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FAIT Rapport du Comité

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INTRODUCTION

VERS UNE FRONTIÈRE SÛRE ET PROPICE À
L’EFFICACITÉ COMMERCIALE

INTRODUCTION

        Les attaques terroristes horribles qui ont secoué les États-Unis le 11 septembre 2001 ont eu de graves répercussions sur l'économie canadienne. L'une des premières manifestations de ces retombées, qui est en même temps l'objet du présent rapport, a été l'arriéré soudain et considérable de la circulation à la frontière canado-américaine. Le va-et-vient des personnes et des biens a subi d'importants retards, cependant que les deux pays tâchaient de composer avec les problèmes de sécurité en soumettant le trafic passager et commercial à une surveillance systématique. Certaines entreprises, lourdement tributaires du commerce avec les États-Unis, ont mis fin temporairement à leurs activités de production, ce qui a eu une incidence sur l'emploi.

        Alors qu'on tenait largement pour acquis, avant le 11 septembre, la facilité des déplacements d'un côté à l'autre de la frontière, la situation a maintenant évolué. Le gouvernement américain est fermement déterminé à protéger ses citoyens d'éventuelles menaces terroristes, mais ici au Canada on craint que notre voisin du Sud n'érige à toutes fins utiles une clôture autour de son territoire, mesure qui serait très dommageable pour l'économie nord-américaine fortement intégrée.

        Il est tout à fait naturel que les États-Unis, une cible pour l'activité terroriste à l'heure actuelle, veuillent renforcer la sécurité à leurs frontières. Dans ce contexte, le Canada doit relever les défis suivants :

  • faire en sorte que le Canada prenne également des mesures concrètes pour lutter contre le terrorisme et veiller à la sécurité sur le plan interne, de même que pour endiguer la venue d'éventuels terroristes de l'extérieur de l'Amérique du Nord;

  • veiller à répondre à nos besoins en matière de sûreté à la frontière et de fluidité de la circulation transfrontalière; et,

  • compte tenu du coût des retards pour les deux économies, faire en sorte que les questions entourant l'efficacité commerciale à la frontière ne soient pas reléguées à l'arrière-plan.

 

        Pour être en mesure de relever ces défis, il est impératif que le Canada et les États-Unis adoptent une ligne de conduite commune à l'égard des questions frontalières. Nous ne pouvons nous contenter de réagir aux décisions prises unilatéralement par nos interlocuteurs américains. L'enjeu est simplement trop grand.

        Il est bien évident que la nature même de la frontière canado-américaine est en évolution rapide. Compte tenu de l'incidence colossale de la situation à la frontière sur les échanges commerciaux et, en fin de compte, sur l'ensemble de l'économie canadienne, le Sous-comité juge qu'il importe au plus haut point de signaler aux décideurs la nécessité urgente d'un règlement des problèmes frontaliers, ainsi que d'offrir plusieurs recommandations à caractère concret qui pourraient faciliter les échanges transfrontaliers tout en ne perdant pas de vue la sécurité.

        Parallèlement, nous reconnaissons qu'il faudra déployer beaucoup plus d'efforts pour déterminer quel sera l'avenir de la frontière et quel devrait être la position ou le statut ultime du Canada au sein de l'Amérique du Nord. Le Sous-comité est encouragé par la décision du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international de la Chambre des communes d'entreprendre un examen plus exhaustif et détaillé des relations canado-américaines à la lumière des nouveaux défis de la sécurité continentale et mondiale. Nous espérons sincèrement que l'information contenue dans le présent rapport aidera le Comité à accomplir cet important travail.

L'IMPORTANCE POUR LE CANADA ET LES ÉTATS-UNIS D'UNE FRONTIÈRE PROPICE À L’EFFICACITÉ COMMERCIALE

« Le commerce international est le cœur même de l'économie canadienne. Ses principales artères sont les ponts, les autoroutes et les voies ferrées qui traversent notre frontière sud ». (Manufacturiers et Exportateurs du Canada)

        Les exportations de biens et services ont contribué à notre PIB dans une proportion de 45,6 p. 100 en 2000, un bond énorme par rapport aux 25 p. 100 de 1991. De fait, c'est le Canada qui a l'économie la plus dépendante des échanges commerciaux au sein du G-7. En outre, le Canada est le plus important partenaire commercial des États-Unis, et vice versa; l'an dernier, les échanges de biens et services entre eux ont atteint une valeur d'environ 700 milliards de dollars (et plus de 200 millions de personnes ont franchi la frontière). Quotidiennement, ces échanges représentent un commerce bilatéral d'environ 1,9 milliard de dollars. La croissance annuelle moyenne de 11,4 p. 100 du commerce bilatéral au cours de la dernière décennie est impressionnante.

         Les marchandises que nous exportons prennent la route des États-Unis dans la proportion énorme de 86 p. 100, tandis que le marché canadien absorbe la part respectable de 25 p. 100 des exportations américaines de produits. De fait, en 2000, les exportations des États-Unis vers le Canada ont dépassé le total de leurs exportations combinées vers l'Union européenne et le Japon.

        La majorité des échanges commerciaux Canada-É.-U. se concentrent dans des zones économiques particulières, ce qui est imputable à la proximité géographique et témoigne d'une certaine complémentarité dans la production. Les chiffres fournis au Sous-comité par l'Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) révèlent qu'en 1999, l'Ontario a fourni à elle seule 61 p. 100 de nos exportations vers le marché américain et absorbé 63 p. 100 des importations canadiennes en provenance des États-Unis. Ensemble, l'Ontario, le Québec et la Colombie-Britannique ont fourni 88 p. 100 des exportations et absorbé 90 p. 100 des importations au cours de la même année.

        Une autre statistique intéressante est qu'environ 70 p. 100 du commerce bilatéral (selon la valeur) s'effectue par camion. Du point de vue du volume, la part du total représentée par les transports routiers diminue à 56 p. 100, les 44 p. 100 restants étant confiés aux chemins de fer. Les exploitants de compagnies ferroviaires soutiennent que leur mode de transport est moins risqué du point de vue de la sécurité car ils possèdent leurs propres forces policières et utilisent des couloirs réservés qui sont assez faciles à surveiller. Aussi n'ont-ils pas souffert des mêmes problèmes de congestion à la frontière que les entreprises de camionnage.

