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SCRA Rapport du Comité

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CHAPITRE 8 :

LES DROITS DES VICTIMES

8.1 Depuis le début des années 1980, de nombreuses politiques et mesures législatives ont été adoptées à l'égard des droits des victimes. Notons tout particulièrement la modification du Code criminel par le Parlement en 1989, qui a permis d'instituer les déclarations des victimes et les suramendes compensatoires et d'améliorer les mesures de dédommagement. Depuis, d'autres modifications ont été apportées au Code et à la Loi sur les jeunes contrevenants. En adoptant la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en 1992, le Parlement a donné aux victimes le pouvoir légal de participer au système correctionnel et au régime de mise en liberté sous condition.

8.2 En octobre 1998, le comité permanent a déposé son quatorzième rapport, intitulé Les droits des victimes - Participer sans entraver et contenant 17 recommandations. Il y propose l'adoption d'une stratégie pour les victimes et la création d'un bureau pour les victimes d'actes criminels, et recommande d'apporter un certain nombre de modifications au Code criminel et à la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Celles-ci feraient l'objet d'un projet de loi omnibus dont le préambule exposerait la politique législative du Parlement. La réponse du gouvernement au rapport du Comité permanent, publiée en décembre 1998, a été suivie de l'adoption par le Parlement, en juin 1999, du projet de loi C-79 contenant un certain nombre de modifications au Code criminel. Ni la réponse du gouvernement ni le projet de loi subséquent n'ont traité de la Loi - les autres initiatives ont été laissées en suspens en attendant le rapport du Sous-comité. Pour étudier la problématique des victimes, le Sous-comité a pris comme point de départ le rapport du comité permanent, dont il a réexaminé chacune des recommandations de modification de la Loi. Le présent chapitre traitera en plus d'autres questions qui n'ont pas été abordées par le comité permanent.

8.3 La Loi s'intéresse aux victimes de différentes façons. Premièrement, les parties I et II définissent qui sont les victimes. Deuxièmement, elle contient des dispositions concernant les renseignements sur les délinquants que peuvent obtenir les victimes auprès du Service correctionnel et de la Commission, et ceux qu'elles peuvent fournir à ces organismes. Troisièmement, la Loi traite de la présence des observateurs, y compris les victimes, aux audiences de la Commission.

8.4 Comme le comité permanent l'a indiqué dans son rapport de 1998, les besoins des victimes ne sont généralement pas compliqués : elles veulent de l'information sur le système correctionnel et les mises en liberté sous condition ainsi que sur l'évolution de l'affaire à laquelle elles ont été involontairement mêlées. Elles veulent se faire entendre aux différentes étapes du processus correctionnel et de mise en liberté sous condition. Elles veulent des correctifs là où ces droits ne sont pas respectés. Ces points seront traités dans le présent chapitre.

8.5 Le Sous-comité estime qu'il est possible de donner suite efficacement aux droits et aux besoins des victimes à l'intérieur du système correctionnel et du régime de mise en liberté sous condition sans en compromettre ni en affaiblir l'équité ou l'efficacité. L'Association canadienne de justice pénale offre au Sous-comité le conseil suivant, dont il s'inspire d'ailleurs dans le présent chapitre :

Il faudrait prendre des mesures raisonnables pour répondre aux aspirations raisonnables et légitimes des victimes. Ce qui importe le plus, c'est d'assurer qu'on ne mette pas en place une autre procédure contradictoire, que les droits et les intérêts de toutes les parties soient protégés, et qu'on ne permette pas que la vengeance devienne un facteur déterminant dans la prise de décision. Il faudra que le système s'ajuste quelque peu, mais, comme d'habitude, il parviendra à le faire103.

COMMUNICATION DE RENSEIGNEMENTS SUR LE DÉLINQUANT À LA VICTIME

8.6 Les articles 26 et 142 de la Loi portent sur la communication par le Service correctionnel et la Commission de renseignements sur les délinquants aux victimes définies dans la Loi. Les deux articles portent sur les renseignements qui doivent être communiqués aux victimes ou à leurs familles si elles en font la demande. Ils portent aussi sur les renseignements qui peuvent être fournis aux victimes sur demande si l'intérêt de celles-ci justifie nettement une éventuelle violation de la vie privée des délinquants.

8.7 Voici les renseignements sur les délinquants qui doivent être fournis à la victime ou à sa famille sur demande :

  • le nom du délinquant;
  • l'infraction dont il a été trouvé coupable;
  • le tribunal qui a condamné le délinquant;
  • la date de début de la peine;
  • la durée de la peine;
  • les dates d'admissibilité et d'examen applicables aux permissions de sortir, à la semi-liberté et à la libération conditionnelle totale.

