TRAN Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON TRANSPORT
LE COMITÉ PERMANENT DES TRANSPORTS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 18 novembre 1999
Le président (M. Stan Keyes (Hamilton-Ouest, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous reprenons notre étude de l'avenir de l'industrie aérienne au Canada.
Nous accueillons comme témoin cet après midi M. Peter Bleyer, directeur exécutif du Conseil des Canadiens.
Soyez le bienvenu, monsieur Bleyer, au Comité permanent des transports. Nous écouterons attentivement votre exposé, qui devrait durer de 10 à 12 minutes, après quoi nous vous poserons des questions.
Merci, monsieur. La parole est à vous.
M. Peter Bleyer (directeur exécutif, Conseil des Canadiens): Nous sommes vraiment très heureux d'avoir l'occasion d'exposer nos vues au comité permanent qui examine l'avenir de l'industrie aérienne au Canada.
Vous ne nous voyez pas apparaître seulement quand tout va bien, contrairement à ceux qui se trouvent dans les tribunes et qui ont tendance à disparaître à mesure que certains quittent l'arène. Nous serons là pour longtemps encore. Nous croyons qu'il s'agit là d'une question clé d'intérêt public, peu importe les intervenants du secteur privé qui sont en cause.
Le Conseil des Canadiens a vu le jour en 1985. C'est une organisation nationale indépendante d'intérêt public qui compte plus de 100 000 membres répartis en 50 bureaux dans tout le pays.
Ces dernières semaines et derniers mois, nous avons été préoccupés par le débat sur l'avenir de l'industrie aérienne au Canada, qui a surtout porté sur les desseins étroits et égocentriques de quelques intervenants du secteur privé—auquel d'ailleurs je viens de faire allusion.
De façon générale, les Canadiens étaient aux premières loges pour assister à l'un des matches les plus coûteux et les plus inutiles que se sont livrés des entreprises dans toute l'histoire du pays. Il semble que plus de 200 millions de dollars ont déjà été dépensés en lobbying, en frais juridiques, en services de consultation financière et en publicité. Il est à souhaiter qu'on ne manquera pas de relever l'aspect ironique de ces dépenses, engagées au cours d'un débat qui portait principalement sur la nécessité d'investir davantage dans l'industrie aérienne.
Pire encore, cette bataille entre Onex, Canadian, AMR et Air Canada a laissé sa marque sur la seule proposition de restructurer l'industrie aérienne canadienne qui subsiste encore. La proposition actuelle d'Air Canada inclut un rachat d'actions de plus de 1 milliard de dollars qu'on ne saurait justifier si l'on appliquait de saines pratiques commerciales. Cette dépense va desservir un intervenant majeur de notre industrie aérienne et pourrait compromettre notre capacité collective d'en assurer à long terme la viabilité.
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Nous pensons que les Canadiens en ont déjà trop entendu à propos de
la maximisation de la valeur du portefeuille des actionnaires et des
profits à court terme et qu'on ne leur a pas suffisamment parlé de la
satisfaction des consommateurs et de l'édification d'une industrie
aérienne viable qui puisse répondre aux besoins des Canadiens à long
terme.
Avec tout le respect que je dois au premier ministre, nous croyons en fait que le sort de l'industrie aérienne est beaucoup trop important pour l'intérêt national pour qu'on le laisse aux mains des actionnaires qui ont une définition très étroite de la rentabilité.
Nous estimons aussi que pour régler les problèmes de notre industrie aérienne il faut d'abord avoir une idée très claire des objectifs de base de la politique d'intérêt public qu'il faut atteindre. Ils comprennent la santé et la sécurité, la qualité du service, l'accessibilité, des coûts raisonnables, la réglementation—pour employer ce mot souvent oublié—et la participation du public.
Pour tendre vers la réalisation de ces objectifs, le conseil a été l'un des membres fondateurs de l'Association canadienne des passagers des lignes aériennes, et il appuie la proposition d'adopter une charte des droits des passagers des lignes aériennes, comme l'a suggéré la coalition.
Il importe de se rappeler de la motivation qui sous-tend l'établissement précoce d'une politique aérienne pour le Canada. Nous avons conçu un système aérien canadien pour les mêmes raisons exactement que nous avions créé des systèmes publics et nationaux de chemins de fer et de radiodiffusion, c'est-à-dire pour mettre en place des institutions canadiennes indépendantes en tant qu'instruments de la politique économique, sociale et culturelle.
Nous voulions résister à l'appel que nous ressentons à l'égard de ce géant qui est notre voisin du Sud—en effet, si l'on parle d'un appel du Sud, il semble évident que cet appel vienne du sud—et généralement, comme le disait le mandat initial de la Commission canadienne du blé, on voulait que la population y trouve son compte.
En ce qui concerne la politique aérienne, le but précis était d'éviter la domination des transporteurs américains. Les gouvernements qui se sont succédé ont reconnu qu'il fallait compter sur la participation de l'industrie pour protéger l'intérêt national. Cela garantissait, entre autres choses, un service aux collectivités rurales et moins peuplées dont le secteur des affaires ou les transporteurs étrangers préféreraient ne pas tenir compte.
Depuis dix ans, la déréglementation de l'industrie aérienne et l'approbation subséquente de la participation à la propriété des Lignes aériennes Canadien par AMR, société américaine, ont été des jalons déterminants qui ont marqué une dérogation radicale à la politique antérieure.
Nous sommes maintenant à la croisée des chemins. Les décisions prises aujourd'hui détermineront si nous poursuivons dans la voie de la déréglementation et de l'entente avec AMR avec les conséquences dont nous avons été témoins ou si nous retournerons aux objectifs de protection de l'intérêt national et public qui avaient autrefois été fixés.
L'un des grands problèmes que pose la propriété étrangère tient au fait qu'il devient alors inévitable que les grandes décisions commerciales soient prises hors du Canada et à l'abri de toute obligation de rendre démocratiquement compte de celles-ci. Les transporteurs américains agissent strictement en fonction de considérations commerciales. Leurs décisions sont fonction de priorités commerciales mondiales et continentales et non pas des intérêts des Canadiens.
