Passer au contenu
;

FAIT Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

CHAPITRE IV : POURSUIVRE LES EFFORTS INTERNATIONAUX
TOUS AZIMUTS CONTRE LE TERRORISME

        Les tragiques attaques terroristes du 11 septembre dernier aux États-Unis ont bouleversé le monde. Nombreux étaient ceux qui craignaient une riposte unilatérale immédiate de la part des militaires américains contre les fondamentalistes islamiques, ce qui aurait pu alimenter l’intolérance raciale et entraîner d’autres attaques terroristes — éventuellement avec des armes de destruction massive nucléaires, chimiques ou biologiques —, voire un « choc des civilisations ». On a beaucoup cru également que le Sommet du G8, qui se tiendra au Canada en 2002, aurait pour thème dominant la lutte contre le terrorisme international.

        Heureusement, les choses ont évolué différemment au cours des derniers mois, qui nous ont permis d’améliorer la sécurité dans tous les pays du G8, d’envisager d’une façon plus pondérée la menace du terrorisme international et de nous rendre compte du rôle particulier que le G8 peut jouer pour favoriser davantage la coopération internationale à ce chapitre.

        Même si la plupart de interlocuteurs ont axé les mémoires présentés au Comité sur l’Afrique et les questions économiques plus générales relativement à l’ordre du jour du Sommet de Kananaskis, les Canadiens d’un bout à l’autre du pays, ont fait connaître leurs préoccupations et leurs opinions au sujet du terrorisme. Tous ont condamné les attaques horribles du 11 septembre et ont généralement adhéré au principe qu’il fallait accroître les mesures pour mettre un frein au terrorisme. Cependant, ils ont aussi insisté énergiquement pour que les mesures soient prises multilatéralement dans le respect du droit international, notamment en matière de libertés fondamentales et de droits de la personne. Ces mesures doivent également s’enchâsser dans un cadre plus vaste sur le plan de la politique étrangère et favoriser notamment des efforts accrus visant à réduire la pauvreté et l’aliénation ainsi qu’à promouvoir la non-prolifération et la suppression des armes nucléaires et autres engins de destruction massive.

CE QUE LES CANADIENS NOUS ONT DIT

Depuis le 11 septembre, les divers gouvernements ont adopté des lois accordant aux autorités coercitives et interventionnistes des États des pouvoirs extraordinaires afin de combattre le terrorisme. Auparavant, de tels pouvoirs auraient été considérés comme brimant les libertés fondamentales et la démocratie. Au moment où, aujourd’hui, la menace terroriste semble entraîner des conséquences énormes, la nécessité de tels pouvoirs extraordinaires s’impose peut-être. Il convient certainement de pêcher par excès de prudence. Cependant, le recours à de tels pouvoirs implique également des efforts accrus pour garantir qu’ils ne seront pas utilisés d’une façon abusive. Il faut donc de meilleurs contrôles, un examen plus exhaustif et d’autres mesures de protection.

Stuart Farson, Université Simon Fraser, Mémoire, Vancouver, 6 mai 2002, p. 8-9

[...] nous pouvons parler d’une gamme de menaces plus vaste et non pas uniquement du terrorisme. Songeons notamment au crime organisé international, qui utilise à bien des égards les mêmes méthodes de financement et de réseautage que les terroristes — il est très clair que tous les États doivent en arriver à un niveau important de coopération multilatérale s’ils veulent combattre efficacement ces genres de menace.

Reg Whittaker, Université York, Témoignages, 6 mai 2002, Vancouver

L’inégalité criante et l’injustice profonde ressenties par les peuples de différents pays contribuent énormément à faire naître la frustration, la colère, la violence, le désespoir et parfois, lorsque toutes les autres solutions ont échoué, le terrorisme individuel ou collectif.

Il faut se doter d’un meilleur système de détection lointaine pour informer les dirigeants du monde des problèmes dès leur stade embryonnaire. Il faudrait recourir davantage aux techniques de règlement des conflits et aux organismes internationaux comme la Cour internationale de justice. Il faudrait plus appuyer les Nations Unies. Le prix à payer n’équivaudrait qu’à une fraction du coût découlant de la « lutte contre le terrorisme » et des guerres, mais beaucoup moins de personnes seraient tuées.

John McConnell, Mémoire, Saskatoon, 10 mai 2002, p. 3

[...] on est d’accord, à la FTQ, de mener une lutte sans merci au terrorisme, mais on ne voudrait pas embarquer dans le wagon de queue des États-Unis, non plus. Je pense qu’on a des organisations internationales qui s’appellent l’ONU, le Conseil de sécurité de l’ONU, et que c’est par là que ça doit passer. On ne croit pas à une lutte au terrorisme efficace si ce sont les États-Unis qui en prennent le leadership et qui font la pluie et le beau temps. Ça doit être une question d’envergure internationale si on veut convaincre les autres pays où ça se passe de faire tout ce qui est en leurs moyens pour faire disparaître le terrorisme, encore une fois par le biais de l’ONU et du Conseil de sécurité.

Henri Massé, Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec, Témoignages, 27 février 2002, réunion no 62, Montréal

Les réunions du G8 permettent au Canada de se joindre aux efforts multilatéraux afin d’aider à réorienter les solutions au terrorisme. Nous espérons que le gouvernement du Canada profitera des réunions de Kananaskis pour faire ressortir de nouveau l’importance, en matière de sécurité, d’une approche commune ne reposant pas uniquement sur les forces militaires.

Alliance canadienne pour la paix, Mémoire, Toronto, 8 mai 2002, p.1

[...] à la suite des attaques du 11 septembre, notre travail s’est beaucoup concentré sur la surveillance de l’impact qu’auraient ces événements sur les droits de la personne et sur la réaction mondiale qui a suivi, qu’il s’agisse de la manière dont le combat était livré en Afghanistan; le degré auquel les systèmes de réfugiés et d’immigration du monde entier ont commencé à en être touchés; les conséquences sur les droits de la personne des lois antiterroristes adoptées dans notre propre pays et dans de nombreux autres; la politique et les approches des États-Unis concernant la détention des prisonniers de guerre — comme on peut les appeler jusqu’à ce qu’un tribunal en décide autrement — et le degré auquel les groupes minoritaires de nombreuses régions du monde sont ceux qui absorbent le gros des conséquences de la guerre au terrorisme, qui sont qualifiés de terroristes quand, essentiellement, tout ce qu’ils font, c’est de chercher à exercer leurs droits ethniques, culturels ou religieux.

Alex Neve, Amnistie internationale, Témoignages, 21 mars 2002, réunion no 66, Ottawa

Pendant des décennies, lors des divers sommets, conférences et réunions de conseil, les dirigeants et les politiques du monde entier ont discuté du clivage qui existe entre les peuples. Sur le plan économique, culturel et politique, il y a des écarts qui semblent impossibles à combler, mais nous n’avons jamais cessé d’essayer de le faire. À mon avis, si nous avons tiré une leçon de cette guerre contre le terrorisme, c’est bien qu’une politique étrangère couronnée de succès ne peut plus se fonder uniquement sur des alliances stratégiques avec des pays qui depuis toujours partagent les mêmes idées. En fait, la plus grande force des nations vient de leur capacité de se fixer des objectifs communs qu’elles essaient ensuite d’atteindre ensemble, en s’appuyant sur la détermination et la puissance de la communauté internationale.