        Les véhicules qui franchissent la frontière le font majoritairement entre l'Ontario et le Michigan, entre l'Ontario et l'État de New York et entre la Colombie-Britannique et l'État de Washington. En 1999, c'est au pont Ambassador de Windsor—Détroit qu'a eu lieu le plus grand nombre de franchissements (camions et voitures); suivaient le tunnel Windsor—Détroit, le pont Peace (Fort Erie—Buffalo), le pont Blue Water (Sarnia—Port Huron), le pont Queenston—Lewiston (Ontario—New York), le pont Rainbow (Ontario—New York), le point de passage Douglas—Blaine (Colombie-Britannique—Washington), le point de passage Pacific—Blaine (Colombie-Britannique—Washington), Sault Ste. Marie (Ontario—Michigan), Lacolle—Champlain (Québec—New York), Cornwall—Massena (Ontario—New York) et St. Stephen—Calais (Nouveau-Brunswick—Maine). On peut ajouter à cette liste les points de passage entre les provinces des Prairies et les États adjacents, qui constituent d'importants couloirs commerciaux pour les céréales et le bétail.

        Étant donné qu'une partie aussi importante de la production économique canadienne a pour destination le vaste marché américain, il est plus vital que jamais d'assurer l'efficacité commerciale de la situation à la frontière avec nos voisins du Sud. Ce qui est en jeu, c'est la capacité du Canada de continuer à jouer un rôle clé dans le système économique intégré de l'Amérique du Nord.

LE PROBLÈME AVEC LES RETARDS À LA FRONTIÈRE

« L'intégration signifie que notre industrie est directement touchée par les événements du 11 septembre. Dans les jours qui ont suivi cette tragédie, la production aux usines d'automobiles a été perturbée parce que des envois de pièces ont été retardées à la frontière canado-américaine. La perturbation a eu des effets de part et d'autre de la frontière — les pièces manufacturées au Canada n'ont pu entrer aux États-Unis, et celles fabriquées aux États-Unis n'ont pas été reçues dans les usines canadiennes. Ces retards ont également eu un impact sur la livraison des véhicules terminés au réseau américain de concessionnaires ». (Association canadienne des constructeurs de véhicules)

        Il ne fait aucun doute que les retards à la frontière se sont accrus considérablement tout de suite après les attaques terroristes, à cause du resserrement des mesures de sécurité. Les Canadiens ont pu observer les images de files d'attente interminables — jusqu'à 18 heures — de camions et d'autres véhicules à des points de passage clés.

        Face à cette situation, l'ADRC a augmenté les ressources mises à contribution à tous les ports d'entrée (grâce au temps supplémentaire et à des rappels), afin d'assurer la sécurité et de faciliter la circulation des voyageurs et des marchandises. Comme résultat direct de ces mesures, la situation à la frontière semble s'être quelque peu stabilisée, les périodes d'attente ayant été ramenées près des niveaux normaux à la plupart des points de passage. Il demeure une exception notable, celle des retards au pont Ambadassor pour le trafic à destination des États-Unis.

        Toutefois, des témoins ont fait valoir au Sous-comité qu'une bonne partie de cette diminution peut s'expliquer par le rétrécissement des volumes du trafic (principalement du trafic voyageur, mais également, dans une moindre mesure, du trafic des camions commerciaux) depuis les attaques terroristes. On craint énormément que cette chute des volumes ne masque des problèmes profonds, lesquels deviendront plus évidents si les volumes redeviennent normaux ou si les États-Unis imposent de nouvelles restrictions à la frontière. Il va sans dire que tout retour prolongé aux retards dont on a fait l'expérience immédiatement après le 11 septembre aurait des conséquences économiques désastreuses.

        Par ailleurs, le Sous-comité s'est fait dire qu'on ne peut savoir à quoi s'en tenir au sujet des retards à la frontière. Par exemple, d'après la Chambre de commerce du Canada, « vous pouvez consulter le site Web du MAECI ou de l'ADRC et constater qu'il y a un retard de 15 minutes au tunnel de Détroit—Windsor, mais le temps de vous s'y rendre, et le retard est devenu un retard de deux heures. Vous ne pouvez le savoir jusqu'à ce que vous y soyez. Ce genre d'incertitude nuit vraiment aux affaires. Cela veut dire qu'il est impossible de prévoir avec confiance le déplacement des gens ou des marchandises ».

        Outre qu'ils nuisent à la productivité et augmentent ce qu'il en coûte de faire affaire dans les deux pays, les retards à la frontière portent préjudice aux exportations et à l'emploi. Cela est vrai non seulement pour les fabricants, mais également pour les industries du tourisme et de l'accueil, qui sont touchées par une baisse de clientèle; certains visiteurs éventuels, craignant les temps d'attente à la frontière, préfèrent ne pas voyager. Un fort pourcentage du commerce canado-américain concerne des produits intermédiaires qui sont transportés « juste à temps » aux usines de fabrication, qui les font ensuite entrer dans des produits en aval. Ces livraisons permettent aux entreprises de conserver moins d'articles en stock, une mesure qui leur permet de faire des économies. Le revers de cette médaille est que les retards à la frontière ne tardent pas à provoquer la fermeture d'usines, des pertes financières ainsi que des mises à pied.

        Comme l'ont indiqué au Sous-comité les Manufacturiers et Exportateurs du Canada, les consommateurs américains continueront de vouloir obtenir leurs produits « juste à temps » et ils feront leurs achats auprès d'entreprises qui peuvent répondre à ce besoin. La manière dont seront réglés les problèmes frontaliers déterminera si leurs fournisseurs seront canadiens ou autres. Les entreprises des industries du tourisme et de l'accueil dans les zones frontalières et près de la frontière ont également été touchées par la réaction aux attaques terroristes.

