TRAN Rapport du Comité
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LA RESTRUCTURATION DE L'INDUSTRIE CANADIENNE DU TRANSPORT AÉRIEN : FAVORISER LA CONCURRENCE ET PROTÉGER L'INTÉRÊT DU PUBLIC
Au Canada, l'industrie du transport aérien est passée d'une situation de monopole détenu par Air Canada à un marché à peu près complètement déréglementé, ouvert à tout transporteur pouvant obtenir une licence d'exploitation et réussir un test de solvabilité. Ce marché est l'aboutissement des pressions des transporteurs en faveur d'une réglementation réduite pouvant leur permettre de mieux se concurrencer sur le marché intérieur. À cette fin, le gouvernement a adopté en 1987 la Loi nationale sur les transports qui a amené la déréglementation économique du transport aérien intérieur au Canada.
Depuis la déréglementation, l'industrie s'est consolidée par une série de fusions et d'acquisitions. Les Lignes aériennes Canadien International Ltée (Canadien) ont grossi par la fusion de CP Air et Eastern Provincial Airways, Nordair, Québecair et Pacific Western Airlines, en 1986, ainsi que par l'acquisition de Wardair en 1989.
Pour sa part, Air Canada a consolidé sa position en devenant une compagnie privée en 1988, ce qui lui a permis de concurrencer les autres transporteurs sans la contrainte imposée à une société d'État de faire approuver ses plans d'entreprise et financiers par le gouvernement. Elle a aussi acquis des transporteurs régionaux, renforçant ainsi sa position.
De cette évolution découle un duopole qui contrôle entre 75 et 85 p. 100 du trafic aérien intérieur. En outre, Air Canada et Canadien se sont elles-mêmes alliées à des compagnies étrangères : Air Canada fait partie de l'alliance Star, et Canadien, de oneworld. Les alliances entre compagnies aériennes ajoutent un élément de concurrence majeur dans le transport aérien mondial puisqu'elles permettent d'augmenter leur efficacité et leur portée, et d'améliorer le service. Les transporteurs aériens profitent de l'accroissement du trafic et des recettes, et de la baisse des coûts. Être membre d'une alliance mondiale permet d'améliorer la productivité des éléments d'actif servant aux vols grâce au partage des codes, aux accords intercompagnies et à la reconnaissance du nom de marque, en plus d'améliorer le rendement des autres éléments d'actif grâce à d'autres mises en commun; celles-ci comprennent habituellement l'occupation de locaux contigus qui permet de partager les portes d'embarquement, le traitement des bagages, le matériel de manutention au sol, les comptoirs de billets et les services des ventes. Les transporteurs gardent leur identité, leur caractère national et leur présence sur le marché tout en profitant d'une présence sur un marché étranger à un prix relativement bas.
Les compagnies aériennes étaient libres de se faire concurrence, mais de nombreux témoins ont dit que ce duopole a mené à une concurrence destructive qui s'est révélée malsaine pour les deux transporteurs et pour les consommateurs. Plutôt que d'en arriver à un équilibre stable, les compagnies ont plutôt choisi de se livrer une lutte sans merci même là où le trafic était insuffisant pour les deux, et le résultat est que Canadien connaît de graves difficultés financières alors qu'Air Canada n'a pas réalisé la rentabilité ou la valeur d'action qui auraient pu être siennes si la concurrence n'avait pas été aussi intense entre les deux transporteurs.
L'été dernier, Canadien a reconnu être en situation financière précaire et ne pas disposer des ressources nécessaires pour fonctionner de façon autonome pendant bien longtemps encore. Reconnaissant ses difficultés financières, au début de 1999, la compagnie a pressenti Air Canada pour discuter d'une « fusion amicale ». Il y a eu entente de principe sur plusieurs conditions, mais les pourparlers n'ont pas abouti.
Comme Canadien continuait de connaître des difficultés financières, le 13 août 1999, le gouverneur en conseil a émis un décret, en vertu de l'article 47 de la Loi sur les transports au Canada, qui modifie les règles de concurrence afin de permettre des projets de restructuration. Cette mesure extraordinaire a conduit bien des gens à réexaminer le secteur canadien du transport aérien, et à considérer les pertes d'emplois, l'accroissement des tarifs, la perte de la valeur des actions et les opérations de sauvetage qui ont touché chacun des gros transporteurs depuis la déréglementation.
Certes, le Comité est bien au fait de la situation financière de Canadien et du fait que de nombreux intervenants du secteur considèrent que « le statu quo n'est pas une option »; cependant, certains témoins ont affirmé que si un transporteur a des difficultés, l'industrie, dans son ensemble, est relativement saine. Il est normal, dans un marché concurrentiel, que certaines compagnies réussissent alors que d'autres échouent. En fait, bien des témoins nous ont dit que l'industrie fonctionne assez bien, en général, étant donné la petitesse du marché canadien et l'immensité de notre territoire.
Le Comité est d'avis que, quelle que soit la santé générale de l'industrie canadienne du transport aérien, nous pourrions avoir une industrie bien différente dans un proche avenir. Dans ce contexte, le temps joue contre nous. Il faut rapidement mettre en place des outils et un cadre stratégique pour composer avec l'apparition éventuelle d'un transporteur dominant et les répercussions que cela aurait sur le secteur, ses employés, les consommateurs et les collectivités partout au Canada.
Par conséquent, le Comité permanent des transports de la Chambre des communes a entrepris une étude pour examiner le cadre à instaurer face à une industrie restructurée du transport aérien au Canada. Dans cette démarche, le ministre des Transports a notamment demandé au Comité d'examiner les questions suivantes :
- Faut-il relever le plafond de 10 p. 100 visant la propriété individuelle des actions avec droit de vote d'Air Canada?
- Quelle est la façon la plus efficace de favoriser la concurrence?
- Comment établir les prix?
- Comment maintenir le service dans les petites localités?
- Quels sont les engagements des transporteurs aériens, en particulier envers les employés?
- Comment contrôler un marché dominé par un seul transporteur?
Dans une large mesure, ces questions correspondent à la Politique-cadre pour la restructuration du transport aérien au Canada1 qui traite : de propriété et de contrôle des transporteurs canadiens; de promotion de la concurrence; de prix accessibles; de la desserte des petites localités éloignées; de sensibilité aux droits et aux préoccupations des employés.
Dans ce rapport, le Comité traite de ces questions et d'autres dans l'espoir que ses résultats et ses recommandations guideront les actions futures du gouvernement. En particulier, nous centrons notre attention sur le double objectif de favoriser la concurrence et de protéger l'intérêt du public, ce qui comprend l'impact de la restructuration de l'industrie du transport aérien sur le public voyageur, les employés des transporteurs et la population des petites localités éloignées.
Même si nos propos portent avant tout sur un marché dominé par un seul transporteur, nous estimons qu'il ne faut pas exclure la possibilité que Canadien se restructure en obtenant les ressources financières qui lui font défaut ou en se rétablissant d'une autre façon. Certains témoins désirent que l'industrie aérienne continue d'être caractérisée par plus d'un transporteur national fonctionnant dans un marché concurrentiel. Nous estimons que si Canadien cessait de fonctionner malgré les efforts actuels pour la sauver, les recommandations formulées dans ce rapport déboucheraient sur le marché concurrentiel nécessaire pour l'apparition d'autres transporteurs capables de livrer concurrence sur le marché national et international.
Le Bureau de la concurrence a affirmé que « si un transporteur dominant surgit de ce processus, il en résulterait d'importantes préoccupations en matière de concurrence sur la plupart des marchés intérieurs de passagers »2. Selon cette opinion, « la restructuration doit nécessairement se faire dans le cadre actuel touchant la propriété et le contrôle des transporteurs canadiens »3. On s'attend à une réduction de la capacité, ce qui peut déboucher sur une hausse de prix, une baisse du service, un accès plus difficile des clients aux vols ainsi que sur des conséquences négatives pour les aéroports financièrement vulnérables. Le ministre des Transports, dans la Politique-cadre pour la restructuration de l'industrie du transport aérien au Canada émanant de son ministère, identifie la promotion de la concurrence comme un élément clé, estimant qu'il faut agir dans plusieurs domaines pour faire en sorte que le marché où un transporteur serait dominant soit le plus concurrentiel possible. Le cadre approprié donnera aux transporteurs existants et nouveaux l'environnement nécessaire pour établir et maintenir un service concurrentiel, ce qui sera à l'avantage du public voyageur, des employés des compagnies aériennes et des collectivités dans l'ensemble du Canada.
De nombreux témoins conviennent qu'il existe deux options : adopter une nouvelle réglementation ou éliminer les obstacles à la pleine participation sur le marché des transporteurs nouveaux et existants. La plupart des témoins qui ont comparu devant nous s'opposent à une nouvelle réglementation. D'autres, cependant, présentent la déréglementation de l'industrie comme un échec, et exhortent le gouvernement à réglementer à nouveau. Plutôt que de revenir à un marché strictement réglementé, le Comité estime que la façonla plus viable de favoriser la concurrence et de protéger l'intérêt du public est de supprimer ces obstacles à la participation dans le marché ou encore de les abaisser sensiblement. À cette fin, nous formulerons plusieurs recommandations destinées à les réduire. Nous nous pencherons en particulier sur les pratiques d'éviction, les plafonds de propriété, les créneaux, installations aéroportuaires et questions connexes, les accords intercompagnies et le partage des codes, le désaisissement des transporteurs régionaux affiliés, le cabotage réciproque, les transporteurs limités au marché canadien, la sixième liberté modifiée et les exploitants de charters.
Les obstacles à l'entrée4 sont créés de diverses façons par les gouvernements ou les transporteurs eux-mêmes. Pour créer le milieu concurrentiel le meilleur possible, il faut explorer les deux types d'obstacles.
Le Bureau de la concurrence, dans sa lettre au ministre des Transports, signale cependant que « les politiques du gouvernement concernant la propriété étrangère et le cabotage [...] constituent les plus grandes entraves réglementaires à l'accès à l'industrie », et suggère au gouvernement « de les revoir si un transporteur dominant émergeait ». Le Comité appuie le Bureau de la concurrence à cet égard.
Le Comité estime que les obstacles à l'entrée doivent être supprimés le plus possible. À défaut de cela, on pourrait empêcher l'apparition de nouveaux transporteurs ainsi que l'expansion des transporteurs existants. Nous sommes convaincus que, s'il convient d'éviter une nouvelle réglementation, il faut néanmoins un marché concurrentiel. L'élimination des barrières d'entrée est essentielle sur ce marché. À notre avis, il faut profiter de toutes les occasions qui se présentent pour promouvoir et créer la concurrence; cela, en retour, profitera au public voyageur.
