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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 164

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 9 avril 2002




1000
V AFFAIRES COURANTES
V     Décrets de nomination
V         M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)

1005
V     La bataille de la crête de Vimy
V         L'hon. Rey Pagtakhan (ministre des Anciens combattants, Lib.)

1010
V         M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne)

1015

1020
V         M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ)

1025
V         M. Bill Blaikie (Winnipeg--Transcona, NPD)
V         Mme Elsie Wayne (Saint John, PC/RD)

1030

1035
V     Pétitions
V         Le projet de loi C-15B
V         M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)
V     Questions au Feuilleton
V         M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)
V         Le vice-président
V Initiatives ministérielles
V     Loi de 2001 sur l'accise
V         M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne)

1040

1045

1050
V         M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe--Bagot, BQ)

1055

1100
V         L'hon. Lorne Nystrom (Regina--Qu'Appelle, NPD)

1105

1110

1115

1120
V         M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne)
V         L'hon. Lorne Nystrom

1125
V         M. Scott Brison (Kings--Hants, PC/RD)
V         Le vice-président
V         Suspension de la séance
V         Le vice-président
V         Suspension de la séance à 11 h 30
V         Reprise de la séance
V         La séance reprend à 14 h 3.

1400
V DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
V     Harry MacLauchlan
V         M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)
V     La crête de Vimy
V         M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne)

1405
V     La crête de Vimy
V         M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.)
V     La crête de Vimy
V         M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.)
V     La crête de Vimy
V         M. Brent St. Denis (Algoma--Manitoulin, Lib.)
V     La crête de Vimy
V         Mme Cheryl Gallant (Renfrew--Nipissing--Pembroke, Alliance canadienne)

1410
V     Saku Koivu
V         M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ)
V     Culture Link
V         Mme Sarmite Bulte (Parkdale--High Park, Lib.)
V     Le Prix sportif canadien
V         Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.)
V     La crête de Vimy
V         M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, Alliance canadienne)
V     Le Jour de l'Holocauste
V         M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.)

1415
V     La santé
V         Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD)
V     La ministre du Patrimoine canadien
V         Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ)
V     Denyse Beaudry-Leduc
V         Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.)
V     Les pêches
V         M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC/RD)
V     Le décès de la Reine-Mère
V         Le Président

1420
V     Présence à la tribune
V         Le Président
V QUESTIONS ORALES
V     Le Proche-Orient
V         M. John Reynolds (chef de l'opposition, Alliance canadienne)
V         L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.)
V         M. John Reynolds (chef de l'opposition, Alliance canadienne)
V         L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre de l'Infrastructure et des Sociétés d'État, Lib.)
V         M. John Reynolds (chef de l'opposition, Alliance canadienne)
V         L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.)
V         Le Président
V         M. Rahim Jaffer (Edmonton--Strathcona, Alliance canadienne)
V         L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.)

1425
V         M. Rahim Jaffer (Edmonton--Strathcona, Alliance canadienne)
V         L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.)
V         M. Gilles Duceppe (Laurier--Sainte-Marie, BQ)
V         L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.)
V         M. Gilles Duceppe (Laurier--Sainte-Marie, BQ)
V         L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.)
V         Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ)
V         L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.)

1430
V         Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ)
V         L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.)
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)
V         L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.)
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)
V         L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.)
V     Les pêches
V         Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC/RD)
V         L'hon. Robert Thibault (ministre des Pêches et des Océans, Lib.)

1435
V         Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC/RD)
V         L'hon. Robert Thibault (ministre des Pêches et des Océans, Lib.)
V         Le Président
V     La défense nationale
V         M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne)
V         L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre de l'Infrastructure et des Sociétés d'État, Lib.)
V         M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne)
V         L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre de l'Infrastructure et des Sociétés d'État, Lib.)
V     Le bois d'oeuvre
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.)

1440
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.)
V     La défense nationale
V         M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne)
V         Le Président
V         L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.)
V         M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne)
V         Le Président
V         L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre de l'Infrastructure et des Sociétés d'État, Lib.)
V         Le Président
V     Le bois d'oeuvre
V         Mme Monique Guay (Laurentides, BQ)

1445
V         Mme Raymonde Folco (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.)
V         Mme Monique Guay (Laurentides, BQ)
V         Mme Raymonde Folco (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.)
V         M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne)
V         L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.)
V         M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne)
V         L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.)
V     Les pêches
V         M. Dominic LeBlanc (Beauséjour--Petitcodiac, Lib.)
V         L'hon. Robert Thibault (ministre des Pêches et des Océans, Lib.)
V     La Société Radio-Canada
V         M. Yvon Godin (Acadie--Bathurst, NPD)

1450
V         L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.)
V     L'environnement
V         M. Joe Comartin (Windsor--St. Clair, NPD)
V         L'hon. David Anderson (ministre de l'Environnement, Lib.)
V     La défense nationale
V         M. Scott Brison (Kings--Hants, PC/RD)
V         L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.)
V         M. Scott Brison (Kings--Hants, PC/RD)
V         L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.)
V     Les campagnes à la direction de partis politiques
V         M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne)
V         L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.)
V         M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne)

1455
V         L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.)
V     L'environnement
V         M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ)
V         L'hon. David Anderson (ministre de l'Environnement, Lib.)
V         M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ)
V         L'hon. David Anderson (ministre de l'Environnement, Lib.)
V         M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne)
V         L'hon. David Anderson (ministre de l'Environnement, Lib.)
V         M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne)
V         L'hon. David Anderson (ministre de l'Environnement, Lib.)
V     L'éducation
V         M. Janko Peric (Cambridge, Lib.)

1500
V         Mme Raymonde Folco (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.)
V     L'agriculture
V         M. Howard Hilstrom (Selkirk--Interlake, Alliance canadienne)
V         L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.)
V     Les infrastructures routières
V         M. Mario Laframboise (Argenteuil--Papineau--Mirabel, BQ)
V         L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.)
V     Les pêches
V         M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC/RD)
V         L'hon. Robert Thibault (ministre des Pêches et des Océans, Lib.)
V     L'économie
V         M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.)
V         L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.)

1505
V INITIATIVES MINISTÉRIELLES
V     Loi de 2001 sur l'accise
V         L'hon. Lorne Nystrom (Regina--Qu'Appelle, NPD)
V         
V         M. Scott Brison (Kings--Hants, PC/RD)

1510
V         L'hon. Lorne Nystrom
V         M. Bill Casey (Cumberland--Colchester, PC/RD)

1515

1520
V         M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne)
V         M. Bill Casey

1525
V         M. Rahim Jaffer (Edmonton--Strathcona, Alliance canadienne)
V         M. Bill Casey
V         M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)
V         M. Bill Casey

1530
V         M. Darrel Stinson (Okanagan--Shuswap, Alliance canadienne)
V         M. Bill Casey
V         M. Peter Adams
V         M. Bill Casey
V         M. Rahim Jaffer (Edmonton--Strathcona, Alliance canadienne)

1535

1540
V         M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne)

1545
V         Mme Pauline Picard (Drummond, BQ)

1550

1555

1600

1605
V         M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne)

1610

1615

1620

1625
V     Les Travaux de la Chambre
V         M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.)
V         Le président suppléant (M. Bélair)
V         Adoption de la motion
V     Loi de 2001 sur l'accise
V         Le président suppléant (M. Bélair)
V         Deuxième lecture du projet de loi; renvoi à un comité
V     Loi sur les produits antiparasitaires
V         L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)

1630

1635

1640
V         M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)

1645
V         L'hon. Charles Caccia
V         M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne)

1650

1655

1700
V         M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)
V         

1705

1710

1715

1720
V         M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne)
V         M. Clifford Lincoln
V         M. Jean-Yves Roy (Matapédia--Matane, BQ)

1725

1730

1735

1740
V         M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne)

1745
V         M. Jean-Yves Roy
V         Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.)

1750

1755
V         Le vice-président
V     Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux et armes à feu) et la Loi sur les armes à feu
V         Le vice-président
V     (Division 266)

1825
V         Le vice-président
V         Mme Marlene Catterall
V         Le vice-président
V         M. Dale Johnston
V         M. Pierre Brien
V         M. Yvon Godin
V         M. André Bachand
V     (Division 267)
V     (Division 268)
V         Le vice-président
V         Mme Marlene Catterall
V         Le vice-président
V         M. Dale Johnston
V         M. Pierre Brien
V         M. Yvon Godin
V         M. André Bachand
V     (Division 269)
V         Le vice-président
V         L'hon. Martin Cauchon
V         Mme Marlene Catterall
V         Le vice-président
V         M. Dale Johnston

1830
V         M. Pierre Brien
V         M. Yvon Godin
V         M. André Bachand
V         M. Paul Steckle
V     (Division 270)
V         Le vice-président
V INITIATIVES PARLEMENTAIRES
V     La loi sur la statistique
V         M. Murray Calder (Dufferin--Peel--Wellington--Grey, Lib.)

1835

1840

1845
V         Le président suppléant (M. Bélair)
V         M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne)

1850

1855
V         Le président suppléant (M. Bélair)
V         M. Stéphane Bergeron (Verchères--Les-Patriotes, BQ)

1900

1905
V         M. Peter Stoffer
V         Le président suppléant (M. Bélair)
V         M. Peter Stoffer
V         M. Serge Marcil (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.)

1910

1915
V         M. John Bryden (Ancaster--Dundas--Flamborough--Aldershot, Lib.)

1920
V         M. Murray Calder (Dufferin--Peel--Wellington--Grey, Lib.)

1925
V         Le président suppléant (M. Bélair)
V Débat d'urgence
V     Le Proche-Orient
V         Le président suppléant (M. Bélair)
V         Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ)

1930

1935

1940

1945
V         L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.)

1950

1955
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)
V         L'hon. Gar Knutson (secrétaire d'État (Europe centrale et orientale et Moyen-Orient), Lib.)

2000

2005
V         M. Stockwell Day (Okanagan--Coquihalla, Alliance canadienne)

2010

2015
V         M. Rahim Jaffer (Edmonton--Strathcona, Alliance canadienne)

2020

2025
V         Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD)

2030

2035

2040
V         M. Bill Casey (Cumberland--Colchester, PC/RD)

2045

2050

2055

2100
V         M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.)

2105

2110
V         M. Mark Assad (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.)

2115

2120
V         M. Sarkis Assadourian
V         Le président suppléant (Mme Bakopanos)
V         M. Keith Martin (Esquimalt--Juan de Fuca, Alliance canadienne)

2125

2130
V         M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Alliance canadienne)

2135

2140
V         Mme Raymonde Folco (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.)

2145

2150
V         M. Jacques Saada (Brossard--La Prairie, Lib.)

2155

2200
V         M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ)

2205

2210
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg--Jacques-Cartier, BQ)

2215

2220
V         M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)

2225

2230
V         M. John Harvard (Charleswood St. James--Assiniboia, Lib.)

2235
V         M. Werner Schmidt (Kelowna, Alliance canadienne)

2240

2245

2250

2255
V         Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.)

2300
V         M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.)

2305

2310

2315
V         M. Svend Robinson (Burnaby--Douglas, NPD)

2320

2325
V         M. Joe Comartin (Windsor--St. Clair, NPD)

2330

2335
V         L'hon. Elinor Caplan (ministre du Revenu national, Lib.)

2340
V         M. Yvon Charbonneau (Anjou--Rivière-des-Prairies, Lib.)

2345
V         M. James Lunney (Nanaimo--Alberni, Alliance canadienne)

2350

2355

0000

0005
V         Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest--Mississauga, Lib.)

0010
V         M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.)

0015

0020
V         Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ)

0025

0030
V         M. Réal Ménard (Hochelaga--Maisonneuve, BQ)

0035

0040
V         M. John Bryden (Ancaster--Dundas--Flamborough--Aldershot, Lib.)

0045

0050
V         M. Brent St. Denis (Algoma--Manitoulin, Lib.)

0055

0100
V         M. Stéphane Bergeron (Verchères--Les-Patriotes, BQ)

0105

0110

0115

0120
V         M. Andrew Telegdi (Kitchener--Waterloo, Lib.)

0125

0130
V         Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.)

0135
V         M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne)

0140

0145

0150

0155
V         M. Paul Szabo (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.)

0200

0205
V         M. Joseph Volpe (Eglinton--Lawrence, Lib.)

0210

0215
V         M. Bill Blaikie (Winnipeg--Transcona, NPD)

0220

0225

0230
V         Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD)

0235
V         Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD)

0240
V         Le vice-président
V         Adoption de la motion






CANADA

Débats de la Chambre des communes


VOLUME 137 
NUMÉRO 164 
1re SESSION 
37e LÉGISLATURE 

COMPTE RENDU OFFICIEL (HANSARD)

Le mardi 9 avril 2002

Présidence de l'honorable Peter Milliken

    La séance est ouverte à 10 heures.


Prière



+AFFAIRES COURANTES

[Affaires courantes]

*   *   *

  +(1000)  

[Traduction]

+Décrets de nomination

+

    M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de déposer, dans les deux langues officielles, quelques décrets annonçant des nominations faites récemment par le gouvernement.

*   *   *

  +-(1005)  

+-La bataille de la crête de Vimy

+-

    L'hon. Rey Pagtakhan (ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui une journée très spéciale dans les annales de l'histoire militaire du Canada et dans la vie de notre pays.

    Il y a 25 ans aujourd'hui, plus exactement le 9 avril 1917, les Canadiens ont participé à la bataille de la crête de Vimy et l'ont remportée alors que toutes les tentatives précédentes des forces alliées avaient échoué.

    J'aimerais ajouter à ce moment-ci que nos anciens combattants ont perdu une amie chère et dévouée en la personne de la Reine-Mère. Elle a été enterrée ce matin et j'aimerais demander aux députés de respecter une minute de silence à sa mémoire.

    [Note de la rédaction: La Chambre observe un moment de silence.]

    M. Rey Pagtakhan: La bataille fatidique: Il était 5 h 30 le matin. La terre tremblait et tous les soldats ressentaient sans doute de la peur et pensaient à leurs proches. L'attaque s'est avérée être la plus rapide et la plus totale réussite de toute la guerre. En trois jours, les Canadiens avaient capturé toute la crête.

    La victoire canadienne à Vimy a marqué un extraordinaire point tournant pour les alliés. Le général Byng, commandant du Corps d'armée canadien nommé par la suite gouverneur général, a écrit:

Ils se tenaient là sur la crête de Vimy [...] des hommes du Québec aux côtés d'hommes de la Colombie-Britannique et de l'Alberta. Un pays a été forgé, un pays trempé au feu du sacrifice.

    Cependant, l'édification de notre nation nous a coûté très cher. En effet, 3 598 soldats canadiens reposeront pour toujours en terre française. Pour les familles des disparus, le prix de la victoire a également été extrêmement élevé.

    Permettez-moi de partager avec vous quelques lignes d'une lettre écrite par Percy Winthrop McClare le lundi 16 avril, environ une semaine et demie après sa première bataille.

Ma chère maman,

Je ne peux vous écrire qu'une brève lettre cette fois-ci [...] car je suis dans les tranchées depuis neuf jours. [...] Vous avez sans aucun doute entendu parler [...] de la prise de la crête de Vimy. J'ai participé à toute cette bataille et c'était l'enfer...

    Il ajoute dans sa lettre:

...Bien chère maman, ne vous inquiétez pas, car cela ne sert à rien. Cependant, rappelez-vous de moi dans vos prières. [...] Votre fils qui vous adore, Winnie.

    Trente jours plus tard, le soldat Percy Winthrop McClare, âgé de 19 ans, était tué au combat.

    L'histoire de Vimy est plus qu'un triomphe pour le Canada. C'est également l'histoire du courage et de la bravoure des familles restées au pays.

    Ces jeunes hommes ont atteint leur maturité dans des circonstances extrêmement brutales, dans les tunnels et les tranchées et sur les barbelés.

    Ce sont ces images, aussi terribles soient-elles, que nous devons garder dans nos coeurs et nos mémoires et transmettre aux générations futures. C'est la promesse que nous avons faite à tous nos anciens combattants.

    À 11 heures, ce matin, un certain nombre d'entre nous se réuniront au Monument commémoratif de guerre du Canada pour honorer cet engagement et nous rappeler tous ceux qui ont servi et tous ceux qui ont donné leur vie durant la bataille de la crête de Vimy.

    J'ai eu l'honneur, dimanche dernier, de déposer au nom du gouvernement du Canada une couronne devant le Monument commémoratif de Vimy, en France.

    Treize étudiants du secondaire d'un bout à l'autre du Canada se sont joints à moi, à l'instar d'anciens combattants et bien d'autres, notamment des dignitaires de Vimy et du gouvernement français.

    Le fait de me retrouver devant le Monument commémoratif du Canada à Vimy a vraiment été une expérience que je n'oublierai jamais. En effet, ce monument en dit long. Il symbolise le sacrifice suprême et les actes héroïques. Les statues du monument commémoratif reflètent les valeurs humaines que sont la paix, la liberté, la justice, la vérité et la connaissance.

    Ces valeurs humaines sont universelles dans le temps et dans l'espace. Elles touchent à la vie et à la dignité.

    Alors que nous rendons hommage à nos anciens combattants de Vimy, saluons également les Canadiens en uniforme qui ont dû prendre les armes pour servir la cause de la paix et de la liberté dans un pays lointain.

    La bataille de la crête de Vimy continuera à inspirer notre nation.

  +-(1010)  

+-

    M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne): Monsieur le Président, au moment où je quittais le café ce matin, j'ai jeté un coup d'oeil dans un journal. J'ai pu lire le gros titre suivant «Aujourd'hui, le 9 avril 2002, il y a 85 ans qu'est né notre pays.» Comme l'a signalé le ministre des Anciens combattants, cet événement a été un point tournant dans l'histoire du Canada.

    Il est difficile d'imaginer que le Canada avait à peine 50 ans lorsque a eu lieu la bataille de la crête de Vimy. C'est à cette occasion que les soldats canadiens se sont distingués au combat. Il faisait ce jour-là un temps très semblable à aujourd'hui, si ce n'est plus froid. Il y avait donc de la neige et de la neige fondante dans l'air quand l'ordre a été donné. C'était l'enfer. Néanmoins, trois jours plus tard, les Canadiens avaient réussi à prendre la crête de Vimy, exploit que les autres forces alliées n'avaient pu réaliser.

    Ce 9 avril 2002 marque deux événements mémorables car, comme l'a souligné l'honorable ministre, c'est aujourd'hui que notre souveraine a été inhumée. J'aimerais associer ces deux événements car ils ont un point commun.

    Aujourd'hui, nous avons dit au revoir à la Reine-Mère. J'ai regardé une partie de la cérémonie à la télévision ce matin. Je me suis souvenu, que jeune garçon, j'étais dans la foule bordant l'avenue Dewdney, à Regina, pour regarder passer la Reine. C'était en 1939, environ 22 ans après la bataille de Vimy. Je me souviens de ce voyage. La rue n'était pas macadamisée. Nous avions une Ford modèle A. Nous étions ma mère, mon père et les sept enfants. Tout ce dont je me rappelle c'est que, dans cette voiture modèle A, mon père pouvait mettre la main partout, même à l'arrière de ma tête. Cette journée est restée gravée dans ma mémoire parce que le cortège était précédé d'un groupe d'anciens combattants qui avaient combattu à la crête de Vimy. C'est pourquoi, les deux événements sont liés.

    Je voudrais réciter officiellement ce matin un poème que j'ai enseigné à l'école. Je crois qu'il ne figure plus dans les ouvrages de littérature, mais je m'en souviens parfaitement. Il est de Greta Briggs et s'intitule:  Londres bombardé». La ville de Londres y est personnifiée. En ce jour de célébration, ces mots pourraient fort bien être ceux de la Reine-Mère. Voici:

    

Je m'appelle Londres et des jours sombres j'ai traversés,
Car pendant plus de mille ans j'ai combattu, régné, commercé;
J'ai connu les légions romaines et des hordes danoises, les hurlements;
J'ai entendu les réjouissances des Saxons et vu les épées normandes rouges de sang.
Je suis marquée par les batailles; mes plus sévères défenseurs jurent pourtant
Que je n'ai jamais été aussi majestueuse ni autant aimée que maintenant.
Les lumières qui brûlent et luisent dans le rêve solitaire de l'exilé,
Les lumières de Piccadilly et celles qui avaient l'habitude de briller
Le long de Regent-street et du Kingsway ne sont peut-être plus là,
Mais d'autres lumières scintillent, et leur splendeur, aussi, est à moi,
Elles rayonnent sur des visages usés par le travail et pétillent dans des regards courageux
Lorsque de pauvres maisons sont démolies et que la mort descend des cieux.
Les bombes ont détruit mes églises et ont éventré mes rues,
Mais elles ne m'ont pas altéré l'esprit et elles ne me briseront pas le coeur non plus.
Car les vraies lumières de Londres résident dans la foi et le courage de mes gens
Et elles continueraient de briller dans les légendes même après la destruction du dernier de mes ponts les plus grands.

    En songeant ce matin à la bataille de la crête de Vimy et au décès de la Reine-Mère, je me rends compte que, au moment de la bataille de Vimy, la Reine-Mère, qu'on a enterrée aujourd'hui, avait 17 ans. Cette bataille faisait tellement de bruit qu'on pouvait entendre à Londres, semble-t-il, un faible écho de tous les canons, bombardements et explosions de l'artillerie.

  +-(1015)  

    Dans son poème immortalisé, que la plupart des élèves canadiens apprennent d'ailleurs encore par coeur, McCrae a écrit ceci:

    

De nos mains défaillantes, nous vous passons le flambeau;
À vous de le reprendre et de le porter haut.

    Nous n'avons pas toujours porté haut ce flambeau. Ce n'est toutefois pas le moment d'aborder des faits négatifs. C'est un jour pour parler de faits positifs. Ce jour marque un grand jour de notre histoire militaire. C'est un jour que nous pouvons commémorer en même temps que nous rendons hommage à la Reine.

    Le 11 novembre dernier a été un jour de renouveau. Nous avons constaté que la participation aux cérémonies du 11 novembre était à la hausse d'un bout à l'autre du Canada Je suis ravi, en tant que député de la loyale opposition de Sa Majesté, que le gouvernement ait récemment décidé de financer la restauration des cénotaphes de la nation, surtout le grand monument blanc qui perce le ciel, le monument aux morts de la crête de Vimy. Dans le monde entier, il n'y a peut-être pas un autre monument que les Canadiens reconnaissent aussi bien.

    Je suis très heureux que nous gardions ce souvenir et que nous portions haut ce flambeau. Nous devons relater cet événement et ne jamais cesser de le relater.

  +-(1020)  

[Français]

+-

    M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Monsieur le Président, le lundi 9 avril 1917, à 5 h 30 eures trente précises, fait un moment marquant pour les Québécois et les Canadiens.

    En effet, il y a 85 ans, alors qu'il était toujours une colonie du Royaume-Uni, le Canada s'engageait dans la Première Guerre mondiale, sans l'expérience de la guerre que d'autres pays pouvaient avoir alors.

    Dans cette nuit glaciale, quatre divisions canadiennes, soit 20 000 soldats canadiens, dont plusieurs Québécois, surgissent des tranchées et envahissent la pente sud-ouest de la crête de Vimy jonchée d'obus et repoussent la ligne de front de quatre kilomètres sur une longueur de six kilomètres. De la mission secondaire qui leur était confiée, ils font un succès d'autant plus remarquable qu'il était inattendu.

    Il faut savoir que la crête de Vimy était l'un des points dominants des plaines du Nord de la France. Son contrôle par les Allemands avait déjà fait l'objet de tentatives de reconquête par les Français et les Britanniques en 1915 et en 1916. Elle constituait le principal objectif de ces premières offensives et ne sera prise que lors de la troisième tentative, en avril 1917. En 1915, les Français y parviennent presque, mais sont repoussés par les Allemands et subissent de lourdes pertes. À leur tour, les Britanniques se portent à l'attaque et font exploser par endroit d'énormes mines sous les lignes allemandes afin d'ouvrir la voie à leurs hommes, mais sans succès.

    C'est l'offensive de soldats venant du Québec et du Canada qui permettra aux alliés de conquérir Vimy et de participer à la victoire des alliés.

    Les pertes y furent extrêmement élevées: c'est effectivement au prix de 10  000 morts ou blessés que Vimy sera prise. On se rappellera que les soldats présents étaient alors des volontaires. C'est à la suite de la prise de la crête de Vimy que fut instaurée la conscription. Il convient de rappeler que les Québécois ne voulaient pas aller combattre pour une guerre qu'ils ne percevaient pas comme la leur. Ils ne voulaient pas de la conscription qui leur a été imposée. On se souvient que des manifestations ont été violemment réprimées à Québec. Même Wilfrid Laurier prendra alors position contre la conscription obligatoire. Plusieurs leaders du Québec ont cependant encouragé l'effort du Canada et souhaitaient que le Québec et le Canada contribuent à la victoire de la France et de l'Angleterre.

    Malgré le fait que l'on ait imposé à plusieurs Québécois de participer à la Première Guerre mondiale, on ne peut qu'être fiers de voir la contribution que les soldats volontaires, d'abord, et appelés, ensuite, ont su apporter. C'est aussi à la suite de la prise de la crête de Vimy que le Canada allait être davantage reconnu. Sur la scène internationale, et dès lors, il y jouera un plus grand rôle. En ce sens, la bataille à laquelle ont vaillamment participé des soldats québécois a eu un impact beaucoup plus important que ne l'auraient pensé ceux qui y ont laissé leur vie.

    La force et le courage des soldats ayant combattu à Vimy et durant la Première Guerre mondiale se doivent d'être reconnus. Nous devons nous assurer d'honorer la mémoire des disparus, de ceux qui ont donné leur vie, qui n'avaient pas voulu la guerre, mais qui répondirent tout de même à l'appel.

    Ainsi, les deux nations du Canada ont toutes deux contribué, de manière très significative et douloureuse en vies humaines, à la victoire des alliés contre les envahisseurs allemands. Le devoir moral de commémorer les guerres du siècle dernier nous amène à nous recueillir et à nous souvenir respectueusement de ceux qui sont morts durant la prise de la crête de Vimy et durant toute la Première Guerre mondiale.

    Le Bloc québécois désire rendre hommage aux soldats venant du Québec et d'ailleurs, qui ont combattu à Vimy et qui ont permis de mettre fin plus rapidement à la Première Guerre mondiale.

  +-(1025)  

[Traduction]

+-

    M. Bill Blaikie (Winnipeg--Transcona, NPD): Monsieur le Président, c'est pour moi un grand honneur de prendre la parole aujourd'hui, au nom du NPD, à l'occasion de la commémoration du quatre-vingt-cinquième anniversaire de la bataille de la crête de Vimy.

    Il y a dix ans, j'ai pris part au pèlerinage au cénotaphe de Vimy, qui commémorait le soixante-quinzième anniversaire de la bataille. J'avais alors eu la grande chance de rencontrer les 14 anciens combattants de Vimy qui faisaient partie de la délégation. À l'époque, ils étaient âgés entre 100 ans et 93 ans. Le plus jeune, que ses camarades appelaient le gamin, s'appelait Frank Bourne. Résident de Vancouver, il avait aussi déjà vécu à Winnipeg, où il avait travaillé pour les chemins de fer et avait appuyé le CCF. Nous nous entendions bien, et j'ai surtout aimé l'entendre parler de ses souvenirs de Winnipeg juste après la guerre, et en particulier de la grève générale de 1919 dans cette ville.

    Je serai toujours reconnaissant d'avoir eu la chance de le connaître, lui et les autres anciens combattants de Vimy qui appartenaient à la génération de mes deux grands-pères. L'un d'eux a d'ailleurs servi à la crête de Vimy, mais aucun n'a vécu aussi vieux qui ceux qui ont pu célébrer le soixante-quinzième anniversaire de leur participation à cet événement déterminant et tragique de l'histoire de notre pays, où tant de leurs camarades sont morts.

    Je constate avec tristesse que, comme le dit si bien le vieil hymne, le flot ininterrompu du temps emporte tous ses fils, et que pour la première fois cette année on ne comptait plus aucun ancien combattant de Vimy aux cérémonies qui ont eu lieu en France. À l'aurore, nous nous souviendrons d'eux comme je me souviens aujourd'hui de mon grand-père, Robert Nisbet Blaikie senior, qui était cornemuseur et soldat, et de son frère aîné Jim, qui était batteur dans le 1er bataillon du Canadian Mounted Rifles, dont les membres étaient recrutés au Manitoba et en Saskatchewan. Ils faisaient partie de la troisième division de la huitième brigade.

    Il se trouve que les tunnels qui sont conservés au parc du cénotaphe de Vimy sont ceux qui ont été utilisés par ce groupe et qui, plus tard, ont été vus par des visiteurs de tous les coins du monde, parfois sous la direction de l'arrière-petite-fille de Robert Blaikie, ma fille Rebecca, qui y a travaillé comme guide à la fin des années 90.

    Chaque nouvelle génération doit être consciente des sacrifices de ceux qui les ont précédés et je félicite le gouvernement d'avoir envoyé des jeunes Canadiens participer au pèlerinage de cette année. Les anciens combattants de Vimy que j'ai connus en auraient été heureux.

    Pour terminer, je souligne que cette journée, qui me rappelle la mémoire de mon grand-père Blaikie, coïncide avec celle des funérailles de la Reine-Mère, qui avait elle-même perdu un frère au cours de la Première Guerre mondiale. En 1939, soit 22 ans après la bataille de la crête de Vimy, mon grand-père jouait de la cornemuse pour accueillir le couple royal dont le train s'était arrêté à Biggar, en Saskatchewan, afin qu'il salue la foule assemblée. Jouant moi-même de la cornemuse, je signale avec satisfaction le rôle qu'a joué cet instrument aujourd'hui quand on a conduit la Reine-Mère, descendante de Robert Bruce, à sa dernière demeure.

    Quand j'ai visité le Monument commémoratif de Vimy, en 1992, j'ai cherché parmi les 11 000 noms qui y sont inscrits celui d'un homme que connaissait seulement de nom une famille de Transcona que je connais bien. Ce nom était celui de George Esselmont. Juste avant la guerre, George et son frère Bob avaient construit un duplex dans l'avenue Whittier, à Transcona, afin de s'y installer avec leur famille à la fin de la guerre. George n'a jamais pu le faire. Il compte parmi les Canadiens qui ont été tués à Vimy et qui n'ont pas de tombe les identifiant. Il n'a pas eu l'occasion de vieillir comme son frère. Il n'a jamais été fatigué par l'âge ni condamné par les années, par contre, il n'a jamais pu réaliser ses rêves et vivre pleinement, tout comme les 66 000 autres Canadiens qui sont morts au cours de la Première Guerre mondiale.

    N'oublions jamais leur sacrifice et rendons-leur hommage non seulement pour le courage dont ils ont fait preuve en répondant à l'appel, mais aussi pour le courage qu'il faut parfois manifester pour préconiser la paix dans un monde en proie à la tentation et au pouvoir de la guerre.

    Que Dieu fasse en sorte que les pensées qui nous animent aujourd'hui et qui nous animeront dans les jours à venir soient une source de sagesse et de discernement pour notre monde actuel et futur qui ne s'annonce toujours pas exempt des événements tragiques et des maux de la guerre.

+-

    Mme Elsie Wayne (Saint John, PC/RD): Monsieur le Président, je tiens à remercier le ministre de sa belle déclaration en ce jour de commémoration. Je suis heureuse de pouvoir prendre la parole aujourd'hui pour souligner l'anniversaire d'une journée importante de notre histoire nationale.

    Nous rendons hommage non seulement à ceux qui ont sacrifié leur vie à Vimy, mais aussi à la Reine-Mère. Comme je suis la représentante à la Chambre des communes de la première ville canadienne constituée en vertu d'une charte royale, et d'ailleurs la seule au Canada, je suis très heureuse d'être ici pour participer au service commémoratif de Vimy et au service en l'honneur de la Reine-Mère.

    Il y a 85 ans, ce sont les soldats d'un pays qui naissait, d'un Canada qui faisait ses premiers pas, qui ont remporté une victoire cruciale pour les alliés là où les puissances européennes bien établies avaient échoué.

    J'ai eu le grand honneur de me rendre à Vimy pour en rapporter les restes du soldat inconnu. Ce fut sans doute l'expérience la plus émouvante de ma vie lorsque, comme le député néo-démocrate l'a expliqué, nous sommes descendus dans des tranchées. Je n'arrivais pas à croire que nos hommes avaient dû descendre là pour que vous et moi puissions être ici aujourd'hui, monsieur le Président, pour que tous nos collègues et tous les Canadiens aient la liberté dont ils jouissent aujourd'hui.

    Je me souviens d'avoir vu les morceaux d'une tasse du YMCA qui remonte à cette époque. J'en en pris une photo. Des jeunes de l'endroit, qui s'occupent de toute la zone qui entoure le mémorial de Vimy, ont trouvé ces fragments dans les tranchés et les ont rassemblés.

    Vimy a été un moment marquant dans la constitution de notre identité. Nos soldats ont été des bâtisseurs de la nation, des héros nationaux. La victoire de Vimy a confirmé notre valeur militaire et manifesté clairement que les Canadiens seraient les gardiens de la paix et de la liberté dans le monde. Ils le sont demeurés. Le territoire conquis et occupé grâce à l'offensive de Vimy a donné aux alliés un avantage tactique précieux. Par-dessus tout, c'est du courage des soldats canadiens que l'histoire a conservé le souvenir le plus vivace, et avec raison.

    L'engagement envers l'accomplissement du devoir et le risque désintéressé qui s'est manifesté sur ce champ de bataille, il y a 85 ans, s'est répété maintes fois dans les activités de nos forces armées au cours des décennies qui ont suivi. Même aujourd'hui, nos soldats, qui défendent les valeurs que les Canadiens partagent avec la majorité des gens de la terre, sont une source de profonde et constante fierté pour nous tous.

    Nous ne pourrons jamais rembourser entièrement la dette que nous devons à nos anciens combattants. Les sacrifices qu'ils ont consentis au cours des grandes guerres, pour nous et pour les générations à venir, nous laissent remplis d'admiration envers eux.

    Le week-end dernier, j'ai eu l'occasion de visiter notre hôpital des anciens combattants, à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Il est étonnant de voir ces anciens combattants assis dans leur fauteuil roulant. J'ai toujours le sourire aux lèvres lorsque j'entre dans la pièce, car ils semblent savoir que je suis là pour voir s'ils ont besoin de quelque chose. Que Dieu bénisse chacun d'eux. Ils ont gagné notre respect et mérite nos éloges, non seulement le 11 novembre, mais également tous les jours.

    Lorsque nous avons ramené la dépouille du soldat inconnu, le président national lui-même était ici. Lorsque la dépouille a été placée dans le hall d'honneur le lendemain, on nous a dit que le président national de la Légion royale canadienne était décédé. C'est lui qui s'est battu pour que soient reconnus ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie pour nous à Vimy.

  +-(1030)  

    L'esprit de cette journée d'avril restera à jamais gravé dans le paysage champêtre de la France, car le nom des soldats tombés est gravé dans la pierre du grand monument blanc, à Vimy.

    Dans un instant, je quitterai la Chambre, avec le ministre et d'autres collègues, pour joindre un groupe d'anciens combattants réunis devant le cénotaphe national, afin de marquer de façon plus officielle la victoire de Vimy.

    En cet anniversaire solennel, nous nous souvenons de tous ceux qui ont consacré leur vie au service de notre pays, et nous prions pour ceux qui, en ce moment même, perpétuent cette grande tradition militaire pour défendre la liberté.

    Nous nous souviendrons d'eux.

*   *   *

  +-(1035)  

+-Pétitions

+Le projet de loi C-15B

+-

    M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter une pétition signée par plus de 1 000 personnes de ma circonscription, qui correspond à la plus récente manifestation d'intérêt envers le projet de loi C-15B présentement à l'étude à la Chambre des communes. Celui-ci porte sur la cruauté envers les animaux et surtout les animaux de compagnie.

    Les pétitionnaires font état de plusieurs incidents récents fort médiatisés de cruauté et de négligence à l'égard des animaux. Malheureusement, certains de ces incidents se sont produits dans la région de Peterborough. Par exemple, quelqu'un a cruellement noyé un berger allemand et ce geste a fait naître l'association Lost Shepherd Society, qui est à l'origine de la présente pétition. Dans un autre cas, on a traîné un chien attaché à l'arrière d'une camionnette et l'animal a été gravement blessé.

    Cette pétition porte la signature de nombreux travailleurs des premières lignes, notamment des vétérinaires, des travailleurs et des bénévoles de sociétés pour la protection des animaux ainsi que d'autres intervenants. Ces gens savent que la Chambre est saisie du projet de loi C-15B; ils prient le Parlement d'accélérer le processus d'adoption pour que ce texte législatif devienne loi et ils demandent à tous les députés d'agir selon leur conscience et de voter en faveur de cette mesure législative.

*   *   *

+-Questions au Feuilleton

+-

    M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

+-

    Le vice-président: D'accord?

    Des voix: D'accord.

    Le vice-président: Je signale à la Chambre que, en raison de la déclaration de ministre, l'étude des initiatives ministérielles sera prolongée de 26 minutes.


+-Initiatives ministérielles

[Initiatives ministérielles]

*   *   *

[Traduction]

+-Loi de 2001 sur l'accise

    La Chambre reprend l'étude, interrompue le 22 mars, de la motion: Que le projet de loi C-47, Loi visant la taxation des spiritueux, du vin et du tabac et le traitement des provisions de bord, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

+-

    M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je reprends un discours interrompu. Il a été interrompu il y a une quinzaine de jours quand 13 h 30 est arrivé un vendredi après-midi en plein milieu de ma captivante présentation.

    J'ignore si je détiens le record en matière d'interruption de discours, mais je me souviens que mon discours a été interrompu une fois au début décembre. Je ne me rappelle pas en quelle année c'était, mais je n'ai pu terminer mon discours que l'année suivante au mois de novembre. Je m'en souviens parce que ce fut une interruption de 11 mois.

    Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui est de nature fiscale. Je suis certain que tous les députés ici présents ont pris le temps de lire le hansard du vendredi il y a 15 jours et ont relu la première partie de mon discours pour bien suivre le fil de ma pensée. Au cas où certains ne l'auraient pas fait, je répète que le thème de mon discours est l'appétit insatiable du gouvernement pour les recettes fiscales. Le projet de loi C-47 concerne la fiscalité.

    J'ai parlé des trois façons dont le gouvernement peut imposer les particuliers et les sociétés. En fait, il y a quatre manières différentes dont le gouvernement peut percevoir de l'argent, directement et par le biais de l'imposition. Voici les trois modes d'imposition qui existent: premièrement, prendre une portion de tout ce qui appartient à un particulier, l'impôt foncier en est un exemple; deuxièmement, prendre une portion de tout ce que nous gagnons par le biais de l'impôt sur le revenu; et troisièmement, prendre une portion de ce que tout ce que nous dépensons, la bien-aimée TPS en étant un exemple. En plus, plusieurs provinces ont leur propre taxe de vente.