        Les entreprises canadiennes craignent par ailleurs que les investisseurs prennent désormais leurs décisions en fonction de la capacité pour nos firmes de continuer à approvisionner le marché américain. Sans un accès fiable à ce marché convoité, les sociétés étrangères pourraient être réticentes à s'établir au Canada. D'autres entreprises, canadiennes et étrangères, pourraient vouloir déménager leurs installations existantes au sud de la frontière.

        Le Sous-comité croit que le Canada doit envoyer deux messages importants à ses interlocuteurs américains.

  • Premièrement, les Canadiens sont là pour faire des affaires et ils continueront de livrer à temps leurs produits.

  • Deuxièmement, les deux pays éprouveront des difficultés économiques considérables si le problème des retards à la frontière n'est pas réglé de façon permanente.

        Il importe de soulever un dernier point d'une extrême importance. Comme l'on fait observer un certain nombre de témoins, la situation à la frontière n'était pas particulièrement reluisante avant les événements du 11 septembre. De fait, les problèmes de congestion s'étaient accentués avec l'élargissement des échanges bilatéraux et des questions se posaient quant au caractère adéquat dans l'infrastructure

[1]         Par exemple, on a estimé qu'une heure d'arrêt au point de passage Windsor—Détroit coûte un million de dollars
            aux compagnies d'automobiles.

et des ressources à la frontière. Résultat de la situation : des retards inacceptables, moins d'inspections et, partant, une sécurité moins qu'optimale. Le but devrait donc être de résoudre les problèmes qui s’étaient déjà manifestés avant le 11 septembre. Il faut mettre la frontière à l’abri des répercussions que des événements du genre de ceux du 11 septembre pourraient avoir sur la circulation transfrontalière afin d’éviter l’incertitude et les retards à la frontière dont les deux pays souffrent depuis. Le Sous-comité recommande :

Recommandation 1 :

Que, au moment d'envisager différentes options pour l'amélioration de la sécurité et la facilitation des échanges commerciaux à la frontière canado-américaine, le gouvernement fédéral réponde aux préoccupations devenues évidentes avant le 11 septembre 2001. En fin de compte, l'objectif devrait être de moderniser la gestion de la frontière afin de satisfaire aux besoins futurs en matière de sécurité et de commerce.

LES DÉFIS AUXQUELS LE CANADA FAIT FACE

A. Coopérer avec les Américains en matière de sécurité

« À tort ou à raison, les Américains ne nous croient guère capables de garder la frontière. Nous devons reconquérir leur confiance. Dans l'intervalle, ils entendent faire ce travail à notre place, pour ainsi dire. Ils ont d'ailleurs déjà commencé à inspecter les véhicules et à interroger les voyageurs qui quittent les États-Unis ». (Union Douanes et Accise)

        Les Canadiens, qui vivent dans une économie extrêmement ouverte, ont souvent tendance à considérer la frontière sous une perspective surtout commerciale, tandis que dorénavant les Américains s'intéressent surtout à sa dimension sécuritaire. Cela n'a rien d'étonnant puisque, selon les données fournies au Sous-comité par le Forum des politiques publiques, les exportations canadiennes à destination des États-Unis représentent 37 p. 100 du PIB du Canada, contre seulement 2,4 p. 100 pour les exportations américaines à destination du Canada.

        Les États-Unis prennent actuellement des mesures importantes pour sécuriser leur frontière nord. Ils ont notamment l'intention d'investir près de 1 milliard de dollars (609 millions de dollars américains) au triplement des effectifs de leur police des frontières et à l'achat de matériel supplémentaire. De plus, selon l'Union Douanes et Accise, les Américains songent sérieusement à instaurer un système entrée/sortie exigeant l'inscription de toutes les personnes qui entrent aux États-Unis ou en sortent. Le grand défi pour le Canada est de convaincre les autorités américaines qu'il est tout aussi préoccupé par la sécurité que par le commerce, afin d'éviter que les États-Unis n'imposent unilatéralement de nouvelles restrictions.

Depuis le 11 septembre, le gouvernement du Canada a pris plusieurs mesures de sécurité.

  • Il a immédiatement imposé un état d'alerte de niveau élevé aux postes frontaliers;

  • il a augmenté la sécurité dans les aéroports du pays;

  • il a consacré des fonds supplémentaires (280 millions de dollars) aux technologies et au personnel de détection, afin de renforcer le cadre de sécurité;

  • de nouveaux règlements ont également été adoptés afin d'enrayer le financement du terrorisme (projet de loi C-16);

  • les biens des groupes terroristes connus ont été gelés.

        Le Parlement a récemment adopté deux projets de loi, le S-23 sur l’administration des douanes et le C-11 sur l'immigration et le droit d'asile, qui ont reçu la sanction royale le 25 octobre et le 1er novembre respectivement. Le gouvernement a également déposé au Parlement le projet de loi C-36, Loi antiterroriste, qui prévoit des mesures visant à identifier, poursuivre, condamner et punir les groupes terroristes; qui donne aux organismes nationaux d'application de la loi et de sécurité des outils supplémentaires avec lesquels ils pourront enquêter sur le terrorisme; et qui raffermit les dispositions contre la propagande et les crimes haineux.

Le concept du « périmètre » ou de la « zone de confiance » n'implique pas l'élimination de la frontière canado-américaine ni l'adoption par le Canada de politiques édictées aux États-Unis. Il s'agit plutôt d'une entreprise de collaboration et d'intégration visant à mieux coordonner et à mieux gérer les pratiques existantes, de même qu'à établir de nouvelles mesures qui assureront la protection de tous les citoyens de l'Amérique du Nord, grâce à une concentration des efforts de sécurité sur les aspects à haut risque, dans le cadre de trois lignes de sécurité intégrées ». (Coalition pour une frontière sécuritaire et efficace sur le plan commercial)


[2]        Le projet de loi S-23 comporte des modifications visant à moderniser l’administration des douanes, notamment en prévoyant des
             procédures de traitement accéléré pour les passagers qui comportent un risque peu élevé par l’évaluation des renseignements sur ces
             passagers avant leur arrivée. Le projet de loi C-11 établit d'importantes mesures destinées à renforcer l'intégrité des systèmes
             d'immigration et de détermination du statut de réfugié, sur les plans du contrôle de sécurité préalable des demandeurs d'asile, de la
             détention et de l'expulsion.