Dans la Politique-cadre pour la restructuration de l'industrie du transport aérien présentée au Comité, le ministre des Transports affirme que les pratiques d'éviction constituent un problème qu'il faut régler dans le contexte de la promotion de la concurrence. La Politique-cadre indique en particulier que « les petits transporteurs et les nouveaux venus pourraient être vulnérables à des attaques excessivement agressives de la part d'une grosse compagnie établie ». Face à cette situation, le gouvernement s'assurera de disposer de mesures efficaces pour combattre les pratiques d'éviction dans le transport aérien. La Politique-cadre indique qu'il peut s'agir d'une loi, de façon à pouvoir intervenir rapidement pour empêcher cette pratique.
Dans sa lettre au ministre des Transports, le Bureau de la concurrence note que « le comportement d'éviction vise à éliminer ou à mettre au pas un concurrent, ou à décourager l'arrivée future de nouveaux concurrents, et va au-delà d'une réaction concurrentielle normale ». Même si les pratiques d'éviction sont déjà visées par deux dispositions de la Loi sur la concurrence, le Bureau de la concurrence recommande qu'on modifie cette loi pour qu'elle traite des pratiques d'éviction propres au transport aérien, en précisant les actes et les comportements constituant un acte anticoncurrentiel, et autorise des mesures de cessation provisoires dans certaines circonstances.
Plusieurs témoins du Comité ont parlé des pratiques d'éviction. Certains ont traité surtout des prix, de la situation où un transporteur coupe les prix pour nuire aux concurrents ou offre des tarifs égaux en ajoutant de la capacité. D'autres soulignent que les pratiques d'éviction peuvent également prendre d'autres formes : augmentation excessive de la capacité, dédoublement des routes, vente en deçà des coûts variables, modification des programmes de fidélisation des grands voyageurs et restriction de l'accès aux installations aéroportuaires. Selon certains témoins, la définition de « pratique d'éviction » doit être suffisamment large pour couvrir tous les comportements de ce type. On a également évoqué des changements à la Loi sur la concurrence afin de viser en propre les pratiques d'éviction et les pratiques anticoncurrentielles dans le transport aérien.
Le Comité estime que les pratiques d'éviction constituent un obstacle à l'entrée sur le marché et qu'il faut s'y attarder. Il exhorte le gouvernement à examiner de quelle façon cette pratique est définie et contrôlée dans d'autres pays. Si l'on permettait à un transporteur dominant de se livrer à des pratiques d'éviction, cela porterait gravement atteinte à la concurrence dans l'industrie du transport aérien; l'ensemble de l'industrie et le public voyageur, les employés des compagnies aériennes et les collectivités de l'ensemble du Canada en souffriraient.
Dans ce contexte, le Comité recommande :
1. Que la Loi sur la concurrence soit modifiée pour qu'on y définisse les « pratiques d'éviction » dans le contexte du transport aérien et qu'on donne au gouverneur en conseil le pouvoir de préciser, par règlement, les actes ou comportements anticoncurrentiels des transporteurs.
2. Que la Loi sur la concurrence soit modifiée pour donner au commissaire de la concurrence le pouvoir d'émettre des ordonnances temporaires de cessation en cas de pratiques d'éviction dans l'industrie du transport aérien. Cette mesure ne devrait être prise qu'après consultation avec l'Office des transports du Canada.
3. Que le gouvernement exige, comme condition d'approbation, qu'un transporteur dominant ne se livre pas à des pratiques d'éviction. Toute mesure d'éviction prise par la suite par le transporteur dominant devrait faire l'objet de sanctions.
Pour bien des Canadiens, la propriété et le contrôle des transporteurs aériens du pays sont très importants. À cause de la géographie et de la répartition de la population du Canada, l'industrie du transport aérien joue un rôle essentiel dans la croissance et la prospérité économiques du pays et contribue grandement à son tissu social. Il n'est donc pas étonnant qu'une des questions les plus délicates pour le Comité portait sur la propriété et le contrôle de nos compagnies aériennes.
En vertu de la Loi sur les transports au Canada (LTC), les transporteurs aériens qui ont des activités au Canada doivent être « contrôlés de fait par des Canadiens »; de plus, la loi prévoit un plafond de 25 p. 100 sur la propriété étrangère des actions votantes, même si le gouverneur en conseil peut augmenter par règlement ce pourcentage. Pour déterminer où s'exerce « de fait » le contrôle, l'Office des transports du Canada analyse les relations en matière de finances, de gestion et d'opérations.
En outre, la Loi sur Investissement Canada est pertinente et s'applique lorsqu'un même investisseur étranger veut acquérir une participation de plus de 33 1/3 p. 100 dans une entreprise canadienne. Cette loi permet aux actionnaires étrangers d'une entreprise canadienne de détenir jusqu'à 50 p. 100 de participation moins une action, pourvu que cette participation soit très diffuse et que le contrôle de la gestion demeure entre les mains d'actionnaires canadiens.
La Politique-cadre pour la restructuration de l'industrie du transport aérien présentée au Comité par le ministre des Transports affirme que ni le plafond des 25 p. 100 d'actions étrangères avec droit de vote ni l'exigence d'un contrôle effectif par des Canadiens ne seront modifiés. L'Office des transports du Canada continuera de jouer son rôle, qui est de veiller à ce que les transporteurs aériens nationaux demeurent la propriété et sous le contrôle de Canadiens.
La plupart des pays limitent la participation étrangère. Les contraintes de la loi canadienne visent à réserver les routes intérieures aux transporteurs aériens canadiens et à confier les routes internationales prévues dans les accords aériens bilatéraux à des transporteurs désignés canadiens qui sont contrôlés par des Canadiens.
Beaucoup de témoins ont parlé des limites de propriété et de leur effet sur la restructuration du transport aérien au Canada. Au sujet du plafond de propriété étrangère de 25 p. 100, bien des témoins ont dit qu'il s'agissait d'une mesure qui nuit à l'accès au marché parce que l'industrie a un grand besoin de financement et qu'il n'y a pas assez de capitaux au Canada pour permettre aux nouveaux venus d'être concurrentiels dans le marché ou aux transporteurs existants d'avoir accès à des capitaux pour développer leurs activités. Selon eux, le plafond pourrait être relevé, voire éliminé, sans perte de contrôle canadien de notre industrie du transport aérien.
D'autres témoins ont toutefois préconisé de ne pas modifier le plafond de propriété étrangère de 25 p. 100. Certains ont proposé d'offrir un accès suffisant au capital, et d'autres, de maintenir le statu quo pour limiter la participation étrangère dans des compagnies canadiennes.
Les discussions sur la propriété étrangère ont parfois débouché sur la question du contrôle étranger. À cet égard, le Comité a appris aussi qu'un contrôle étranger peut s'exercer par la voie de contrats de service et d'entretien et par des moyens autres qu'une participation sous forme d'actions. L'examen des questions de la propriété et du contrôle étrangers ne doit pas se limiter au seul point de vue de la participation; l'analyse doit porter sur un contexte plus large.
Le Comité a aussi entendu des témoignages au sujet des circonstances entourant les actuels pourparlers de fusion, Air Canada et Canadien recevant un appui financier des partenaires de leur alliance. Des témoins ont souligné que nos deux grands transporteurs dépendent étroitement de ces partenaires. Selon certains, ils sont en fait contrôlés dans une large mesure par les alliances.
Le Comité est bien conscient de la controverse qui entoure la participation étrangère. Il sait toutefois que les transporteurs canadiens évoluent dans un contexte mondial et ont besoin de nouveaux outils pour survivre. Comme il a déjà été mentionné, le Bureau de la concurrence a indiqué que la politique sur la propriété étrangère est un des plus grands obstacles à l'accès au marché et qu'il se peut que le gouvernement veuille revoir cette politique dans l'éventualité d'un transporteur dominant. Selon le Comité, un plafond plus haut éliminerait un obstacle important à l'accès au marché et favoriserait la concurrence sur le marché intérieur du transport aérien, étant donné surtout que le transport aérien est une industrie à fort apport en capitaux dont ont besoin les nouveaux venus et les transporteurs existants. De l'avis du Comité, relever le plafond de la propriété étrangère permettrait la présence au Canada de deux transporteurs nationaux concurrents au lieu d'un transporteur dominant.
Par conséquent, le Comité recommande :
4. Que le gouvernement relève à 49 p. 100 le plafond de participation étrangère dans les compagnies aériennes du Canada.
Le plafond de 10 p. 100 visant les actions avec droit de vote prévu dans la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada a aussi été au centre des délibérations du Comité. Lors de la privatisation d'Air Canada en 1988, ce plafond a été établi pour éviter qu'une même entité acquiert le contrôle de la compagnie et pour assurer une répartition diffuse des actions.
Conformément à la Politique-cadre pour la restructuration de l'industrie du transport aérien, le gouvernement est prêt à envisager de relever le plafond si une telle mesure devait contribuer à faire du transport aérien au Canada une industrie en santé, contrôlée par des Canadiens.
Des témoins ont dit au Comité qu'une structure qui limite rigoureusement la participation des actionnaires diminue l'influence que ces derniers peuvent exercer sur la direction d'une compagnie, alors que d'autres ont soutenu qu'il faut un plafond pour empêcher un même actionnaire d'exercer une influence indue sur la direction d'une compagnie. D'autres témoins ont souligné que certains pays exercent un contrôle sur la propriété étrangère dans les grandes compagnies aériennes, mais n'imposent pas en général de limite sur la participation individuelle de leurs citoyens. On a aussi dit au Comité que tout changement aux règles de propriété pourrait avoir des répercussions sur nos obligations aux termes de l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA).
Le Comité est d'avis que le plafond de participation de 10 p. 100 d'une même entité dans Air Canada n'est plus justifié. Air Canada est privatisée depuis plus de 10 ans et, depuis, elle a été active et concurrentielle sur les marchés tant intérieur qu'international. Relever ce plafond contribuerait sans doute à une meilleure gestion de la compagnie en permettant aux actionnaires d'exiger de la direction de rendre des comptes. De plus, un examen permettrait de mesurer les effets, positifs ou négatifs, qu'une hausse du plafond pourrait avoir sur le fonctionnement de la compagnie. Il est à noter que le Comité est convaincu qu'un changement au plafond de propriété dans l'industrie du transport aérien ne violerait aucunement nos obligations aux termes de l'ALENA.
Par conséquent, le Comité recommande :
5. Qu'on modifie la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada pour relever le plafond d'actions avec droit de vote qu'une entité peut détenir dans Air Canada de 10 à 20 p. 100 et qu'on procède, après deux ans, à un examen pour évaluer l'effet de ce changement sur le fonctionnement de la compagnie.
D. CRÉNEAUX, INSTALLATIONS AÉROPORTUAIRES ET QUESTIONS CONNEXES
Un créneau est une heure d'arrivée ou de départ prévue qui est mise à la disposition ou attribuée à une compagnie aérienne particulière à une date précise dans un aéroport. L'aéroport international Lester B. Pearson de Toronto est le seul aéroport canadien qui fonctionne actuellement à pleine capacité au chapitre des créneaux. À cet aéroport, ainsi qu'à d'autres dans le monde où les créneaux sont contrôlés, l'attribution se fait suivant un processus comprenant deux réunions internationales par année où les compagnies aériennes présentent leurs demandes de créneaux. Les coordonnateurs essaient, dans la mesure du possible, de satisfaire ces demandes. En ce moment, seul le protocole général de l'Association du transport aérien international (IATA) guide la répartition.
