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TRAN Rapport du Comité

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HEURES DE SERVICE DES VÉHICULES
RAPPORT INTÉRIMAIRE COMMERCIAUX

Introduction

Au printemps de 2001, le ministre des Transports a demandé au Comité permanent des transports et des opérations gouvernementales de la Chambre des communes d’examiner les règles régissant les heures de service des véhicules commerciaux. Le Comité a étendu son mandat aux problèmes de sécurité, au transport transfrontalier et au passage de la frontière, et à l’impact de ces questions sur l’industrie canadienne du camionnage. Le présent rapport sur les heures de service couvre la première phase de notre étude et constitue un examen préliminaire des questions qu’il faut analyser pour en arriver à un horaire de service acceptable.

Au Canada, la responsabilité de la sécurité des véhicules commerciaux est partagée entre le fédéral, les provinces et les territoires. Par conséquent, les règles régissant les heures de service des routiers ont été examinées par le Conseil canadien des administrateurs en transport motorisé (CCATM), organisme fédéral‑provincial‑territorial qui coordonne le transport des véhicules motorisés et la sécurité routière.

Le CCATM a rédigé une proposition visant à moderniser et à simplifier les règles actuelles. En outre, l’Alliance canadienne du camionnage (ACC) et Teamsters Canada ont proposé des changements aux règles actuelles. L’étude du Comité développe ce travail et cherche à améliorer la sécurité des routes du Canada.

Dans notre étude des heures de service, nous nous sommes attachés avant tout à la sécurité. Nous reconnaissons qu’il y a des problèmes secondaires entourant cette question et qu’il faut les considérer pour établir un nouvel horaire de service. Cependant, afin de parvenir à plus de sécurité sur nos routes, nous avons ciblé la question des heures de service et son rôle dans la sécurité routière.

Réglementation actuelle

Le règlement régissant les heures de service relève de la Loi sur les transports par véhicule à moteur de 1987. Ce règlement, mis à jour pour la dernière fois en 1994 prévoit :

 Temps maximum de travail par jour : 16 heures;
 Temps maximum de conduite par jour : 13 heures;
 Temps minimum de congé par jour : 8 heures;
 Trois cycles de conduite : 60 heures/7jours, 70 heures/8 jours et 120 heures/14 jours.

Proposition du CCATM

Le débat sur les heures de service des chauffeurs commerciaux dure depuis 1990 environ. Les intervenants critiquent surtout le fait que le régime soit trop complexe, difficile à appliquer et guère fondé sur la recherche scientifique. Le débat a été mis de côté pendant plusieurs années pour permettre la recherche sur la gestion de la fatigue; en 1997, le CCATM a réexaminé la question. On a formé un groupe de travail composé des agents de la réglementation de tous les gouvernements, des représentants du transport par autocar et par camion, de scientifiques, de chercheurs, de syndicats et de d’autres groupes intéressés

En novembre 1999, le Groupe de travail du CCATM, de concert avec Transports Canada, a proposé des révisions aux règles sur les heures de service.

Le document réclame :

 Un quart de conduite maximal de 14 heures par jour;
 La réduction du temps maximum quotidien en service de 16 à 14 heures, sans distinction entre le temps de service et le temps de conduite;
 Deux cycles : 70 heures en 7 jours et 120 heures en 14 jours;
 Aucun changement de cycle sauf après un temps minimum de congé de 36 heures dans le cas du cycle de 70 heures/7 jours ou de 72 heures dans le cas du cycle de 120 heures/14 jours;
 Une période minimale de congé de 24 heures au moins une fois tous les 14 jours.

La proposition est débattue entre les divers gouvernements et intervenants depuis quelques mois.

Proposition de l’ACC et Teamsters Canada

En octobre 2001, l’ACC et Teamsters Canada ont annoncé avoir convenu d’une proposition commune sur les révisions d’heures de service, qui prévoit :

 qu’un chauffeur ne devrait pas accumuler plus de 14 heures de service avant de prendre au moins 8 heures consécutives de congé;
 que dans une période de service de 14 heures, pas plus de 13 heures ne soient passées au volant; enfin,
 que soient adoptés les autres éléments de la proposition du CCATM.