La propriété et le contrôle étranger entraînent des coûts énormes, dont le moindre n'est pas les sorties substantielles de capitaux et de main-d'oeuvre du Canada. La propriété étrangère suppose aussi des coûts de renonciation considérables. Les sociétés et les industries canadiennes acquises par des entreprises étrangères ne peuvent plus progresser pour devenir des exemples canadiens de réussite sur lesquels notre compétitivité internationale et le dynamisme de notre économie doivent reposer.
Tout comme le Conseil canadien des chefs d'entreprises le reconnaît enfin, la propriété étrangère au Canada a aussi contribué à restreindre l'épanouissement des capacités de gestion et à entraîner la migration vers le Sud des Canadiens possédant des compétences techniques.
L'industrie aérienne occupe une place toute spéciale au Canada. C'est un élément essentiel de notre infrastructure nationale. Le transport aérien est un service public essentiel. Il relie des collectivités souvent séparées par de longues distances, assure le transport essentiel de biens, de services et de personnes, et c'est donc un facteur déterminant du bien-être économique et social de nos communautés.
En 1994, malgré l'objet clair de la Loi sur les transports au Canada, on a autorisé le contrôle effectif de Canadien par AMR de Dallas, au Texas. Nous avions alors prévenu l'Office des transports du Canada que cette décision symboliserait parfaitement l'effet destructif de la propriété étrangère. Nous avions alors dit que la mise de fonds importante et croissante d'AMR ainsi que sa participation avec droit de vote et son droit d'approuver les grandes décisions d'affaires, équivalaient ni plus ni moins à un contrôle effectif de Canadien. Le contrôle étranger a de plus été renforcé par le transfert aux États-Unis de nombreux services cruciaux en matière de gestion et de relation avec les fournisseurs.
Le vice-président d'alors, M. Donald Carty, avait tenté de dissiper les craintes concernant le rôle de sa société en faisant valoir qu'AMR ne portait qu'un intérêt minime à Canadien même et que la seule chose qui l'intéressait c'était la part du marché pour son service de réservations par ordinateur, le système SABRE.
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Le conseil avait alors dit que cela n'était pas de bonne
augure pour ce qui est des décisions de Canadien sous contrôle
d'AMR. Malheureusement, on a eu la preuve que nous avions raison.
Les discussions en cours qui portent sur l'avenir de l'industrie aérienne soulèvent à nouveau le spectre d'une série de menaces accrues pour le contrôle canadien.
D'abord, le ministre des Transports, après avoir déclaré son engagement à préserver le contrôle canadien des sociétés aériennes, a soumis une proposition pour modifier la limite de 10 p. 100 relative à la propriété d'Air Canada. Ces changements pourraient directement menacer les quelques limites restantes concernant la propriété étrangère dont on peut se prévaloir en vertu de l'ALENA.
On a souvent l'impression que le gouvernement fédéral n'est pas suffisamment conscient des répercussions de l'entente commerciale dont il est maintenant si féru. En vertu de l'ALENA, les investisseurs américains obtiennent le droit au traitement national—autrement dit, des droits équivalents à ceux des investisseurs nationaux.
En fait, il faut ajouter que le transport aérien est actuellement à l'étude de l'Organisation mondiale du commerce en vue de son inclusion à l'Accord général sur le commerce des services aux prochaines rencontres de Seattle. Cette inclusion accorderait le traitement national à tous les investisseurs mondiaux, et pas simplement aux investisseurs mexicains et américains.
En outre, l'ALENA, au chapitre 11, établit un puissant mécanisme d'État-investisseur pour les investisseurs étrangers qui pourront demander une indemnisation quand ils s'estimeront lésés. Ce chapitre 11 est en train de créer tout un secteur d'activités au Canada, alors qu'un nombre croissant de sociétés américaines attendent leur tour pour présenter des réclamations à nos gouvernements.
Dans le cas de l'industrie du transport aérien, un changement dans les limites imposées au contrôle intérieur en matière de propriété ouvrirait la porte à des allégations de discrimination si les changements équivalents n'étaient pas approuvés pour les investisseurs étrangers. Par conséquent, cela annulerait la limite actuelle de 25 p. 100 à la propriété étrangère des transporteurs aériens canadiens dans le cadre de l'exemption détaillée.
La suggestion proposée par le commissaire à la concurrence, soit un transporteur uniquement canadien, libre de toutes restrictions en matière de propriété et contrôle étrangers, représente encore une autre menace pour le contrôle canadien de l'industrie dans le cadre de l'ALENA. Si nous sommes prêts à accorder une autre dispense spéciale à un investisseur étranger en particulier dans un cas spécifique, de tels droits s'appliqueront à tous les investisseurs étrangers. Encore une fois, c'est la règle de 25 p. 100 qui en subirait les conséquences.
Le commissaire à la concurrence a par ailleurs proposé que le gouvernement fédéral promulgue unilatéralement ce qui est en fait une légère modification à la proposition traditionnelle pour le cabotage, position qui a été rejetée à maintes reprises par la plupart des gouvernements pour des raisons et d'intérêt public national.
Malgré l'utilisation créative d'un arrêt de courte durée dans une plaque tournante américaine de façon à se conformer plus ou moins aux règles, cette proposition équivaut ni plus ni moins au cabotage.
En effet, le cabotage équivaut à accorder aux transporteurs américains l'autorisation de choisir ce qu'il y a de mieux. Comme ils veulent faire des profits facilement et rapidement, ils choisiront les quelques liaisons vraiment rentables au Canada—notamment, Toronto-Ottawa ou Vancouver-Calgary.