Le Bureau de la concurrence s'est penché sur la question des créneaux dans le contexte d'un transporteur dominant, conscient que, même si le débat porte surtout sur Pearson, des contraintes semblables pourraient se présenter un jour à d'autres aéroports. En particulier, le Bureau de la concurrence a recommandé au ministre des Transports que « le transporteur dominant cède, à la demande des autres transporteurs canadiens, un nombre suffisant de créneaux, relativement rapprochés des heures demandées, à Pearson et aux aéroports canadiens éprouvant des problèmes de créneaux afin qu'il en résulte une saine concurrence sur le marché intérieur. Les créneaux devraient ensuite être répartis selon les règles qu'établirait Transports Canada ». Le Bureau a aussi indiqué que « les créneaux dont dispose déjà une compagnie régionale affiliée qui aurait l'intention de s'établir comme transporteur indépendant du transporteur dominant devraient demeurer entre ses mains, plutôt qu'à Air Canada ou à Canadien. La compagnie affiliée aurait aussi sans doute besoin de créneaux supplémentaires ».
Les créneaux constituent certes un souci majeur dans l'industrie. Selon certains témoins, ce serait là le principal obstacle à l'entrée sur le marché si un transporteur dominant devait émerger. On a même avancé que l'obtention des créneaux était déjà problématique dans certains aéroports. Des transporteurs indépendants, des exploitants de charters et des compagnies régionales affiliées ont dit au Comité que si un transporteur dominant voyait le jour à la suite de la restructuration, il pourrait contrôler la majorité des créneaux de nos grands aéroports, ce qui bloquerait l'entrée des transporteurs existants et d'éventuels nouveaux venus, et porterait gravement atteinte à la concurrence. Pearson en est un bon exemple. De plus, le transporteur dominant pourrait accumuler des créneaux aux heures de pointe en y transférant des vols des heures creuses ou en y augmentant la fréquence de ses vols.
Des témoins ont suggéré qu'aucun transporteur, groupe ou alliance de transporteurs ne devrait pouvoir posséder ou contrôler plus de 65 p. 100 des créneaux de pistes disponibles à un aéroport canadien durant une période donnée de 15 minutes. Le Comité n'est pas en mesure d'affirmer catégoriquement quel devrait être le pourcentage, mais il croit que le gouvernement doit faire en sorte que les transporteurs existants et les nouveaux venus aient un accès raisonnable5 aux aéroports canadiens, tant par le nombre que par l'heure des créneaux accordés. Par ailleurs, un certain nombre de témoins ont préconisé l'adoption d'une politique d'utilisation obligatoire des créneaux selon laquelle toute compagnie aérienne ayant reçu des créneaux devrait les utiliser dans une période raisonnable ou les redonner pour qu'ils soient réattribués.
Le Comité convient que Transports Canada devrait établir des règles régissant la répartition des créneaux à Pearson et, au besoin, aux autres aéroports canadiens; il est conscient que le problème serait exacerbé dans le contexte d'un transporteur dominant. Ces règles devraient donner aux transporteurs autres que le dominant un accès aux créneaux qui soit propice à une véritable concurrence sur le marché intérieur. Nous croyons que le protocole de l'IATA, si utile soit-il, ne pourrait pas régler les problèmes de concurrence si un transporteur dominant devait résulter de la restructuration. Nous croyons, par ailleurs, que les administrations aéroportuaires devraient être consultées pendant l'élaboration des règles de répartition. Il va sans dire que l'obtention de créneaux raisonnables constituerait un facteur important pour stimuler la concurrence dans l'industrie du transport aérien.
Le Comité recommande par conséquent :
6. Que Transports Canada, après consultation des administrations aéroportuaires, établisse des règles de répartition des créneaux accordant aux nouveaux venus et aux transporteurs existants un accès raisonnable à Pearson et aux autres aéroports canadiens si le besoin se fait sentir. Les règles devraient contenir un principe d'utilisation obligatoire.
2. Installations aéroportuaires
La Politique-cadre pour la restructuration du transport aérien indique que, dans le contexte d'un transporteur dominant, « le gouvernement fera en sorte de répartir l'accès aux installations aéroportuaires de manière à permettre des services intérieurs concurrentiels ». Il se peut que le transporteur dominant doive pour cela « céder, en partie, son accès aux installations terminales afin que l'accès aux aéroports ne constitue pas une barrière d'entrée pour les concurrents réels ou potentiels ».
De son point de vue, le Bureau de la concurrence a demandé, dans sa lettre au ministre des Transports, « que le transporteur dominant cède aux administrations aéroportuaires, à des conditions raisonnables, les droits qu'il détient, sous bail ou licence, à l'égard d'installations qui pourraient être converties pour une utilisation commune, comme les portes et les passerelles d'embarquement, les comptoirs de billets, les systèmes de manutention des bagages et les écrans d'affichage des vols ». Il a aussi suggéré que le « gouvernement fédéral offre des incitatifs (p. ex., des baisses de loyer) pour encourager les administrations aéroportuaires à adopter cette recommandation ».
Le Comité est d'avis que les créneaux ne suffiraient pas à assurer le degré souhaité de concurrence. Ce qu'il faut pour livrer une concurrence efficace à un transporteur dominant, c'est garantir aux transporteurs nouveaux et existants qu'ils auront accès à la vaste gamme d'installations aéroportuaires.
Le Comité recommande par conséquent :
7. Que Transports Canada se serve de ses pouvoirs de locateur et prenne des mesures, telles des baisses de loyer, afin d'encourager les administrations aéroportuaires à adopter des politiques assurant aux nouveaux venus et aux transporteurs existants un accès raisonnable aux installations.
3. Systèmes informatisés de réservation
Les deux principaux systèmes informatisés de réservation (SIR) utilisés dans l'industrie du transport aérien sont Gemini et Sabre - le premier étant utilisé par Air Canada et le second par Canadien. Ces systèmes constituent un élément capital de la vente et de la distribution des billets d'avion. Lorsqu'ils ont été créés, les compagnies aériennes ont structuré les écrans de manière à mettre en évidence leurs vols aux dépens de ceux de leurs concurrents. Devant le problème, certains pays, dont le Canada, ont institué des règles pour éliminer ou réduire le risque d'utilisation anticoncurrentielle des systèmes.
Néanmoins, dans son analyse du contexte d'un transporteur dominant, le Bureau de la concurrence a indiqué que d'autres améliorations pouvaient être apportées. Il cite, par exemple, le cas d'un nouveau venu qui desservirait seulement un petit réseau ou offrirait un service de point à point. À l'écran, ses correspondances interlignes ne recevront pas une priorité aussi élevée que les correspondances intracompagnies du transporteur dominant; il en sera ainsi même si la correspondance interligne a un temps de voyage moins long.
Le Bureau de la concurrence a aussi relevé le cas de l'affichage multiple du même vol en raison du partage des codes par les partenaires d'une alliance; il en résulte une pratique appelée « bourrage d'écran ». Ainsi, un vol partant de Charlottetown, Île-du-Prince-Édouard, pour Rome, en Italie, pourrait constituer deux correspondances intracompagnies ainsi qu'une ou plusieurs correspondances interlignes. Ces affichages multiples relégueront souvent les options de voyage concurrentes à des écrans secondaires.
Le Bureau de la concurrence a aussi signalé que les SIR donnaient à tous les transporteurs des données très détaillées sur les ventes de chacun. Cela permettrait à un transporteur dominant d'avoir accès à des renseignements de vente sur les transporteurs nouveaux et existants et de causer plus facilement du tort à ses concurrents. Ce degré d'accès à l'information sur les concurrents est unique.
Les recommandations faites par le Bureau de la concurrence ont porté sur le partage de codes obligatoire, sur l'obligation de ne pas afficher le même vol plus de deux fois et sur les restrictions imposées à la vente ou à l'acquisition de données de réservation dans certaines circonstances.
Le Comité croit que le transporteur dominant ne doit pas avoir accès à des renseignements détaillés de vente sur les transporteurs nouveaux ou existants. Il faut interdire l'accès aux renseignements pouvant être considérés comme confidentiels, exclusifs ou préjudiciables étant donné que le transporteur dominant pourrait s'en servir d'une manière anticoncurrentielle.
Le Comité recommande par conséquent :
8. Que le gouvernement examine les règles du Système informatisé de réservation (SIR) pour faire disparaître les pratiques anticoncurrentielles et garantir la non-divulgation des données du SIR qui sont de nature commerciale et concurrentielle.
4. Programmes de fidélisation des grands voyageurs
De nombreux témoins ont parlé des programmes destinés aux grands voyageurs, d'une manière générale ou comme obstacle à l'entrée sur le marché. La question a été abordée par le Bureau de la concurrence dans sa lettre au ministre des Transports, où il recommande notamment que « les nouveaux venus puissent racheter des points du régime du transporteur dominant destiné aux grands voyageurs, et ce, au plus bas des prix suivants : le coût pour la société mère ou le coût de transfert interne à un transporteur affilié ». De plus, selon la recommandation, « les points seraient accordés par les nouveaux venus sur tous leurs vols intérieurs ainsi que sur les routes transfrontalières et internationales si une analyse de la concurrence, menée au moment de la restructuration, révélait une concurrence insuffisante sur ces routes ». Le Bureau recommande en outre que « les points accordés par les nouveaux venus soient assortis des mêmes droits et privilèges que ceux accordés par le transporteur dominant ».
Le Comité estime que les programmes de fidélisation des grands voyageurs constituent un outil de vente important pour les transporteurs aériens. Depuis leur création, ces programmes ont été avantageux, particulièrement pour les voyageurs d'affaires. Nous sommes d'avis que toute entente conclue entre des compagnies régionales affiliées ou d'autres transporteurs avec un transporteur national, au sujet d'un programme pour grands voyageurs, doit être préservée dans le contexte d'un transporteur dominant.
De plus, le Comité est d'avis qu'un transporteur dominant pourrait se servir de son programme pour grands voyageurs comme barrière d'entrée. Nous pensons pour cette raison que les transporteurs nouveaux et existants devraient être autorisés à participer au programme du transporteur dominant moyennant paiement. En permettant l'accès au programme de fidélisation des grands voyageurs du transporteur dominant, on contribuerait à la fois à stimuler la concurrence et à protéger l'intérêt public.
Le Comité recommande par conséquent :
9. Que le gouvernement exige, comme condition d'approbation, que le transporteur dominant honore tous les points accordés aux grands voyageurs par ses compagnies affiliées, les transporteurs avec lesquels il a déjà conclu une entente à cet égard, et toute société aérienne qu'il acquiert ou avec laquelle il fusionne. Il faudrait en outre exiger, comme condition d'approbation, que le transporteur dominant permette à ces transporteurs de participer à son programme de fidélisation des grands voyageurs.