8.8 Voici les renseignements sur le délinquant qui peuvent être fournis à la victime ou à sa famille sur demande :

  • l'âge du délinquant;
  • le pénitencier où il est détenu;
  • la date de ses permissions de sortir, de son placement à l'extérieur, de sa semi-liberté, de sa libération conditionnelle totale ou de sa libération d'office;
  • la date de l'audience sur son maintien en incarcération;
  • les conditions de ses permissions de sortir, de son placement à l'extérieur, de sa semi-liberté, de sa libération conditionnelle totale ou de la libération d'office;
  • la destination du détenu en permission de sortir, en placement à l'extérieur, en semi-liberté, en libération conditionnelle totale ou en libération d'office, et son éventuel rapprochement de la victime, selon son itinéraire;
  • si le délinquant est sous garde et, le cas échéant, les raisons pour lesquelles il ne l'est pas;
  • si le délinquant a interjeté appel d'une décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

8.9 Il existe une distinction bien nette entre les deux catégories de renseignements à communiquer aux victimes ou à leurs familles sur demande. Les renseignements de la première catégorie, qui doivent être communiqués à la victime, sont déjà en grande partie du domaine public et existent ailleurs dans le système de justice pénale, particulièrement dans les dossiers criminels. Certains, telles la date de début de la peine ou les dates d'admissibilité et d'examen applicables aux diverses libertés sous condition, peuvent être calculés à partir de données publiques et portent très peu, sinon aucunement, atteinte à la vie privée du délinquant.

8.10 Les renseignements de la deuxième catégorie, qui peuvent être fournis à la victime ou à sa famille sur demande, ne sont pas du domaine public pour la plupart et, parce qu'ils concernent la gestion de la peine purgée par le délinquant, ils portent atteinte aux droits protégés par la Loi sur la protection de la vie privée104. Pour ces raisons, ces renseignements ne peuvent être fournis à la victime qu'après que le test réglementaire, soupesant les intérêts de la victime et la vie privée du délinquant, a été appliqué par l'autorité responsable.

8.11 Comme nous l'avons indiqué plus tôt dans le présent chapitre, une des demandes faites par les victimes et par les personnes agissant en leur nom vise à obtenir des renseignements sur l'affaire dans laquelle elle se trouvent involontairement mêlées. Ces renseignements permettent aux victimes : 1) d'être au courant de la peine et de se sentir un tant soit peu rassurées en sachant où la peine est purgée et 2) de déterminer si elles fourniront des renseignements aux autorités du système correctionnel et des libertés sous condition sur les répercussions que l'acte criminel a eues sur elles.

8.12 Voici un des arguments présentés par le groupe Victimes de violence afin que l'on communique à la victime plus de renseignements sur le délinquant :

En raison du droit du délinquant à la vie privée, la victime n'a pas le droit de savoir si celui-ci participe, par exemple, à un programme de maîtrise de la colère ou s'il a été associé à des actes violents commis à l'établissement de détention. Beaucoup de victimes ont un lien avec le contrevenant et à sa libération, celui-ci est susceptible d'entrer en contact avec elles et leur famille. Est-ce que la famille ne devrait pas avoir le droit de savoir? On ne révèle rien du tout sur la conduite du détenu en prison bien que cette information puisse être utile à la victime105.

8.13 La victime est préoccupée par le risque que représente un délinquant pour elle-même et pour la communauté s'il bénéficie d'une quelconque mise en liberté sous condition. Elle pense pouvoir mesurer ce risque et apporter les ajustements qu'elle estime nécessaires si elle est mieux renseignée que ce n'est le cas maintenant sur la gestion de la peine du délinquant. Le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes a fait valoir l'argument suivant au Sous-comité :

Cependant, les victimes aimeraient avoir accès à d'autres renseignements, ce qui est présentement interdit par la Loi, dont les suivants : des renseignements sur les programmes suivis par le contrevenant dans le but de régler ses problèmes et le degré de réussite de tels programmes. Si la victime a l'impression que le contrevenant prend des mesures sincères pour s'améliorer, alors elle est susceptible de moins éprouver de crainte et d'inquiétude lorsqu'il sera libéré106.

8.14 Dans la même veine, le Bureau consultatif pour les services aux victimes d'actes criminels de la province de l'Ontario a fait la recommandation suivante :

[...] il conviendrait de revoir l'article 26 de la LSCMLC afin d'évaluer les nouveaux renseignements à fournir aux victimes. Bien que certains renseignements personnels concernant le contrevenant devraient être protégés, les renseignements relatifs à sa conduite en établissement ou les risques possibles devraient être divulgués107.