Les Canadiens dépendront d'un cadre de réglementation qui crée une entente avec nos transporteurs aériens. Ils ont un accès privilégié aux liaisons où le trafic est intense, ce qui leur permet d'interfinancer d'autres liaisons qui rapportent moins mais qui ne sont pas moins importantes du point de vue de l'intérêt national et public. Le cabotage compromettrait fatalement à moyen et à long terme les perspectives de croissance et le succès de notre propre industrie du transport aérien, menaçant ainsi l'accès à un service de qualité à un prix raisonnable, menaçant peut-être même dans certains cas le service peu importe le prix, pour les Canadiens dans bon nombre de collectivités.
La crise dans l'industrie canadienne du transport aérien survient dans le contexte d'une restructuration mondiale. Nous croyons que de toute évidence le Canada est un marché beaucoup trop petit pour soutenir deux transporteurs internationaux qui se font concurrence. En fait, c'est ce que nous avons dit en 1993. Ce fait a été confirmé par un certain nombre de rapports professionnels qui ont été préparés en 1993 pour la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux. Malgré ces conseils qui sont aujourd'hui évidemment prophétiques, le Canada a maintenu le cap vers la déréglementation, et les gouvernements comme les travailleurs ont dû faire d'importantes concessions pour tenter de maintenir un deuxième transporteur aérien international.
Malheureusement, cette prétendue libre concurrence et cette déréglementation ont eu pour l'industrie aérienne canadienne et américaine des conséquences que nous avons peut-être regrettées. Aux États-Unis, le service a diminué. Plus récemment, les problèmes des consommateurs relativement aux prix et à la qualité du service ont mené à l'introduction, à la Chambre des représentants américains d'une déclaration des droits des passagers des lignes aériennes.
Par opposition à sa facturation par anticipation, la déréglementation a créé un véritable chaos et une crise dans l'industrie du transport aérien au Canada. Je ne pense pas que vous seriez tous ici aujourd'hui à examiner cette question si ce n'était pas le cas.
En fait, l'étude préparée pour la Commission d'examen de la Loi sur les transports nationaux conclut que, pour le Canada, l'expérience n'a pas confirmé les attentes de réduction de tarifs importantes à la suite de la déréglementation. Plus récemment, on s'aperçoit clairement que le coût du billet d'avion a largement dépassé l'indice du prix à la consommation au cours de la dernière décennie.
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Les consommateurs canadiens n'ont pas été bien servis pas le duopole
qui a, dans une grande mesure, caractérisé le secteur du transport
aérien déréglementé. En effet, on aurait de la difficulté à décrire la
réalité du doublement des services, qui mène à une capacité
excédentaire, comme étant un exemple d'efficacité sur le plan de la
concurrence.
De toute évidence, les forces du marché à elles seules ne pourront résoudre le problème de l'industrie du transport aérien au Canada. Nous croyons que le gouvernement fédéral a le devoir et la responsabilité de créer un cadre stratégique à l'intérieur duquel une solution pourrait peut-être structurer. Loin d'empêcher que le ministre du Transport joue un rôle d'agent public, nous croyons que cela est peut-être bien la condition préalable nécessaire pour assurer des avantages à long terme à la majorité plutôt que des avantages à court terme à quelques uns.
Nous croyons que les éléments suivants devraient être inclus dans ce cadre stratégique.
Premièrement, il faut maintenir à la fois la limite de 10 p. 100 relativement à la propriété prévue dans la Loi sur la participation publique au capital d'Air Canada et la limite de 25 p. 100 pour ce qui est de la propriété étrangère. Il faut rejeter complètement l'option de cabotage, peu importe le nom qu'on lui donne.
Nous devrions établir une nouvelle structure de réglementation pour l'industrie qui inclurait une volonté politique claire afin d'assurer une réglementation efficace et inverser la tendance des dix dernières années qui a gravement nuit à l'industrie. Cette nouvelle structure doit prévoir des normes claires et disposer des ressources nécessaires pour surveiller les développements touchant l'intérêt public et pour pouvoir mettre en oeuvre et appliquer ses propres décisions. Le cadre stratégique doit également comprendre une déclaration des droits établis par la loi.
Le gouvernement fédéral devrait examiner la possibilité d'annuler le superpouvoir majoritaire d'American Airlines dans les lignes aériennes Canadian International.
Le gouvernement fédéral devrait s'assurer que l'élimination nécessaire de la capacité excédentaire dans le secteur de l'industrie aérienne ne donne pas lieu à des pertes involontaires d'emplois.
Le gouvernement fédéral devrait inclure le transport aérien lorsqu'il songera à investir dans l'infrastructure de base dans le cadre du prochain budget. Tout au moins, il devrait réinvestir dans les aéroports régionaux, dans la sécurité et le contrôle du trafic aérien et envisager une participation publique dans une industrie du transport aérien restructurée.
Enfin, le gouvernement fédéral devrait ajouter cette expérience avec l'industrie du transport aérien à la longue liste des raisons pour entreprendre un examen majeur de l'Accord de libre-échange nord-américain.
Je vous remercie de votre patience.
Le président: Merci, monsieur Bleyer, pour votre exposé.
Nous allons passer directement aux questions.
Madame Meredith, vous avez la parole.
Mme Val Meredith (Surrey Sud—White Rock—Langley, Réf.): [Note de la rédaction: Inaudible]... monsieur Bleyer d'être venu nous rencontrer.
Ma question est assez directe. J'aimerais savoir si votre crainte des États-Unis et de son influence s'étend à l'industrie de l'automobile et si vous pensez que, (a), l'investissement américain dans l'industrie automobile a créé au Canada une sortie de capitaux et d'emplois et a limité le développement des compétences au Canada et, (b), que le gouvernement devrait prendre des mesures afin de s'assurer que 75 p. 100 de l'investissement, de la propriété et du contrôle se trouve entre les mains de Canadiens, ce qui annihilerait l'industrie automobile au Canada.
Est-ce votre position?
M. Peter Bleyer: L'un des éléments qui se trouvent dans notre mémoire et auquel je n'ai pas fait allusion dans mon exposé c'est que nous croyons que notre point de vue est l'un des plus pragmatiques par rapport à tous ceux qui participent à ce débat. De toute évidence, alors, pour ce qui est de savoir si nous voulons tuer la poule aux oeufs d'or dans l'industrie de l'automobile au Canada en exigeant des choses qui sont impossibles dans ce secteur à ce moment-ci, eh bien, non, ce n'est pas ce que nous voulons.