Reid Morden, président, KPMG Corporate Intelligence Inc., Témoignages, 31 janvier 2002, réunion no 54

Lorsqu’ils se penchent sur les questions de sécurité et de terrorisme, les dirigeants des pays du G8 doivent absolument déborder des simples considérations liées aux forces militaires et policières.

Les événements du 11 septembre nous ont rappelé brutalement que nous vivons dans un monde de plus en plus intégré où un conflit dans une autre région peut entraîner des répercussions très concrètes plus près de chez nous. La vérité, c’est qu’aucun degré de mesures de sécurité ne peut protéger complètement un
pays — même le plus puissant — contre des actes terroristes.

Malheureusement, la réaction aux événements du 11 septembre s’est surtout bornée jusqu’à présent à des mesures sur le plan militaire et celui de la sécurité intérieure. Cette solution fragmentaire non seulement ne permet pas de s’attaquer aux problèmes essentiels, mais envenime la situation dans une certaine mesure […]

Si le problème du terrorisme ne comporte aucune solution facile à long terme, il ne peut être résolu que si nous favorisons un règlement juste et légitime des conflits régionaux, que si nous nous attaquons à l’inégalité criante sur les plans économique et politique, et que si nous encourageons la création d’institutions légitimes et dignes de foi ainsi que l’élaboration de mécanismes de gouvernance à l’échelle mondiale.

Congrès du travail du Canada, Mémoire, Ottawa, 30 avril 2002, p. 3-4

[…] la CSN croit que le G8 serait bien avisé, plutôt que de s’octroyer des rôles nouveaux dans le domaine de la gouverne mondiale, de prôner le renforcement des institutions de l’ONU, par exemple, de l’Organisation internationale du travail, l’OI  […]

La réplique doit donc être multiple, à savoir faire en sorte que les personnes responsables de ces actes terroristes répondent de leurs actes et soient jugées dans le respect du droit et des chartes. C’est en période de crise que ces instruments de la démocratie, de la paix et du droit doivent le plus s’imposer.

De plus, on doit tout mettre en oeuvre, à la suite du 11 septembre, pour combattre, ici comme ailleurs, le racisme, l’exclusion, l’intolérance et le fanatisme. Dans le déploiement des mesures de sécurité, on doit s’assurer que les droits de tous les citoyens vivant au Canada soient respectés. Encore une fois, c’est dans les périodes de crise que ces instruments sont les plus nécessaires. On ne doit pas considérer la guerre comme une solution. La solution se trouve plutôt dans la promotion de la démocratie, dans la lutte contre les inégalités, la discrimination et l’exclusion, dans le soutien aux luttes des femmes et des minorités, dans le développement économique et social, dans le refus de l’hégémonie et dans le respect des droits des États et des peuples.

Confédération des syndicats nationaux, Témoignages, 28 février 2002, réunion no 64, Montréal

Vous savez, le fait que les États-Unis possèdent le plus imposant arsenal d’armes de destruction massive n’empêchera pas un terroriste d’utiliser une telle arme contre notre voisin. Ce dernier peut bien disposer de toutes les armes nucléaires et chimiques qu’il veut, et il les possède effectivement, mais rien n’empêche qu’il n’a pas été en mesure de contrer les attaques du 11 septembre avec tous ces moyens. Et il ne serait pas plus capable d’arrêter un groupe terroriste qui souhaiterait se servir d’une arme nucléaire à l’avenir.

Peter Coombes, Témoignages, 6 mai 2002, réunion no 76, Vancouver

Depuis longtemps, le Canada appuie les Nations Unies, le droit international et le multilatéralisme, mais il doit revitaliser sa participation à cet égard. La société canadienne abonde d’ONG, d’associations et de particuliers sérieux qui, d’un océan à l’autre, travaillent à l’avènement d’un monde plus juste et plus pacifique, consentant à des sacrifices personnels énormes pour atteindre ces objectifs. À ce moment critique de notre histoire, le monde est attentif, et notre voix sera entendue. Il nous reste encore à répondre à la question suivante : Le Canada possède-t-il le courage pour jouer un rôle prépondérant au sommet du G8?

Joanna Miller, Mémoire, 2002, p. 4-5

Les activités terroristes sont inacceptables, mais elles découlent des conditions qui engendrent le désespoir, la violence, la haine et la discorde, c’est-à-dire de dures réalités telles que la pauvreté, l’exclusion, la néo-libéralisation, les programmes d’ajustement structurel et le néocolonialisme.

Nous croyons que la recherche de la sécurité doit consister pour le gouvernement fédéral, du moins en partie, à travailler sur la scène internationale en faveur de l’élimination des conditions qui donnent lieu au désespoir et à la violence.

Syndicat national des employées et employés généraux du secteur public, Mémoire, Ottawa, 21 mars 2002, p. 24

Dans le contexte de la sécurité et du plan d’action du G8, nous savons que la réponse au terrorisme réside non seulement dans l’action policière contre des agresseurs, mais dans la création d’un monde plus civilisé et plus sûr, où les avantages et les possibilités de la civilisation humaine seront disponibles d’une façon beaucoup plus étendue qu’ils ne l’étaient jusqu’à présent. C’est pourquoi le plan d’action idéaliste du Canada — que je partage avec fierté — qui consiste à établir et exporter notre modèle de société civile, à présenter une culture de paix au monde, est une nécessité et non pas un rêve utopique. Le Canada possède une expérience et une expertise considérables dans l’élaboration d’institutions civiles solides. C’est une force cachée qui n’a jamais été exploitée. Mais notre capacité à créer une société fondée sur la paix rend l’expérience canadienne particulièrement précieuse pour les pays qui recherchent un nouvel avenir, que ce soit en Afrique ou ailleurs.

Satya Das, Mémoire, Edmonton, 9 mai 2002, p. 4

PRINCIPAUX ENJEUX

        Les actes terroristes du 11 septembre sont particuliers puisqu’ils visaient les États-Unis, le pays le plus puissant au monde sur tous les plans et celui qu’on croyait auparavant presque à l’abri de toute attaque provenant de l’extérieur contre son territoire. Plus d’un s’attendaient à ce que les États-Unis réagissent immédiatement par une intervention militaire unilatérale. Les États-Unis ont cependant décidé d’agir autrement en cherchant à obtenir l’appui diplomatique de la communauté internationale par l’intermédiaire des Nations Unies — particulièrement grâce à l’adoption par le Conseil de sécurité de la Résolution 1373 le 28 septembre 2001 — et à constituer une coalition élargie d’alliés pour mener une intervention militaire et prendre d’autres mesures.