Essentiellement, cette proposition réduit de 14 à 13 le nombre d’heures de conduite de celle du CCATM.

Les périodes et plafonds du cycle constituent la partie la plus compliquée et contestée des règles actuelles sur les heures de service. Dans le régime actuel, les chauffeurs ont le droit de passer d’un cycle à l’autre à tout moment, aussi souvent que cela est pratique ou avantageux pour eux. En outre, dans le régime actuel de trois cycles, les plafonds établis peuvent être étendus. Ainsi, alors que la règle du 60 heures/7 jours donne à penser que le temps maximal est atteint sur 7 jours, le chauffeur peut arriver à la 60e heure en trois jours et demi seulement en suivant un cycle continuel de temps de travail et d’heures de congé. Cela peut faire en sorte que le chauffeur travaille 104 heures en 7 jours.

Les deux propositions présentées veulent corriger ce problème en réduisant le nombre de temps de cycle et en resserrant les règles touchant le passage d’un cycle à un autre.

Réaction aux changements proposés

Comme on l’a mentionné, le débat sur les heures de service dure depuis longtemps et se poursuit avec les nouvelles propositions.

Leurs défenseurs ont dit au Comité qu’ils sont en faveur des nouvelles heures de service parce que cela :

 accroîtrait les heures quotidiennes de congé;
 réduirait les heures hebdomadaires actuelles de conduite;
 donnerait une période de repos raisonnable avec le congé de 36 heures;
 simplifierait les cycles;
 réduirait la possibilité de changer d’un cycle à un autre, ce qui permet actuellement aux chauffeurs de conduire légalement 104 heures en une semaine.

Les opposants ont mentionné les motifs de leur réserve :

 les temps en service quotidien sont trop longs;
 les heures de conduite hebdomadaires (possibilité de travailler 84 heures en 7 jours) sont trop longues;
 le repos de 36 heures est trop court et devrait être de 48 heures;
 on manque de données scientifiques pour déterminer le nombre d’heures de conduite par jour qui convient;
 les mécanismes pour appliquer les nouvelles règles sont insuffisants.

QUESTIONS LIÉES AUX RÈGLES SUR LES HEURES DE SERVICE

Outre la question fondamentale de l’horaire, les témoins ont formulé devant nous plusieurs préoccupations qu’on ne peut passer sous silence dans la mise en œuvre d’un nouveau régime : contexte économique du secteur du camionnage, application des règlements, particularités dans les opérations de camionnage, recherche sur la fatigue, formation des chauffeurs, haltes routières, exemptions aux règles proposées. Ces questions sont examinées ici.

1.    Contexte économique

De nombreux témoins ont souligné devant nous que la question des heures de service ne saurait être examinée correctement hors du contexte économique du secteur du camionnage. Ils estiment que les heures de service sont reliées à plusieurs facteurs comme les conditions de travail de l’industrie (chauffeurs responsables de charger et de décharger leur cargaison), les systèmes de livraison juste à temps, ainsi que la pénurie des chauffeurs : tous ces facteurs créent des pressions économiques sur les propriétaires d’entreprises et les chauffeurs eux-mêmes.

Le Comité n’a pas envisagé cette question en profondeur. Comme nous l’avons mentionné, nous avons fait porter nos efforts avant tout sur les heures de service. Nous aimerions cependant signaler que nous considérons ce facteur comme important dans le débat et nous exhortons le gouvernement à considérer le contexte économique du secteur dans l’établissement des nouvelles heures de service.

2.    Application des règlements

Dans leurs présentations devant le Comité, les témoins ont souligné qu’un élément clé de tout horaire de service est la possibilité de l’appliquer. Selon eux, dans le régime actuel, certains chauffeurs enfreignent couramment les règles; les infractions au livre de bord sont le cas le plus courant d’abus. Les chauffeurs de camion ont dit au Comité qu’il est difficile de relever les infractions parce qu’on manque d’inspecteurs et que les livres de bord sont faciles à fausser.

On a suggéré l’installation d’enregistreurs électroniques contrôlant les heures de service à bord des camions comme la meilleure façon de garantir le respect des règles; les témoins signalent que beaucoup de nouveaux camions peuvent recevoir de tels enregistreurs.

