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INST Rapport du Comité

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OPINION DISSIDENTE DU BLOC QUÉBÉCOIS

            La Loi sur l’enregistrement des lobbyistes fait partie de ces mesures qui visent à rendre le processus d’adoption des politiques publiques plus transparent. En ce sens, le Bloc Québécois a étudié chaque aspect du travail des lobbyistes, chaque article de la Loi et a entendu tous les témoins en gardant toujours à l’esprit l’importance de la transparence pour assurer à la population que les décisions en matière de politiques publiques et d’octroi de contrats reflètent les intérêts généraux des citoyens et non ceux des lobbies puissants.

            Malgré certaines recommandations intéressantes1, le Bloc Québécois n’a eu d’autre choix que de présenter cette opinion dissidente au rapport majoritaire, car ce dernier fait preuve de trop de timidité dans sa volonté d’encadrer les activités des lobbyistes. Le rapport de la majorité libérale reste également silencieux sur des aspects importants relatifs au conseiller en éthique.

1. Rôle du conseiller en éthique

                Le Comité a refusé d’émettre des recommandations quant au processus de nomination du conseiller en éthique et aux différents rôles qu’il joue au sein du gouvernement. Pourtant, le Bloc Québécois croit que la question est fondamentale.

            La récente affaire du « Golf Grand-Mère » — dans laquelle le Premier ministre se serait placé en conflit d’intérêts en intervenant auprès du président de la BDC pour l’octroi d’un prêt à l’Auberge Grand-Mère, voisine du golf — a mis sous les feux de la rampe plus que jamais, le rôle du conseiller en éthique.

            Cette affaire a clairement démontré à la population que le conseiller en éthique (chargé de l’application du Code régissant la conduite des titulaires de charge publique, mais également du Code de déontologie des lobbyistes) n’a pas l’indépendance et le mordant que les citoyens sont en droit de s’attendre. Le rapport majoritaire indique même que rien n’empêche « le Premier ministre de nommer un conseiller en éthique pour conseiller son gouvernement. En fait n’importe quel parti peut en faire autant. »

            Cette dernière remarque prouve bien que les Libéraux confondent deux notions aussi distinctes que la gestion interne d’un parti politique et l’administration des fonds publics. Ils font référence au conseiller en éthique comme s’il s’agissait d’un conseiller POLITIQUE du Premier ministre et du gouvernement.

                Pourtant, il est logique qu’un conseiller en éthique ait le mandat de faire des enquêtes publiques sur des conflits d’intérêts et des manquements à l’éthique faits par des titulaires de charge publique dans le but d’en informer les citoyens. Contrairement aux Libéraux, pour le Bloc Québécois, l’éthique, la transparence, la confiance des citoyens dans les institutions démocratiques et dans la gestion des affaires publiques ne sont pas des questions qui appartiennent à un parti politique, à un gouvernement ou à un Premier ministre. Ces questions relèvent plutôt des institutions démocratiques — la Chambre des communes — et des représentants élus par les citoyens.

Selon Sean Moore, Conseiller en politique publique et affaires publiques, entendu lors des audiences :

le poste de conseiller en éthique, avec le mandat dont il dispose actuellement au niveau du gouvernement fédéral, n’est plus crédible aujourd’hui. A mon avis, en dehors des limites de la Colline parlementaire, et dans l’esprit d’au moins la moitié des gens sur la Colline, ce n’est plus une option crédible. (…) Personnellement, je pense que l’absence d’un droit de regard indépendant risque de nous coûter beaucoup plus cher à l’avenir.

            Pour tenter de rétablir la crédibilité du poste de conseiller en éthique, le Bloc Québécois recommande que le conseiller en éthique soit nommé par le Parlement pour cinq ans, que sa révocation ne puisse être faite par le Gouverneur en conseil que sur adresse de la Chambre des communes et que son mandat soit renouvelable pour une période d’au plus cinq ans.

            Évidemment, un conseiller en éthique parfaitement indépendant qui doit rendre des comptes au Parlement doit par conséquent tenir des enquêtes publiques et faire rapport à la fois des démarches, des conclusions et des raisons qui motivent ces conclusions à la Chambre des communes.