        Cette solution faisant appel à la constitution d’une coalition est un élément clé qui permettra de poursuivre efficacement la lutte contre le terrorisme. Même si les opérations menées sous l’égide des États-Unis ont constitué une part importante de la riposte aux attaques et même si la victoire militaire acquise avec une relative facilité en Afghanistan a amené plus d’un à conclure que les États-Unis n’avaient plus besoin de se préoccuper des alliés ou des coalitions dans sa lutte contre le terrorisme ou sur un plan plus général, il est devenu évident que les mesures militaires ne suffisaient plus. Dans son témoignage devant le Comité en avril 2002, le professeur Joseph Nye, doyen de la Kennedy School of Government de l’Université Harvard, a tenu ces propos :

En Afghanistan, les États-Unis ont été en mesure d’utiliser efficacement leur puissance militaire pour venir à bout du terrorisme parrainé par un groupe politique faible, les talibans, mais ils n’ont pas réussi à éliminer le réseau al-Qaïda, ne supprimant ou n’arrêtant que le quart ou le tiers — tout au plus — de ses membres. Le réseau al-Qaïda se compose de cellules disséminées dans quelque 50 pays, dont bon nombre sont des pays amis, où nous ne pourrions pas avoir recours à la force militaire même si nous le voulions.

La leçon que nous devons tirer des opérations menées en Afghanistan est la suivante : il faut tabler sur la coopération dans le secteur civil, partager le renseignement, travailler de concert avec les forces policières, retracer les opérations financières, etc. pour obtenir des résultats efficaces.129

        Les pays du G8 luttent contre le terrorisme depuis plus de deux décennies et, selon Robert Fowler, ils ont joué un « rôle catalyseur » dans la négociation des 12 conventions des Nations Unies qui constituent la pierre angulaire de l’arsenal antiterroriste130. Il faudra poursuivre ce rôle à Kananaskis. Lorsqu’il a comparu devant le Comité, Reid Morden, ancien sous-ministre des Affaires étrangères et directeur du Service canadien du renseignement de sécurité (SCRS) a tenu les propos suivants : « Il est évident que la population canadienne et la communauté internationale en général, surtout au lendemain du 11 septembre, s’attendent à ce que ce sommet tenu au Canada débouche sur des résultats concrets. Les gens auront du mal à comprendre, à mon avis, que de simples recommandations de portée générale soient formulées à la fin du Sommet131 ».

        Nous pouvons à juste titre nous attendre à ce que le Sommet de Kananaskis donne deux types de résultat par rapport au terrorisme. Premièrement, les pays du G8 peuvent échanger les pratiques exemplaires relativement aux mesures respectives prises par chacun pour lutter contre le terrorisme et accroître la coopération pratique dans une vaste gamme de domaines. Ce qui est peut-être plus important à long terme, c’est que les dirigeants des pays du G8 doivent réaffirmer clairement que la lutte contre le terrorisme pourra être efficace uniquement si elle est menée collectivement et tienne compte des valeurs communes à nos sociétés. Agir autrement pourrait déboucher sur des avantages à court terme, mais sur de lourds sacrifices à long terme.

Qu’est-ce que le terrorisme?

        Depuis des siècles, des États, des groupes et des personnes commettent des actes terroristes. Même si, tout récemment, les commentateurs ont mis l’accent sur le « fondamentalisme » islamique en essayant de comprendre la menace terroriste, il n’en demeure pas moins que, comme l’a signalé la commentatrice canadienne Gwynne Dyer, « le terrorisme n’est pas une idéologie mais bien une technique132 ».

        La communauté internationale a redoublé d’efforts pour combattre le terrorisme depuis le 11 septembre, mais a essuyé plusieurs échecs, dont le plus remarquable est celui qu’a connu le Comité spécial de l’Assemblée générale des Nations Unies en essayant de rédiger une convention générale sur le terrorisme international. James Wright, du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, a cependant donné l’explication suivante au Comité le 25 avril 2002 :

En ce qui concerne la convention générale […], nous travaillons de concert avec les Nations Unies afin d’essayer d’en promouvoir l’idée. Il n’existe aucune entente quant à la poursuite des travaux à cet égard. Le principal obstacle à l’adoption d’une telle convention générale réside dans l’incapacité de la communauté internationale de définir ce qu’est un terroriste. Même si nous ne ménageons pas les efforts pour encourager les autres à s’attaquer à ce problème d’une façon constructive, il faut malheureusement constater que les points de vue diffèrent diamétralement au sein de la communauté internationale, et c’est ce qui freine les efforts en ce qui concerne cette convention générale. À mon avis, il n’est pas réaliste d’espérer des progrès à court terme sur cette question aux Nations Unies.133

        Compte tenu du vieil adage selon lequel « un terroriste aux yeux de l’un est un combattant de la liberté aux yeux d’un autre », la difficulté actuelle n’est pas juridique de toute évidence, mais politique. Reid Morden a fait remarquer ce qui suit il y a presque trois mois : « D’après mes renseignements sur les 27 articles que compte ce traité, 24 font déjà l’objet d’un accord de principe. Le débat va désormais porter sur les quelques articles restants qui sont de toute évidence les plus délicats, notamment la définition juridique du terrorisme proprement dit. Pour résoudre cette seule question, il faudra qu’un certain nombre de pays fassent vraiment preuve de volonté politique134 ».

        Au cours des dernières années, la dangerosité des terroristes modernes a augmenté considérablement. Lors de sa comparution devant le Comité, le professeur Nye a fait valoir le point suivant :

Nous sommes aux prises avec le terrorisme depuis longtemps. Son incarnation moderne remonte au XIXe siècle, mais il est utile de souligner la recrudescence du terrorisme. La technologie offre aux groupes et aux individus déviants un pouvoir de destruction qui était autrefois l’apanage des gouvernements. Au XXe siècle, si quelqu’un voulait éliminer un grand nombre de personnes — un Hitler, un Staline ou un Mao —, il avait donc besoin du concours du gouvernement. Aujourd’hui, il n’est pas exagéré d’imaginer que des terroristes pourraient obtenir des armes de destruction massive et s’en servir à cette fin […] C’est une dimension tout à fait nouvelle de la politique mondiale135.

Le terrorisme et les armes de destruction massive

        Même s’il a probablement été amplifié, le danger que des terroristes puissent acquérir des armes de destruction massive n’en demeure pas moins réel. Par exemple, les armes chimiques sont moins meurtrières que les armes nucléaires ou biologiques, mais elles sont faciles à fabriquer. En 1995, le groupe-culte Aum Shinrikyo a répandu du gaz neuroplégique dans le métro de Tokyo, tuant 10 personnes et blessant jusqu’à 5 000 autres. Les armes biologiques sont à la fois meurtrières et relativement faciles à fabriquer. L’automne dernier, on s’est rendu compte de leur danger, particulièrement de leur capacité de semer la panique. Comme le professeur Charles Doran, de la School of Advanced International Studies de l’Université Johns Hopkins, l’a signalé lors de son témoignage devant le Comité en novembre 2001, « […] non seulement les événements du 11 septembre mais leurs conséquences ont une certaine pertinence ici. Personne n’a mentionné quoi que ce soit à propos de la maladie du charbon. Le cinglé qui a envoyé ces lettres a causé un tel émoi qu’il y a un changement d’attitude à Washington et un peu partout aux États-Unis qu’on ne peut pas ignorer136 ».