    Je vis dans une province où il n'y a pas de taxe de vente provinciale. À ma connaissance, il n'y a jamais eu de taxe de vente en Alberta. Avant l'imposition de la détestable TPS, il était réellement agréable d'aller dans les magasins. Si on achetait quelque chose qui valait 5,99 $ et que l'on donnait 6 $ en paiement, on recevait un sou en retour. Il n'était pas nécessaire de calculer la taxe. Il n'y avait pas de taxe de vente. Et qui plus est l'absence de taxe de vente est sans doute l'une des choses qui a contribué à la puissance de l'Alberta, au point où c'est maintenant l'une des deux seules provinces à être une contributrice nette au régime de la péréquation.

    Pendant une année, j'ai fréquenté l'école à Portland, en Oregon, et j'ai trouvé intéressant de constater que, du moins à cette époque, l'Oregon était un des deux seuls États à ne pas avoir de taxe de vente. Pour une raison ou pour une autre, je suis attiré par les gouvernements qui n'imposent pas de taxe de vente.

    Les économistes nous disent que la taxe de vente est une meilleure forme de taxation que l'impôt sur le revenu et que réduire l'impôt sur le revenu exerce un effet positif plus grand sur l'économie que la réduction de la taxe de vente. Cependant, il y a une énorme différence psychologique entre les deux. Quand on gagne de l'argent, surtout si l'impôt sur le revenu est retenu à la source, on ne le remarque jamais d'une certaine façon parce qu'on ne s'en rend tout simplement jamais compte. Si nous avons payé trop d'impôt sur le revenu, quand vient le temps de produire notre déclaration de revenu, nous constatons qu'il nous revient un certain montant et tout le monde est heureux de recevoir un remboursement.

    J'ignore combien de gens se rendent compte que c'est de l'argent que le gouvernement a prélevé sur leur paye. Cet argent fait partie de leurs gains. Le fisc en a pris davantage que ce à quoi il avait droit et il leur rend maintenant le montant prélevé en trop. Nous devrions nous réjouir qu'il nous le rende tout autant que nous le ferions si quelqu'un nous avait volé de l'argent et nous le rendait.

    Il s'agit de notre argent et il est important de ne jamais oublier que, lorsqu'il s'agit d'impôt, l'argent appartient à qui l'a gagné. Il faut que les gouvernements qui prélèvent une partie de cet argent, au moyen soit de l'impôt sur le revenu soit de la taxe de vente, ne perdent jamais de vue qu'ils sont les fiduciaires de cet argent et le dépensent au nom du public pour le bien commun.

  +-(1040)  

    Je suis révolté quand je vois le gouvernement actuel se servir des deniers publics à ses propres fins et non pour le bien-être de la population. Je vous donne un exemple. Le ministre de l'Industrie se trouvait dans ma circonscription il y a une semaine environ, et il y a prononcé un grand discours et tenu une réunion dans l'un des nouveaux hôtels de la place. Les notables de la région y étaient. Tous ont été fort impressionnés là-bas, dans la campagne albertaine, à Sherwood Park, qui est le plus gros hameau du Canada, comptant une population de quelque 45 000 âmes. On considère cette agglomération comme un hameau parce qu'elle n'a jamais été enregistrée.

    Au cours de cette réunion, le ministre a annoncé quelques dépenses fédérales. Cependant, ces dépenses n'étaient pas nouvelles. Elles avaient déjà été annoncées dans le budget. Le gouvernement aime bien ça annoncer de nouvelles dépenses. Il semble même multiplier les annonces à des fins électoralistes.

    Tout se passe comme si le ministre disait «Ne sommes-nous pas merveilleux» parce que le gouvernement fédéral accorde des fonds à la recherche. Il a dit que cela stimulerait vivement l'économie, notre compétitivité, notre créativité et notre productivité. Il a utilisé tous ces beaux mots-là. Il se sert de cette annonce de 150 millions de dollars à toutes les sauces. Il suffit d'un claquement de doigts pour qu'un libéral annonce des dépenses de 150 millions de dollars. On peut acheter quelques Challenger et toutes sortes de choses avec 150 millions de dollars.

    Il a annoncé l'octroi de ces fonds, mais je ne dirai que ceci: si cet argent doit être dépensé dans l'intérêt public, pourquoi ne se contente-t-il pas d'envoyer un chèque? Si cet argent est effectivement destiné à l'université locale, on devrait lui envoyer un chèque, accompagné d'instructions sur l'utilisation à réserver à ces fonds et les comptes à rendre par la suite. Mais le ministre préfère en faire l'annonce à cor et à cri.

    Dans un autre exemple de ce que j'avance, le premier ministre avait annoncé l'ouverture d'un centre d'appels à l'Île-du-Prince-Édouard, si je ne m'abuse. Par l'entremise de DRHC, le gouvernement a contribué financièrement à la création de ce centre. Si j'en parle, c'est qu'il s'agit de contribuables et de l'utilisation que nous faisons de l'argent qui nous est confié par les habitants de ce merveilleux pays qui est le nôtre. Le premier ministre a annoncé aux habitants de l'Île-du-Prince-Édouard que, grâce à une subvention accordée par son gouvernement, un nouveau centre d'appels et des emplois seraient créés dans leur région.

    À première vue, la chose ne manquait pas d'intérêt, mais, si je me souviens de cette annonce, c'est en raison de la réaction incroyable qu'elle a suscitée. J'en ai entendu parler à la radio, dans ma voiture. La personne qui a reçu cet argent--je ne me souviens plus si c'était le maire de la localité concernée par ce centre ou l'entrepreneur qui devait le construire--a remercié le premier ministre de s'être porté au secours de la population locale quand elle avait eu besoin de lui et a déclaré que cette dernière s'engageait à lui témoigner sa reconnaissance lors des prochaines élections. C'était du moins là l'essentiel de sa déclaration.

    Il ne faudrait pas que ce soit comme cela. Si on a besoin de cet argent, il devrait être dépensé. Si on n'en a pas besoin, il ne devrait pas être dépensé. Ce n'est pas bien de faire ce genre de dépense en s'attendant à recevoir des votes en retour. Je crois que le premier ministre aurait dû dire à cette personne que le fait de lui donner cet argent n'avait rien à voir avec les élections. C'est de l'argent que le gouvernement a enlevé aux contribuables qui l'ont gagné et qu'il a ensuite décidé de dépenser là-bas afin que d'autres gens puissent faire de l'argent. Je sais qu'on peut trouver des arguments à l'appui de cette décision. Nous pourrions dire que l'argent a servi à créer une nouvelle entreprise et des emplois pour ces gens qui, à leur tour, gagneront un revenu et paieront de l'impôt sur ce revenu. Ils se trouveront alors à verser de l'argent dans le système au lieu d'en recevoir.

  +-(1045)  

    Je sais qu'on peut défendre ces arguments. Peut-être que certains d'entre eux sont même justifiés, mais je m'oppose énergiquement à ce que l'argent des contribuables soit utilisé à des fins politiques, comme on a vu dans ma circonscription lorsque le ministre de l'Industrie a fait une annonce qui n'avait rien à voir avec les politiques libérales ou comme on a vu à l'Île-du-Prince-Édouard lorsque le premier ministre a fait cette autre annonce.

    Nous parlons ici d'une augmentation des taxes. Que l'on ne se méprenne pas. Le projet de loi C-47 accroît les recettes du gouvernement fédéral d'environ un quart de milliard de dollars. Voilà ce dont il s'agit ici. Il s'agit d'augmenter les taxes. Il y a une rationalisation dans certains cas. Par exemple, dans le cas des cigarettes, les taux de taxation augmenteront graduellement dans certaines provinces. Comme je l'ai dit dans la première partie de mon discours, compte tenu des baisses qu'on avait vues précédemment, on se trouve maintenant à rétablir ces taxes.

    Je crois avoir bien fait valoir mon point. Je suis certain que tous les députés ici, ayant écouté mes arguments, seront désormais déterminés à ne jamais utiliser à mauvais escient l'argent que les contribuables canadiens ont confié au gouvernement afin qu'il l'utilise pour le bien de la population. J'espère que c'est vrai.

    Vous serez peut-être étonnés d'apprendre que j'aurais présentement tendance à voter en faveur du projet de loi, une mesure qui accroîtrait les recettes et les impôts perçus par le gouvernement. Ma principale raison d'agir ainsi, c'est que ce projet de loi se traduira par une hausse du prix et, faut-il l'espérer, une réduction de la consommation de cigarettes. J'ai prononcé des allocutions sur ce sujet dans divers contextes auparavant. Qu'il s'agisse de collègues à la Chambre, d'amis de ma circonscription ou d'un des membres de mon personnel qui écoute la présente allocution et qui fait partie d'un programme de renonciation au tabac, je les encourage à cesser de fumer. Cette taxe a peut-être aidé ce membre du personnel à décider de cesser de fumer, bien que je n'aie pas discuté de ce détail avec lui. Je l'encourage à persister dans cette voie pour des motifs économiques et de santé. La meilleure chose que nous puissions faire, c'est de décourager les jeunes de fumer, habitude ayant pour effet de ruiner leur santé.

    Il y a aussi les coûts du tabagisme. J'ai déjà raconté qu'à l'époque où j'enseignais les mathématiques, j'avais encouragé mes étudiants qui faisaient l'apprentissage de leur calculette et de leur ordinateur à déterminer combien d'argent ils auraient en banque si, au lieu de fumer, ils investissaient cet argent dans un RÉER pendant toute leur vie. Je leur faisais notamment évaluer les formules mathématiques ainsi qu'établir des courbes exponentielles mathématiques et financières.

    Lorsqu'ils avaient terminé cette évaluation qui, si je me rappelle bien, s'établissait à environ 1,3 million de dollars, je leur demandais s'ils savaient ce qu'ils avaient calculé. Je passais les calculs en revue et je leur montrais que le nombre 45 correspondait à la période de 45 années entre l'âge de 20 ans, où une personne commence à travailler, et l'âge de 65 ans, lorsqu'elle prend sa retraite. Le 0,1 correspondait à cette époque à 10 p. 100 du taux de rendement d'un REER, et le montant de 1,3 million de dollars était le solde du REER au moment de la retraite. Ils pouvaient prendre leur retraite avec 1,3 million de dollars si, pendant la durée de leur vie, ils versaient dans un REER l'argent qu'ils dissipaient en fumée, ce qui constituait un puissant argument économique. Je suis fier de souligner que cette démonstration a effectivement mené certains de mes étudiants à cesser de fumer. C'est la principale raison pour laquelle je vote en faveur du projet de loi C-47. Je regrette que mon temps de parole soit maintenant écoulé, mais j'espère que les libéraux entendront mon message et agiront en conséquence.

  +-(1050)  

[Français]

+-

    M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe--Bagot, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir dans le débat de deuxième lecture du projet de loi C-47. À l'avance, je vous annonce que le Bloc québécois appuiera ce projet de loi. Nous avons cependant deux réserves et, au cours des prochaines semaines, nous allons tenter de convaincre le gouvernement quant à deux aspects particuliers de ce projet de loi.

    Pourquoi appuyons-nous ce projet de loi? C'est parce qu'il facilite les choses dans le secteur des vins, des spiritueux et du tabac, notamment en harmonisant les taxes de vente, les taxes d'accise avec le système général de taxation, et en faisant en sorte qu'il y ait une compatibilité entre les périodes de comptabilité commerciale. C'est une nette amélioration au niveau de la gestion fiscale. Cependant, par votre entremise, monsieur le Président, j'aimerais porter à l'attention du gouvernement deux problèmes liés à ce projet de loi.

    Le premier vise le secteur de la bière, notamment les microbrasseries; le deuxième vise les petits vignobles qui ont pris de l'expansion au cours des dernières années, tant et si bien qu'au Québec comme au Canada, c'est une industrie qui est très florissante et qui récolte des médailles internationales pour la qualité des produits.

    Pour ce qui est de la bière, il y a un problème majeur, un problème d'équité si vous voulez, quand on regarde ce qui se passe au plan international. Ailleurs, que ce soit en France, en Belgique et même aux États-Unis, il y a une exclusion pour l'application de la taxe d'accise pour les microbrasseries. Sur le plan international c'est accepté par les règles régissant l'Organisation mondiale du commerce. Il y a une exemption particulière pour les microbrasseries, leur permettant justement de pouvoir performer, de pouvoir se développer, de pouvoir faire vivre plusieurs communautés régionales, des petites communautés pour la plupart, et de pouvoir aussi faire face aux grandes brasseries nationales.

    C'est ainsi partout, sauf ici. À la lumière du projet de loi C-47, on peut déplorer qu'on n'ait pas pris en considération le fait que les microbrasseries, au Québec et au Canada, génèrent autour de 3 500 emplois directs et indirects; je dirais que les trois quarts sont des emplois directs et environ 1 000 emplois sont des emplois indirects liés aux microbrasseries. On peut déplorer qu'on n'ait pas pris en considération cet apport important des microbrasseries. Alors qu'aux États-Unis par exemple, il y a une taxe d'accise de 9¢ l'hectolitre, en dollars canadiens, ici, il y a encore une taxe de 28¢ l'hectolitre.

    Comme on le voit, chez les chantres du libéralisme économique, on fait même attention, aux États-Unis, aux microbrasseries et on reconnaît leur apport important. Ce n'est pas le cas ici. C'est le cas en France, c'est le cas en Allemagne, c'est le cas en Belgique, c'est le cas aux États-Unis, mais ici, les microbrasseries sont traitées sur le même pied d'égalité que les grandes brasseries qui ont beaucoup plus de moyens financiers et technologiques pour livrer une concurrence très forte aux microbrasseries.

    Serait-il possible pour le gouvernement de comprendre qu'une discrimination positive, permise en vertu des règles commerciales, permise dans un monde qui se globalise et permise dans un cadre de mondialisation, pourrait être une bonne affaire pour aider les microbrasseries à traverser leur expansion et à livrer une concurrence loyale aux grandes brasseries d'à peu près tous les pays à travers le monde? Est-ce que ce serait une bonne idée que le gouvernement fédéral emboîte le pas des grands pays industrialisés et aide les microbrasseries?

    Nous allons proposer un amendement concernant les microbrasseries à l'effet que l'on prévoie une exemption partielle de cette taxe d'accise pour les premiers 75 000 hectolitres, c'est-à-dire qu'on se retrouve avec à peu près le même niveau de taxation que pour les microbrasseries aux États-Unis. Cela voudrait dire que l'on réduise de 60 p. 100 le droit d'accise pour les premiers 75 000 hectolitres produits par les microbrasseries, que ce soit Unibroue ou d'autres microbrasseries au Québec et au Canada.

  +-(1055)  

    Cela les aiderait grandement et ce serait un traitement équitable du point de vue commercial. Comme je le mentionnais, les concurrents d'Unibroue, ailleurs, bénéficient de cette exemption. Elle est reconnue et permise en vertu des règles internationales.

    Donc, comme je le disais plus tôt, nous allons présenter un amendement à ce projet de loi à l'étape du rapport en souhaitant que le gouvernement fédéral, qui emmagasine des surplus considérables depuis les cinq dernières années, puisse contribuer une somme d'environ 15 millions de dollars par année. Ce n'est pas une mesure qui coûterait vraiment cher au gouvernement.

    Je rappelle que les microbrasseries contribuent pour environ le double en termes d'impôts aux différents paliers de gouvernement, dont un peu plus de la moitié au gouvernement fédéral. Même en appliquant une telle mesure, le gouvernement fédéral serait encore gagnant. Il récolterait encore des taxes et des impôts nets des microbrasseries et il aiderait au maintien et même à l'expansion de l'emploi dans un secteur qui connaît une croissance phénoménale depuis les 15 dernières années. Cette mesure coûterait autour de 10 à 15 millions de dollars. Ce n'est pas beaucoup pour faire en sorte que les 3 500 emplois qui existent déjà dans le secteur des microbrasseries puissent demeurer et qu'on soit même en mesure d'en faire un secteur prometteur et dynamique sur le plan de la création d'emplois au cours des prochaines années.

    Ce projet de loi comporte certains problèmes, dont un qui concerne les petits vignobles. Comme on le sait sans doute, et d'ailleurs, certains collègues libéraux sont dans la production de vin, les petits vignobles ont connu une expansion considérable au Québec et au Canada depuis les 25 dernières années. J'ai assisté à la naissance de grands vignobles québécois lorsque j'étais économiste pour l'Union des producteurs agricoles. En 1986, on commençait à peine à investir dans ce secteur, entre autres, dans l'Orpailleur en Montérégie.

    J'ai vu naître ce secteur qui est devenu, du stade artisanal qu'il était, un secteur respectable aujourd'hui avec des produits d'une qualité, comme je le mentionnais au début de mon exposé, exceptionnelle, qui récolte des médailles. Le Québec et le Canada, producteurs par l'entremise de petits vignobles, multiplient les médailles depuis les dernières années, des médailles internationales en termes de qualité des millésimes québécois et canadiens.

    Les petits vignobles sont assujettis à une taxe de 51¢ par litre. Lorsque l'on fait une comparaison avec ce qui se passe à travers le monde, c'est pas mal plus élevé que ce qui se passe en France, en Belgique, en Italie et même aux États-Unis. Encore une fois, ce qu'on demande pour les petits vignobles, c'est justement un traitement équitable.

    Prenons une production de 200 000 bouteilles; ce n'est pas beaucoup, 200 000 bouteilles, quand on sait qu'à l'échelle internationale, lorsqu'on regarde les grands vignobles, c'est 10 et 20 fois plus en moyenne, lorsqu'on regarde la situation aux États-Unis. Ce qu'on pourrait prévoir—nous allons encore une fois présenter un amendement au projet de loi en ce sens—c'est qu'il y ait une exemption de cette taxe de 51¢ le litre pour les premières 200 000 bouteilles.

    Encore une fois, ce serait une exemption acceptable d'un point de vue commercial et qui rencontrerait toutes les exigences des traités internationaux, entre autres, celui de l'Organisation mondiale du commerce. Elle rencontrerait également les exigences et les dispositions de l'Accord de libre-échange nord-américain et aiderait les petits vignobles à donner un élan supplémentaire à celui qu'ils ont déjà dans le domaine de la performance.

    Ce que cette exemption coûterait pour le gouvernement fédéral, ce serait tout à fait ridicule, mais cela représenterait une manne pour les petits vignobles. Cela représenterait moins d'un demi-million de dollars, 350 000 $ dollars par année. C'est très peu, mais pour les représentants des petits vignobles au Québec comme au Canada ce serait beaucoup. Cela leur donnerait un coup de pouce incommensurable. Pourquoi? Parce que la concurrence est très vive pour les petits vignobles. Elle est très vive face aux grands vignobles internationaux et également au chapitre des exportations de petits vignobles des États-Unis ou d'ailleurs à travers le monde.

  +-(1100)  

    Nous allons proposer, encore une fois, un amendement qui ferait en sorte que les petits vignobles qui ont moins de deux millions de ventes par année, approximativement, puissent être exemptés de cette taxe.

    Les petits vignobles font des efforts, justement, sur le plan de la qualité et de l'élaboration des cépages complexes maintenant. Ils font des efforts incroyables pour pouvoir percer sur le marché international. On a donc une bonne qualité de vin au Québec et au Canada et on s'est améliorés de façon incroyable depuis les dernières années.

    À mon avis, ces efforts gagneraient à être bonifiés. Je pense à l'Orpailleur; je parlais de l'Orpailleur, tantôt, en Montérégie. Je pense aussi au Clos Saint-Denis, à Saint-Denis-sur-Richelieu. Ce sont deux petits vignobles dont je connais les propriétaires, qui déploient, année après année, des développements incroyables, de la recherche et du développement pour améliorer la qualité de leurs produits. Ils participent à tous les concours internationaux et ils remportent aussi des médailles.

    Cela vaudrait la peine de bonifier le projet de loi C-47 pour que ces deux amendements puissent y être incorporés. Cela ne coûterait pas cher au gouvernement, mais cela donnerait un fichu coup de pouce à deux industries qui sont florissantes et qui font aussi notre fierté. Partout au Québec comme au Canada, on est très fiers des efforts déployés par les microbrasseries, de la qualité de leurs produits, aussi, et c'est la même chose pour les petits vignobles.

    Je rappelle que nous appuierons le projet de loi C-47. Cependant, nous espérons qu'aux différentes étapes, le gouvernement comprendra qu'il est à l'avantage de tous les Québécois et de tous les Canadiens d'accepter les deux modifications proposées.

[Traduction]

+-

    L'hon. Lorne Nystrom (Regina--Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, j'ai aussi quelques mots à dire au sujet du projet de loi à l'étude.

    Le projet de loi C-47 est un texte technique. Il vise à imposer un prélèvement sur les spiritueux, les vins et les produits du tabac. Il vise également à différer le paiement de droits sur les spiritueux et les vins jusqu'au moment de leur vente au détaillant, à placer les produits canadiens et importés sur un pied d'égalité, à exercer des contrôles sévères sur la possession de marchandises sur lesquelles les droits n'ont pas été acquittés, et ainsi de suite. C'est un projet de loi technique qui apporterait certaines modifications au régime de taxation. Ces mesures législatives ont été révisées. Les propositions techniques qu'elles renferment ne posent aucun problème à mon parti.

    J'ai quelques observations à faire sur certaines choses dans le projet de loi. L'une d'entre elles est la taxe sur le tabac. Je suis d'accord pour qu'on augmente la taxe sur les produits du tabac au Canada. Le montant très élevé des dépenses en santé au pays est attribuable au tabagisme et à tous les maux et problèmes de santé qu'il occasionne.

    Les provinces se sont entendues officieusement pour augmenter la taxe sur le tabac. C'est ce qu'on a fait en Alberta. Le gouvernement de la Saskatchewan a aussi annoncé une hausse dans son budget il y a deux semaines. Je m'attends à ce que le Manitoba et les autres provinces emboîtent le pas. Le prix des cigarettes s'établit à environ 9 $ au Canada. On pourrait se servir des revenus provenant des taxes pour mener une campagne antitabac, dans le but de dénoncer les dangers du tabagisme, surtout chez les jeunes. La plupart du temps, le prix élevé des cigarettes représente un facteur dissuasif auprès des jeunes.

    Par contre, il y a un autre problème. Bien des fumeurs sont des personnes à faible revenu. Une hausse du prix des cigarettes les accable, car ils sont dépendants des cigarettes et des autres produits du tabac. Nous sommes aux prises avec une situation délicate. Nous faisons ce qu'il convient par rapport à nos principes et sur le plan de la santé, mais par la même occasion, nous nous en prenons aux gens qui sont déjà dépendants du tabac.

    Il s'agit d'un processus à long terme. Il faut informer les gens sur les dangers du tabagisme. Nous devons déployer tous les efforts possibles pour que les gens cessent de fumer. Cela suppose des campagnes gouvernementales fédérales et provinciales dans les écoles et ailleurs. C'est là un des aspects dont il est question dans le projet de loi C-47.

    Je vais parler de deux ou trois choses qui ne sont pas mentionnées dans le projet de loi, mais qui sont importantes lorsqu'il est question de la politique fiscale. Depuis un certain temps, le gouvernement a décidé que la baisse des impôts était une grande priorité. Avant la dernière campagne électorale, à l'automne 2000, il a présenté un budget qui prévoyait des baisses d'impôt de quelque 100 milliards de dollars sur cinq ans. C'était une proposition attrayante pour bien des Canadiens.

    En revanche, les employeurs et les employés ont été rudement mis à contribution et ont eu à payer des cotisations d'assurance-emploi beaucoup trop élevées. Les restrictions concernant l'admissibilité aux prestations d'assurance-emploi sont devenues plus sévères. Ceux qui ont droit à des prestations ont vu leur période d'admissibilité diminuer. Il y a actuellement un excédent d'environ 43 milliards de dollars lié au régime d'assurance-emploi. On s'attend à ce que cet excédent atteigne les 50 milliards de dollars à un moment donné, pendant l'année civile 2003.

    Nous discutons aujourd'hui d'un projet de loi de nature fiscale, mais par la même occasion, le Parlement ferme les yeux sur une grave injustice. Les travailleurs paient des charges sociales excessives pour leur emploi. L'excédent de 43 milliards de dollars est versé dans le Trésor public. Cet excédent permet au ministre des Finances d'équilibrer le budget. Il fournit des fonds pour d'autres programmes. Il sert à rembourser la dette nationale.

  +-(1105)  

    Dix-sept milliards de dollars ont été consacrés à la dette nationale l'année dernière. Ces 17 milliards provenaient directement des travailleurs qui avaient versé trop d'argent dans la caisse de l'assurance-emploi. C'est très injuste et cela devrait en fait être considéré comme un scandale. Ce compte devrait être plus ou moins équilibré en tout temps. Un excédent de quelques milliards de dollars est acceptable puisque lorsque le taux de chômage est faible, nous pouvons accumuler un léger excédent et lorsqu'il monte, nous pouvons, sans augmenter les cotisations ou en les augmentant très peu, nous permettre d'absorber un déficit pendant un certain temps avant de retrouver l'équilibre sur une période de cinq ou dix ans.

    C'est ainsi qu'on avait prévu le financement de la caisse d'assurance-emploi. À l'heure actuelle, environ les deux tiers de l'excédent que renferme la caisse de l'assurance-emploi provient de Canadiens à faibles revenus et non de ceux qui font beaucoup d'argent. Nous imposons les gens à revenus faibles et moyens, ce qui est tout à fait injuste.

    Bon nombre de gens n'ont plus droit à l'assurance-chômage par suite des restrictions plus sévères adoptées par le gouvernement fédéral. Environ un million de familles n'y ont plus accès depuis l'arrivée du gouvernement libéral au pouvoir en 1993. Environ 41 p. 100 des gens qui n'ont plus droit aux prestations gagnent moins de 15 000 $ par année, alors que 23 p. 100 gagnent de 15 000 $ à 20 000 $. On peut donc dire que 64 p. 100 des gens qui n'ont plus droit à ces prestations gagnent moins de 20 000 $ par année. Toutefois, même s'ils n'ont plus droit aux prestations, ils continuent de cotiser. Ils ont permis au gouvernement fédéral d'accumuler un excédent de près de 43 milliards de dollars jusqu'à maintenant, et ce montant devrait atteindre les 50 milliards l'an prochain. C'est une taxe très injuste imposée par un gouvernement qui se dit libéral. C'est bien sûr là un point dont on ne parle pas dans le projet de loi à l'étude aujourd'hui.

    J'aborde maintenant la taxe au titre de la sécurité aérienne, dont nous avons parlé à la Chambre. Elle est entrée en vigueur le 1er avril. Ce n'était pas un poisson d'avril. C'est une taxe qui ne fonctionnera pas au Canada. Cette taxe forfaitaire de 24 $ s'applique à chaque billet aller-retour. Les passagers paieront toujours 24 $, qu'ils voyagent entre Saskatchewan et Prince Albert, Regina et Saskatoon, Edmonton et Grande Prairie, Edmonton et Calgary ou Toronto et Ottawa. La taxe est la même pour un voyage de Regina à Londres, à Paris ou à New Delhi. Elle n'a absolument rien à voir avec le prix du billet.

    Cette taxe affectera les petites localités et les vols de courte durée. Elle nuira également aux petits transporteurs aériens comme Athabasca Air, en Saskatchewan, qui offre des vols de courte durée entre Regina et Saskatoon. Un supplément de 24 $ sur un billet de 100 $ ou de 150 $ représente un pourcentage énorme pour les liaisons de courte durée. Voilà un nouvel exemple de taxe très injuste et inéquitable.

    Cette taxe s'appliquera à tous les voyageurs ayant plus de deux ans. Les enfants de moins de deux ans qui voyageaient avec un adulte pouvaient prendre l'avion gratuitement et les enfants ayant entre deux et douze ans bénéficiaient de rabais considérables. Dorénavant, ce n'est plus le cas. La taxe de 24 $ s'applique indistinctement à tous les Canadiens de deux ans et plus. À mon avis, c'est une taxe injuste.

    Par ailleurs, la taxe est injuste pour une autre raison, soit parce qu'elle était censée payer pour l'amélioration de la sécurité dans les aéroports. Compte tenu des événements du 11 septembre, personne ici à la Chambre ne s'opposerait à l'idée d'améliorer la sécurité dans les aéroports, mais les sommes récoltées grâce à cette taxe excéderont de un à deux milliards de dollars les sommes requises pour assurer la sécurité dans les aéroports. Dans certains cas, la taxe générera des recettes équivalentes à tout le budget de fonctionnement de l'aéroport. À Saskatoon, les autorités municipales et aéroportuaires qui ont étudié cette taxe ont calculé que la ville recevra quelque 5 millions de dollars par année des passagers qui transitent par l'aéroport. C'est ce qu'il en coûte pour tout le fonctionnement de l'aéroport, y compris les coûts de chauffage, de nettoyage et tout le reste.

  +-(1110)  

    Regina encaissera 4,5 millions de dollars grâce à la taxe versée par les gens qui quittent la ville. Il en coûte 4,8 millions de dollars par année pour exploiter l'aéroport de Regina. Les recettes générées par la taxe suffisent donc pour assurer l'exploitation de tout l'aéroport alors que cette taxe est censée couvrir uniquement la sécurité. Il n'est pas surprenant que les gens soient désabusés lorsqu'ils voient un tel régime et une taxe de ce genre.

    La taxe pour la sécurité a été instaurée sans que le ministre des Finances ou le ministre des Transports ne présente une étude sur l'incidence économique. La fonction la plus fondamentale du Parlement est la taxation. La philosophie du Parlement repose sur la représentation. Il ne peut y avoir de taxation sans représentation. Tous les habitants du pays sont représentés à la Chambre des communes, mais nous avons à la Chambre des communes une bande de pantins qui se lèvent et acquiescent alors que le ministre des Finances impose une nouvelle taxe sans déposer à la Chambre une étude ou un document expliquant l'impact de cette taxe sur la population canadienne.

    C'est un peu comme avoir un dictateur bienveillant là-bas. Parfois, il fait preuve d'une grande bienveillance quand il présente un projet de loi sans étude.

    Qu'apprend-on aux enfants? Normalement, on leur enseigne à faire leurs recherches et leurs devoirs quand ils vont à l'école. Ils doivent recueillir des données et des faits pour présenter un argument ou rédiger un travail de semestre. Toutefois, à la Chambre des communes, nous proposons des droits pour la sécurité aérienne sans d'abord faire une étude d'impact. Cela n'a aucun sens. C'est comme si la députée d'Edmonton-Nord s'en allait en motocyclette dans sa circonscription sans savoir comment conduire ce genre de véhicule.

    Mme Deborah Grey: Cela ne serait pas très sage.

    L'hon. Lorne Nystrom: Cela ne serait pas du tout sage. Toutefois, le gouvernement propose des droits pour la sécurité aérienne sans même faire une étude d'impact économique pour savoir quel effet les droits auront sur la population, le pays et l'industrie du voyage. Je pense que cela n'a aucun sens.

    Le dernier point que je voulais soulever concerne une nouvelle façon de concevoir la fiscalité dans notre pays ou dans le monde. Il s'agit de la taxe sur les transactions financières qui a été proposée par le professeur Tobin, qui est décédé il y a quatre ou cinq semaines. Ce dernier a proposé le prélèvement d'une taxe très peu élevée sur les transactions liées au commerce des devises dans le monde. Aujourd'hui, dans le monde, il s'échange tous les jours entre 1,5 billion et 2 billions de dollars de devises. Quelque 90 p. 100 des transactions sur devises se font à des fins spéculatives, et les auteurs de ces transactions sont surtout de grandes banques d'investissement.

    Le professeur Tobin a proposé une taxe très minime de 0,1, 0,2 ou 0,25 p. 100, qui contribuerait à freiner la spéculation sur le marché des changes qui fait des ravages dans le monde. Une telle taxe a été prélevée dans le cas du peso mexicain et du yen japonais, et de bien d'autres devises dans le monde au fil des ans.

    Lorsque ces banques d'investissement jouent avec les devises des gens, elles jouent en fait avec leur vie, font perdre à certains leur travail et causent une grande pauvreté et beaucoup de désespoir dans le monde.

    Si nous avions une petite taxe internationale, elle ne toucherait pas du tout les citoyens canadiens ordinaires. Nous pourrions avoir une exemption à cet égard de 10 000 $, 20 000 $, 50 000 $ ou autre. Si nous avions une taxe de 0,1 p. 100, cela ne représenterait que 1 $ sur 1 000 $. Nous ralentirions un peu la spéculation et nous mettrions un peu plus d'ordre sur les marchés financiers.

    Ce genre de taxe entraînerait la création d'un énorme fonds international de développement de plusieurs centaines de milliards de dollars afin de lutter contre la pauvreté et la pandémie de sida en Afrique et d'assainir l'environnement. Une bonne partie de cet argent pourrait revenir aux pays qui ont perçu la taxe afin d'aider à financer les soins de santé, les services sociaux et la lutte contre les cigarettes et le tabagisme dont j'ai parlé plus tôt dans mes observations.

    Il y a eu trois ans en mars, j'ai eu l'honneur de présenter à la Chambre une motion demandant au Parlement de souscrire au principe de la taxe Tobin ou la taxe sur la spéculation sur les devises, de concert avec la communauté mondiale. Elle a été adoptée à la Chambre des communes par un vote de 164 contre 83. Nous sommes devenus le premier parlement du monde à souscrire à l'idée d'une taxe Tobin. Des députés des cinq partis politiques ont donné leur appui à ce projet de loi.

  +-(1115)  

    Depuis, nous avons constaté une évolution de la situation dans diverses régions du monde. Les Français ont présenté un projet de loi pour participer à une taxe Tobin ou à un régime d'imposition des transactions de change lorsqu'on atteint une masse critique dans la communauté mondiale pour rendre cette taxe efficace. Des études sont maintenant en cours au sein de la Communauté européenne. L'idée d'une taxe Tobin est maintenant appuyée par de nombreux pays et politiciens du monde entier. Il y a un mouvement croissant vers une approche globale à l'égard de la fiscalité.

    Nous avons maintenant des accords commerciaux qui sont fondamentalement des chartes des droits pour la coopération internationale ou pour l'investissement dans le cadre de la mondialisation. À l'heure actuelle, ils sont déséquilibrés. Nous avons besoin d'une vision globale internationale prévoyant également des droits pour les citoyens ordinaires au niveau international pour ce qui est des normes ainsi que des buts et des objectifs en matière de travail, de services sociaux et d'environnement et en ce qui concerne les institutions financières, alors qu'on aurait la capacité et le pouvoir d'imposer une taxe sur les transactions spéculatives sur les devises.

    C'est le type de vision internationale que de plus en plus de gens appuient à mon avis, et c'est certes le cas des Églises, d'une bonne partie des ONG et de beaucoup de particuliers partout dans le monde.

    Voilà quelques-unes des choses que nous devrions faire, à mon avis. Nous avons besoin de cette perspective internationale nouvelle, d'un plan mondial nouveau et moderne pour développer des régions du monde qui sont en proie à la famine.

    C'est triste à dire, mais des centaines de personnes meurent de la faim en un seul quart d'heure. Je crois que, chaque jour, environ 20 000 personnes meurent de la faim. À toute heure du jour, des centaines de personnes meurent d'inanition, mais les écarts de richesse dans le monde sont énormes. Il nous est possible, par une taxe à la spéculation sur les devises, de constituer un fond international qui permettrait de nourrir l'humanité et de soutenir le développement de l'agriculture et de la production et de la transformation des aliments. Nous avons la technologie nécessaire pour nourrir l'humanité, développer le monde et assainir l'environnement. Nous avons les moyens qu'il faut. Ce qu'il nous manque, c'est la largeur de vues et la volonté politique pour agir.

    Lorsque nous discutons d'un projet de loi comme le C-47 et l'appuyons, ce que je fais assurément, nous devons aussi examiner d'autres aspects de l'imposition comme le caractère injuste des cotisations à l'assurance-emploi et le fonds de l'assurance-emploi, qui affiche maintenant un excédent de 43 milliards de dollars constitué avec l'argent des simples citoyens. Et pendant ce temps, de moins en moins de chômeurs ont droit aux prestations. Environ 64 p. 100 de ceux qui ne sont pas admissibles gagnent moins de 20 000 $ par année. Pourtant, ils doivent verser des cotisations.

    Nous devons considérer le caractère injuste du droit imposé pour la sécurité dans les aéroports. Cette nouvelle TPS nous a été imposée, et le gouvernement applique une nouvelle mesure confiscatoire. Nous devrions à l'avenir envisager différemment la stabilité internationale et le financement des programmes internationaux. Une idée qui gagne du terrain dans le monde entier est celle d'une taxe minime à la spéculation sur les devises, spéculation qui fait des ravages dans de si nombreux pays.

  +-(1120)  

+-

    M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai écouté l'intervention du député et j'ai trouvé très intéressant qu'il passe tant de temps à parler de la taxe d'aéroport qui ne figure évidemment pas dans le projet de loi. Il en était question dans un projet de loi antérieur. Le député soulève certains points importants en matière de fiscalité.

    Dans presque toutes ses interventions, le député parle de la taxe Tobin. Je ne sais pas s'il a vraiment bien réfléchi à l'idée d'avoir une taxe sur les transactions monétaires qui siphonne des milliards de dollars de l'économie pour les remettre entre les mains des gouvernements du monde afin qu'ils les distribuent à leur guise.

    Le député est-il vraiment convaincu, philosophiquement, que c'est bien là la façon de résoudre les problèmes des pauvres? Ne vaudrait-il pas beaucoup mieux que des entrepreneurs aillent établir dans ces régions des entreprises, des usines de fabrication et autres établissements, ou qu'on donne de l'instruction à ces gens-là, qu'on les aide à travailler dans l'industrie du savoir ou quoi que ce soit du genre et à créer des emplois, au lieu de perpétuer l'idée que l'État doit prendre l'argent de ceux qui le gagnent pour le donner à ceux qui en ont besoin simplement pour assurer leur survie?

    J'aimerais faire tellement plus que simplement donner de l'argent pour aider les gens à survivre. Son idée de taxe Tobin manque vraiment de vision. J'aimerais qu'il réplique à cette observation.

+-

    L'hon. Lorne Nystrom: Monsieur le Président, je voudrais aussi promouvoir davantage le développement international. Je voudrais que nos industries soient présentes partout dans le monde, y compris dans le monde en développement. Je voudrais qu'il y ait des emplois bien rémunérés, de la sécurité, des aliments et du développement agricole. Tout cela fait partie de la vision d'une nouvelle société planétaire.

