sur les importations pour répondre à ses besoins en matière de défense.
Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le Canada et les États-Unis entretiennent une relation économique unique au chapitre de la défense, définie dans lAccord sur le partage de la production de défense (DPSA) et dans lAccord sur le partage du développement industriel pour la défense (DDSA). Cette relation spéciale repose sur la notion de sécurité nord-américaine et sur une base industrielle commune, et « les divers gouvernements qui se sont succédé ont reconnu que lutilisation concertée de nos ressources en matière de recherche, de développement et de production est dans lintérêt de nos deux pays tant dans le domaine de la défense que sur le plan économique ».
Sur le total des exportations de lindustrie de la défense canadienne à léchelle mondiale (environ 1,8 milliard de dollars), les achats américains représentent une valeur dun milliard de dollars plus de la moitié. De nombreuses firmes canadiennes sont tributaires de leur accès à la technologie et au marché américains, un facteur dimportance critique pour leur survie.
Par le passé, le Canada était exempté de nombreuses dispositions de lInternational Traffic in Arms Regulation (ITAR) des États-Unis. Il nétait pas nécessaire dobtenir de permis pour lexportation de biens et services de défense des États-Unis vers le Canada, sauf pour une gamme assez étroite déléments particulièrement névralgiques. Le 12 avril 1999, le département dÉtat américain a apporté à lITAR des modifications ayant pour effet de réduire sensiblement les exemptions en question et dexiger des entreprises canadiennes quelles obtiennent un permis dexportation pour 11 (auparavant 5) catégories sur 19, ce qui mettait fin effectivement au traitement spécial accordé à lindustrie canadienne de la défense. Le nouvel ITAR devait devenir permanent en juillet 1999, après un examen initial de 120 jours, mais la secrétaire dÉtat américaine, Madeleine Albright, a prolongé indéfiniment la période dexamen après que les pourparlers se sont enlisés entre les négociateurs canadiens et américains. Le 8 octobre 1999, le gouvernement canadien a annoncé quon avait conclu un « accord de principe » sur les principaux éléments dune solution et que les officiels allaient immédiatement entreprendre de régler les détails en vue de mettre en uvre les modifications nécessaires sur le plan réglementaire. Un article récent (3 février 2000) du Globe & Mail révèle que ces négociations « finales » ne règlent pas les questions en suspens et que, dans lintervalle, les entreprises canadiennes ont perdu plusieurs occasions daffaires. Des représentants de lindustrie ont dit au Comité que, si la situation ne saméliore pas, de nombreuses entreprises canadiennes devront déménager aux États-Unis pour survivre.
Par conséquent, le Comité recommande :
Que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international travaille énergiquement à maintenir un accès canadien privilégié aux renseignements et au marché des États-Unis, conformément à notre volonté dassurer la sécurité de lAmérique du Nord au moyen dune base industrielle et technologique intégrée.
La Corporation commerciale canadienne (CCC), une société détat établie en 1946, est un instrument visant à faciliter le commerce et les marchés de gouvernement à gouvernement. Bien quelle nait aucun rôle à jouer dans le processus dapprovisionnement comme tel, la CCC fait effectivement la promotion de lindustrie canadienne à létranger. Le Comité est heureux de saluer sa contribution à la préservation et à la promotion de lassise industrielle canadienne.
M. Ron Kane, directeur, Espace, électronique et défense, de la Direction générale de laérospatiale et de la défense à Industrie Canada, a signalé que « comme les analyses de lOCDE lindiquent, le Canada souffre dune lacune dans le domaine de linnovation ». Daprès les témoignages reçus dans le cadre de la présente étude, on pourrait conclure quun des facteurs responsables est le fait que le système dapprovisionnement na pas permis à lindustrie canadienne dinnover. Par le passé, la définition des exigences était inutilement normative et rigide.
On a fait valoir au Comité que les officiels du gouvernement disaient en fait à lindustrie, avec force détails, comment elle devait accomplir son travail. Une solution répétée par tous les témoins est quil faut donner à lindustrie une marge de manuvre suffisante pour linnovation. Le processus dapprovisionnement devrait promouvoir, ou à tout le moins, permettre linnovation grâce à des demandes de propositions plus générales, laissant autant de latitude que possible au titre des exigences et mettant laccent sur lutilisation finale ou la capacité recherchée. Cest à lindustrie de trouver les réponses.
Dans le même ordre didée, il y a la question très cruciale des énoncés de besoins trop longs et trop détaillés. À cet égard, un témoin a soulevé lexemple du projet récent dhélicoptères de recherche et de sauvetage. Selon toute évidence,
Ce qui aurait dû être un document simple de quelques dizaines de pages énonçant clairement les exigences est rapidement devenu un énoncé de plus de 140 pages comportant 8 annexes de documentation pertinente, un ajout de 33 pages. Il ne faut donc pas se surprendre que cet énorme énoncé des exigences ait mené à la préparation dune gigantesque demande de propositions de plus de 1 200 pages, qui a causé un véritable choc aux sociétés qui avaient lintention dy répondre. Elles ont répondu en soumettant suffisamment de documents pour remplir des tablettes. Le processus était devenu dune telle complexité quil a entraîné des coûts importants. Préparer des réponses donnant des détails inutiles exige beaucoup de temps et dargent, et les sociétés imputent éventuellement ces coûts au programme.