8.15 Après avoir examiné ces arguments et d'autres aussi, le Sous-comité a conclu que la Loi devait être modifiée pour permettre de communiquer plus de renseignements sur les délinquants aux victimes qui en font la demande. Ces renseignements devraient porter sur la gestion de la peine par les autorités du système correctionnel et des mises en liberté sous condition. Ils devraient plus particulièrement informer la victime des mesures prises par le délinquant pour contrer ses facteurs criminogènes pendant son incarcération. Ils devraient aussi lui donner une idée des risques de récidive et lui permettre de prendre des mesures en conséquence.

8.16 Le Sous-comité croit que les victimes devraient pouvoir se renseigner sur la participation des délinquants aux programmes, leur conduite pendant leur incarcération, et leur réincarcération s'ils ont commis un nouveau délit pendant une libération conditionnelle quelconque.

8.17 Mais selon le Sous-comité, parce que ces renseignements portent atteinte aux droits du délinquant à la vie privée, ils ne devraient être communiqués à la victime qu'une fois que les autorités responsables ont appliqué le test soupesant les droits des deux parties. De plus, certains de ces renseignements pouvant être détaillés et complexes, ils devraient être communiqués aux victimes ou à leurs familles sous une forme susceptible de les aider tout en portant atteinte le moins possible aux droits du délinquant à la vie privée.

RECOMMANDATION 36

Le Sous-comité recommande de modifier les alinéas 26(1)b) et 142(1)b) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour permettre la communication aux victimes (définies dans la Loi) de renseignements sur le délinquant concernant sa participation à des programmes, sa conduite pendant son incarcération et les nouveaux délits qu'il aurait commis pendant une libération conditionnelle et qui auraient entraîné sa réincarcération.

8.18 Le sous-alinéa 26(1)b)ii) de la Loi autorise le Service correctionnel à communiquer à une victime des renseignements concernant le pénitencier où la peine est purgée. Cette disposition a fait l'objet indirectement de la recommandation 16 du rapport de 1998 sur les droits des victimes publié par le comité permanent. On y recommandait notamment de modifier la Loi pour obliger le Service correctionnel à informer les victimes des transfèrements prévus des délinquants.

8.19 La question du transfèrement d'un délinquant d'un pénitencier à un autre a été abordée, entre autres sujets, par Rosalie Turcotte (Caveat BC) dans son document de discussion intitulé Une politique d'ouverture et de responsabilisation au Service correctionnel du Canada : Il est temps d'effectuer des changements. Elle présente l'argument suivant en faveur de la modification de l'article 26 :

Une loi devrait être adoptée pour obliger le SCC à donner des conseils aux victimes et à chercher à obtenir leurs vues, avant de prendre une décision, lorsque le SCC songe à effectuer un transfèrement au cours de l'administration normale de la peine d'un détenu108.

8.20 Elle poursuit en recommandant que le sous-alinéa 26(1)b)ii) soit modifié par l'insertion des termes « ou sera [détenu] » afin d'obliger le Service correctionnel à informer la victime ou les membres de sa famille d'un transfèrement avant qu'il soit effectué. À son avis, cet élément nouveau serait ainsi porté à l'attention de la victime et permettrait à cette dernière de communiquer des renseignements ne figurant pas au dossier du délinquant et pouvant influer sur la décision de le transférer ou non d'établissement.

8.21 Comme la Loi n'exige pas clairement en ce moment que les victimes ou les membres de leurs familles soient prévenus du transfèrement avant qu'il n'ait effectivement lieu, le Sous-comité est d'accord avec la recommandation. Bien que la date du transfèrement soit généralement trop rapprochée pour permettre de communiquer de nouvelles données, la modification recommandée permettrait au moins de prévenir la victime du transfèrement prévu ou envisagé du détenu.

RECOMMANDATION 37

Le Sous-comité recommande de modifier le sous-alinéa 26(1)b)ii) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour permettre au Service correctionnel du Canada d'informer, si possible à l'avance, les victimes (définies dans la Loi) en temps opportun du transfèrement routinier prévu ou envisagé de détenus.

8.22 La recommandation 14 du rapport sur les droits des victimes publié en 1998 par le comité permanent proposait de modifier la Loi pour permettre aux victimes de consulter les enregistrements sonores ou les transcriptions des audiences de la Commission. L'objet de cette recommandation était de rendre accessibles les renseignements sur les délinquants aux victimes incapables d'assister à une audience donnée de libération conditionnelle ou de maintien en incarcération. Elle visait en outre à mieux faire connaître le système correctionnel et les mises en liberté sous condition aux Canadiens.