Cependant, l'industrie du transport aérien au Canada est dans une situation très différente de celle de l'industrie automobile. Nous croyons que nous avons l'occasion de maintenir une industrie à participation entièrement canadienne et entièrement contrôlée par ces derniers. Nous croyons qu'il y a suffisamment de capital au pays, particulièrement si nous pouvons éliminer des problèmes comme les rachats inutiles d'actions d'Onex et d'Air Canada qui ont fait monter le prix des actions au cours des derniers mois. Il y a suffisamment d'argent au Canada pour que l'on ait une solution canadienne au problème de l'industrie du transport aérien.
L'industrie automobile constitue certainement une force économique clé au pays. D'un autre côté, l'importance stratégique du transport aérien est reconnu non seulement par les Canadiens mais aussi par la plupart des autres peuples du monde pour ce qui est de notre capacité d'assurer le transport au pays. Dans le cas d'un pays aussi grand que le nôtre, nous croyons qu'il est encore plus important d'avoir un contrôle canadien.
Mme Val Meredith: Je ne comprends pas très bien votre raisonnement. L'industrie automobile forme trois des plus grandes sociétés au Canada. Elle emploie plus de 72 000 personnes. Sa survie, son existence, dépend entièrement de la propriété étrangère et de l'investissement étranger. Ce que vous proposez, alors, c'est qu'il y ait une norme différente pour différentes industries, qu'il est acceptable d'avoir 100 p. 100 d'investissement étranger dans le secteur de l'automobile dans le sud de l'Ontario, car cela y créé une économie forte, mais vous avez peur de ce genre d'investissement étranger pour permettre à une autre industrie de survivre, de se développer, de croître et de créer de nombreux emplois pour les Canadiens.
M. Peter Bleyer: Je comprends que la position de votre parti consiste à encourager une participation étrangère à 100 p. 100 dans l'économie canadienne...
Mme Val Meredith: Non, je vous demande...
M. Peter Bleyer: ... mais ce n'est pas la position de notre organisation.
Mme Val Meredith: Excusez-moi. Je vous dis que vous appuyez une propriété étrangère à 100 p. 100 dans une industrie que vous ne voulez pas de capitaux étrangers et d'investissement étranger dans une autre. Je vous demande pourquoi vous préconisez deux poids, deux mesures?
M. Peter Bleyer: En principe, nous n'aurions pas d'objection à ce que la part de propriété canadienne augmente dans l'industrie automobile. Si la possibilité existait, nous ne dirions pas non. C'est aussi simple que cela—si c'est la question que vous me posez. Si la possibilité existait et que l'on pouvait en retirer des avantages, nous serions certainement d'accord avec cela.
Mme Val Meredith: Je pense qu'il a répondu à ma question.
Le président: Je ne pense pas que vous obtiendrez une réponse, Val.
Mme Val Meredith: Eh bien, je pense qu'il y a répondu; il a deux poids, deux mesures. Il l'a dit clairement dans sa réponse: ce qui est acceptable pour l'industrie automobile ne l'est pas pour l'industrie du transport aérien.
M. Peter Bleyer: Je tente de répondre à votre question, mais il est difficile de le faire car je pense que vous aimeriez entendre une réponse qui n'a guère de sens.
Si vous voulez que je vous dise qu'il y a peut-être deux poids, deux mesures pour différentes industries, absolument. C'est cela la réglementation. Il faut être intelligent, pragmatique et comprendre l'intérêt public, l'intérêt national et ce qu'il faut faire. Il ne faut pas avoir des oeillères idéologiques. Et se dire: «Il y a un dieu, et son nom est Réglementation.» La réglementation pour la simple réglementation n'est pas l'objectif ici, par exemple. On veut une réglementation pour atteindre des objectifs précis de politique gouvernementale qui sont dans l'intérêt public.
Mme Val Meredith: Est-ce que les oeillères idéologiques ne créent pas justement une situation où vous n'êtes pas disposés à examiner un problème de capitalisation extrêmement intense...
M. Peter Bleyer: Je ne crois pas que là soit le cas dans l'industrie du transport aérien.
Mme Val Meredith: ... et vous limitez l'accès au capital sur un plus petit marché?
M. Peter Bleyer: Si vous reformulez votre question, je vous répondrai que nous ne croyons pas en fait que le capital pose un gros problème. Nous sommes d'avis qu'il existe sur le marché canadien toutes sortes de possibilités pour générer ce capital.
Des rapports qui ont été publiés récemment révèlent très clairement qu'il y a une sortie massive d'investissements de portefeuille vers les États-Unis. Bon nombre de Canadiens se tournent vers Wall Street et se demandent pourquoi ils devraient investir au Canada...
Mme Val Meredith: Des taxes moins élevées.
M. Peter Bleyer: ... lorsqu'ils peuvent obtenir 1 p. 100, 2 p. 100 ou peut-être 10 p. 100 de plus; en fait, ils obtiendront 15 p. 100 de moins à long terme qu'à Wall Street.
L'un des éléments de la politique gouvernementale cadre pourrait être d'offrir des incitatifs aux Canadiens afin qu'ils investissent au pays. Nous avons déjà des incitatifs dans le cadre des REER. Nous avons eu ce long débat sur la nécessité d'investir au pays. Nous parlons d'infrastructures. Pourquoi ne pas offrir des incitatifs aux Canadiens afin qu'ils investissent dans leur pays? Il y a beaucoup de capitaux ici. Il s'agit de savoir à quoi ils servent.
Le président: Val, je vous remercie pour vos questions.
Monsieur Bleyer, cela aiderait peut-être le comité si vous pouviez nous montrer pourquoi vous parlez de la règle de 10 p. 100. Il y a eu des précédents—l'industrie automobile, la propriété du CN, la restructuration du capital du CN et la restructuration du capital de GMC. Dans bon nombre d'autres pays, il existe un précédent, établi sur leurs succès et leurs forces, sans la règle de 10 p. 100 et avec un investissement étranger accru.