         Les Américains demandent également au Canada de coopérer à la mise en place d'un « périmètre de sécurité commun ». Le problème réside dans la définition exacte de cette notion. Par exemple, selon un groupe de plus de 40 entreprises et associations de gens d'affaires, le nouveau régime réduirait partiellement les pressions actuellement exercées aux frontières, sans toutefois les éliminer. Il supposerait une coopération du Canada avec les Américains pour empêcher l'entrée des terroristes, des immigrants illégaux, des produits illicites et des marchandises de contrebande dans l'un et l'autre pays.

        Selon l'Alliance canadienne du camionnage (ACC), malgré ses bons côtés, l'idée du périmètre « serait déjà politiquement vouée à l'échec. Le problème de cette stratégie est qu'elle exigerait une harmonisation des lois et règlements, voire une élimination pure et simple (du moins selon certains scénarios) de la frontière elle-même. » En revanche, la stratégie frontalière bilatérale envisagée par l'ACC n'effacerait pas la frontière. Elle n'impliquerait pas une union douanière de type Union européenne (UE), n'entraînerait aucune perte de souveraineté pour le Canada et ne signifierait pas que nos lois sur l'immigration et le droit d'asile seraient rédigées par le Congrès américain. Ce qu'elle suppose, c'est une méthode efficace bilatérale pour tenir les personnes indésirables et les produits de contrebande en dehors de notre pays, tout en permettant une circulation transfrontalière plus libre des personnes et des marchandises à faible risque. Le Sous-comité souscrit avec enthousiasme à ce point de vue.

        Selon certains témoins, le Canada devrait s'efforcer de refouler les personnes et les marchandises indésirables avant même qu'elles embarquent pour l'Amérique du Nord. Bien entendu, il faudra pour cela déployer des moyens supplémentaires à l'étranger et améliorer le partage du renseignement de sécurité entre les divers organismes nationaux et internationaux ayant des responsabilités en matière de terrorisme, de crime transnational, ainsi que de contrebande de drogues et d'êtres humains. Un système commun de surveillance et de contrôle pourrait ainsi être créé.

        D'après certains médias, il semble que les choses avancent rapidement à cet égard. Le Canada et les États-Unis, croit-on, ont déjà commencé à négocier une entente continentale sur la sécurité de la frontière, qui supposerait l'utilisation de points communs de vérification de sécurité et de contrôle de l'immigration à l'étranger. Ces points formeraient la limite externe de la zone de sécurité. Si cette mesure est appliquée, elle exigera le transfert de fonctionnaires dans des postes situés à l'extérieur du Canada. Il faudra donc prévoir des fonds supplémentaires dans le prochain budget fédéral.

[3]         L'ACC a laissé entendre que cette idée avait été appuyée par l'ancien ambassadeur du Canada aux États-Unis
            (Raymond Chrétien), de même que par le Partenariat stratégique Canada—États-Unis qui participe à la surveillance
            de la relation frontalière; selon l'ACC, l'actuelle stratégie frontalière de l'ADRC repose déjà sur l'idée du périmètre.

[4]         Sheldon Alberts, « Border deal would screen travellers before they arrive », National Post, 9 novembre 2001, p. A1.

        L'idée du périmètre, si elle est retenue, demandera également une sécurité plus serrée aux principaux points d'entrée, c'est-à-dire les aéroports, qui accueillent environ 90 p. 100 des visiteurs, et les ports de mer, qui reçoivent une quantité considérable de marchandises. De fait, les représentants de l'ADRC ont informé le Sous-comité que les projets du Ministère en vue d'améliorer ses mesures de protection à ces points d'entrée supposent déjà l'instauration de 130 nouveaux postes d'agents des douanes. L'ADRC aurait également accéléré la mise en place des techniques de collecte préalable et de consignation des noms et autres données relatives aux passagers, de manière à être renseignée sur les voyageurs avant qu'ils arrivent au Canada.

        Une autre considération importante liée à la notion du bouclier continental de sécurité est celle du trafic des drogues et des armes à feu entre les États-Unis et le Canada, ce qui soulève d’importantes questions de sécurité publique dans les deux pays. Des écarts persistent dans d’autres dossiers, notamment ceux des profils des deux pays en matière de tarifs et notre commerce avec des États parias. Comme l'ont souligné certains témoins, l'ouverture de la frontière terrestre avec les États-Unis, associée à la mise en place d'un périmètre nord-américain de sécurité plus étanche, pourrait avoir des conséquences regrettables dans ce domaine.

        Le Sous-comité estime nécessaire d’instaurer immédiatement une coopération plus intense et plus efficace entre les deux pays. Les politiques de sécurité doivent être mieux coordonnées, quoique pas nécessairement identiques pour autant. Il faut consacrer des moyens supplémentaires à cette tâche et procéder à des échanges de données et de renseignements d'un pays à l'autre, dans le respect de la vie privée. C'est là la seule manière d'assurer l'équilibre entre la sécurité continentale et un système de dédouanement simplifié et efficace sur le plan commercial pour les voyageurs et les marchandises à faible risque.

        Par ailleurs, le gouvernement fédéral n'a publié aucune déclaration d'intention concernant le « périmètre de sécurité commun ». À notre avis, il faudrait conclure et rendre publique une entente officielle avec les Américains à cet égard. Comme l'a soutenu le Forum des politiques publiques devant le Sous-comité, la directive du 29 octobre par laquelle le président Bush demande aux fonctionnaires américains de chercher les meilleurs moyens d'harmoniser avec le Canada les politiques d'immigration, de douanes et de délivrance des visas constitue pour notre pays une excellente occasion à saisir. Le Sous-comité recommande :

Recommandation 2 :

Que le gouvernement du Canada, après avoir consulté les autorités américaines, fasse connaître aux Canadiens ses projets sur la façon de coopérer avec ses partenaires nord-américains pour améliorer la sécurité continentale.