8.23 La Commission ne produit pas en ce moment de transcriptions de ses audiences, mais celles-ci sont enregistrées. La transcription de ces bandes représenterait une dépense considérable et retarderait l'accès de la victime aux renseignements révélés durant l'audience. Le Sous-comité fait sienne par conséquent la recommandation 14 du comité permanent en l'appliquant uniquement aux enregistrements sonores.

RECOMMANDATION 38

Le Sous-comité recommande de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour permettre aux victimes de consulter, aux bureaux du Service correctionnel ou de la Commission, les enregistrements sonores des audiences de la Commission.

COMMUNICATION DE RENSEIGNEMENTS PAR LA VICTIME

8.24 L'article 140 de la Loi autorise la présence d'observateurs aux audiences de la Commission. Ils ont le droit d'y assister, mais non d'y participer. Les victimes, définies dans la Loi, sont autorisées à assister aux audiences en tant qu'observateurs. Le dossier d'un délinquant comparaissant devant la Commission contient généralement la déclaration de la victime et d'autres documents présentés au tribunal qui a déterminé la peine, ainsi que toute autre information fournie par la victime concernant les répercussions de l'infraction.

8.25 Beaucoup de victimes et de groupes de défense de leurs droits estiment que ce n'est pas assez et qu'elles devraient pouvoir participer directement et à part entière aux audiences de la Commission. Le comité permanent a abordé la question dans la recommandation 15 de son rapport sur les victimes paru en octobre 1998. Il avait alors recommandé que la Loi soit modifiée pour donner aux victimes le droit présomptif d'être présentes aux audiences de la Commission et de lire une déclaration de la victime mise à jour ou d'en présenter une sur bande sonore ou vidéo.

8.26 Des recommandations similaires ont été faites au Sous-comité par l'Association canadienne des policiers109, le Bureau consultatif pour les services aux victimes d'actes criminels de la province de l'Ontario110 et le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes111. Le Sous-comité est d'accord avec ces recommandations et avec la position prise par le comité permanent. Il désire aussi ajouter des éléments à la recommandation du comité permanent.

8.27 En présentant le point de vue d'une organisation de défense des victimes, l'Association canadienne de justice pénale a fait la mise en garde suivante :

...il est important que les audiences ne deviennent pas une reprise du procès et que la participation de la victime ne donne pas lieu à une procédure contradictoire. Ce n'est pas là l'objectif visé et ce ne serait pas non plus une manière adéquate de rendre la justice. Les victimes devraient être invitées à se prononcer sur des points précis :

        1. L'impact qu'a eu le délit sur leur vie.

        2. Les craintes et appréhensions qu'elles entretiennent face à une mise en liberté éventuelle.

        3. Les conditions particulières qu'elles souhaiteraient voir imposer pour améliorer leur sécurité112.

8.28 Le Sous-comité est d'accord avec cette mise en garde et fait sienne l'intention sous-jacente. Toute déclaration présentée à une audience de la Commission, quelle qu'en soit la forme, devrait porter sur des éléments survenus depuis que le délinquant a été condamné. Elle pourrait notamment traiter de l'incidence que l'infraction continue d'avoir sur la victime, sur les craintes qu'elle nourrit pour sa sécurité personnelle à cause du délinquant, et sur les conditions qui devraient s'appliquer, selon elle, à une quelconque mise en liberté sous condition. La victime ne devrait pas faire de commentaires sur la peine imposée par le tribunal ni sur le bien-fondé d'accorder ou non une mise en liberté sous condition au délinquant.

8.29 Dans sa réponse de juillet 1999 aux questions écrites du Sous-comité, la Commission a indiqué qu'elle était en train d'élaborer un vaste plan d'action pour donner suite à la recommandation 15 du comité permanent. En plus d'établir les modalités applicables aux requêtes des victimes, les critères de leur participation, et les règles de partage des renseignements sur les délinquants, la Commission a commencé à établir, dans son plan d'action, le déroulement de l'audience proprement dite. Dans la formule proposée, la victime lira sa déclaration au début de l'audience, avant que le délinquant soit interrogé. Si une déclaration de la victime doit être présentée sur bande sonore ou vidéo, elle le sera également à ce moment. Après cette étape, le délinquant sera interrogé par les membres de la Commission, et la victime pourra demeurer présente en tant qu'observateur.

