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SCRA Rapport du Comité

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CHAPITRE 4 :

LA PROTECTION DU PUBLIC
ET LA RÉINSERTION PROGRESSIVE DES DÉLINQUANTS DANS LA COLLECTIVITÉ

4.1 La mise en liberté progressive des délinquants dans la collectivité constitue, pour le Service correctionnel du Canada et la Commission nationale des libérations conditionnelles, un instrument essentiel en vue d'assurer la protection du public canadien. Parce qu'elle permet de faciliter la transition du délinquant entre l'établissement carcéral et la collectivité tout en lui assurant une surveillance et une assistance propres à favoriser sa réinsertion sociale en tant que citoyen respectueux des lois, elle est d'ailleurs considérée comme le moyen le plus sûr de contrôler la récidive criminelle. Comme l'a mentionné Terry Carlson de la Société John Howard de Terre-Neuve lors de son témoignage devant le Sous-comité, il s'agit en conséquence de l'outil le plus efficace pour réintégrer des contrevenants dans la collectivité tout en réduisant le risque de compromettre la sécurité de la population.

4.2 De l'avis du Sous-comité, la libération progressive des délinquants dans la collectivité constitue par ailleurs la suite logique du processus de réadaptation et de réinsertion sociale des délinquants qui débute à l'intérieur des établissements carcéraux. Tel que l'a souligné la Société John Howard du Canada, il faut reconnaître que même si la peine purgée dans l'établissement représente une occasion de transmettre un enseignement aux délinquants, seule la libération progressive peut permettre de vérifier, tout en réduisant les risques de récidive, les apprentissages qu'ils ont faits depuis leur admission en détention. La Société John Howard du Canada a formulé à cet égard l'observation suivante :

Les aspects théoriques sont transmis dans le cadre des programmes correctionnels, tandis que la réinsertion sociale graduelle fournit l'occasion d'appliquer ces aspects théoriques sous surveillance dans la collectivité. Les programmes correctionnels de réinsertion sociale sont similaires à l'enseignement du tennis à bord d'un sous-marin. Vous pouvez y enseigner les règles et les aspects théoriques, mais vous n'avez pas l'occasion de les pratiquer37.

4.3 Parce que la réinsertion progressive des délinquants dans la collectivité s'inscrit tout autant que les programmes de réadaptation dans cette recherche de protection de la collectivité, il n'est donc pas surprenant de constater que les témoignages et les mémoires reçus par le Sous-comité encouragent, pour la plupart, l'usage de la mise en liberté sous condition. Voici quelques exemples :

S'ils sont bien gérés, les programmes de mise en liberté graduelle sont la meilleure méthode connue pour réduire la récidive. Le fait d'omettre d'inscrire les détenus à ces programmes augmente les risques pour la collectivité et c'est contraire à l'objet de la Loi. On devrait donc s'attendre à ce que tous les délinquants, lorsqu'ils quittent la prison, soient inscrits à un programme approprié de mise en liberté graduelle38.

La documentation montre clairement que les délinquants qui participent à un processus de planification de la mise en liberté graduelle réussissent beaucoup mieux leur transition vers la communauté et un comportement respectueux de la Loi que ceux qui n'ont pu bénéficié de mesures de transition de ce genre39.

Nous croyons qu'un suivi approprié en milieu communautaire au moyen de solides programmes de mise en liberté graduelle sont des éléments essentiels de la protection durable de la société, particulièrement lorsqu'on souhaite réhabiliter des contrevenants à risque élevé40.

En maintenant une personne en détention jusqu'à l'expiration de son mandat, nous ne profitons pas de la possibilité d'utiliser l'instrument efficace de la mise en liberté graduelle assortie d'une surveillance et de contrôles et en prévoyant que le détenu suivra un traitement41.

4.4 Cela étant dit, dans ce chapitre, le Sous-comité ne remet aucunement en question l'importance du système de mise en liberté sous condition. Influencé par les témoignages qu'il a recueillis lors de son processus d'examen de la Loi, il y présente plutôt des recommandations qui ont pour but de :

  • renforcer le caractère discrétionnaire de la libération sous condition;
  • établir plus clairement les pouvoirs décisionnels de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada en matière de libération sous condition;
  • étendre la portée de certains programmes de libération sous condition.

4.5 De manière générale, le Sous-comité considère que, dans sa forme actuelle, le système repose sur un ensemble de règles trop complexes et que les dispositions traitant de la libération d'office offrent présentement la possibilité de libérer des détenus dans la collectivité de façon trop automatique. À partir de ces prémisses, le Sous-comité propose donc que des changements soient apportés au système de mise en liberté sous condition actuellement en vigueur dans le système correctionnel fédéral.

UNE DISTINCTION CONSIDÉRÉE NÉCESSAIRE ENTRE LA LIBÉRATION D'OFFICE ET LES AUTRES TYPES DE MISE EN LIBERTÉ SOUS CONDITION

4.6 Tel que mentionné dans l'introduction de ce rapport, un délinquant condamné à une peine d'emprisonnement de juridiction fédérale peut, à l'heure actuelle, se voir octroyer cinq différents programmes de mise en liberté sous condition : la permission de sortir, le placement à l'extérieur, la semi-liberté, la libération conditionnelle totale et la libération d'office. Bien que ces programmes partagent un objectif commun en ce qui a trait à la réintégration sécuritaire des délinquants dans la collectivité, il faut voir cependant que la libération d'office s'avère le seul programme qui est présumé automatique aux termes de la Loi. Le paragraphe 127(1) prévoit en effet que la plupart des détenus ont le droit d'être mis en liberté après avoir purgé les deux tiers de leur peine et de le demeurer jusqu'à son expiration légale. Ce paragraphe prévoit :

Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, l'individu condamné ou transféré au pénitencier a le droit d'être mis en liberté à la date fixée conformément au présent article et de le demeurer jusqu'à l'expiration légale de sa peine.