        L’effondrement de l’Union soviétique a aussi donné la possibilité aux terroristes d’acquérir des armes nucléaires, des matières fissiles mal gardées et les compétences nécessaires. David Albright, physicien américain, qui a participé aux inspections nucléaires en Irak après la guerre du Golfe, a comparu devant le Comité avec le groupe de travail Project Ploughshares à Toronto. Il a fait valoir que le terrorisme nucléaire pouvait se matérialiser de trois façons : l’explosion nucléaire, l’attaque contre une installation nucléaire ou la dispersion de substances radioactives à l’aide d’une « bombe sale ». Dans les trois cas, l’objectif serait de semer la terreur et la panique. Selon lui, il y a fort peu de chances que des terroristes puissent acquérir une arme nucléaire en état de fonctionnement, mais il n’en demeure pas moins qu’il est beaucoup plus facile d’obtenir des substances radioactives. Il est d’avis que les terroristes comme les membres d’al-Qaïda seraient capables de construire une bombe sale qui combinerait des matières radioactives et des explosifs de type classique.

        Depuis le 11 septembre, les méthodes de protection des matières fissiles ont été renforcées quelque peu. Comme l’a fait remarquer Chris Westdal, ambassadeur canadien au désarmement, lorsqu’il a comparu devant le Comité en avril 2002, « […] aujourd’hui, je suis plus confiant qu’avant le 11 septembre […] parce que ces événements tragiques nous ont réellement avertis des dangers de ce genre de substances si elles se retrouvaient entre les mains de personnes malavisées […] il y a eu très peu ou pas de contrebande détectée et de vente de matières fissiles sur le marché noir. Pourquoi? Parce que les autorités dans l’ensemble des pays sont conscientes de cette menace et sont aux aguets, particulièrement depuis l’automne dernier. Les gouvernements sont déterminés à garder un contrôle sur ces matières fissiles137 ».

        Le ministre Graham s’est exprimé en ces termes devant le Comité : « De toute évidence, le G8 a un rôle à jouer ici [...]138  ». Encore une fois, il faut souligner que la diplomatie multilatérale est nécessaire même si les ressources supérieures dont on dispose et la technologie de pointe peuvent être mises à contribution à cet égard. Le ministre a confirmé également que, lorsque lui et les autres ministres des Affaires étrangères du G8 se réuniront à Whistler en Colombie-Britannique, à la mi-juin 2002, ils aborderont, outre le contre-terrorisme, des questions comme la non-prolifération, le contrôle des armements et le désarmement.

        Plusieurs Canadiens qui ont comparu devant le Comité ont insisté sur le besoin de prendre des mesures pour réduire les dangers des armes nucléaires et autres engins de destruction massive, notamment pour restreindre le risque que des terroristes puissent en faire l’acquisition. Il pourrait s’agir de mesures à court terme visant à assurer la sécurité et l’élimination des matières fissiles de la Russie et des autres pays, mais il faudrait également renforcer la coopération internationale en matière de non-prolifération et de désarmement. Voici quels étaient les propos de l’ambassadeur Westdal à ce sujet :

Les objectifs des ambassadeurs au désarmement et des défenseurs du contrôle des armements ne s’opposent pas à ceux du gouvernement dont la responsabilité primordiale consiste à assurer la sécurité de ses citoyens […] nous recherchons tous la sécurité et nous reconnaissons qu’il faut naturellement recourir à la force pour défendre la paix et les libertés qui nous sont chères.

Ce n’est pas là que réside le problème. Il s’agit plutôt de déterminer les moyens nous permettant le mieux d’assurer la sécurité. Toutes les fois que la diplomatie, les négociations et les accords permettent d’en arriver à un degré de sécurité […] les autres États et nous évitons ainsi de recourir aux armes pour instaurer cette sécurité139.

        Lors de son témoignage devant le Comité à Toronto, Ernie Regehr, du groupe de travail Project Ploughshares, a signalé que les Canadiens devaient mieux comprendre tant la menace du terrorisme nucléaire que les solutions possibles pour l’enrayer. Il a ajouté qu’il était « important d’examiner la menace du terrorisme nucléaire de la part d’acteurs non étatiques dans le contexte de la menace plus générale que posent les armes nucléaires dans les arsenaux des différents pays : les puissances nucléaires traditionnelles, les nouvelles puissances nucléaires et les pays quasi-nucléaires140 ». Douglas Roche, sénateur et ancien ambassadeur au désarmement, a indiqué que les États du G8 possédaient environ 98 % des armes nucléaires dans le monde et qu’ils devaient absolument assumer leur obligation juridique de travailler à l’élimination de celles-ci avec le temps141.

        Les mesures précises proposées à cet égard comprennent l’augmentation des crédits accordés à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Comme l’a fait valoir le sénateur Roche dans un mémoire qu’il a présenté au Comité : « L’AIEA essaie en ce moment de mettre en œuvre un plan d’action visant à améliorer la protection contre les actes de terrorisme mettant en cause des substances nucléaires et d’autres matières radioactives. Or, l’AIEA est très sous-financée et doit compter sur les contributions volontaires pour financer son programme antiterroriste142 ». Une autre solution consisterait à continuer de participer à l’élimination du plutonium en Russie. L’ambassadeur Westdal a fait valoir ceci : « D’autres mesures peuvent être prises; elles n’ont rien de bien mystérieux, mais elles ont un prix élevé143 ». David Albright, de l’Institute for Science and International Security, a indiqué quant à lui que le G8 devrait évaluer soigneusement la menace du terrorisme nucléaire et élaborer un plan visant à prévenir ou à réduire le risque d’une attaque nucléaire de la part de terroristes. Il a ajouté que « si nous disposions d’un cadre d’action plus solide en matière de contrôle des armements et de désarmement, nous augmenterions considérablement nos chances de prévenir une attaque nucléaire terroriste. Le G8 pourrait réaffirmer son engagement envers le contrôle des armements et affirmer que la conclusion d’accords internationaux sur ce contrôle et sur le désarmement constitue un élément essentiel des efforts internationaux visant à prévenir l’utilisation des armes nucléaires et des autres engins de destruction massive par les terroristes144 ».

        Plusieurs témoins ont abondé dans le même sens en précisant que le Canada devrait demander avec instance au G8 de renforcer la coopération internationale sur l’élimination des armes nucléaires. Chris Westdal, ambassadeur au désarmement, a souligné que « […] les attaques contre les tours jumelles et le Pentagone nous ont certes confortés dans notre engagement envers le désarmement nucléaire […] Les dégâts causés par cette explosion non radioactive [équivalant à moins de 1 000 tonnes de TNT — par rapport aux 12 000 à 15 000 tonnes de TNT contenues dans les bombes lancées sur Hiroshima et Nagasaki] — devraient nous faire songer sérieusement aux conséquences de l’utilisation des arsenaux nucléaires145 ». Ernie Regehr a affirmé que le Canada devrait « […] demander instamment aux gouvernements du G8 d’accroître considérablement le soutien politique et les ressources financières dans le cadre d’un engagement multidimensionnel et multilatéral à se pencher sur tous les aspects de la menace nucléaire146 ».

