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NDVA Rapport du Comité

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RAPPORT DISSIDENT DU BLOC QUÉBÉCOIS
CONCERNANT LE RAPPORT FINAL
DU COMITÉ PERMANENT DE LA DÉFENSE NATIONALE
ET DES ANCIENS COMBATTANTS SUR L’ÉTAT DE PRÉPARATION
DES FORCES ARMÉES CANADIENNES

FAIRE FACE À NOS RESPONSABILITÉS

LE BLOC QUÉBÉCOIS S’OPPOSE À CE RAPPORT PUISQUE :

Avant de recommander de hausser le budget de la défense de 33% sur trois ans environ, un large débat public doit avoir lieu;
Le calcul des dépenses dans le secteur de la défense selon un pourcentage fixe du PIB n’est pas recommandable non plus;
Une telle hausse des dépenses en défense ne doit pas précéder la révision de la politique de défense, annoncée par le ministre pour cette année;
Certains besoins sont là, mais des choix doivent être faits, dans l’optique d’une consultation publique d’envergure.

Depuis un moment déjà, le Bloc Québécois recommande la révision de la politique de défense du Canada. Il va de soi que cette dernière doit précéder tout éventuel réinvestissement massif au sein des Forces canadiennes. Les orientations générales de la défense sont à revoir et des choix importants devront être faits.

Dans le présent rapport du Comité permanent de la Défense nationale et des Anciens combattants, la première recommandation propose « Que le gouvernement augmente le budget de base annuel du ministère de la Défense nationale pour qu’il atteigne entre 1,5 et 1,6 % du PIB, augmentation qui sera appliquée graduellement au cours des trois prochaines années, et qu’il continue de se rapprocher de la moyenne de l’OTAN. »1 Or, dans le document « Budget des dépenses 2002-2003  partie 3» le gouvernement admet que « la Défense ne pourra et ne devrait peut-être pas soutenir à long terme les capacités et les niveaux d’activités actuels des Forces canadiennes2 » et que dans le contexte actuel « le problème ne se résume pas uniquement à une question d’argent » mais qu’il s’agit bien « d’une question de choix ».

Tant que les orientations principales ne seront pas revues, il sera difficile de privilégier un secteur des Forces canadiennes au dépend d’un autre. Le Canada n’a pas les ressources financières et humaines des États-Unis et il ne peut prétendre à un niveau équivalent de polyvalence pour ses Forces armées.

UNE VASTE CONSULTATION PUBLIQUE EST NÉCESSAIRE

Il est tout aussi fondamental que la population participe aux débats touchant l’utilisation des deniers publics dans le secteur militaire. Ces questions ne doivent pas être laissées à quelques spécialistes uniquement.

Il ne faut pas oublier que le dernier budget a affecté des ressources supplémentaires au secteur de la défense, que plusieurs projets de modernisation de l’équipement sont en cours et que des sommes très substantielles y sont consacrées.

Il convient de préciser que toute mesure du budget de la défense se basant sur un pourcentage du PIB ne serait qu’approximative et changeante. Au cours de la dernière décennie, des changements de comptabilité nationale aux États-Unis ont permis de revoir le PIB à la hausse. De plus, tous les pays de l’OTAN n’utilisent pas une même proportion de leur PIB pour les dépenses dans le secteur de la défense. Un niveau de dépenses fixé en fonction du PIB et surtout en fonction de la moyenne des pays de l’OTAN ferait en sorte que, si un pays décidait d’augmenter ses dépenses de manière très significative, le Canada devrait forcément augmenter lui aussi ses dépenses. Rappelons que la Turquie consacre environ 6% de son PIB aux dépenses en défense. Ceci illustre le caractère arbitraire et inapproprié de l’établissement d’un niveau de dépense fixé en terme de pourcentage du PIB.3

Dans un contexte où l’on apprend que le gouvernement canadien est à négocier une éventuelle participation à la nouvelle structure continentale de défense des États‑Unis, le Northern Command, d’autres questions se voient soulevées : le Canada devra-t-il se prononcer en faveur du bouclier anti-missile américain? Mettra-t-il de côté certains principes et initiatives qui lui sont chers, comme la non-militarisation de l’espace, sa participation significative aux missions sous mandat international ou encore les traités comme celui des mines antipersonnel? La question des coûts reliés à une collaboration continentale accrue avec les États-Unis se pose également et exige que l’on se préoccupe du caractère stratégique de chaque choix effectué en termes de capacités de défense. Il faut savoir où on s’en va pour décider quel moyen de transport prendre. Certaines décisions prochaines pourront être lourdes de conséquences.