    Toutefois, il faut des fonds pour cela. Une façon d'en réunir consiste à imposer les opérations de change en devises étrangères. L'idée n'est pas si radicale. Au Canada, les impôts sont fondés sur la capacité de payer. Nous avons un régime d'impôt progressif. Il n'est pas aussi progressif que je le voudrais, mais il l'est. Nous avons aussi une redistribution du revenu au moyen du régime fiscal. Nous versons des transferts sous la forme de pensions de vieillesse. De même, des transferts sont versés aux provinces pour qu'elles assurent l'accès égal à des soins de santé conformes aux normes nationales. Des transferts sont versés aux provinces dites pauvres sous la forme de paiements de péréquation. La péréquation est inscrite dans la Constitution.

[Français]

    La péréquation est enchâssée dans la Constitution canadienne. C'est un bon principe de notre pays.

  +-(1125)  

[Traduction]

    Tout cela est en place dans le but d'assurer l'égalité des conditions et l'égalité des chances. Il faudrait commencer à appliquer la même philosophie à l'échelle internationale. La question réside dans le financement.

    Il existe peut-être d'autres moyens de financer cela. On pourrait mettre en place divers prélèvements pour financer le développement international. Une façon parmi les plus équitables consiste à imposer légèrement la spéculation sur les devises. Cela ne viserait pas les gens ordinaires, mais bien les grandes banques d'investissement et les cambistes. Environ 90 p. 100 des devises échangées au cours d'une journée le sont aux fins de spéculation internationale.

    J'ai traité cette question lors de conférences partout dans le monde. Je l'ai fait à Bruxelles et à Londres, au Brésil et aux Nations Unies, entre autres. L'idée est en train de faire son chemin. La communauté européenne effectue une étude importante sur l'idée d'imposer la spéculation. La France a légiféré à cet égard et la Belgique est sur le point de le faire.

    La plupart des opérations de change dans le monde se font dans sept grands centres comme Londres, New York, Francfort et trois ou quatre autres endroits. Il faut une masse critique pour qu'une idée soit efficace. J'espère que le député prendra cela en considération. Ses collègues se sont prononcés en faveur d'une telle motion en mars 1999.

+-

    M. Scott Brison (Kings--Hants, PC/RD): Monsieur le Président, je voudrais poser une question rapide au député de Regina--Qu'Appelle, pour qui j'ai une grande estime car nous sommes tous deux membres du Comité des finances de la Chambre.

    D'abord, il devrait préciser que la taxe Tobin n'a rien à voir avec l'ancien ministre de l'Industrie Brian Tobin. Nous connaissons tous la propension qu'avait le ministre à se mettre de l'avant, et nous ne voulons pas qu'il s'accorde le mérite de cette idée. L'appui que le ministre des Finances a obtenu au sujet de la taxe Tobin il y a un an, lorsqu'il a soutenu les efforts du gouvernement...

    Une voix: Il y a trois ans.

    M. Scott Brison: Il y a effectivement trois ans. Le temps file quand on s'amuse.

    C'était vraiment édifiant. Je crois que le ministre des Finances appuyait la taxe Tobin à ce moment parce qu'il croyait qu'il s'agissait d'une attaque Tobin. Il n'avait pas compris que c'était une taxe. Il a peut-être cru que c'était une attaque contre Tobin plutôt qu'une taxe Tobin.

    Deuxièmement, la taxe Tobin souffrait d'un défaut fondamental. C'est une petite taxe qui devait s'appliquer à toutes les transactions de devises. Il faut de la spéculation pour qu'un système de change flottant puisse fonctionner. La spéculation n'est pas entièrement mauvaise. Sans une certaine spéculation, il nous aurait été impossible d'avoir un système de change flottant.

    Les marges réalisées sur les bonnes opérations de spéculation dont nous dépendons sont tellement infimes que l'imposition d'une taxe aurait eu des effets négatifs très sensibles, surtout sur des devises qui, comme le dollar canadien, ont été marginalisées par suite de l'importance prise par le dollar américain et l'euro.

    Par ailleurs, les marges réalisées sur les mauvaises opérations de spéculation que le député voudrait réduire sont tellement importantes qu'une petite taxe ne dissuaderait pas les spéculateurs. En revanche, elle découragerait la bonne spéculation que nous voulons maintenir. J'aimerais connaître le point de vue du député à ce sujet.

+-

    Le vice-président: Je suis au regret de vous dire que cela passera dans la catégorie «à suivre».

*   *   *

+-Suspension de la séance

+-

    Le vice-président: Comme il est 11 h 30, conformément à l'ordre adopté le lundi 8 avril, la séance est suspendue jusqu'à 14 heures.

    (La séance est suspendue à 11 h 30.)

*   *   *

-Reprise de la séance

    La séance reprend à 14 h 3.


+-DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Article 31 du Règlement]

*   *   *

  +-(1400)  

[Traduction]

+-Harry MacLauchlan

+-

    M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.): Monsieur le Président, tous les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard pleurent la perte d'un de leurs fils les plus célèbres, Harry MacLauchlan, décédé le 28 mars dernier.

    Harry était dynamique sur le plan économique; il a été la source d'inspiration et le fondateur de nombreuses entreprises de premier plan dans sa province. Des centaines d'insulaires ont travaillé pour ses entreprises au fil des ans; ils étaient toujours traités avec respect et dignité, et souvent Harry les abordait à sa manière habituelle, en leur disant «C'est une belle journée!»

    On a reconnu ses efforts sur le plan commercial en le nommant au Temple de la renommée du commerce, mais Harry était bien plus qu'un homme d'affaires. Il participait à la vie communautaire de l'île en faisant du bénévolat, en soutenant la fondation de l'hôpital Queen Elizabeth, les sports amateurs et les loisirs et en participant à des projets touristiques.

    L'amour qu'il portait à sa famille a toujours été indéniable. Harry MacLauchlan a personnifié tout ce qu'il y a de meilleur chez l'être humain: la générosité, l'acharnement au travail et l'attachement profond au bien-être d'autrui. Son travail ici-bas est terminé, mais son héritage survivra.

*   *   *

[Français]

+-La crête de Vimy

+-

    M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne): Monsieur le Président, avant de commencer cette présentation, je veux souhaiter la bienvenue aux étudiants français de Wawota, dans ma circonscription électorale, qui sont ici aujourd'hui.

[Traduction]

    C'est aujourd'hui un jour mémorable. C'est non seulement le jour où nous disons adieu à la Reine-Mère, mais c'est aussi l'anniversaire de la bataille de la crête de Vimy qui a eu lieu il y a 85 ans. À compter du 9 avril 2002, nous aurons désormais deux faits à commémorer dans l'histoire canadienne à cette date.

    Sur la crête de Vimy, le grand monument blanc qui monte haut dans le ciel offre probablement l'image du Canada la plus vue dans le monde. De nos jours, les gens du monde entier voyagent beaucoup et ils reconnaissent ce grand monument commémoratif; aujourd'hui, nous célébrons l'anniversaire de ce qui a peut-être été le plus grand événement de l'histoire militaire de notre pays.

    Ne laissons pas tomber dans l'oubli ceux qui ont donné leur vie pour la liberté et la démocratie.

*   *   *

  +-(1405)  

+-La crête de Vimy

+-

    M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Monsieur le Président, la journée d'aujourd'hui marque le 85e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy. L'un des plus fameux engagements militaires auxquels le Canada ait participé, la bataille de Vimy est devenue synonyme de sacrifice et d'héroïsme. Nous nous arrêtons aujourd'hui pour nous rappeler les actes de bravoure des soldats canadiens qui, il y a 85 ans, ont marqué l'histoire en enlevant la crête de Vimy et en gagnant plus de terrain et en capturant plus de prisonniers et de pièces d'artillerie que toute autre formation britannique au cours d'une offensive antérieure.

    La bataille de Vimy a largement contribué à précipiter la fin de la Première Guerre mondiale. Elle a valu au Canada une place à la table des nations ayant signé l'armistice et aidé à nous définir comme nation. Nous nous souvenons aujourd'hui de tous ceux qui ont combattu et qui ont donné leur vie sur la crête de Vimy pour nous élever au rang de nation. Bien sûr, le prix à payer était élevé. Au terme des trois jours de la bataille, les Canadiens comptaient 10 000 pertes, et 3 598 soldats ne sont jamais rentrés au bercail.

    La bataille de Vimy occupe une place importante dans notre histoire et dans nos coeurs. Nous avons l'occasion aujourd'hui de nous rappeler la bravoure et le sacrifice des soldats canadiens qui ont combattu sur la crête de Vimy il y a 85 ans.

*   *   *

+-La crête de Vimy

+-

    M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui le 85e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy, l'une des plus grandes batailles dans l'histoire du Canada. Cette bataille épique s'est avérée un point tournant de la Grande Guerre, et les Canadiens y ont pris une part importante. Ils ont combattu de façon exceptionnelle et, pour ce seul engagement, quatre d'entre eux se sont vu remettre la Croix de Victoria, la plus haute distinction pour bravoure au Canada. On a qualifié le contingent canadien de corps d'élite et on a même affirmé que le Canada avait accédé au rang de nation sur le théâtre des combats pour la crête de Vimy.

    Pour souligner cet événement historique, la Monnaie royale canadienne a annoncé la présentation officielle d'une nouvelle pièce commémorant la bataille de la crête de Vimy. La nouvelle pièce de cinq cents a été présentée plus tôt aujourd'hui au cours d'une cérémonie organisée conjointement par la Monnaie royale canadienne et le ministère des Anciens combattants.

    Les soldats canadiens ayant combattu sur la crête de Vimy ont démontré notre grande force de caractère et nous ont rappelé la vigueur de notre fier patrimoine et ce que les êtres humains sont capables d'endurer. Les Canadiens d'un bout à l'autre du pays les remercient sincèrement pour le courage et la bravoure dont ils ont fait preuve.

*   *   *

+-La crête de Vimy

+-

    M. Brent St. Denis (Algoma--Manitoulin, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui nous rendons hommage à la Reine-Mère et nous rendons un hommage particulier aux Canadiens qui ont participé à la célèbre bataille de la crête de Vimy. Le commandant du 28e bataillon d'infanterie, Alexander Ross, a prononcé des paroles devenues célèbres. Il a dit:

Le Canada de l'Atlantique au Pacifique défilait. Je me suis dit qu'au cours de ces quelques minutes, je venais d'être témoin de la naissance d'une nation.

    Il y a 85 ans, le 9 avril 1917, le Corps d'armée canadien, composé pour la première fois de ses quatre divisions, attaquait la crête de Vimy, occupée par les Allemands, sous le commandement du lieutenant-général sir Julian Byng. Au cours des trois années précédentes, 200 000 soldats britanniques et français avaient perdu la vie en tentant de prendre la crête. C'est grâce à un plan judicieux et à l'exécution extraordinaire de l'opération que le Corps canadien a réussi à capturer la crête de Vimy. La victoire fut néanmoins coûteuse. Plus de 10 000 Canadiens furent touchés, dont près de 4 000 mortellement.

    La victoire canadienne à Vimy a constitué un point tournant de la Première Guerre mondiale, valant au Canada de signer, à titre de pays souverain, le traité de paix de Versailles. C'est à Vimy que les soldats canadiens se sont battus pour la première fois côte à côte en tant que Canadiens.

*   *   *

+-La crête de Vimy

+-

    Mme Cheryl Gallant (Renfrew--Nipissing--Pembroke, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est aujourd'hui le 85e anniversaire de la bataille de la crête de Vimy. Cette bataille prend tout son sens en cela qu'elle a contribué à faire une nation de la colonie que nous étions.

    Le Canada a une histoire militaire précieuse, une histoire que notre pays risque de perdre. Que dirait le major-général Arthur Currie, le militaire canadien le plus haut gradé à Vimy, de voir le gouvernement traiter nos militaires d'une façon qui déshonore la mémoire de tous ces courageux soldats qui se sont battus et qui ont sacrifié leur vie pour nous?

    Les Canadiens ont payé très cher la reconnaissance de leur indépendance sur le champ de bataille et le droit d'être une nation. L'histoire se répétera et le sang aura été versé en vain si le gouvernement exécute son plan d'interopérabilité en remettant encore le contrôle des Forces canadiennes à des commandants étrangers. La souveraineté canadienne dépend d'une force militaire solide et bien équipée, capable d'autonomie dans le prochain conflit mondial.

    

Si vous brisez ce serment, nous qui mourons
Nous ne dormirons plus quand poussent les coquelicots
Dans la terre de Flandres.

*   *   *

  +-(1410)  

[Français]

+-Saku Koivu

+-

    M. Robert Lanctôt (Châteauguay, BQ): Monsieur le Président, ce soir, à Montréal, plusieurs personnes pourront être inspirées et rassurées par un joueur de hockey du Canadien de Montréal, non pas en raison des buts qu'il pourrait marquer, mais en raison de sa victoire personnelle contre la maladie.

    Il n'y a pas si longtemps, la carrière professionnelle de Saku Koivu semblait compromise et sa vie abrégée. Mais voilà qu'après une bataille acharnée et de nombreux témoignages d'encouragement, cet hockeyeur revient parmi nous avec un message clair: il y a de l'espoir.

    Ce soir, le retour de Saku Koivu est un événement heureux, non seulement pour tous les amateurs de hockey, mais pour tous ceux et celles qui sont affectés par cette terrible maladie.

    Un jour, j'espère pouvoir applaudir, à mon tour, mon fils pour tous les buts qu'il a marqués et lui dire enfin qu'il n'a plus ses tumeurs sur les nerfs optiques.

    Merci, Saku Koivu, de nous démontrer qu'avec espoir et courage, on peut marquer le plus important but de sa vie.

*   *   *

[Traduction]

+-Culture Link

+-

    Mme Sarmite Bulte (Parkdale--High Park, Lib.): Monsieur le Président, je félicite aujourd'hui les lauréats du Toronto's Commitment to Diverse-City Award 2002, dont Culture Link a annoncé les noms le 19 mars. Culture Link est un organisme communautaire sans but lucratif, situé dans ma circonscription, qui facilite l'établissement de nouveaux arrivants à Toronto.

    Je félicite Supporting Our Youth, lauréat du prix dans la catégorie jeunesse; Ezat Mossallanejad, lauréat du prix dans la catégorie de l'établissement des nouveaux arrivants; Tim McCaskell, lauréat du prix dans la catégorie de la collectivité en général; et le George Brown College, lauréat du prix dans la catégorie des institutions ou des entreprises.

    Je félicite encore une fois tous les gagnants et Culture Link de leur engagement indéfectible à inculquer une saine compréhension et l'appréciation de la riche diversité de nos nombreuses collectivités locales.

*   *   *

[Français]

+-Le Prix sportif canadien

+-

    Mme Hélène Scherrer (Louis-Hébert, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais féliciter tous les gagnants et les candidats qui étaient mis en nomination pour le Prix sportif canadien, qui a été remis à Toronto le 26 mars dernier.

    Pour n'en nommer que quelques-uns, soulignons que Mark Oldershaw, en canotage, et Marie-Ève Drolet, en patinage de vitesse, ont été choisis les meilleurs athlètes juniors. Ashley Cowan, qui a parcouru 20 kilomètres à la nage en traversant le lac Érié en 20 heures 14 minutes, a reçu le Prix de l'histoire de l'esprit du sport de l'année. Roland Green, champion de la Coupe du monde de vélo de montagne en 2001, a été nommé athlète masculin de l'année, alors que pour les femmes, l'honneur est revenu à Catriona LeMay Doan.

    Je rends aussi hommage à tous les autres athlètes, entraîneurs et bénévoles qui ont été reconnus et mis en nomination. Je termine en annonçant que c'est sans surprise, mais avec beaucoup de plaisir, que j'ai vu nos ambassadeurs David Pelletier et Jamie Salé recevoir le Prix du couple de l'année à la suite de leur magnifique performance des derniers mois.

    J'espère que vous vous joindrez à moi pour féliciter nos champions et nos bénévoles pour leur dévouement au sport et les remercier de faire tant honneur au Canada.

*   *   *

[Traduction]

+-La crête de Vimy

+-

    M. Peter Goldring (Edmonton-Centre-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, aujourd'hui, les majestueuses flèches austères de Vimy, nimbées de soleil et caressées par une brise légère, cachent une terreur ancienne.

    Lorsque des obus ont éclaté de toutes parts et que des hommes courageux sont tombés, des Canadiens sont entrés dans un enfer créé par l'homme, mettant à l'épreuve leur hardiesse et la mortalité de leur âme. Cent mille hommes s'avançaient vers l'imprenable Vimy. Ce jour-là, les meilleurs jeunes Canadiens ont remporté la victoire, une victoire à laquelle le monde entier a assisté.

    La plus grande victoire de la Première Guerre mondiale, celle de la crête de Vimy, est entrée dans l'histoire du Canada le 12 avril 1917. Beaucoup diraient que le Canada est né ce jour-là, est entré dans le monde des nations avec respect, est né du sang de nos jeunes soldats, grâce à leur détermination, à leur habileté et à leur audace. Leur esprit demeure parmi nous aujourd'hui.

*   *   *

+-Le Jour de l'Holocauste

+-

    M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui, nous commémorons le 85e anniversaire de la bravoure dont les Canadiens ont fait preuve à la crête de Vimy. La journée d'aujourd'hui est également désignée Jour international de l'Holocauste. C'est une journée au cours de laquelle les juifs et les Canadiens se souviennent du plus terrible des génocides commis lors du XXe siècle, des crimes bien trop graves pour sembler plausibles, mais pas suffisamment pour avoir été commis.

    Comme l'a si bien dit Elie Wiesel, dans ce drame attribuable à un anti-sémitisme génocide, «les victimes n'étaient pas toutes juives, mais tous les juifs ont été des victimes». Les 6 millions de juifs et les 11 millions de non-juifs assassinés ne sont pas une simple abstraction, une statistique, mais bien des personnes qui portaient un nom, qui avaient une identité propre. Chacune de ces personnes portait un univers en soi.

    Des spécialistes de l'holocauste nous ont récemment mis en garde contre la réémergence actuellement observée de l'horrible tendance à un antisémitisme éliminationiste. Comme l'a si bien rappelé la Cour suprême, l'holocauste n'a pas commencé dans les chambres à gaz. Il a commencé avec des mots.

    Nous prions pour que le Jour de l'Holocauste devienne le testament universel de la population mondiale à laquelle il laissera le legs de sa devise «Jamais plus» et celui de la justice pour tous.

*   *   *

  +-(1415)  

+-La santé

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, nous sommes très inquiets et outrés de voir que l'on risque inutilement la vie de Canadiens parce que le gouvernement n'a pas tiré les enseignements du scandale du sang contaminé pour les appliquer au système national de dons d'organes et de tissus.

    L'émission The Fifth Estate a dévoilé l'existence d'un commerce international et lucratif d'organes se déroulant au Canada même, au nez et à la barbe de Santé Canada qui préfère ne pas s'en mêler. Des organes sont présumément obtenus au Canada pour la vente. Des tissus dangereux ne faisant l'objet d'aucune réglementation sont prélevés à l'étranger et vendus chez nous. Des Canadiens sont déjà décédés des suites de la maladie de Creutzfeldt-Jakob contractée après avoir reçu une greffe de tissu cérébral contaminé. Au lieu d'agir de façon proactive et de prendre des précautions, le gouvernement s'en est lavé les mains en rejetant la responsabilité sur les médecins.

    Les Canadiens veulent faire don de leurs organes et de leurs tissus pour sauver des vies. Toutefois, l'attitude irresponsable adoptée par Santé Canada risque de dissuader les donneurs. Nous demandons instamment au gouvernement d'intervenir immédiatement pour garantir aux greffés qu'ils recevront des organes et des tissus assujettis à des normes de sécurité des plus rigoureuses.

*   *   *

[Français]

+-La ministre du Patrimoine canadien

+-

    Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, le 20 mars dernier, lors de l'inauguration du Salon du livre de l'Outaouais, la ministre du Patrimoine a tenu des propos inappropriés à l'égard de la présidente du Salon du livre, Mme Estelle Desfossés. Elle lui reprochait de ne pas faire de place aux Franco-Ontariens au salon et de surcroît, elle lui a reproché d'être aussi sympathique aux causes péquiste et bloquiste.

    Pour l'information de la ministre, les Franco-Ontariens sont bien impliqués dans le Salon du livre, non seulement au conseil d'administration mais aussi comme exposants et invités d'honneur. Voilà une preuve que la ministre ne connaît pas ses dossiers et fait de la petite politique mesquine.

    Comment peut-elle encore se targuer que nous vivons dans l'un des pays les plus tolérants de la planète? Comment peut-elle s'en prendre à ces nombreux bénévoles en exigeant de leur part le silence et surtout l'abstention dans tous les domaines?

    La ministre du Patrimoine doit présenter ses excuses à la présidente et à tous les membres du conseil d'administration du Salon du livre de l'Outaouais pour ses propos inappropriés.

*   *   *

+-Denyse Beaudry-Leduc

+-

    Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, récemment la grande aquarelliste de Sainte-Dorothée, Mme Denyse Beaudry-Leduc, exposait bon nombre de ses oeuvres à la Galerie Georges Darvill à Paris.

    Mme Beaudry-Leduc a également représenté le Canada à la Biennale de Florence, en Italie, événement d'envergure lors duquel plus de 600 artistes professionnels représentant 52 pays exposaient leurs oeuvres.

    Marcel Barbeau et Denyse Beaudry-Leduc ont gagné le prestigieux prix Lorenzo el Magnifico à la Biennale Internazionale Dell'Arte contemporanea. Mme Beaudry-Leduc est d'ailleurs la première Canadienne à remporter ce prix.

    Je me joins aux Lavalloises et Lavallois pour féliciter la femme de grand talent qu'est Mme Denyse Beaudry-Leduc et lui souhaiter encore de longues années de succès dans l'exercice de son art.

*   *   *

[Traduction]

+-Les pêches

+-

    M. Norman Doyle (St. John's-Est, PC/RD): Monsieur le Président, le Canada s'est prévalu de son droit de mettre en application des mesures de conservation des stocks de poisson dans la zone de 200 milles. Toutefois, nous savons que les stocks se déplacent sur l'ensemble de la plateforme continentale.

    Le Bonnet flamand ainsi que le nez et la queue du Grand Banc se trouvent à l'extérieur de la limite des 200 milles et cela constitue une faille qui permet à nombre de pays membres de l'OPANO de pratiquer la surpêche en toute impunité dans ces secteurs. Le Canada peut signaler des cas de surpêche à l'extérieur de la limite nationale mais doit compter sur les autres pays membres de l'OPANO pour faire respecter les règles de conservation prévues par cette organisation. Malheureusement, ces règles sont rarement mises en application.

    Les nombreuses collectivités côtières de Terre-Neuve-et-Labrador et des provinces de l'Atlantique qui sont touchées ne connaissent que trop bien les conséquences de la surpêche. Le Canada a l'obligation morale de préserver les stocks de poisson de l'Atlantique Nord car il s'agit d'une ressource alimentaire vitale pour le monde entier.

    Par conséquent, j'exhorte le gouvernement du Canada à déclarer unilatéralement la prise en charge de la gestion des pêches sur la plate-forme continentale du Canada, au-delà de la zone de 200 milles.

*   *   *

[Français]

+-Le décès de la Reine-Mère

+-

    Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Comme c'est aujourd'hui un jour de deuil national, je demande aux députés de se lever pour observer un moment de silence en l'honneur de Sa Majesté la Reine Élizabeth, la Reine-Mère.

    [Note de la rédaction: La Chambre observe un moment de silence.]

*   *   *

  +-(1420)  

[Traduction]

+-Présence à la tribune

+-

    Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune de son excellence Wolfgang Thierse, président du Bundestag de la République fédérale d'Allemagne.

    Des voix: Bravo!


+-QUESTIONS ORALES

[Questions orales]

*   *   *

[Traduction]

+-Le Proche-Orient

+-

    M. John Reynolds (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il n'est toujours pas clair que le gouvernement fait quoi que ce soit de sensé pour apporter la paix et la sécurité au Proche-Orient. Il est clair que la Syrie et l'Iraq font tout ce qu'ils peuvent pour causer des problèmes à l'intérieur ou à proximité d'Israël et des territoires palestiniens pour servir leurs propres intérêts. Si ces deux régimes fauteurs de troubles pouvaient être matés, les Palestiniens et les Israéliens seraient plus en sécurité.

    Le ministre des Affaires étrangères peut-il expliquer pourquoi le Canada n'a pas exercé de pressions sur la Syrie ou l'Iraq pour qu'ils cessent d'appuyer des organisations ou d'autres qui font régner la terreur dans cette région?

+-

    L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je peux assurer au député et à la Chambre que le gouvernement communique régulièrement avec tous les gouvernements au Proche-Orient et les exhorte tous à faire preuve de modération.

    Nous sommes parfaitement conscients que ce violent conflit peut s'étendre à d'autres régions. Nous sommes d'accord avec tous les députés de la Chambre pour dire que, en tant que Canadiens, nous devons faire notre part pour voir à ce que cela ne se produise pas. C'est pourquoi nous prions les parties de respecter la résolution du Conseil de sécurité voulant qu'on mette fin aux hostilités, qu'on cesse de se battre et qu'on reprenne les négociations.

+-

    M. John Reynolds (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, nous comprenons que le gouvernement est limité dans ce qu'il peut faire, mais les Canadiens ont l'impression qu'il ne fait pas grand-chose ou même rien du tout.

    La crise pourrait bientôt avoir des répercussions financières sur les Canadiens si l'Irak décide d'interrompre ses exportations de pétrole pour appuyer les Palestiniens. Le vice-premier ministre peut-il expliquer ce que fait le Canada, le cas échéant, pour s'assurer que cette crise ne provoque pas une interruption des exportations de pétrole?

+-

    L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre de l'Infrastructure et des Sociétés d'État, Lib.): Monsieur le Président, je crois qu'il est important de signaler que le rôle du Canada a toujours été d'exhorter les parties à respecter les résolutions des Nations Unies. C'est certainement le cas en ce qui concerne l'Irak.

    Nous continuons aussi d'essayer de faire comprendre aux parties à ce conflit que c'est maintenant le temps d'un cessez-le-feu. L'ampleur du désastre subi tant par les Israéliens que par les Palestiniens montre clairement que le temps est venu de décréter un cessez-le-feu et d'examiner les causes du conflit pour trouver la solution qui conduira à la paix.

+-

    M. John Reynolds (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Cela répond vraiment à la question, n'est-ce pas, monsieur le Président?

    Hier, nous avons demandé si le Canada appuyait les efforts du président Bush en vue d'amener les Israéliens à se retirer des territoires. Le président Bush a également demandé que Yasser Arafat dénonce le terrorisme comme tactique.

    Le Canada a une certaine influence auprès d'Arafat et de l'Autorité palestinienne. Je voudrais que le ministre des Affaires étrangères dise aux Canadiens si nous nous servons de cette influence pour persuader le président Arafat de dénoncer le terrorisme comme le président Bush l'a demandé.

+-

    L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question, mais il passe beaucoup de temps ici, à la Chambre, et il a certainement entendu les réponses que le gouvernement a données à cet égard. Nous avons toujours dit au président Arafat qu'il fallait mettre fin à la violence, qu'il fallait cesser d'encourager la violence. Nous avons parlé au président de l'Autorité palestinienne lorsqu'il nous a rendu visite à la Chambre, et c'est là le message que nous lui avons donné.

    J'ai passé ce message à mes homologues au Proche-Orient. Nous leur avons dit à maintes reprises qu'il fallait mettre un terme au terrorisme, que cela ne menait à rien et qu'ils devaient faire de leur mieux pour voir à ce que la violence cesse. Je peux assurer au député que nous continuerons...

+-

    Le Président: Le député d'Edmonton--Strathcona.

+-

    M. Rahim Jaffer (Edmonton--Strathcona, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le gouvernement a tort de permettre au Hezbollah de lever des fonds au Canada. Hier, le ministre des Affaires étrangères a déclaré ce qui suit:

Il y a une section du Hezbollah qui a des représentants élus à la Chambre libanaise [...] Nous continuerons de collaborer avec toutes les parties avec lesquelles nous pouvons parvenir à la paix. Nous continuerons de le faire.

    Le ministre a-t-il voulu dire que, parce que le Hezbollah compte des membres au sein du Parlement libanais et fait du travail caritatif, il n'est pas une organisation terroriste et qu'il ne faut pas lui interdire de lever des fonds au Canada?

+-

    L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je crois que nous avons été clairs à ce sujet. La question a d'ailleurs déjà été posée à la Chambre. Il est très clair que la section armée du Hezbollah et toutes ses activités au Canada qui contribuent, d'une façon ou de l'autre, à lever des fonds pour financer ses activités militaires sont totalement interdites et réprimées par le gouvernement.

    Il y a cependant des activités du Hezbollah qui sont de nature sociale. Par ailleurs, le Parlement libanais compte 12 députés élus par le Hezbollah. Nous n'allons pas déclarer ces parlementaires terroristes et cesser de dialoguer avec eux afin de parvenir à la paix.

  +-(1425)  

+-

    M. Rahim Jaffer (Edmonton--Strathcona, Alliance canadienne): Monsieur le Président, voilà de bien belles paroles, mais il faut bien savoir à qui nous avons affaire. En 1983, le Hezbollah a fait exploser des casernes de fusiliers marins américains et de l'armée française à Beyrouth. En 1984, il y a fait sauter une annexe de l'ambassade américaine. Le Hezbollah a également attaqué l'ambassade d'Israël au Liban en 1992, et il poursuit aujourd'hui ses attaques contre les colonies israéliennes.

    Le Canada affirme épauler les États-Unis dans la guerre contre le terrorisme. Or, les États-Unis ont interdit les levées de fonds par toutes les sections du Hezbollah. Pourquoi le Canada a-t-il interdit seulement celles de la section armée de cette organisation?

+-

    L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, nous agissons également de concert avec nos collègues du Royaume-Uni, qui ont adopté exactement la même position que nous. L'expérience irlandaise a appris aux Britanniques qu'il existe une différence entre le Sinn Fein et l'IRA et que, si nous voulons parvenir à la paix, nous devons dialoguer avec les porte-parole politiques. C'est ce que nous voulons faire. Nous ne voulons pas seulement porter des accusations. Nous voulons parvenir à la paix. C'est l'objet de toutes nos politiques.

[Français]

+-

    M. Gilles Duceppe (Laurier--Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, la situation au Proche-Orient empire de jour en jour et, devant une telle escalade, le gouvernement doit réaliser que le temps des voeux pieux est terminé.

    Afin d'aider à remettre le processus de paix sur les rails et empêcher une régionalisation du conflit, le Canada doit faire preuve de responsabilité, voire de créativité, comme il l'a fait avec succès en prônant l'interdiction des mines antipersonnel.

    Pour éviter que la communauté internationale ne contribue à l'extension du conflit, est-ce que le Canada va tenter de convaincre les pays producteurs d'armes de cesser leurs exportations en direction du Proche-Orient?

+-

    L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, nous avons toujours communiqué aux pays, comme l'Iran par exemple, que les envois d'armes aux Palestiniens dans ces circonstances ne sont pas positives. Donc, nous sommes sur la même longueur d'onde que le député.

    Il faut reconnaître qu'il y a des ventes d'armes qui sont légitimes dans ce monde, mais nous demandons à tout le monde de se restreindre et de ne pas empêcher la paix dans la région. C'est toujours la base de notre politique.

+-

    M. Gilles Duceppe (Laurier--Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, quand je parle d'empêcher l'exportation d'armes au Proche-Orient, j'entends pour l'ensemble des pays, non pas seulement l'Iran envers les Palestiniens, mais l'ensemble des pays, dont les pays occidentaux, envers Israël et envers les pays arabes.

    Est-ce que le Canada ne pourrait pas mettre de l'avant et proposer un embargo sur l'exportation d'armes à tous les pays du Proche-Orient?

+-

    L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, le Canada fait toujours le nécessaire et tout ce qui est possible pour demander de se restreindre pour ce qui se passe au Moyen-Orient.

    Nous ne pouvons pas, nous, imposer un embargo vis-à-vis des armes. Nous avons nous-mêmes un embargo que nous appliquons. C'est notre acte qui est important, pas les paroles vis-à-vis des autres.

+-

    Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, à ma connaissance, en 2000, un million d'armement a été expédié du Canada en Israël.

    Hier, le ministre des Affaires étrangères jugeait prématuré l'envoi d'une force d'interposition au Proche-Orient, au motif que les parties n'étaient pas prêtes à la recevoir.

    Dans la recherche de pistes de solution—et nous sommes sur la même longueur d'onde là-dessus—est-ce que le ministre ne pourrait pas se faire le promoteur de la tenue d'une conférence internationale sous l'égide des Nations Unies, à laquelle seraient conviés Israël, l'Autorité palestinienne, l'Union européenne, les États-Unis, la Russie et les principaux pays du monde arabe?

+-

    L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, ce soir, au cours d'un débat à la Chambre, nous aurons l'occasion d'examiner toutes sortes de possibilités, tel que prévu par la députée de Mercier.

    Il faut conclure que pour le moment, il faut l'acceptation des participants à la violence pour qu'il y ait une conférence internationale. Il faut d'abord persuader les Palestiniens et les Israéliens d'accepter une telle conférence et nous ferons de notre mieux.

    Je dis à la députée qu'il faut essayer maintenant d'être réalistes et qu'il faut mettre l'accent sur une cessation de la violence de la part des Israéliens et des Palestiniens.

  +-(1430)  

+-

    Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, pour que la violence cesse, il faut qu'il y ait un espoir de solution, et c'est pour cela qu'il faut trouver des pistes de solution.

    Le Bloc québécois a suggéré déjà, pour y arriver, l'envoi d'une force d'interposition, la mise en place d'un embargo sur la fourniture d'armes et la tenue d'une conférence internationale. Si aucune de ces pistes ne convient au ministre, peut-il nous faire connaître ce que lui propose?

+-

    L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je propose que nous continuions nos efforts, surtout avec les États-Unis, pour que cesse la violence. À ce moment-là, il serait possible d'examiner toutes sortes de possibilités, soit l'envoi d'aide humanitaire et l'envoi de troupes des autres pays. Toutefois, pour que cette forme d'intervention soit réaliste et qu'elle ait une chance de réussite, il fait qu'elle soit acceptée par les parties.

    C'est là où nous mettons l'accent dans notre travail pour le moment. C'est l'effort incessant de notre gouvernement de toujours avoir les conditions pour la paix.

[Traduction]

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, j'aimerais poser une question au ministre des Affaires étrangères. Les Canadiens commencent à se demander si le gouvernement est déterminé à faire quelque chose de concret en faveur de la paix au Proche-Orient.

    Afin de créer les conditions nécessaires à la paix, les deux côtés méritent de savoir précisément quel genre d'aide les membres de la communauté internationale sont prêts à offrir.

    Voici ma question: le gouvernement va-t-il déclarer clairement aujourd'hui son intention d'engager des troupes dans le cadre d'un effort de maintien de la paix au Proche-Orient quand cela sera approprié?

+-

    L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, je pense, comme l'a indiqué le ministre des Affaires étrangères, que c'est prématuré pour le moment, mais si les circonstances l'indiquaient, je pense que le Canada étudierait certes la question très soigneusement, comme le premier ministre et d'autres membres du gouvernement l'ont dit dans le passé. Pour le moment, toutefois, la question est prématurée.

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, j'aimerais de nouveau adresser ma question au ministre des Affaires étrangères, dont la réponse préférée quand on lui demande ce que le gouvernement est prêt à faire en faveur de la paix au Proche-Orient est que le Canada appuie la position des États-Unis. Aujourd'hui, le secrétaire d'État Colin Powell a dit que les États-Unis étaient prêts à envoyer des observateurs américains sur le terrain si une trêve intervenait.

    Le ministre des Affaires étrangères va-t-il déclarer publiquement aujourd'hui que nous nous engagerons à tout le moins à envoyer des Canadiens pour faire partie d'une équipe internationale d'observateurs, une équipe de surveillance, au Proche-Orient?

+-

    L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, j'apprécie la question, mais le gouvernement a déclaré à maintes reprises que, si le moment était opportun et si les parties étaient prêtes à l'accepter, nous serions disposés à participer à la mise en place d'observateurs pour faire avancer le processus de paix. Nous sommes disposés à envisager toutes les possibilités, mais comme je l'ai dit hier quand on me l'a demandé, c'est prématuré pour le moment puisque les parties elles-mêmes n'en sont pas encore là.

    Nous appuierions et, je l'ai dit publiquement, nous appuyons déjà les efforts de M. Powell. Je suis certain que nos alliés européens les appuieront eux aussi. Nous envisagerons sans aucun doute d'envoyer des observateurs sur le terrain quand le moment sera venu et quand ce sera possible.

*   *   *

+-Les pêches

+-

    Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC/RD): Monsieur le Président, la surpêche dans les Grands Bancs mène les collectivités du Canada atlantique à la ruine. Au cours de la dernière année, la quantité de poissons capturés illégalement par des pays étrangers aurait permis d'empêcher la fermeture des usines de transformation de Trepassey, de Burgeo, de Canso et d'autres collectivités de pêche.

    Un moratoire incisif s'impose. Les principaux États se livrant à la pêche, y compris la Russie, doivent rentrer dans le rang. L'endroit où commencer, c'est la rencontre des ministres de l'Environnement du G-8, cette semaine, à Banff. Le ministre de l'Environnement présentera-t-il une nouvelle proposition canadienne prévoyant un système d'exécution qui donne des résultats ou continuera-t-il de demeurer en retrait pendant que des pays étrangers s'emparent des stocks fragiles du Canada? Que proposera-t-il à Banff?

+-

    L'hon. Robert Thibault (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement du Canada estime que ce sont les interventions par l'entremise de l'OPANO qui offrent les meilleures possibilités de gérer les stocks du nez et de la queue du Grand Banc de Terre-Neuve ainsi que du Bonnet Flamand. Nous reconnaissons qu'il y a eu des problèmes au cours de la dernière année, mais il y en a beaucoup moins qu'en 1995, avant le début de nos interventions.

    Je rencontrerai des ministres de pays européens et je leur demanderai leur appui à l'occasion de la rencontre annuelle de l'OPANO. Nous protégerons les stocks de poissons du Canada.

  +-(1435)  

+-

    Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC/RD): Et pendant ce temps, monsieur le Président, d'autres usines de transformation ferment leurs portes.

    Ce gouvernement inepte n'offre toujours pas d'espoir aux collectivités forestières dévastées par son incapacité à mettre un terme aux droits punitifs imposés par les Américains sur le bois d'oeuvre.

    Dans le Canada atlantique, les collectivités de pêche sont dévastées par la surpêche étrangère et un moratoire qui ne fonctionne pas. Le gouvernement va-t-il abandonner aussi les collectivités de pêche du Canada atlantique ou le premier ministre annoncera-t-il une politique globale devant être entérinée au sommet du G-8 et amener nos alliés à respecter la loi et à cesser de piller les stocks de poissons du Canada?