Nous jugeons que cette proposition est valable et améliore grandement la capacité des de contrôler le nouvel horaire. Il faut cependant que ces systèmes soient adoptés de concert par le États-Unis et le Mexique. Si ce n’est pas le cas, les camionneurs canadiens se retrouveront à fonctionner sous un régime différent de leurs concurrents.

3.    Particularités des opérations de camionnage et de conduite

Les témoins ont beaucoup insisté sur l’importance de reconnaître qu’un nouvel horaire devrait tenir compte des particularités qu’on retrouve dans le secteur du camionnage. Ainsi, les mêmes heures de service conviennent-elles aux transporteurs sur de longues et sur de courtes distances?

Les témoins, y compris les experts du sommeil, ont également affirmé devant le Comité que la conduite de nuit doit être traitée différemment de la conduite de jour, à cause de notre rythme circadien (horloge interne) qui réagit différemment selon que l’on dort la nuit ou le jour. En d’autres mots, ceux qui conduisent la nuit et dorment durant le jour ne se reposent pas autant que ceux qui font l’inverse. Dans les faits, les gens qui travaillent la nuit ont tendance à accumuler un déficit de sommeil.

Le Comité estime ces questions pertinentes pour l’établissement d’un horaire de service sécuritaire et juge que le gouvernement devrait leur accorder un examen attentif avant d’établir des règles.

4.    Recherche sur la fatigue et gestion de la fatigue

De nombreux témoins pensent qu’il faut plus de recherches sur la fatigue et sur le rôle qu’elle joue dans la sécurité du camionnage. Ils ont affirmé devant nous qu’il faut faire davantage d’études et de meilleures études, en particulier des études concrètes des camionneurs canadiens. Ces études sont nécessaires pour mieux connaître le niveau de fatigue éprouvé par les camionneurs et pour savoir comment ceux‑ci la gèrent. À partir de cette recherche, on pourrait établir des programmes de gestion de la fatigue permettant aux camionneurs et aux compagnies qui les embauchent de mieux composer avec ce problème.

Le Comité estime qu’un horaire de service sécuritaire doit être élaboré à partir des résultats d’une bonne recherche. À cette fin, et grâce aux diverses opinions exprimées sur les règles d’heures de service actuelles et proposées, nous aimerions insister auprès du gouvernement sur l’importance d’une recherche de qualité dans le développement d’un nouvel horaire.

5.    Formation des chauffeurs

Certains témoins ont affirmé devant le Comité que la formation des camionneurs est trop brève et que les cours qu’ils reçoivent ne tiennent pas compte de la conduite dans diverses conditions : neige, routes glacées, conduite de nuit. Ces témoins estiment qu’une façon d’améliorer la situation serait par des diplômes progressifs pour les chauffeurs : plus l’expérience serait grande, plus le permis serait de niveau élevé. Ainsi, un chauffeur ne pourrait pas avoir un permis lui donnant le droit de conduire pendant le nombre maximum d’heures quotidiennes avant d’avoir cumulé un nombre suffisant d’heures derrière le volant et obtenu le certificat d’un programme de formation reconnu.

Le Comité voit le mérite de cette proposition et exhorte le gouvernement à examiner la faisabilité d’un tel programme.

6.    Manque de haltes routières

Au cours des délibérations, le Comité s’est fait dire qu’un facteur qui contribue aux longues heures de conduite des camionneurs, c’est le fait qu’il n’y a pas assez de haltes routières le long des grandes routes canadiennes. Contrairement aux États-Unis, selon les témoins, le Canada ne dispose pas de suffisamment de haltes routières stratégiquement situées pour permettre aux camionneurs de prendre des pauses fréquentes durant leurs voyages.

Selon nous, étant donné les longues distances entre les centres de population et les dures conditions climatiques du Canada, l’aménagement de haltes routières suffisamment rapprochées devrait constituer un élément fondamental d’un programme de sécurité amélioré et d’un bon horaire de service.