10. Que le gouvernement exige, comme condition d'approbation, que le transporteur dominant permette aux nouveaux venus et aux transporteurs existants de racheter des points de son programme pour grands voyageurs.
Les témoins ont fait brièvement mention de la vente des avions excédentaires qui aurait vraisemblablement lieu si la restructuration de l'industrie du transport aérien donnait naissance à un transporteur dominant. Le Bureau de la concurrence a recommandé au ministre des Transports que « le transporteur dominant offre de transférer, dans une période raisonnable après la restructuration ainsi qu'à des conditions raisonnables, tous les avions excédentaires, dont il serait propriétaire ou locataire, à toutes les parties intéressées sur le marché intérieur avant de les vendre à l'étranger ou de les remiser. »
Le Comité craint qu'en l'absence d'une condition l'obligeant à faire autrement, le transporteur dominant ne conserve ces avions excédentaires ou ne les vende à l'extérieur du Canada, créant ainsi un obstacle pour les nouveaux venus et les transporteurs existants.
Le Comité recommande par conséquent :
11. Que, comme condition d'approbation, le gouvernement oblige un transporteur dominant à offrir de transférer les avions excédentaires dont il est propriétaire ou locataire aux parties intéressées sur le marché intérieur. L'offre devrait être faite suivant des conditions raisonnables, dans un délai raisonnable après la restructuration et avant de les vendre à l'étranger ou de les remiser. Dans l'éventualité où un transporteur dominant et une partie intéressée ne parviendraient pas à s'entendre, l'Office des transports du Canada devrait évaluer ce qui est raisonnable.
E. ACCORDS INTERCOMPAGNIES ET PARTAGE DES CODES
Les accords intercompagnies sont conclus entre deux transporteurs qui, pour faciliter les correspondances, s'entendent pour fixer le prix global d'un billet à un taux inférieur à celui de deux billets achetés séparément. Les transporteurs facilitent également la manutention des bagages et le traitement des billets en transit. Le Bureau de la concurrence a accordé une attention particulière aux accords intercompagnies et a recommandé « que le transporteur dominant soit tenu de négocier des accords intercompagnies, à des conditions commerciales raisonnables, avec tous les nouveaux venus du marché intérieur qui le désirent ». Notons que, dans sa lettre au ministre des Transports, le Bureau de la concurrence a utilisé le terme « nouveau venu » pour désigner à la fois les transporteurs canadiens nouveaux et existants, autres que Air Canada et Canadien.
Les transporteurs régionaux et indépendants et les exploitants de charters ont dit au Comité que, si un transporteur dominant voyait le jour, ils devront pouvoir signer des accords intercompagnies pour être concurrentiels. En l'absence de tels accords, alors qu'ils pourraient transporter des voyageurs de Thompson à Winnipeg puis les envoyer par un transporteur dominant jusqu'à Hong Kong, le coût risquerait d'être prohibitif parce que les prix des deux billets s'additionneraient.
Le Comité estime que les ententes intercompagnies entre un transporteur dominant et des transporteurs nouveaux ou existants favoriseraient l'environnement concurrentiel requis pour bien protéger l'intérêt du public et assurer un service sans coupure.
Le Comité recommande par conséquent :
12. Que, comme condition d'approbation, le gouvernement oblige le transporteur dominant à négocier des accords intercompagnies à des conditions justes et raisonnables sur le plan commercial avec tous les nouveaux venus et les transporteurs existants qui le désirent sur le marché intérieur.
Le partage des codes est l'utilisation par un transporteur aérien du code de désignation d'un autre transporteur dans les systèmes informatisés de réservation, les horaires et les billets. Cette pratique s'inscrit dans le prolongement de l'accord intercompagnies et permet aux transporteurs de mieux vendre leurs services parce que les vols à codes partagés sont considérés comme continus.
Tout comme les accords intercompagnies, cette question a été abordée par le Bureau de la concurrence dans sa lettre au ministre des Transports. Il a notamment recommandé que « les nouveaux venus puissent placer leurs codes sur les vols pour lesquels ils ont signé un accord intercompagnies avec le transporteur dominant ».
Des témoins nous ont dit qu'ils jugent essentiel que les nouveaux venus et les transporteurs existants puissent conclure des ententes de partage des codes avec un transporteur dominant. Dans l'ensemble, ils considèrent le partage des codes et les accords intercompagnies comme deux exigences parallèles.
Le Comité est du même avis. Sans le partage des codes, les nouveaux venus et les transporteurs existants ne pourraient pas livrer une concurrence efficace. Cette pratique est essentielle au développement d'un transport aérien concurrentiel au pays, et elle devrait être imposée à un transporteur dominant avant que la nouvelle structure ne soit autorisée.
Dans ce contexte, le Comité recommande :
13. Que, comme condition d'approbation, le gouvernement oblige un transporteur dominant à partager les codes avec les nouveaux venus et les transporteurs existants avec lesquels il a signé des accords intercompagnies.
F. DESSAISISSEMENT DES TRANSPORTEURS RÉGIONAUX AFFILIÉS
De l'avis du Bureau de la concurrence, « le dessaisissement de quelques-uns ou de tous les affiliés régionaux du transporteur dominant pourrait ajouter un élément de concurrence sur les marchés intérieurs ». L'idée n'a toutefois pas fait l'objet d'une recommandation parce qu'il aurait fallu « effectuer un examen complet du fusionnement avant de le recommander comme mesure corrective ». Dans la mesure où le dessaisissement est possible et donnerait lieu à une concurrence viable, le Bureau signale quatre points requérant l'attention du gouvernement :
- les transporteurs régionaux ne font pas concurrence à la société mère, mais desservent plutôt les marchés local et régional;
- étant donné que le succès des transporteurs régionaux dépend du trafic d'apport qu'ils reçoivent du transporteur principal et lui envoient, des accords intercompagnies et des ententes de partage des codes entre le transporteur dominant et la ligne aérienne dessaisie devraient être obligatoires;
- les transporteurs régionaux dépendent de la société mère sur les plans financier et opérationnel;
- les transporteurs régionaux profitent de l'achat en gros de certains articles par la société mère et aussi des avantages de son programme de fidélisation des grands voyageurs.
Le Bureau de la concurrence a recommandé l'imposition des conditions suivantes dans l'éventualité où le dessaisissement des transporteurs régionaux serait nécessaire :
- un transporteur régional dessaisi serait affranchi, par le transporteur dominant, de toutes les restrictions à sa capacité de livrer concurrence;
- le transporteur dominant serait obligé de conclure des ententes intercompagnies et des accords de partage des codes avec toute compagnie aérienne régionale dessaisie, à des conditions raisonnables;
- le transporteur dominant serait obligé de transférer à la compagnie aérienne régionale dessaisie, à des conditions raisonnables, des créneaux, des portes d'embarquement, des comptoirs et d'autres installations comparables à celles dont elle profite actuellement;
- le transporteur dominant accorderait à toute compagnie aérienne régionale dessaisie le même niveau de services financiers et opérationnels que celui présentement fourni, pendant une période transitoire raisonnable et à un prix tout aussi avantageux que celui des services déjà offerts aux compagnies régionales ou aux transporteurs affiliés restants, le plus bas prix étant retenu.
Les témoins qui ont traité du dessaisissement des filiales régionales ont insisté sur l'importance, pour le transporteur dominant, de posséder un réseau d'apport solide et efficace, que ce soit en étant propriétaire ou en signant des ententes commerciales. Toutefois, ils différaient d'opinion sur la question de savoir si un transporteur dominant devait se départir de ses transporteurs affiliés régionaux. De l'avis de certains, les transporteurs affiliés régionaux sont nécessaires à deux égards : fournir du trafic d'apport et permettre le développement de nouvelles dessertes. D'autres, cependant, estiment que le maintien de la relation actuelle entre un transporteur devenu dominant et ses transporteurs affiliés régionaux entraverait la concurrence. Plusieurs témoins ont signalé le fait que les transporteurs affiliés régionaux et les gros transporteurs ont besoin les uns des autres.
Le Comité estime que le dessaisissement des filiales régionales pourrait accroître la concurrence. Conscient de la symbiose qui existe entre un transporteur national et ses filiales régionales, le Comité n'est cependant pas convaincu que le dessaisissement doive constituer une condition d'approbation; mais, la prudence est de mise dans ce domaine. On ne connaît pas les conséquences que pourrait subir un transporteur dominant s'il devait se départir de ses transporteurs affiliés régionaux et négocier l'équivalent d'un partenariat avec les transporteurs régionaux dessaisis ou d'autres pour coordonner les horaires et l'utilisation des installations. L'effet potentiel du dessaisissement sur les compagnies affiliées régionales est également imprécis. Il faut étudier davantage la question dans le contexte d'un examen exhaustif du fusionnement.
Pour cette raison, le Comité recommande :
14. Que le gouvernement demande au Bureau de la concurrence, dans le contexte d'un examen exhaustif du fusionnement, d'étudier dans quelle mesure le dessaisissement des compagnies affiliées régionales favoriserait la concurrence dans l'industrie du transport aérien dans le contexte d'un transporteur dominant. Que, si l'étude révèle que la concurrence serait améliorée, le gouvernement oblige tout transporteur dominant, comme condition d'approbation, à procéder au dessaisissement.
Le ministre des Transports a donné au Bureau de la concurrence un mandat qui exclut l'examen du cabotage. Cependant, le Bureau a indiqué que la politique du gouvernement sur le cabotage, avec celle sur la propriété étrangère, constitue la plus importante entrave réglementaire à l'entrée dans l'industrie du transport aérien et il a ajouté que le gouvernement pourrait vouloir la réviser si un transporteur dominant venait à émerger.
Parmi les témoins qui ont traité du cabotage, certains ont insisté sur le fait qu'il doit être réciproque, d'autres envisageaient sans peine qu'il soit étendu unilatéralement, tandis que d'autres encore le refusaient carrément. Les premiers ont soutenu que si des transporteurs étrangers gagnaient accès aux marchés canadiens de cette façon, les transporteurs du Canada devraient avoir des droits analogues dans les pays étrangers. Les témoins favorables au cabotage unilatéral ont fait ressortir qu'au moins une partie des passagers aériens profiteraient de la concurrence accrue sur les circuits intérieurs et qu'ils ne devraient pas avoir à attendre l'issue de la négociation des droits réciproques qui pourrait durer longtemps.
Les opposants au cabotage ont allégué que de permettre aux transporteurs étrangers, surtout ceux américains, l'accès au marché intérieur pourrait nuire financièrement à certaines de nos compagnies aériennes. Ils ont soutenu que le cabotage augmenterait vraisemblablement la concurrence faite par les transporteurs étrangers sur les routes qui rapportent et où la concurrence joue déjà, sans cabotage.
Le Comité comprend les problèmes liés au cabotage. Malgré cela, il croit que le cabotage réciproque ouvrirait le marché à une plus grande concurrence intérieure, tout en permettant aux transporteurs canadiens de développer leurs marchés aux États-Unis. À l'instar des autres obstacles à l'entrée dont il a été question plus haut, le cabotage doit être envisagé comme un moyen viable d'encourager la concurrence au sein de l'aviation commerciale du Canada.