B. Élaborer un plan bilatéral de gestion de la crise frontalière

« Le vrai danger pour notre souveraineté ne viendra pas du fait de travailler ensemble à la réalisation d'une vision frontalière commune, mais du fait que les États-Unis pourraient décider seuls à quoi cette frontière ressemblera ». (Alliance canadienne du camionnage)

        Pour réduire les retards de part et d'autre de la frontière, il faudra que les deux pays élaborent ensemble des solutions et des programmes frontaliers. Logiquement, si nous avons pu réaliser un système nord-américain intégré de défense aérienne, nous devrions pouvoir aussi mettre en place un système intégré de frontières axé à la fois sur le commerce et sur la sécurité. Sans cela, les deux économies en souffriront, mais surtout la nôtre.

        Il est vrai, comme nous l'ont fait remarquer les représentants du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, qu'un certain nombre de dispositifs déjà en place pourraient permettre aux ministères et organismes des deux pays de travailler ensemble pour trouver de nouveaux moyens de sécuriser la frontière et de la rendre plus efficace sur le plan commercial. Il s'agit entre autres :

  • du mécanisme « Vision frontière », conçu pour assurer un traitement régional des problèmes de migration et qui fait appel aux fonctionnaires de l'immigration des deux pays;

  • de l'Accord du Canada et des États-Unis sur leur frontière commune, dont l'objectif est de moderniser la frontière;

  • du Forum sur la criminalité transfrontalière, auquel participent les organismes de police et de renseignement;

  • du Partenariat stratégique Canada—États-Unis (PSCA), qui permet aux divers ministères et organismes canadiens et américains de discuter de leurs problèmes en matière de sécurité et d'efficacité des frontières.

        À l'instar de l'Association des transitaires internationaux canadiens, nous pensons qu'il faut faire davantage pour appliquer une bonne partie des solutions déjà prévues dans le cadre du PSCA. Le problème à l'heure actuelle est que l'appui politique à ces solutions fait quelque peu défaut, surtout du côté américain.

        Il est plus nécessaire que jamais que le Canada et les États-Unis appliquent une stratégie frontalière bilatérale ferme. Il faut que nous incitions les Américains à amorcer des discussions détaillées de haut niveau à ce sujet. Plus précisément, il existe un besoin urgent d'établir un plan commun détaillé, coordonné, et intégré de gestion de la crise frontalière. Il faudrait que ce plan repose sur l'adoption de beaucoup des solutions prévues dans le cadre du Partenariat stratégique canado-amércain (APSCA) et des autres efforts de collaboration déjà en cours.

        Il importe que le Canada présente aux États-Unis une proposition concrète de collaboration en vue de rendre la frontière beaucoup plus efficace. Il serait de beaucoup préférable pour nous de coopérer avec les Américains à la résolution de leurs problèmes de sécurité que de réagir aux décisions qu'ils prendront unilatéralement ou de faire marche arrière plus tard si des décisions regrettables sont prises.

        Déjà, nous constatons que les États-Unis ont commencé à agir le long de leur frontière nord. Par exemple, le 26 octobre, le président américain George Bush a autorisé par sa signature l'entrée en vigueur de la USA Patriot Act, qui prévoit d'importantes mesures visant à protéger la frontière septentrionale des États-Unis. Son application pourrait nous nuire si l'Immigration and Naturalization Service (INS) des États-Unis mettait en oeuvre rapidement le projet de création d'un système sévère d’enregistrement en vue de contrôler les personnes (y compris les Canadiens) qui entrent aux États-Unis ou qui en sortent. Un autre événement à ne pas négliger est le dépôt au Congrès, le 31 octobre, de la Enhanced Border Security Act, qui a été conçue avec l'aide de la Maison Blanche pour harmoniser avec le Canada et le Mexique les réglementations frontalières et douanières.

        Si les États-Unis décidaient de mettre en place un régime de contrôle des entrées et des sorties, l'économie canadienne en serait gravement affectée. Cela équivaudrait au rétablissement de l'article 110 (de la U.S. Illegal Immigration Reform and Immigrant Responsibility Act of 1996 des États-Unis), c'est-à-dire d'un état permanent d’« alerte élevée » que le Canada a évité récemment. Il faut élaborer un système frontalier complètement intégré, comportant un partage des renseignements (sur les passagers et sur les manifestes de marchandises) entre les deux pays, de même que l'utilisation d'installations communes, de manière à empêcher la prise unilatérale d'une mesure qui risque de coûter très cher.

        À notre avis, il y a lieu d'intensifier nos discussions aux très hauts niveaux de l'Administration et du Congrès américains. Le premier ministre devrait envoyer sans tarder à Washington une mission de prestige, comportant une représentation des gouvernements provinciaux et des administrations municipales, qui consacrerait une bonne part de son attention aux membres du Congrès. Une telle initiative pourrait aider à éviter bien des problèmes frontaliers. Le Sous-comité recommande :

 

Recommandation 3 :

Que le gouvernement fédéral essaie d'amener les États-Unis à tenir un « sommet » de haut niveau, où des dirigeants politiques et des hauts fonctionnaires américains et canadiens débattraient des questions relatives à la gestion de la frontière. En se fondant sur ces rencontres, le Canada et les États-Unis devraient entreprendre ensemble l'élaboration et la publication d'un plan de gestion frontalier bilatéral revitalisé, visant à rendre plus efficace la circulation transfrontalière des biens et des services.

        Il est capital que les milieux d'affaires américains collaborent avec les milieux d’affaires canadiens dans ce dossier. À cette fin, les Manufacturiers et Exportateurs du Canada ont créé, de concert avec leur homologue américain, la National Association of Manufacturers, un comité mixte chargé de trouver des solutions à ce problème. Nous applaudissons à cette initiative.