+-

    L'hon. Robert Thibault (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement n'adoptera pas une démarche sensationnaliste. Il ne cherchera pas à faire peur aux gens. Il n'épatera pas la galerie. Il adoptera une démarche raisonnée et équilibrée.

    Le gouvernement adoptera des mesures favorables aux ressources halieutiques et ne fera pas comme le gouvernement précédent, dont les décisions ont été adoptées à des fins politiques et ont ruiné notre secteur des pêches.

+-

    Le Président: Le député de Macleod a la parole.

    Des voix: Bravo!

    Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Je comprends que le député de Macleod est très populaire, mais nous devons pouvoir entendre sa question.

*   *   *

+-La défense nationale

+-

    M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je ne suis pas certain d'être encore aussi populaire après mon intervention.

    Les libéraux appliquent deux poids deux mesures. Dans le cas des militaires, nous en sommes toujours à planifier le remplacement d'hélicoptères qui sont en usage depuis 40 ans, alors que pour le premier ministre, il a suffi d'une fin de semaine pour qu'il obtienne de nouveaux aéronefs de grand luxe. Lorsqu'il s'agit des militaires, il y a tout un processus d'appel d'offres à respecter, mais lorsqu'il s'agit du premier ministre, ce n'est pas nécessaire.

    J'aimerais savoir comment on peut expliquer cette politique de deux poids deux mesures à l'égard de nos militaires.

+-

    L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre de l'Infrastructure et des Sociétés d'État, Lib.): Monsieur le Président, j'ai déjà répondu à cette question. À mon avis, ce qui est étonnant dans cette affaire, c'est que les députés de l'opposition ne nous ont pas demandé pourquoi le premier ministre n'empruntait pas toujours un appareil fabriqué au Canada lorsqu'il doit voyager. Le député croit-il que le président de la France se déplace en Boeing? Croit-il que le président des États-Unis se déplace en Airbus?

    Il est bien évident que le premier ministre du Canada se déplacera dans un avion construit par des Canadiens.

+-

    M. Grant Hill (Macleod, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il y a un problème de logique derrière tout cela. Les quatre jets d'affaires actuels du premier ministre sont des appareils fabriqués au Canada par Bombardier. J'aimerais toutefois qu'on m'explique une chose. Pourquoi alors dont-on remplacer de bons jets d'affaires qui ne présentent pas de problèmes particuliers par de tout nouveaux appareils de 101 millions de dollars construits par la même compagnie?

+-

    L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre de l'Infrastructure et des Sociétés d'État, Lib.): Monsieur le Président, c'est tout simplement que personne d'autre ne construit de jets au Canada.

    Le député n'a peut-être jamais voyagé avec un ministre à bord de ces appareils. Certains de ses collègues l'ont fait. Peut-être n'était-il pas là lorsque la pression de l'appareil dans lequel le premier ministre prenait place a chuté au-dessus de la Suède l'année dernière, forçant le pilote à atterrir d'urgence.

    Peut-être ne s'est-il jamais rendu en Europe et ne s'est-il pas rendu compte que les avions actuels ne peuvent se rendre en Europe sans escale alors que les nouveaux appareils pourront le faire. Peut-être n'est-il pas d'avis que les dirigeants canadiens devraient avoir droit aux meilleurs produits disponibles.

*   *   *

[Français]

+-Le bois d'oeuvre

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Monsieur le Président, hier, à Baie-Comeau, des représentants syndicaux et d'entreprises de l'industrie du bois d'oeuvre nous ont dit qu'ils se sentaient bernés par le ministre du Commerce international. Après avoir été solidaires de sa stratégie, ils sont laissés à eux-mêmes pour faire face aux droits de 29 p. 100 imposés par les Américains. Plusieurs craignent pour la survie de leurs entreprises et de leurs emplois.

    Le ministre réalise-t-il que la solidarité n'est pas à sens unique et qu'un plan d'aide pour les travailleuses, les travailleurs et l'industrie est nécessaire dans le secteur du bois d'oeuvre, comme l'a proposé le Bloc québécois?

+-

    L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, l'industrie canadienne et celle de partout à travers le Québec ont travaillé étroitement avec notre gouvernement. Le gouvernement québécois a lui-même travaillé étroitement avec nous. Nous allons continuer de maintenir ce dialogue.

    L'opposition peut prétendre que certaines gens se sentent bernées. Je peux assurer la Chambre d'une chose: l'industrie, les travailleurs et les communautés savent que ce gouvernement a l'intention de travailler en solidarité avec eux et de régler le problème du dossier du bois d'oeuvre, non pas à genoux comme d'autres le proposeraient, mais d'avoir gain de cause dans un dossier très important.

  +-(1440)  

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Monsieur le Président, ce qu'on veut maintenant, ce ne sont pas des intentions, c'est de l'action.

    Le 21 février dernier, à la Chambre, le secrétaire parlementaire du ministre nous a parlé d'un plan d'action qu'on attend toujours. Les syndicats l'ont d'ailleurs rappelé au ministre pendant qu'il était au Saguenay--Lac-Saint-Jean.

    En ne faisant rien comme il le fait actuellement, le ministre donne l'impression au Canada et aux États-Unis qu'il ne veut pas mener la bataille jusqu'au bout pour un accès sans entrave pour le bois d'oeuvre aux États-Unis.

+-

    L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, je peux assurer que notre gouvernement travaillera avec les travailleurs et les communautés qui sont affectés.

    Nous avons un grand nombre de programmes qui sont entre nos mains. Nous savons que plusieurs de ces programmes sont également entre les mains du gouvernement provincial, notamment dans le domaine de l'aide aux travailleurs.

    Comme on le sait, nous avons transféré, grâce à l'accord sur la main-d'oeuvre, près de 600 millions de dollars au gouvernement du Québec au cours de la dernière année précisément pour aider les travailleurs dans cette économie et dans cette industrie.

    Nous allons continuer de travailler avec un sens de la responsabilité qui va aider le Canada.

*   *   *

[Traduction]

+-La défense nationale

+-

    M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le vice-premier ministre a oublié de dire que, dans un rapport daté de janvier, le chef de l'état-major de la Défense a déclaré que notre flotte actuelle de Challenger était parfaitement sûre. Ces appareils n'ont pas besoin d'être remplacés. Pourtant, le gouvernement a décidé de faire passer le confort et le bon plaisir de ses ministres avant la sécurité de nos soldats. C'est honteux.

    Hier, le ministre de la Défense a déclaré que la sécurité de nos soldats lui importait. Après cinq années à la Défense, il n'a pas encore exigé qu'on remplace les Sea King âgés de 40 ans ou les vieux Hercules qui volent depuis 35 ans. Comment se fait-il qu'après seulement deux mois, le ministre des Travaux publics puisse obtenir des jets d'affaires tout neufs pour le premier ministre et le Cabinet, mais que, pour sa part, le ministre de la Défense nationale soit tellement faible au sein du Cabinet qu'il n'a pas été en mesure d'obtenir pour nos soldats les appareils dont ils...

+-

    Le Président: Le ministre de la Défense nationale a la parole.

+-

    L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, l'achat de ces Challenger n'a rien à voir avec l'achat des Sea King. Le gouvernement avait prévu l'argent pour les Sea King il y a bien longtemps, bien avant que des crédits ne soient débloqués pour les Challenger. Le processus d'acquisition suit son cours afin de remplacer ces appareils.

    Entre-temps, ils fonctionnent très bien, car nous les avons modernisés. En fait, quelque 23 pays, y compris les États-Unis, continuent d'utiliser des hélicoptères Sea King. Ils peuvent offrir un service efficient et efficace et c'est ce qu'ils font.

+-

    M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le processus d'acquisition va si bien qu'en fait, il a commencé deux ans avant l'achat des Challenger, il y a 19 ans. Les libéraux ont un ego si grand qu'il aurait peut-être été judicieux d'acheter de plus gros avions, des C-17 par exemple, pour qu'ils puissent se déplacer avec leur immense ego.

    Pas plus tard que le mois dernier, le premier ministre a dit à nos soldats combattant en Afghanistan qu'ils pouvaient louer des avions pour se déplacer. Entre-temps, ses ministres et lui vont se déplacer à bord de ces palais de 101 millions de dollars. Le ministre de la Défense ne croit-il pas que cet argent aurait pu être mieux dépensé...

+-

    Le Président: Le vice-premier ministre a la parole.

+-

    L'hon. John Manley (vice-premier ministre et ministre de l'Infrastructure et des Sociétés d'État, Lib.): Monsieur le Président, ce n'est pas très honnête de la part du député parce que des membres de l'opposition ont voyagé avec des ministres à bord de Challenger à de nombreuses reprises et qu'ils savent à quoi ces avions servent.

    C'est le genre de chose qu'ils font tout le temps. Voilà qu'ils comparent maintenant les Challenger à des palais volants. Ce sont les mêmes gens qui avaient refusé les clés de la limousine lorsque leur chef a été élu pour la première fois. Ils devaient transformer Stornoway en salle de bingo et ne devaient jamais accepter les pensions des parlementaires. Je pense qu'ils devraient ranger le cilice dans leur penderie et l'y laisser.

    Des voix: Oh, oh!

[Français]

+-

    Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît! Il est impossible d'entendre l'honorable députée de Laurentides qui a la parole.

*   *   *

+-Le bois d'oeuvre

+-

    Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, les travailleurs de la forêt de la Côte-Nord sont inquiets et souffrent de la crise du bois d'oeuvre. Ils sont non seulement victimes de cette guerre commerciale, mais aussi des restrictions sévères que ce gouvernement a faites dans le programme de l'assurance-emploi.

    Dans la perspective de venir en aide aux travailleuses et aux travailleurs de la forêt dans les régions du Québec, est-ce que ce gouvernement ne devrait pas envisager très sérieusement les suggestions faites par le Bloc québécois d'améliorer certains aspects du régime d'assurance-emploi pour aider les travailleurs à traverser la crise du bois d'oeuvre?

  +-(1445)  

+-

    Mme Raymonde Folco (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je veux mentionner à l'honorable députée d'en face que le régime d'assurance-emploi est déjà en place pour venir en aide aux travailleurs mis à pied. Le Conseil des industries forestières a été informé par le ministère du Développement des ressources humaines qu'il est prêt à lui fournir les renseignements dont il a besoin pour appuyer ses membres dans l'ensemble du Canada.

+-

    Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, on parle d'un dossier qui est urgent.

    Est-ce que le gouvernement pourrait agir vite et efficacement pour soutenir les travailleurs victimes du conflit sur le bois d'oeuvre en haussant le niveau des prestations et en prolongeant la période au cours de laquelle un travailleur mis à pied peut recevoir des prestations?

+-

    Mme Raymonde Folco (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, j'insiste sur le fait que l'assurance-emploi, comme le sait très bien la députée, s'adapte aux variations des taux de chômage locaux. À mesure que les taux de chômage augmentent, les critères d'admissibilité sont moins rigoureux et les périodes de prestation sont plus longues.

    J'aimerais souligner aussi que 88 p. 100 des travailleurs salariés seraient admissibles aux prestations d'assurance-emploi. Ce sont des choses que l'opposition connaît très bien et ce sont des actions que ce gouvernement a déjà prises pour aider les travailleurs.

[Traduction]

+-

    M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Monsieur le Président, au cours de la dernière semaine, le représentant américain du commerce Robert Zoellick et le sénateur du Montana Max Baucus ont attaqué le Canada dans le dossier du bois d'oeuvre. Leurs lettres et éditoriaux sont farcis d'accusations fausses et farfelues.

    Pourquoi le gouvernement canadien est-il demeuré muet?

+-

    L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, je crois que les paroles de l'ambassadeur Zoellick et de tous ceux qui se sont exprimés à ce sujet n'étaient rien d'autre qu'une réaction spontanée aux propos assez rudes de notre gouvernement sur toute cette question du bois d'oeuvre.

    J'ai affirmé haut et clair ce que je pensais des mesures punitives prises par les Américains à l'égard de nos collectivités et de nos travailleurs du secteur du bois d'oeuvre. J'ai dit ce que je pensais des lois nationales des États-Unis sur le commerce, lesquelles, fort heureusement, feront l'objet de négociations lors de la prochaine ronde de pourparlers de l'OMC, car le Canada a toujours soutenu que ces lois commerciales américaines étaient punitives et injustes.

+-

    M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Monsieur le Président, encore une autre image d'Épinal. Le chef de l'opposition a répondu. Le gouvernement ne l'a pas fait.

    L'été dernier, le gouvernement avait prévu mener une campagne de relations publiques pour transmettre à la population américaine des informations exactes concernant le bois d'oeuvre. Cette campagne a été annulée. Il y a deux semaines, le ministre a de nouveau annoncé cette campagne, mais nous n'avons encore rien vu.

    Le ministre a laissé tomber le plus important dossier commercial du Canada. Quand compte-t-il se pencher à nouveau sur la question et intervenir à ce sujet?

+-

    L'hon. Pierre Pettigrew (ministre du Commerce international, Lib.): Tout d'abord, monsieur le Président, je crois que le député devrait nous dire de quel chef de l'opposition il parle exactement car il y a quelques personnes qui prétendent occuper ce poste à l'heure actuelle.

    Je peux dire une chose cependant. Ce matin, j'ai rencontré le premier ministre de la Colombie-Britannique, Gordon Campbell. Nous poursuivons notre travail dans ce dossier nettement prioritaire à nos yeux.

    J'ai déjà dit que le différend canado-américain au sujet du bois d'oeuvre avait été ma toute première priorité au cours de l'année dernière. Soyez assuré qu'il continuera d'en être ainsi pour moi et pour le gouvernement.

*   *   *

+-Les pêches

+-

    M. Dominic LeBlanc (Beauséjour--Petitcodiac, Lib.): Monsieur le Président, le ministre des Pêches et des Océans a adopté une position très ferme à l'égard de la surpêche étrangère à l'extérieur de la zone économique de 200 milles du Canada. Nous savons que des bateaux de Russie et des îles Féroé ont commis de graves violations.

    Le ministre pourrait-il nous mettre au courant des mesures particulières qu'il a prises pour réprimer ces graves abus?

[Français]

+-

    L'hon. Robert Thibault (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je veux d'abord remercier l'honorable député de son excellente question.

[Traduction]

    Je tiens d'abord à dire que je me réjouis de la décision du gouvernement russe de suspendre le permis du Olga parce qu'il avait violé les accords de pêche de l'OPANO.

    Cependant, d'autres pays membres ne tiennent délibérément aucun compte des mesures de conservation internationales. Le gouvernement du Canada ne le tolérera pas. Pour illustrer notre détermination à cet égard, j'ai annoncé aujourd'hui que le Canada interdit l'accès à ses ports aux bateaux de pêche de l'Estonie. De plus, j'ai l'intention de rencontrer mes homologues européens au cours des mois à venir afin d'obtenir leur soutien pour la position du Canada avant les réunions de l'OPANO en septembre prochain.

*   *   *

[Français]

+-La Société Radio-Canada

+-

    M. Yvon Godin (Acadie--Bathurst, NPD): Monsieur le Président, depuis le 25 mars dernier, des employés de Radio-Canada de l'est du Canada sont en lock-out. Or, les dirigeants de cette société publique ne veulent pas retourner à la table de négociation tant et aussi longtemps que ces employés ne retournent pas au travail avec ce qu'ils leur ont proposé.

    La ministre du Patrimoine s'engage-t-elle à s'entretenir avec le président de Radio-Canada afin que la société retourne à la table de négociation en toute bonne foi et conclue une convention collective qui respecte les revendications de ses travailleurs et travailleuses ainsi que le droit des auditeurs francophones à obtenir les services de programmation?

  +-(1450)  

+-

    L'hon. Sheila Copps (ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, cela fait deux semaines qu'on est en période de lock-out et je sais que tous les auditeurs francophones manquent beaucoup la programmation.

    J'encourage les deux parties à s'engager directement dans une bonne négociation.

*   *   *

[Traduction]

+-L'environnement

+-

    M. Joe Comartin (Windsor--St. Clair, NPD): Monsieur le Président, un sondage récent de la firme Decima révèle qu'une majorité écrasante de Canadiens est en faveur de la ratification de l'Accord de Kyoto. Même en Alberta, plus de 65 p. 100 des répondants s'y disent favorables.

    La semaine dernière, d'éminents chefs d'entreprise comme Robert Schad et Stephen Bronfman faisaient campagne pour amener le gouvernement à respecter son engagement à l'égard du protocole de Kyoto. Le ministre de l'Environnement continue cependant de tergiverser. Même ses collègues du Cabinet mettent ouvertement en doute l'appui dont jouit l'accord.

    Les Canadiens veulent le protocole de Kyoto. Les chefs d'entreprise le veulent. Pourquoi ne pouvons-nous pas tout simplement le ratifier?

+-

    L'hon. David Anderson (ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, comme le député devrait le savoir, la position du gouvernement est claire. Nous aurons des consultations avec les Canadiens, avec les groupes industriels qui sont concernés et avec les provinces et les territoires au sujet de la ratification et de ses conséquences éventuelles pour le Canada. Nous allons également élaborer, en consultation avec ces groupes, un plan qui ne pénalisera aucune région du pays ni aucune province. Une fois que nous aurons fait tout cela, nous prendrons notre décision concernant la ratification.

*   *   *

+-La défense nationale

+-

    M. Scott Brison (Kings--Hants, PC/RD): Monsieur le Président, 54 rapports de postdéploiement sur l'utilisation des Sea King signalent au moins un des faits suivants: mission annulée pour entretien de l'appareil; mission réduite à cause de l'état de fonctionnement de l'appareil; graves anomalies occasionnant une immobilisation importante; interdiction de décoller.

    Pourquoi le gouvernement ne tire-t-il pas le tapis volant de sous les pieds du premier ministre et n'annule-t-il pas la commande de Taj Mahal volants, au coût de 100 millions de dollars, et n'achète-t-il pas de nouveaux hélicoptères pour nos soldats? Ou bien le petit gars de Shawinigan serait-il devenu le sultan de Shawinigan?

+-

    L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, nous achetons de nouveaux hélicoptères. Le gouvernement est engagé dans un processus d'acquisition.

    J'ai dit que, d'ici la fin de l'année, nous pourrons annoncer le nouvel hélicoptère choisi pour remplacer les Sea King. Entre-temps, les Sea King ont été modernisés. Dans la campagne de l'Afghanistan, ils sont utilisés très efficacement en mer d'Oman. Le taux de succès de leurs missions est de plus de 90 p. 100. Vingt-trois pays utilisent plus de 600 de ces appareils, qui sont excellents.

+-

    M. Scott Brison (Kings--Hants, PC/RD): Monsieur le Président, la réponse ne tient pas plus la route que les Sea King.

    Le ministre de la Défense nationale prétend que les nouveaux jets de luxe sont une amélioration qui permettra au gouvernement de mieux accomplir son travail lorsque des ministres doivent se déplacer. La seule chose que le Cabinet fasse rapidement, c'est voler.

    Pourquoi le ministre ne se soucie-t-il pas plus de fournir à ses soldats le matériel dont ils ont besoin que de procurer au premier ministre une version canadienne de l'Air Force One pour flatter son ego de dimension impériale?

+-

    L'hon. Art Eggleton (ministre de la Défense nationale, Lib.): Monsieur le Président, le nouvel appareil, le Challenger, est un modèle à peu près semblable à celui qu'il remplace, mais il est amélioré. L'avionique en est supérieure, de même que l'efficacité énergétique. Il peut se rendre dans un plus grand nombre d'aéroports et faire des trajets sans escale, ce qui permettra plus d'efficacité et plus d'efficience dans les déplacements.

*   *   *

+-Les campagnes à la direction de partis politiques

+-

    M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne): Monsieur le Président, hier, le ministre des Finances a invoqué la décision du conseiller en éthique quand je l'ai questionné au sujet de l'avocat de Calgary Jim Palmer, qui collectait des fonds pour la campagne à la direction du ministre alors qu'il était au service du ministère des Finances. Cela ne suffit pas.

    Le ministre mettra-t-il les choses au clair aujourd'hui en déposant la liste des personnes que M. Palmer a consultées au nom du ministère des Finances ainsi que la liste des entreprises et des particuliers qui ont versé une contribution financière à la campagne à la direction du ministre?

+-

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, cette question a été longuement discutée avec le conseiller en éthique, qui a fait des observations à cet égard. Toute nouvelle question devrait lui être adressée.

+-

    M. Charlie Penson (Peace River, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est intéressant. Le conseiller en éthique ne jouit d'aucune crédibilité auprès des Canadiens et des députés, à l'exception de ceux qui s'abritent derrière ses décisions.

    Le conseiller en éthique n'a jamais trouvé quiconque coupable d'avoir enfreint le supposé code d'éthique libéral. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes, selon lui. Toutefois, si le ministre fait tellement confiance au conseiller en éthique, déposera-t-il la décision écrite intégrale de M. Wilson au sujet de l'enquête sur cette relation obscure?

  +-(1455)  

+-

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le conseiller en éthique a fait de nombreuses observations publiques et il a répondu aux questions sur cette affaire sans jamais rien cacher.

*   *   *

[Français]

+-L'environnement

+-

    M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ): Monsieur le Président, le ministre de l'Environnement affirmait, hier, que la position du gouvernement sur la ratification du Protocole de Kyoto sera considérée après avoir mis en place un plan qui sera égal pour toutes les régions du pays.

    Or, le premier ministre affirmait, au mois de juillet dernier, après la rencontre de Bonn, la volonté du gouvernement de ratifier le Protocole de Kyoto en 2002.

    Nous sommes en 2002. Le ministre peut-il maintenir que le Canada ratifiera le Protocole de Kyoto cette année?

+-

    L'hon. David Anderson (ministre de l'Environnement, Lib.): Oui, monsieur le Président, on est dans le quatrième mois de cette année. Le désir du premier ministre n'a pas changé. Alors, on attend ce qui va arriver, surtout après le Comité mixte fédéral-provincial, qui va présenter son rapport d'ici quelques semaines.

+-

    M. Bernard Bigras (Rosemont--Petite-Patrie, BQ): Monsieur le Président, à l'ouverture de la Conférence des Parties à Marrakech, en novembre 2001, le ministre de l'Environnement citait le premier ministre et affirmait, et je cite: «L'Accord de Bonn ouvre la voie à la ratification du Protocole de Kyoto par le Canada l'an prochain.»

    Est-ce que le ministre est conscient que, par ses déclarations, il contredit les propos du premier ministre et il contribue à faire achopper tout le processus de ratification du Protocole de Kyoto dès cette année?

+-

    L'hon. David Anderson (ministre de l'Environnement, Lib.): Non, monsieur le Président, il n'y a aucune contradiction. L'année dernière, le premier ministre a dit avec clarté que les accords de Bonn et de Marrakech ouvrent la porte pour la ratification, même pour l'année 2002.

[Traduction]

+-

    M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les fonctionnaires fédéraux estiment maintenant que le protocole de Kyoto pourrait coûter aux Canadiens jusqu'à 15 milliards de dollars au cours des cinq prochaines années. La semaine dernière, on disait dix milliards, mais cette semaine, c'est 15 milliards de dollars.

    Le ministre fait la tournée de tout le pays pour vendre ce protocole, mais il est clair que le gouvernement ne sait pas vraiment ce qu'il coûtera. Le ministre de l'Environnement pourrait-il dire à la Chambre combien coûtera le protocole de Kyoto? D'ici à ce qu'il arrive à Calgary, est-ce que ce sera 40 ou 50 milliards de dollars?

+-

    L'hon. David Anderson (ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, le député qui est un porte-parole de l'Alliance devrait savoir que le gouvernement a constamment défendu la position selon laquelle il ne citerait aucun chiffre tant qu'il n'aura pas le rapport du groupe de travail fédéral-provincial-territorial qui analyse actuellement l'impact du protocole sur l'économie.

    Quand le rapport sera déposé, tous les gouvernements, fédéral, provinciaux et territoriaux, seront mieux en mesure de faire des commentaires et de répondre aux questions du député.

+-

    M. Bob Mills (Red Deer, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'aurais souhaité qu'avant de signer, à Kyoto, le ministre pose certaines de ces questions. Les Canadiens commencent à en avoir assez des vagues prévisions du ministre. Il poursuit quand même sa tournée en disant que le ciel nous tombe sur la tête et qu'il faut ratifier le protocole de Kyoto, même s'il n'a pas la moindre idée de ce qu'il coûtera.

    C'est à cause de dépenses faites avec autant d'insouciance que le Canada se retrouve aujourd'hui avec une dette de 547 milliards de dollars. Le gouvernement va-t-il arrêter de voler nos générations futures et admettre simplement qu'il a commis une erreur en signant le protocole de Kyoto?

+-

    L'hon. David Anderson (ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, je me demande si le député se souvient de ce qu'il a dit au congrès de l'Alliance il n'y a pas si longtemps. Il a dit que la position de l'Alliance à l'égard de Kyoto «faciliterait notre levée de fonds».

*   *   *

+-L'éducation

+-

    M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Développement des ressources humaines. En 1998, le gouvernement fédéral a créé les bourses d'études du Canada. Depuis lors, les frais de scolarité, les coûts du loyer et les dépenses pour les ordinateurs et les livres, entre autres, ont augmenté.

    La ministre va-t-elle accroître le montant des bourses d'études du Canada pour que les étudiants dont les besoins sont les plus criants bénéficient de fonds supplémentaires?

  +-(1500)  

+-

    Mme Raymonde Folco (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je suis ravie de pouvoir répondre à la question du député. Nous sommes heureux d'annoncer que nous augmentons le montant des bourses d'études du Canada, ce qui permettra aux personnes handicapées, aux femmes inscrites à un doctorat dans des disciplines non traditionnelles, aux étudiants à temps partiel et aux étudiants ayant des personnes à leur charge d'avoir un meilleur accès aux études postsecondaires.

[Français]

    Dans son plus récent budget, notre gouvernement a annoncé des investissements de dix millions de dollars pour deux mesures qui aideront les étudiants handicapés à assumer les coûts de leur éducation. Ainsi, nous allons porter de 5 000 $ à 8 000 $ la subvention canadienne pour les études actuellement versée à ces étudiants, et il y a également d'autres améliorations.

*   *   *

[Traduction]

+-L'agriculture

+-

    M. Howard Hilstrom (Selkirk--Interlake, Alliance canadienne): Monsieur le Président, l'entente sur la protection du revenu agricole qui a été conclue entre les provinces et le gouvernement fédéral expirera en février prochain. Le ministre a tenté d'imposer le programme universel. Reculant maintenant avec une rapidité olympique, il consacre maintenant 15 millions de dollars à une série de rencontres mal organisées avec certains groupes d'agriculteurs. Ces prétendues consultations ne visent qu'à forcer l'acceptation de son projet.

    Pourquoi le ministre de l'Agriculture peut-il trouver 15 millions de dollars pour cette campagne de relations publiques, mais n'arrive pas à trouver 5 millions de dollars pour aider les agriculteurs de la Saskatchewan touchés par la sécheresse?

+-

    L'hon. Lyle Vanclief (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, voilà le porte-parole d'un parti qui dit que nous devrions consulter la population. Nous consacrons davantage de fonds pour engager le dialogue le plus vaste, le plus large et le plus approfondi avec les agriculteurs et tous les Canadiens au sujet de l'orientation à venir de l'agriculture et de l'industrie agroalimentaire au Canada.

    Nous estimons que c'est la bonne façon de faire. Nous voulons consulter la population. Rien n'est coulé dans le béton. Nous ne connaissons pas toutes les réponses. Nous ne connaissons pas toutes les questions. C'est pourquoi nous voulons consulter les Canadiens et collaborer avec tout le monde.

*   *   *

[Français]

+-Les infrastructures routières

+-

    M. Mario Laframboise (Argenteuil--Papineau--Mirabel, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances a encore une fois affirmé aux gens de la rive sud que l'argent était disponible pour procéder à la réalisation de l'autoroute 30 qui a été promise par les libéraux en campagne électorale.

    Qu'est-ce que le ministre des Finances peut répondre au maire de Longueuil, M. Olivier, qui le somme de cesser de déclarer que l'argent est disponible et de le verser puisque la part du gouvernement du Québec, elle, est sur la table?

+-

    L'hon. David Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai déjà expliqué, il y a eu des discussions avec mon homologue, M. Ménard, au sujet de l'autoroute 30. Comme je l'ai dit publiquement, c'est une priorité pour le gouvernement fédéral. Nous allons continuer de travailler avec le gouvernement du Québec pour trouver une solution. Notre parti est en faveur de cette autoroute.

*   *   *

[Traduction]

+-Les pêches

+-

    M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC/RD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au vrai ministre de l'Environnement. Le ministre des Pêches dit que la question de la surpêche sur la côte de l'Atlantique ne sera pas abordée au sommet de Banff, alors que presque tous les pays qui font de la pêche sur cette côte y seront représentés.

    Le ministre confirmera-t-il qu'il soulèvera la question de la surpêche sur la côte de l'Atlantique? Ce serait négligence de sa part que de refuser de le faire.

+-

    L'hon. Robert Thibault (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, en tant qu'ancien ministre des Pêches, le ministre de l'Environnement est tout aussi préoccupé que nous par la pêche qui se fait sur le nez et la queue du Grand Banc de Terre-Neuve.

    À l'instar des autres ministres, des députés ministériels et de tous les députés, il ne ratera pas une occasion de promouvoir une saine gestion de nos ressources halieutiques.

*   *   *

+-L'économie

+-

    M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances. Statistique Canada vient de publier sa dernière analyse de l'emploi et de la productivité.

    Le ministre des Finances pourrait-il expliquer à la Chambre l'importance des derniers rapports sur la tenue de l'économie canadienne qui font état de la création de près de 88 000 emplois en mars?

+-

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, la question du député de Brampton-Centre est fort opportune. Affichant une moyenne annuelle de 2 p. 100, la productivité canadienne égale celle des États-Unis pour la première fois depuis longtemps, mais cela n'est pas suffisant. Nous devons faire mieux que les Américains.

    Un secteur où nous réussissons mieux est celui de la création d'emplois. Au cours du premier trimestre de cette année, on a créé 170 000 emplois. C'est notre meilleur bilan depuis 1987. Dans le seul mois de mars, 88 000 emplois ont été créés. C'est notre meilleur bilan jamais enregistré.


+-INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Initiatives ministérielles]

*   *   *

  +-(1505)  

[Traduction]

+-Loi de 2001 sur l'accise

    La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-47, Loi visant la taxation des spiritueux, du vin et du tabac et le traitement des provisions de bord, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

+-

    L'hon. Lorne Nystrom (Regina--Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, j'étais en train de répondre à une question que m'avait posée le porte-parole du Parti conservateur en matière de finances au sujet de la taxe Tobin, la taxe sur la spéculation sur les devises.

    Je veux lui confirmer que la spéculation sur les devises se fait sur de toutes petites marges. Une toute petite taxe sur la spéculation sur les devises mettrait de l'ordre dans la spéculation à l'échelle mondiale, ce qui aurait des effets positifs sur le développement international.

+-

     Une taxe sur la spéculation ralentirait la spéculation sur les changes dans le monde entier. Il y a trois ans, la Chambre des communes a adopté une motion convenant que nous devrions adopter l'idée de la taxe Tobin, une petite taxe qui ralentirait la spéculation sur les devises et en même temps contribuerait à la création d'un énorme fonds pour le développement international. Je suis certain que le porte-parole du Parti conservateur en matière de finances, s'il réfléchissait un peu, se rallierait à ma position.

+-

    M. Scott Brison (Kings--Hants, PC/RD): Monsieur le Président, j'ai une question pour le député de Regina—Qu'Appelle concernant la taxe Tobin. Comment, selon lui, fonctionneraient les mécanismes du taux de change flottant si nous devions imposer une taxe, une petite taxe mais une taxe quand même, sur la spéculation sur les devises alors que le genre de spéculation dont nous avons besoin pour maintenir les mécanismes actuels du taux de change flottant joue sur des marges minuscules? Ce que je reproche à la taxe Tobin est qu'elle ne découragerait pas le type de spéculation qui produit des variations brusques conduisant à l'effondrement. Elle découragerait le genre de bonne spéculation dont nous avons besoin afin que les pays comme le Canada puissent maintenir une politique monétaire indépendante. C'est une préoccupation bien réelle.

    Selon lui, comment fonctionnerait la taxe Tobin alors que, même si 200 pays l'adoptent, il suffirait qu'un seul, ou encore 10 ou 15 pays ne l'adoptent pas et tout l'argent serait transféré électroniquement par le biais de comptes dans ces pays?

  +-(1510)  

+-

    L'hon. Lorne Nystrom: Monsieur le Président, j'imagine que je devrais laisser le député de la Nouvelle-Écosse expliquer en quoi consiste une bonne spéculation et une mauvaise spéculation. Je ne suis pas certain qu'il soit en mesure de le faire. C'est une définition plutôt arbitraire de la notion de spéculation.

    Le député de Brandon--Souris doit connaître la réponse à cette question. Je ne peux certainement pas lui venir en aide à ce sujet, mais je peux néanmoins dire que la plupart des gens ne sont pas préoccupés comme lui. La plupart des gens qui examinent cette question estiment qu'une très faible taxe serait un moyen de dissuasion contre les spéculations négatives qui causent des ravages sur les différentes monnaies du monde.

    Il faut que cette taxe soit efficace et qu'elle engendre la collaboration de la plupart des grands intervenants du monde financier à l'échelle internationale. En fait, il y a environ sept ou huit véritables grands intervenants, notamment l'Union européenne, la Grande-Bretagne, les États-Unis et deux ou trois autres dont le Japon. C'est un moyen d'intervenir pour contrôler les effets de la spéculation à l'échelle mondiale, pour contrôler la volatilité des monnaies et pour soutenir le Fonds international pour le développement.

+-

    M. Bill Casey (Cumberland--Colchester, PC/RD): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir au sujet du projet de loi C-47. Les propos du député de Regina--Qu'Appelle et d'autres députés n'indiquent pas du tout que nous discutons du projet de loi C-47, puisque ceux-ci ont parlé de la taxe de sécurité dans les aéroports, de la taxe Tobin et d'autres taxes. Je suivrai cet exemple et j'aborderai aussi un autre sujet.

    Le projet de loi C-47 est une simple mesure administrative servant à épurer la loi en ce qui concerne la perception des taxes et à définir des paramètres pour les intervenants dans l'industrie du vin, des spiritueux et du tabac. Il servirait à une foule de choses, notamment à augmenter annuellement de 240 millions de dollars la taxe sur le tabac, ce qui m'amène au sujet que je veux aborder.

    Je me sens obligé de signaler quelques aspects du projet de loi C-47. Celui-ci modifierait le cadre régissant la taxation des spiritueux, du vin et du tabac. En vertu de ce projet de loi, les droits actuellement imposés sur les spiritueux seraient aussi imposés sur le vin.

    Le projet de loi prévoirait la délivrance de licences de même que des règlements visant l'industrie du transport en vue de prévenir le trafic du vin et des spiritueux et le contrôle des mouvements de ces produits. Il créerait de nouvelles dispositions prévoyant des sanctions pour le non-respect de la loi régissant le vin, les spiritueux et le tabac.

    Le projet de loi regrouperait des taxes existantes, afin de simplifier la tâche de l'industrie. Il établirait une seule et même taxe fédérale sur toutes les cigarettes vendues au pays, ce qui aurait dû être fait il y a longtemps.

    En regardant la télévision l'autre soir, j'ai vu une publicité de Santé Canada qui disait que 45 000 Canadiens mouraient chaque année des suites du tabagisme. J'ai douté de l'exactitude de ce chiffre. C'est dix fois le nombre de personnes qui ont péri dans les ruines du World Trade Center et, selon la publicité, il en est ainsi chaque année. J'ai cru qu'il y avait erreur.

    J'ai communiqué avec le ministère de la Santé pour obtenir des éclaircissements et m'assurer qu'on ne fournissait pas d'informations erronées aux Canadiens. Le ministère m'a envoyé un rapport confirmant que de 40 000 à 45 000 Canadiens meurent chaque année d'une maladie liée au tabagisme. C'est comme si l'attentat contre le World Trade Center se répétait chaque mois. C'est absolument incroyable. Quand on pense que 45 000 Canadiens meurent d'une maladie causée par le tabac, et ce, chaque année.

    Le rapport ajoute que cela influe sur le coût de la vie dans notre société, en l'augmentant de 15 milliards de dollars annuellement. Une somme de 2,5 milliards de dollars est injectée dans notre système de santé à une période où il faut nous serrer sérieusement la ceinture, et pourtant nous avons ce fardeau supplémentaire qu'il faut supporter et qui ne devrait pas exister.

    Le rapport du Bureau de contrôle du tabac, de la Direction générale de la protection de la santé, précise ce qui suit:

Selon cette analyse, les fumeurs coûtent à la société près de 15 milliards de dollars, alors qu'ils ne lui rapportent que 7,8 milliards de dollars en taxes.

    Si le tabac tue entre 40 000 et 45 000 personnes chaque année, il représente difficilement une bonne valeur. En faisant un calcul rapide, si 41 000 personnes meurent chaque année alors que l'ensemble des fumeurs rapporte au gouvernement 7,8 milliards de dollars en taxes, cela correspond à 190 000 $ par personne. C'est fou. Il est absolument ridicule que 45 000 personnes meurent chaque année d'une maladie reliée au tabagisme.

    Je félicite la ministre de la Santé et l'encourage à recourir davantage à ces publicités qui nous parlent des dangers du tabagisme et des coûts incroyables qu'il entraîne. Je l'encourage à multiplier le nombre de ces publicités et à les rendre plus claires. J'aimerais qu'elle précise que le nombre de personnes qui meurent chaque année au Canada des suites du tabagisme correspond à dix fois le nombre des victimes de l'attentat contre le World Trade Center. Aux États-Unis, si on extrapolait ce chiffre, on en arriverait à un nombre incroyable, mais on ne parle pas des États-Unis mais du Canada.

    Le gouvernement du Canada, les membres des forces armées et tous les Canadiens ont accordé beaucoup d'attention aux attentats terroristes horribles qui ont fait 4 000 victimes à New York, mais il y a chez nous 45 000 personnes qui meurent chaque année de maladies liées au tabagisme. Il me semble que nos priorités sont mal placées. Si nous voulons régler le problème, le gouvernement doit trouver d'autres façons de décourager les gens de faire usage du tabac.

  +-(1515)  

    Dans les documents qu'il a fournis au sujet du projet de loi C-47, le gouvernement explique qu'il haussera les taxes sur le tabac de 240 millions de dollars par année. Il prétend que cela découragera la consommation de produits du tabac. À mon avis, 240 millions de dollars ne décourageront pas suffisamment la consommation de produits du tabac. Cette somme ne fournit pas de matériel éducatif destiné aux jeunes et aux fumeurs et n'aide pas les gens à cesser de fumer. C'est loin d'être suffisant, si l'on se fie aux données disponibles et aux études sur les coûts du tabagisme au Canada.