8.30 La Commission mérite des félicitations pour avoir commencé à établir un plan de mise en oeuvre de la recommandation du comité permanent. Elle s'interroge toutefois sur le nombre de victimes qui voudront participer activement à ses audiences. Selon les définitions de la Loi, deux catégories de victimes peuvent recevoir des renseignements sur le délinquant. La première définition figure aux articles 2 et 99 : la personne ayant subi les conséquences de l'infraction ou, en cas de décès, le conjoint ou un parent de cette personne. La deuxième définition figure aux paragraphes 26(3) et 142(3) : une personne ayant subi un dommage corporel ou moral par suite de la conduite du délinquant, qu'il ait été ou non poursuivi ou condamné pour celle-ci, pourvu qu'une plainte ait été portée au criminel ou une dénonciation déposée en vertu du Code criminel.

8.31 Le Sous-comité partage les préoccupations de la Commission. Il croit que la victime devrait participer davantage aux audiences de la Commission. Mais cela devrait se faire sans perturber indûment le processus d'enquête déjà en place. Les victimes définies aux articles 2 et 99 de la Loi devraient être présumées autorisées à lire leur déclaration en personne, ou à la présenter sur bande sonore ou vidéo, au début de l'audience. Ces victimes ont souffert de l'infraction pour laquelle le délinquant a été condamné et sont directement touchées par sa mise en liberté sous condition. Cela n'empêche pas les autres victimes, notamment celles qui sont définies aux paragraphes 26(3) et 142(3), de présenter, sous une autre forme et à un autre moment, de l'information sur les dommages subis aux autorités du système correctionnel et des mises en liberté sous condition. Elles pourront aussi assister aux audiences de la Commission en tant qu'observateurs.

8.32 La présentation faite par la victime à l'audience de la Commission a pour objet de communiquer directement les craintes suscitées par la mise en liberté du délinquant et les conséquences de l'infraction depuis la condamnation. Il est préférable que la victime communique elle-même cette information directement aux membres de la Commission. Le recours à des intermédiaires ou à des porte-parole pour communiquer l'information au nom des victimes rendrait les audiences plus complexes et les ferait piétiner, ce qui retarderait la décision.

RECOMMANDATION 39

Le Sous-comité recommande de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour permettre aux victimes définies aux articles 2 et 99 d'assister aux audiences de libération conditionnelle et de lire elles-mêmes, au début, leur déclaration décrivant les répercussions que l'infraction a eues sur elles depuis la condamnation du délinquant ou les craintes qu'elles ont concernant une mise en liberté. Ces victimes devraient pouvoir présenter leur déclaration sur bande sonore ou vidéo.

COMMUNICATIONS INDÉSIRABLES DES DÉLINQUANTS

8.33 Selon les victimes et les organisations qui les représentent, les communications indésirables des délinquants constituent une source de crainte et de détresse. Elles prennent la forme d'appels téléphoniques, de lettres ou d'autres communications acheminées par des tiers. Elles ne sont peut-être pas fréquentes, mais lorsqu'elles se produisent, elles bouleversent les victimes et leurs proches.

8.34 Le comité permanent s'est penché sur la question à la recommandation 17 de son rapport. Il a décrit les mesures prises par les autorités du système correctionnel et des libérations conditionnelles. Plus particulièrement, l'article 95 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition autorise un directeur de pénitencier à interdire à un détenu de communiquer par courrier ou par téléphone avec qui que ce soit si la sécurité d'une personne en serait compromise, ou si le destinataire demande par écrit à ne pas recevoir de communications du détenu.

8.35 Le comité permanent avait alors fortement encouragé le ministère du Solliciteur général à prendre d'autres mesures pour empêcher les communications indésirables émanant des détenus dans les établissements correctionnels fédéraux. Le Bureau consultatif pour les services aux victimes d'actes criminels de la province de l'Ontario et le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes ont tous les deux fait des propositions à ce sujet au Sous-comité. Le Bureau a recommandé que le solliciteur général ordonne au Service correctionnel et à la Commission de prendre des mesures administratives, et notamment d'inclure, dans toutes les publications et les communications destinées aux victimes, un avis sur les recours concernant l'interdiction au délinquant de communiquer avec elles113. Le Centre canadien a recommandé de modifier l'article 95 du règlement pour abolir le pouvoir discrétionnaire des directeurs d'établissement d'interdire les contacts non désirés des détenus avec les victimes; il a aussi réclamé une meilleure surveillance des appels téléphoniques des détenus114.

8.36 Le Sous-comité constate avec satisfaction que les recommandations contiennent des options concrètes et pratiques qu'il convient d'examiner. Il croit cependant qu'il faut aborder la question dans une perspective plus globale. Il faut déterminer la fréquence des communications non désirées des détenus et leur mode d'acheminement avant de mettre au point des mesures de prévention efficaces. Une version renforcée de la recommandation du comité permanent est par conséquent préconisée parce qu'elle permettrait d'aborder la question dans une optique plus vaste.