C. Mise en œuvre de mesures pratiques pour faciliter le commerce et accroître la sécurité à la frontière Canada—États-Unis

« Des progrès et des efforts de coopération énormes ont été réalisés par les nombreux intervenants grâce au dévouement et aux efforts incessants dont ils ont fait preuve dans le cadre de l'Accord sur la frontière commune de 1995, de la Vision frontalière de 1997, du Partenariat Canada—États-Unis de 1999 et de l'Accord Ciels ouverts, tous aussi importants les uns que les autres. Toutefois, malgré ces initiatives et ces progrès énormes, le fait demeure que les formalités actuelles à la frontière concernant les biens et les personnes « légaux » sont toujours des facteurs « d'empêchement » plutôt que de facilitation depuis les actes terroristes du 11 septembre, comme c'était le cas auparavant ». (Alliance commerciale transfrontalière Canada—États-Unis)

        Le Sous-comité est d'avis que la sécurité et le commerce à la frontière ne devraient pas être considérés comme incompatibles dans le sens qu'il y a un compromis à faire entre la sécurité et la liberté de circuler. Le commerce sera facilité si les gens ont confiance dans la sécurité à la frontière. Il est donc capital de faire de l'efficacité et de la sécurité à la frontière une grande priorité. La clé réside dans l'établissement d'une frontière « intelligente », donc plus efficace par l'utilisation de méthodes de contrôle frontalier plus intelligentes et plus sûres. Nous croyons que les engorgements dans les transports et le commerce peuvent être évités grâce aux diverses mesures pratiques décrites ci-après.

        Enfin, le Sous-comité est d'avis que le Canada doit faire preuve de beaucoup plus d'imagination et de vision dans sa façon d'aborder la question de la circulation des personnes et des biens à la frontière. Dans ce contexte, il faudrait examiner s'il vaut la peine d'étendre outre frontière les projets pilotes et les prototypes mis au point par l'Agence canadienne des douanes et du revenu (ACDR). Le Sous-comité a appris que l'ACDR est un organisme dynamique du gouvernement canadien qui a des « années-lumières » d'avance sur les États-Unis pour ce qui est de la façon de traiter les personnes et les produits à la frontière.

1. Inspection avant le passage de la frontière

        La congestion à la frontière est un problème de longue date. Le Sous-comité a appris que l'inspection des marchandises devrait se faire avant leur arrivée à la frontière pour éviter les engorgements. Comme l'Association canadienne des constructeurs de véhicules le faisait remarquer dans son mémoire, cela faciliterait le commerce légitime et améliorerait la sécurité à la frontière.

        L'Union Douanes et Accise et l'Alliance commerciale transfrontalière Canada—États-Unis ont présenté au Sous-comité une proposition intéressante pour réduire la congestion, qui consiste essentiellement à étendre le prédédouanement dans les points frontaliers terrestres par l'établissement de centres internationaux de dédouanement commercial (expression employée par l'Union) ou de zones de contrôle de l'Accord (selon les termes de l'Alliance) aux postes frontières les plus achalandés du pays. La proposition prévoit l'aménagement, à plusieurs kilomètres de la frontière, d'installations de prédédouanement pour le trafic commercial en sol canadien. Sur les lieux, les agents des douanes de chaque pays pourraient vérifier les conteneurs ou encore faire des inspections uniques selon les normes de chaque pays.

        De cette façon, le gros des envois commerciaux vers les États-Unis pourraient être dirigés vers ces centres, ce qui aurait pour avantage de causer le moins de dérangement possible et de réduire le temps de traitement. L'Union a proposé qu'on agrandisse également les installations frontalières pour traiter le trafic voyageur qui doit toujours être traité. Il faudrait toutefois résoudre au moins deux problèmes. Il faut premièrement étendre l’application de la législation canadienne en matière de prédédouanement aux postes frontaliers terrestres afin que la mise au point des installations précitées soit légalement possible. Comme la Canadian/American Border Trade Alliance l’a dit au Sous-comité, « Cela permettrait aux agents américains … de venir, de traverser le point de passage et aux agents canadiens d’aller du côté américain. Une loi américaine, qui est en vigueur depuis 1935, permettrait aux agents des douanes canadiennes de traverser la frontière demain matin si le Canada avait une loi permettant à leurs homologues américains d’en faire autant. » L'autre problème a trait au port d'arme par les agents des douanes et de police américains dans les postes des douanes canadiens.

 

Le Sous-comité est très favorable à la proposition de prédédouanement qui lui a été présentée et recommande :

Recommandation 4 :

Que le gouvernement fédéral examine la possibilité d'aménager des installations de prédédouanement pour le trafic commercial à proximité des postes frontières très achalandés. Avant d'aménager de telles installations aux points frontaliers, il faudrait nécessairement adopter une loi sur le prédédouanement aux points frontaliers terrestres.

        Pour sa part, l'Association des chemins de fer du Canada s'est dite inquiète de la multiplication par le Service américain des douanes des inspections à la frontière. Soulignant que les compagnies de chemin de fer n'étaient pas équipées pour faciliter de telles inspections aux différents points frontaliers, l'Association voudrait que les contrôles douaniers se fassent soit à destination, soit au point d'origine. Elle préférerait toutefois des inspections uniques, qui respecteraient les normes des deux pays, dans les terminaux portuaires ou les grands terminaux intérieurs comme Chicago. Pour que les inspections uniques deviennent une réalité, il faudrait, selon l'Alliance commerciale transfrontalière, conclure un accord bilatéral sur le partage des données entre les deux administrations des douanes.

2. Séparation du trafic transfrontalier selon le risque, élevé ou bas

        L'ACDR applique déjà à la frontière un système de contrôle à deux niveaux comprenant une première inspection suivie d'une deuxième inspection pour les voyageurs et les transporteurs à risque élevé. Seul un très faible pourcentage de marchandises et de personnes est normalement soumis à une inspection détaillée. En effet, il est impossible de tout inspecter en tout temps.