Lindustrie doit répondre à chaque point dun énoncé des besoins. Le processus est lourd, et tout le monde y perd. Au contraire, en élaguant les énoncés de besoins et en focalisant lattention sur les résultats, on crée des conditions avantageuses tant pour lindustrie que pour le gouvernement.
Le Comité observe que le ministère de la Défense nationale accorde plus dimportance aux spécifications de performance, par opposition aux spécifications techniques détaillées. Le Comité recommande :
Que le ministère de la Défense nationale insiste de plus en plus, dans ses énoncés des besoins, sur le rendement et la capacité, et quil prenne des mesures pour faire en sorte que ses demandes de propositions demeurent simples, claires et gérables.
iv. Mettre en place des incitatifs réels en vue de réduire les coûts
Dans le système dapprovisionnement, le paiement est mal orienté. En matière dachat déquipement, payer pour le temps ne témoigne pas dun bon sens des affaires. Les dépenses devraient récompenser de bons produits, une livraison rapide et la concrétisation des résultats attendus.
À cet égard, on pourrait adopter une démarche semblable à la « facturation en fonction du nombre dheures de vol ». Une autre façon serait de créer des incitatifs, par exemple permettre à lindustrie de partager les bénéfices dune réduction des coûts. Le Comité sest fait dire quà lheure actuelle, la politique de la marge bénéficiaire du gouvernement du Canada est fonction des coûts plus faibles sont les coûts du gouvernement, plus bas est le profit pour lindustrie; plus élevés sont les coûts, plus élevé est le profit. Un tel contexte ne génère pas déconomies pour le gouvernement.
Le Comité est heureux dapprendre que le ministère de la Défense nationale examine des façons de lier la rétribution au rendement. Le Comité recommande :
Que le Conseil du Trésor examine lactuelle politique de la marge bénéficiaire du gouvernement du Canada ainsi que dautres politiques en matière dapprovisionnement, quil y apporte les modifications nécessaires pour rétribuer les résultats, non le temps utilisé, et quil conçoive des incitatifs appropriés pour réduire le coût de lapprovisionnement;
Que le ministère de la Défense nationale intègre de tels incitatifs dans ses activités dapprovisionnement et quil fournisse au Comité des plans sur la manière dont ils se concrétisent.
Partenariat technologique Canada (PTC) est lun des programmes dinnovation du gouvernement fédéral. Créé en mars 1996 en tant que composante intégrale de la Stratégie axée sur lemploi et la croissance dIndustrie Canada, PTC remplace en partie le Programme de productivité de lindustrie du matériel de défense (PPIMD), supprimé en 1995. Ce dernier avait pour objectif détablir et dentretenir à léchelle du pays de solides industries liées à la défense et capables de livrer concurrence à long terme dans les marchés internes et dexportation. Cet objectif englobait la constitution et le maintien dune capacité de production liée à la défense ainsi que de technologies de pointe dans ce secteur.
Lun des principaux secteurs dinvestissement de Partenariat technologique Canada est celui de laérospatiale et de la défense, y compris la reconversion des industries de défense. Conçu pour respecter les dispositions de lOrganisation mondiale du commerce et de lAccord de libre-échange nord-américain, PTC crée des partenariats entre le gouvernement et le secteur privé grâce à une formule de partage des coûts visant à soutenir :
la recherche industrielle : la recherche ou lenquête critique planifiées axées sur lacquisition de connaissances utilisables dans le développement de nouveaux produits, procédés ou services;
des activités de préproduction (y compris la construction de prototypes, les essais, la qualification et la démonstration);
des études de marché et de faisabilité technique conduisant à dautres activités admissibles.
Les activités non admissibles englobent : les frais de démarrage; les immobilisations nécessaires pour entreprendre ou accroître une production; lacquisition de stocks, de terrains ou dimmeubles; les projets de construction; les projets de commercialisation; et la démonstration ou distribution au Canada de technologies étrangères.
Lorsque le projet connaît du succès, linvestissement est remboursable et le gouvernement partage les profits réalisés. En outre, tous les remboursements de PTC sont réinvestis dans le programme PTC plutôt que remis au Trésor, ce qui assure au programme un certain niveau dautofinancement et la possibilité de prendre de lexpansion.
Un représentant du ministère des Affaires étrangères a fait observer que « beaucoup d'entreprises canadiennes ont manifesté beaucoup d'inquiétude à la suite de la réduction de moitié de l'ex-Programme de productivité de l'industrie du matériel de défense (PPIMD) au début des années 90. Il a été en quelque sorte rempla