Recommandation 16

Compte tenu du danger du terrorisme nucléaire, le Canada devrait préconiser que le G8 redouble d’efforts pour repérer, acquérir et neutraliser les matières nucléaires, en particulier celles de l’ancienne Union soviétique, en misant à la fois sur l’Agence internationale de l’énergie atomique et sur une collaboration bilatérale; il devrait également souligner le besoin de renforcer l’engagement du G8 et des autres États à l’égard de la non-prolifération et du désarmement, y compris en ce qui concerne les armes nucléaires; enfin, les gouvernements du G8 devraient évaluer la menace du terrorisme nucléaire tant pour mieux saisir les tenants et les aboutissants de cette question que pour sensibiliser leurs citoyens respectifs.

Le besoin de coopération internationale

        Tous les États doivent prendre des mesures législatives et autres pour améliorer leur capacité nationale de lutter contre le terrorisme. Ces mesures peuvent aller du renforcement des mesures de contrôle de l’immigration à de nouvelles règles pour augmenter les ressources dans les secteurs de l’application de la loi, du renseignement et même de la capacité militaire. Après le 11 septembre, l’attention s’est tournée vers les actions militaires entreprises par la coalition en Afghanistan. Toutefois, pour lutter efficacement contre le terrorisme, il faut surtout une meilleure coopération dans des secteurs de moindre visibilité comme le renseignement, l’amélioration des mesures de sécurité et, le plus important, une coopération internationale plus étroite.

        En tant que cible des attaques terroristes du 11 septembre, les États-Unis continueront sans doute à se sentir les plus vulnérables. Les avis ont aussi commencé à diverger entre les États du G8 concernant la poursuite de la lutte contre le terrorisme et les allusions des États-Unis à un « axe du mal ». Comme le professeur Reg Whittaker de l’Université York l’a fait remarquer à Vancouver, « Il est très clair que la guerre au terrorisme ne sera pas un succès si, en fait, l’Amérique persiste dans sa démarche unilatérale… Il est tout simplement impossible, même pour la seule superpuissance dans le monde et certainement la seule superpuissance militaire de la planète, de mener le genre de guerre à long terme qui s’impose, particulièrement une guerre du renseignement […] sans coopération147 ». Apparemment convaincus qu’il faudrait immédiatement élargir la lutte au terrorisme pour la transporter en Irak, les Américains ont véritablement polarisé l’opinion. Gordon Smith a dit au Comité : « Je pense que c’est cette question qui divisera en fait le plus les parties à Kananaskis148 ». Il a toutefois ajouté que les sommets constituent de bonnes tribunes pour s’expliquer ouvertement.

        La menace du terrorisme international concerne tous les États, et la solution consiste à trouver le plus grand terrain d’entente possible pour y faire face de façon multilatérale. À titre d’ambassadeur, Westdal a cependant fait remarquer que la solution, c’est le multilatéralisme effectif. Selon ses propres mots, « Dans cette administration [Bush], personne n’a ou ne devrait avoir le goût de verser dans un multilatéralisme inefficace, de se conter des balivernes ou de prétendre que nous avons en place des mesures qui seront efficaces149 ». Son commentaire s’inscrivait dans le contexte de la non-prolifération et du désarmement, mais il s’applique également à la lutte plus large contre le terrorisme et à la politique étrangère des États-Unis en général. Le changement de la façon dont les États-Unis perçoivent les menaces à leur sécurité est particulièrement important pour le Canada, compte tenu de nos relations bilatérales étroites, et ce sera un élément important dans le prochain rapport du Comité sur l’avenir des relations nord-américaines150.

        Le principal forum international sur le terrorisme est celui des Nations Unies. Comme Science et Paix l’a fait valoir dans un mémoire et une présentation devant le Comité à Toronto, le Canada doit continuer de soutenir l’ONU dans son rôle. Comme on l’a fait remarquer, les 12 conventions antiterrorisme adoptées par les Nations Unies constituent la base de la lutte internationale contre le terrorisme. Toutefois, comme Reid Morden l’a souligné, la plupart n’ont été ratifiées que par 40 à 60 États151. De même, la résolution 1373 de septembre 2001 du Conseil de sécurité a constitué un jalon dans la lutte internationale contre le terrorisme : elle précise les mesures que doivent prendre les États et exige que ceux-ci rendent compte de leurs progrès. Pourtant, alors que quelque 143 États avaient rendu compte de leurs progrès à l’ONU à la mi-avril 2002, 50 autres ne l’avaient pas fait.

Démocraties et terrorisme

        Tout en reconnaissant la nécessité d’utiliser parfois la force militaire pour lutter contre le terrorisme, l’ancien directeur de la CIA, l’amiral Stansfield Turner, a soutenu à la fin de septembre 2001 que « le secret de la lutte au terrorisme réside dans le choix du scénario ou du dosage des scénarios, tant projuridique que proactif, qui aura la plus grande incidence sur les terroristes en compromettant le moins possible les valeurs de la société152 ». [Traduction]. Comme l’a fait observer un ancien attaché militaire britannique au Moyen-Orient :

La plupart des gouvernements démocratiques appliquent les principes suivants dans leur politique de lutte contre le terrorisme : il ne faut faire aucune concession aux preneurs d’otages et aux autres terroristes; la lutte contre le terrorisme exige une étroite coopération internationale; la lutte contre le terrorisme exige les normes les plus rigoureuses en matière de respect des droits de la personne; la règle de droit s’applique également aux présumés terroristes et aux forces de sécurité. Ces principes ne sont pas toujours respectés, ce qui entraîne souvent des résultats malheureux pour les autorités concernées […] La tentation de combattre le terrorisme par le terrorisme est grande, mais elle finit en général par nuire à la crédibilité du gouvernement qui autorise de telles tactiques153.

        Concernant la réponse du Canada au terrorisme, Reid Morden a débuté en ces termes : « Je pars du principe que le Canada est un État de droit : le Canada et les Canadiens respectent la primauté du droit et nous sommes pour la création d’un organisme de droit international chargé de régir le comportement des membres de la communauté internationale et de ceux sur lesquels ils ont compétence154 ». Mary Robinson, haut commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, a souligné qu’il reste à définir le terrorisme d’une manière exhaustive et reconnue à l’échelle internationale. Des États ont déjà convenu de certains éléments de base. Par exemple, en décembre 1995, l’Assemblée générale de l’ONU affirmait dans sa Déclaration sur les mesures visant à éliminer le terrorisme international que « les actes criminels qui, à des fins politiques, sont conçus ou calculés pour provoquer la terreur dans le public, un groupe de personnes ou chez des particuliers sont injustifiables en toutes circonstances et quels que soient les motifs de nature politique, philosophique, idéologique, raciale, ethnique, religieuse ou autres que l’on puisse invoquer pour les justifier155 ». Le ministre des Affaires étrangères, Bill Graham, a été plus succinct, affirmant le 18 avril 2002 devant le Comité que : « Le Canada a toujours condamné toutes les formes de terrorisme. Aucune cause, aucune condition ne saurait justifier que l’on s’en prenne à des civils innocents156 ». Une telle définition n’est sans doute pas suffisante sur le plan juridique, mais l’est sur le plan politique.