4.7 Cela dit, des dispositions de la Loi fournissent présentement au Service correctionnel et à la Commission nationale des libérations conditionnelles la possibilité de contrôler la mise en liberté d'office des détenus jugés dangereux. La Loi prévoit en effet que les détenus purgeant une peine d'emprisonnement à perpétuité ou une peine d'une durée indéterminée ne sont pas admissibles au programme de mise en liberté sous condition. Elle prévoit également que le Service correctionnel peut, avant la date prévue de la libération d'office d'un détenu, référer son dossier à la Commission pour fin d'examen en vue du maintien en incarcération s'il estime que ce détenu est susceptible de commettre, avant l'expiration légale de sa peine, soit :

  • une infraction causant la mort ou un dommage grave à une autre personne;
  • une infraction d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant; ou
  • une infraction grave en matière de drogue.

4.8 Tel que prévu dans la législation actuelle, la Commission nationale des libérations conditionnelles pourra alors, lors d'une audience, autoriser la libération d'office du détenu, assortir la libération d'office de conditions appropriées ou encore décider de maintenir le détenu en incarcération jusqu'à la fin de sa peine42.

4.9 Compte tenu des dispositions prévues dans la Loi, le problème que pose la libération d'office ne réside donc pas dans le manque de mécanismes pour contrôler la libération automatique des délinquants qui risquent de commettre des infractions jugées graves aux termes des annexes de la Loi, mais bien dans l'impossibilité pour le Service et la Commission de procéder à une sélection des détenus qui soit aussi stricte que celle qui a cours lors de l'analyse des dossiers en vue de toutes autres formes de mise en liberté sous condition.

4.10 Il importe effectivement de reconnaître que, malgré ces dispositions légales, plusieurs délinquants ont présentement le droit de purger le dernier tiers de leur peine sous surveillance et sous réserve de conditions précises dans la collectivité sans avoir eu à démontrer qu'ils méritaient d'être remis en liberté, comme c'est le cas pour toutes les autres formes de mise en liberté sous condition. Ce type de libération se distingue donc des autres types de libération en ce sens que la présomption est en faveur de la libération plutôt que du maintien en incarcération.

4.11 Dans les faits, cette différence fait en sorte que certains détenus qui refusent de participer à des programmes de réadaptation et qui ne respectent pas les règles de l'établissement, mais qui ne présentent pas un risque de commettre une infraction causant la mort ou un dommage grave à une personne, une infraction d'ordre sexuel à l'égard d'un enfant, ou une infraction grave en matière de drogue avant la fin de leur mandat d'emprisonnement, se verront libérés après avoir purgé les deux tiers de leur peine sans que leur cas ait fait l'objet d'un examen approfondi de la part du Service correctionnel et de la Commission nationale des libérations conditionnelles. À l'heure actuelle, il est d'ailleurs possible que les délinquants libérés d'office qui ont refusé de participer au processus de réinsertion sociale puissent avoir moins de conditions attachées à leur libération que certains délinquants qui ont bénéficié de la libération conditionnelle.

4.12 L'Association canadienne des policiers a illustré ainsi la situation qui prévaut actuellement dans le système de libération sous condition: « Même si le contrevenant refuse carrément de participer aux programmes de réhabilitation et affiche un comportement agressif en milieu carcéral, il peut être libéré d'office après avoir purgé les deux tiers de sa peine43 ». La Commission nationale des libérations conditionnelles ne peut envisager le maintien que si le Service correctionnel recommande cette mesure.

4.13 À la lumière de ce qui précède, il ne faut donc pas se surprendre du fait que plusieurs agents qui travaillent quotidiennement auprès des détenus fédéraux ont exprimé beaucoup de frustration face à cette forme de mise en liberté sous condition. À leur avis, aucun détenu ne devrait être mis en liberté d'office et ce, d'autant plus que la libération présomptive provoque chez certains délinquants une attitude non coopérative à l'égard du processus de réinsertion sociale. Selon ces agents, certains détenus, ayant pris conscience qu'ils seront de toute façon libérés d'office, préfèrent purger une plus longue partie de leur sentence en institution sans se sentir obligés de participer aux programmes et de coopérer avec les agents qui oeuvrent au sein des établissements44.

4.14 Le Sous-comité partage les préoccupations des agents : il considère en effet qu'aucun détenu ne devrait être libéré automatiquement d'un pénitencier et que les règles qui régissent présentement la libération d'office font en sorte de banaliser le comportement des détenus en établissement.