Pouvez-vous nous citer un précédent qui appuie votre recommandation de limiter le mouvement de capitaux, ou l'investissement individuel à 10 p. 100?
M. Peter Bleyer: J'ai deux réponses. Je peux vous donner l'exemple des lignes aériennes Canadian International.
Le président: Non, j'ai dit une entreprise rentable.
M. Peter Bleyer: Eh bien, je vous dis que c'est un exemple de ce qui arrive si on permet à la participation étrangère d'augmenter. Si on permet... en fait, même aux termes des règles actuelles, il est possible d'avoir une participation étrangère déterminante, et la situation des lignes aériennes Canadien International en est la preuve.
Le président: Mais vous partez du principe que c'est la seule raison pour laquelle les lignes aériennes Canadien International n'ont pas de succès, ce qui n'est pas le cas.
M. Peter Bleyer: Non, je ne pars pas de ce principe. Mais ayant participé au débat depuis cinq ou six ans, une des choses que nous avons constatées, et c'est ce que nous avons constaté en 1993 et en 1994, comme nous le disons dans notre mémoire, c'est que AMR a dit: Ne vous inquiétez pas du contrôle américain. En fait, tout ce qui nous préoccupe, c'est l'argent qui ira vers le Sud à Dallas, au Texas, grâce au contrat SABRE et d'autres contrats de services.
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Donc, on a une situation où il est clair que la participation
étrangère et les conséquences de cette participation étrangère, qui
entre autres, sont une sortie de capitaux et l'absence de
réinvestissement, l'absence de R-D et tout le reste, ont contribué au
problème des lignes aériennes Canadien International.
Le président: Ont contribué.
M. Peter Bleyer: Franchement, je ne suis pas en mesure de juger de la compétence de la direction, et je ne voudrais pas le faire.
Je pense que l'on peut dire, cependant, qu'il y a de nombreux exemples, et pas seulement dans l'industrie du transport aérien, de ce qui arrive lorsqu'on permet le contrôle étranger. Nous le voyons aujourd'hui dans l'économie canadienne. Nous constatons notre incapacité...
Franchement, lorsque Tom d'Aquino est d'accord avec moi—pour toutes les mauvaises raisons, mais il est néanmoins d'accord avec moi—je dois le souligner, et pour dire qu'il faut maintenir la propriété canadienne et le rôle que cela peut jouer dans une économie dynamique et en expansion.
Le président: Monsieur Dromisky, s'il vous plaît.
M. Stan Dromisky (Thunder Bay—Atikokan, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur Bleyer. Il est évident que vous avez fait vos recherches. Vous avez fait des observations très intéressantes.
Tout d'abord, en ce qui concerne la déclaration des droits et le concept de la participation publique dans le cadre de cette déclaration des droits, j'aimerais que vous me donniez un peu plus de détails à ce sujet. Qu'avez-vous exactement en tête à cet égard?
Par ailleurs, j'aimerais vous poser une question au sujet des 10 p. 100 et des 25 p. 100 dont vous parliez. En fait, cette règle est déjà établie. En d'autres termes, vous dites qu'il faut maintenir le statu quo.
Vous devez certainement avoir songé à un pourcentage moins élevé peut-être un pourcentage plus élevé. Vous avez sans doute songé à une limite, tout en maintenant le genre de protection ou les facteurs de sécurité dont vous parlez, qui pourrait être supérieure ou inférieure à 10 p. 100 ou à 25 p. 100.
Pouvez-vous nous en parler davantage, s'il vous plaît?
M. Peter Bleyer: Je vais répondre à vos questions, mais permettez-moi tout d'abord de m'excuser auprès du président. Vous m'avez rappelé que je n'ai pas tout à fait répondu à l'une des questions du président, celle concernant la règle de 10 p. 100 et de 25 p. 100.
Je vais répondre d'abord à votre deuxième question. En fait, ce qui nous préoccupe réellement par rapport à la règle des 10 p. 100, c'est que toute modification de cette règle aurait des conséquences sur la règle des 25 p. 100 visant la propriété étrangère. Il y a une possibilité, certainement, selon votre interprétation de l'entente...
Ce n'est pas que nous tenions autant que cela au concept de société à grand nombre d'actionnaires dans l'industrie du transport aérien, car on pourrait faire valoir que pour les lignes aériennes, il y a un certain accès au capital dans ce contexte et cela est plus difficile si on doit se limiter à une propriété de 10 p. 100. Le problème, cependant, comme nous l'expliquons en détail dans notre mémoire et comme d'autres, je pense, l'ont souligné, c'est que tout changement à la limite imposée à la participation canadienne supposait une plus grande discrimination à l'égard des investisseurs étrangers.
Or, c'était clairement le cas lorsqu'Onex demandait une participation de 33 p. 100 dans la nouvelle société Air Canada dans le cadre de la proposition d'Onex. Il aurait fallu permettre que ces 33 p. 100 puissent être détenus par un investisseur étranger tout comme par un investisseur canadien.
C'est le principe du traitement national. Un droit accordé à un investisseur du pays doit l'être aussi à un investisseur étranger.
C'est la principale difficulté si l'on veut modifier la règle des 10 p. 100. Je sais qu'on a parlé de 15 p. 100, vu la situation dans les chemins de fer, et d'autres chiffres, mais la question s'est posée lorsque Onex a inclus dans sa proposition une participation de 33 p. 100, donc plus de 25 p. 100, ce qui nécessiterait un changement.
M. Stan Dromisky: D'accord, mais revenons un peu en arrière. Si les 10 p. 100 dont vous parlez c'est la limite de la participation d'un particulier ou d'une entreprise dans Air Canada, qu'arriverait-il si elle était supprimée complètement? Qu'en penseriez-vous, vu qu'une limite de 25 p. 100 est toujours imposée à la propriété étrangère? Est-ce que cela changerait votre vision des choses?