        Outre la protection des civils, les grandes valeurs démocratiques comprennent un ferme engagement à protéger les droits de l’homme; par conséquent, il faut aussi tenir compte des libertés civiles dans le renforcement des mesures contre le terrorisme. L’Alliance canadienne pour la paix a soutenu dans son mémoire au Comité que : « Ce qu’on tient actuellement pour une vérité absolue, que les libertés civiles et la règle de droit nuisent à la protection contre les actes terroristes… risque de se retourner contre soi. L’Alliance canadienne pour la paix est d’avis que, dès que nous considérons les libertés civiles et la règle de droit comme des luxes, nous nous engageons en terrain très dangereux » [Traduction]157. Le Comité est d’accord. Nous citons de nouveau le haut commissaire aux droits de l’homme :

La promotion et la protection des droits de l’homme est au centre d’une stratégie antiterrorisme efficace […] Un des objectifs de cette stratégie est de s’assurer que le juste équilibre atteint dans la législation sur les droits de l’homme est au centre de l’ensemble des efforts de lutte contre le terrorisme. Les autres grands objectifs de cette stratégie sont de se pencher parallèlement sur la question plus large de l’insécurité humaine, notamment sur la nécessité de resserrer la coopération internationale, de prendre la prévention au sérieux, de renforcer l’égalité et le respect et de respecter ses engagements en matière de droits de l’homme. [Traduction]158 .

Le Comité retient aussi l’argument du professeur Stuart Farson, selon lequel le renforcement des mesures législatives et autres pour lutter contre le terrorisme depuis le 11 septembre signifie également qu’il faut exercer une plus grande surveillance et adopter d’autres mesures de protection.

        Toutes les démocraties devraient convenir — même si elles ne l’avouent pas toujours publiquement —  que quiconque s’en prend délibérément à des civils est un terroriste, mais un des obstacles pour qu’elles s’entendent sur la définition du terrorisme, c’est la conviction que nombreux sont ceux qui se tournent vers le terrorisme parce qu’ils vivent dans la pauvreté, l’aliénation et l’injustice. Plusieurs ont déclaré, devant le Comité et ailleurs, que pour réagir au terrorisme, il faut aller au-delà de l’application de la loi et s’attaquer aux « causes profondes », en mettant sur pied des programmes d’aide humanitaire — tout d’abord en Afghanistan — d’aide au développement et autres.

        Il importe de considérer le problème du terrorisme dans un contexte d’une politique étrangère plus large, mais il vaut mieux pour convaincre établir qu’il existe un lien direct entre le terrorisme et ces problèmes plus généraux ou qu’il existe des solutions simples à ces deux types de problèmes. Comme l’ambassadeur Robert Fowler l’a déclaré :

Je dois, cependant, exprimer mes réserves quant à l’idée que la pauvreté engendre nécessairement le terrorisme. […] Je prétends néanmoins qu’il faut se garder d’établir des liens de cause à effet entre la pauvreté ou la marginalisation et le terrorisme. … Les liens entre la sécurité, la situation économique et la politique sont complexes et ne se prêtent pas à des conclusions faciles. Nous avons besoin de mieux les comprendre, mais gardons-nous de sauter aux conclusions159.

        L’ancien sous-ministre des Affaires étrangères, Gordon Smith, a soutenu à Vancouver que « Il est clair… que la pauvreté et le désespoir ne mènent pas nécessairement au terrorisme, mais ils en augmentent certainement le risque ». [Traduction]160. Par ailleurs, les efforts pour résoudre ces problèmes n’élimineront pas le terrorisme, mais ils en diminueront le risque. Comme nous l’avons déjà mentionné, Reid Morden, qui a acquis une vaste expérience dans ce domaine, tant au sein du ministère des Affaires étrangères qu’à titre de directeur du SCRS, voit les choses de la même façon :

[…] à long terme, les droits de la personne au même titre que la démocratie et la justice sociale sont les meilleurs moyens de prévention contre le terrorisme. Le terrorisme est une arme à laquelle ont recours des personnes marginalisées et découragées, et c’est souvent le produit du désespoir. Si l’on donne aux êtres humains un véritable espoir de pouvoir mener une vie honnête et respectable grâce à des moyens pacifiques, les terroristes seront beaucoup plus difficiles à recruter161.

        Au bout du compte, comme l’a fait remarquer le secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan, les États ne verront leurs efforts contre le terrorisme couronnés de succès que lorsque leurs populations jugeront que la lutte planétaire contre le terrorisme est nécessaire et légitime162. Les États du G8 ont un rôle particulier à jouer autant pour accroître la coopération entre les grandes puissances économiques du monde que pour renforcer le consensus international contre le terrorisme — qu’un observateur a qualifié, il y a une décennie, de « politique du meurtre163 » [Traduction] —, mais l’ensemble des gouvernements démocratiques et des législateurs doivent le plus possible en faire autant.

Recommandation 17

Le Canada devrait insister, tout en reconnaissant le droit inhérent de légitime défense reconnu dans la Charte des Nations Unies, pour que les mesures prises par le G8 et les autres instances internationales dans ce domaine reposent sur les principes du multilatéralisme, le respect de la règle de droit, des libertés civiles et des droits de la personne. Ces mesures doivent aussi s’inscrire dans le contexte plus large d’une politique étrangère qui tient compte de la pauvreté et de l’exclusion, qui tente de régler les conflits en cours et qui met l’accent sur la prévention des conflits, notamment en atténuant les tensions et les préjudices.

Accroître la coopération au sein du G8

Le terrorisme sera hélas toujours une réalité avec laquelle nous devrons composer parce qu’il y aura toujours des êtres et des groupes déviants, quel que soit le contexte de la société humaine. Ce qu’il faut faire, c’est relever le seuil pour qu’il leur soit plus difficile de commettre de tels méfaits.

Nous pouvons faire bien des choses ensemble. Par exemple, dans les systèmes transnationaux comme le système de transport aérien, il est inutile de resserrer la sécurité dans les aéroports d’Ottawa ou de Toronto si quelqu’un peut monter à bord d’un avion à Londres ou à Bucarest où la sécurité est moindre et entrer ainsi dans le système. Il faut donc songer à des normes communes pour relever les seuils.

Autre exemple. Nous devrions tenter d’en apprendre davantage les uns des autres sur les meilleures pratiques de sécurité nationale […] Certains pays ont mieux réussi à cet égard que d’autres. Nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres. [Traduction]

                                            Joseph Nye164

        Le premier sommet du G7 en 1975 portait sur des questions macroéconomiques, mais le terrorisme est apparu à l’ordre du jour dès 1978. Lors de ses sommets, le G8 s’est penché au fil des ans sur des questions terroristes précises, allant du détournement d’avions (1980) aux bombardements terroristes et à la nécessité d’améliorer les normes internationales de sécurité et de détection des explosifs dans les aéroports (1997). En 1996, le G8 a adopté un ensemble d’objectifs et de principes antiterrorisme auxquels il s’est engagé à travailler. Plus important encore, sur le plan pratique, les États du G8 ont pris les devants dans la négociation des 12 conventions des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme, dont la plupart ont été élaborées par le Groupe d’experts antiterrorisme du G8, sous la direction des ministres des Affaires étrangères. En 1997, les États du G8 ont demandé à tous les États d’adhérer à ses conventions d’ici à 2000.