4.15 Divers témoins, y compris le Service correctionnel, expliquent cette différence importante entre la libération d'office et les autres types de libération sous condition par le fait que la libération d'office est une mesure de dernier recours qui vise avant tout la protection de la société. Le raisonnement qui sous-tend cette position étant que la libération d'office permet d'éviter que des détenus se retrouvent libérés sans surveillance à la fin de leur peine. Il faut en effet rappeler à cet égard que la plupart des délinquants condamnés à l'emprisonnement retourneront vivre un jour ou l'autre en société, et qu'à l'expiration de leur peine d'emprisonnement l'État ne dispose plus alors des pouvoirs nécessaires pour assurer leur surveillance et leur contrôle.

4.16 Malgré le fait que le Sous-comité remet en question les règles qui régissent la libération d'office, celui-ci est néanmoins d'avis que ce type de libération est de loin préférable pour la sécurité du public à la libération du détenu sans surveillance à la fin du mandat d'emprisonnement. Le Sous-comité considère en effet que la libération d'office, parce qu'elle permet une période de transition sous surveillance entre le pénitencier et la communauté, est essentielle à la réintégration sécuritaire des délinquants dans nos collectivités. Rappelons à cet effet que lorsque le délinquant est en liberté sous condition, le risque de récidive continue à être géré par un agent de libération conditionnelle, et qu'à tout moment, sa libération peut être suspendue par cet agent que ce soit suite à la commission d'une nouvelle infraction ou suite à la violation d'une des conditions de sa libération.

4.17 Ceci étant dit, le Sous-comité considère que la libération d'office, telle que prévue dans la législation actuelle, permet de libérer de façon trop automatique des détenus dans la collectivité. Il propose donc, dans la partie qui suit, deux modifications législatives qui visent à renforcer le caractère discrétionnaire du système de mise en liberté sous condition et à responsabiliser davantage la Commission et le Service correctionnel en ce qui concerne la libération des détenus aux deux tiers de leur peine. Le Sous-comité tient à souligner qu'il juge indispensable que le Service correctionnel et la Commission nationale des libérations conditionnelles exercent une certaine discrétion en ce qui a trait à la mise en liberté d'office de tous les détenus fédéraux.

4.18 Le Sous-comité estime d'abord indispensable que tous les dossiers des délinquants soient soumis à un examen afin de déterminer si le dossier du détenu doit être envoyé à la Commission pour l'examen en vue du maintien en incarcération. Le Sous-comité souhaite ainsi souligner à la population dans son ensemble de même qu'aux détenus que toutes les décisions en matière de mise en liberté sous condition découlent d'une évaluation professionnelle du risque.

4.19 À l'heure actuelle, avant de libérer un détenu d'office, le Service correctionnel est uniquement tenu d'examiner le cas des délinquants qui ont commis une infraction avec violence prévue à l'annexe I ou une infraction grave en matière de drogue prévue à l'annexe II de la Loi. Même si la politique du Service correctionnel prévoit que tous les délinquants sont soumis à une évaluation approfondie des risques qu'ils posent avant d'être libérés d'office, le Sous-comité est d'avis que de confirmer cette politique en l'intégrant dans la Loi pourrait inciter davantage les détenus qui n'ont pas été condamnés à l'emprisonnement suite à une infraction prévue aux annexes de la Loi à participer aux programmes de réadaptation, prenant conscience du fait que la libération d'office n'est pas acquise automatiquement.

4.20 Dans la même veine, le Sous-comité est d'avis qu'il importe d'obliger la Commission à examiner tous les dossiers des délinquants afin de déterminer les cas qui méritent l'ajout de conditions spéciales à leur libération (tels un couvre-feu, une interdiction de consommer de la boisson ou de la drogue, la participation à un traitement, l'interdiction d'entrer en contact avec certains individus, une assignation à résidence, des contacts plus fréquents avec l'agent de libération conditionnelle). Mentionnons qu'à l'heure actuelle, le Service correctionnel ne renvoie à la Commission que les cas qui, selon lui, méritent l'ajout de conditions spéciales. Cette pratique obligerait donc la participation des deux organismes qui sont chargés de la mise en liberté des délinquants fédéraux pour la libération d'office des délinquants qui sont jugés plus à risque de récidive. De plus, le Sous-comité estime qu'en prenant conscience du fait qu'ils pourront se voir imposer des conditions spéciales limitant davantage leur liberté, les détenus sont susceptibles de participer davantage au processus de réinsertion sociale afin d'améliorer leur chance d'obtenir, avant les deux tiers de leur peine, le privilège de purger une partie ou le reste de leur peine dans la communauté.

4.21 Avec ces modifications, aucun détenu ne serait donc libéré d'office avant que son dossier ait fait l'objet d'un examen approfondi de la part du Service correctionnel et de la Commission. De plus, en permettant au Service correctionnel et à la Commission de prendre en considération le comportement des délinquants lors de la mise en liberté d'office, le Sous-comité estime qu'il sera possible d'encourager davantage la participation des délinquants au processus de réinsertion sociale et, par conséquent, de réduire le risque de récidive.

4.22 À la lumière de ce qui précède et considérant que l'enjeu fondamental est d'assurer avant tout la sécurité publique, le Sous-comité présente les recommandations suivantes :

RECOMMANDATION 11

Le Sous-comité recommande de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de façon à obliger le Service correctionnel du Canada à procéder à un examen de tous les cas admissibles à une libération d'office afin de déterminer si le dossier du détenu doit être envoyé à la Commission nationale des libérations conditionnelles pour un examen en vue du maintien en incarcération.