        Nous croyons qu'il faut faire davantage pour séparer le trafic transfrontalier selon le risque qu'il présente, élevé ou faible. En améliorant le système à deux niveaux existant, on pourrait concentrer les efforts sur le trafic à risque élevé. Une telle stratégie différenciée permettrait d'améliorer la sécurité des voyageurs et des biens légitimes et d'accélérer leur passage à la frontière.

        Il y a plusieurs façons de mieux séparer le risque. Une solution consiste à préautoriser les marchandises à faible risque et les personnes respectueuses de la loi. Les transporteurs dont les papiers sont en règle ou dont la marchandise a été prédédouanée seraient autorisés à passer, évitant ainsi les attentes inutiles. Les voyageurs à faible risque se verraient remettre des cartes d'identité après une enquête de sécurité, ce qui faciliterait leur passage à la frontière.

        Il est important que les agents des douanes reçoivent et examinent autant de données que possible avant que les marchandises arrivent à la frontière. Selon un programme, dit de restructuration des transporteurs, qui est déjà en place, les transporteurs doivent transmettre électroniquement des données à l'ACDR avant l'arrivée des marchandises, ce qui permet à l'Agence d'identifier les envois présentant un risque élevé ou inconnu. Le Programme d'autoévaluation douanière est une autre initiative intéressante qui facilite la circulation des marchandises des transporteurs qui traversent souvent la frontière. Ce programme permet, dans certaines conditions, aux entreprises d'obtenir des privilèges de prédédouanement et d'autoévaluer les droits de douane qui sont payables. Une ombre au tableau : l'Association canadienne des constructeurs de véhicules s'est dite déçue que le Programme d'autoévaluation douanière ait été retardé et modifié aux frais des entreprises.

        D'autres initiatives de l'ACDR, telles que CANPASS et NEXUS, sont perçues par des témoins comme des moyens efficaces pour faciliter le mouvement des voyageurs à faible risque et d'identifier les risques potentiels. CANPASS est un ensemble de programmes de délivrance de permis administré par l'ACDR et conçu pour accélérer le passage à la frontière (dans des voies réservées) des voyageurs à faible risque préautorisés. Par ailleurs, NEXUS est un programme pilote de passage de la frontière qui s'adresse aux voyageurs à faible risque préautorisés qui entrent au Canada et aux États-Unis; le programme comporte plusieurs mesures d'harmonisation : mêmes conditions d'admissibilité, carte commune, formulaire unique de demande avec instructions à suivre. Ce programme expérimental a été lancé avec succès au poste frontière du pont Blue Water qui relie Sarnia à Port Huron, en novembre 2000, mais a été mis en veilleuse depuis le 11 septembre.

        Bien des solutions visant à rendre la frontière plus intelligente ne sont donc pas nouvelles. Les Manufacturiers et Exportateurs du Canada ont proposé une mise en œuvre immédiate du Programme d'autoévaluation douanière, de NEXUS, de CANPASS et des autres programmes de prédédouanement pour que tout soit fait autant que possible avant la frontière. Ces programmes sont maintenant en veilleuse dans la foulée des événements du 11 septembre.

        Pour sa part, l'Alliance commerciale transfrontalière a recommandé la mise sur pied d'un système de traitement unique pour permettre aux grands voyageurs qui sont enregistrés et présentent peu de risque (y compris les transporteurs commerciaux qui roulent à lège) de passer d'un pays à l'autre par les principales voies réservées. Les demandeurs de carte pour passer la frontière seraient soumis au préalable à des contrôles de sécurité serrés concernant leurs antécédents.

 

        Ce concept intégré existe déjà dans NEXUS. L'Alliance a demandé que le projet pilote soit étendu à l'ensemble de la frontière au début de 2002. Cette proposition est à notre avis éminemment judicieuse, et nous recommandons :

Recommandation 5 :

Que, dans l’éventualité de consultations fructueuses avec les autorités américaines et compte tenu des exigences en matière de sécurité, le gouvernement du Canada réactive dans les meilleurs délais les programmes (p. ex., PAD, NEXUS, CANPASS) conçus pour mieux gérer les risques à la frontière et réduire la congestion aux douanes. Le projet NEXUS devrait avoir été étendu à tous les postes de la frontière canado-américaine dès les premières semaines de 2002.

3. Injection de ressources additionnelles

        En théorie, l'actuelle stratégie à deux niveaux susmentionnée devrait permettre de libérer des ressources qui devraient être consacrées aux transporteurs qui se présentent à l'improviste à la frontière, ainsi qu'aux particuliers qui voyagent. Toutefois, comme l'Union Douanes et Accise l'a souligné, ces ressources ont plutôt servi à traiter le surcroît de trafic découlant du commerce bilatéral accru, et non à améliorer les mesures d'application de la loi. En fait, l'Union a qualifié de plus faible que jamais l'effort marginal d'application de la loi. Elle a donc réclamé qu'on augmente le nombre d'agents des douanes de 1 200 dans la Filière voyageurs et de 400 dans la Filière commerciale, ce qui devrait coûter de 80 à 100 millions de dollars de plus.

        D'autres témoins ont aussi réclamé des ressources additionnelles devant le Sous-comité. Ainsi, l'Association canadienne des policiers s'est plainte de la réduction des dépenses dans les services de douanes et d'immigration, qui a eu cours dans les années 90, et a réclamé plus de fonds, de formation et d'équipement pour les agents de première ligne. L'Association du transport aérien du Canada et l'Alliance commerciale transfrontalière Canada—États-Unis se sont également dites d'accord pour qu'on consacre plus de ressources dans les domaines des douanes et de l'immigration.

        Selon le Sous-comité, il faut évaluer de plus près si nous avons assez de ressources humaines ayant la formation nécessaire et si notre infrastructure matérielle est suffisante pour gérer l'augmentation du trafic transfrontalier découlant du commerce bilatéral. Comme le Forum des politiques publiques l'a indiqué dans son mémoire au Sous-comité, investir dans la fluidité et l'efficacité de la frontière ne constitue pas un coût, mais un investissement stratégique. Nous recommandons :

Recommandation 6 :

Que, dans son budget imminent de décembre, le gouvernement du Canada prévoit les ressources supplémentaires dont les fonctionnaires des douanes et de l’immigration qui assurent la sécurité et gèrent le trafic à la frontière ont besoin, ainsi que pour l'amélioration des installations matérielles nécessaires à la bonne marche des opérations à la frontière.