    Les chiffres sont absolument incroyables. Dans ce rapport, on mentionne une foule d'effets nocifs. On y explique qu'en 1991, environ 2,5 milliards de dollars des coûts des soins de santé étaient attribuables au tabagisme. Cela représente 4 p. 100 du budget total des soins de santé au Canada.

    Ce n'est qu'un début. Il y a des coûts supplémentaires liés aux hôpitaux, aux médecins, à l'absentéisme et tous les autres coûts liés à l'usage du tabac, qui étaient évalués à 15 milliards de dollars en 1991. Quand on y pense, le budget total des soins de santé n'était alors que de 66 milliards de dollars, et les coûts attribuables à l'usage du tabac totalisaient 15 milliards de dollars.

    Puisqu'il est question du projet de loi C-47 et des taxes supplémentaires imposées sur le tabac, je tiens à mettre en garde la ministre de la Santé et à l'encourager à multiplier ces publicités et à les rendre explicites pour que les gens se rendent bien compte des méfaits graves du tabagisme pour la santé, surtout chez les jeunes, du moins à en croire les graphiques et la documentation que m'a fournis Santé Canada. J'espère que nous pourrons mieux sensibiliser la population à ce problème.

    Je félicite la ministre de la Santé pour avoir démarré cette campagne publicitaire. Je lui ai dit aujourd'hui tout l'effet que celle-ci avait eu sur moi. En fait, ces publicités ont été si efficaces que j'ai cru qu''il y avait erreur. Les chiffres sont si élevés, qu'on a peine à y croire. J'ose espérer que la ministre poursuivra cette campagne, qu'elle l'élargira peut-être, pour montrer les choses comme elles sont.

    Quand je soutiens que 45 000 personnes décèdent chaque année au Canada, les gens n'en reviennent pas et disent que c'est beaucoup trop. Mais quand je situe les choses dans leur contexte et que je leur dis que c'est dix fois plus que le nombre des personnes tuées lors des attentats contre le World Trade Center, ils en sont estomaqués. C'est comme si le Canada connaissait tous les mois une catastrophe pratiquement de l'ampleur de celle subie par le World Trade Center.

    Nous ne devrions pas accepter ce genre de choses. Nous ne devrions pas acquiescer sans mot dire. Nous devrions tout mettre en oeuvre pour freiner cette horrible maladie ou toxicomanie, si l'on préfère, de façon à en réduire les coûts à un minimum, car ces coûts en argent et en vies sont renversants, surtout en cette époque où nous consacrons une bonne partie de notre temps à la Chambre à parler des soins de santé.

    Nous dépensons de 3 à 5 milliards de dollars en soins de santé, alors que nous pourrions maîtriser ou réduire ces dépenses. J'ose espérer que c'est ce que nous ferons dans ce cas-ci. Je rappelle ces chiffres encore une fois : nous dépensons de 3 à 4 milliards de dollars pour soigner des maladies attribuables ou liées au tabagisme.

    Je suis consterné de voir que le gouvernement se propose d'augmenter les taxes de 240 millions de dollars, alors que les conséquences du tabagisme coûtent au système de soins de santé quelque 4 milliards de dollars. C'est quelque chose que tout le monde devrait savoir, et le gouvernement devrait faire davantage pour mieux sensibiliser la population à ce problème et l'amener à rectifier le tir.

    Je reviens maintenant au projet de loi C-47, dont c'est l'objectif, bien qu'il ne fasse pas mention du tabac. Il comprend plusieurs dispositions relatives au tabac, aux mécanismes de contrôle concernant le tabac et aux taxes sur le tabac. J'aimerais que les restrictions soient encore plus grandes. Je souhaiterais que l'on intensifie et cible davantage les efforts en vue de contrôler l'usage du tabac et d'aider les gens à se libérer du tabagisme.

    Le projet de loi C-47 comprend-il des éléments positifs? Nous croyons que c'est le cas. Le projet de loi C-47 fusionnerait les taxes en vigueur afin de faciliter la tâche des entreprises. Les taxes sur le tabac seraient uniformes à l'échelle du pays, ce qui aurait toujours dû être le cas. Le projet de loi entraînerait une modification des pénalités découlant de la taxe d'accise, et nous appuyons cette orientation. La hausse des droits d'exportation devrait décourager la réimportation en contrebande des cigarettes au Canada, situation qui a posé un problème dans le passé, bien que celui-ci soit maintenant atténué.

  +-(1520)  

    Par ailleurs, le projet de loi C-47 hausse les taxes mais, encore une fois, ne précise pas où elles aboutiront. Serviront-elles à aider les gens à comprendre leur dépendance aux produits du tabac et ses lourdes conséquences sur les plans des vies humaines, de la maladie, de l'argent et du fardeau imposé à notre système de soins de santé? L'argent sera-t-il consacré à ces fins ou passera-t-il dans les recettes générales comme c'est le cas de l'argent de la caisse de l'assurance-emploi? Il est tout à fait répréhensible que l'excédent de 40 milliards de dollars de la caisse de l'assurance-emploi aboutisse dans les recettes générales. J'estime que c'est de la fraude. Tout employé canadien touchant un chèque de paie verse des cotisations d'assurance-emploi, mais ce n'en sont pas. C'est une taxe supplémentaire. Si le gouvernement veut prendre cet argent et le verser dans les recettes générales comme s'il s'agissait d'une taxe, celle-ci devrait porter une indication précisant qu'il s'agit d'une taxe libérale supplémentaire, mais ce n'est pas le cas. Il devrait être précisé que c'est une taxe libérale et non une cotisation d'assurance-emploi.

    Je suis ravi d'avoir pu intervenir au sujet du projet de loi C-47. Nous appuierons ce projet de loi, mais j'espère que mes commentaires ne sont pas tombés dans l'oreille d'une sourde. J'espère que la ministre de la Santé comprend que j'apprécie ce qu'elle a fait afin de sensibiliser davantage le grand public aux conséquences du tabagisme sur la santé, et aux coûts que cela entraîne pour notre système de soins de santé, mais j'espère qu'elle accroîtra ces mesures. J'espère qu'elle accroîtra ce budget et qu'elle prendra peut-être une partie de cet argent pour le verser dans un budget visant à sensibiliser davantage le public et à aider les gens à se libérer du tabagisme.

+-

    M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je voudrais profiter de cette occasion pour demander à mon collègue de Cumberland--Colchester de préciser sa position. Dois-je comprendre qu'il voudrait porter la taxe d'accise sur le tabac à un niveau sensiblement plus élevé que ne le propose le projet de loi? Si oui, à quel niveau voudrait-il monter?

    Son point de vue est-il fondé sur des données scientifiques ou empiriques établissant une corrélation entre l'usage du tabac et les prix? Si c'est le cas, pourrait-il nous en parler, parce que je dispose de renseignements contraires. Selon certaines données, tandis que les prix du tabac augmentaient pendant les trente dernières années, la consommation n'a pas en fait cessé de croître. Le député peut-il commenter ce fait?

    Enfin, ne conviendrait-il pas avec moi que si le gouvernement tire des recettes supplémentaires de la taxe d'accise sur le tabac, il devrait les compenser par des baisses d'impôt correspondantes dans d'autres domaines?

+-

    M. Bill Casey: Monsieur le Président, j'avais deviné à la façon dont le député me regardait qu'il allait me poser une question.

    La majoration des taxes sur le tabac pourrait faire partie--mais sûrement pas constituer le seul élément--d'une stratégie conçue pour décourager la consommation, surtout parmi les jeunes, et pour réduire les effets désastreux sur la santé et sur le système de santé. Elle pourrait faire partie de la stratégie, qui devrait comprendre par ailleurs de nombreux autres éléments de sensibilisation, de restriction, peut-être de taxes plus élevées et autres.

    Une grande partie des recettes tirées du projet de loi C-47 pourrait servir à prévenir le tabagisme et à encourager les gens à cesser de fumer. Conviendrait-il de compenser la hausse des recettes? Je ne le crois pas nécessaire pour le moment. Je pense que les recettes devraient servir à combattre le tabagisme.

  +-(1525)  

+-

    M. Rahim Jaffer (Edmonton--Strathcona, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je voudrais aborder aussi la question des taxes sur le tabac soulevée par mon collègue.

    On peut craindre, en majorant les taxes sur le tabac, de retrouver les problèmes que nous avions connus lorsque ces taxes ont atteint leur niveau le plus élevé. Les ventes clandestines étaient devenues importantes au Québec, en Ontario et même dans l'Ouest. Le gouvernement a réagi en baissant les taxes pour que le tabac se vende à des prix raisonnables. Ensuite, le gouvernement pouvait, comme le député l'a dit, envisager de consacrer le produit de ces taxes à des programmes plus importants. Cependant, il ne l'a pas fait.

    Je suis curieux de savoir quelle serait la réaction du député si les taxes sur le tabac étaient sensiblement majorées, surtout si le marché noir continuait à se développer et que les gens parvenaient à acheter clandestinement leur tabac, ce qui constituerait à mon avis un important problème.

+-

    M. Bill Casey: Monsieur le Président, je ne crois pas que c'était un problème de taxes. C'était plutôt un problème d'application de la loi. Ce n'est pas parce que les systèmes de mise en vigueur de la loi n'ont pas réussi que les circonstances ont changé. Je crois que les systèmes se sont améliorés, mais peut-être pas au point de régler le problème.

    Le député a parlé de vendre le tabac à un prix raisonnable. Je ne sais pas quel serait ce niveau raisonnable quand les ventes de tabac occasionnent 40 000 ou 45 000 décès par an, quand bien même elles engendrent 7,8 milliards de dollars de recettes représentant 190 000 $ par décès. Pour chaque personne qui meurt, le gouvernement obtient des recettes de 190 000 $. Quelle horrible façon de remplir les caisses de l'État!

+-

    M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce qu'a dit le député de Cumberland--Colchester. J'ai aussi écouté la question et je constate qu'il y a clairement équilibre ici.

    Je suis heureux de constater que les taxes sur les produits du tabac sont à la hausse dans divers États aux États-Unis. Je pense que cela nous est utile en ce qui concerne ce dont parlait plus tôt le député.

    Je me demande si le député est prêt à nous faire part de son point de vue sur l'autre aspect de la question. Comme lui, la chose me préoccupe beaucoup. Je collabore, dans ma circonscription, avec des groupes qui travaillent activement à la diminution de la consommation du tabac chez les jeunes. Les gens me demandent souvent pourquoi le gouvernement n'interdit pas complètement la consommation de tabac. J'ai mes propres idées sur la question. Je vis dans une région qui est située très près de terres où l'on cultive le tabac et j'ai une certaine idée de ce que serait la réponse à cette question.

    J'aimerais savoir ce que pense le député de l'interdiction pure et simple de tous les produits du tabac.

+-

    M. Bill Casey: Monsieur le Président, si le député de Peterborough présentait une motion proposant d'interdire la consommation de tabac, je pense que nous pourrions réussir.

    Comme je ne fume pas et n'ai jamais fumé, je ne peux pas savoir ce que ressent une personne qui a développé une dépendance au tabac. Je ne sais pas ce que cela implique. Je dois peser mes paroles, parce qu'il serait injuste de ma part de soutenir que nous devrions interdire la consommation du tabac et que tout le monde devrait arrêter de fumer. Je sais qu'il est très difficile de cesser de fumer.

    Je signale toutefois au député de Peterborough que, selon les chiffres du ministère de la Santé, le tabagisme provoque chaque mois, bon an mal an, l'équivalent du désastre du World Trade Center. C'est dire que nous avons d'excellentes raisons d'agir énergiquement contre le tabagisme.

    Le Canada s'est associé à d'autres pays un peu partout dans le monde pour lutter énergiquement contre le terrorisme, qui a causé la mort de 4 000 ou 5 000 personnes lors de l'horrible tragédie de New York. Or, le tabagisme cause un désastre équivalent tous les mois dans notre propre pays. Je ne dirai pas que nous faisons peu pour combattre le tabagisme, mais je crois que nous devrions faire plus.

    Je ne sais pas si l'interdiction des produits du tabac est la solution. Je suivrais sans doute l'exemple du gouvernement, dont les efforts ont donné des résultats, mais j'irais plus loin encore. Je crois qu'il faudrait exercer plus de pressions sur l'industrie, aider davantage les fumeurs, mieux informer les jeunes et utiliser davantage de moyens pour décourager les gens de fumer.

  +-(1530)  

+-

    M. Darrel Stinson (Okanagan--Shuswap, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai de graves réserves lorsqu'il s'agit d'imposer n'importe quel produit. Je trouve plutôt étrange que nous voulions parler de fiscalité plutôt que d'éducation. Je pense que nous mettons à côté de la plaque dans le cas présent.

    Le gouvernement peut taxer les cigarettes, le tabac et les spiritueux tant qu'il le veut, mais un marché souterrain va alors être créé. Je pense qu'il est temps que le gouvernement commence à s'occuper de l'éducation dans les écoles afin d'informer les jeunes de ce qui se passe exactement. Qu'y a-t-il de mal à montrer un poumon cancéreux ou une personne souffrant d'asthme ou d'un trouble semblable? Qu'y a-t-il de mal à montrer aux enfants exactement ce qui se passe?

    Le gouvernement peut dire aux jeunes de ne pas consommer ces produits, mais il y a de fortes chances qu'ils le fassent quand même. Plus le gouvernement rendra ces produits coûteux, plus ils seront en demande.

+-

    M. Bill Casey: Monsieur le Président, le député ne m'a peut-être pas entendu plus tôt lorsque j'ai dit que la fiscalité devrait faire partie de la stratégie pour aider les gens souffrant de cette accoutumance et que l'éducation aurait également une place importante. Les pressions sur l'industrie et la sensibilisation de la population font également partie des mesures à prendre.

    J'ai été sidéré lorsque j'ai vu l'annonce télévisée du gouvernement disant que 45 000 personnes meurent chaque année de maladies attribuables à l'usage du tabac. Je pensais tellement que c'était faux que j'ai demandé à obtenir le rapport en question. Or, ce dernier a montré que c'était exact. Cela équivaut à une attaque sur le World Trade Center à tous les mois au Canada.

    Nous pouvons faire plus à la Chambre et le gouvernement peut faire davantage. Il y a un éventail de mesures à prendre allant de la fiscalité à l'éducation en passant par les pressions et la sensibilisation.

+-

    M. Peter Adams: Monsieur le Président, je voudrais répondre à ma propre question. J'ai tendance à être tout à fait d'accord avec le point de vue du député. Je pense que j'ai le sentiment qu'en ce qui concerne l'éducation, si nous disons aux enfants de faire quelque chose, il est fort probable qu'ils le feront.

    Je pense que la réponse, c'est que l'interdiction n'a pas fonctionné. J'ai mentionné que je vis près d'une région productrice de tabac. Je vis également près du lac Ontario. Si on se penche sur ce que la prohibition a fait dans le cas de la consommation d'alcool, on s'aperçoit qu'elle a donné des résultats contraires aux objectifs visés. En fait, on a ainsi montré l'alcool sous des couleurs séduisantes et on a empiré la situation, et nous en subissons encore les conséquences.

    Je remercie mon collègue de l'intérêt qu'il porte à cette question et c'est ce que je voulais dire.

+-

    M. Bill Casey: Monsieur le Président, en voyant comment le député a répondu à sa propre question, il est difficile de se sentir tenu d'y répondre. Si je comprends bien, le député vient d'une région où on cultive le tabac et ce produit constitue un élément important de l'industrie agricole du secteur. Cela pose toujours un problème. Il faut établir un équilibre ou aider cette industrie également s'il y a des contrecoups importants. Je comprends la position du député, mais j'estime que nous pouvons faire bien davantage.

+-

    M. Rahim Jaffer (Edmonton--Strathcona, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui pour parler du projet de loi C-47. D'entrée de jeu, j'aimerais dire que je partagerai mon temps avec mon ami et charmant collègue, le député de Medicine Hat.

    Le projet de loi C-47 vise à modifier la Loi sur la taxe d'accise. En premier lieu, je profite de l'occasion pour remercier le chef de mon parti, Stephen Harper, de m'avoir chargé de critiquer le gouvernement en tant que porte-parole de l'opposition en matière de revenu national.

    Comme nous le savons tous, l'Alliance canadienne s'efforce de réduire la taille et la portée du gouvernement fédéral dans le but d'accorder des allégements fiscaux notables aux Canadiens qui travaillent dur. En tant que propriétaire d'une petite entreprise, je connais par expérience les difficultés inhérentes au respect de la réglementation et des calendriers de remise de l'ADRC. J'envisage avec enthousiasme l'idée de représenter des millions de petites et de moyennes entreprises canadiennes qui prospèrent en dépit de l'insatiable appétit du gouvernement fédéral à l'égard des recettes fiscales.

    Le projet de loi C-47 porte sur la taxe d'accise. Bien que je sois contre l'idée que le gouvernement intervienne dans la liberté de choix des Canadiens au moyen du régime fiscal, j'appuierai néanmoins la mesure législative parce qu'elle a été approuvée par les intervenants de l'industrie et parce qu'elle modernise le cadre stratégique de la taxe d'accise sur les vins, les spiritueux et la bière.

    La taxe d'accise de 2001 qui est proposée vise à remplacer la structure d'exécution et de contrôle d'application en vigueur pour les spiritueux, le vin et le tabac, laquelle est vétuste et dépassée, par un régime moderne conforme aux pratiques actuelles. Le projet de loi ne traite pas du taux de la taxe ou des questions de fond, sauf pour ce qui est d'assurer un traitement équitable des produits nationaux et importés.

    Dans le cas du vin, la mesure législative remplace le prélèvement d'accise sur les ventes de vin par un prélèvement à la production. C'est déjà ainsi qu'on procède pour les entreprises de distillation.

    Les changements touchant les spiritueux et les vins sont d'ordre réglementaire et n'ont aucun impact fiscal. Leur but est avant tout de moderniser la façon de prélever la taxe sur ces produits afin que les distillateurs et les négociants en vins jouissent de la plus grande liberté possible quant à leurs méthodes de production et afin que notre régime de taxation soit compétitif à l'échelle internationale.

    Du point de vue de l'industrie, la loi proposée prévoit un processus d'appel et d'évaluation. Auparavant, l'industrie n'avait aucun recours contre le gouvernement si elle croyait subir une injustice.

    La mesure renferme aussi des outils d'application assez musclés pour lutter contre la contrebande de produits. C'est là une disposition fondamentale qui plaît bien à l'industrie.

    Les modifications proposées facilitent l'application des lois existantes et imposent des peines plus sévères en cas de condamnation. Par exemple, la peine maximale pour la production d'alcool de contrebande pourrait atteindre un million de dollars et cinq ans d'emprisonnement pour les déclarations de culpabilité par mise en accusation. Ce sont là des changements appuyés par l'industrie des spiritueux et des vins. Ce projet de loi ne fait aucun perdant, sauf peut-être les producteurs de spiritueux de contrebande.

    C'est le deuxième volet du projet de loi C-47 qui me pose des problèmes. Ce projet de loi cherche aussi à augmenter la taxe d'accise fédérale sur les produits du tabac et à rétablir un taux uniforme de taxe d'accise fédérale sur les cigarettes, lequel se chiffrerait à 6,85 $ la cartouche d'un bout à l'autre du pays. Cette augmentation permettrait, semble-t-il, d'améliorer la santé des Canadiens en luttant contre la consommation de tabac.

    Les taxes d'accise fédérales sur les cigarettes augmenteront de 2,00 $ la cartouche au Québec, de 1,60 $ en Ontario et de 1,50 $ ailleurs au Canada. La taxe d'accise fédérale totale atteindra ainsi 12,35 $ la cartouche. Les recettes fédérales augmenteront d'environ 240 millions de dollars par année grâce à cette hausse de taxe.

    Nous voulons tous que les Canadiens, particulièrement les jeunes, aient un mode de vie plus sain. Réduire la consommation de cigarettes est important à cet égard. Mon objection à cette mesure législative est de nature philosophique et fondée sur le processus. La dernière décennie a prouvé qu'une taxe d'accise élevée sur les cigarettes ne réduisait pas la consommation. Elle ne fait qu'alimenter le marché noir. Le rôle du gouvernement est de fournir aux consommateurs l'information nécessaire pour qu'ils fassent des choix informés. Qu'on ne s'y trompe pas, les gens ont le droit de décider s'ils veulent fumer ou non.

    Je pense que le gouvernement augmente les taux d'imposition uniquement pour accroître ses recettes. C'est la seule augmentation fiscale politiquement correcte à sa disposition et le ministre des Finances n'a jamais trouvé un impôt ou une taxe qu'il n'aimait pas.

  +-(1535)  

    Il y a beaucoup de Canadiens qui s'imaginent que les taxes d'accise sont destinées à des dépenses précises, que toutes les recettes de la taxe sur les cigarettes et l'alcool sont consacrées à la santé et que les recettes de la taxe sur l'essence sont consacrées aux routes. La vérité est que, tandis que les recettes fédérales provenant de la taxe d'accise ont augmenté, les transferts aux provinces au titre de la santé ont diminué.

    Qu'est-ce que les Canadiens vont recevoir en échange de cette ponction fiscale flagrante? Je mets le gouvernement d'en face au défi de nous donner les détails de la manière dont il entend dépenser ces recettes.

    Contrairement à ce que le gouvernement pense, les Canadiens ne sont pas stupides. Cette hausse est de la même nature que la taxe pour la sécurité aéroportuaire. Les libéraux manipulent les Canadiens pour financer leur prochaine campagne électorale. Le gouvernement d'en face ne peut échapper ni à son passé ni à ses antécédents. Le Fonds transitoire pour la création d'emplois, Shawinigan, Groupaction et tout ce qu'a touché Alfonso Gagliano suscitent des doutes dans l'esprit des Canadiens quant au degré de responsabilité des libéraux, à leur sens de l'éthique et à leur prudence financière.

    Une fois de plus, les libéraux entachent d'opportunisme politique une mesure législative utile. Le premier ministre a, dans le passé, nommé au Sénat un Canadien qualifié en même temps qu'un valet du parti. Quant on critique une nomination partisane, les libéraux la défendent en invoquant les qualités du candidat qualifié. Aujourd'hui, ils haussent les taxes sous prétexte d'équité fiscale, et c'est malhonnête. Les libéraux s'y connaissent en politique mais ils sont dénués de tout sens moral.

    J'appuierai le projet de loi car il est dans l'intérêt des industries canadiennes naissantes. Toutefois, avec ce dernier, le gouvernement ajoute un autre chapitre au livre rouge de la honte libérale.

  +-(1540)  

+-

    M. Monte Solberg (Medicine Hat, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui dans le débat sur ce projet de loi. Je veux adopter un angle un peu différent de celui que mon collègue a adopté il y a un instant, mais je suis d'accord avec bien des choses qu'il avait à dire.

    Le gouvernement propose de hausser la taxe d'accise sur les cigarettes parce qu'il croit que l'augmentation du prix des cigarettes qui en résultera influera sur les jeunes, qui ne fumeront donc pas autant. On propose de hausser la taxe d'accise de 2 $, sauf erreur, au Québec, de 1,60 $ en Ontario et de 1,50 $ dans le reste du Canada.

    Je partirai de ce principe. Si le gouvernement croit que hausser les taxes sur les cigarettes découragera un certain genre d'activité, je ferai simplement remarquer que hausser les taxes à d'autres égards décourage également l'activité.

    Par exemple, le gouvernement est en train de hausser le montant des cotisations au RPC. Autrement dit, il hausse les charges sociales. Quel genre d'activité cela décourage-t-il? Cela décourage l'embauche d'employés, car lorsqu'on hausse une taxe, on crée un écart fiscal entre le prix que les employeurs paieraient habituellement pour embaucher des employés et ce qui excède le prix qu'ils seraient disposés à payer. Dans un cas comme celui du RPC, et parfois à cause de l'effet combiné des cotisations au RPC et à l'AE, on en arrive au point où les employeurs disent que les charges sont tout simplement trop onéreuses et qu'ils n'embaucheront pas certains employés.

    Je voulais le faire remarquer, car le gouvernement ne peut pas avoir raison sur les deux tableaux. Il ne peut pas dire que des taxes plus élevées sur les cigarettes dissuaderont les jeunes de fumer, mais que hausser les cotisations au RPC ne dissuaderont pas les employeurs d'embaucher. En fait, le même principe vaut dans les deux cas.

    Le problème ne se limite pas aux cotisations au RPC, loin de là, car, si l'impôt sur le revenu n'augmente pas au Canada en ce moment, il demeure bien plus élevé que dans d'autres pays. Le même principe s'applique. Ni nos impôts sont plus lourds qu'aux États-Unis, par exemple, qui sont notre plus important partenaire commercial, certains vont se dire qu'ils ne peuvent se permettre de faire des affaires au Canada, mais qu'ils ont les moyens de le faire aux États-Unis. Même si les impôts sont légèrement plus faibles qu'aux États-Unis dans certaines régions du Canada, cela ne suffit pas, car les hommes et femmes d'affaires et les investisseurs tiennent compte de la situation globale.

    Le gouvernement a souligné à grands traits que l'impôt sur le revenu des sociétés est légèrement plus faible au Canada qu'aux États-Unis. Ce qu'il oublie, c'est que ceux qui cherchent un lieu où investir veulent avoir accès au marché américain. Jusqu'ici, ils s'intéressaient au Canada parce qu'ils avaient un accès passablement assuré à ce marché. Depuis le 11 septembre, cela a changé. Il faut donc bien plus qu'un impôt légèrement inférieur à celui des États-Unis. Je songe ici à l'impôt des sociétés. Il faut que l'ensemble des impôts soit bien inférieur aux impôts américains si nous voulons exploiter le potentiel de notre pays.

    Je le répète, les mêmes principes s'appliquent toujours, qu'il s'agisse de l'impôt des sociétés, de l'impôt sur le revenu, d'autres impôts ou de la taxe d'accise. Nous ne pouvons augmenter les impôts sans décourager certains types d'activité, et la même chose vaut pour l'impôt sur le revenu, l'impôt sur les gains en capital et l'impôt des sociétés. Il faut que le gouvernement en prenne conscience.

    Je ne puis croire que le gouvernement a pu supporter le fait que le dollar ne vaut que 62 cents et ne pas s'être doté d'une stratégie pour attirer de nouveau les investissements américains et étrangers et garder les investissements déjà faits au Canada. Nous savons qu'il y a un énorme exode de capitaux au Canada actuellement. C'est en partie à cause des impôts élevés. En tant que pays, nous devons avoir une stratégie pour attirer de nouveau des investissements. Pourquoi? Est-ce pour pouvoir dire que nous attirons beaucoup d'investisseurs ou pour que quelques personnes seulement en profitent? Non. Les investissements profitent au pays tout entier.

  +-(1545)  

    Quand les investissements affluent dans un pays, ils peuvent servir à acheter de l'équipement pour accroître la productivité du pays. Des employés talentueux peuvent être embauchés pour hausser le chiffre d'affaires des entreprises, pour fabriquer de nouveaux produits, pour innover et prendre des initiatives. Par la suite, des emplois bien rémunérés peuvent être créés et des nouveaux marchés peuvent être trouvés. Soudainement, plus de gens peuvent être embauchés et la demande de personnel qualifié augmente.

    Si cela se poursuit, le problème du chômage pourrait bientôt être réglé. Il n'y aurait plus trois candidats pour un poste, mais trois postes pour le même candidat. En fin de compte, le pays tout entier en profiterait, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui au Canada.

    Certes, le taux de chômage est relativement faible comparativement à ce qu'il était il y a quelques années, mais il est tout de même tout à fait inacceptable. Des millions de Canadiens n'arrivent pas à trouver un emploi. Si le marché de l'emploi était en nette progression, les entreprises embaucheraient des chômeurs et leur fourniraient de la formation en cours d'emploi afin qu'ils acquièrent les compétences nécessaires à leur réussite. C'est arrivé ailleurs.

    L'économie est encore une fois à la hausse en Alberta. Au cours des quelques dernières années, l'économie albertaine a été tellement florissante que nous avons attiré dans notre province des gens de partout au Canada et même au monde.

    À Brooks en Alberta, où je vis, il y a un abattoir et une industrie pétrolière qui attirent des gens de partout. Bon nombre de gens sont venus du Canada atlantique parce qu'ils ne peuvent trouver d'emploi dans ce coin de pays. Les impôts sont bas en Alberta. Notre environnement est très favorable aux affaires. Les commerces commencent à avoir du mal à trouver des employés. Ils font paraître des offres d'emploi dans les journaux du Canada atlantique.

    Des gens de partout au monde viennent s'installer dans ma petite ville. C'est devenu un endroit étonnant. Cette petite ville autrefois axée sur l'agriculture et l'élevage et habitée par les quelques générations de descendants des gens qui y étaient venus dans les années 1920 est maintenant devenue un endroit très cosmopolite. On y retrouve des gens de partout au monde. Des Asiatiques, des Africains et des Européens de l'Est sont venus s'installer dans notre petite ville parce qu'il est facile d'y trouver de l'emploi en raison de la prospérité engendrée par un climat propice aux commerces.

    Je voulais tout simplement souligner par là la contradiction entre ce que le gouvernement fait au chapitre des taxes d'accise sur les cigarettes et son approche globale à l'égard des impôts. Dans le cas des cigarettes, le gouvernement comprend que le fait d'augmenter les taxes sur les cigarettes peut dissuader les jeunes d'acheter des cigarettes, mais d'un autre côté, il ne semble pas comprendre, ou du moins on ne voit rien de tel dans les budgets, que le fait de réduire les impôts peut inciter les gens à investir au pays. C'est évidemment un problème très sérieux.

    Au fur et à mesure que notre dollar perd de la valeur, de plus en plus de gens comprennent que leur niveau de vie est en danger. Il y a quelques années, le ministre de l'Industrie a souligné que le niveau de vie au Canada était maintenant inférieur à celui d'États comme le Mississipi et l'Alabama, qui sont les plus pauvres des États américains. C'est là une remarque formulée par le ministre de l'Industrie, qui fait partie du gouvernement.

    Il est temps que le gouvernement se réveille et qu'il se penche sur cette sérieuse question qui a maintenant de graves répercussions pour tous les Canadiens. S'il décide d'agir dans ce sens, je peux lui assurer que l'opposition officielle lui accordera son appui.

[Français]

+-

    Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, je suis heureuse de prendre la parole aujourd'hui sur ce projet de loi visant la taxation des spiritueux, du vin et du tabac et le traitement des provisions de bord.

    D'emblée, je veux rappeler que le Bloc québécois est favorable à ce projet de loi. Cependant, j'aimerais attirer l'attention sur un point que le projet de loi ne touche pas, soit celui de la taxation imposée aux petites brasseries régionales du Canada, ce qu'on appelle la taxe d'accise sur la bière.

    On a plusieurs petites brasseries régionales au Québec. Je sais qu'il y en a aussi en Ontario et dans d'autres régions du Canada. On appelle ces petites entreprises des microbrasseries. Je voudrais en nommer quelques-unes que l'on retrouve au Québec: les Brasseurs de la chasse-galerie, à Candiac; les Brasseurs RJ, à Montréal; les Brasseurs du Nord, à Blainville; la Brasserie McAuslan, à Saint-Henri; Unibroue, à Chambly; la Brasserie Saint-Arnould, à Saint-Jovite; et la Seigneuriale, à Boucherville. J'en ai sûrement oublié. Je voulais rappeler qu'on en a plusieurs au Québec.

    Ces gens, par le biais des représentants de l'Association des brasseurs du Canada, ont comparu devant le Comité permanent des finances en octobre dernier. Ils nous ont fait part de la situation difficile à laquelle ces petites brasseries, ces microbrasseries, se heurtent actuellement. Ils ont présenté un solide mémoire et un argumentaire judicieux pour la réduction du droit d'accise à l'endroit des petites brasseries du Canada.

    Je veux rappeler que le ministre du Commerce international et le ministre des Finances ont été approchés. On les a sensibilisés aux problèmes que vivent actuellement les petites brasseries. Les ministres avaient promis de s'occuper de cette situation, mais on n'en a pas entendu parler jusqu'à maintenant. Toutefois, il est important que ce gouvernement se penche sur la situation des microbrasseries. Quand on pense qu'on veut exporter nos produits—on en est fiers—autant ceux du Québec que du Canada, il faut quand même donner à nos producteurs les moyens de développer ces produits.

    Je veux expliquer la situation et le contexte. Dans le contexte de la mondialisation, ces petites entreprises désignées par l'appellation de «microbrasseries» doivent livrer une concurrence à des entreprises étrangères qui bénéficient d'un régime de taxation moins lourd que celui imposé au Canada.

    Dans un marché de plus en plus ouvert, la concurrence ne vient pas nécessairement de l'intérieur, mais plutôt de brasseries établies à l'étranger. Ces entreprises bénéficient souvent d'un traitement fiscal préférentiel, ce qui leur permet d'offrir un produit à un prix plus compétitif. En légiférant, le Parlement canadien ne doit pas ignorer cet état de fait.

    Actuellement, la France, l'Allemagne, la Belgique et notre voisin américain accordent une réduction des droits d'accise à leurs petites brasseries. Le Canada figure au nombre des rares pays industrialisés qui refusent d'accorder ce qu'il est permis d'appeler un privilège, une équité ou encore une parité des droits d'accise pour nos petites brasseries.

    Par exemple, prenons le cas d'une microbrasserie installée au Canada et de sa voisine, aux États-Unis. Au Canada, une brasserie produisant 6,5 millions de litres paie une droit d'accise au fédéral de 28¢ le litre, pour une facture de 1,8 million de dollars.

    Aux États-Unis, à Boston, par exemple, le même entrepreneur aurait déboursé 585 000  $ au lieu de 1,8 million de dollars, soit un droit de 9¢ par litre. On voit qu'au Canada on paie un droit d'accise de 28¢, pendant qu'à Boston on paie un droit d'accise de 9¢.

  +-(1550)  

    Je pense que les chiffres parlent d'eux-mêmes. Pour la même production, il y a un écart de plus de 1,2 million de dollars en taxes. Que feriez-vous, monsieur le Président, si vous aviez à développer une microbrasserie? Ce serait dans votre intérêt d'aller aux États-Unis, car autrement, tous vos profits seraient engloutis. Vous ne pouvez pas vivre avec une telle taxe.

    Voilà pourquoi l'Association des brasseurs du Canada exhorte le gouvernement du Canada à consentir une réduction de 60 p. 100 du taux du droit d'accise sur les premiers 75  000 hectolitres produits par les brasseries canadiennes produisant au maximum 300 000 hectolitres par année. Cette demande reçoit l'approbation des quatre plus importantes brasseries canadiennes membres de l'association. Parlant d'importantes brasseries canadiennes, j'aurais le goût d'en nommer quelques-unes, mais je sais très bien que tout le monde les connaît.

    Faut-il dire qu'à elles seules, les 53 brasseries qui font des remises d'accise versent 19 millions de dollars chaque année. C'est quelque chose. Une étude réalisée en 1995 auprès des brasseries ontariennes démontre que la taxe d'accise est neuf fois plus importante que les profits du secteur, des profits estimés à 2,1 millions de dollars. On verse donc 19 millions en taxes d'accise et les profits ont été estimés, auprès des 53 brasseries, à 2,1 millions. Il y a là quelque chose qui ne marche pas. Les dépenses en droits d'accise sont trop élevées par rapport aux revenus. Quand on fonctionne de cette façon, c'est la faillite. Il faut donc absolument faire quelque chose.

    Il y a également des impacts dans nos régions. Ces petites brasseries se retrouvent un peu partout dans le décors de nos régions. Ce sont de petites entreprises établies dans de petites collectivités qui contribuent largement à leur essor. Elles sont un attrait touristique, ce qui engendre des emplois et, conséquemment, une plus grande richesse.

    Malheureusement, comme je l'ai expliqué tout à l'heure, la situation injuste et intenable à laquelle se heurte cette industrie constitue une véritable menace. Au Québec, il y a à peine trois ans, on dénombrait 19 brasseries artisanales. Nous en sommes maintenant à six. Elles donnent, en taxes d'accise, leurs profits et plus. Ces brasseries se retrouvent souvent acculées à la faillite ou dans des situations précaires. Il nous en reste six sur 19, parce que cinq ont fait faillite, trois ont fermé leurs portes, deux ont été vendues et trois sont en difficultés temporaires.

    La situation commande un redressement. Le gouvernement doit maintenant prendre les décisions qui aideront ces petits entrepreneurs.

    Je parle de ceux du Québec mais je sais, monsieur le Président, que vous êtes un Franco-Ontarien et que vous vivez sûrement la même situation dans vos régions en Ontario. Je parle des Franco-Ontariens, mais également de l'Ontario tout entier, l'Ontario anglophone. Il y a de petites brasseries à propos desquelles je pourrais probablement citer les mêmes chiffres.

    La question se pose. Dans l'état actuel des choses, pourquoi les microbrasseurs devraient-ils continuer d'investir au Canada s'ils ont des avantages énormes à s'installer aux États-Unis? Je citais l'exemple de Boston tout à l'heure. C'est sûr que si j'étais un entrepreneur qui voulait faire des profits, en faisant une étude d'impacts ou de faisabilité, je vois bien que si je reste au Canada, ce n'est pas à mon avantage.

    Pour ces petites entreprises canadiennes, la taxe d'accise représente un fardeau très lourd. Il est donc urgent de modifier le programme de la taxe d'accise.

    Dans d'autres secteurs d'activités, de petites entreprises investissant un million de dollars pour l'achat de terrain, de matériel et d'installations connaissent du succès. Elles embauchent une quinzaine de personnes, ont un chiffre d'affaires de 1,5 à 2 millions de dollars. Elles dégagent des profits et les actionnaires touchent des bénéfices. C'est donc un succès.

  +-(1555)  

    Dans le cas des microbrasseries, le scénario est tout à fait différent. Avec un chiffre d'affaires de 1,5 à 2 millions de dollars, elles arrivent à peine à atteindre le seuil de rentabilité; pas de bénéfice net, mais l'obligation de verser un peu plus de 200 000 $ en taxe d'accise au gouvernement fédéral. Les effets de la taxe d'accise sont implacables. Soyons clairs: les droits d'accise sont plus élevés que les coûts liés à la main-d'oeuvre. Il n'y a pas de logique là-dedans; il n'y a pas de bon sens dans cette histoire de taxe d'accise.

    Le gouvernement doit reconnaître que les petites entreprises au sein de l'industrie brassicole sont distinctes et devraient être taxées en conséquence. Il est le seul actuellement à ne pas reconnaître ce fait. L'indice de la modification demandée est minime par rapport aux revenus engendrés par la taxe générale. L'allégement fiscal proposé ne coûterait que 2 p. 100 du droit d'accise au Trésor. Soulignons que cela concerne un petit secteur à forte main-d'oeuvre, à forte teneur manufacturière où il y a beaucoup d'investissements, un secteur qui joue un rôle vital dans des petites communautés et dans leurs provinces.