DES RECOMMANDATIONS NON CHIFFRÉES

Dans son rapport final, le Comité permanent de la Défense nationale et des Anciens combattants émet plusieurs recommandations qui auraient, à court et moyen terme, une incidence budgétaire extrêmement significative.

Outre la première recommandation qui recommande à elle seule l’ajout de près de 6 milliards de $, plus d’une douzaine de recommandations demandent elles aussi l’injection de fonds publics additionnels pour l’achat d’avions, de navires, la modernisation d’équipements ou l’ajout de fonds supplémentaires dans divers programmes.

À ceci, on doit ajouter d’autres recommandations qui ne spécifient pas directement l’injection de fonds publics mais qui en nécessiteront forcément afin de pouvoir les réaliser.

Pour l’instant, il est difficile de chiffrer le montant total de toutes ces recommandations mais il semble évident qu’il s’agit ici de plusieurs milliards de dollars! Dans le contexte où nous sommes toujours dans l’attente d’une révision de la politique de défense, ces investissements massifs risquent de confirmer que les décisions, au ministère de la Défense nationale, sont encore une fois prises à la pièce.

Précisons toutefois que nous ne sommes pas opposés, de prime à bord, à l’acquisition et à la modernisation de tout ce matériel basé sur la politique de défense de 1994. Cependant, il importe aujourd’hui de se poser les questions suivantes: Est-ce que les politiques et les priorités émises dans le Livre blanc sur la Défense de 1994 sont toujours d’actualité et quelles sont les véritables priorités que devrait avoir la nouvelle politique de défense?

Sans nier qu’il existe réellement des besoins importants au sein des Forces canadiennes, le Bloc Québécois s’oppose à toute injection de fonds publics supplémentaires tant qu’une consultation publique importante n’est pas mise de l’avant. En cautionnant un tel rapport, le Bloc Québécois affirmerait qu’il est en accord avec la politique actuelle du ministère de la Défense nationale qui, non seulement comme nous l’avons souligné, prend ses décisions à la pièce mais aussi, agit sans consultation et en l’absence d’une véritable vision à long terme.

L’exemple le plus évident est sans aucun doute l’achat, en 1991, d’un système de communications militaires par satellite qui a coûté 174M $ aux contribuables, qui n’a jamais servi et qui dort toujours dans un entrepôt des Forces armées canadiennes. Il est évident que cette somme aurait très bien pu servir à meilleur escient. Une véritable vision à long terme et un organisme de contrôle administratif efficace des grands projets auraient forcément prouvé que nous n’avions pas réellement besoin d’un tel instrument et que l’on pouvait certainement trouver un système moins coûteux comme ce fut le cas en cours de route.

On pourrait aussi souligner l’achat, en 1998, de quatre sous-marins à la Grande‑Bretagne, au coût de 610M $ plus les 140M $ déboursés pour leur mise à niveau. Rappelons, à ce sujet, que le premier sous-marin a eu une fuite lors d'un essai en mer (bien que des sources l’attribuent à une erreur de navigation) et que le deuxième a passé plus d’un an en cale sèche à Halifax sans jamais naviguer. L’ironie veut que, tout récemment, l’on vienne de lui découvrir une bosse qui pourrait créer des problèmes lors d'une immersion en grande profondeur ! Et que dire des deux autres sous-marins qui n’ont toujours pas été livrés et qui sont toujours en Grande-Bretagne?

