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PACC Rapport du Comité

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CHAMBRE DES COMMUNES
OTTAWA, CANADA
K1A 0A6


Conformément à l’article 108(3)e) du Règlement, le Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes a l’honneur de présenter son

VINGTIÈME RAPPORT

Après avoir étudié le Chapitre 10 du Rapport de la vérificatrice générale du Canada de décembre 2001 (Défense nationale : L’équipement en service), les membres du Comité permanent des comptes publics ont convenu de déposer le rapport suivant :

INTRODUCTION

Le ministère de la Défense nationale (le Ministère) consacre une part importante de son budget annuel à son équipement militaire en service. Quelque 1,5 milliard de dollars vont chaque année à l’achat de pièces de rechange pour cet équipement et à la maintenance et à la préparation de celui-ci. Les soldes des quelque 15 000 militaires chargés de la gestion et du soutien de l’équipement en service coûtent environ 900 millions de dollars. Ensemble, ces dépenses comptent pour 20 % environ du budget annuel total du Ministère.

Les Forces armées peuvent être appelées à intervenir dans diverses situations, parfois à très bref avis. Pour relever ces défis, les Forces canadiennes doivent être dotées, en autres choses, d’un bon équipement capable de fonctionner comme prévu au besoin. La situation actuelle dans le monde, changeante et imprévisible, exige des temps de réponse courts; l’état de préparation de l’équipement revêt maintenant une importance encore plus grande.

Au fil des ans, le Comité a examiné une série de vérifications sur divers aspects du ministère de la Défense nationale. En conséquence, le Comité s’est intéressé de près au Ministère et aux hommes et aux femmes qui servent le Canada dans les forces armées. A cause de cet intérêt et des montants énormes en jeu, le Comité a décidé d’examiner les résultats d’une vérification de l’équipement en service du Ministère, laquelle se trouve au Chapitre 10 du Rapport de la vérificatrice générale de décembre 2001. Ainsi, le Comité a rencontré des témoins le 21 février 2002 pour approfondir le sujet. Mme Sheila Fraser (vérificatrice générale du Canada) et M. Peter Kasurak (responsable des opérations de vérification) ont comparu au nom du Bureau du vérificateur général du Canada. M. Jim Judd (sous-ministre), le général Ray Hénault (chef de l’état-major de la Défense), M. Alan Williams (sous-ministre adjoint, Matériel) et le lieutenant général Georges Macdonald (vice-chef d’état-major de la Défense), représentaient le ministère de la Défense nationale.

OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS

À la fin des témoignages, la vérificatrice générale a déclaré que la vérification était entièrement une question d’information. Comme elle l’a indiqué d’entrée de jeu, une bonne information est la première étape essentielle d’une bonne gestion et, sans elle, il est impossible de gérer le risque. Il a donc été décevant d’apprendre que l’information dont le Ministère a besoin pour gérer les navires, les véhicules et les aéronefs, matériel des plus importants pour les opérations militaires, n’est souvent pas disponible ou souvent inadéquate, incomplète et inexacte.

Le Ministère s’emploie à corriger ces lacunes. Il met en place un système d’acquisition du matériel et des fonctions de soutien (Système d’information — Soutien et acquisition du matériel, ou SISAM). Selon le sous-ministre adjoint du Ministère, Matériel, le SISAM répertoriera des normes de maintenance et des normes techniques pour tout l’équipement. La marine commencera à utiliser le SISAM cette année, et la mise en œuvre devrait être complétée en 2004. Un deuxième projet (Amélioration du Système d’approvisionnement des Forces canadiennes, ASAFC), entrepris au début des années 80, a pour objet de mieux gérer l’inventaire de quelque 10 milliards de dollars des forces armées et devrait être terminé cet été.

La vérificatrice générale ayant fait observer que le problème le plus important auquel est confronté le Ministère est que ces systèmes de gestion de l’information ne conviennent pas au soutien de la gestion de l’équipement des Forces canadiennes, l’annonce de la mise au point de ces nouveaux systèmes est bien accueillie. Toutefois, ces mesures ne constituent qu’une solution partielle aux problèmes relevés dans la vérification. Et ce, pour deux raisons principales.

Les meilleurs systèmes disponibles sont peu utiles s’ils ne sont pas utilisés, si les données qu’on y entre sont inexactes ou partielles ou si il se fait peu d’analyses ou de suivis des résultats. Ils sont en outre de peu d’utilité s’ils fonctionnent sans satisfaire à des normes et des objectifs clairs permettant de mesurer le rendement, d’en faire état et de l’évaluer.

La vérification a permis de relever plusieurs cas de mauvais usage des systèmes existants de gestion de l’information. Ainsi, la marine n’établit pas de statistiques sur la disponibilité de ses principaux systèmes. En raison du manque de données, les vérificateurs n’ont pas été en mesure de déterminer les efforts de maintenance nécessaires pour que la marine conserve ses taux d’activité. La force aérienne a cessé de produire des rapports sur la disponibilité opérationnelle en 1999 en raison des problèmes liés à l’an 2000 que présentaient les systèmes informatiques utilisés pour gérer ces données. Les vérificateurs ont été incapables d’obtenir 59 % des rapports post-exercice requis, dans l’ensemble des Forces canadiennes, pour les années 1998‑1999 et 1999‑2000, et ils ont déclaré que :

Les représentants du Ministère ont été incapables de confirmer si les rapports manquants n’avaient pas été produits ou étaient introuvables. Les rapports qu’on nous a fournis ne décrivaient pas avec précision les répercussions des défectuosités de l’équipement sur les exercices.