    Le régime fiscal actuel, rappelons-le, ne correspond tout simplement pas à la réalité des microentreprises de la bière. Aujourd'hui, toutes les taxes du domaine brassicole représentent 58 p. 100 du prix de vente; les taxes d'accise représentent 16 p. 100 du prix de vente, tandis qu'aux États-Unis, elles ne représentent que 4 p. 100. Les conclusions sont faciles à tirer: une petite brasserie installée au Canada paie quatre fois plus de droits d'accise qu'une autre installée à Boston, aux États-Unis.

    Si on regarde la concurrence au sein de l'Amérique du Nord, le commerce de la bière est important entre le Canada et les États-Unis. Pour qu'il y ait une bonne concurrence, il est impératif que la structure des coûts dans les deux pays soit harmonisée le plus possible.

    D'un côté ou de l'autre de la frontière, les petites brasseries fabriquent des produits spéciaux et se trouvent en concurrence dans le même marché. La situation internationale fait que l'on retrouve aujourd'hui sur les tablettes de tous les commerçants du Canada des bières importées; elles accaparent 8 p. 100 du marché. En général, les importations ont plus que doublé au cours des dix dernières années, tandis que la part de marché des microbrasseurs canadiens n'a presque pas progressé. Elles ne sont pas compétitives, surtout par rapport aux géants des États-Unis.

    Une des raisons veut que les producteurs canadiens—c'est cela la raison—doivent payer près de trois fois plus de taxes que leurs concurrents américains. De leur côté de la frontière, les petites brasseries américaines, du fait de leur fardeau fiscal plus faible, sont celles qui sont le plus en mesure de renforcer leurs activités commerciales, d'ouvrir de nouveaux marchés et de prendre de l'expansion sur notre territoire.

    Il faut mentionner qu'en l'an 2000, le nombre de brasseries américaines dont la production annuelle était inférieure à 75 000 hectolitres et qui exportaient au Canada avait plus que doublé par rapport à 1995, passant de 6 à 14. Il y a quelque chose d'injuste là-dedans. Les Américains peuvent venir doubler leurs entreprises ici, tandis que nous, nous ne pouvons même pas exploiter notre entreprise parce qu'on paie trop de taxe d'accise.

    Il y a maintenant plus de huit ans que le Canada se plaint des Américains qui ne respectent pas les règles de l'ALENA et y vont de mesures protectionnistes pour leurs petites brasseries. L'ALENA permet la libre circulation des biens, mais dans le contexte actuel, c'est catastrophique pour les petites brasseries. Elles ne sont pas capables de se défendre à arme égale avec les petites brasseries américaines.

    L'Accord de libre-échange nord-américain n'est pas en cause; il ne pose pas de problème, si ce n'est que nos voisins ne le respectent pas. Ils appliquent des dispositions fiscales discriminatoires pour favoriser leurs microbrasseurs et, par conséquent, pénaliser les nôtres. On sait qu'ils respectent les règles quand cela fait leur affaire. On le voit dans le bois d'oeuvre; là, ça ne fait pas leur affaire.

  +-(1600)  

    D'ailleurs, les propos que nous tenons aujourd'hui ont déjà été entendus par le ministre du Commerce international, et je l'ai mentionné plus tôt. Le ministre ne voyait pas d'objection à accorder les mêmes privilèges aux petites brasseries canadiennes. Comme je le disais précédemment, personne n'est passé de la parole aux actes. Même le ministre des Finances a été informé de cette situation, mais on attend encore.

    Nos entreprises sont capables de fabriquer des produits extrêmement avantageux par rapport à d'autres. Nos entrepreneurs veulent pouvoir les vendre ou les fabriquer à des prix compétitifs. Cependant, un mauvais système de contributions fiscales ne permet pas de tenir tête à la concurrence étrangère.

    En 1992, le Canada contestait devant les tribunaux le non-respect des accords du GATT, ce qu'on appelle aujourd'hui l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce. Un comité chargé d'analyser la plainte a conclu que l'imposition, par le gouvernement fédéral américain et certains de ses États, d'un droit d'accise plus faible aux producteurs admissibles sur la bière vendue sur le marché intérieur, conjuguée à plusieurs autres pratiques en vigueur dans différents États, n'était pas conforme aux obligations des États-Unis, aux termes du GATT ou de l'OMC, dans la mesure où la bière importée ne recevait pas le meilleur traitement national.

    Dix ans se sont écoulés depuis. Le gouvernement américain a non seulement maintenu ses positions, mais plusieurs États ont mis en place de nouvelles mesures favorisant leurs producteurs. Il s'agit d'une véritable discrimination à l'endroit des exportateurs de bières canadiennes vers les États-Unis.

    En conclusion, il m'apparaît urgent d'agir si nous voulons que le secteur des petites brasseries survive. Une réduction du droit d'accise pour les petites brasseries canadiennes, les microbrasseries, respecterait les politiques adoptées par la majorité des principaux pays producteurs de bière.

    Il y a maintenant plus de huit ans que nos microbrasseurs espèrent obtenir la parité des droits. L'incidence sur les recettes gouvernementales serait minime, mais l'avantage pour le secteur est indéniable. Le gouvernement a le devoir de tout mettre en oeuvre pour assurer le succès des entreprises et des particuliers. La réduction du droit d'accise à l'endroit des petites brasseries du Canada constitue un levier pour favoriser leur croissance. Cela s'inscrit dans une politique visant à améliorer la productivité au pays et le niveau de vie des Québécoises et des Québécois, des Canadiens et des Canadiennes.

    Je termine en sensibilisant de nouveau le ministre des Finances et le ministre du Commerce international pour qu'ils respectent la promesse qu'ils ont faite aux associations de brasseries canadiennes pour abaisser le droit d'accise sur les microbrasseries.

  +-(1605)  

[Traduction]

+-

    M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir dans le débat sur le projet de loi C-47, Loi visant la taxation des spiritueux, du vin et du tabac et le traitement des provisions de bord. Les députés de mon caucus ont déjà discuté des principaux aspects du projet de loi, que nous avons l'intention d'appuyer malgré quelques inquiétudes fort pertinentes. Mon collègue d'Edmonton—Strathcona a parlé de celles qui concernent les dispositions du projet de loi ayant trait à la taxe d'accise sur les produits du tabac et qui auront pour effet d'augmenter les recettes fédérales d'au moins 240 millions de dollars.

    Nous craignons que cela n'entraîne une hausse de la contrebande de produits du tabac et que les 240 millions de dollars n'aboutissent dans le fonds des recettes générales. Nous sommes d'avis qu'une hausse fiscale ciblée comme celle-là, qui vise un résultat sur le plan social, par exemple, réduire le tabagisme chez les jeunes, devrait être compensée par une baisse des autres taux d'imposition généraux. Agir autrement, c'est refuser d'admettre que le Canada continue d'imposer un fardeau fiscal extraordinairement lourd, qui nuit à nos entrepreneurs et nos industries, et qui réduit le montant disponible pour investir dans la création d'emplois. Je partage ces inquiétudes avec d'autres députés de mon caucus.

    Je voudrais prendre le plus clair du temps dont je dispose pour appuyer le député qui vient de soulever un sujet pertinent dont le projet de loi ne traite guère, c'est-à-dire le traitement des microbrasseries, qui sont un élément important de l'industrie canadienne. Le projet de loi était le moyen parfait pour remédier à l'iniquité de l'imposition des microbrasseries. D'ailleurs, le gouvernement, ainsi que le Comité des finances de la Chambre des communes, a entendu les représentants de l'Association des brasseurs du Canada qui lui ont demandé de rectifier l'application discriminatoire de la taxe d'accise à ces brasseries très petites, de style entrepreneur et artisan.

    En octobre dernier, le Comité des finances de la Chambre des communes a entendu les représentants de l'Association des brasseurs du Canada, qui ont recommandé, d'une façon très convaincante, que le gouvernement réduise de 60 p. 100 la taxe d'accise sur les premiers 75 000 hectolitres de production des microbrasseries, que l'association décrit comme celles qui ont une production inférieure à 300 000 hectolitres par an.

    Les petites brasseries, c'est-à-dire les 53 brasseries canadiennes qui produisent moins de 300 000 hectolitres de bière par année, paient actuellement 19 millions de dollars par année en taxe d'accise fédérale. C'est neuf fois plus que les 2,1 millions de profits déclarés par l'ensemble de ces sociétés. Autrement dit, le gouvernement fédéral prélève auprès de ces entrepreneurs en difficulté près de dix fois le montant des profits qu'ils réussissent à conserver et à réinvestir dans leurs entreprises afin de procéder aux immobilisations nécessaires à la poursuite de leurs activités. L'industrie des microbrasseries au Canada se trouve donc dans une situation précaire.

    Plusieurs provinces ont déjà pris des mesures. La Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan, le Manitoba, l'Ontario, le Québec, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve ont toutes réduit le taux de leur taxe d'accise provinciale applicable aux microbrasseries. Elles ont, en cela, suivi l'exemple d'autres pays et de certains de nos principaux concurrents économiques aux États-Unis.

  +-(1610)  

    Quelque 21 millions d'hectolitres de bière sont vendus et consommés chaque année au Canada. Or, seulement 3,4 p. 100 de cette énorme quantité de bière, dont j'admets avoir moi-même consommé une faible partie, est produite par les petites brasseries, celles qui produisent moins de 300 000 hectolitres de bière par année. Cela nous donne une idée de la faible part du marché qu'elles détiennent.

    Je suis un partisan des microbrasseries. Je suis d'ailleurs un fervent partisan de ce qui est, selon moi, la meilleure des microbrasseries canadiennes et même la meilleure brasserie tout court, la société Big Rock, qui se trouve dans ma circonscription. Elle produit des bières remarquables comme la Traditional Ale, la Grasshöpper Wheat Ale, la Warthog Cream Ale, et ma bière préférée, la stout de McNally. La qualité de ces produits est reconnue à la grandeur du Canada. Cette microbrasserie, qui a d'ailleurs gagné un prix, a été fondée par le distingué juriste de Calgary, Ed McNally, et elle est prospère en dépit du régime fiscal discriminatoire auquel elle est soumise.

    Fait intéressant, les quatre sociétés qui produisent 93 p. 100 de la bière vendue au Canada sont d'accord pour que le gouvernement applique une taxe plus faible aux petites brasseries. Ces grandes brasseries ne se sentent pas menacées par les microbrasseries. Elles considèrent d'ailleurs les microbrasseries comme Big Rock, dans ma circonscription, et Unibroue, à Chambly, au Québec, comme une occasion d'accroître leur part du marché puisque ces microbrasseries contribuent à accroître la consommation de bière. Les grandes brasseries ne craignent pas la concurrence des microbrasseries et elles jugent discriminatoire l'application d'une taxe d'accise uniforme aux brasseries de toutes tailles.

    Les recettes totales du gouvernement qui proviennent du droit d'accise sur la bière s'élèvent actuellement à quelque 580 millions de dollars. Si le gouvernement adoptait les recommandations de l'Association des brasseurs du Canada, en considérant que l'association ne compte que pour 3,5 p. 100 de la fabrication de ce produit et paie une taxe d'accise d'environ 19 millions de dollars par année, la réduction ne représenterait que 2 p. 100 des recettes totales du gouvernement fédéral qui proviennent du droit et de la taxe d'accise sur la bière. Une réduction de 60 p. 100 du taux d'accise payé par les petits brasseurs sur les 75 000 premiers hectolitres ne représenterait qu'une diminution minime des recettes gouvernementales. Comme le souligne l'association des brasseurs, « les conséquences ne seraient pas plus graves que l'effet, sur le marché, de mauvaises conditions atmosphériques en été.» Elles ne se répercuteraient pas beaucoup sur le Trésor fédéral.

    Si nous autorisions ces brasseries à récolter de légers bénéfices et à les réinvestir, elles pourraient accroître leur part du marché et leurs exportations. Même si le taux du droit d'accise était moins élevé, le Trésor fédéral verrait une augmentation du montant total payé par les entreprises. Les recettes totales provenant de la taxe d'accise imposée aux microbrasseries augmenteraient à un taux moins élevé, étant donné qu'elles seraient incitées à effectuer de nouveaux investissements et à accroître la production et la consommation.

    Je vais illustrer l'ampleur de la taxe et parler des conséquences qu'elle aurait pour les petits brasseurs. La taxe d'accise est la taxe fédérale la plus élevée que paie l'industrie brassicole. C'est le coût le plus élevé que supportent les microbrasseurs. Elle s'élève actuellement à 27,98 $ l'hectolitre. Ainsi, le droit d'accise équivaut au coût moyen de l'exploitation d'une petite brasserie. On estime que ce coût s'élève à quelque 30 $ l'hectolitre et que les coûts directs de la main-d'oeuvre se situent à environ 27 $ l'hectolitre. Par conséquent, la taxe d'accise, qui ne tient pas compte des bénéfices et qui est imposée et prélevée même si une brasserie a des difficultés financières, équivaut au coût total de l'exploitation d'une petite brasserie au Canada.

  +-(1615)  

    Une étude de référence menée en 1995 par l'association des brasseurs de l'Ontario a révélé que les taxes représentaient la plus importante catégorie de coûts et équivalaient au total des coûts de production, y compris le coût des matières premières. L'étude révélait que le fardeau fiscal était extrêmement élevé, en particulier si l'on tient compte du fait que les microbrasseurs sont effectivement de petites entreprises souvent en concurrence avec de grandes entreprises.

    La plupart des entreprises examinées dans le cadre de l'étude perdent de l'argent. Par rapport au seuil de rentabilité habituel, le rendement par hectolitre a été inférieur de 17 $. Les sociétés en question produisent un excellent produit, elles travaillent fort et elles sont dynamiques. Malgré cela, elles ne réussissent pas à générer des bénéfices. Voilà pourquoi bon nombre d'entre elles font faillite. Il y a un fort taux de faillite dans le secteur des microbrasseries au Canada.

    Selon les conclusions de l'étude, la taxe d'accise fédérale désavantage beaucoup les microbrasseries par rapport aux autres petites entreprises au Canada. La Loi de l'impôt sur le revenu prévoit pour les petites entreprises un taux préférentiel inférieur par rapport à celui des grandes entreprises. On ne s'attend pas à ce qu'une petite épicerie familiale de quartier dont les immobilisations atteignent quelques centaines de milliers de dollars puisse être concurrentielle tout en étant assujettie au même taux d'imposition que les marchés d'alimentation Safeway ou Loblaws. C'est impossible parce ses économies d'échelle sont plus petites, et ses coûts, plus élevés. Voilà pourquoi, à mon avis, tous les partis à cet endroit appuient le principe d'un taux d'imposition moins élevé pour les petites entreprises.

    L'Association des brasseurs demande simplement qu'on applique la même logique à l'industrie brassicole. On pourrait ainsi reconnaître que les coûts de production des microbrasseries de petite envergure sont beaucoup plus élevés que ceux d'entreprises comme Labatt ou Molson, qui réalisent des bénéfices, possèdent de nombreuses usines partout au Canada, profitent d'économies d'échelle énormes et ont d'excellentes immobilisations. Ces grandes entreprises ont les moyens de payer une taxe d'accise plus élevée. D'ailleurs, elles ont appuyé l'idée d'un taux différentiel.

    La compétitivité à l'échelle internationale est un autre facteur important. Les États-Unis imposent une taxe d'accise fédérale beaucoup moins élevée sur les produits des microbrasseries. Ils perçoivent seulement 9,35 $ par hectolitre pour les produits vendus aux États-Unis, alors qu'au Canada, cette taxe est de 24,06 $. Lorsque la brasserie Big Rock, dans ma circonscription, la brasserie Granville Island de Vancouver ou la brasserie de Chambly au Québec essaient d'exporter leurs produits aux États-Unis, elles sont désavantagées sur le plan des coûts, et ce désavantage est de l'ordre de 146 p. 100 à cause de la différence entre les taux des taxes d'accise fédérales. Cela signifie que nous ne réussirons jamais à pénétrer le marché américain avec nos produits de qualité supérieure comme nous le devrions.

    La question a été soulevée devant le groupe spécial du GATT. En 1992, le Canada s'est plaint devant ce groupe des dispositions de l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce. Le groupe a répondu que les États-Unis enfreignaient les règles régissant le libre-échange en refusant de traiter les produits de nos microbrasseurs au même titre que ceux de leurs microbrasseurs en matière de taxes d'accise.

    Les États-Unis n'ont cependant pas rectifié leur tir. La plupart des pays de l'Union européenne ont adopté des taux de taxes d'accise distincts et moins élevés pour la production de leurs microbrasseries, en dépit des contestations dont l'Union européenne a fait l'objet. Ils ont officiellement opté pour ce taux différentiel, ce qui rend difficile aux microbrasseurs canadiens de vendre leur produit en Union européenne.

  +-(1620)  

    Paradoxalement, l'adoption de la proposition formulée par l'Association des brasseurs du Canada permettrait de ramener de 16,30 $ à 1,26 $ de l'hectolitre l'écart entre la taxe payée par les brasseurs canadiens et celle payée par leurs concurrents américains de taille équivalente, soit à un taux de 11 p. 100 par rapport au taux de 146 p. 100 que j'ai cité tout à l'heure. La proposition de l'Association des brasseurs du Canada ne nous alignerait pas nécessairement sur le taux de la taxe d'accise pratiqué aux États-Unis. Elle nous permettrait simplement de nous en approcher, afin que les brasseurs canadiens puissent vendre des quantités plus importantes de leur production sur ce marché, sans être lourdement pénalisés par le Canada.

    Le Canada importe aujourd'hui des produits de microbrasseries provenant de quelque 95 brasseries différentes dans le monde. Près de 60 p. 100 de ces brasseries bénéficient dans leur pays d'un taux de taxe d'accise favorable. Nous désavantageons nos brasseurs par rapport à leurs concurrents. Les contestations faites à ce jour n'ont pas débouché sur l'application à nos produits vendus dans ces pays du même traitement réservé à leurs produits nationaux. Il ne nous reste qu'une solution, et c'est d'imiter les Américains et les Européens. Nous devons appliquer un autre taux plus faible à nos microbrasseurs.

    Voici un extrait du mémoire présenté au Comité des finances de la Chambre des communes par l'Association des brasseurs du Canada:

Au fil des ans, d'autres pays ayant négligé d'adopter des politiques respectueuses des règles du commerce, l'industrie en a conclu qu'il ne peut y avoir de neutralité concurrentielle dans son petit segment du marché que grâce à l'adoption d'une mesure fiscale ayant été acceptée à l'échelle internationale comme moyen d'appuyer les petits brasseurs.

    L'opposition officielle exhorte le gouvernement à s'occuper d'urgence de cette question de la façon la plus vigoureuse possible. Il n'existe pas de politique ou de raison fiscale valable pour laquelle la recommandation de l'Association des brasseurs ne pourrait pas être acceptée avec toute la célérité voulue afin que l'industrie du microbrassage au Canada, une importante industrie naissante à valeur ajoutée, puisse survivre et prospérer au pays et à l'étranger.

    Je le répète, notre parti se joint à l'Association des brasseurs pour recommander que le gouvernement réduise de 60 p. 100 les droits sur les 75 000 premiers hectolitres de production des brasseurs ne produisant pas plus de 300 000 hectolitres par année. Une réduction des droits d'accise frappant les petits brasseurs au Canada cadrerait avec les politiques adoptées par de grands pays producteurs de bière comme les États-Unis, la Belgique, l'Autriche, le Danemark, l'Allemagne et la République tchèque. Les pays consentant cet avantage représentent environ un tiers de la production mondiale de bière. La réduction aurait une incidence minime sur les recette du gouvernement, mais elle présenterait un avantage important pour les petits brasseurs.

    Il existe une raison précise pour laquelle l'Association des brasseurs du Canada a fixé la réduction à 60 p. 100. Une étude de 1994 a révélé que, au Canada, les petites brasseries moyennes accusaient un retard de 16,89 $ l'hectolitre pour ce qui est de l'argent qu'elles auraient dû réinvestir afin d'acquérir de nouvelles immobilisations. L'étude a révélé qu'une réduction de 60 p. 100 de la taxe d'accise frappant ces brasseries redonnerait environ 16,80 $ au secteur.

    Il y a ici une symétrie claire. La réduction de la taxe d'accise ne constituerait pas une concession à l'industrie. Elle permettrait à de petites brasseries en difficulté de faire juste assez de bénéfices pour investir dans des immobilisations indispensables à leur maintien et à leur croissance dans l'avenir. Cette mesure créerait des milliers de nouveaux emplois. Elle pourrait se traduire par des centaines de millions de dollars de recettes pour le Trésor fédéral. Elle aiderait notre pays à devenir plus orienté vers les exportations au sein de cette importante industrie.

    J'espère que le gouvernement en tiendra compte et présentera sous peu une mesure législative aux fins de l'adoption des recommandations présentées au Comité des finances.

*   *   *

  +-(1625)  

+-Les Travaux de la Chambre

[ Travaux de la chambre]
+-

    M. Geoff Regan (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, il y a eu consultation entre les partis et je crois que vous constaterez qu'il y a unanimité au sujet de la motion suivante de propose:

    Que le débat d'urgence d'aujourd'hui se poursuive jusqu'à ce qu'aucun député ne prenne la parole, pourvu que, après 22 heures, le Président ne reçoive ni appel de quorum, ni motion dilatoire, ni demande de consentement unanime en vue de proposer une motion.

+-

    Le président suppléant (M. Bélair): Y a-t-il consentement unanime?

    Des voix: D'accord.

    (La motion est adoptée.)

*   *   *

+-Loi de 2001 sur l'accise

[Initiatives ministérielles]

    La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-47, Loi visant la taxation des spiritueux, du vin et du tabac et le traitement de provisions de bord, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

+-

    Le président suppléant (M. Bélair): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

    Des voix: Le vote.

    Le président suppléant (M. Bélair): Le vote porte sur la motion. Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

    Des voix: D'accord.

    Des voix: Non.

    Une voix: Avec dissidence.

    Le président suppléant (M. Bélair): Je déclare la motion adoptée. Le projet de loi est donc renvoyé au Comité permanent des finances.

    (La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la deuxième fois, est renvoyé à un comité.)

*   *   *

+-Loi sur les produits antiparasitaires

    La Chambre reprend l'étude, interrompu le 8 avril, de la motion: Que le projet de loi C-53, Loi visant à protéger la santé et la sécurité humaines et l'environnement en réglementant les produits uitlisés pour la lutte antiparasitaire, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

+-

    L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, permettez-moi tout d'abord de remercier la ministre de la Santé pour son discours d'hier et particulièrement pour ce qu'elle a dit au départ:

[...] la réglementation fédérale des produits utilisés pour la lutte antiparasitaire vise à protéger les Canadiens et leur environnement des risques associés aux pesticides.

    Elle a ajouté:

Le nouveau projet de Loi sur les produits antiparasitaires conférerait aux enfants et autres groupes vulnérables du Canada une protection particulière contre les dangers que présentent pour la santé les produits antiparasitaires. Pour ce faire, il inclurait dans la loi l'obligation de tenir compte des principes modernes d'évaluation des risques...

    Elle a aussi dit:

Il est important de se rappeler pourquoi on réglemente l'usage des pesticides. On fait cela pour diverses raisons, dont celles-ci: certains pesticides peuvent poser un danger pour les gens et l'environnement, bon nombre d'entre eux sont libérés dans l'environnement, nous sommes exposés involontairement à de nombreuses pesticides et il est généralement difficile de réparer les dommages causés par eux.

L'exposition de l'homme à ces substances peut se produire lorsqu'on utilise les pesticides en agriculture, en foresterie et pour l'entretien des pelouses et des terrains de golf. Les gens peuvent alors être exposés involontairement à ces produits répandus dans l'environnement. De plus, comme les pesticides sont souvent utilisés pour protéger les récoltes et le bétail, l'homme peut être exposé involontairement aux résidus qui se trouvent dans la nourriture qu'il absorbe.

    Le moins qu'on puisse dire, c'est que le projet de loi se fait attendre depuis longtemps. Il modifie une loi adoptée en 1969. Il est donc vraiment le bienvenu, il est tout à fait nécessaire et il est fortement apprécié par tous ceux qui s'inquiètent de la santé publique qui est affectée par les pesticides.

    Avant de parler des avantages et des désavantages du projet de loi, il semble souhaitable de parler brièvement de son titre. Le titre officiel est: «Loi visant à protéger la santé et la sécurité humaines et l'environnement en réglementant les produits utilisés pour la lutte antiparasitaire». Cependant, le titre abrégé du projet de loi est le même que celui de la loi qu'il est censé remplacer, à savoir «Loi sur les produits antiparasitaires».

    Il me semble que le fait d'utiliser l'ancien titre, Loi sur les produits antiparasitaires, revient à adopter un titre fondé sur l'industrie et non sur l'intérêt public comme le titre intégral le laisse entendre. Si l'objectif du projet de loi est vraiment de protéger la santé et le bien-être humains, il faut alors corriger cette contradiction dans les titres.

    Un titre abrégé approprié pourrait être: «Loi sur l'utilisation des pesticides» ou «Loi sur les substances dangereuses utilisées pour la lutte antiparasitaire» ou simplement, «Loi sur l'homologation des pesticides». Au lieu de cela, on propose un titre abrégé mettant l'accent sur les produits antiparasitaires et ainsi, cela sonne bien à l'oreille des consommateurs. Après tout, qui pourrait être contre la lutte antiparasitaire? Pour conclure, je tiens à dire que le titre intégral est bon, mais que le titre abrégé laisse beaucoup à désirer.

    Le projet de loi C-53 est en gestation depuis quelque temps. Dans son rapport sur les pesticides, le Comité permanent de l'environnement et du développement durable a formulé une foule de recommandations, dont quelques-unes semblent être passées inaperçues. J'en mentionnerai certaines dans un instant, mais je voudrais d'abord dire quelques mots des aspects nouveaux et positifs du projet de loi à l'étude.

    Premièrement, comme l'ont déjà dit d'autres députés, la santé et l'environnement sont maintenant les principes de base du projet de loi.

    Deuxièmement, en évaluant les risques des pesticides pour la santé et l'environnement, le ministre doit maintenant appliquer des marges de sécurité adéquates pour les femmes enceintes, les bébés, les enfants, les femmes et les personnes âgées. De plus, les marges de sécurité seront dix fois plus élevées qu'elles ne le sont aujourd'hui si un produit doit être utilisé à proximité de maisons ou d'écoles.

    Troisièmement, lors de la détermination des limites maximales de résidus dans les aliments, la loi impose d'appliquer un facteur de sécurité additionnel de 10.

  +-(1630)  

    La loi imposera l'application de marges de sécurité appropriées pour assurer la sécurité des femmes enceintes, des bébés, des enfants, des femmes et des personnes âgées. Elle imposera la mise en oeuvre de politiques gouvernementales conformes à la politique de gestion des substances toxiques, qui, me dit-on, comprend les substances toxiques de voie 1 aux termes de la LCPE. Enfin, elle imposera l'application d'une telle politique gouvernementale selon les dispositions des paragraphes 7(8) et 19(3).

    Quatrièmement, les produits antiparasitaires doivent maintenant satisfaire aux exigences du Système d'information sur les matières dangereuses utilisées au travail. Cet ajout fait suite à de nombreuses interventions, y compris celle du député de Ottawa-Ouest au comité,

    Cinquièmement, il y a une application très limitée du principe de précaution. Par exemple, le ministre peut annuler ou modifier l'homologation d'un produit antiparasitaire, dans le cadre d'une réévaluation ou d'un examen spécial, s'il est fondé à croire que c'est nécessaire pour affronter une situation pouvant mettre en danger la santé ou la sécurité d'êtres humains ou de l'environnement.

    Sixièmement, le projet de loi prévoit la réévaluation des pesticides existants tous les 15 ans, norme inférieure aux recommandations du comité qui, si ma mémoire est bonne, préconisait cela d'ici 2006, L'examen spécial sera obligatoire pour tout pesticide interdit ou soumis à des restrictions par un pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, dont le siège est à Paris.

    Ces caractéristiques positives témoignent du fait que le gouvernement reconnaît que les pesticides--appelés par euphémisme «produits antiparasitaires»--sont des substances hautement dangereuses qui devraient être utilisées peu et avec beaucoup de soin. Autrement, comment expliquer le symbole de la tête de mort utilisé pour identifier la plupart des pesticides, même si le caractère alarmant de ce symbole est atténué par les campagnes publicitaires intensives des fabricants de pesticides qui tentent de persuader le public que ces produits sont inoffensifs? Par exemple, on ne voit jamais le mot de pesticide dans les annonces faisant la promotion des moyens d'embellir les pelouses. On nous sert plutôt de belles images bucoliques de verdure, d'enfants en train de jouer et d'animaux domestiques se vautrant dans une mer de brins d'herbe parfaitement uniformes.

    Il faut également noter que dans ses tentatives de domination du marché, l'industrie évite le mot de pesticides, utilisant plutôt des formules intrigantes à connotation scientifique comme 2,4-D ou d'autres abréviations fantaisistes destinées à rassurer le consommateur éventuel de produits chimiques au sujet de l'utilisation de pesticides autour de la maison. Heureusement, les municipalités ne se sont pas laissées prendre par les campagnes de relations publiques de l'industrie. Aujourd'hui, plus de 30 d'entre elles ont interdit l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques sur les terrains privés et, dans certains cas, sur les terrains publics.

    Tout cela survient après de longues batailles juridiques qui ont atteint leur apogée en juin dernier quand la Cour suprême du Canada a tapé sur les doigts de l'industrie des pesticides et lui a servi une leçon en matière de droit constitutionnel. La Cour a déclaré que les municipalités avaient bel et bien le pouvoir d'interdire l'utilisation esthétique des pesticides et que les administrations municipales pouvaient et devaient servir l'intérêt public.

    Avant de terminer sur cette question, j'aimerais rendre un chaleureux hommage à la députée de Notre-Dame-de-Grâce--Lachine pour avoir présenté un projet de loi visant à interdire l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques. Cette mesure législative a été adoptée à l'unanimité au dernier congrès du Parti libéral du Canada. Malheureusement, le projet de loi C-53 ne fait aucune mention de l'utilisation des pesticides à des fins esthétiques. C'est une lacune qui bien sûr doit être corrigée lors de l'étude en comité, au moyen d'amendements appropriés.

  +-(1635)  

    Le projet de loi C-53 comporte d'autres failles sérieuses qui j'aimerais porter à l'attention de la Chambre.

    Aucun mandat ou obligation n'ont été conférés en vertu de la loi à l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, ce qui en fait un élément plutôt unique dans l'appareil gouvernemental.

    Comme on n'a pas inclus le principe de substitution, il n'y a aucune exigence pour révoquer l'agrément des pesticides plus anciens, une fois de nouveaux produits plus sécuritaires enregistrés et mis sur le marché.

    Il y a une application très restreinte du principe de précaution. Pourquoi s'applique-t-il uniquement à l'étape de la consultation ou de l'amendement de l'enregistrement d'un pesticide et non dès le début du processus, notamment quand on prend la décision de l'enregistrer ou de ne pas l'enregistrer? Voilà la question. Il serait fort sensé d'appliquer le principe de précaution de façon intégrale comme cela a été proposé hier, si je m'en souviens bien, par le député de Rosemont--Petite-Patrie.

    Il n'y a pas de définition acceptable ou inacceptable de la notion de risque et cela pose un très sérieux problème sur lequel il faut attirer l'attention des députés.

    Il n'y a aucune exigence pour prendre en compte l'exposition globale et l'exposition cumulative lors de l'enregistrement d'un produit. À maintes reprises, les témoins qui ont comparu devant le comité ont signalé cet état de fait, notamment l'Institut canadien de la santé infantile et d'autres organisations qui se préoccupent de la santé des enfants.

    Il n'y a pas de place pour les constatations scientifiques indépendantes, qui pourraient être suivies d'une rétroaction obligatoire. Soyons réalistes. Les consultations et les observations publiques concernant les décisions qui sont prises ont des répercussions limitées. Il faut faire plus dans l'intérêt de la population.

    Il y a la question de ce qui constitue des renseignements commerciaux confidentiels et, sur ce plan, le projet de loi n'a pas changé par rapport à la loi de 1969. Il me semble qu'il y a sûrement des situations où le bien public est plus important que des renseignements commerciaux confidentiels -- ou est-ce que je vis sur une autre planète?

    Une autre lacune du projet de loi est le fait qu'il se concentre uniquement sur les ingrédients actifs d'un pesticide, plutôt que sur les ingrédients qui peuvent poser un danger pour la santé humaine et pour l'environnement, même s'ils ne sont pas nécessairement actifs.

    Enfin, et ce pourrait être une exigence budgétaire, et non nécessairement une exigence législative, le Comité permanent de l'environnement et du développement durable a aussi cerné le besoin de meilleures statistiques sur les ventes ou sur d'autres aspects concernant les pesticides. Cela constitue certainement un défi important pour Statistique Canada.

    Comme d'autres l'ont souligné avant moi, le projet de loi C-53 représente certainement une amélioration par rapport à la loi de 1969. Il doit cependant être plus vigoureux et assurer un environnement sûr et sain aux Canadiens. Le projet de loi s'intéresse trop aux produits, ainsi qu'à leur gestion et à leur réglementation, et pas suffisamment à la réduction de l'usage des pesticides et des risques qu'ils posent. C'est, en gros, l'évaluation que je fais du projet de loi.

    J'espère sincèrement que certains de mes collègues au sein du Comité de la santé pourront traiter de ces lacunes et amender le projet de loi, ce qui est très possible à l'étape du comité, comme les députés présents ont déjà pu le constater.

  +-(1640)  

    En conclusion, il me semble que la population canadienne est en droit de s'attendre à une loi qui reconnaîtra la préséance entière et inconditionnelle de la santé humaine et de l'environnement sur les pesticides et les puissants intérêts industriels derrière ces produits.

+-

    M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec grand intérêt ce que mon collègue avait à dire. Il a fait référence à la décision judiciaire qui a permis aux municipalités de réglementer ce qu'on appelle l'usage de pesticides à des fins esthétiques et d'autres produits utilisés sur les pelouses. J'ai moi-même beaucoup réfléchi à la question. D'une part, les municipalités ont les compétences voulues pour appliquer les règlements en la matière. Il serait très difficile, par exemple, à une autorité fédérale d'appliquer un règlement dans le centre-ville de Peterborough.

    Par ailleurs, comme il existe des milliers de municipalités, il pourrait s'écouler beaucoup de temps avant que les responsables ne décident de passer aux actes, comme l'a fait le Québec entre autres.

    Comment pourrions-nous introduire, dans une mesure législative de ce type, des dispositions qui permettraient d'obtenir les résultats dont parlait le député? Je suppose que l'on pourrait avoir recours à des moyens comme la publicité, l'éducation du public et même l'attribution des pouvoirs nécessaires pour permettre à un ministère fédéral d'agir. Mon collègue a-t-il réfléchi aux moyens pratiques d'intégrer cet aspect dans la nouvelle loi?

  +-(1645)  

+-

    L'hon. Charles Caccia: Monsieur le Président, le député a raison de dire que le gouvernement du Québec a adopté une loi qui permet à toutes les municipalités d'interdire l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques. Certaines municipalités d'autres provinces ont aussi pris des mesures semblables. Leur décision a été contestée en Cour suprême, où elles ont cependant eu gain de cause.

    Mais l'aspect le plus important est le suivant. Le comité a recommandé au gouvernement fédéral d'éliminer graduellement les pesticides mis sur le marché pour être utilisés à des fins exclusivement esthétiques. Nous avons prévu une échéance de cinq ans. Je crois que le député de Lachine a fait la même chose. L'utilisation de ces pesticides serait graduellement éliminée conformément à une décision du gouvernement fédéral, qui est responsable de l'enregistrement des produits. Il est entièrement du ressort du gouvernement fédéral de décider quel produit peut ou ne peut pas être commercialisé. Autrement, il faudrait s'en remettre à la bonne volonté des provinces ou à la volonté politique des municipalités d'agir de leur propre initiative.

    Quant à la suggestion finale d'avoir recours à un programme d'éducation publique, je crois que c'est une excellente idée. Je rappelle cependant au député que les fabricants de pesticides utilisés à des fins esthétiques diffusent beaucoup de publicité qui montre de magnifiques pelouses d'un vert uniforme où gambadent joyeusement nos animaux de compagnie. Face à pareille concurrence, nous aurions beaucoup à faire pour sensibiliser le public.

+-

    M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt mon savant collègue ainsi que les questions du député de Peterborough. J'ai plus de 50 ans d'expérience en matière d'utilisation des pesticides, des insecticides, des herbicides et autres. Je suis conscient du fait que la loi de 1969 avait besoin d'être mise à jour. Toutefois, je suggère à la Chambre et à la ministre de la Santé que pour rendre le projet de loi efficace et plus attrayant, et pour qu'il soit plus facile de contrôler et de réglementer les pesticides, il faut un programme favorisant une plus grande coopération entre les provinces, les municipalités et les particuliers.

    Pendant que mon savant collègue parlait, je n'ai pu m'empêcher de penser à une époque dont beaucoup ne se souviennent pas: l'invasion de sauterelles dans l'ouest du Canada. Les hordes de sauterelles obscurcissaient le soleil. Pour essayer de les éliminer, on a fait venir des camions entiers de sciure. Je ne sais pas avec quoi on l'avait mélangée, mais quand j'étais petit, j'en faisais l'épandage. Ça faisait trois fois rien. Ça n'était d'aucune utilité contre les sauterelles.

    En fonction de la température et de l'ensoleillement, une situation similaire à celle des années 1930 pourrait se reproduire et toucher des millions d'acres dans l'ouest du Canada. Une fois, nous avons utilisé un produit appelé dieldrine qui se vaporisait et qui tuait vraiment les sauterelles, mais il était très dur pour les gens qui s'en servaient. C'était un insecticide très dangereux.

    Il se pourrait fort q'un jour nous soyons à court de pesticide dans l'ouest et dans l'est du Canada si jamais la population de sauterelles explosait en un seul week-end, les conditions étant favorables à l'éclosion des oeufs. Par conséquent, dans les régions qui sont les plus polluées par les sauterelles en ce moment et qui sont cultivées, les récoltes pourraient être ravagées si on n'avait pas suffisamment d'insecticide. Il n'y a pas eu de récolte dans l'Ouest ces deux ou trois dernières années. J'ai vécu cela dans les années 60 et pendant une partie des années 70.

    Quand je parle de coopération, je sais ce que ça veut dire. Je sais ce que nous devons faire et je sais qu'il faut faire beaucoup de porte-à-porte pour que le projet de loi soit efficace. J'ai vu des enfants que les insecticides vaporisés ont rendus malades. J'ai même vu des animaux, des animaux familiers, qui couraient à côté du tracteur et du pulvérisateur et que le produit a rendus malades.