RECOMMANDATION 40

Le Sous-comité recommande que le solliciteur général du Canada, en collaboration avec le Service correctionnel du Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles, élabore une stratégie détaillée pour empêcher les communications non désirées émanant des détenus dans les établissements correctionnels fédéraux, surtout avec les victimes.

BUREAU DES PLAINTES ET D'INFORMATION DES VICTIMES

8.37 Depuis que le Parlement a adopté la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition en 1992, le Service correctionnel et la Commission ont pris un certain nombre de mesures pour donner aux victimes des renseignements ponctuels ou généraux. Ils ont aussi mené des activités de sensibilisation et d'éducation du public, et ont notamment publié des dépliants, des fiches documentaires et des encarts dans les journaux.

8.38 La Commission s'est dotée de lignes téléphoniques sans frais dans la plupart des régions. Elle tient à jour aussi un registre des décisions qui permet aux victimes et aux autres intéressés de consulter les décisions de libération conditionnelle, et elle facilite la présence des observateurs, y compris des victimes, à ses audiences. De plus, la Commission a nommé, dans chacun de ses bureaux régionaux, un agent de liaison communautaire qui aide à donner aux victimes les services et les renseignements auxquels elles ont droit selon la Loi. Le Service correctionnel a nommé des coordonnateurs de la liaison avec les victimes dans chacun de ses bureaux régionaux, de ses bureaux communautaires des libérations conditionnelles, et de ses établissements correctionnels. Dans les deux cas, ces fonctions sont acquittées par des employés du Service correctionnel et de la Commission et s'ajoutent à leurs responsabilités courantes. Le Service correctionnel et la Commission offrent ensemble aux victimes des services de guichet unique dans les régions de l'Ontario et du Pacifique, à l'extérieur des bureaux de la Commission, où sont situés tous les dossiers des délinquants.

8.39 Les agents de liaison communautaire et les coordonnateurs de la liaison avec les victimes s'acquittent des fonctions de base suivantes :

  • recevoir les demandes d'information des victimes;
  • obtenir de l'information de la police et des autres sources pour vérifier le statut de victime;
  • informer les victimes par écrit de leur statut et fournir de l'information;
  • communiquer avec les victimes lorsque des faits nouveaux se produisent;
  • conserver l'information concernant les contacts avec les victimes;
  • faire en sorte que l'information pertinente fournie par les victimes soit acheminée aux décideurs;
  • référer les victimes ayant besoin de services de counseling ou autres aux intervenants concernés;
  • fournir aux victimes d'autres sources d'information, tel le registre des décisions de la Commission, et leur faciliter l'accès aux audiences de la Commission en tant qu'observateurs115.

8.40 Un certain nombre de victimes et d'organisations qui les représentent ont dit au Sous-comité que même si le Service correctionnel et la Commission avaient mis ce service en place, elles n'obtenaient pas toujours satisfaction. Elles disent qu'elles n'arrivent pas toujours à communiquer avec les personnes, au sein de ces organismes, qui leur donneront des renseignements particuliers ou généraux qui soient exacts et à jour. Elles se plaignent aussi de recevoir des renseignements différents et parfois contradictoires sur les délinquants, renseignements qu'elles ont demandés et auxquels elles ont droit. Elles estiment en outre ne pas être traitées toujours respectueusement par les personnes avec qui elles font affaire. Il arrive parfois que les intérêts des victimes ou de leurs familles ne soient pas bien pris en compte ou qu'elles ne soient pas consultées adéquatement par les comités d'enquête du Service correctionnel ou de la Commission qui examinent les circonstances entourant les défaillances du système correctionnel et des mises en liberté sous condition qui ont des conséquences tragiques116.

8.41 Enfin, les victimes ne peuvent pas s'adresser à un bureau ou à un responsable indépendant et désintéressé qui donnerait suite efficacement à leurs plaintes. Ce point de vue a été exprimé par le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes :

Les victimes n'ont pas d'enquêteur correctionnel ni de défenseur équivalent si elles se croient lésées dans leurs droits ou laissées pour compte. Il n'existe aucun bureau officiel où les victimes peuvent s'adresser pour exprimer leurs préoccupations ou leurs griefs au sujet des mauvais traitements qu'on leur a réservés ou des refus d'accès à l'information qu'elles [devraient pouvoir obtenir]117.