Si le gouvernement fédéral avait eu une vision à long terme et avait planifié ses achats, il n’aurait pas gaspillé 3/4 de milliard de $ en fonds publics pour ces sous-marins que même le gouvernement australien ne voulait pas !

En révisant le Livre Blanc de 1994 et en mettant sur pied une vaste consultation publique, nous serions en mesure de dégager une meilleure vision à long terme pour les Forces armées. Nous serions en mesure de définir les véritables priorités du ministère de la Défense nationale, nous saurions où l’argent devrait aller et ce qui est vraiment nécessaire comme dépense. Tant et aussi longtemps que cet exercice n’est pas réalisé, l’argent des contribuables risque encore une fois d’être dépensé à gauche et à droite pour du matériel dont le ministère de la Défense nationale n’a pas besoin ou qui s’avèrerait inutile suite à la révision prochaine de la politique de défense.

DE BONS CÔTÉS TOUTEFOIS

Outre les problèmes d’ordre pécuniaire de ce rapport, le Bloc Québécois tient à souligner l’effort et le travail exceptionnel du Comité permanent de la Défense nationale et des Anciens combattants. En effet, pendant près d’un an, le Comité a entendu des dizaines de témoins et a procédé à l’élaboration de quatre rapports intérimaires sur l’état de préparation des Forces armées canadiennes.

Bien que plusieurs recommandations se rapportent à l’équipement militaire proprement dit, d’autres tendent à l’amélioration de la qualité de vie des militaires et tâchent de corriger certaines lacunes actuelles. À titre d’exemples, citons, dans le présent rapport, la recommandation portant sur la protection des emplois des réservistes mobilisés pendant une situation d’urgence. Cette recommandation vient corriger un problème actuel qui ne garantit pas, aux réservistes mobilisés, qu’ils pourront reprendre leur travail à leur retour de mission.

Le Bloc Québécois invite donc le gouvernement à retenir cette recommandation et à modifier la Loi sur la défense nationale le plus rapidement possible et ce, de manière indépendante au projet de loi C-55 sur la sécurité publique car ce dernier s'avère être inacceptable dans son ensemble.

Les initiatives recommandées à la fin du rapport reçoivent le support entier du Bloc Québécois. Les mesures visant à aider les membres des Forces canadiennes aux prises avec le syndrome de stress post-traumatique et d’autres problèmes de santé font l’objet de recommandations. La qualité de vie des militaires se doit d’être prise au sérieux et le support offert doit correspondre à l’ampleur de la tâche demandée aux membres des Forces canadiennes.

CONCLUSION 

Le Bloc Québécois réitère qu’il est essentiel de redéfinir la politique de défense du Canada avant que toute somme d’argent supplémentaire ne soit injectée dans les Forces armées. Mieux encore, nous croyons que la nouvelle politique de défense devrait être coordonnée avec la révision de la politique étrangère canadienne. La tendance internationale veut que la politique étrangère façonne la politique militaire des pays et non l’inverse.

Le Bloc Québécois croit qu’il est impératif que ce nouveau livre blanc sur la Défense fasse l’objet d’une importante consultation publique et que l’on dégage ainsi les véritables priorités du gouvernement en matière de défense nationale. Plus encore, il sera essentiel de redéfinir le rôle même des Forces canadiennes. À l’heure actuelle, et comme plusieurs témoins nous l’ont démontré en comité, il serait difficile de soutenir à long terme les capacités et les niveaux d’activités des Forces canadiennes. Nous sommes à l’heure des choix et il est important que le gouvernement comprenne que ces choix passent par une révision complète de la politique militaire AVANT d’injecter des fonds publics dans des secteurs qui ne correspondent peut-être pas aux besoins et aux priorités des contribuables.


1Face à nos responsabilités, L’état de préparation des Forces canadiennes, Rapport du Comité permanent de la Défense nationale et des Anciens combattants, mai 2002, p. 93 (version française)
2Budget des dépenses 2002-2003 — partie 3, gouvernement du Canada, p. 13
3Le souligné est de nous