7.    Exemptions aux règles sur les heures de service

Certains témoins qui ont comparu devant nous ont demandé d’être exemptés des règles sur les heures de service. L’Association canadienne de la construction réclame une exemption parce que ses membres ne travaillent que six mois par année à cause du climat et ne devraient pas être soumis aux règles qui s’appliquent au camionnage fonctionnant toute l’année. Ils aimeraient que les véhicules licenciés pour la construction soient traités comme des véhicules non commerciaux en vertu du règlement.

Le secteur des autocars réclame également une exemption. On fait valoir que les autocars parcourent des itinéraires établis, que les horaires, les règles d’exploitation, les périodes de conduite et les véhicules sont différents, et que les exigences de formation sont particulières pour réclamer une loi distincte de celle visant le camionnage.

Enfin, on s’est inquiété du fait que certaines compagnies de camionnage qui relèvent de règlements fédéraux sont limitées dans leurs heures d’opération même si elle ne desservent qu’une seule province et pendant un nombre limité de jours ou de semaines. On a suggéré de tenir compte de cette situation en créant des classes de chauffeurs à l’intérieur de l’horaire de service pour permettre les opérations saisonnières.

Le Comité comprend qu’une des critiques du système actuel est le fait qu’il est trop compliqué et difficile à appliquer. Nous ne voulons pas ajouter à cette complexité, mais nous pensons qu’il pourrait y avoir toute une gamme d’options offertes aux décideurs pour tenir compte des particularités de l’industrie. Cependant, nous exhortons celui‑ci à faire en sorte que ces options soient le plus simple et le plus facilement applicable possible.

CONCLUSIONS et RECOMMANDATIONS

Dans cette étude, notre principal intérêt fut d’améliorer la sécurité sur nos routes. Tous les témoins ont affirmé que les règles sur les heures de service sont justifiées par le maintien et l’amélioration de la sécurité; nous sommes d’accord. Nous prenons note également que certains témoins estiment que les heures proposées permettent aux chauffeurs de conduire pendant trop longtemps, tant sur une base quotidienne qu’hebdomadaire. Nous constatons cependant que les règles proposées réduisent les heures de conduite par rapport à la pratique actuelle et limitent la possibilité pour les chauffeurs de changer de cycle pour augmenter leurs heures de conduite.

Des témoins ont également fait remarquer qu’on ne peut pas négliger le contexte économique et la question de l’application des règles dans le débat sur la mise en place d’un nouvel horaire de service. Il faut examiner soigneusement ces questions afin d’en arriver à un horaire acceptable.

Enfin, dans la mise en place d’un nouveau régime, nous sommes convaincus qu’il faut une période de transition pour permettre à la fois au secteur et aux décideurs de s’adapter et d’évaluer la viabilité des nouvelles règles. En outre, des recherches sur la fatigue et la gestion de la fatigue peuvent appeler des modifications au programme durant cette période. Nous exhortons donc le gouvernement, dans la mise en œuvre d’un nouvel horaire, de le faire à l’essai (peut-être sur trois ans) et qu’à la fin de l’essai, il y ait dépôt d’un rapport à ce sujet au Parlement.

Comme nous l’avons écrit au départ, ce rapport est provisoire. Le Comité est conscient qu’il faut plus d’information et d’étude pour achever son travail sur ce sujet et répondre clairement à la question de l’horaire de service.

Malgré ces réserves, le Comité estime que la proposition conjointe de l’ATCCM et de l’ACC-Teamsters a du mérite et doit être considérée sérieusement par Transports Canada. Ce pourrait être le point de départ d’un nouvel horaire de service amélioré.

Par conséquent, le Comité recommande que :

1.Après consultation des provinces, de l’ATCCM, des intervenants et des syndicats, Transports Canada considère l’adoption de la proposition conjointe d’heures de service de l’ACC-Teamsters et de l’ATCCM;
2.Que Transports Canada, l’ATCCM et les intervenants examinent sérieusement les questions qui entourent le débat sur les heures de service dans la mise en œuvre d’un nouveau régime;
3.Que le nouveau régime fasse l’objet d’une période d’essai, après quoi Transports Canada fera rapport au Parlement sur la mise en œuvre des nouvelles règles sur les heures de service.