Dans ce contexte, le Comité recommande :
15. Que le gouvernement entame des négociations avec les États-Unis sur le cabotage réciproque. Cependant, il ne faudrait pas conclure d'entente avant que l'Office des transports du Canada, le Bureau de la concurrence et les comités parlementaires compétents aient fait l'examen complet du résultat des négociations.
H. TRANSPORTEURS LIMITÉS AU MARCHÉ INTÉRIEUR
Le Bureau de la concurrence est d'avis que la création de transporteurs limités au marché intérieur apporterait une bonne concurrence dans le scénario d'un transporteur dominant. En fait, selon lui, « la création de tels transporteurs limités au réseau canadien pourrait potentiellement contribuer à la concurrence sur le marché intérieur de façon plus efficace que toute autre recommandation » faite au ministre des Transports.
Par « transporteur limité au marché intérieur », le Bureau entend un transporteur dont la structure de propriété étrangère s'inspirerait du modèle australien. Selon ce modèle, qui exigerait de modifier la politique gouvernementale concernant la propriété et le contrôle, le transporteur ne pourrait desservir que les routes intérieures et pourrait être entièrement de propriété étrangère. Il emploierait des équipages canadiens, serait obligé de se conformer aux lois et règlements canadiens, et serait soumis aux mêmes conditions de concurrence que tout transporteur canadien exploitant le marché intérieur.
Selon le Bureau de la concurrence, ce modèle améliorerait l'accès aux capitaux étrangers pour financer les activités des transporteurs canadiens et permettrait d'associer les nouveaux arrivants à des exploitants étrangers chevronnés ayant l'expertise nécessaire pour concurrencer efficacement le transporteur dominant.
Le Comité a recueilli peu de témoignages au sujet de cette proposition, mais il croit qu'elle est valable pour augmenter la concurrence, voire pour empêcher qu'il y ait un transporteur dominant. Le modèle australien demande à être étudié pour déterminer s'il est applicable à la situation canadienne et quel cadre réglementaire ou stratégique il exigerait. Cet examen est particulièrement important, vu l'importance qu'accorde le Bureau de la concurrence à la proposition.
En conséquence, le Comité recommande :
16. Que le gouvernement examine s'il est viable d'autoriser des transporteurs limités au marché intérieur qui ne desserviraient que des routes intérieures au Canada.
Dans son rapport au ministre des Transports, le Bureau de la concurrence désigne l'exercice de la sixième liberté modifiée comme un moyen d'augmenter la concurrence intérieure dans l'éventualité où un transporteur dominant émergerait de la restructuration. Le droit de la sixième liberté est celui d'effectuer le transport d'un pays étranger à un autre pays étranger par l'intermédiaire du pays d'attache. Par exemple, un transporteur canadien pourrait prendre des passagers à Francfort et les amener à Detroit via Toronto. La sixième liberté modifiée proposée par le Bureau de la concurrence permettrait de prendre un passager dans un pays étranger et de le ramener dans ce pays par l'intermédiaire du pays d'attache. Par exemple, un transporteur américain pourrait prendre des passagers à Montréal et les amener à Vancouver via Chicago. Il est maintenant possible d'offrir ce service, mais il est impossible de le vendre, de le commercialiser ou de le faire paraître dans les systèmes informatisés de réservation des agents de voyage sur un seul billet.
Le Bureau de la concurrence a proposé qu'en permettant l'exercice de la sixième liberté modifiée, on amènera le transporteur dominant à faire preuve de discipline tarifaire qui profitera aux passagers, en particulier aux voyageurs d'affaires ayant besoin de services transcontinentaux. Le Bureau a recommandé que, suite à une restructuration, le ministre des Transports devrait immédiatement tenter de mettre en application, avec les États-Unis, les droits de la sixième liberté modifiée. Si la mise en application immédiate n'est pas possible, le ministre devrait accorder unilatéralement la sixième liberté modifiée dans un délai de deux ans, à moins de preuves indiscutables démontrant que de nouveaux venus et transporteurs existants imposent une concurrence réelle et une discipline tarifaire au transporteur dominant.
Le Comité est d'avis qu'une sixième liberté modifiée apporterait une certaine concurrence à un transporteur dominant, mais il prévient que les prix devraient être sensiblement inférieurs à ceux offerts par ce dernier pour attirer un trafic suffisant et donc susciter une « réelle » concurrence. Il faudrait que les désagréments et les retards que suppose le transit par une plaque tournante américaine soient compensés par des tarifs très inférieurs pour détourner une grande partie de la clientèle d'un transporteur dominant. Cela dit, le Comité pense que cette option mérite d'être approfondie. Les transporteurs pourraient être prêts à offrir des tarifs suffisamment bas pour donner un choix aux consommateurs, tout en imposant une discipline tarifaire à un transporteur dominant. Vu les grands bouleversements que vivra probablement le transport aérien au Canada dans un avenir rapproché, le gouvernement devrait saisir toutes les occasions d'étudier des propositions promettant une aviation commerciale plus forte et plus viable et offrant plus de choix aux consommateurs.
Dans ce contexte, le Comité recommande :
17. Que le gouvernement engage des négociations avec les États-Unis pour accorder la sixième liberté modifiée entre les deux pays, de façon à permettre de vendre, de commercialiser ou de faire paraître le service qui s'y rattache sur un seul billet.
Les services charters internationaux sont régis par une réglementation établie en 1978. Une nouvelle politique n'a pas encore été annoncée, mais le gouvernement a récemment revu cette réglementation. À l'heure actuelle, le Canada est signataire de plus de 60 accords bilatéraux de service aérien qui définissent quelles villes les transporteurs peuvent desservir, le nombre de transporteurs sur les routes, la fréquence du service ou le débit sur ces routes et l'approbation des prix. Certains accords sont très restrictifs, d'autres, plutôt libéraux.
Traitant de la réglementation des charters internationaux, le Bureau de la concurrence a indiqué qu'il faudrait éliminer la distinction entre « service aérien charter » et « service aérien régulier sur le marché international », comme il a été fait pour le marché intérieur. Il a indiqué que « le Canada devrait abolir les restrictions réglementaires actuelles reliées aux exigences de réservation anticipée, au séjour minimal, aux achats du voyage de retour, aux endroits de départ et de retour, aux prix minimaux et aux affrètements sans participation ».
Plusieurs témoins ont affirmé au Comité que les charters créeront une certaine concurrence dans le marché intérieur, en situation de transporteur dominant, pour autant que certains obstacles à leur pleine participation au marché soient éliminés. Leur capacité de faire bonne concurrence sur le marché intérieur est liée à leur succès sur le marché international. Dans cette optique, ont-ils soutenu, il faut modifier la réglementation des charters internationaux. Ils ont fait mention, en particulier, des recommandations soumises par les charters au ministre des Transports en septembre 1998.
Selon le Comité, il faut libéraliser les règles relatives aux charters internationaux. Leur réussite sur le marché international est cruciale pour qu'ils puissent soutenir la concurrence au pays. Il faut explorer tous les moyens possibles de contribuer à cette réussite afin d'en faire de meilleurs concurrents sur le marché intérieur. À cette fin, le Comité est d'avis qu'il faut réduire, autant que possible, la distinction entre « service charter » et « service régulier sur le marché international ». Ainsi, les charters internationaux du Canada pourraient participer au marché intérieur à leur avantage et à celui des voyageurs aériens du pays.
Dans ce contexte, le Comité recommande :
18. Que le gouvernement revoit sa politique des services charters internationaux en vue de réduire la distinction entre « service charter » et « service régulier ».
19. Que le gouvernement, en reconnaissance des restrictions que peuvent imposer les accords bilatéraux de service aérien international, abolisse notamment les restrictions réglementaires actuelles reliées aux exigences de réservation anticipée, au séjour minimal, aux achats du voyage de retour, aux endroits de départ et de retour, aux prix minimaux et aux affrètements sans participation.
PROTECTION DE L'INTÉRÊT DU PUBLIC
Dans le débat sur la restructuration du transport aérien canadien, les témoins revenaient constamment sur la façon dont les passagers canadiens, les employés des transporteurs canadiens et les résidents des petites localités éloignées du Canada seraient touchés. Ils citaient souvent, comme effets négatifs, des tarifs plus élevés, moins de sièges à prix réduit, des rabais moins généreux, une fréquence diminuée, un service de moindre qualité et des avantages réduits aux grands voyageurs. Le Comité est convaincu qu'une plus grande concurrence dans le secteur profitera aux consommateurs, aux employés des transporteurs et aux résidents des petites localités éloignées. Il croit aussi que des mesures de protection s'imposent.
Le cadre réglementaire actuel comporte certains éléments destinés à protéger les consommateurs. Par exemple, les nouveaux venus dans le secteur doivent réussir un test d'aptitude financière. Il s'agit de s'assurer qu'ils ont des fonds suffisants pour demeurer en activité durant la période de démarrage de trois mois sans tirer de recettes de la vente de billets. Cette exigence s'accompagne de l'interdiction de vendre des billets avant l'obtention de la licence, de façon que les préventes ne puissent servir à financer le démarrage.
Le Comité a reçu des témoignages sur les alliances entre transporteurs et sur la façon dont elles profitent à ceux-ci et aussi, ce qui est important, aux résidents des petites localités éloignées. Ces derniers bénéficient d'un accès à des réseaux internationaux plus larges et à des meilleurs prix. Les alliances peuvent desservir plus d'agglomérations, plus fréquemment et relativement « en douceur », les consommateurs demeurant dans le même réseau de transport sans avoir à passer d'un transporteur à un autre qui ne lui serait pas lié. Également avantageux sont les programmes réciproques pour grands voyageurs, les salles partagées, la coordination de la billetterie et de la manutention des bagages, les portes de correspondance bien situées et les horaires mieux concertés.
La protection de l'intérêt public est capitale pour le Comité. Il croit qu'encourager la concurrence est une dimension de la restructuration de l'aviation commerciale canadienne, mais qu'il faut aussi tenir compte de l'intérêt public. Pour cette raison, il formule des recommandations précises concernant la sécurité, le prix des billets, le service aux petites localités éloignées, les aéroports fragiles sur le plan financier, les employés des compagnies aériennes, les agents de voyage, le mode d'examen du regroupement des entreprises, les engagements d'un transporteur dominant et le processus de surveillance et d'examen.
Tout le monde se préoccupe de la sécurité du transport aérien - les passagers, les transporteurs, leurs employés et le gouvernement. En fait, dans la Politique-cadre pour la restructuration de l'industrie du transport aérien, le gouvernement juge capital de ne pas compromettre nos normes élevées de qualité et on y indique que « le gouvernement s'assurera que les normes de sécurité du Canada demeurent les plus rigoureuses au monde ».