La marine devra régler divers problèmes qu’éprouve le système d’information intégré sur la maintenance (SIIM) avant de pouvoir y puiser des renseignements utiles. Les données relatives aux heures de maintenance corrective et préventive obtenues du SIIM contenaient d’importantes erreurs. Certaines fiches de maintenance ont été enregistrées dans le système plus de deux ans après avoir été créées, et les chiffres n’étaient que des estimations. Des données ont été perdues en raison du mauvais état de disques ou à cause de pannes de serveur. Les brigades de l’armée ne produisent pas toujours des rapports mensuels, et ceux-ci ne sont pas rédigés de manière uniforme et comportent certaines disparités importantes. La force aérienne n’a pu fournir de renseignements complets et précis sur la disponibilité des aéronefs au-delà d’avril 1999 parce que son système de données n’a pas survécu au passage à l’an 2000. Le système de gestion de l’information sur les militaires du Ministère, mis en place en 1997, n’a pu indiquer le pourcentage des militaires qui avaient suivi avec succès des cours de spécialisation et à quel niveau de qualification parce que les données n’avaient pas été entrées ou l’avaient été de manière imprécise. Les vérificateurs ont dû compiler les données manuellement.

À la lumière de leurs constatations, les vérificateurs en sont venus à la conclusion que les données du Ministère sont trop imprécises ou incomplètes pour indiquer l’état de préparation de l’équipement majeur et pour établir les tendances des coûts, que le Ministère doit améliorer ses systèmes d’information et vérifier la qualité des données qu’ils produisent. Le Comité est d’accord et recommande :

RECOMMANDATION 1

Que le ministère de la Défense nationale élabore et mette en œuvre un plan daction visant à combler les lacunes de ses systèmes de gestion de linformation existants et à sassurer que le personnel militaire utilise uniformément et correctement ces systèmes. Ce plan doit être présenté au Comité au plus tard le 31 décembre 2002.

La mise en œuvre du système d’information — Soutien et acquisition de matériel (SISAM) augure bien, mais elle ne sera pas terminée avant 2004. Entre temps, il y a un besoin urgent et immédiat d’améliorer la gestion de l’équipement en service. Même si la vérificatrice générale a recommandé que le Ministère prenne des mesures provisoires afin d’améliorer ses capacités de gestion dans ce domaine, celui-ci s’est contenté de répondre qu’il continuera d’améliorer les mesures provisoires. Le Comité est d’avis que plus de précisions s’imposent et il recommande donc :

RECOMMANDATION 2

Que, dans son plan daction, le ministère de la Défense nationale accorde une attention particulière aux mesures provisoires quil prendra pour améliorer les systèmes de gestion de linformation en usage à lappui de son équipement le plus important.

La nouvelle politique de vérification interne du gouvernement du Canada est entrée en vigueur le 1er avril 2001. La politique, qu’appuie le Comité (Rapport 7, déposé le 5 novembre 2001), confirme le repositionnement de la fonction de vérification interne en tant que fournisseur de services d’assurance auprès des cadres supérieurs des ministères, les services d’assurance s’entendant :

Des examens objectifs des éléments probants servant à fournir une évaluation indépendante des stratégies et pratiques de gestion des risques, des cadres de contrôle et pratiques de la gestion, et des renseignements utilisés pour la prise de décisions et la présentation de rapports[1]. [Les italiques sont de nous].

L’objectif de la politique est de fournir à la gestion des ministères une évaluation objective de la conception et du fonctionnement des pratiques de gestion, des systèmes de contrôle et de l’information[2].  La politique prévoit aussi que des rapports de vérification internes complets doivent être produits en temps opportun et que le public doit y avoir accès. Il précise que le Parlement devrait être reconnu comme un utilisateur potentiel des produits des fonctions ministérielles de vérification interne.[3]

 

Le Comité est d’avis que le service de vérification interne du Ministère a un rôle important à jouer : donner l’assurance que les systèmes tant nouveaux qu’existants sont bien conçus et que l’information qu’ils fournissent est fiable aux fins de la gestion de l’équipement en service. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 3

Que le ministère de la Défense nationale demande à son service de vérification interne de donner à la haute direction du Ministère lassurance continue que les systèmes de gestion de linformation existants et nouveaux, tels le Système d’information — Soutien et Acquisition du matériel, sont capables dassurer le soutien de la gestion de léquipement des Forces canadiennes.

RECOMMANDATION 4

Que, conformément à la politique sur la vérification interne du gouvernement du Canada, le ministère de la Défense nationale mette, en temps opportun, à la disposition du Parlement tous les rapports de vérification interne sur la capacité des systèmes dinformation du Ministère à assurer le soutien de la gestion du matériel.