RECOMMANDATION 12

Le Sous-comité recommande également de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de façon à obliger la Commission nationale des libérations conditionnelles à procéder à un examen de tous les cas admissibles à une libération d'office afin de déterminer si des conditions spéciales doivent être imposées à la libération du détenu et, s'il y a lieu, de fixer les conditions spéciales qui seront attachées à sa libération.

4.23 Le Sous-comité estime que ces modifications permettront d'assurer une meilleure protection de la société et auront une influence positive sur l'attitude des détenus à l'égard du processus de réinsertion sociale. Il est néanmoins d'avis que les dispositions relatives à la libération d'office devront faire l'objet d'un examen approfondi lors de la prochaine révision de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Cette question sera traitée en profondeur dans le dernier chapitre du présent rapport.

LA PROCÉDURE D'EXAMEN EXPÉDITIF

4.24 Au cours des audiences qu'il a tenues, le Sous-comité a entendu maintes fois que les programmes de libération sous condition qui obtiennent le plus de succès en matière de non-récidive sont ceux qui résultent d'une décision discrétionnaire de la Commission nationale des libérations conditionnelles ou du Service correctionnel du Canada. Le Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes a notamment soutenu dans son mémoire :

Il est intéressant de constater que les libérations conditionnelles jouissant des taux de succès les plus élevés, sont celles qui sont fondées sur le jugement de professionnels, basées sur une bonne évaluation des risques et tenant principalement compte de la sécurité publique, tandis que les taux de succès les plus bas, sont ceux de personnes libérées en vertu des dispositions de la Loi, comprenant les mises en liberté d'office et les examens expéditifs en vue de la libération conditionnelle45.

4.25 Bien que le Sous-comité prenne note du plus faible taux de réussite des délinquants libérés en vertu de la procédure d'examen expéditif en vue de l'octroi de la semi-liberté ou de la libération conditionnelle totale, il n'estime pourtant pas qu'il faille abolir cette mesure. De fait, selon lui, deux modifications devraient suffire à rendre cette mesure conforme à la position du Sous-comité en matière de libération sous condition : resserrer les critères d'admissibilité et modifier le critère de récidive qui doit être pris en compte par la Commission nationale des libérations conditionnelles lors de l'examen des dossiers.

4.26 De l'avis du Sous-comité, il est de la plus grande importance de reconnaître une différence importante entre la procédure d'examen expéditif et la libération d'office. Contrairement à la situation qui prévaut actuellement pour la libération d'office, dans le cas de la procédure d'examen expéditif, tous les dossiers des délinquants qui y sont admissibles font l'objet d'un examen attentif de la part du Service correctionnel du Canada et de la Commission nationale des libérations conditionnelles. De plus, aux termes de la Loi, si la Commission, après l'examen du dossier, a des motifs de croire que le délinquant commettra une infraction avec violence mentionnée à l'annexe I de la Loi avant la date d'expiration de son mandat d'emprisonnement, elle devra obligatoirement refuser la mise en liberté du délinquant sous ce régime.

4.27 Contrairement à la situation qui prévaut actuellement pour la libération d'office, la procédure d'examen expéditif n'a donc rien d'automatique. Elle consiste plutôt en un processus simplifié d'examen des cas qui s'adresse uniquement à des délinquants considérés non violents et qui en sont à leur première expérience dans un établissement correctionnel fédéral.

4.28 Aux termes de l'article 125 de la Loi, les délinquants admissibles à cette procédure expéditive sont ceux :

  • qui en sont à leur première peine dans un pénitencier fédéral;
  • qui n'ont pas été condamnés pour meurtre ou pour complicité de meurtre;
  • qui n'ont pas été condamnés à perpétuité;
  • qui n'ont pas été condamnés en vertu d'une infraction figurant à l'annexe I de la Loi;
  • qui n'ont pas commis une infraction liée aux activités d'un gang;
  • et pour lesquels le tribunal n'a pas ordonné qu'ils ne soient pas admissibles à une libération conditionnelle avant d'avoir purgé au moins la moitié de leur sentence (y incluant les infractions figurant à l'annexe II de la Loi).

4.29 Contrairement aux autres délinquants, ceux qui remplissent toutes ces conditions feront donc automatiquement l'objet d'un processus simplifié d'examen en vue de l'octroi de la semi-liberté ou de la libération conditionnelle totale sans avoir à subir une audience devant la Commission. Ils pourront par ailleurs bénéficier d'un programme de semi-liberté non pas six mois avant leur date d'admissibilité à la libération conditionnelle totale, comme c'est le cas pour les délinquants qui ne remplissent pas les conditions de la procédure d'examen expéditif, mais bien après avoir purgé six mois ou le sixième de leur sentence, selon la plus longue des deux périodes. Dans ces cas-ci, par ailleurs, la Commission devra évaluer le dossier du délinquant en vertu d'un critère de récidive violente et non pas d'un critère de récidive générale, comme dans le cas des délinquants non admissibles à cette procédure.