8.42 Un certain nombre d'organisations ayant présenté un mémoire au Sous-comité étaient d'accord avec ce mémoire et ont fait des propositions au sujet des problèmes qu'il aborde. Par exemple, l'Association canadienne des policiers a recommandé l'élargissement du Bureau de l'enquêteur correctionnel ou la création d'une entité parallèle118. Le Bureau consultatif pour les victimes d'actes criminels de la province de l'Ontario a proposé que le Bureau de l'enquêteur correctionnel grossisse ses rangs pour pouvoir entendre les plaintes des victimes et du personnel correctionnel au sujet de la Commission nationale et des commissions provinciales des libérations conditionnelles119. Victimes de violence120, Mothers Against Drunk Driving121 et le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes122 ont suggéré de modifier la Loi et d'y prévoir la création d'un poste d'ombudsman des victimes, équivalent à celui de l'Enquêteur correctionnel.

8.43 Le Sous-comité a étudié sérieusement chacune des propositions et d'autres aussi avant de tirer des conclusions et de rédiger des recommandations. Le Service correctionnel et la Commission ont pris des mesures importantes depuis 1992 pour répondre aux besoins et aux exigences des victimes, de leurs familles et de leurs proches. Mais il faut faire encore plus.

8.44 En raison de la complexité du système correctionnel et des mises en liberté sous condition, les victimes et leurs familles en quête d'information se trouvent parfois placées devant un labyrinthe dont elles ne parviennent pas à trouver l'entrée. Elles doivent d'abord déterminer quels sont leurs droits, ensuite s'il y a lieu de s'adresser au Service correctionnel ou à la Commission, et enfin si c'est auprès d'un bureau régional, d'un bureau communautaire de libération conditionnelle, ou d'un établissement correctionnel qu'elles pourront obtenir l'information à laquelle elles ont droit au sujet du délinquant. Si les victimes ou leurs familles sont insatisfaites à un moment donné, elles ne disposent pas d'un organe indépendant où porter plainte ou trouver de l'aide.

8.45 Si une victime ou un membre de sa famille n'est pas satisfait de l'information provenant du registre des décisions de la Commission au sujet d'une mise en liberté sous condition, il n'existe pas de mécanisme établi pour porter plainte. Si cette personne est insatisfaite du traitement reçu lorsqu'elle a assisté à une audience de la Commission en tant qu'observateur, il n'existe pas de mécanisme indépendant auquel recourir. Il en va de même pour les victimes à qui on a refusé le statut d'observateur et qui sont insatisfaites de la raison donnée pour leur exclusion. Les victimes et les membres de leurs familles qui sont insatisfaits de l'information reçue des comités d'enquête, ou de la consultation effectuée par ces derniers, ne disposent pas d'un mécanisme de plainte.

8.46 Après avoir examiné toute la problématique, le Sous-comité a conclu que les victimes avaient mis en lumière deux besoins. Le premier concerne l'existence d'un point d'entrée clairement identifié pour avoir accès à l'information à laquelle elles ont droit, surtout s'il existe plusieurs sources possibles à l'intérieur du Service correctionnel et de la Commission. Ce point d'accès pourrait fournir directement les renseignements nécessaires aux victimes ou encore les diriger vers la source où elles pourront les obtenir dans le système correctionnel et des libérations conditionnelles.

8.47 Le deuxième besoin cerné par les victimes et leurs porte-parole concerne la création d'un mécanisme indépendant qui puisse recevoir, étudier et régler les plaintes formulées au sujet des contacts avec le Service correctionnel et la Commission. Ce mécanisme ne se limiterait pas aux plaintes individuelles, mais pourrait aussi prévoir des examens complets du système au besoin.

8.48 Le Sous-comité est convaincu qu'un tel mécanisme indépendant d'information et de plainte est nécessaire, mais ne croit pas nécessaire de lui accorder tous les pouvoirs et toutes les ressources accordés à l'Enquêteur correctionnel en tant qu'ombudsman spécialisé. Le Sous-comité est convaincu toutefois qu'il est possible de répondre rapidement aux besoins d'information et d'entendre les plaintes des victimes et de leurs familles en modifiant la Loi par l'ajout d'une partie IV établissant le bureau des plaintes et d'information des victimes.

8.49 Ce bureau constituerait une nouvelle source d'information pour les victimes et viendrait enrichir et non remplacer ce que le Service correctionnel et la Commission ont mis en place depuis 1992. Il devrait permettre aux victimes d'accéder directement à l'information et indiquer où elles peuvent l'obtenir dans le système correctionnel et des mises en liberté sous condition. Il devrait, en toute indépendance, faire enquête sur les plaintes qu'il reçoit des victimes, de leurs familles et de leurs proches, les régler et en faire rapport. Le bureau ne devrait pas se limiter aux plaintes individuelles, mais devrait aussi se pencher sur les doléances des victimes dans une optique globale.