RECOMMANDATION 5

Que le ministère de la Défense nationale inclut un résumé des résultats de toutes les vérifications internes de ses systèmes dinformation de gestion dans ses rapports annuels sur le rendement, en commençant par son rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2003.

Comme il a été mentionné ci-dessus, les systèmes de gestion de l’information les meilleurs, tant par leur conception que par leur fonctionnement, peuvent être d’une utilité très limitée faute de normes et d’objectifs permettant d’évaluer le rendement. Le Parlement et le Ministère doivent disposer d’une balise permettant de déterminer si l’état de préparation de l’équipement est à la hauteur des attentes et si les efforts pour ce faire sont satisfaisants. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 6

Que le ministère de la Défense nationale établisse des normes sur létat de préparation et de maintenance de son équipement le plus important et fasse état de son rendement par rapport à ces normes dans son rapport annuel sur le rendement à la Chambre des communes. Le premier de ces états doit figurer dans le rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2003 et doit comprendre une analyse des mesures prises pour corriger tout rendement qui na pas été à la hauteur des attentes.

Enfin, le Comité salue la réponse positive du Ministère au rapport et aux recommandations de la vérificatrice générale. Néanmoins, cette réponse est de nature générale et tend à faire état des mesures qui étaient déjà en cours au moment de la vérification. Peu est dit concernant les mesures prises par le Ministère en réponse aux différentes recommandations. Le Comité recommande donc :

RECOMMANDATION 7

Que le ministère de la Défense nationale présente au Comité un plan daction détaillé qui répond aux résultats de la vérification contenus dans le Chapitre 10 du Rapport de la vérificatrice générale du Canada de décembre 2001. Ce plan daction doit renvoyer précisément à chacune des recommandations de la vérificatrice générale et préciser les dates limites de mise en œuvre et de réalisation de chaque mesure, et être présenté au Comité au plus tard le 31 décembre 2002.

Comme il est important que le Parlement soit tenu informé de l’avancement de chacune de ces mesures, le Comité recommande aussi :

RECOMMANDATION 8

Que le ministère de la Défense nationale mesure et évalue ses efforts pour améliorer la gestion de son équipement en service et en rende compte à la Chambre des communes dans ses rapports annuels sur le rendement. Ces comptes rendus doivent préciser chacune des mesures prises à cet effet, et le premier doit paraître dans le rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 2003.

CONCLUSION

Dans son rapport couronnant son mandat dix ans, l’ex-vérificateur général a déclaré au Parlement que

Au cours des dix dernières années, on a vraiment tenté de mettre au point des systèmes de mesure valables pour l’ensemble des Forces, ce qui permettrait au Ministère et au Parlement de savoir si les Forces canadiennes sont prêtes à mener des opérations. Cela n’est tout simplement pas acceptable au sein d’une organisation dont le fonctionnement coûte 10 milliards de dollars par année et dont notre sécurité dépend.[4]

1.                  Maintenant, le successeur de M. Desautels déclare au Parlement que :

Sans une information adéquate sur l’état des principaux systèmes d’armes, il est difficile d’établir l’état de préparation des Forces canadiennes à l’égard d’opérations de grande envergure. Il est difficile de vérifier les affirmations répétées du Ministère selon lesquelles les Forces canadiennes sont plus aptes au combat aujourd’hui qu’elles ne l’étaient il y a dix ans.

Le Ministère ne disposait pas d’information sérieuse sur l’état de préparation il y a dix ans; il n’en dispose pas davantage aujourd’hui concernant l’état de son équipement important. Ainsi, il est difficile pour le gouvernement et le Parlement du Canada, et effectivement pour le Ministère lui-même, de prendre des décisions éclairées pour ce qui est d’engager les Forces canadiennes dans des opérations militaires d’envergure.

Cette situation pourrait être tant soit peu tolérable en temps de calme relatif dans le monde — aucune autre organisation ne saurait se mériter une réputation de résistance au changement autant qu’une armée en temps de paix. Mais la situation a beaucoup évolué. On demande aux militaires canadiens, hommes et femmes, de servir dans des situations de très grand risque. On ne devrait pouvoir leur demander une telle chose qu’à condition de leur fournir le meilleur soutien possible. Le Comité s’attend donc à ce que le ministère de la Défense prenne les mesures correctives qui s’imposent dans les plus brefs délais.

Conformément à l’article 109 du Règlement, le Comité demande que le gouvernement dépose une réponse globale au présent rapport.

Un exemplaire des procès-verbaux pertinents (séances nos 41 et 53) est déposé.

 

Respectueusement soumis,

 

Le président,

 

 

JOHN WILLIAMS, DÉPUTÉ



[1]       Secrétariat du Conseil du Trésor, Politique de vérification interne, préface, février 2001.

[2]       Ibid

[3]       Ibid., p. 5.

[4]       Denis Desautels, ex-vérificateur général, Le point sur une décennie au service du Parlement, Ottawa, février 2001, p. 68.