4.30 Bien que le Sous-comité estime important de conserver cette procédure afin d'empêcher que les délinquants considérés non violents subissent l'influence négative de certains détenus récidivistes, il considère néanmoins essentiel d'apporter deux modifications à la procédure d'examen expéditif. D'une part, selon lui, les délinquants incarcérés en vertu d'une infraction mentionnée aux annexes I et II de la Loi ne devraient pas y être admissibles. D'autre part, le critère de récidive étudié par la Commission nationale des libérations conditionnelles lors de l'examen du dossier devrait être un critère de récidive générale plutôt qu'un critère de récidive violente. De l'avis du Sous-comité, la Commission devrait donc accorder la libération conditionnelle du délinquant seulement si elle est convaincue qu'il n'existe pas de motifs raisonnables de croire qu'une infraction, quelle qu'elle soit, sera commise avant l'expiration du mandat d'emprisonnement.

RECOMMANDATION 13

Le Sous-comité recommande de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de façon à ce que la procédure d'examen expéditif ne s'adresse pas à ceux qui ont été incarcérés pour avoir commis une infraction mentionnée à l'annexe II de la Loi et ce, peu importe qu'il y ait eu ou non une détermination judiciaire de l'admissibilité à la libération conditionnelle.

RECOMMANDATION 14

Le Sous-comité recommande également de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de façon à ce que ce soit le critère de récidive générale qui soit pris en compte par la Commission nationale des libérations conditionnelles lors de l'examen du dossier des délinquants admissibles à la procédure d'examen expéditif afin de déterminer si le délinquant doit être libéré ou non et ce, que ce soit pour la semi-liberté ou la libération conditionnelle totale.

ÉTABLIR UN PARTAGE PLUS CLAIR DES POUVOIRS DÉCISIONNELS EN MATIÈRE DE LIBÉRATION PROGRESSIVE

4.31 Aux termes de la Loi, la mise en liberté sous condition a pour objet de contribuer à la sécurité des Canadiens par la réhabilitation et l'intégration propice des délinquants au sein de la communauté et l'imposition de conditions de surveillance appropriées. Cet objectif concerne donc tout autant la Commission nationale des libérations conditionnelles que le Service correctionnel du Canada qui doivent, dans le cadre de leurs fonctions respectives, rendre des décisions concernant la libération progressive des délinquants dans la collectivité.

4.32 Actuellement, un délinquant peut se voir octroyer cinq formes de libération sous condition qui poursuivent, aux termes de la Loi, des objectifs particuliers en regard de la réinsertion sociale : la permission de sortir, le placement à l'extérieur, la semi-liberté, la libération conditionnelle totale et la libération d'office. De ces diverses formes de libération sous condition, seule la libération conditionnelle, c'est-à-dire la semi-liberté et la libération conditionnelle totale, relève exclusivement d'une décision discrétionnaire de la part de la Commission nationale des libérations conditionnelles. Les autres, à l'exception de la libération d'office, relèvent donc d'une décision discrétionnaire de la part du Service correctionnel du Canada ou de la Commission nationale des libérations conditionnelles.

4.33 Dans le cadre de leurs fonctions, les directeurs des pénitenciers peuvent ainsi libérer pour une période déterminée ceux qu'ils considèrent à faible risque de récidive et ce, sous réserve de conditions précises et seulement s'ils jugent que cette libération favorisera leur réinsertion sociale dans la collectivité. Deux types de mise en liberté sous condition sont généralement octroyés par les directeurs d'établissement, soit le placement à l'extérieur et la permission de sortir avec ou sans escorte46.

4.34 Le placement à l'extérieur est un programme de mise en liberté qui permet aux délinquants considérés à faible risque de récidive de travailler ou de rendre service à la collectivité pour une période n'excédant pas 60 jours. L'Association des services de réhabilitation sociale du Québec a souligné un des avantages de cette forme de libération sous condition en ces termes :

Un avantage majeur des placements [à l'extérieur] est que le détenu peut profiter d'une formation ou d'un travail qu'il ne pourrait pas nécessairement avoir au pénitencier. De plus, comme il se trouve au sein de la communauté, les conditions d'apprentissage ou de travail sont beaucoup moins artificielles qu'à l'établissement carcéral47.

4.35 Quant aux permissions de sortir, elles permettent aux directeurs d'établissement de réintégrer temporairement des délinquants dans la collectivité pour des fins précises. Que ce soit sous escorte ou sans escorte, une permission de sortir peut être obtenue pour des raisons médicales, administratives ou de compassion, pour rendre un service à la collectivité, pour faciliter le contact du détenu avec sa famille ou pour suivre un programme de perfectionnement sur le plan personnel48. Dans son mémoire, l'Association des services de réhabilitation sociale du Québec a ainsi souligné l'importance de cette forme de libération sous condition :

Les permissions de sortir représentent, pour les détenus, l'opportunité d'amorcer avec sérieux, leur réinsertion en communauté. Il s'agit d'un programme essentiel et la majorité d'entre eux devrait en profiter, avant d'être élargis en semi-liberté ou avant de participer à un placement extérieur49.

4.36 Aux termes de la Loi, le directeur de l'établissement a l'entière responsabilité pour accorder le placement à l'extérieur et la permission de sortir avec escorte. Cependant, c'est généralement la Commission nationale des libérations conditionnelles qui a toute compétence et latitude pour accorder les permissions de sortir sans escorte au délinquant qui purge une peine d'emprisonnement à perpétuité comme peine minimale ou à la suite de commutation de la peine de mort, une peine d'une durée indéterminée ou une peine d'emprisonnement suite à une infraction mentionnée à l'annexe I ou II de la Loi50. Il importe néanmoins de noter que l'article 117 de la Loi permet à la Commission de déléguer au commissaire ou au directeur du pénitencier les pouvoirs susmentionnés.

