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HEAL Rapport du Comité

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RÉGLEMENTATION DE L'ASSISTANCE À LA
PROCRÉATION ET DE LA RECHERCHE CONNEXE

Rapport Minoritaire de l’Alliance canadienne

Publié par Preston Manning, député;
Diane Ablonczy, députée;
Rob Merrifield, député;
James Lunney, député
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Les membres de l’Alliance canadienne du Comité permanent de la santé aimeraient féliciter la présidente, Bonnie Brown, députée, et leurs collègues membres du Comité pour leur diligence et leur façon non partisane de procéder à l’examen de l’avant-projet de loi sur l’assistance à la reproduction et la recherche connexe. Nous avons pleinement participé à la préparation du rapport majoritaire et appuyons nombre de ses recommandations, notamment celles ayant trait à la Déclaration d’intention à inscrire dans la loi, aux activités que doit interdire la loi et aux dispositions créant l’organisme de réglementation.

L’objet du rapport minoritaire est de souligner les éléments sur lesquels nous aimerions insister davantage et pour lesquels nous recommandons au ministre de la Santé une approche différente.

1. Urgence

Cela fait plus d’une décennie que la Commission royale sur les nouvelles techniques de reproduction a entrepris d’étudier la question. Cela fait cinq ans que le gouvernement a tenté pour la dernière fois de légiférer à cet égard (projet de loi C-47, mort au Feuilleton). Cela fait huit mois que le Comité de la santé a été chargé de produire un rapport sur le présent avant-projet de loi du gouvernement, et il faudra probablement six autres mois avant que l’avant-projet de loi devienne effectivement loi. Entre-temps, les progrès scientifiques et médicaux en matière d’assistance à la procréation, ainsi que la science de la génétique, avancent à pas de géant.

Patricia Baird, qui a présidé la Commission royale, a déclaré au Comité que cette dernière avait tenu au pays nombre de discussions et de consultations sur ces sujets pendant plus d’une décennie et qu’il était désormais essentiel de mettre en place un système de contrôle des techniques de reproduction. (5 juin 2001)

Si le gouvernement est prêt à adopter les mesures d’interdiction prévues dans la nouvelle version de l’avant-projet de loi en janvier 2002, nous l’appuierions. Quoi qu’il en soit, nous exhortons le gouvernement à accorder la priorité à l’adoption rapide d’une loi qui s’inspire de ce rapport.

 

Recommandation : Que le ministre de la Santé présente une nouvelle version de l’avant-projet de loi sur l’assistance à la procréation et la recherche connexe avant le 31 mars 2002.

 

2. Respect de la vie humaine

Nous sommes d’accord avec le rapport majoritaire qu’un « facteur essentiel » pour encadrer la loi doit être « le respect de l’individualité, de la dignité et de l’intégrité de l’être humain ». Cependant, il faudrait selon nous renforcer la description de facteur essentiel par l’adjonction de l’expression « respect de la vie humaine ».

Bartha Knoppers (professeure adjointe, Faculté de droit, Université de Montréal) a déclaré au Comité : « Cela m’étonne que nulle part dans le préambule on ne trouve une allusion, non pas à la question de savoir quand la vie commence ou quand on devient une personne humaine, mais au principe éthique du respect de la vie humaine. Cela ne figure pas dans le préambule. Ça m’étonne qu’il n’y ait pas cela dans ce préambule, qui va quand même servir comme un énoncé des principes de fonds. » (7 novembre 2001)

Le Comité a réagi en partie aux réserves de Mme Knoppers en recommandant que « le respect de l’individualité, de la dignité et de l’intégrité de l’être humain » soit un facteur essentiel pour encadrer la loi. Toutefois, la description de ce facteur essentiel serait selon nous plus percutante et plus exacte si on insistait sur « le respect de la vie humaine ».

Ainsi, il faudrait alors respecter et protéger l’embryon humain non seulement à cause de son potentiel mais aussi à cause du fait qu’il constitue une vie humaine.

Recommandation : Que le texte final de la loi reconnaissance clairement l’embryon humain en tant que vie humaine et que l’expression « respect de la vie humaine » figure dans la Déclaration.

 

3. Conflit entre éthique et science

On a attaché beaucoup d’importance aux conflits possibles entre le fait qu’on veuille en science repousser les frontières du savoir et ce que la société en général pourrait considérer « acceptable sur le plan éthique ». À noter toutefois que la recherche et l’avancement scientifique peuvent aussi atténuer certains problèmes d’éthique. Par exemple, la recherche sur les cellules souches d’embryon pose un grave problème d’éthique car il faut détruire l’embryon pour obtenir les cellules souches. Les derniers progrès scientifiques concernant les cellules souches adultes promettent toutefois une solution qui est plus acceptable sur le plan éthique.