        Après les attaques de septembre 2001 contre les États-Unis, le G8 a pris des mesures pour souligner le consensus politique qui avait été établi et pour multiplier les gestes concrets de coopération antiterrorisme entre ses membres, suivant un plan d’action en 25 points. Comme James Wright du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international l’a déclaré devant le Comité en janvier 2002, « À titre de président du G8, le Canada jouera cette année un rôle de premier plan dans la mise en œuvre du plan d’action antiterrorisme du groupe. Ce plan en 25 points couvre une gamme de sujets comprenant le soutien du rôle des Nations Unies contre le terrorisme, le financement, la sécurité aérienne, l’immigration, la drogue, la cybercriminalité et la coopération judiciaire165 ».

        Les dirigeants du G8 ont demandé aux ministres des Affaires étrangères, des Finances, de la Justice et de l’Intérieur de se rencontrer et de resserrer leur coopération, et ce travail s’est poursuivi dans les mois qui ont précédé le sommet de Kananaskis. Plus particulièrement, compte tenu des liens qui se tissent de plus en plus entre les terroristes et les criminels traditionnels et du fait que les outils utilisés pour combattre le crime peuvent aussi servir à combattre le terrorisme, le G8 a demandé à ses groupes sur le terrorisme (Rome) et sur le crime (Lyon) de collaborer étroitement ensemble afin de s’assurer que leurs travaux soient complémentaires. Reid Morden avait aussi fait remarquer devant le Comité que, « Pour le terrorisme, comme pour tout crime organisé, ce n’est pas une mauvaise idée que de suivre la piste de l’argent. La similitude de cette piste pour les deux catégories d’activités illégales est remarquable166 ». Les experts juridiques du G8 se sont donc rencontrés à Ottawa en janvier 2002 pour discuter de mesures juridiques visant à lutter contre le financement du terrorisme. De plus, les ministres des Finances du G7 ont discuté du financement des activités terroristes lors d’une réunion tenue à Ottawa en février 2002, et ils en feront un thème important de leurs réunions qui auront lieu à Halifax les 14 et 15 juin 2002. Outre les mesures financières, la liste des sujets liés au terrorisme qui pourraient être discutés à Kananaskis comprend : la sécurité aérienne, le contrôle des exportations d’armes, la coopération en matière de sécurité, le refus de fournir des moyens de soutien, et l’identification et l’élimination des menaces terroristes.

        Pour ce qui est de mesures précises, le professeur Nye et Stephen Flynn du Council for Foreign Relations ont soutenu que le G8 devrait s’attacher à améliorer la sécurité des réseaux de transport internationaux. Comme nous l’avons déjà mentionné, le professeur Nye a cité l’exemple du réseau de transport aérien; le Dr Flynn a traité, dans son témoignage de l’automne 2001, de la vulnérabilité au terrorisme du marché des conteneurs, en particulier le commerce maritime, qui compte pour l’essentiel du commerce international [Traduction]167. Le vice-premier ministre, John Manley, qui est également président du Comité spécial du Cabinet sur la sécurité publique et l’antiterrorisme et responsable de la liaison avec le directeur de la U.S. Homeland Security, le gouverneur Tom Ridge, s’est dit d’accord en mai 2002 sur la nécessité d’agir concernant le marché des conteneurs. Comme il l’a déclaré, « […] Si les terroristes avaient vraiment voulu porter un coup à l’économie mondiale, ils auraient oublié le World Trade Center et vraiment semé la terreur en laissant planer une menace biologique ou nucléaire sur le marché des conteneurs, une menace d’envergure à laquelle nous ne sommes tout simplement pas préparés… À mon avis, si l’activité terroriste vous inquiète, voilà le genre de menace dont vous avez bien raison de vous inquiéter » [Traduction]168.

        Les mesures internationales visant à rendre le marché des conteneurs plus sécuritaire ne doivent de toute évidence pas nuire au commerce, et le Dr Flynn a insisté sur la nécessité de recourir davantage à la technologie et d’établir des normes communes de sécurité et de reddition de comptes en matière de marché de conteneurs169. Dans son rapport de décembre 2001, Le Canada et le défi nord-américain : gérer nos relations dans un contexte de sécurité accrue, le Comité s’est dit d’accord, faisant observer que : «la vulnérabilité de nombreux systèmes internationaux face au terrorisme ne peut être atténuée en s’attachant exclusivement au contrôle le long des frontières nationales » et que le processus du G8 est un moyen de faire avancer la coopération multilatérale170. Comme Peter Haydon l’a déclaré devant le Comité à Halifax :

... si vous voulez rendre votre port sûr, vous devez être prêts à vous demander ce que contiennent tous ces conteneurs qui y entrent. J’estime que les renseignements, et je suis sûr qu’on vous en a parlé, sont une des solutions à ce problème. Mais je ne parle pas seulement des renseignements au sein du système canadien, mais de tous les renseignements — liés à la lutte contre le terrorisme et contre le crime en général, du point de vue de la mer comme de la terre. Des renseignements et une bonne surveillance contribuent tout autant que d’autres mesures à vous garder un peu plus en sécurité et à vous rendre un peu moins vulnérables que vous ne le seriez autrement171.

Recommandation 18

Le Canada devrait encourager le G8 à poursuivre ses efforts pour établir des normes communes de sécurité et de reddition de comptes concernant les réseaux de transport internationaux. En particulier, alors que les améliorations apportées depuis le 11 septembre dernier en matière de sécurité du transport aérien ont été bien accueillies, il reste beaucoup à faire dans le domaine du transport maritime des conteneurs.

Renforcer la solidarité du G8

        Dans les mois qui ont suivi le 11 septembre, le G8 a travaillé en collaboration avec le Comité antiterrorisme du Conseil de sécurité des Nations Unies, essentiellement en prévision d’aider les États à signer et à mettre en œuvre les 12 conventions. Le ministre des Affaires étrangères Bill Graham a déclaré devant le Comité : « Pour ce qui est des objectifs de lutte contre le terrorisme à long terme, le G8 collaborera avec le Comité antiterrorisme des Nations Unies afin de fournir une aide en matière de renforcement des capacités, par exemple de la formation technique et une aide juridique, aux pays qui sont incapables de mettre en œuvre la résolution 1373 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Cette résolution prévoit des mesures pour éliminer le financement du terrorisme et mettre en œuvre les 12 conventions des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme172 ».

        La coopération est importante pour renforcer les capacités, mais le leadership politique l’est aussi. Le G8 serait davantage en position de force si les huit États membres avaient répondu à leur propre appel et ratifié toutes les conventions des Nations Unies. Le Canada et le Royaume-Uni sont les deux seuls États du G8 qui l’ont fait. De plus, selon certains, le fait que seulement trois des pays du G8 ont envoyé leurs ministres de la Justice à une réunion tenue à la mi-mai 2002 au Canada démontre que, au sein du G8, il y a un manque de volonté politique pour lutter contre le terrorisme [Traduction]173. Ce n’est peut-être pas le cas, mais est-il besoin de répéter que le geste a plus de poids que la parole.