M. Peter Bleyer: Vous ne pourriez pas conserver la règle des 25 p. 100, parce que dans les faits, l'investisseur national pourrait être propriétaire à 100 p. 100 dans ce cas de figure, n'est-ce pas? Le traitement national signifie qu'il faut offrir la même possibilité à l'investisseur étranger. C'est aussi simple que cela.
• 1600
Je réponds à votre question telle que je l'ai comprise. J'espère
avoir bien compris.
M. Stan Dromisky: Je dis éliminons les 10 p. 100 mais maintenons les 25 p. 100 pour la propriété étrangère. Un étranger ne pourrait donc pas...
M. Peter Bleyer: Il faudrait au moins avoir un plafond de 25 p. 100 pour la propriété nationale également.
M. Stan Dromisky: Oui.
M. Peter Bleyer: Il y a des problèmes... lorsque vous commencez à finasser avec les règles. Honnêtement, il faut examiner soigneusement ce que nous avons accepté avec l'ALENA. Avec l'ALENA et avec ce qui s'en vient dans l'Accord de l'OMC, on va se retrouver dans des cas où nous offrons un ensemble d'outils très puissants aux investisseurs étrangers. Ce sera une véritable boîte de Pandore.
Certains diront que l'on peut plafonner le degré de propriété à 25 p. 100 tant que la participation nationale n'est pas supérieure à la participation étrangère. D'autres répliquent que dès que l'on ouvre la boîte de l'ALENA et que ces possibilités sont offertes, en vertu du chapitre 11 de l'ALENA, par exemple, on est êtes déjà dans le pétrin.
Je n'ai pas vraiment d'avis sur l'un ou l'autre scénario, mais j'estime qu'il faut que le comité en soit conscient et examine la chose soigneusement.
Le président: Merci, monsieur Dromisky.
Monsieur Bleyer, la boîte de l'ALENA n'est-elle pas déjà ouverte? Les Américains limitent la propriété étrangère de leurs compagnies aériennes à 25 p. 100 et n'imposent aucune limite au degré de propriété des particuliers. Où est la réciprocité ici?
M. Peter Bleyer: Y a-t-il des compagnies aériennes canadiennes désireuses de posséder plus de 25 p. 100 d'une compagnie aérienne américaine?
Le président: Il ne serait pas nécessaire que ce soit une compagnie aérienne étrangère qui veuille être propriétaire d'une compagnie américaine; ce pourrait être n'importe quel investisseur non américain qui...
M. Peter Bleyer: Désolé; vous dites qu'il n'y a pas de maximum pour le degré de propriété...?
Le président: Au Canada, il y a un plafond de 10 p. 100 pour le degré de propriété d'un particulier dans des institutions et 25 p. 100 sur les investissements étrangers. Vous dites que si nous modifions la règle des 10 p. 100, la règle des 25 p. 100 doit aussi être modifiée. Je ne suis pas d'accord, mais c'est ce que vous dites. Vous basez votre argument sur le fait que si nous le faisons, nous enfreindrons l'ALENA. Aux États-Unis, une compagnie aérienne ne peut être détenue qu'à 25 p. 100 par des étrangers mais il n'y a pas de règle de 10 p. 100, et la règle de 25 p. 100 reste la même.
M. Peter Bleyer: C'est contestable. Toutes les règles de l'ALENA sont là. Elles ne signifient rien tant que quelqu'un ne les invoque pas. C'est ce qui arrive dans l'affaire de l'eau, et c'est ce qui est arrivé dans l'affaire de l'éthyle. Il peut y avoir toute une série de règles.
Je veux dire, tant mieux, quand Air Canada sera assez grande pour vouloir acheter 95 p. 100 d'American Airlines, la compagnie pourra réclamer les mêmes droits qu'un investisseur américain et ça s'appliquera aussi au Canada. Mais lorsqu'il s'agit d'un éléphant et d'une souris, les mêmes règles n'ont pas tout à fait le même effet. C'est le problème du libre-échange nord-américain.
Le président: Michel Guimond.
[Français]
M. Michel Guimond (Beauport—Montmorency—Côte-de-Beaupré—Île-d'Orléans, BQ): Monsieur Bleyer, je vous remercie de votre présentation. J'aimerais vous entendre nous parler d'un volet sur lequel nous devrons nous prononcer.
On sait que dans la proposition d'Air Canada, on prévoit la création d'un transporteur à bas prix dont le siège social serait situé à Hamilton—de toute façon, ce détail est accessoire à la question—et qui desservirait une vingtaine de villes canadiennes. C'est ce que M. Milton indiquait en réponse à nos questions.
Croyez-vous que cette décision aura des effets sur les transporteurs régionaux? Est-ce que la venue d'un nouveau transporteur à bas prix pourrait compromettre certains services donnés en région? Est-ce que la seule compagnie qui risque d'être affectée par cette décision est WestJet? J'aimerais vous entendre là-dessus.
M. Peter Bleyer: Comme membre de la coalition des passagers aériens, je puis vous dire que nous nous sommes déjà prononcés sur cette question et avons convenu qu'il ne s'agissait pas de la meilleure solution possible. Les syndicats ont entre autres soulevé la possibilité de problèmes quant au genre d'emplois constitués dans une telle compagnie. Est-ce qu'on se retrouverait—comme on le dit dans le domaine de la santé—face à un service à deux niveaux? Est-ce qu'on ne nous offrira qu'un service à bas prix, de mauvaise qualité et trop peu fréquent dans les régions?
• 1605
Il y a aussi la question de la concurrence qui, à notre avis, ne
devrait pas être l'objectif recherché, mais plutôt un outil possible.
Si la concurrence est possible dans ce secteur, ce sera un élément
positif. Mais si elle ne l'est pas et si aucun autre intervenant ne
veut offrir un service régional, ce sera peut-être malheureusement le
seul choix qui s'offrira à nous. Ce n'est pas la meilleure solution
pour régler le problème. Nous craignons des conséquences négatives
très probables.