8.50 Son champ de compétence devrait toutefois être limité aux renseignements et aux plaintes concernant le système fédéral d'incarcération et de libération conditionnelle, laissant à d'autres ordres de gouvernement les autres questions tels le système correctionnel et les mises en liberté sous condition des provinces et des territoires ainsi que les responsabilités policières et les poursuites en justice.

8.51 Le bureau des plaintes et d'information des victimes proposé, ainsi que l'Enquêteur correctionnel (recommandation ailleurs dans le présent rapport), devraient, de l'avis du Sous-comité, rendre des comptes au solliciteur général et au Parlement. Cela peut se faire par le dépôt simultané des rapports spéciaux et du rapport annuel auprès du ministre ainsi que dans les deux chambres du Parlement.

8.52 Le Sous-comité croit que les rapports spéciaux et annuel du bureau auront de meilleures chances d'être étudiés attentivement s'ils contiennent la réaction du Service correctionnel et de la Commission à ses conclusions, constatations et recommandations. Ailleurs dans le présent rapport, le Sous-comité a recommandé de modifier l'article 195 de la Loi de manière à ce que les rapports spéciaux et annuel de l'Enquêteur correctionnel contiennent obligatoirement les commentaires du Service correctionnel, et non simplement un résumé rédigé par l'Enquêteur correctionnel. Le Sous-comité estime qu'une recommandation analogue devrait s'appliquer au bureau des plaintes et d'information des victimes proposé.

8.53 En dernier lieu, pour que la reddition de comptes ait une signification véritable, il faut avoir l'assurance que les rapports spéciaux et annuel recevront l'attention du Parlement. En ce moment, les articles 192 et 193 exigent le dépôt dans chacune des chambres du Parlement des rapports spéciaux et annuel de l'Enquêteur correctionnel. En vertu du règlement de la Chambre des communes, ils sont ensuite acheminés au comité permanent compétent pour être étudiés. Rien n'oblige toutefois le comité à effectivement les étudier. Les comités permanents sont maîtres de leurs programme d'action et plan de travail : la Chambre ne dirige que rarement leurs travaux. Le Sous-comité s'est déjà penché sur la question dans le présent rapport : au sujet du Bureau de l'enquêteur correctionnel, il a recommandé de modifier la Loi pour que les rapports de celui-ci soient obligatoirement transmis au comité permanent compétent de la Chambre des communes pour être étudiés. Le Sous-comité estime que la même recommandation devrait s'appliquer au bureau des plaintes et d'information des victimes proposé.

RECOMMANDATION 41

Le Sous-comité recommande :

a) de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition par l'ajout d'une partie IV établissant le bureau des plaintes et d'information des victimes, qui aurait compétence à l'égard des activités du Service correctionnel du Canada et de la Commission nationale des libérations conditionnelles ayant trait aux victimes;

b) de donner à ce bureau le pouvoir de fournir des renseignements aux victimes définies dans la Loi et de recevoir, étudier et régler leurs plaintes ponctuelles et générales; et

c) de donner à ce bureau le pouvoir de déposer ses rapports spéciaux et annuel, contenant les commentaires du Service correctionnel et de la Commission sur ses conclusions et recommandations, simultanément auprès du solliciteur général du Canada et du Parlement. La Loi devrait prévoir le renvoi de ces rapports spéciaux et annuel au comité permanent compétent de la Chambre des communes pour être étudiés.


103# Mémoire, p. 22.

104# L.R.C. 1985, chap. P-21, version modifiée.

105# Mémoire, p. 2.

106# Mémoire, p. 6-7.

107# Mémoire, p. 5.

108# Mémoire, p. 7.

109# Mémoire, p. 12.

110# Mémoire, p. 5.

111# Mémoire, p. 16.

112# Mémoire, p. 21-22.

113# Mémoire, p. 8.

114# Mémoire, p. 16.

115# Solliciteur général, Groupe de travail sur les dispositions et le fonctionnement de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, Dispositions relatives aux victimes, février 1998, p. 15.

116# Lettre datée du 19 juillet 1999, écrite au Sous-comité par Steve Sullivan, président du Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes.

117# Mémoire, p. 11.

118# Mémoire, p. 14.

119# Mémoire, p. 7.

120# Mémoire, p. 4.

121# Mémoire, p. 4.

122# Mémoire, p. 9-13.