Néanmoins, il y aura toujours des situations de conflit entre ce qui est possible scientifiquement et ce qui est acceptable sur le plan éthique. Dans de telles situations, nous sommes d’accord avec le ministre lorsqu’il a dit au Comité : « En bref, il faut aborder la question sur un plan plus large que le simple plan scientifique, de façon à guider les recherches et les progrès de la science. Ce n’est pas parce que l’on peut faire quelque chose qu’on doit nécessairement le faire. » (3 mai 2001)

Nous sommes aussi d’accord avec Mme Jocelyn Downie (directrice de l’Institut du droit de la santé et professeure adjointe à l’Université Dalhousie) lorsqu’elle a déclaré : « Le fait d’établir un ensemble clair de normes déontologiques applicables à la science dans le contexte de la reproduction humaine assistée garantit que les praticiens et les chercheurs savent ce que l’on attend d’eux lorsqu’ils s’adonnent à des activités dans ce domaine. De même, le fait d’établir un ensemble clair de normes garantit que les bénéficiaires de ces activités et le grand public peuvent avoir l’assurance que seules des activités acceptables sur le plan de l’éthique sont autorisées et qu’elles sont menées à bien selon des méthodes valables au plan scientifique et acceptables au plan éthique. » (7 novembre 2001)

Recommandation : Que le mandat et le code de déontologie de l’organisme de réglementation établi par la loi stipulent que, s’il y a conflit entre acceptabilité éthique et possibilité scientifique, la voie acceptable sur le plan éthique doit avoir préséance.

 

4. Réglementation de la recherche sur les cellules souches d’embryon

Le rapport majoritaire est nettement favorable à la recherche sur les cellules souches faisant appel à des sources autres que des embryons et émet des réserves sur la recherche sur les cellules souches d’embryon qui « réifie l’embryon ». Nous partageons cet avis, mais nous estimons que le plus grand problème de la recherche sur les cellules souches d’embryon, c’est qu’elle prévoit la destruction de l’embryon, ce qui est contraire à l’éthique qui veut qu’on respecte l’individualité, la dignité, l’intégrité et la vie de l’être humain. Nous saluons le sentiment sur lequel repose la recommandation du rapport majoritaire, voulant qu’aucune autorisation ne soit délivrée pour les recherches faisant appel à des embryons « à moins que le demandeur démontre qu’il ne peut effectuer ces recherches avec aucun autre matériel biologique », mais nous considérons que cette disposition n’est ni claire ni applicable.

Le Comité a entendu des témoignages scientifiques convaincants (Lippman, Prentice, Giesbrecht) au sujet des progrès de la recherche sur les cellules souches adultes, notamment qu’elles sont faciles d’accès, ne posent aucun problème de rejet de tissus et posent très peu de problèmes d’éthique. La recherche sur les cellules souches adultes a énormément progressé depuis un an et est très prometteuse pour l’avenir.

Recommandation : Que le texte final de la loi interdise pendant trois ans la recherche sur les cellules souches d’embryon et que le gouvernement encourage fortement ses organismes subventionnaires et le milieu scientifique à mettre l’accent sur la recherche sur les cellules souches adultes (postnatales).

 

5. Respect des compétences provinciales

Nous craignons que le projet de loi qu’envisage le ministre empiète sérieusement sur plusieurs grands domaines de compétence provinciale, notamment la prestation et la réglementation des services de soins de santé liés à l’assistance à la procréation, la mise sur pied et l’exploitation de systèmes d’information sur la santé et les mesures régissant la protection des renseignements biologiques et l’accès à ceux-ci. Nous craignons que le projet fédéral de réglementation des établissements d’assistance à la procréation soit contesté en vertu de la Constitution.

Les membres de l’Alliance canadienne veulent s’assurer que la compétence des provinces en matière de soins de santé est respectée. La réglementation des services d’assistance à la procréation et de la recherche connexe fait intervenir la compétence du fédéral et celle des provinces. C’est pourquoi nous avons exhorté il y a plus d’un an le ministre fédéral de la Santé à convoquer une conférence fédérale-provinciale dans le but de mettre au point un accord fédéral-provincial sur l’assistance à la procréation et la recherche connexe, accord sur lequel reposeraient la coopération et l’action commune des deux niveaux de gouvernement, dans le respect de leurs champs respectifs de compétence. Nous demeurons convaincus qu’un tel accord sera tôt ou tard nécessaire, notamment pour garantir que l’organisme de réglementation créé par la Loi aura les pouvoirs nécessaires pour mener à bien son mandat.

Recommandation : Que le ministre fédéral de la Santé entame des pourparlers en vue de la conclusion d’un accord fédéral-provincial concernant la prestation des services d’assistance à la procréation et la réglementation de la recherche connexe au Canada.

 

6. Protection des renseignements personnels et accès à l’information

La mise sur pied et la tenue d’un système d’information sur la santé et d’un registre de renseignements biologiques personnels dans le domaine de l’assistance à la procréation tels qu’envisagés dans l’avant-projet de loi constituent d’autres activités qui nécessitent la coopération entre le fédéral et les provinces. Bien des témoins se sont plaints devant le Comité des lacunes du système de mesures disparates actuel.

Recommandation : Que le gouvernement fédéral collabore avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et les autres intervenants à la création d’un registre national, complet et coordonné, de renseignements biologiques personnels dans le domaine de l’assistance à la procréation.