            En ce sens, la recommandation du présent rapport qui prévoit la création d’un « nouveau bureau » chargé des enquêtes sur les violations présumées du Code de déontologie des lobbyistes et qui ferait rapport au Parlement, ne rassure guère le Bloc Québécois. En effet, comme le mentionne le rapport, « la Loi ne prévoit aucune sanction et ne précise pas non plus la suite que doit donner le Parlement au rapport faisant état d’une infraction » (au Code de déontologie des lobbyistes).

            Bref, ce « nouveau bureau » ne peut donc imposer aucune sanction. C’est comme si, après avoir conclu son enquête, Columbo ne pouvait arrêter le suspect !!! C’est pourquoi le Bloc Québécois recommande que le Code de déontologie des lobbyistes devienne un texte réglementaire de manière à ce qu’il soit sanctionnable devant les tribunaux, comme c’est le cas pour une multitude de professions.

2. Encore beaucoup de travail à faire

            Dans le présent rapport, Le Bloc Québécois dénombre plusieurs suggestions qui permettraient d’améliorer la Loi sur l’enregistrement des lobbyistes et qui seraient susceptibles d’augmenter la confiance des citoyens envers le processus d’élaboration des politiques publiques. Malheureusement, la majorité libérale n’a pas jugé bon de les recommander. Dans d’autres cas, le Comité a préféré remettre à plus tard en demandant d’étudier plus à fond certaines questions plutôt que d’agir dès maintenant.

  1. Le Bloc Québécois recommande que les lobbyistes dévoilent leurs rencontres avec un ministre et des hauts fonctionnaires en plus du nom du ministère concerné.

  2. Le Bloc Québécois recommande que les lobbyistes divulguent les montants consacrés aux campagnes de lobbying.

  3. Le Bloc Québécois recommande que les lobbyistes-conseils et les lobbyistes salariés divulguent leurs honoraires.

  4. Le Bloc Québécois recommande d’inclure une disposition interdisant explicitement toute forme d’honoraires conditionnels et ce, pour quelque intervention que ce soit.

  5. Le Bloc Québécois recommande que les lobbyistes-conseils et les lobbyistes salariés divulguent les postes occupés et les périodes d’emploi correspondantes au sein d’une administration fédérale, au sein d’un parti politique; les postes de direction non rémunérés au sein d’un parti politique; le nombre d’heures de travail bénévole, dans la mesure où il y en a plus de 40/année, faites au nom d’un parti, d’un candidat à l’investiture d’un parti ou d’une association de circonscription; les mandats à titre d’élu au fédéral et les campagnes électorales infructueuses; les contributions aux différents partis politiques et aux différents candidats.

  6. Le Bloc Québécois recommande que le Code régissant la conduite des titulaires de charge publique devienne un texte réglementaire, et que ce Code soit révisé par un Comité de la Chambre des communes de manière à éviter les abus. Ainsi, la période de restriction d’après-mandat des titulaires de charge publique, discutée en Comité, deviendrait sujette à des sanctions en cas d’infraction.

Conclusion

            Même si la présente étude ne visait pas cette question, le Bloc Québécois ne peut conclure son opinion dissidente sans faire référence au rôle secondaire que l’on réserve aux députés dans l’établissement des politiques publiques. En effet, de nombreux témoins ont affirmé que le temps des lobbyistes est essentiellement consacré à l’appareil bureaucratique et au pouvoir exécutif. Voici ce qu’affirmait un témoin au Comité concernant les questions législatives :

ils (les députés) se trouvent généralement beaucoup plus bas sur la liste des personnes à contacter, car la genèse des lois dans notre pays commence généralement deux ou trois ans avant que la Chambre des communes n’en soit saisie (M. Sean Moore)

            Pourtant, le Bloc Québécois sait que les citoyens sortiraient gagnants d’un système où leurs élus auraient plus de pouvoirs, car ce sont les députés qui ont un contact direct avec la population et qui sont les plus aptes à se faire les porte-parole de leurs électeurs. Le Bloc québécois espère que le gouvernement reconnaîtra l’importance et l’apport essentiel des parlementaires au processus d’élaboration des politiques publiques.