    Nous nous emballons tellement parfois que nous commettons des erreurs. Par exemple, la région même qui est menacée par une énorme infestation de sauterelles, dans l'ouest de la Saskatchewan et en Alberta, est aussi infestée par le spermophile de Richardson ou saccophore. Nous pouvons maintenant obtenir le bon pourcentage de pesticide et l'agriculteur doit venir faire vaporiser son avoine ou son grain. Je ne suis pas forcément contre.

    Toutefois, qu'est-il arrivé au gars qui a inventé l'exterminateur de saccophores? Cet appareil employait le même gaz que les agriculteurs utilisaient pour la fertilisation des sols. Une seule dose par trou suffisait à contenir la multiplication des saccophores sans les faire souffrir. Toutefois, les défenseurs des droits des animaux n'ont pas vu que cela non seulement constituait un engrais précieux, mais encore un excellent pesticide. Le produit en question est désormais considéré comme toxique. Je me demande si nous ne faisons pas très souvent fausse route.

    Je voudrais citer un autre incident qu'on ne laisserait pas se reproduire aujourd'hui et qui prouve à quel point nous avons accompli des progrès.

  +-(1650)  

    Un organisme confessionnel de la ville avait acheté trois lots supplémentaires qui avaient déjà servi à l'entreposage et à la livraison de gaz propane. Il existait alors sur le marché un herbicide vendu sous le nom générique de Spike. Ce produit servait surtout autour des silos-élévateurs pour éviter que les incendies de prairies ne s'en approchent trop. Cependant, personne n'avait adéquatement testé ce produit. Voici quelques exemples. J'avais décidé de planter des arbres autour du lot en question, mais avant de le faire, j'ai remarqué que rien ne poussait à cet endroit. J'ai prélevé un échantillon de sol et ceux qui l'ont analysé m'ont dit que rien ne pousserait dans cette terre pendant au moins 25 à 30 ans, et peut-être même à tout jamais.

    Une des écoles dont j'étais responsable a fait construire un terrain de football avec une piste autour. Les travailleurs ont utilisé ce Spike dans l'espace visé, ce qui était une bonne décision en soi, mais il a plu abondamment entre-temps et la quantité de produit était si importante qu'il s'est dilué, s'est répandu et a détruit deux énormes pins qui se trouvaient en bordure du lot. Nous avons fait bien des progrès, mais, à certains égards, nous n'avons pas progressé suffisamment.

    Permettez-moi de parler de coopération. Il y a deux ans, je possédais deux rangées d'une haie fort populaire appelée cotonéaster. Cet arbrisseau est sensible à l'infestation par la tenthrède du cerisier. C'est une petite bête en forme de cône semblable à une poire qui ruine complètement une haie si on ne la contrôle pas. L'arbrisseau ne meurt pas, mais il est dénudé et squelettique pour toute l'année.

    L'insecticide le plus efficace dans ce cas est le malathion. Parlons donc de coopération. J'avertissais mes voisines de gauche et de droite le jour où je devais vaporiser le produit sur la haie. La senteur pénétrait jusque dans la maison, mais je portais un masque durant l'opération. Éventuellement j'ai enlevé la haie en question parce que je ne voulais pas que se détériorent mes relations avec mes deux amies de longue date. Voilà ce que j'entends par coopération.

    Dans là localité où je vis, il y a beaucoup de terrains vagues. La municipalité n'a pas assez d'argent pour payer des gens pour conserver ces terrains vagues en bon état et ainsi de suite. La municipalité est prise dans un affreux dilemme. Elle n'a pas assez d'argent pour payer des gens pour garder les terrains en bon état; elle n'en a assez que pour pulvériser des herbicides sur les terrains. Certains des herbicides pulvérisés sont assujettis à la loi provinciale sur la destruction des mauvaises herbes. On peut voir que l'herbe à poux, le laiteron, le chardon canadien et le reste poussent très haut.

    Voici le dilemme: si la municipalité n'intervient pas et ne pulvérise pas d'herbicides, les gens qui souffrent du pollen de l'herbe à poux en souffriront terriblement, mais si elle pulvérise des herbicides, les gens en souffrent également. J'appuie le projet de loi, mais, en toute honnêteté, je pense que nous devons faire un gros travail de relations publiques si nous voulons qu'il porte fruit.

    Je vais donner un autre exemple aux députés. À l'époque où je faisais de l'agriculture en Saskatchewan, en vertu de la loi sur la destruction des mauvaises herbes, les autorités pouvaient détruire les mauvaises herbes sur n'importe quel terrain où il en poussait, et ensuite présenter la note au propriétaire.

    De nos jours, cependant, grâce aux herbicides qu'on utilise, il n'est pas difficile de contrôler les mauvaises herbes. La plupart des pulvérisations se font à des milles de distance d'une autre ferme ou à des milles de distance d'une autre habitation et, en général, elles sont en grande partie contrôlées.

    Je m'écarterai un peu du sujet, mais les agriculteurs de l'Île-du-Prince-Édouard ont mis au point une pomme de terre génétiquement modifiée dont les plants ne sont pas attaqués par les insectes. Les clients américains ont dit à ces agriculteurs qu'ils avaient une bonne pomme de terre, mais comme il s'agissait d'un OGM et que les pommes de terre devaient venir d'abord du Maine, les pommes de terre de l'Î.-P.-É ont été interdites. Les agriculteurs de l'île se sont donc remis à cultiver la pomme de terre originale. Les plants poussaient bien, mais il a fallu pulvériser de l'insecticide à trois reprises. Dans cette petite province, les terres où se font les pulvérisations jouxtent parfois la cour de récréation de l'école. Les terres y sont moins vastes et un véritable problème se pose.

  +-(1655)  

    Que faire? Comment réagir au fait que quelqu'un risque d'être privé de son gagne-pain et nous conformer tout de même au projet de loi? Nous devons trouver des moyens.

    Selon moi, le gouvernement a raison de permettre aux municipalités de maintenir l'utilisation de produits antiparasitaires à des fins esthétiques. Je crois également qu'il faudra consentir un effort important de relations publiques. Après l'adoption du projet de loi, il faudra que les divers ministères coopèrent, comme le ministère de l'Environnement et le ministère de la Santé, pour mener une campagne nationale d'information sur les dangers pour la santé. Il faudra aussi une coopération au niveau local, avec les municipalités et les provinces.

    S'il y a effectivement une infestation de sauterelles ce printemps, il incombera aux municipalités de faire des épandages sur certaines routes où la plupart des oeufs se trouvent en ce moment. C'est là un problème considérable, et il est peut-être encore plus grave là où il y a de vastes superficies et de multiples problèmes, par exemple ceux des spermophiles et des sauterelles.

    Nous croyons que les débats devraient toujours reposer notamment sur de solides données scientifiques canadiennes, de façon à fournir les produits qui sont les meilleurs pour les agriculteurs, mais aussi pour la santé, et plus particulièrement la santé des enfants et, comme mon collègue l'a dit, des femmes enceintes.

    J'appuie le projet de loi. Nous pouvons faire de grandes choses avec la collaboration du gouvernement fédéral, des gouvernements provinciaux, des municipalités et de ceux qui doivent utiliser les produits.

  +-(1700)  

+-

    M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Monsieur le Président, voici un extrait d'un livre intitulé L'homme en voie de disparition, rédigé en 1996 par trois scientifiques réputés: Theo Colborn, Dianne Dumanoski et John Peterson Myers. Selon ces auteurs:

La création et le rejet de milliards de livres de substances chimiques anthropiques au cours des 50 dernières années ont modifié en profondeur l'atmosphère terrestre et même la composition chimique de notre propre corps. À titre d'exemple, avec la présence d'un étonnant trou dans la couche d'ozone servant à protéger la terre et, semble-t-il, la diminution du nombre de spermatozoïdes chez l'homme, les résultats de cette expérience nous rattrapent. Quelle que soit la perspective adoptée, ce sont là deux énormes signaux de problème. Les systèmes fragilisés font partie de ceux qui rendent la vie possible. L'étendue des dommages survenus devrait laisser toute personne sensée profondément ébranlée.

    Theo Colborn a comparu devant le Comité permanent de l'environnement et du développement durable lorsque celui-ci se penchait sur les pesticides. Elle nous a exhortés très fortement à revoir nos lois et à en adopter de meilleures.

    Je tiens premièrement à féliciter la ministre de présenter cette nouvelle mesure législative qui, quels que soient les critères sur lesquels on se fonde, constituent une amélioration par rapport à la loi qui a été adoptée en 1969, soit il y a 33 ans.

    Je souligne au passage que le processus de gestion et de réglementation des pesticides remonte assez loin dans le temps.

+-

     Le gouvernement conservateur précédent a produit un rapport connu sous l'appellation de livre violet. En octobre 1994, j'étais un des quatre secrétaires parlementaires chargés de la mise en oeuvre des recommandations figurant dans le livre violet. Une des recommandations prévoyait l'établissement d'une agence de lutte antiparasitaire désormais connue sous l'appellation d'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, dont la responsabilité est passée du ministère de l'Agriculture au ministère de la Santé en 1995.

    Après avoir tenu des audiences pendant de nombreux mois, le Comité de l'environnement et du développement durable a fait des recommandations dans un rapport rendu public le 16 mai 2000 et intitulé «Les pesticides: Un choix judicieux s'impose».

    Je tiens à profiter de l'occasion pour féliciter mon collègue de Davenport qui était président du comité à cette époque. Le comité a analysé très en profondeur un problème crucial pour tous ceux d'entre nous se préoccupant de la santé humaine et de l'environnement. C'est ce rapport novateur qui a mené à la présentation de la mesure législative qui, fort heureusement, donne suite à bon nombre des recommandations qu'il renfermait.

    On peut voir bon nombre d'améliorations dont il est question dans les recommandations du rapport. L'objectif principal du projet de loi est d'éviter que les populations et l'environnement soient soumis à des risques inacceptables découlant de l'utilisation de produits de lutte antiparasitaire. La question cruciale de l'évaluation du risque se fonde sur l'analyse de la santé des enfants, des femmes enceintes, des aînés et, dans certains cas, du risque particulier associé à une marge de sécurité dix fois plus grande que celle qui serait par ailleurs prévue.

    Le projet de loi prévoit l'établissement d'un registre public, qui constitue un bon départ pour l'accès public à l'information sur la santé. La protection des dénonciateurs est assurée convenablement. Il y a la possibilité de partage d'informations entre ministères, une question qui a été soulevée par le commissaire au développement durable, qui avait vivement critiqué le gouvernement pour son manque de communication entre ministères relativement aux pesticides. Le projet de loi prévoit que le fardeau de la preuve pour la sûreté et la valeur d'un produit donné incombe clairement au demandeur, ce qui est un grand pas en avant.

    Ainsi que mes collègues l'ont fait remarquer, bien des améliorations sont encore nécessaires. Je le dis de façon constructive en espérant qu'au moment de l'étude par le comité de la santé le projet de loi sera grandement amélioré et que le gouvernement abordera la question de façon constructive.

    Examinons l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, qui délivre des permis et réévalue les pesticides afin qu'ils puissent être vendus au public. Le projet de loi ne confie aucun mandat officiel à cette agence. C'est le ministre de la Santé qui a toutes les responsabilités et obligations.

    En 1995, l'ARLA a été créée en tant qu'organe administratif de Santé Canada. Nous devions créer un organisme indépendant. Comme nous l'avons recommandé, l'ARLA devrait rendre compte au Parlement. Dans le rapport du comité, on trouve l'exemple d'un bureau des brevets étant un organisme établi dans le cadre d'un ministère, mais ayant un mandat légal en bonne et due forme.

    Le comité a également recommandé que l'ARLA ait une mission très claire. Il a recommandé que l'agence accorde la priorité absolue à la protection de la santé humaine et de l'environnement quand elle devra déterminer si l'usage d'un pesticide peut être autorisé ou maintenu au Canada. Le comité a recommandé que l'agence fasse la promotion du recours à des stratégies de lutte antiparasitaire durables axées sur la réduction de l'utilisation des pesticides et des risques liés à leur utilisation. Il a souligné la nécessité de mettre au pied des produits antiparasitaires plus sûrs et d'informer le public au sujet des pesticides et des risques liés à leur utilisation. Il n'y a pas de dispositions semblables dans le projet de loi, et je pense qu'elles sont essentielles.

  +-(1705)  

    Mon collègue de Davenport a parlé du principe de précaution et de son application limitée dans le cadre de cette loi. Il n'en est pas question dans le préambule et il y en a une application limitée dans la loi elle-même. Il est essentiel que la nouvelle loi mette en oeuvre le principe de précaution dans tous les aspects du processus décisionnel. Mme Barbara McElgunn, de Troubles d'apprentissage--Association canadienne, a déclaré ce qui suit lors de l'une de nos audiences:

Ce qui est grave dans le cas présent, c'est le fait que, pour la majorité des produits chimiques d'intérêt prioritaire ou pour les importantes nouvelles innovations, il n'existe aucune donnée ou presque sur la santé humaine. De nombreuses décisions sur la sûreté de produits chimiques sont prises en fonction des données toxicologiques très limitées portant sur leur sûreté dans le cas des organes en développement, c'est-à-dire chez les enfants. Il faut de nombreuses années pour obtenir ces données. En vertu de la loi et de la politique actuelles au Canada, il faut beaucoup d'autres années pour élaborer des règlements afin de protéger la santé publique et l'environnement. Ainsi, en vertu du document intitulé «Une perspective canadienne sur l'approche/principe de précaution», la santé et la sécurité des Canadiens est placée dans une situation sans issue alors que nous devons avoir de bonnes données scientifiques avant que des mesures de précaution puissent être prises, mais nous n'avons pas ces preuves exactes et ainsi, nous ne pouvons utiliser le principe de prudence de façon à agir en temps opportun pour protéger les citoyens.

    C'est pourquoi nous avons besoin du principe de prudence auquel le Canada a souscrit en 1992 à Rio dans tous les aspects de ce projet de loi. La définition dans le projet de loi proposé ne répond pas à ce que le comité a recommandé ni aux normes internationales. Le comité a recommandé la disposition suivante:

Le principe de la prudence implique que des mesures appropriées doivent être prises quand il y a lieu de croire qu'un produit antiparasitaire peut causer des dommages, même s'il n'existe pas de preuves concluantes d'une relation causale entre le produit antiparasitaire et ses effets.

    Il n'y a pas de définition de risque acceptable ou inacceptable dans le projet de loi. En fait, l'objectif global du projet de loi est d'éviter un risque inacceptable. La mise en oeuvre du projet de loi va dépendre de l'interprétation subjective de cette notion, qui n'est pas définie. Le principe de prudence n'est appliqué dans le projet de loi proposé qu'à la réévaluation ou à des examens spéciaux. Au niveau opérationnel, le principe de prudence doit être utilisé dans toutes les décisions touchant les produits antiparasitaires.

    La mesure n'exige pas que soient considérées l'exposition combinée et cumulative. Le comité a parlé longuement du fait que le ministre devait tenir compte des renseignements disponibles sur l'exposition combinée et cumulative lorsqu'on déterminait les résidus maximums seulement. Cela n'est pas suffisant.

    Il n'y a pas de critères de toxicité inhérente fondés en science, comme des limites de perturbation du système endocrinien, de neurotoxicité et de carcinogénicité d'un pesticide relativement aux tests sur les produits. Il n'est pas nécessaire de re-homologuer ou d'évaluer les pesticides devant être utilisés sur des OGM.

    Le comité s'est aussi penché sur le mandat éducatif. Je me souviens d'un projet de loi que j'ai fait adopter au Québec en 1987, dont l'une des caractéristiques centrales était le mandat éducatif. Faute de pouvoir éduquer le grand public ou les gens qui font usage de pesticides, qu'il s'agisse des agriculteurs ou d'autres personnes, on ne pourra jamais changer les attitudes à l'égard de ces produits. Nous avions un système qui obligeait les cégeps et les écoles à parler des pesticides et à changer les attitudes dans l'esprit de la population.

    Le comité a recommandé que l'ARLA soit expressément mandatée par le nouveau projet de loi d'informer et d'éduquer la population sur les risques associés à l'usage des pesticides et sur l'existence d'autres produits moins nocifs. Il faut changer les attitudes concernant l'usage des pesticides au moyen de programmes agressifs d'éducation publique. L'ARLA ne devrait pas avoir la responsabilité exclusive de cette tâche, puisque de nombreux ministères fédéraux apportent une contribution essentielle à la sensibilisation du public. Cette responsabilité devrait être partagée dans tout le système, et l'éducation publique devrait constituer un élément essentiel de ce projet de loi.

  +-(1710)  

    Le projet de loi doit adhérer fermement au principe de prévention de la pollution. Il ne fait aucunement état d'un principe de substitution, c'est-à-dire d'une obligation de révoquer l'homologation d'anciens pesticides une fois que des nouveaux pesticides plus sûrs sont homologués.

    Le projet de loi néglige les solutions de rechange, le besoin essentiel de recourir le plus tôt possible aux produits de remplacement offerts sur le marché. Les substances toxiques de la voie 1 figurant dans la Loi canadienne sur la protection de l'environnement ne sont pas explicitement interdites, contrairement aux recommandations du comité.

    Il n'est nulle part exigé d'obtenir de l'information ni d'évaluer les formules et les contaminants homologués. Il n'est pas exigé non plus d'établir une base de données à l'usage du gouvernement ou des plans de réduction de l'usage des pesticides. On ne prévoit pas la réduction graduelle de l'usage des pesticides à des fins esthétiques, dont a fait mention mon collègue de Davenport.

    J'aimerais dire quelques mots sur la question de la transparence en vertu du projet de loi. Compte tenu de toute l'attention que cette question a soulevée dans les médias et les tribunes publiques au cours des quelques dernières années, il est évident qu'il est devenu nécessaire de faire participer les Canadiens au processus de prise de décision et de les informer sur l'utilisation des pesticides dans l'environnement. La seule façon de susciter la confiance du public à l'égard de la lutte antiparasitaire est d'adopter un système ouvert et transparent. Le Canada n'a pas l'habitude de permettra au public d'agir à titre de chien de garde, comme c'est maintenant le cas aux États-Unis. Nous avons beaucoup à apprendre de nos voisins américains pour ce qui est de la participation publique au processus décisionnel.

    Cela inclut l'accès à ce que nous appelons les RCC ou renseignements commerciaux confidentiels. Le ministre a dit hier:

Les renseignements commerciaux confidentiels seront très précisément définis dans le projet de loi C-53 et regrouperont uniquement les données financières, les procédés de fabrication et les ingrédients entrant dans la composition des produits qui ne sont pas menaçants pour la santé ou l'environnement. Cela signifie que l'identification et la concentration des ingrédients pouvant être préjudiciables pour la santé ou l'environnement ne seront pas tenus confidentiels et pourront être indiqués sur les étiquettes, les fiches techniques décrivant la sécurité des matériaux et le registre public.

    C'est un pas dans la bonne direction, mais ce n'est pas suffisant. Les restrictions imposées aux renseignements commerciaux confidentiels devraient être beaucoup plus sévères. Par exemple, on ne définit nulle part les renseignements financiers qui devraient être protégés. Sachant combien l'industrie peut se montrer astucieuse, elle trouvera bien le moyen de rendre confidentiel ce que le public voudrait bien voir transparent.

    J'espère que les détails de cette mesure législative feront l'objet d'une analyse minutieuse au Comité permanent de la santé. Le projet de loi définit les renseignements commerciaux confidentiels de façon large en disant que la personne qui fournit ces renseignements doit décider s'il s'agit de RCC ou non.

    Toujours en ce qui a trait à la transparence, le projet de loi ne prévoit pas l'obligation d'établir une base de données relative aux ventes, comme nous l'avions demandé. Il n'existe pas de mécanisme précis pour la présentation des constatations scientifiques indépendantes. Nous en avions également fait la demande. Rien n'oblige l'établissement d'une base de données sur les répercussions négatives rapportées. On ne mentionne pas précisément le Comité consultatif sur la lutte antiparasitaire. Rien n'exige l'harmonisation entre la protection de la santé et l'environnement en vue de ne pas affaiblir les normes canadiennes.

    Nicholas Ashford, un professeur de technologie et de politique au Massachusetts Institute of Technology, nous a mis en garde, en 1996, contre le problème environnemental le plus grave auquel font face les pays industrialisés de nos jours. Ce professeur est réputé pour ses travaux sur la théorie de la polysensibilité chimique. Il a été un des premiers à faire valoir que les gens qui deviennent sensibles à la suite d'une exposition à une forme de contaminant sont beaucoup plus susceptibles d'être affectés par toute une gamme d'autres polluants, y compris les détergents, les gaz d'échappement et la fumée du tabac. Il a présenté de nombreux exemples.

  +-(1715)  

    Mme Theo Colborn et ses collègues ont déclaré que c'est seulement après avoir répandu du DDT sur la surface de la Terre aussi librement que s'il s'agissait de la poudre de talc que nous avons réalisé que le DDT était mortel pour la faune et la flore, mais d'une manière différente. Elle a ajouté que, lorsqu'on a commencé à s'inquiéter au sujet de la persistance du DDT et de ses répercussions sur la faune et la flore, les responsables de la réglementation ont imposé des mesures de contrôle sur des composés moins persistants comme le méthoxychlore; or, nous savons maintenant que ce même produit chimique qui est encore largement utilisé provoque des désordres hormonaux.

    Nous sommes passés d'un produit antiparasitaire ou chimique à un autre; nous avons produit ainsi des millions de produits antiparasitaires et chimiques de plus dans le monde et nous les répandons partout sur la Terre en pensant que chaque nouveau produit est meilleur que les autres et que nous sommes en sécurité. En revanche, nous découvrons souvent que ce que nous estimions moins nocif se révèle toxique et dangereux pour l'environnement et la santé des humains, notamment pour les enfants, les personnes âgées et les femmes enceintes.

    Nous avons le devoir d'accepter le projet de loi comme une nette amélioration par rapport aux dispositions législatives précédentes, mais nous devons aussi demander à la ministre, dans un esprit constructif, de permettre au Comité de la santé d'examiner les améliorations que nous avons tous proposées et de faire du projet de loi une mesure législative de premier plan pour le gouvernement fédéral. C'est ce que je souhaite de tout mon coeur.

  +-(1720)  

+-

    M. Roy Bailey (Souris--Moose Mountain, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai eu du plaisir à entendre les observations du député.

    Je voudrais lui poser une question sur le projet de loi. Ce dernier exigerait que, dans le cadre du processus d'homologation, les fabricants prouvent que leurs produits chimiques sont efficaces. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire ou ARLA, devrait peut-être se concentrer davantage sur les critères de sécurité des produits chimiques mêmes. Le marché décidera de leur efficacité. Quand on a besoin d'un produit, on vérifie la sécurité du produit chimique et de son utilisation. Le député ne convient-il pas que le test d'efficacité devrait être laissé aux acheteurs? C'est à eux de déterminer s'il est efficace ou non.

+-

    M. Clifford Lincoln: Monsieur le Président, le principe de précaution doit guider tous les aspects du processus décisionnel, y compris celui de l'ARLA. S'il y a la moindre incertitude, il ne faudrait pas homologuer ni utiliser le produit. Si, après avoir suivi les meilleures méthodes d'analyse, après avoir tenu compte des critères relatifs aux enfants, aux femmes enceintes et aux personnes âgées, et appliqué la marge de sécurité de dix fois, on est absolument certain que l'utilisation d'un pesticide est raisonnablement sûre pour la santé humaine et l'environnement, on peut l'homologuer. Mais nous devons être sûrs à 100 p. 100.

    Le problème est que, dans le contexte actuel, on utilise des pesticides qui sont sur le marché depuis 40 ou 50 ans et qui ne conviennent pas du tout à l'environnement et à la santé humaine. Ils n'ont pas fait l'objet de nouveaux tests. Il faut commencer à le faire. Il faut commencer à appliquer le principe de précaution d'une manière proactive et dynamique. Il faut rappeler à l'ARLA que son mandat concerne, d'abord et avant tout, la santé humaine et l'environnement et que tout le reste vient après. Si nous faisons cela, tout ira bien. Voilà ce que nous voulons.

[Français]

+-

    M. Jean-Yves Roy (Matapédia--Matane, BQ): Monsieur le Président, d'emblée, j'aimerais souligner, comme le mentionnait hier mon collègue de Rosemont--Petite-Patrie, que nous, du Bloc québécois, appuierons le projet de loi C-53, Loi visant à protéger la santé et la sécurité humaines et l'environnement en réglementant les produits utilisés pour la lutte antiparasitaire.

    Je veux aussi remercier mon collègue de Lac-Saint-Louis, qui vient de prendre la parole. Il fut ministre de l'Environnement du Québec. À bien des égards, je suis d'accord avec ses propos. Je suis d'accord avec ce qu'il a mentionné, particulièrement en ce qui concerne l'utilisation des pesticides et la durée, c'est-à-dire le nombre d'années depuis que nous utilisons des pesticides, et les impacts qu'ils peuvent avoir sur la santé humaine.

    On utilise des pesticides depuis de nombreuses années. On utilise des pesticides chimiques depuis peut-être 40 ans ou 50 ans. On a très peu de connaissances quant aux impacts qu'ont pu avoir ces pesticides dans nos vies, dans la vie de nos enfants et dans celle des personnes âgées, comme le député l'a d'ailleurs mentionné.

    Il a donné un très bon exemple en soulignant l'usage du DDT. Tout le monde se rappellera qu'il y a peut-être 25 ou 30 ans, on utilisait le DDT à grande échelle. C'est un produit que les chercheurs ont même retrouvé chez les animaux dans le Grand Nord canadien et québécois. Ces animaux en étaient encore porteurs des années après qu'on ait cessé d'utiliser le DDT, qui était un pesticide très commun à l'époque.

    Je me souviens très bien qu'au Québec, avant qu'apparaisse le bacillus thuringiensis, qui a d'ailleurs été inventé par un Québécois, on utilisait dans nos forêts, pour combattre entre autres la tordeuse des bourgeons de l'épinette au Nouveau-Brunswick et dans d'autres provinces, des pesticides chimiques hautement nocifs. On n'en contrôlait pas véritablement l'épandage. On épandait partout sur les forêts et même dans des endroits où il y avait des habitations. J'ai été un de ces enfants qui ont été en contact avec ces produits hautement toxiques avant qu'on connaisse les produits biologiques. C'était vrai dans ma province. C'était aussi vrai dans les autres provinces canadiennes. Je suis convaincu que bon nombre de personnes de mon âge ont été affectées par les produits chimiques utilisés à l'époque.

    Que vient alors faire le projet de loi qui nous est soumis? Ce projet de loi nous est présenté pour remplacer une loi qui date de 1969. C'est finalement une loi qui est désuète et qui aurait dû être remplacée avant, compte tenu de la conscience environnementale qui s'est développée au cours des dernières années, compte tenu de la conscience que nous avions des gestes qui étaient posés, compte tenu de la conscience que nous avions des impacts que peuvent avoir les pesticides dans nos vies, dans la vie de nos enfants et dans notre environnement.

    Il y a un autre élément que je considère important. Je suis responsable du dossier des pêches et océans pour le Bloc québécois. Je suis donc tout à fait conscient que les pesticides chimiques utilisés, qui sont dans la majorité des cas non biodégradables, se retrouvent dans l'environnement, dans nos cours d'eau et, finalement, dans nos océans. Ils se retrouvent aussi dans la chaîne alimentaire.

    Quelle en est la conséquence? Il est bien évident que lorsque vous pêchez dans un océan pollué, évidemment, la ressource y est polluée. Si vous mangez de cette ressource, vous absorbez donc, par conséquent, des produits hautement toxiques.

    On ne connaît pas suffisamment à l'heure actuelle les conséquences de l'utilisation de ces produits pour nous permettre d'être rassurés à 100 p. 100 quant à ce qui est survenu auparavant.

    Comme je le disais, nous sommes évidemment favorables aux principes du projet de loi C-53, mais nous souhaiterions que plusieurs amendements soient apportés. Nous savons que le projet de loi sera soumis au Comité permanent de la santé.

    Je résumerai, comme l'a fait hier mon collègue de Rosemont--Petite-Patrie, les principaux amendements que le Bloc québécois souhaiterait voir au projet de loi C-53.

    Le premier amendement qu'on souhaiterait voir vient du fait que dans le projet de loi C-53, il n'est nullement question d'accélérer le processus d'homologation des pesticides moins nocifs. Un groupe de réflexion a été créé au Québec par le ministre Boisclair, en octobre dernier.

  +-(1725)  

    Ce groupe souhaitait justement qu'on accélère l'homologation de pesticides moins nocifs. La raison en est tout à fait simple. À l'heure actuelle, on utilise des pesticides chimiques non biologiques. Il serait nécessaire que le gouvernement investisse dans la recherche et qu'il favorise l'homologation de pesticides moins nocifs, particulièrement biologiques. Mais il faudrait aussi être prudents.

    Le gouvernement devrait favoriser l'accélération de l'homologation, mais en tenant compte du principe de précaution, comme l'a mentionné hier mon collègue de Rosemont--Petite-Patrie et tout à l'heure mon collègue de Lac-Saint-Louis. Le principe de précaution m'apparaît être absent, ou à tout le moins pas suffisamment présent dans le projet de loi qui nous est soumis. Comme l'a mentionné mon collègue de Lac-Saint-Louis, c'est un élément essentiel et nous demandons que le projet de loi soit modifié en ce sens, qu'il soit amendé, amélioré. Il s'agit d'une possibilité d'amendement qui nous permettrait, comme société, de nous donner des produits moins toxiques, que l'on peut utiliser dans un contexte beaucoup plus sécuritaire.

    Le deuxième élément, c'est que le projet de loi ne propose pas non plus de solution de rechange aux actuels pesticides. Comme je l'ai mentionné, il serait nécessaire que nous ayons des solutions de rechange. Bien entendu, comme gouvernement on peut demander de cesser d'utiliser certains pesticides, mais il faut à tout le moins avoir des solutions de rechange. Il faut avoir des solutions de rechange, non seulement pour ce qui est des biopesticides, mais également lorsqu'il est question d'agriculture; ici on parle d'agriculture biologique. Comme je représente un comté rural, je sais très bien qu'en agriculture, on utilise encore des produits pouvant être considérés comme hautement toxiques et qu'il est nécessaire d'avoir un contrôle sur la manière dont ces produits sont utilisés.

    Il y a aussi un autre élément qui me tient à coeur. Je me souviens très bien qu'au cours des 20 ou 30 dernières années, lorsqu'un pesticide hautement toxique était interdit dans nos sociétés plus avancées, comme au Canada ou aux États-Unis, les compagnies fabriquant ces produits en disposaient dans le tiers-monde. Cette chose n'a peut-être pas été envisagée dans le projet de loi mais il serait peut-être important de la considérer.

    Aujourd'hui, il serait nécessaire de considérer que ce qui se passe ailleurs dans le monde peut avoir une influence à long terme sur nous, dans nos sociétés. Ce qui se passe dans le tiers-monde peut avoir une influence importante. Si on utilise des produits hautement toxiques dans le tiers-monde et que ces produits finissent par entrer sur nos marchés, nous aurons un problème sérieux à plus ou moins long terme.

    Comme je le disais, le projet de loi ne propose pas de solution de rechange aux actuels pesticides, comme l'ont recommandé dans leurs rapports respectifs le Groupe de réflexion dont j'ai parlé plus tôt—auquel je reviendrai—créé par le ministre de l'Environnement du Québec, M. Boisclair, et le Comité permanent de l'environnement de la Chambre des communes.

    Dans son rapport, le comité permanent avait même recommandé de mettre de l'avant des incitatifs en faveur de l'agriculture biologique, ce que je mentionnais plus tôt, et de mettre en place des stratégies durables de lutte antiparasitaire. Qu'est-ce que cela signifie? Il s'agit d'inventer de nouvelles méthodes pour combattre les parasites et cesser d'utiliser des produits hautement toxiques qui peuvent être nocifs et dangereux pour la santé humaine.

    Par exemple, en Europe, comme l'a mentionné hier mon collègue de Rosemont--Petite-Patrie, certains pays offrent des incitatifs financiers aux agriculteurs pour les encourager à éliminer les pesticides et les engrais synthétiques, c'est-à-dire les engrais de fabrication chimique. Le projet de loi C-53 semble avoir complètement évacué l'importance de la recherche et du développement en matière de biopesticides.

    On peut souhaiter que les pesticides chimiques, les pesticides potentiellement dangereux pour la santé humaine disparaissent, mais encore faut-il avoir des produits de remplacement, et encore faudra-t-il développer la recherche et l'encourager de manière à accélérer le processus.

    Un autre élément que le comité permanent a recommandé, c'est qu'il y ait une réévaluation d'ici 2006 de tous les pesticides homologués avant 1995. Le projet de loi, encore une fois, ne semble pas avoir fixé de date limite en ce qui a trait à la réévaluation des anciens pesticides. C'est un élément important.

  +-(1730)  

    Au fond, on a beau avoir un projet de loi et tenter de remplacer les pesticides dits dangereux pour la santé humaine, mais si on ne réévalue pas les pesticides qui sont utilisés, qui étaient utilisés dans le passé et qui le sont encore aujourd'hui, si on n'en fait pas une nouvelle évaluation, il est évidemment inutile de tenter de faire avancer davantage les choses.

    Il est important de considérer qu'on peut déjà, au moyen d'une recherche sérieuse, arriver à conclure que les pesticides qui étaient utilisés il y a 20 ou 30 ans—tout à l'heure on a parlé du DDT—peuvent être considérés comme dangereux pour la santé humaine. On a justement un laboratoire parce que ces pesticides ont été utilisés pendant tant d'années qu'on peut se permettre aujourd'hui d'en faire une très concrète et très sérieuse évaluation. Quand il est question d'évaluer les biopesticides, c'est la même chose. On nous répond que c'est toujours une question de temps, que cela prend beaucoup de temps pour évaluer ces produits.

    Il y a un autre élément qu'il serait important de considérer dans le projet et au sujet duquel il serait souhaitable d'avoir des amendements. Au sein du projet de loi, il y a ce que j'appellerais un souhait, c'est la protection spéciale accordée aux enfants et aux nourrissons, de même qu'aux femmes enceintes.

    Il m'apparaît difficile de dire qu'à travers un projet de loi comme celui-là, sans préciser les choses, on puisse protéger de façon spéciale les enfants et les nourrissons, quand on sait que c'est l'ensemble de la société qui est touchée par le problème des pesticides. Sachant cela, comment isoler les nourrissons de l'ensemble de la société sinon uniquement lorsqu'ils sont directement touchés, c'est-à-dire dans leur environnement immédiat, par des pesticides chimiques ou dangereux pour la santé humaine?

    Tout à l'heure, j'ai abordé la position présentée par le Québec, par le groupe créé par le ministre Boisclair, qui va d'ailleurs beaucoup plus loin que le projet de loi qui nous est soumis. Rappelons que le 15 octobre dernier, le ministre Boisclair annonçait la création du Groupe de réflexion sur les pesticides en milieu urbain. L'objectif visé du groupe de réflexion était d'identifier des avenues de solutions qui permettraient aux Québécoises et aux Québécois de réduire leur dépendance et les risques d'exposition de ces produits, notamment utilisés dans les secteurs de l'entretien des pelouses, de l'horticulture environnementale et de l'extermination et ce, tout en responsabilisant les citoyennes et les citoyens.

    La responsabilisation est un élément très important parce que parmi les éléments que je voulais aborder, il s'agissait également de la responsabilisation des citoyennes et des citoyens. Par contre, c'est un élément très difficile à contrôler. Quand il est question de responsabilisation, il s'agit là de méthodes d'utilisation des pesticides, de citoyens et de citoyennes qui utilisent des pesticides dans leur environnement immédiat, soit sur leur pelouse soit sur leurs arbres fruitiers. Souvent les gens ont très peu d'information sur la manière et sur les méthodes d'utilisation de ces pesticides. Ils les utilisent un peu n'importe comment. Parfois, ils abusent certainement des produits et ne sont pas conscients des dangers qu'ils peuvent comporter. Même si chacun de ces produits ont de très bonnes étiquettes et que toutes les recommandations d'usage sont très bien identifiées, ce n'est pas tout le monde qui est expert dans l'utilisation des pesticides et parfois, les doses peuvent être considérablement augmentées et dangereuses pour la santé humaine.

    Quelques cinquante organismes et personnes ont présenté un mémoire au groupe créé par le ministre Boisclair. Près de la moitié de ces organismes, tant du monde municipal, de la recherche, de la santé, du secteur des affaires, que des groupes écologistes, ont fait valoir leur point de vue lors des quatre journées de consultations qui ont eu lieu en janvier 2002.

    Le groupe de réflexion et les gens qui se sont présentés aux audiences proposent ainsi quelque 15 recommandations majeures visant à réduire considérablement l'utilisation des pesticides en milieu urbain.

    Cependant, je souhaiterais qu'on aille un peu plus loin que le milieu urbain. Je souhaiterais également qu'on tienne compte des campagnes parce qu'on sait très bien qu'en agriculture, on utilise aussi des pesticides. Ce n'est pas uniquement en milieu urbain qu'on utilise des pesticides, c'est aussi dans nos villes, dans nos villages et dans nos campagnes. Je souhaiterais qu'on élargisse davantage et qu'on conscientise l'ensemble de la société au sujet du problème de l'utilisation des pesticides qui peuvent être potentiellement dangereux pour la santé humaine.

  +-(1735)  

    La première recommandation du groupe de réflexion consiste à interdire ou à bannir les pesticides, à moins que l'on ait atteint des seuils d'intervention ou que la survie des végétaux soit menacée, comme le mentionnait un de mes collègues tout à l'heure.

    On demandait que cela se fasse dans un délai assez rapide. Il semble que ce soit absent du projet de loi. Dans le projet de loi qui nous est soumis, il semble que le gouvernement ne souhaite pas interdire à plus ou moins long terme l'utilisation de pesticides, entre autres en milieu urbain, comme d'autres députés l'ont mentionné. Ce sont des pesticides qui servent uniquement à l'embellissement de notre environnement, à l'embellissement de nos pelouses et de nos parcs dans les villes.

    Il va falloir conscientiser les gens. Il va falloir conscientiser les entreprises qui utilisent ce genre de pesticides. Il va falloir leur permettre d'avoir accès à des pesticides biologiques et leur faire prendre conscience que l'utilisation de certains pesticides non biodégradables chimiques peut être potentiellement dangereuse pour la santé humaine, même pour ceux qui en font l'épandage, soit les travailleurs de ces entreprises. Il m'apparaît donc important que le gouvernement puisse tenter, par un amendement au projet de loi qui sera soumis au Comité permanent de la santé, de mettre une date limite de façon à cesser d'utiliser dans les espaces verts et sur nos pelouses les pesticides à caractère chimique qui peuvent être dangereux.