La Commission peut déléguer au commissaire ou au directeur du pénitencier les pouvoirs que lui confère l'article 116; la délégation peut porter sur l'une ou l'autre des différentes catégories de délinquants ou sur l'un ou l'autre des différents types de permission de sortir et être assortie de modalités, notamment temporelles.

4.37 Compte tenu de la complexité de la Loi, il n'est pas surprenant de constater que plusieurs personnes rencontrées dans les établissements carcéraux ont soutenu que ce chevauchement entre les rôles de la Commission et du Service correctionnel contribue à rendre flou les mécanismes décisionnels en matière de libération sous condition. Le Sous-comité est également de cet avis et estime qu'il est nécessaire de définir plus clairement les rôles de la Commission et du Service correctionnel en matière de mise en liberté sous condition.

4.38 Afin d'établir plus clairement les pouvoirs décisionnels de la Commission nationale des libérations conditionnelles et du Service correctionnel du Canada en matière de libération sous condition, le Sous-comité estime, tout comme plusieurs personnes qui ont témoigné à huis clos devant lui, qu'il serait préférable de rassembler sous une même structure les libérations sous condition temporaires (permission de sortir et placement à l'extérieur) de façon à ce que la responsabilité en cette matière relève du Service correctionnel.

4.39 De l'avis du Sous-comité, il n'est pas nécessaire d'avoir un article de loi distinct pour les placements à l'extérieur, compte tenu que les articles qui traitent des permissions de sortir prévoient déjà les autorisations voulues pour permettre la libération d'un délinquant en vue de sa participation à un programme structuré de travail ou de services à la collectivité.

4.40 À la lumière de ce qui précède et considérant par ailleurs que ces modifications, qui auraient l'avantage de simplifier le texte de la Loi, sont susceptibles d'aider le public à mieux comprendre le système de libération sous condition, le Sous-comité présente la recommandation suivante :

RECOMMANDATION 15

Le Sous-comité recommande de modifier les dispositions de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de manière à rassembler en une seule structure le placement à l'extérieur et la permission de sortir avec et sans escorte et de donner au Service correctionnel du Canada la responsabilité de les accorder, de les renouveler ou de les prolonger à sa discrétion.

4.41 Compte tenu de l'importance de la mise en liberté provisoire pour la réinsertion progressive des délinquants dans la collectivité, le Sous-comité considère toutefois nécessaire de laisser aux détenus la possibilité d'en appeler de toute décision rendue par le Service correctionnel. Le Sous-comité propose donc de laisser aux directeurs d'établissement carcéral le pouvoir d'accorder toutes les permissions de sortir avec et sans escorte (y compris le placement à l'extérieur qui deviendrait un type de permission de sortir) et de donner la possibilité aux délinquants de demander à la Commission nationale des libérations conditionnelles de revoir leur demande en cas de refus.

RECOMMANDATION 16

Le Sous-comité recommande d'introduire dans la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition une disposition prévoyant la possibilité pour les délinquants de demander à la Commission nationale des libérations conditionnelles de réviser les décisions rendues par le Service correctionnel du Canada en matière de permissions de sortir avec et sans escorte.

UN BESOIN D'ÉTENDRE LA PORTÉE DE CERTAINES FORMES DE LIBÉRATION SOUS CONDITION

4.42 Au cours des audiences qu'il a tenues, le Sous-comité a entendu dire maintes fois que certaines formes de libération sous condition sont trop restrictives et ne permettent pas de poursuivre les objectifs de réinsertion sociale de façon efficace. À la lumière des témoignages d'agents qui oeuvrent au sein des institutions carcérales et de délinquants, le Sous-comité est d'avis qu'il y a lieu d'étendre davantage la portée de toutes les formes de libération sous condition qui sont octroyées pour une période déterminée de même que la libération conditionnelle dans des cas particuliers. La section qui suit présente donc ces différentes modifications.

La permission de sortir

4.43 Bien que le Sous-comité soit d'avis qu'il est essentiel d'offrir aux détenus l'opportunité d'obtenir une libération provisoire dans la communauté afin d'y acquérir des expériences de travail, il considère tout aussi essentiel de leur offrir l'opportunité d'obtenir une telle forme de libération afin de participer à des programmes de formation scolaire, de métier et d'acquisition de compétences psychosociales.

4.44 Considérant l'importance d'offrir de telles opportunités aux délinquants qui réussissent à démontrer que ce genre de libération leur serait bénéfique, le Sous-comité estime nécessaire de redéfinir les programmes particuliers de perfectionnement personnel, présentement considéré comme un motif d'octroi de la permission de sortir avec et sans escorte, de façon à ce que l'acquisition d'expérience de travail, la participation à des programmes de formation professionnelle ou scolaire, de même que la participation à des programmes qui visent l'acquisition de compétences psychosociales soient compris dans la définition. Cette modification de la Loi aurait l'avantage d'étendre la portée de cette forme de libération sous condition dont le but est de faciliter la réinsertion sociale des délinquants.

RECOMMANDATION 17

Le Sous-comité recommande de modifier la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de façon à inclure la participation à des programmes de travail, de formation scolaire et de métier et de participation à des programmes qui visent l'acquisition de compétences psychosociales à la liste des raisons pouvant justifier une permission de sortir avec et sans escorte.