4. Utilisation des techniques avancées

        Le Sous-comité a aussi entendu parler de l'utilité d'appliquer des nouvelles techniques à la gestion de la frontière. Il faut marquer plus de progrès dans l'utilisation de technologies pour reconnaître les frontaliers qui traversent fréquemment la frontière afin de faciliter le passage des gens d'affaires.

        Plusieurs options sont possibles. L'une consiste à mettre en place des mécanismes automatisés (p. ex. une plus grande utilisation de techniques liées aux cartes à puce) afin de faciliter les passages de nature commerciale et des particuliers. La technologie biométrique, soit l'analyse des empreintes digitales ou de la rétine, pourrait aussi être envisagée pour identifier les particuliers et les camionneurs qui traversent la frontière.

        En deuxième lieu, le Sous-comité fait sienne la suggestion de l'Association canadienne des constructeurs de véhicules, voulant que le Canada examine comment la technique des transpondeurs peut faciliter la circulation de trafic commercial à faible risque et à grande valeur ajoutée. En vertu de cette option, les véhicules d'expéditeurs commerciaux à faible risque (c'est-à-dire les principaux exportateurs) seraient équipés de transpondeurs conçus pour envoyer, par signal, aux agents à la frontière, l'information sur la comptabilité et les douanes. Les douaniers sauraient ainsi d'avance exactement quels biens traverseront la frontière et pourraient situer exactement les véhicules en question.

        En troisième lieu, des techniques non invasives de détection de vapeur et l'imagerie par rayons gamma pourraient être utilisées pour examiner rapidement les camions et les conteneurs, à la frontière, sans qu'il soit nécessaire de les décharger. L'ADRC a informé le Sous-comité qu'il renforce ses techniques de détection de la contrebande afin de cerner les personnes et les biens à risque élevé.

        En dernier lieu, les agences douanières envisagent d'améliorer leurs systèmes d'information informatisés afin d'en savoir davantage sur les biens et les personnes qui traversent la frontière. Dans le cadre de son Plan d'action des douanes 2000-2004, l'ADRC prévoit d'accroître l'accès aux bases de données des douanes et de l'immigration en remplaçant l'ancienne technologie par un système de gestion du renseignement douanier, qui servira de dépôt national d'information. En conséquence, le Sous-comité recommande :

Recommandation 7 :

Que le gouvernement du Canada essaie des technologies de pointe et qu’il en dote ses services frontaliers chaque fois que c’est possible. Le Sous-comité estime que ces projets doivent être élaborés en tenant compte des préoccupations des Canadiens concernant la vie privée.

5. Vers des opérations et des bases de données conjointes pour les douanes et l'immigration

        Une autre stratégie pour réduire la congestion à la frontière est la construction d'installations conjointes pour les inspecteurs canadiens et américains. Les Manufacturiers et Exportateurs du Canada appuient cette idée et suggèrent une intégration accrue des inspections et installations douanières entre le Canada et les États-Unis. Il pourrait également être utile que les deux pays créent une base de données fusionnée qui rassemblerait l'information touchant l'immigration, les douanes, le respect de la loi et les organismes de renseignement des deux côtés de la frontière.

        À l'heure actuelle, l'élaboration d'installations frontalières conjointes est à l'état embryonnaire. Il en existe une au poste frontalier de Little Gold Creek (Yukon) — Poker Creek (Alaska) et deux autres sont prévues (Coutts, Alberta — Sweetgrass, Montana; Osoyoos, Colombie-Britannique — Oroville, Washington). Pour ce qui est des deux dernières, les progrès sont très laborieux en raison des différences de politique et de lois entre les deux pays, concernant par exemple les armes à feu pour les agents douaniers américains. Le Sous-comité préconise le règlement rapide de ces questions transfrontalières et recommande :

Recommandation 8 :

Que le gouvernement du Canada travaille avec son pendant américain afin de résoudre les questions qui retardent l'aménagement d'installations frontalières conjointes et d'accélérer l'établissement de telles installations là où leur mise en œuvre est rentable.

D. Préciser les responsabilités frontalières au gouvernement fédéral

« Il a été recommandé de créer un poste de ministre responsable de l'efficacité et de la sécurité à la frontière. Ce ministre serait doté d'un pouvoir général de surveillance, rendrait compte au Parlement et offrirait une certaine direction, une certaine orientation ». (Alliance canadienne du camionnage)

 

        Le Sous-comité a entendu des témoignages à l'effet que les responsabilités concernant la frontière sont trop éparpillées puisqu'elles relèvent de quatre ou cinq ministères ou organismes différents. D'après l'Alliance canadienne du camionnage, le gouvernement fédéral devrait désigner un ministre dont la seule préoccupation serait l'efficacité et la sécurité à la frontière. Cette tâche a été confiée au ministre des Affaires étrangères, John Manley, mais il continue de gérer d'autres aspects de la politique étrangère canadienne, et il semble bien que le comité du cabinet sur la sécurité nationale qu'il dirige sera bientôt dissous.

        L'Association canadienne des policiers pour sa part réclame la création d'un service national de protection frontalière qui permettrait protection et exécution de façon stratégique et coordonnée à tous les postes frontaliers canadiens et aux points d'entrée, séparément du ministère du Revenu national.

        Le Sous-comité souhaite faire part de ces préoccupations au gouvernement fédéral et demande un examen des actuelles capacités de planification et de coordination. Nous recommandons :

Recommandation 9 :

Que le gouvernement du Canada évalue, à la lumière des témoignages reçus, l’efficacité avec laquelle ses mécanismes internes peuvent coordonner les opérations frontalières et l’application des politiques du Canada en matière de sécurité et qu’il prenne les mesures correctives voulues.