M. Michel Guimond: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, Michel.
Bev.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): À propos des règles, si celle des 10 p. 100 ne devait pas être plus élevée que celle des 25 p. 100, est-ce que cela créerait aussi un problème?
M. Peter Bleyer: Honnêtement, je pense que cela mérite un examen plus approfondi. J'ai entendu les deux avis, et en général, en ce qui concerne les accords commerciaux signés ces dernières années, le Conseil des Canadiens est d'avis qu'il faut être extrêmement prudent.
Nous parlons essentiellement d'accords conçus pour offrir aux investisseurs privés des instruments capables de leur forcer l'accès au marché. À la moindre ouverture, ils veulent passer le seuil.
Mme Bev Desjarlais: Donnez leur un pouce et ils vont prendre un mille.
M. Peter Bleyer: Tout à fait. Même si ce n'est qu'à ce niveau- là, c'est un problème, mais dès que l'on commence à modifier ces plafonds, on peut s'exposer à des mesures commerciales en vertu de l'ALENA.
Quant à savoir si l'on peut porter les chiffres à 20 p. 100 ou à 24 p. 100, ce serait envoyer le mauvais message, parce qu'ils pourraient répondre que la seule raison pour laquelle vous avez adopté ce chiffre, c'est à cause de l'existence du plafond sur la propriété étrangère. Vous voyez ce que je veux dire: la négociation de mauvaise foi. Qui sait jusqu'où cela ira?
Le fait est que ce sont des outils, et dès que vous vous engagez en ce sens, vous vous exposez à des ennuis.
Mme Bev Desjarlais: Vu votre expérience, savez-vous si les États imposent des plafonds aux États-Unis ou est-ce uniquement au niveau fédéral?
M. Peter Bleyer: Je ne le sais pas.
Mme Bev Desjarlais: Entendu. Ça m'a étonnée dans l'affaire du MMT, le fait que les États-Unis n'aient pas imposé une interdiction, mais certains États peuvent autoriser le MMT. À partir de là, ils peuvent soutenir qu'ils devraient avoir accès au marché canadien. J'ai trouvé cela très étrange.
M. Peter Bleyer: Il y a une situation semblable...
Mme Bev Desjarlais: J'ai dit que c'était une mauvaise chose. Les États pourraient interdire le MMT, mais pas le Canada, pourtant il y a des États qui pourraient interdire le MMT.
M. Peter Bleyer: Oui. La situation est tout à fait le contraire dans le cas de l'eau actuellement où, pour ce qui est du commerce extérieur, les décisions des provinces canadiennes ne sont pas applicables à moins de lois au niveau fédéral. Il faut donc compter avec la dynamique des divers systèmes qui sont les nôtres et, malheureusement, je ne suis pas un expert en la matière.
Mme Bev Desjarlais: Non, mais je vois ce que vous voulez dire. À chaque nouvelle règle, personne ne savait trop à quoi s'en tenir parce qu'elle semblait être concoctée au jour le jour et personne ne pouvait dire catégoriquement ce qu'il en était.
Merci.
Le président suppléant (M. Murray Calder (Dufferin—Peel— Wellington—Grey, Lib.)): Je n'ai que deux questions à poser. Au cours de notre examen, nous avons essentiellement essayé de deviner à quoi ressemblera l'aviation commerciale dans l'avenir, le but étant d'adopter une politique qui permettra de la concrétiser. Vous avez déjà parlé des règles de 10 p. 100 et de 25 p. 100 et je vois déjà que l'on s'achemine vers un seul transporteur, à moins que quelqu'un d'autre n'intervienne.
Quelle devrait être notre politique, vis-à-vis des transporteurs régionaux; l'emploi et la retraite par départ naturel ou autrement; les créneaux à l'aéroport; les vols nolisés; le cabotage réciproque et peut-être les points de grands voyageurs.
M. Peter Bleyer: C'est toute une besogne que vous me donnez-là.
Le président suppléant (M. Murray Calder): Oui.
M. Peter Bleyer: Je vais revenir en arrière parce que je pense avoir oublié les premiers. En fait, je vais faire une sélection. Même s'il ne me plairait pas qu'American Airlines fasse de même au Canada, je vais faire ma sélection dans votre liste.
• 1610
Vous avez parlé du cabotage. Je vais commencer par cela parce
qu'il semble que ce soit quelque chose que le commissaire à la
concurrence recommande sérieusement. C'est quelque chose qu'il faut
étudier, surtout lorsqu'on se demande quelle devrait être la
réglementation s'il n'y a qu'un seul transporteur.
La réalité, c'est que depuis le début des années 90, nous avons axé le cadre réglementaire autour de l'aviation commerciale à cause de notre attachement à ce que l'on appelé la concurrence sans entraves en se concentrant sur la politique de la concurrence.
Je ne sais pas si le comité a déjà entendu les représentants de l'OTC, mais lorsqu'ils ont comparu devant le Sénat, ils ont bien dit que leur mandat n'est plus le même. Ces dernières années, il leur est moins possible de discuter et d'analyser des objectifs d'intérêt public et de s'assurer qu'ils sont atteints.
En revanche, il y a le Bureau de la concurrence, qui n'a peut- être pas de pouvoirs d'application mais à qui l'on accorde beaucoup de mérite en raison du fait qu'il peut examiner les dossiers. Mais son mandat ne porte que sur la concurrence.
Du point de vue de la concurrence, le cabotage est peut-être une option qui se défend. Sauf que c'est désastreux si nous voulons favoriser l'industrie aérienne canadienne et la concurrence d'origine canadienne à longue échéance.
Ce qui a été proposé, c'est le cabotage indirect ou le quasi- cabotage—la sixième liberté modifiée, c'est comme ça qu'on l'appelle je crois—où le service est offert en passant par une ville américaine avant de revenir au Canada, sauf que les compagnies ont le droit de commercialiser cela et de fixer le prix comme s'il s'agissait d'un seul voyage.