Recommandation 19

Le Canada devrait insister auprès de tous les États du G8 pour qu’ils ratifient sans délai les 12 conventions des Nations Unies sur la lutte contre le terrorisme. En outre, les États du G8 devraient encourager et aider, par la voie diplomatique et par le renforcement des capacités, les autres pays à en faire autant. Tous les États doivent aussi redoubler d’efforts pour faire aboutir les négociations sur la Convention générale sur le terrorisme international.


129    Témoignages, 2 mai 2002, réunion no 74, Ottawa, 9 h 25.

130    Témoignages, 29 janvier 2002, réunion no 53, 9 h 15.

131    Témoignages, 31 janvier 2002, réunion no 54, 9 h 45.

132    Gwynne Dyer, The Taxonomy of Terror, 15 avril 2002 (version publication préalable).

133    Témoignages, 25 avril 2002, réunion no 72, 10 h 30.

134    Témoignages, 31 janvier 2002, réunion no 54, 9 h 45.

135    Témoignages, 2 mai 2002, réunion no 74, 9 h 20.

136    Témoignages, 29 novembre 2001, réunion no 47, 9 h 55.

137    Témoignages, 25 avril 2002, réunion no 72, 11 h 35.

138    Ibid., 9 h 15.

139     Ibid., 11 h 20.

140    Témoignages, 7 mai 2002, réunion n° 78, Toronto.

141    Mémoire, Sénateur Douglas Roche, Edmonton, 9 mai 2002.

142    Ibid., p. 3.

143    Témoignages, 25 avril 2002, réunion n° 72, 11 h 35.

144    Témoignages, 7 mai 2002, réunion n° 77, Toronto.

145    Témoignages, 25 avril 2002, réunion n° 72, 10 h 45.

146    Témoignages, 7 mai 2002, réunion n° 77, Toronto.

147    Témoignages, 6 mai 2002, réunion n76, Vancouver.

148    Témoignages, 7 mai 2002, réunion no 78, Vancouver.

149    Témoignages, 25 avril avril, réunion no 72, 11 h 30.

150    La coopération en matière de renseignement est particulièrement importante, et plusieurs témoins se sont attardés devant le
           Comité sur des questions de renseignement. Comme le faisaient remarquer les auteurs d’une importante étude publiée en novembre 2001
           par le Center for Strategic and International Studies à Washington — que le Comité a visité en mars 2002 : « Avec de bons renseignements,
           tout est possible; autrement, rien n’est possible » [Traduction]. Kurt M. Campbell et Michele A. Flournoy, To Prevail: An American Strategy
           for the Campaign Against Terrorism
, Center For Strategic and International Studies, Washington, novembre 2001, p. 78.

151    Témoignages, 31 janvier 2002, réunion no 54, 9 h 50.

152    Stansfield Turner, Terrorism and Democracy: Ten Steps to Fight Terrorism Without Endangering Democracy, Center for
           International and Security Studies at Maryland School of Public Affairs, University of Maryland at College Park, 30 septembre 2001,
           p. 2 (disponible à http://www.puaf.umd.edu/CISSM)

153    Andrew Duncan et Michel Opatowski, Trouble Spots: The World Atlas of Strategic Information, Sutton Publishing, Stroud, 2000,
            p. 19.

154    Témoignages, 31 janvier 2002, réunion no 54, 9 h 45. La réponse du Canada aux menaces ou incidents terroristes s’inspirait
            des politiques suivantes, contenues dans la version de 2000 du Plan national de lutte contre le terrorisme : Les incidents terroristes
            sont des infractions criminelles
; la « règle de droit » doit être maintenue; il ne faut ménager aucun effort pour trouver une solution
            pacifique à une prise d’otage; aucune concession substantielle ne doit être accordée; les terroristes ne doivent tirer aucun avantage
            de leurs actes criminels; et il faut empêcher un avion détourné de s’envoler, sauf dans des circonstances extraordinaires. Le Plan
            national de lutte contre le terrorisme, version AIPRP
(Accès à l’information et protection des renseignements personnels).

155    Cité dans le Rapport du haut commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme et le Suivi de la Conférence mondiale
            sur les droits de l’homme
, E/CN.4/2002/18, 27 février 2002, par. 3.

156    L’honorable Bill Graham, ministre des Affaires étrangères, La situation au Moyen-Orient, Notes pour une présentation devant
            le Comité, Ottawa, 25 avril 2002, p. 3.

157    Mémoire, L’Alliance canadienne pour la paix, Toronto, 8 mai 2002, p. 6.

158    Rapport du haut commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme (2002), par. 7.

159    « Adresse au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international par l’ambassadeur Robert Fowler,
            représentant personnel du premier ministre au Sommet du G8 et représentant personnel du premier ministre pour l’Afrique »,
            23 avril 2002, p. 3.

160    Témoignages, 7 mai 2002, réunion no 78, Vancouver.

161    Témoignages, 31 janvier, réunion no 54, 9 h 55.

162    Cité dans Ibid., 9:50.

163    Patrick Brogan, The Fighting Never Stopped: A Comprehensive Guide to World Conflict Since 1945, Vintage Books,
            New York, 1990, p. 526.

164    Témoignages, 2 mai 2002, réunion no 74, 10 h 55.

165    Témoignages, 17 janvier 2002, réunion no 52, 13 h 45.

166    Témoignages, 31 janvier 2002, réunion no 54, 9 h 50.

167    Voir “When Trade and Security Clash,” The Economist, 6 avril 2002, p. 59-62.

168    David Rider, « Manley Feared Attack Against Commercial Container Traffic, » The Ottawa Citizen, 14 mai 2002, D2.

169   Témoignages, 27 novembre 2001, réunion no 46, 16 h 20. De même, l’Administration portuaire de Vancouver avait soutenu
           dans un mémoire sur la coopération bilatérale entre le Canada et les États-Unis qu’il faut partager l’information entre agences,
           évaluer conjointement les risques et établir des bases de données communes pour s’assurer des capacités en matière de
           renseignement, de sécurité et d’interdiction. La Coalition (pour un périmètre de sécurité commun) propose qu’un système d’information
           intégré agisse comme réseau de base reliant les sources multiples d’informations et les systèmes d’identification afin d’accroître la
           sécurité du périmètre, Mémoire, Administration portuaire de Vancouver, p. 2.

170  Le Canada et le défi nord-américain : Gérer nos relations dans un contexte de sécurité accrue, décembre 2001, p. 16.

171    Témoignages, 26 février 2002, réunion no 59, 15 h 35.

172    Témoignages, 25 avril 2002, réunion no 72, 9 h 15.

173   Voir Jeff Heinrich, “Missing: G8 Justice Ministers, Absence of Top Lawmakers at Summit Raises Questions about Terrorism
           Fight,” The Gazette, Montréal, 16 mai 2002, p. A8.