4.45 De plus, répondant à une demande faite par plusieurs personnes oeuvrant au sein du Service correctionnel, le Sous-comité considère important que le Service correctionnel puisse libérer des délinquants dans la collectivité pour des périodes de plus de 60 jours, lorsque cette période est considérée favorable à leur réinsertion sociale.

4.46 Compte tenu des recommandations du Sous-comité concernant la définition des programmes particuliers de perfectionnement personnel et le rassemblement de la permission de sortir et du placement à l'extérieur sous une même structure, le Sous-comité est confiant que le Service correctionnel trouvera la flexibilité nécessaire pour établir des programmes structurés de travail, de formation professionnelle ou scolaire, de service à la collectivité et d'acquisition de compétences psychosociales de plus de 60 jours au paragraphe 116(6) de la Loi :

Lorsque le délinquant suit un programme particulier de perfectionnement personnel, la permission de sortir peut toutefois être accordée pour une période maximale de 60 jours et renouvelée pour des périodes additionnelles d'au plus soixante jours.

4.47 Des personnes rencontrées lors des visites du Sous-comité en établissement ont également mentionné que, depuis l'entrée en vigueur de la Loi, les permissions de sortir avec escorte ne peuvent plus être obtenues pour l'organisation d'événements en groupe susceptibles de favoriser la socialisation. Ces mesures sont pourtant considérées par les intervenants du système correctionnel comme des mesures incitatives positives pour gérer la conduite des détenus et les inciter à garder un contact avec la collectivité51.

4.48 Dans son mémoire, Charlene C. Mandell a souligné ce qui suit :

À mon avis, les permissions de sortir pour des événements sociaux n'auraient pas dû être éliminées. Elles donnaient au détenu l'occasion de reprendre contact avec la collectivité et d'acquérir des compétences sociales utiles [...] Selon moi, les permissions de sortir pour des événements sociaux peuvent constituer un élément important sur le plan de réinsertion sociale d'un détenu, particulièrement dans le cas des détenus qui purgent de longues peines ou qui ont été condamnés à perpétuité. Je recommande donc que les articles 17 et 116 de la Loi soient modifiés pour inclure les événements sociaux parmi les raisons pouvant justifier une permission de sortir52.

4.49 Bien qu'il ne croit pas que les événements sociaux doivent justifier une permission de sortir sans escorte comme l'a recommandé Mme Mandell dans son mémoire, le Sous-comité est néanmoins d'avis, en accord avec plusieurs personnes travaillant de près avec la population carcérale, que les directeurs d'établissement devraient pouvoir octroyer des permissions de sortir avec escorte pour des événements en groupe jugés susceptibles de favoriser la socialisation des délinquants.

RECOMMANDATION 18

Le Sous-comité recommande que l'on modifie l'article 116 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de façon à permettre aux directeurs d'établissement d'offrir des permissions de sortir avec escorte pour des événements en groupe jugés susceptibles de favoriser la socialisation des délinquants.

La libération conditionnelle pour cause humanitaire

4.50 Au cours de ses visites de pénitenciers, des témoins ont fait état aux membres du Sous-comité de l'impossibilité pour les délinquants condamnés à une sentence à perpétuité ou à une peine d'une durée indéterminée de bénéficier de la libération conditionnelle totale pour cause humanitaire. Sébastien Brousseau, de l'Office des droits des détenus, a notamment soutenu qu'il est insensé que ces délinquants ne puissent obtenir une libération pour cause humanitaire :

Selon nous, c'est encore une aberration; pourquoi un détenu en phase terminale, sur le point de mourir, qui ne représente pas un risque pour la société, ne peut pas obtenir une libération conditionnelle. Ces exceptions devraient être abolies simplement parce que, d'une part, il s'agit d'une raison humanitaire et, d'autre part, parce que la Commission nationale des libérations conditionnelles peut étudier le cas et décider si la personne représente, oui ou non, un risque. Si elle ne représente pas un risque, nous croyons qu'elle doit pouvoir bénéficier de cet article comme tous les autres détenus53.

4.51 De l'avis du Sous-comité, les délinquants condamnés à une sentence à perpétuité ou à une peine d'une durée indéterminée qui sont en phase terminale et qui ne présentent pas un risque jugé indu par la Commission nationale des libérations conditionnelles pour la communauté devraient être en mesure de bénéficier d'une libération conditionnelle.

4.52 Reconnaissant toutefois l'importance de cette décision, le Sous-comité est d'avis que la décision de la Commission devrait être sujette à l'approbation de son président.

RECOMMANDATION 19

Le Sous-comité recommande que l'on modifie l'article 121 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour rendre les délinquants qui ont été condamnés à une peine d'emprisonnement à perpétuité ou à une peine d'une durée indéterminée, et qui sont en phase terminale, admissibles à la libération conditionnelle pour cause humanitaire. La Loi doit prévoir dans ces cas que la décision de la Commission nationale des libérations conditionnelles est sujette à l'approbation du président de la Commission.

La libération conditionnelle pour fin d'expulsion en vertu de la Loi sur l'immigration

4.53 Bien que la Commission nationale des libérations conditionnelles pouvait étudier, à une certaine époque, les dossiers des délinquants frappés d'une ordonnance d'expulsion en vertu de la Loi sur l'immigration pour prendre une décision concernant leur libération, depuis 1992, tous les délinquants frappés d'une telle ordonnance doivent désormais purger le tiers de leur peine avant d'être admissibles à une libération conditionnelle totale.