Les facteurs de sécurité comprennent la présentation des informations concernant la sécurité en vol et d'autres renseignements utiles dans une langue bien comprise par les passagers; il y a donc des facteurs linguistiques. En reconnaissance du caractère fondamental de la dualité linguistique dans l'identité canadienne, la Politique-cadre indique que le gouvernement veillera à ce que la Loi sur les langues officielles continue de s'appliquer, dans le cas d'Air Canada ou de tout transporteur dominant, et à ce qu'elle soit effectivement respectée.
De nombreux témoins ont traité de la sécurité, notamment de la protection-incendie, des services d'urgence, du nombre d'employés et de la formation qui leur est donnée, et du besoin de bien communiquer les consignes de sécurité aux passagers. Plusieurs témoins ont fait mention de la dualité linguistique, certains recommandant que le gouvernement veille à ce que la Loi sur les langues officielles continue de s'appliquer en son entier à Air Canada ou à un éventuel transporteur dominant et que les sociétés affiliées régionales et autres filiales soient assujetties à certaines parties de la loi.
Le Comité sait que la question de l'application de la Loi sur les langues officielles aux sociétés affiliées d'Air Canada a été soumise à la Cour fédérale. Il estime que les facteurs linguistiques sont importants pour plusieurs raisons, notamment celle de la sécurité. Comme il ne faut pas compromettre la sécurité, il convient avec les témoins que les transporteurs aériens doivent prévoir un personnel suffisant sur les vols et que celui-ci doit être bien formé. Tout en étant persuadé que la sécurité constitue le premier impératif pour tous - le gouvernement, les transporteurs, leur personnel, les passagers et leurs familles et amis -, le Comité pense qu'il n'est pas mauvais, au contraire, de le rappeler régulièrement.
De plus, il espère que tous les transporteurs aériens, assujettis ou non à la Loi sur les langues officielles, reconnaîtront le profil linguistique de leur clientèle et offriront les consignes de sécurité et autres services dans les langues voulues.
Par conséquent, le Comité recommande :
20. Que, durant la restructuration du secteur et par la suite, conformément à son engagement d'assurer la plus grande sécurité possible dans le transport aérien, le gouvernement saisisse toutes les occasions d'affirmer que la sécurité constitue le premier impératif.
21. Que le gouvernement encourage tous les transporteurs aériens canadiens qui ne sont pas directement assujettis à la Loi sur les langues officielles à respecter l'esprit et l'objet de la loi là où la demande de services dans l'une ou l'autre des langues officielles du Canada est importante.
Dans la Politique-cadre pour la restructuration de l'industrie du transport aérien qu'il a présentée au Comité, le ministre des Transports souligne que les Canadiens et le gouvernement se préoccupent de l'évolution des prix. Le ministre des Transports a dit au Comité que, « même si le meilleur moyen d'obtenir des prix raisonnables consiste à maintenir un marché de services de transport aérien concurrentiel, il admet que la concurrence peut ne pas exercer un contrôle suffisant sur les prix dans tous les cas ». Selon la Politique-cadre, le gouvernement examinera l'article 66 de la Loi sur les transports au Canada et « exigera, durant la restructuration, des engagements sur les prix de la part du transporteur dominant et envisagera d'ajouter des conditions à l'approbation de la restructuration ».
L'article 66 de la Loi sur les transports au Canada permet à l'Office des transports du Canada, sur réception d'une plainte, de contrôler les prix de base sur les routes à monopole et d'ordonner de les baisser ou d'effectuer des remboursements lorsque possible. Il serait important de voir s'il convient d'élargir cet article pour viser d'autres types de prix et les routes où il n'y a pas monopole.
Le Bureau de la concurrence a abordé la question des prix dans sa lettre au ministre des Transports, en indiquant que « dans le contexte d'un transporteur dominant, il n'y a pas de protection réglementaire efficace ».
Les témoins ont parlé du rythme auquel les prix ont augmenté, en faisant remarquer que le taux d'augmentation avait dépassé celui de l'inflation. Beaucoup ont aussi mis en relief le fait que les déplacements vers les petites localités éloignées du Canada coûtaient cher. En fait, 90 p. 100 des passagers voyagent à tarif réduit, ce qui fait que l'article 66 de la Loi sur les transports au Canada ne les protège pas. De façon répétée, les témoins ont indiqué craindre que, dans un marché dominé par un transporteur, les prix deviennent prohibitifs pour certains Canadiens, surtout s'il n'y a pas de nouveaux venus.
Le Comité partage cette crainte et s'inquiète de l'effet qu'auraient des prix prohibitifs : pour les transporteurs, une réduction du trafic; pour l'économie canadienne, une réduction des déplacements d'affaires; pour les passagers, moins de possibilités de rendre visite à la famille et aux amis et de voir d'autres régions du Canada; pour les petites localités éloignées, moins de développement économique et de liens avec le reste du Canada.
Le Comité ne souhaite pas mettre en péril la viabilité financière d'un transporteur dominant, mais il croit que les consommateurs et les résidents des petites localités éloignées doivent être assurés que les prix ne deviendront pas rapidement prohibitifs, et que cette assurance devrait prendre la forme d'une condition d'approbation d'un transporteur dominant.
Pour cette raison, le Comité recommande :
22. Que le gouvernement exige, comme condition d'approbation, que le transporteur dominant gèle les prix des billets et offre un nombre raisonnable de sièges à prix réduit. Cette exigence devrait s'appliquer durant deux ans.
23. Qu'on modifie la Loi sur les transports au Canada pour permettre à l'Office des transports du Canada d'approuver ou de rejeter toute hausse de tarifs demandée par un transporteur dominant.
24. Que, durant les deux ans de gel des tarifs, le transporteur dominant soit tenu de justifier toute demande d'augmentation de tarifs devant l'Office des transports du Canada. Les demandes ne seraient examinées que dans des circonstances exceptionnelles.
25. Que, une fois une augmentation approuvée, elle n'entre en vigueur qu'après 60 jours et que le montant en soit communiqué aux consommateurs.
C. SERVICES AUX PETITES LOCALITÉS ÉLOIGNÉES
Bien que le gouvernement soit convaincu que les transporteurs existants ou les nouveaux venus dans le secteur finiront par desservir les routes aériennes abandonnées, dans un environnement concurrentiel approprié, que ce soit par un grand transporteur ou par ses sociétés affiliées, il s'inquiète néanmoins des répercussions que l'existence d'un transporteur dominant aurait sur les petites localités éloignées.
Aux termes des articles 64 et 65 de la Loi sur les transports au Canada, le dernier et l'avant-dernier transporteurs qui cessent d'assurer un service intérieur doivent aviser de leur intention. Ainsi, la collectivité touchée et les autres transporteurs sont informés de l'imminence d'un nouveau débouché. Dans sa Politique-cadre, le gouvernement a fait savoir qu'il examinerait l'obligation faite aux transporteurs de donner un préavis lorsqu'ils arrêtent un service; le gouvernement « exigera également du transporteur dominant qu'il s'engage à desservir les petites localités pendant tout le processus de restructuration et envisagera la possibilité d'intégrer de nouvelles conditions à son approbation de la restructuration ».
Un certain nombre des témoins entendus par le Comité ont présenté leurs points de vue à propos des transporteurs régionaux, des charters et des transporteurs autonomes et du rôle que ces derniers devraient jouer et joueront lorsque le secteur du transport aérien sera restructuré. Selon bon nombre d'entre eux, la restructuration sera une occasion de réalignement, d'adaptation et d'expansion pour les transporteurs existants et sera propice à la venue de nouveaux transporteurs, à condition que les règles du jeu soient égales pour tous. Pour ce faire, il faudra se pencher sur bien des questions déjà soulevées auparavant dans l'optique de l'intensification de la concurrence (créneaux, installations aéroportuaires et pratiques d'éviction, tout particulièrement).
Les témoins ont également mis en lumière l'importance des transporteurs régionaux, charters et transporteurs autonomes dans le développement économique des petites localités éloignées, et en tant que liaison entre la population de ces localités et le reste du Canada. Certains ont fait mention de l'effet que pourrait avoir la restructuration sur les projets de développement économique mis en 9uvre par les peuples autochtones. La question des montants proportionnels a également été soulevée, certains témoins laissant entendre que les transporteurs aériens détenant une position monopolistique pour une route en particulier au Canada devraient offrir des montants proportionnels à tous les autres transporteurs, comme ils le feraient dans le cas des correspondances avec leurs propres services aériens.
Même si nous nous inquiétons pour le maintien, voire l'amélioration, des services destinés aux petites localités éloignées, nous n'estimons pas que les contribuables canadiens devraient subventionner ces services. De même, un transporteur dominant ne devrait pas, à nos yeux, être « forcé », à long terme, de continuer à assurer un service lorsque cela n'est pas rentable; autrement dit, un transporteur dominant ne devrait pas être contraint à l'interfinancement, c'est-à-dire à utiliser les profits réalisés sur les routes rentables pour essuyer les pertes liées aux routes déficitaires. Il nous semble que la solution serait de créer un contexte concurrentiel grâce auquel les nouveaux venus pourraient se faire une place, et les transporteurs régionaux, charters existants, et les transporteurs autonomes, prospérer.
En outre, le Comité se préoccupe des articles de la Loi sur les transports au Canada qui exigent un avis du dernier et de l'avant-dernier transporteurs qui quittent un marché intérieur. Selon nous, exiger un avis sans exiger aussi de continuer le service durant le délai d'avis est un non-sens. Néanmoins, nous pensons qu'il ne convient pas que le gouvernement oblige une entreprise privée, surtout en difficulté, autre qu'un transporteur dominant ou ses filiales, à continuer ou à entreprendre de desservir un marché. Les voyageurs aériens doivent être mieux protéger que par l'exigence de préavis prévu dans la Loi sur les transports au Canada; le Comité estime qu'ils ont droit à un préavis d'interruption de service. Il pense, en outre, que le service aux petites localités éloignées doit être assuré pendant un certain temps si un transporteur indépendant met fin à ses activités ou ne dessert que des routes particulières. Le Comité est d'avis qu'un transporteur dominant ou ses filiales devraient avoir l'obligation de servir ces collectivités pendant un certain temps. Il est à espérer que, durant cette période, un nouveau venu ou un transporteur existant offrira le service.
Dans ce contexte, le Comité recommande :
26. Que le gouvernement exige d'un transporteur dominant et de toute filiale en propriété exclusive, comme condition d'approbation, qu'ils continuent d'assurer le service existant aux petites localités éloignées pendant trois ans, malgré les articles 64 et 65 de la Loi sur les transports au Canada. Cette condition devrait s'appliquer pour la période de trois ans, sauf si un nouveau transporteur ou un transporteur existant fournit à ces localités, pour un prix raisonnable, un service de qualité analogue.
27. Que, dans le contexte d'un transporteur dominant, si un transporteur indépendant n'offre plus de services réguliers, le gouvernement exige du transporteur dominant qu'il desserve ces routes pendant un an.