 

De plus, les dispositions initiales de l’avant-projet de loi concernant la protection des renseignements personnels et l’accès à l’information (articles 18 à 22) accordaient plus de poids aux droits à la protection des renseignements personnels des donneurs de matériel reproductif humain qu’aux droits en vertu de « l’accès à l’information » des enfants issus de la procréation assistée.

Même si plusieurs recommandations du rapport majoritaire penchent davantage en faveur des enfants concernés, nous faisons également la recommandation suivante :

Recommandation : Que le texte final de la loi renferme un énoncé clair qui établit qu’en cas de conflit entre les droits à la protection des renseignements personnels des donneurs de matériel reproductif humain et les droits des enfants de connaître leur patrimoine génétique et social, les droits des enfants ont préséance.

 

7. Organisme de réglementation

Les membres de l’Alliance canadienne appuient sans réserve les recommandations du rapport majoritaire voulant que l’organisme de réglementation créé pour donner suite aux dispositions de la loi devrait être indépendant du ministère de la Santé, respecter le principe de responsabilité ministérielle et être assujetti à des dispositions spéciales visant à assurer des liens étroits avec le Parlement et le public.

Le rapport majoritaire recommande également que l’organisme de réglementation ait le pouvoir de former des sous-comités d’experts afin de représenter divers groupes d’opinion et d’intérêt. Il faudrait renforcer ces dispositions par l’ajout d’un article qui accorderait un « statut » légal précis à ces groupes d’intérêt et d’opinion, ce qui leur garantirait d’être « entendus » devant l’organisme de réglementation.

Recommandation : Que, sans limiter la capacité de l’organisme de réglementation de recevoir l’avis de qui il veut, on accorde dans le texte final de la loi un « statut légal » devant l’organisme de réglementation aux principaux intervenants, à savoir les utilisateurs des techniques d’assistance à la procréation; les enfants issus de la procréation assistée; les personnes handicapées; les milieux scientifique et médical; les diverses confessions religieuses, les éthiciers professionnels et les représentants des comités d’éthique en recherche, les fournisseurs de services du secteur privé et les entreprises privées de recherche, les contribuables et leurs représentants, et les gouvernements provinciaux et territoriaux.

 

Nous notons également que la partie de l’avant-projet de loi portant sur l’inspection et le contrôle d’application a été la moins commentée par les témoins et la moins examinée par le Comité.

 

Recommandation : Que le Parlement effectue un examen spécial sur les dispositions du texte final de la loi qui vise en particulier à garantir l’efficacité des mesures d’inspection et de contrôle d’application.

 

8. Aspets économiques de l’assistance à la procréation et coût de la réglementation

Le Comité de la santé a entendu très peu de témoignages d’ordre économique sur le secteur des services d’assistance à la procréation ou sur le rôle du secteur privé. Il n’a rien entendu sur les coûts éventuels de la réglementation de cette activité et de la recherche connexe. Alors que le Canada entre en récession et que la croissance des recettes fédérales ralentit, il est impératif qu’on fournisse au Parlement un meilleur tableau de ces aspects importants du sujet.

Recommandation : Que Santé Canada soit tenu de fournir au Comité de la santé et au Comité des finances une description claire des aspects économiques du secteur de l’assistance à la procréation, ainsi qu’une estimation du coût de mise en place et de fonctionnement du régime réglementaire proposé dans le rapport. Cette analyse devrait comprendre une évaluation des effets que pourrait avoir sur le coût des soins de santé l’élargissement prévu des services d’assistance à la procréation et l’adoption de traitements issus de la recherche en génétique.

 

9. Appui à la recherche et développement

À cause du caractère réglementaire de l’avant-projet de loi, nombre de dispositions du rapport majoritaire et du présent rapport minoritaire produit par nécessité vise à interdire la conduite des recherches scientifiques portant sur l’assistance à la procréation et sur la réduction de la souffrance humaine et à en fixer les limites et les conditions.

Tout en reconnaissant la nécessité de ces interdictions et contraintes, les membres de l’Alliance canadienne désirent affirmer qu’ils appuient le travail des scientifiques et des cliniciens dans le domaine et reconnaissent leurs efforts pour réduire la souffrance humaine associée à l’infertilité humaine et aux maladies transmises génétiquement.

Nous désirons notamment remercier les associations et les témoins qui représentent les personnes atteintes d’infertilité et de maladies transmises génétiquement de bien avoir voulu partager leurs espoirs et leurs craintes avec nous.

Recommandation : Que la recherche et le développement visant à faire avancer sur le plan éthique la science et la médecine dans le domaine de l’assistance à la procréation et de la recherche connexe jouissent du soutien inconditionnel du gouvernement fédéral et de la population dans les années à venir.

10. Vote libre

Recommandation : Que, en raison du caractère moral et éthique de l’avant-projet de loi sur l’assistance à la procréation et la recherche connexe, tous les parties puissent voter librement sur ce projet de loi, à toutes les étapes.