4.54 Me Stephen Fineberg, de l'Association des avocats et avocates en droit carcéral du Québec, a exprimé sa position en matière d'ordonnance d'expulsion aux membres du Sous-comité dans ces termes :

À mon avis, il faudrait autoriser de nouveau la commission à faire cette distinction entre les gens, comme elle le faisait avant 1992. Dans bien des cas, il s'agit de personnes qui connaissent mal la langue, qui n'ont pas de parenté en Amérique du Nord, qui ne reçoivent aucune visite et qui ne peuvent participer à aucun programme. Même si elles pouvaient participer aux programmes, à quoi cela servirait-il, puisqu'elles ne seront pas libérées au Canada de toute façon? Elles ne peuvent se préparer à une réinsertion graduelle dans la société canadienne, car elles n'y seront jamais remises en liberté. Nous avons donc des gens qui passent ici de longues années à ne rien faire. Certaines de ces personnes méritent notre sympathie, d'autres absolument pas.

Nous proposons simplement que la Commission des libérations conditionnelles soit de nouveau en mesure de faire la distinction et de permettre à ceux qui le méritent d'avoir la possibilité de se racheter [...] Nous croyons qu'il est dans l'intérêt de tous les contribuables canadiens de ne pas payer les coûts de la détention, pendant des années, de personnes qui ne seront jamais libérées au Canada et qui sont loin de recevoir l'appui qui est offert aux détenus canadiens54.

4.55 Les membres du Sous-comité sont d'accord avec Me Fineberg et considèrent qu'il faut permettre à la Commission nationale des libérations conditionnelles d'étudier les dossiers des délinquants qui font l'objet d'une ordonnance d'expulsion en vertu de la Loi sur l'immigration de façon à ce qu'ils puissent bénéficier de la libération conditionnelle pour fin d'expulsion à n'importe quel moment de leur peine d'incarcération. De l'avis du Sous-comité, certains délinquants frappés d'une ordonnance d'expulsion méritent effectivement d'être libérés conditionnellement le plus tôt possible.

RECOMMANDATION 20

Le Sous-comité recommande que l'on modifie l'alinéa 121(1)(d) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition pour que les délinquants qui sont frappés d'une ordonnance d'expulsion en vertu de la Loi sur l'immigration soient considérés comme des cas exceptionnels de façon à ce qu'ils puissent bénéficier d'une libération conditionnelle pour fin d'expulsion uniquement à n'importe quel moment de leur peine.


37# Mémoire, p. 3.

38# Mémoire, Société John Howard du Canada, p. 11.

39# Mémoire, Susan Reid-MacNevin, directrice du Département de criminologie et de justice pénale de l'Université St-Thomas à Fredericton, p. 2.

40# Témoignages, Terry Carlson, Société John Howard de Terre-Neuve, 18 mars 1999, 12:05.

41# Mémoire, Société John Howard de Terre-Neuve, p. 7.

42# La Commission nationale des libérations conditionnelles réexamine tous les ans le dossier des détenus qui ont été maintenus en incarcération. À l'issue de ce réexamen, elle peut soit confirmer l'ordonnance de maintien en incarcération, soit l'annuler. L'annulation permettra alors la libération d'office du détenu, libération qui pourra être assortie d'une condition de résider dans un établissement communautaire.

43# Mémoire, p. 12.

44# En ce qui concerne les autres formes de libération sous condition, il importe de reconnaître, comme l'a mentionné Louis Théorêt de la Commission ontarienne des libérations conditionnelles lors de son témoignage, que les délinquants refusant de participer à des programmes de réadaptation ont moins de chances d'obtenir une libération sous condition autre que la libération d'office.

45# Mémoire, p. 5.

46# Il importe de noter que les délinquants incarcérés dans les établissements à sécurité maximale ne sont pas admissibles au placement à l'extérieur et à la permission de sortir sans escorte. Pour contrôler le risque qu'ils représentent pour la collectivité, le Service correctionnel du Canada utilise plutôt une libération temporaire sous surveillance intensive qui prend la forme d'une permission de sortir avec escorte.

47# Mémoire, p. 7.

48# Bien que les détenus peuvent bénéficier de la permission de sortir avec escorte à n'importe quel moment de leur sentence, il faut noter que les critères d'admissibilité pour la permission de sortir sans escorte varient en fonction du genre de la peine et de sa durée.

49# Mémoire, p. 6.

50# Alinéa 107(1)(e) de la Loi.

51# Il importe de noter qu'avant l'entrée en vigueur de la Loi, les sorties pour fins de socialisation représentaient 35 p. 100 des permissions de sortir avec escorte et 25 p. 100 des permissions de sortir sans escorte. Selon le rapport global du Groupe de travail sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, l'abolition des permissions de sortir pour des fins de socialisation constitue d'ailleurs l'une des principales causes de la diminution du nombre d'octrois de permission de sortir. Solliciteur général du Canada, « Rapport global », Pour une société juste, paisible et sécuritaire, Rapport du Groupe de travail sur la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, 1998, p. 31.

52# Mémoire, p. 8.

53# Témoignages, 9 février 1999, 16:10.

54# Témoignages, 22 mars 1999, 18:00.