Vous savez, si ça ressemble à du cabotage et ça a toute l'apparence du cabotage, alors c'est du cabotage et cela signifie que des transporteurs américains vont esquinter les transporteurs canadiens sur les très rares liaisons lucratives au Canada.
Cela menace la survie des transporteurs canadiens à court terme, mais voyons aussi quelles sont les conséquences à long terme. Cela va nous empêcher d'avoir de la concurrence viable à long terme. Il n'y aura pas de nouvelles entreprises canadiennes s'il y a de gros transporteurs américains dans le paysage canadien autorisés à ne desservir que les liaisons lucratives.
La solution réglementaire au problème du cabotage—le quasi- cabotage, le pseudo-cabotage ou la sixième liberté modifiée—c'est de dire non. C'est simple, mais c'est essentiel.
La question des grands voyageurs et quelques autres que vous avez soulevées sont reliées à la protection du consommateur. Il va sans dire que nous appuyons la déclaration des droits proposée par la Canadian Association of Airline Passengers. Elle devrait être adoptée sous forme de loi.
Aux États-Unis, une déclaration semblable a été proposée, et à la dernière minute, à la suite de pressions musclées et de grosses dépenses, les entreprises, les compagnies aériennes, ont dit de ne pas s'inquiéter, qu'elles allaient se plier volontairement à ces règles sans qu'il soit besoin d'adopter une loi.
Nous sommes convaincus qu'il faut une déclaration de ce genre à propos de ces problèmes, et qu'elle devrait être incorporée à une loi.
Je consulte la liste des points que vous avez soulevés, y compris la politique des aéroports. Le délestage des responsabilités des aéroports régionaux sans transfert parallèle de budgets—et c'est cela le délestage dans les années 90—que ce soit aux dépens des municipalités par les gouvernements provinciaux ou par le gouvernement fédéral est inadmissible. Ce qui est particulièrement horrible, c'est qu'une catastrophe va forcément survenir un jour ou l'autre.
Ici il est évident que nous avons deux choix. Idéalement, ce délestage devrait être inversé mais que cela se fasse ou pas, il faut redonner les budgets. Il faut aussi des normes nationales sur la sécurité, la sécurité aérienne et la sécurité aéroportuaire. Il faut préciser à qui revient la responsabilité d'appliquer ces normes. Il faut s'assurer que les autorités responsables disposent des moyens nécessaires.
• 1615
Il y a toutes sortes de problèmes à long terme ici et un petit
nombre de problèmes à court terme. Parmi les problèmes à court
terme qui sont critiques, il y a la catastrophe qui se prépare dans
un de nos aéroports régionaux. Très peu de voyageurs savent à quel
point les moyens sont limités dans certains cas, au sol, en cas
d'urgence à ces aéroports.
Dans notre mémoire nous disons que c'est l'occasion idéale ici de réinvestir. Il y a une façon de mettre une jolie feuille de vigne positive sur ce qui est, malheureusement, la triste histoire du retrait du financement et du délestage. Mais on pourrait oublier cela si l'on réinvestissait dans les aéroports régionaux, entre autres choses, dans le prochain budget fédéral parce que cela est un élément essentiel selon nous de l'infrastructure nationale.
Le président: Ça va, Murray?
M. Murray Calder: Oui, ça va.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Calder.
En avez-vous une autre, Bev?
Mme Bev Desjarlais: Oui.
À la fin de vos observations, vous avez dit que la population devrait au moins avoir voix au chapitre dans la structuration de l'industrie. À quoi pensiez-vous? Pensiez-vous à une participation au capital actions? De réinvestissement dans certains aspects de l'industrie? Comment concevez-vous la participation de la population?
M. Peter Bleyer: Nous essayons d'envoyer un message, j'imagine. C'est que si nous allons restructurer, comme il faut, l'industrie aérienne, il est sensé, voir nécessaire, que la population ait voix au chapitre. Si cela signifie une participation au capital actions, comme actionnaire minoritaire, soit—peu importe pourvu que la population ait son mot à dire.
À notre avis, cette voix devrait se faire entendre de deux façons. Grâce à notre participation à la coalition des consommateurs, nous estimons qu'il y a lieu de créer un cadre réglementaire permettant aux Canadiens de participer, mais nous pensons également qu'il y a lieu que le gouvernement fédéral au nom des citoyens participe au processus.
Ces derniers mois, nous aurions aimé voir non seulement des poignées de main en coulisses entre divers chefs d'entreprises et ministres des Transports mais une consultation publique tous azimuts où le ministre des Transports joue son rôle de négociateur d'un accord où le gouvernement fédéral apporte de l'argent à la table et met au défi d'autres établissements canadiens—entreprises et autres—d'investir pour corriger cette prétendue pénurie de capitaux.
La réglementation, c'est bien beau, c'est même nécessaire. Mais avoir voix au chapitre pour défendre l'intérêt public et l'intérêt national, pour le bien-être à long terme de l'industrie, cela aussi ce serait bon.
Si nous avons réfléchi à l'importance d'une participation de la population, c'est qu'après avoir observé le débat des derniers mois, nous avons été frappés par le fait que même ceux qui sont à la tête de ces entreprises semblent plus préoccupés par les gains à court terme de l'actionnaire—et ce n'est peut-être pas leur faute, s'ils sont poussés par les forces du marché—et plus préoccupés de soudoyer leurs actionnaires que par la viabilité à long terme de l'entreprise.
Si c'est le cas, nous nous disons que l'on ne peut pas faire pire en faisant participer le gouvernement fédéral, qui pourrait prendre une participation au capital actions, ce qui lui donnerait voix au chapitre dans la restructuration de l'industrie.
Mme Bev Desjarlais: Merci.
C'est tout.
Le président: Merci, madame Desjarlais.
Monsieur Bleyer, merci beaucoup de votre comparution devant le comité. Votre exposé était solide et nous vous remercions de vos suggestions et d'avoir répondu à nos questions.
Ce sera tout pour aujourd'hui.
La séance est levée jusqu'à lundi, 18 heures.