28. Qu'on modifie la Loi sur les transports au Canada pour exiger que tous les transporteurs aériens donnent un préavis de 48 heures à l'Office des transports du Canada avant d'interrompre un service. L'Office devrait ensuite en informer le public et les aéroports touchés.
D. AÉROPORTS FRAGILES SUR LE PLAN FINANCIER
De nombreux témoins ont parlé au Comité de l'abandon par le gouvernement de la régie de l'infrastructure de l'aviation et de la navigation aérienne, des frais d'utilisation et des difficultés financières de certains aéroports. Beaucoup voient le transfert de responsabilités comme constructif, mais certains ont souligné les coûts accrus qu'il a imposé aux transporteurs et, en bout de ligne, aux consommateurs. Les témoins ont aussi relevé qu'il a fragilisé financièrement certains aéroports canadiens et certaines administrations aéroportuaires locales. Ils ont aussi fait mention du financement du Programme d'aide aux immobilisations aéroportuaires (PAIA), compte tenu surtout des investissements nécessaires à certains aéroports en conséquence du transfert de responsabilités. Il ont affirmé, en outre, que la modification de la politique officielle après ce transfert avait eu un impact, notamment sur le financement de services de protection-incendie et d'intervention d'urgence.
La question de la prestation des « services aériens essentiels » a aussi été soulevée concernant les aéroports financièrement fragiles. Certains pensent qu'une politique à l'égard des services essentiels exigerait un appui financier du gouvernement si le coût pour les assurer en serait autrement prohibitif; sans cela, les consommateurs et même toute une collectivité pourraient souffrir si un aéroport venait à fermer.
Le Comité trouve qu'il s'agit de considérations importantes. L'augmentation des coûts causée, entre autres, par la modification des frais d'utilisation des aéroports et des frais de navigation, se répercute éventuellement sur les consommateurs par la hausse des billets, la réduction du service, ou les deux à la fois. En outre, le Comité croit qu'on ne peut encourager avec succès un marché concurrentiel assurant les petites localités éloignées d'être desservies que s'il continue d'y avoir des aéroports.
Pour cette raison, le Comité recommande :
29. Que le gouvernement examine l'aide financière que peuvent obtenir les aéroports financièrement fragiles du Programme d'aide aux immobilisations aéroportuaires, et à quelles conditions, et qu'il évalue la possibilité de l'étendre aux coûts d'exploitation afin de soutenir la prestation des services aériens à ces aéroports. Le gouvernement devrait aussi examiner l'impact du transfert des responsabilités relatives aux aéroports et les moyens qui devraient servir à financer les services d'intervention d'urgence aux aéroports.
E. EMPLOYÉS DES TRANSPORTEURS AÉRIENS
Comme l'indique la Politique-cadre pour la restructuration de l'industrie du transport aérien, le gouvernement, conscient des craintes des employés des transporteurs aériens de perdre leur emploi ou d'être déplacés ou mis à pied par suite de la restructuration, « encouragera les discussions patronales-syndicales devant permettre d'en arriver à une entente qui satisfasse les deux parties et qui atténue les craintes des employés ». Dans le même ordre d'idées, pendant toute grande restructuration du secteur, il insistera pour que « les employés soient traités avec équité et exigera du transporteur dominant qu'il prenne des engagements à cet effet ».
On suppose que l'émergence d'un transporteur dominant réduira en bonne partie les chevauchements qui existent actuellement du fait que nos compagnies nationales desservent les mêmes routes, pratiquement au même moment, avec des avions où il reste des sièges vides. Il y aura donc nécessairement des conséquences sur le plan de l'emploi; en fait, si tel n'est pas le cas, un transporteur dominant se retrouvera avec une capacité excédentaire.
Compte tenu de cet état de fait, un certain nombre des témoins entendus ont exprimé leurs craintes relativement aux perspectives de mises à pied, de cessations d'emploi, de réinstallations, et de fusion des listes d'ancienneté et des conventions collectives. Opposés aux mises en chômage technique et aux réinstallations forcées, ils se sont plutôt dits en faveur de l'attrition, des incitations au départ à la retraite anticipée, des possibilités de départs volontaires, des programmes de congé autorisé et des mutations volontaires. Selon certains, l'État devrait aider les employés touchés par la restructuration, notamment les travailleurs déplacés, sous forme de soutien du revenu, de formation, d'aide à la recherche d'un emploi, d'aide à la réinstallation et d'accès prioritaire aux emplois dans le secteur du transport aérien. Il faudrait, à leur avis, que l'ensemble des contribuables, plutôt que les seuls utilisateurs des transports aériens, assument le coût de ces ajustements. Certains se sont aussi préoccupés de la protection des avantages sociaux, dont la retraite.
Bien que le Comité soit de tout c9ur avec les employés et leur famille qui risquent d'être touchés par la restructuration du secteur et par la venue d'un éventuel transporteur dominant, il n'est pas convaincu qu'un appui des contribuables devrait être exigé pour aider les employés des transporteurs aériens touchés par suite de la restructuration. Dans de nombreux secteurs, il arrive souvent que des employés soient mis à pied ou déplacés à l'occasion de fusions, d'acquisitions ou de fermetures; c'est alors l'entreprise concernée qui fournit l'aide, surtout s'il y a un syndicat, plutôt que les contribuables canadiens sous la forme d'une « aide spéciale ».
Dans ce contexte, le Comité recommande :
30. Que le gouvernement exige d'un transporteur dominant, comme condition d'approbation, qu'il accepte qu'il n'y aura ni perte d'emploi ni réinstallation forcée. Le transporteur devrait plutôt réduire les emplois uniquement par attrition et en encourageant les départs volontaires au moyen d'indemnité de retraite anticipée et autres incitatifs.
31. Que le gouvernement exige d'un transporteur dominant, comme condition d'approbation, qu'il s'entende avec les agents de négociation représentant les employés sur l'indemnité de retraite anticipée et autres incitatifs.
32. Que le gouvernement exige d'un transporteur dominant, comme condition d'approbation, qu'il s'entende avec les agents de négociation représentant les employés sur la protection de la retraite et d'autres avantages sociaux.
Les témoins ont également soulevé la question de la « fusion » des conventions collectives et, en particulier, des listes d'ancienneté que nécessiteraient peut-être la restructuration et la désignation d'« employeur commun ». Certains ont traité de la « clause de portée » inscrite dans la convention collective entre Air Canada et l'agent de négociation représentant les pilotes, en indiquant que cette clause est la plus restrictive de l'industrie et qu'elle contraint les transporteurs affiliés régionaux à utiliser des turbopropulsés de 70 sièges ou moins, sauf pour des services très limités. Les témoins ont indiqué de nombreuses routes où, selon eux, l'introduction de jets améliorerait le service aux petites localités pour un coût raisonnable.
Le Comité est conscient des efforts qu'ont déployés les transporteurs et les syndicats représentant les employés de ces compagnies lorsque des fusions se sont produites. Nous sommes également au fait des pouvoirs dont dispose le Conseil canadien des relations industrielles en matière de fusion des listes d'ancienneté. De plus, nous reconnaissons le souhait des affiliés régionaux d'avoir la latitude d'utiliser des jets; selon nous, cela offrirait aux localités un choix dont elles ne disposent pas actuellement. Nous croyons que l'élimination de la clause de portée ouvrirait des possibilités aux affiliés régionaux, à leurs pilotes et aux collectivités partout au Canada. À notre avis, les clauses de portée nuisent à la concurrence et ont pour effet de limiter la qualité du service dans certaines collectivités au Canada.
En conséquence, le Comité recommande :
33. Que les parties à une convention collective comportant une clause de portée retirent la clause dans leur prochaine ronde de négociations, reconnaissant ainsi que ces clauses nuisent à la concurrence et limitent la qualité du service dans certaines collectivités au Canada.
34. Que le gouvernement charge le Conseil canadien des relations industrielles de décider du sort de tous les cas exceptionnels concernant la désignation d'employeur commun dans l'industrie aérienne, en temps opportun, mais au plus tard le 31 janvier 2000.
Les agents de voyage sont responsables de plus de 75 p. 100 des ventes de billets par les lignes aériennes régulières au Canada et constituent de loin le plus important mécanisme de distribution pour les voyages en avion. Les compagnies aériennes paient aux agents de voyage des primes de base fondées sur un pourcentage fixe du prix de vente du billet jusqu'à concurrence d'un certain plafond. Elles versent également des primes additionnelles, appelées surprimes, aux agents de voyage qui atteignent certains objectifs de vente. Ces surprimes incitent les agents de voyage à faire affaire avec des transporteurs particuliers.
Dans sa lettre au ministre des Transports, le Bureau de la concurrence fait remarquer que « ces objectifs en matière de part de marché pourraient être fixés tellement haut que les surprimes créeraient un puissant effet d'exclusion », s'il existait un transporteur dominant. Pour régler ce problème, le Bureau de la concurrence a recommandé que, pour le marché intérieur seulement, « le transporteur dominant relie son système de rémunération des agents de voyage au volume des ventes seulement, sur une base linéaire, et ne le rattache pas directement ou indirectement à la loyauté des agents ».
Certains témoins ont dit s'inquiéter du fait que les compagnies aériennes ont accès aux renseignements concernant les agents de voyage, comme le nombre précis de réservations que chaque agent fait pour chaque transporteur et pour chaque route. Les agents de voyage prétendent que les compagnies aériennes se servent de ces données pour cibler les surprimes et autres encouragements, ce qui les place dans une position délicate lors des discussions sur leur niveau de rémunération.
Le Comité a également été frappé par l'incapacité des agents de voyage à faire front commun et à « négocier » des commissions avec les transporteurs aériens. Il estime que, par souci de justice, les agents de voyage devraient être autorisés à « négocier » collectivement de la sorte, bien qu'ils ne soient pas des « employés » au sens du Code canadien du travail.
Pour cette raison, le Comité recommande :
35. Que le gouvernement exige du transporteur dominant, comme condition d'approbation, qu'il lie la rémunération des agents de voyage uniquement au volume des ventes et sur une base linéaire.
36. Que le gouvernement envisage de modifier la Loi sur la concurrence de manière à permettre aux agents de voyage autorisés de « négocier » collectivement avec les transporteurs aériens ayant trait aux commissions.
G. EXAMEN DES FUSIONS OU ACQUISITIONS
Le Bureau de la concurrence examine actuellement l'ensemble des fusions envisagées pour s'assurer qu'elles n'aboutiront pas à une diminution sensible de la concurrence. Si tel était le cas, les entreprises en cause devraient satisfaire à certains critères visant à atténuer la perte de concurrence, et ainsi pouvoir aller de l'avant sans opposition du Bureau de la concurrence. En général, ces critères ont pour objet de faciliter l'accès des nouveaux concurrents au marché ou de permettre aux entreprises existantes de prendre de l'essor et de représenter une réelle concurrence.
Il est précisé dans la Politique-cadre pour la restructuration de l'industrie du transport aérien que le gouvernement a l'intention de présenter un projet de loi « pour autoriser le gouvernement à examiner et approuver toute proposition de restructuration et pour appliquer des conditions et prendre des règlements sur toutes les questions de politique découlant d'une restructuration possible de l'industrie du transport aérien ». Le gouvernement propose, dans la Politique-cadre, un processus d'examen, par trois instances, visant à bien protéger l'intérêt du public :
- « le Bureau de la concurrence examinera chaque proposition précise de fusion ou d'acquisition sur le plan de la concurrence;
- l'Office des transports du Canada examinera chaque proposition précise pour déterminer si elle satisfait aux exigences concernant la propriété et le contrôle contenues dans la loi; son mandat est d'examiner tous les aspects qui ont trait au contrôle, y compris toutes les transactions financières, les ententes de gestion et de service, les contrats, les accords avec les actionnaires et autres documents connexes;
- le ministre des Transports examinera tous les aspects de chaque proposition du point de vue des transports et de l'intérêt public et, compte tenu des résultats des examens du Bureau et de l'Office, assumera la responsabilité de la recommandation finale au gouverneur en conseil ».
Selon le plan du gouvernement, toute proposition de restructuration devrait être présentée simultanément au ministre des Transports, au Bureau de la concurrence et à l'Office des transports du Canada, qui devront tous trois examiner le projet aussi rapidement que possible en tenant compte de la santé financière des entreprises concernées. Si les exigences en matière de propriété et de contrôle ne sont pas respectées, la proposition sera rejetée; inversement, si l'Office des transports du Canada établit que ces exigences sont respectées, le processus pourra se poursuivre, et le ministre et le Bureau de la concurrence pourront intervenir.
En vertu de ce processus, l'approbation finale d'une fusion ou d'une acquisition incombera au gouverneur en conseil qui tiendra compte de la recommandation du ministre des Transports. Plus précisément, si l'Office des transports du Canada estime qu'une fusion ou une acquisition est compatible avec les exigences en matière de propriété et de contrôle canadiens, le ministre des Transports en recommandera l'approbation. Cette recommandation tiendra compte des mesures prises par le transporteur pour mettre en place les remèdes négociés avec le Bureau de la concurrence et respecter les conditions établies en matière d'objectifs d'intérêt public.
Le Comité soutient l'initiative du ministre des Transports relativement à cet examen des fusions ou acquisitions par trois organes gouvernementaux, conscient qu'un certain nombre d'organismes et de personnes ont un rôle à jouer dans le processus. Lorsqu'il rédigera son projet de loi, le gouvernement devra impérativement envisager un processus accéléré, mais complet, à appliquer exceptionnellement, pour que l'on puisse régler aussi rapidement que possible les situations comme celle qui nous préoccupe aujourd'hui. Cela permettra d'apaiser toutes les parties concernées, transporteurs aériens, employés, consommateurs et résidents des petites localités éloignées. De l'avis du Comité, il est nécessaire de prendre rapidement des décisions pour éviter des pertes et des perturbations qui, autrement, pourraient se produire.
Par conséquent, le Comité recommande :
37. Que, lorsqu'il rédigera son projet de loi portant sur un processus d'examen, par trois organes, des fusions ou acquisitions dans l'aviation commerciale, le gouvernement tienne compte de la nécessité d'élaborer des mécanismes de prise de décisions rapide dans les situations exceptionnelles.
H. ENGAGEMENTS PAR UN TRANSPORTEUR DOMINANT
Il n'est peut-être pas étonnant, dans un secteur aussi essentiel aux Canadiens et à l'économie que le transport aérien, que le gouvernement intervienne pour protéger l'intérêt du public. En fait, à plusieurs reprises au cours des audiences, on a dit au Comité que, si un transporteur dominant devait émerger à l'issue de la restructuration du secteur du transport aérien, il faudrait faire en sorte que celui-ci prenne des engagements pour assurer un certain degré de concurrence et sauvegarder l'intérêt du public.
Pour certains témoins, il est impératif qu'un transporteur dominant prenne ses engagements dès le départ, avant que le gouvernement ne donne son approbation. À défaut de tels engagements, il y aurait un manque de concurrence dans le secteur du transport aérien canadien, et les consommateurs ne pourraient bénéficier des avantages d'un marché concurrentiel, à savoir des prix bas, un choix de produits et un service de qualité.
En conséquence, le Comité estime qu'un transporteur dominant doit accepter de respecter les directives que nous avons proposées en vue de réduire les obstacles à l'entrée qu'il contrôle - créneaux, installations aéroportuaires, systèmes de réservation informatisés, programmes de grands voyageurs, accords intercompagnies, partage de codes, avions excédentaires, surprimes des agents de voyage et, de façon générale, toute forme de pratique d'éviction. Il est tout aussi important qu'un transporteur dominant accepte et mette en 9uvre nos recommandations destinées à protéger l'intérêt public, y compris celles touchant le prix des billets, le service aux petites localités éloignées et les employés des compagnies aériennes.
Il faut toutefois concilier la protection de l'intérêt public et le respect de la compétitivité d'un transporteur dominant sur les marchés intérieur et international. Même s'il convient qu'il faut imposer des conditions à un transporteur dominant ou lui demander de prendre des engagements, le Comité estime que le gouvernement devrait soigneusement examiner ces conditions et les coûts qu'elles supposent, en particulier si ces coûts sont cumulatifs ou interreliés, car il ne faudrait pas qu'ils nuisent à la compétitivité d'un transporteur dominant dans le marché mondial. À son avis, si ces conditions sont trop onéreuses, elles pourraient se traduire par une réduction des avantages pour les voyageurs, les employés des compagnies aériennes et les résidents des petites localités éloignées.
C'est pourquoi le Comité recommande :
38. Que le gouvernement exige du transporteur dominant de respecter les conditions établies en vue d'abaisser ou d'éliminer les obstacles à l'entrée visant les transporteurs aériens, nouveaux venus et existants, ainsi que les conditions visant à protéger les voyageurs, les employés des compagnies aériennes et les résidents des petites localités éloignées. Il doit obtenir l'acceptation de ces conditions et de toutes les autres avant de donner l'approbation, et doit surveiller en permanence que le transporteur dominant les respecte.
I. SUIVI : OMBUDSMAN ET EXAMEN PARLEMENTAIRE
Le Comité reconnaît que la restructuration de l'industrie canadienne du transport aérien nous amène en terrain inconnu et que son résultat est incertain. Les décisions prises dans un avenir proche auront de lourdes conséquences à long terme. Ce n'est qu'avec le temps que nous saurons si la concurrence est suffisante et si l'intérêt public est bien protégé. Cependant, de l'avis du Comité, le gouvernement doit veiller à atteindre les objectifs recommandés : favoriser la concurrence et protéger l'intérêt public. Pour y arriver, il doit prendre deux mesures.
La première mesure est de modifier la Loi sur les transports au Canada pour y prévoir un examen; la seconde, nommer un ombudsman indépendant. L'examen porterait sur le fonctionnement de l'industrie aérienne restructurée et viserait à déterminer si un transporteur dominant respecte ses engagements et si ses activités nuisent à l'intérêt public. L'ombudsman indépendant exercerait diverses fonctions, notamment : vérifier si le transporteur dominant respecte ses engagements, examiner les plaintes des citoyens et faire rapport au Parlement. Il se peut que cette personne veuille prendre modèle sur une charte des droits des passagers aériens, comme plusieurs témoins l'ont mentionné au Comité.
Dans son rapport de juin 1993, le Comité permanent des transports indiquait que la concurrence ne fonctionne pas toujours et que l'intérêt public peut exiger l'intervention de l'État. En l'occurrence, le Comité est d'avis qu'une telle intervention devrait prendre la forme d'un examen, avec la possibilité de prolonger les conditions d'approbation imposées au transporteur dominant, et la nomination d'un ombudsman.
Par conséquent, le Comité recommande :
39. Qu'on modifie la Loi sur les transports au Canada de façon que le ministre des Transports charge une ou plusieurs personnes de procéder à un examen détaillé des activités de l'industrie du transport aérien restructurée, au plus tard deux ans après l'entrée en activité d'un transporteur dominant.
40. Que le gouvernement ordonne au Bureau de la concurrence d'examiner les problèmes de concurrence que pose la restructuration de l'industrie du transport aérien au plus tard deux ans après qu'un transporteur dominant se sera démarqué et aura commencé ses activités.
41. Que le gouvernement prolonge les conditions d'approbation imposées à un transporteur dominant si l'examen de l'industrie du transport aérien effectué par le Bureau de la concurrence aux termes de la Loi sur les transports au Canada le justifie.
42. Que le gouvernement nomme un ombudsman indépendant pour vérifier si un éventuel transporteur dominant respectera ses engagements, superviser le traitement des plaintes du public et faire chaque année rapport au Parlement et aux comités pertinents du Parlement sur la situation de l'industrie du transport aérien. Le candidat retenu doit être choisi au terme d'un processus de sélection public et transparent et doit être un expert des questions telles que la politique du transport aérien, la défense de l'intérêt public et les processus réglementaire et législatif.
Dans le présent débat sur la restructuration de l'industrie canadienne du transport aérien, les deux grandes questions sont : comment favoriser une saine concurrence et comment protéger l'intérêt public?
Le Comité est convaincu que l'élimination des obstacles à l'entrée fera du transport aérien une industrie forte et concurrentielle dont chacun profitera : les transporteurs aériens, leurs employés, les voyageurs et la population des petites localités éloignées. Il est également d'avis que les mesures recommandées par le Comité dans ce présent rapport sont nécessaires pour protéger l'intérêt public.
Nombre de recommandations contenues dans le présent rapport portent sur les conditions d'approbation d'un transporteur dominant, ce qui suppose que ce dernier naîtra d'une fusion ou d'une acquisition. Or, selon le Comité, si l'origine d'un transporteur dominant devait être autre, il faudrait que le gouvernement veille à ce que celui-ci respecte les conditions contenues dans les recommandations du Comité, de façon à favoriser la concurrence et à protéger l'intérêt du public.
Le présent examen de l'industrie canadienne du transport aérien aboutira à des changements qui, à long terme, rendront l'industrie canadienne du transport aérien plus forte, capable de rivaliser sur le marché mondial pour le plus grand bien des transporteurs canadiens et du public, en offrant un service sûr, efficace, abordable et de qualité. Le Comité est convaincu que l'adoption de ses recommandations permettra à l'industrie de transport aérien de s'en sortir plus forte et de bien servir la population canadienne au siècle prochain.
1 Transport Canada, Politique-cadre pour la restructuration du transport aérien au Canada, octobre 1999.
2 Lettre du commissaire de la concurrence au ministre des Transports, 22 octobre 1999.
3 Lettre du ministre des Transports au commissaire de la concurrence, 30 août 1999.
4 Dans le contexte du transport aérien, les obstacles à l'entrée sont ceux qui protègent un transporteur de la concurrence des autres transporteurs, existants ou potentiels.
5 Le terme « raisonnable » doit s'entendre au sens de la Loi sur les transports au Canada.