    D'autres recommandations ont été présentées par le Groupe de réflexion sur les pesticides, qui a été mis sur pied par le ministre Boisclair. Il s'agit de la formation en gestion environnementale des intervenants gravitant autour des citoyens et des citoyennes. Ce sont entre autres les entreprises faisant l'entretien des terrains et des pelouses, soit les vendeurs de pesticides, les professionnels offrant des services ou les professionnels des lieux publics, afin qu'ils puissent conseiller et donner l'exemple. Quand on parle des professionnels des lieux publics, on parle aussi des employés des municipalités et des villes.

    Il faut que l'information, la sensibilisation et l'éducation de la population aux risques liés aux pesticides ainsi qu'à la gestion environnementale et aux méthodes alternatives et leurs produits soient un élément important du projet de loi. Il faut qu'une bonne information, une bonne sensibilisation et une bonne éducation de la population soient faites, et ce de façon très rapide, de manière à ce que les gens soient conscients qu'utiliser ces produits peut être extrêmement dangereux pour leur santé et, à long terme, pour la santé humaine et l'environnement.

    Ce que souhaitait le groupe et ce que je mentionnais, c'est qu'il faut qu'il y ait une disponibilité des méthodes alternatives de produits moins nocifs. On ne peut demander aux citoyens et aux citoyennes de cesser d'utiliser des pesticides s'il leur est impossible d'avoir accès à des produits beaucoup moins dangereux, donc moins nocifs pour la santé.

    Il faudrait aussi, et c'est ce que souhaitait le groupe de réflexion, qu'il y ait un encadrement réglementaire adéquat comprenant l'adoption prochaine d'un code de gestion des pesticides qui pourra accélérer l'implantation de la gestion environnementale.

    Compte tenu du peu de temps qu'il me reste, je voudrais conclure en disant que nous sommes d'accord en principe avec le projet de loi, mais il est nécessaire de l'amender, de lui redonner des dents car, à l'heure actuelle, ce semble être un tigre de papier.

  +-(1740)  

[Traduction]

+-

    M. Leon Benoit (Lakeland, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'aurais certaines questions à poser au député qui vient de prendre la parole. Je souscris assurément à l'objet du projet de loi. J'approuve tout ce qui contribuera à mieux protéger les femmes enceintes et les enfants. Tous les Canadiens partagent cette préoccupation et nous voulons certainement examiner la question.

    Ma principale réserve au sujet du projet de loi est qu'il ne règle pas les problèmes concernant l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire. L'utilisation d'information scientifique fiable n'est pas exigée, et il y a beaucoup de chevauchements entre les tests effectués aux États-Unis et ceux qui sont effectués ici.

    Les agriculteurs sont probablement les plus grands utilisateurs de bon nombre de ces pesticides. Ils sont désavantagés du fait que l'ARLA assure l'homologation de ces produits. Lorsque des études scientifiques fiables ont été effectuées aux États-Unis, pourquoi les mêmes études sont-elles faites au Canada? Elles sont très coûteuses. Les agriculteurs doivent payer une taxe supplémentaire sur ces produits parce qu'ils sont passés par l'ARLA. Cette question me préoccupe.

    J'aimerais poser des questions précises au député au sujet de son exposé. Il a parlé du DDT, un produit qui a été interdit au Canada il y a probablement une trentaine d'années. Mon collègue pourra peut-être nous dire depuis quand l'utilisation de ce produit est interdite. Le DDT n'a pas été interdit pour des raisons de santé humaine, mais parce que la coquille des oeufs des oiseaux de proie était devenue tellement mince que leur éclosion ne se faisait pas, et la population des oiseaux de proie avait, par conséquent, commencé à diminuer. Aujourd'hui, la population des oiseaux de proie est en forte croissance au Canada. Le problème a donc été réglé.

    Pourquoi le député parle-t-il du DDT, alors que ce produit n'a rien à voir avec le projet de loi? Il pourrait peut-être nous expliquer quel rapport il y a, s'il y en un.

    Les herbicides, en particulier, sont beaucoup plus sûrs qu'il y a 20 ans, même s'il existait alors bien peu de preuves démontrant que ces produits n'étaient pas sûrs. Les agriculteurs préfèrent utiliser ces nouveaux produits parce qu'ils sont tout à fait sûrs et qu'ils ont fait l'objet d'essais concluants. C'est un fait positif.

    Qui, plus que les agriculteurs et les autres utilisateurs de ces produits, serait plus intéressé lorsque des questions de santé humaine et d'environnement se posent? Personne n'est plus intéressé qu'eux par la question. Je suis moi-même un ancien agriculteur et mes enfants ont côtoyé ces produits. Nous vaporisions les récoltes autour de notre maison et nous devions être très conscients des aspects touchant la sécurité.

    Le député pourrait-il nous faire connaître son point de vue sur cet aspect et nous expliquer pourquoi le DDT a été cité comme exemple du problème? Il s'agit d'un problème ancien, dont nous avons tiré les leçons. Pourquoi ne pas parler plutôt des nouvelles catégories d'herbicides et de pesticides, qui sont beaucoup plus sûres? Les pesticides qui comportent un risque sont très clairement étiquetés comme tels et les personnes qui les utilisent doivent détenir un permis pour le faire.

  +-(1745)  

[Français]

+-

    M. Jean-Yves Roy: Monsieur le Président, je remercie mon collègue de sa question, mais il a peut-être mal entendu ou mal compris certaines choses.

    Évidemment, j'ai parlé du DDT parce que je voulais citer cet exemple. Je voulais citer cet exemple très précis. C'est un exemple concret d'utilisation de pesticides qui a comporté et qui a évidemment entraîné des risques environnementaux importants.

    Bien entendu, il a parlé des rapaces, entre autres, qui ont été touchés, mais il n'y a pas que les rapaces. Dans l'ensemble des pays utilisateurs de DDT à cette époque, on retrouvait dans l'ensemble de la chaîne alimentaire ce produit hautement toxique. Évidemment, cela a eu une influence sur les êtres humains. Quelle influence cela a-t-il pu avoir? Aujourd'hui, on pourrait faire des recherches, les actualiser et on en aurait peut-être une meilleure idée.

    Mon collègue a abordé un autre élément. Aujourd'hui, bien entendu, on peut considérer certains pesticides comme étant moins dangereux et moins nocifs qu'à l'époque, soit il y a 30 ou 40 ans. Il n'en reste pas moins que c'est souvent à long terme qu'on se rend compte que les pesticides peuvent avoir un effet. À court terme, on peut dire: «Oui, un pesticide ne semble pas avoir d'effets hautement nocifs.» S'il n'est pas biodégradable, à long terme, cela peut évidemment être dangereux. Un pesticide qui n'est pas biodégradable se retrouve fondamentalement et inévitablement dans la chaîne alimentaire et se retrouve inévitablement aussi dans notre environnement.

    Quand mon collègue de Lac-Saint-Louis parlait tout à l'heure des 500 p. 100 en ce qui a trait au principe de précaution, je suis tout à fait d'accord avec lui. Il faut être assuré, totalement ou presque, si la chose est possible, que les pesticides que nous utilisons ne comporteront pas à long terme un danger pour la santé humaine et, à long terme, un danger pour notre environnement. Il a parlé entre autres du problème très sérieux de l'utilisation de milliers de tonnes.

    Cependant, j'ajouterais aussi ceci, comme je l'ai ajouté dans mon intervention. Il ne faudrait pas que nos pays cessent d'utiliser des produits hautement toxiques, cessent de les fabriquer et les interdisent, mais les envoient dans le tiers-monde, comme cela s'est fait par le passé.

[Traduction]

+-

    Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Monsieur le Président, avant de commencer mon discours, j'aimerais dire quelque chose au sujet du DDT à l'intention du député de l'Alliance canadienne qui a demandé au député du Bloc pourquoi il avait mentionné la question. Je pense que la question du DDT est très informative quant aux enjeux relatifs à la Loi sur les produits antiparasitaires.

    Premièrement, en 1951, des études ont révélé des problèmes concernant la santé humaine. Je vais faire part à la Chambre d'une anecdote personnelle concernant le DDT. En 1951, ma mère m'attendait. Je suis née en 1952. Tous les députés peuvent faire le calcul. Je me fais très vieille. En 1951, un an avant ma naissance, des études ont révélé que le DDT était nuisible pour la santé humaine. Le DDT n'a été interdit au Canada qu'en 1978. En janvier 1978, ma fille est née. Nous avons donc ici deux générations qui ont été touchées par un produit chimique dont on savait que son utilisation causait des problèmes de santé.

    Qu'est-ce que cela a à voir avec la Loi sur les produits antiparasitaires, une loi qui est 30 ans en retard? Quand on parle du genre de pesticides et de produits chimiques utilisés pour enrayer les parasites, il est vrai que, oui, comme l'a dit le porte-parole de l'Alliance canadienne, il existe une nouvelle génération de pesticides, mais il y a également une prolifération énorme de pesticides que nous ne comprenons pas et dont nous ne savons pas grand-chose quant à leurs effets sur la santé humaine et l'environnement. Par ailleurs, nous possédons sur certains pesticides des renseignements dont nous ne faisons rien.

    Je suis donc heureuse de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour commenter le projet de loi C-53, la nouvelle Loi sur les produits antiparasitaires, que nous attendons depuis si longtemps. C'est effectivement une loi que beaucoup de gens espèrent depuis un bout de temps. Il modifiera une loi dépassée depuis 30 ans. En mai 2000, le Comité permanent de l'environnement et du développement durable déposait un rapport à la Chambre des communes intitulé «Pesticides: un choix judicieux s'impose pour protéger la santé et l'environnement». C'était le résultat d'une longue étude du régime canadien concernant les pesticides, au cours de laquelle le comité avait entendu un grand nombre de témoignages troublants sur la vie sous la Loi sur les produits antiparasitaires, loi depuis longtemps dépassée.

    La première recommandation que le comité faisait dans son rapport était que le ministre de la Santé présente une nouvelle mesure législative sur les pesticides en tant que projet prioritaire. Malgré le délai, je félicite la ministre pour avoir enfin mis de l'avant le projet de loi C-53. Les Canadiens attendaient un tel projet de loi depuis longtemps.

    Mieux encore, je félicite la ministre pour le contenu du projet de loi. Pour certains points essentiels, il est évident que le gouvernement a écouté les témoins et les recommandations du comité. La nouvelle mesure législative sur les produits antiparasitaires raffermit notre régime d'homologation de ces produits tout simplement en l'alignant sur la science moderne, en prenant en compte les inquiétudes suscitées par ces produits de même que les attentes en matière de transparence gouvernementale à l'égard de la protection de la santé humaine et de l'environnement.

    Que devons-nous applaudir dans ce projet de loi? Il y a divers points. D'abord, il y a le fait que le comité permanent se soit particulièrement intéressé aux populations vulnérables, notamment aux enfants. Ainsi que l'ont répété nombre de témoins, les enfants ne sont pas de petits adultes. Ils courent davantage de risques d'être exposés aux pesticides en raison de leur physiologie. Ils sont en croissance. Par exemple, ils boivent plus d'eau et respirent davantage d'air par kilo de masse corporelle que les adultes, absorbant ainsi de plus grandes quantités des polluants présents dans l'environnement. Leur régime alimentaire est pas mal différent de celui des adultes, étant surtout composé de fruits, de légumes et de lait maternel. On le sait, ils ont l'habitude de jouer dans l'herbe, et les petits enfants n'hésitent pas à se mettre quelque chose comme de la terre dans la bouche. Ils sont donc davantage exposés aux pesticides que les adultes. C'est pour cela que le comité tenait beaucoup à ce qu'un nouveau projet de loi sur les pesticides reconnaisse les populations vulnérables, y compris les bébés, les enfants, les autochtones, les utilisateurs professionnels de pesticides, les gens en mauvaise santé, les femmes enceintes, les aînés et d'autres encore. Je suis ravie de voir que c'est le cas.

  +-(1750)  

    Outre le fait d'avoir reconnu les populations vulnérables, le projet de loi permettra d'appliquer des marges de sécurité pour les protéger. La loi américaine de protection de la qualité des aliments impose à l'Agence américaine pour la protection de l'environnement l'obligation d'utiliser une marge de sécurité supplémentaire, supérieure de 10 fois à celle normalement applicable, lorsqu'il s'agit d'évaluer les risques posés par la présence d'un produit antiparasitaire dans l'alimentation des enfants. La loi actuellement en vigueur au Canada n'impose pas une telle obligation. C'est ce qui explique que le comité ait réclamé une marge de sécurité supplémentaire supérieure de 10 fois à celle normalement applicable pour déterminer la tolérance aux résidus de produits antiparasitaires dans les aliments. Cette recommandation est prise en compte dans le projet de loi. J'estime néanmoins qu'il convient d'en préciser le sens, au moyen peut-être de quelques modifications appropriées. J'espère que le Comité permanent de la santé examinera de très près l'article 11.

    Le projet de loi exige également l'application d'une plus grande marge de sécurité pour ce qui concerne les produits antiparasitaires utilisés à proximité des écoles et des habitations, ce qui est louable. Lors de ses audiences, le Comité permanent de l'environnement a entendu des récits inquiétants concernant la sécurité des travailleurs chargés de l'épandage de ces produits antiparasitaires. Le comité a reconnu que ces travailleurs doivent bénéficier d'un niveau de protection identique à celui assuré aux travailleurs manipulant d'autres substances dangereuses. C'est pourquoi il a recommandé de prévoir dans la nouvelle loi que les produits antiparasitaires soient assujettis aux normes du système d'information relatif aux matières dangereuses dans le lieu de travail. Bien qu'il n'en soit pas précisément fait mention de ce système d'information, je suis ravie de constater que le projet de loi prévoit que le ministre peut exiger la fourniture aux lieux de travail d'une fiche signalétique pour chacun des produits antiparasitaires.

    Le comité s'est également intéressé de très près aux dispositions relatives à la réévaluation des produits dans l'actuelle loi. Dans l'état actuel des choses, il n'est pas prévu de délai précis pour procéder à la réévaluation d'un produit antiparasitaire. Cette réévaluation nous assure que l'homologation d'un produit s'appuie sur des données scientifiques à jour. Il ne faut pas s'étonner que, en l'absence de délais précis à respecter, nous accusions un retard considérable dans ces réévaluations. En vertu du projet de loi C-53, les produits antiparasitaires seront tous réévalués au bout de quinze ans. Malheureusement, l'on n'a pas prévu de calendrier pour l'achèvement de ce processus. Là encore, j'ose espérer que le Comité de la santé saura y apporter une solution.

    Monsieur le Président, j'espère que lorsque nous reprendrons le débat sur le projet de loi C-53, je pourrai poursuivre mon discours.

  +-(1755)  

+-

    Le vice-président: Je remercie la députée de York-Nord pour sa coopération. Quand la Chambre se ressaisira de cette question, la députée pourra très certainement poursuivre son intervention, car il lui reste quelque 12 minutes de temps de parole.

*   *   *

[Français]

+-Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux et armes à feu) et la Loi sur les armes à feu

     La Chambre reprend l'étude, interrompue le 8 avril, du projet de loi C-15B, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux et armes à feu) et la Loi sur les armes à feu, dont le comité a fait rapport avec des propositions d'amendement.

+-

    Le vice-président: Comme il est 17 h 56, la Chambre procédera maintenant aux votes par appel nominal différés à l'étape du rapport du projet de loi C-15B.

    Convoquez les députés.

    (La motion no 5, mise aux voix, est rejetée par le vote suivant:)

+

(Vote no 266)

POUR

Députés

Abbott
Anders
Anderson (Cypress Hills--Grasslands)
Bachand (Richmond--Arthabaska)
Bachand (Saint-Jean)
Bailey
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Borotsik
Breitkreuz
Brien
Brison
Burton
Cadman
Cardin
Casey
Casson
Chatters
Clark
Cummins
Dalphond-Guiral
Desrochers
Doyle
Dubé
Duceppe
Duncan
Elley
Epp
Fitzpatrick
Forseth
Fournier
Gagnon (Québec)
Gallant
Gauthier
Girard-Bujold
Gouk
Grewal
Guay
Guimond
Hearn
Hill (Macleod)
Hilstrom
Hinton
Jaffer
Johnston
Keddy (South Shore)
Kenney (Calgary Southeast)
Laframboise
Lalonde
Lanctôt
Lebel
Lunney (Nanaimo--Alberni)
MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough)
Marceau
Martin (Esquimalt--Juan de Fuca)
Mayfield
Ménard
Merrifield
Mills (Red Deer)
Pallister
Paquette
Penson
Perron
Picard (Drummond)
Plamondon
Rajotte
Reid (Lanark--Carleton)
Reynolds
Ritz
Rocheleau
Roy
Sauvageau
Schmidt
Skelton
Solberg
Sorenson
Spencer
St-Hilaire
Stinson
Thompson (New Brunswick Southwest)
Thompson (Wild Rose)
Toews
Vellacott
Wayne
White (Langley--Abbotsford)
White (North Vancouver)
Williams
Yelich

Total: -- 89

CONTRE

Députés

Adams
Alcock
Allard
Anderson (Victoria)
Assad
Assadourian
Bagnell
Barnes
Beaumier
Bennett
Bertrand
Bevilacqua
Binet
Blaikie
Blondin-Andrew
Bonin
Boudria
Brown
Bryden
Bulte
Byrne
Caccia
Calder
Cannis
Caplan
Carroll
Castonguay
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Charbonneau
Coderre
Collenette
Comartin
Copps
Cotler
Cullen
Cuzner
Davies
Desjarlais
DeVillers
Dhaliwal
Dion
Dromisky
Drouin
Duplain
Easter
Eggleton
Eyking
Farrah
Finlay
Folco
Fontana
Fry
Gallaway
Godfrey
Godin
Goodale
Graham
Grose
Guarnieri
Harb
Harvard
Harvey
Hubbard
Ianno
Jennings
Jordan
Karetak-Lindell
Keyes
Kilgour (Edmonton Southeast)
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
LeBlanc
Lee
Leung
Lill
Lincoln
Longfield
MacAulay
Macklin
Mahoney
Malhi
Manley
Marcil
Marleau
Martin (Winnipeg Centre)
Martin (LaSalle--Émard)
McCallum
McCormick
McDonough
McGuire
McKay (Scarborough East)
McLellan
McTeague
Minna
Mitchell
Murphy
Nault
Neville
Nystrom
O'Brien (London--Fanshawe)
O'Reilly
Pagtakhan
Patry
Peric
Peschisolido
Peterson
Pettigrew
Pickard (Chatham--Kent Essex)
Pratt
Price
Proulx
Redman
Regan
Richardson
Robillard
Robinson
Saada
Savoy
Scherrer
Scott
Shepherd
St-Jacques
St-Julien
St. Denis
Stoffer
Szabo
Telegdi
Thibault (West Nova)
Thibeault (Saint-Lambert)
Tirabassi
Tonks
Torsney
Ur
Valeri
Volpe
Wappel
Wasylycia-Leis
Whelan
Wilfert
Wood

Total: -- 143

PAIRÉS

Députés

Asselin
Bellemare
Bradshaw
Crête
Gagnon (Champlain)
Jackson
Loubier
Maloney
Myers
Owen
Rock
Tremblay (Lac-Saint-Jean--Saguenay)
Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis)
Venne

Total: -- 14

  +-(1825)  

[Traduction]

+-

    Le vice-président: Je déclare la motion no 5 rejetée.

[Français]

    Le prochain vote porte sur la motion no 7.

[Traduction]

+-

    Mme Marlene Catterall: Monsieur le Président, si vous le demandez, je crois que vous aurez le consentement unanime pour appliquer le résultat du vote qui vient d'être pris aux motions nos 7 et 8.

+-

    Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?

    Des voix: D'accord.

+-

    M. Dale Johnston: Monsieur le Président, les députés de l'Alliance canadienne voteront oui sur les motions nos 7 et 8.

[Français]

+-

    M. Pierre Brien: Monsieur le Président, les députés du Bloc québécois votent en faveur des motions nos 7 et 8.

+-

    M. Yvon Godin: Monsieur le Président, les députés du Nouveau Parti démocratique votent non sur ces motion.

+-

    M. André Bachand: Monsieur le Président, les députés du Parti progressiste-conservateur présents votent oui sur cette motion.

    (La motion no 7, mise aux voix, est rejetée par le vote suivant:)

+-

(Vote no 267)

POUR

Députés

Abbott
Anders
Anderson (Cypress Hills--Grasslands)
Bachand (Richmond--Arthabaska)
Bachand (Saint-Jean)
Bailey
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Borotsik
Breitkreuz
Brien
Brison
Burton
Cadman
Cardin
Casey
Casson
Chatters
Clark
Cummins
Dalphond-Guiral
Desrochers
Doyle
Dubé
Duceppe
Duncan
Elley
Epp
Fitzpatrick
Forseth
Fournier
Gagnon (Québec)
Gallant
Gauthier
Girard-Bujold
Gouk
Grewal
Guay
Guimond
Hearn
Hill (Macleod)
Hilstrom
Hinton
Jaffer
Johnston
Keddy (South Shore)
Kenney (Calgary Southeast)
Laframboise
Lalonde
Lanctôt
Lebel
Lunney (Nanaimo--Alberni)
MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough)
Marceau
Martin (Esquimalt--Juan de Fuca)
Mayfield
Ménard
Merrifield
Mills (Red Deer)
Pallister
Paquette
Penson
Perron
Picard (Drummond)
Plamondon
Rajotte
Reid (Lanark--Carleton)
Reynolds
Ritz
Rocheleau
Roy
Sauvageau
Schmidt
Skelton
Solberg
Sorenson
Spencer
St-Hilaire
Stinson
Thompson (New Brunswick Southwest)
Thompson (Wild Rose)
Toews
Vellacott
Wayne
White (Langley--Abbotsford)
White (North Vancouver)
Williams
Yelich

Total: -- 89

CONTRE

Députés

Adams
Alcock
Allard
Anderson (Victoria)
Assad
Assadourian
Bagnell
Barnes
Beaumier
Bennett
Bertrand
Bevilacqua
Binet
Blaikie
Blondin-Andrew
Bonin
Boudria
Brown
Bryden
Bulte
Byrne
Caccia
Calder
Cannis
Caplan
Carroll
Castonguay
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Charbonneau
Coderre
Collenette
Comartin
Copps
Cotler
Cullen
Cuzner
Davies
Desjarlais
DeVillers
Dhaliwal
Dion
Dromisky
Drouin
Duplain
Easter
Eggleton
Eyking
Farrah
Finlay
Folco
Fontana
Fry
Gallaway
Godfrey
Godin
Goodale
Graham
Grose
Guarnieri
Harb
Harvard
Harvey
Hubbard
Ianno
Jennings
Jordan
Karetak-Lindell
Keyes
Kilgour (Edmonton Southeast)
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
LeBlanc
Lee
Leung
Lill
Lincoln
Longfield
MacAulay
Macklin
Mahoney
Malhi
Manley
Marcil
Marleau
Martin (Winnipeg Centre)
Martin (LaSalle--Émard)
McCallum
McCormick
McDonough
McGuire
McKay (Scarborough East)
McLellan
McTeague
Minna
Mitchell
Murphy
Nault
Neville
Nystrom
O'Brien (London--Fanshawe)
O'Reilly
Pagtakhan
Patry
Peric
Peschisolido
Peterson
Pettigrew
Pickard (Chatham--Kent Essex)
Pratt
Price
Proulx
Redman
Regan
Richardson
Robillard
Robinson
Saada
Savoy
Scherrer
Scott
Shepherd
St-Jacques
St-Julien
St. Denis
Stoffer
Szabo
Telegdi
Thibault (West Nova)
Thibeault (Saint-Lambert)
Tirabassi
Tonks
Torsney
Ur
Valeri
Volpe
Wappel
Wasylycia-Leis
Whelan
Wilfert
Wood

Total: -- 143

PAIRÉS

Députés

Asselin
Bellemare
Bradshaw
Crête
Gagnon (Champlain)
Jackson
Loubier
Maloney
Myers
Owen
Rock
Tremblay (Lac-Saint-Jean--Saguenay)
Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis)
Venne

Total: -- 14

    (La motion no 8, mise aux voix, est rejetée par le vote suivant:)

+-

(Vote no 268)

POUR

Députés

Abbott
Anders
Anderson (Cypress Hills--Grasslands)
Bachand (Richmond--Arthabaska)
Bachand (Saint-Jean)
Bailey
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Borotsik
Breitkreuz
Brien
Brison
Burton
Cadman
Cardin
Casey
Casson
Chatters
Clark
Cummins
Dalphond-Guiral
Desrochers
Doyle
Dubé
Duceppe
Duncan
Elley
Epp
Fitzpatrick
Forseth
Fournier
Gagnon (Québec)
Gallant
Gauthier
Girard-Bujold
Gouk
Grewal
Guay
Guimond
Hearn
Hill (Macleod)
Hilstrom
Hinton
Jaffer
Johnston
Keddy (South Shore)
Kenney (Calgary Southeast)
Laframboise
Lalonde
Lanctôt
Lebel
Lunney (Nanaimo--Alberni)
MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough)
Marceau
Martin (Esquimalt--Juan de Fuca)
Mayfield
Ménard
Merrifield
Mills (Red Deer)
Pallister
Paquette
Penson
Perron
Picard (Drummond)
Plamondon
Rajotte
Reid (Lanark--Carleton)
Reynolds
Ritz
Rocheleau
Roy
Sauvageau
Schmidt
Skelton
Solberg
Sorenson
Spencer
St-Hilaire
Stinson
Thompson (New Brunswick Southwest)
Thompson (Wild Rose)
Toews
Vellacott
Wayne
White (Langley--Abbotsford)
White (North Vancouver)
Williams
Yelich

Total: -- 89

CONTRE

Députés

Adams
Alcock
Allard
Anderson (Victoria)
Assad
Assadourian
Bagnell
Barnes
Beaumier
Bennett
Bertrand
Bevilacqua
Binet
Blaikie
Blondin-Andrew
Bonin
Boudria
Brown
Bryden
Bulte
Byrne
Caccia
Calder
Cannis
Caplan
Carroll
Castonguay
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Charbonneau
Coderre
Collenette
Comartin
Copps
Cotler
Cullen
Cuzner
Davies
Desjarlais
DeVillers
Dhaliwal
Dion
Dromisky
Drouin
Duplain
Easter
Eggleton
Eyking
Farrah
Finlay
Folco
Fontana
Fry
Gallaway
Godfrey
Godin
Goodale
Graham
Grose
Guarnieri
Harb
Harvard
Harvey
Hubbard
Ianno
Jennings
Jordan
Karetak-Lindell
Keyes
Kilgour (Edmonton Southeast)
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
LeBlanc
Lee
Leung
Lill
Lincoln
Longfield
MacAulay
Macklin
Mahoney
Malhi
Manley
Marcil
Marleau
Martin (Winnipeg Centre)
Martin (LaSalle--Émard)
McCallum
McCormick
McDonough
McGuire
McKay (Scarborough East)
McLellan
McTeague
Minna
Mitchell
Murphy
Nault
Neville
Nystrom
O'Brien (London--Fanshawe)
O'Reilly
Pagtakhan
Patry
Peric
Peschisolido
Peterson
Pettigrew
Pickard (Chatham--Kent Essex)
Pratt
Price
Proulx
Redman
Regan
Richardson
Robillard
Robinson
Saada
Savoy
Scherrer
Scott
Shepherd
St-Jacques
St-Julien
St. Denis
Stoffer
Szabo
Telegdi
Thibault (West Nova)
Thibeault (Saint-Lambert)
Tirabassi
Tonks
Torsney
Ur
Valeri
Volpe
Wappel
Wasylycia-Leis
Whelan
Wilfert
Wood

Total: -- 143

PAIRÉS

Députés

Asselin
Bellemare
Bradshaw
Crête
Gagnon (Champlain)
Jackson
Loubier
Maloney
Myers
Owen
Rock
Tremblay (Lac-Saint-Jean--Saguenay)
Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis)
Venne

Total: -- 14

+-

    Le vice-président: Je déclare les motions nos 7 et 8 rejetées.

[Traduction]

    Le vote porte maintenant sur la motion no 9.

+-

    Mme Marlene Catterall: Monsieur le Président, si vous le demandiez, je crois que la Chambre donnerait son consentement pour que les députés qui ont voté sur la motion précédente soient enregistrés comme ayant voté sur la motion présentement devant la Chambre, les députés libéraux votant non.

+-

    Le vice-président: Est-on d'accord?

    Des voix: D'accord.

+-

    M. Dale Johnston: Monsieur le Président, les députés de l'Alliance canadienne voteront oui sur cette motion.

[Français]

+-

    M. Pierre Brien: Monsieur le Président, les députés du Bloc québécois votent non sur cette motion.

[Traduction]

+-

    M. Yvon Godin: Monsieur le Président, les députés du Nouveau Parti démocratique s'opposent à cette motion.

[Français]

+-

    M. André Bachand: Monsieur le Président, les députés du Parti progressiste-conservateur votent oui sur cette motion.

    (La motion no 9, mise aux voix, est rejetée par le vote suivant:)

+-

(Vote no 269)

POUR

Députés

Abbott
Anders
Anderson (Cypress Hills--Grasslands)
Bachand (Richmond--Arthabaska)
Bailey
Benoit
Borotsik
Breitkreuz
Brison
Burton
Cadman
Casey
Casson
Chatters
Clark
Cummins
Doyle
Duncan
Elley
Epp
Fitzpatrick
Forseth
Gallant
Gouk
Grewal
Hearn
Hill (Macleod)
Hilstrom
Hinton
Jaffer
Johnston
Keddy (South Shore)
Kenney (Calgary Southeast)
Lunney (Nanaimo--Alberni)
MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough)
Martin (Esquimalt--Juan de Fuca)
Mayfield
Merrifield
Mills (Red Deer)
Pallister
Penson
Rajotte
Reid (Lanark--Carleton)
Reynolds
Ritz
Schmidt
Skelton
Solberg
Sorenson
Spencer
Stinson
Thompson (New Brunswick Southwest)
Thompson (Wild Rose)
Toews
Vellacott
Wayne
White (Langley--Abbotsford)
White (North Vancouver)
Williams
Yelich

Total: -- 60

CONTRE

Députés

Adams
Alcock
Allard
Anderson (Victoria)
Assad
Assadourian
Bachand (Saint-Jean)
Bagnell
Barnes
Beaumier
Bellehumeur
Bennett
Bergeron
Bertrand
Bevilacqua
Binet
Blaikie
Blondin-Andrew
Bonin
Boudria
Brien
Brown
Bryden
Bulte
Byrne
Caccia
Calder
Cannis
Caplan
Cardin
Carroll
Castonguay
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Charbonneau
Coderre
Collenette
Comartin
Copps
Cotler
Cullen
Cuzner
Dalphond-Guiral
Davies
Desjarlais
Desrochers
DeVillers
Dhaliwal
Dion
Dromisky
Drouin
Dubé
Duceppe
Duplain
Easter
Eggleton
Eyking
Farrah
Finlay
Folco
Fontana
Fournier
Fry
Gagnon (Québec)
Gallaway
Gauthier
Girard-Bujold
Godfrey
Godin
Goodale
Graham
Grose
Guarnieri
Guay
Guimond
Harb
Harvard
Harvey
Hubbard
Ianno
Jennings
Jordan
Karetak-Lindell
Keyes
Kilgour (Edmonton Southeast)
Knutson
Kraft Sloan
Laframboise
Lalonde
Lanctôt
Lastewka
Lebel
LeBlanc
Lee
Leung
Lill
Lincoln
Longfield
MacAulay
Macklin
Mahoney
Malhi
Manley
Marceau
Marcil
Marleau
Martin (Winnipeg Centre)
Martin (LaSalle--Émard)
McCallum
McCormick
McDonough
McGuire
McKay (Scarborough East)
McLellan
McTeague
Ménard
Minna
Mitchell
Murphy
Nault
Neville
Nystrom
O'Brien (London--Fanshawe)
O'Reilly
Pagtakhan
Paquette
Patry
Peric
Perron
Peschisolido
Peterson
Pettigrew
Picard (Drummond)
Pickard (Chatham--Kent Essex)
Plamondon
Pratt
Price
Proulx
Redman
Regan
Richardson
Robillard
Robinson
Rocheleau
Roy
Saada
Sauvageau
Savoy
Scherrer
Scott
Shepherd
St-Hilaire
St-Jacques
St-Julien
St. Denis
Stoffer
Szabo
Telegdi
Thibault (West Nova)
Thibeault (Saint-Lambert)
Tirabassi
Tonks
Torsney
Ur
Valeri
Volpe
Wappel
Wasylycia-Leis
Whelan
Wilfert
Wood

Total: -- 172

PAIRÉS

Députés

Asselin
Bellemare
Bradshaw
Crête
Gagnon (Champlain)
Jackson
Loubier
Maloney
Myers
Owen
Rock
Tremblay (Lac-Saint-Jean--Saguenay)
Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis)
Venne

Total: -- 14

+-

    Le vice-président: Je déclare la motion no 9 rejetée.

+-

    L'hon. Martin Cauchon (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): propose: Que le projet de loi, tel que modifié, soit agréé à l'étape du rapport avec un autre amendement.

[Traduction]

+-

    Mme Marlene Catterall: Monsieur le Président, je crois que vous obtiendrez le consentement unanime de la Chambre pour appliquer à l'inverse le résultat du vote sur les motions nos 5, 7 et 8 à la motion d'approbation. La députée de Lambton--Kent--Middlesex souhaite s'abstenir.

+-

    Le vice-président: Est-on d'accord?

    Des voix: D'accord.

+-

    M. Dale Johnston: Monsieur le Président, l'Alliance canadienne votera contre cette motion.

  +-(1830)  

[Français]

+-

    M. Pierre Brien: Monsieur le Président, les députés du Bloc québécois votent non sur cette motion.

+-

    M. Yvon Godin: Monsieur le Président, les députés du NPD votent oui sur cette motion.

+-

    M. André Bachand: Monsieur le Président, les députés conservateurs votent non sur cette motion.

[Traduction]

+-

    M. Paul Steckle: Monsieur le Président, je tiens à ce que l'on sache que je voterai contre cette motion.

    (La motion, mise aux voix, est adoptée par le vote suivant:)

-

(Vote no 270)

POUR

Députés

Adams
Alcock
Allard
Anderson (Victoria)
Assad
Assadourian
Bagnell
Barnes
Beaumier
Bennett
Bertrand
Bevilacqua
Binet
Blaikie
Blondin-Andrew
Bonin
Boudria
Brown
Bryden
Bulte
Byrne
Caccia
Calder
Cannis
Caplan
Carroll
Castonguay
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Charbonneau
Coderre
Collenette
Comartin
Copps
Cotler
Cullen
Cuzner
Davies
Desjarlais
DeVillers
Dhaliwal
Dion
Dromisky
Drouin
Duplain
Easter
Eggleton
Eyking
Farrah
Finlay
Folco
Fontana
Fry
Gallaway
Godfrey
Godin
Goodale
Graham
Grose
Guarnieri
Harb
Harvard
Harvey
Hubbard
Ianno
Jennings
Jordan
Karetak-Lindell
Keyes
Kilgour (Edmonton Southeast)
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
LeBlanc
Lee
Leung
Lill
Lincoln
Longfield
MacAulay
Macklin
Mahoney
Malhi
Manley
Marcil
Marleau
Martin (Winnipeg Centre)
Martin (LaSalle--Émard)
McCallum
McCormick
McDonough
McGuire
McKay (Scarborough East)
McLellan
McTeague
Minna
Mitchell
Murphy
Nault
Neville
Nystrom
O'Brien (London--Fanshawe)
O'Reilly
Pagtakhan
Patry
Peric
Peschisolido
Peterson
Pettigrew
Pickard (Chatham--Kent Essex)
Pratt
Price
Proulx
Redman
Regan
Richardson
Robillard
Robinson
Saada
Savoy
Scherrer
Scott
Shepherd
St-Jacques
St-Julien
St. Denis
Stoffer
Szabo
Telegdi
Thibault (West Nova)
Thibeault (Saint-Lambert)
Tirabassi
Tonks
Torsney
Valeri
Volpe
Wappel
Wasylycia-Leis
Whelan
Wilfert
Wood

Total: -- 142

CONTRE

Députés

Abbott
Anders
Anderson (Cypress Hills--Grasslands)
Bachand (Richmond--Arthabaska)
Bachand (Saint-Jean)
Bailey
Bellehumeur
Benoit
Bergeron
Borotsik
Breitkreuz
Brien
Brison
Burton
Cadman
Cardin
Casey
Casson
Chatters
Clark
Cummins
Dalphond-Guiral
Desrochers
Doyle
Dubé
Duceppe
Duncan
Elley
Epp
Fitzpatrick
Forseth
Fournier
Gagnon (Québec)
Gallant
Gauthier
Girard-Bujold
Gouk
Grewal
Guay
Guimond
Hearn
Hill (Macleod)
Hilstrom
Hinton
Jaffer
Johnston
Keddy (South Shore)
Kenney (Calgary Southeast)
Laframboise
Lalonde
Lanctôt
Lebel
Lunney (Nanaimo--Alberni)
MacKay (Pictou--Antigonish--Guysborough)
Marceau
Martin (Esquimalt--Juan de Fuca)
Mayfield
Ménard
Merrifield
Mills (Red Deer)
Pallister
Paquette
Penson
Perron
Picard (Drummond)
Plamondon
Rajotte
Reid (Lanark--Carleton)
Reynolds
Ritz
Rocheleau
Roy
Sauvageau
Schmidt
Skelton
Solberg
Sorenson
Spencer
St-Hilaire
Steckle
Stinson
Thompson (New Brunswick Southwest)
Thompson (Wild Rose)
Toews
Vellacott
Wayne
White (Langley--Abbotsford)
White (North Vancouver)
Williams
Yelich

Total: -- 90

PAIRÉS

Députés

Asselin
Bellemare
Bradshaw
Crête
Gagnon (Champlain)
Jackson
Loubier
Maloney
Myers
Owen
Rock
Tremblay (Lac-Saint-Jean--Saguenay)
Tremblay (Rimouski-Neigette-et-la Mitis)
Venne

Total: -- 14

+-

    Le vice-président: Je déclare la motion adoptée.

    Je demande la collaboration des députés. Comme un important débat d'urgence suivra ce soir l'heure réservée aux initiatives parlementaires, j'espère que nous pourrons procéder le plus rapidement possible à l'étude des initiatives parlementaires.

    Comme il est 18 h 32, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.


+-INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Initiatives parlementaires]

*   *   *

[Traduction]

+-La loi sur la statistique

+-

    M. Murray Calder (Dufferin--Peel--Wellington--Grey, Lib.) propose: Que le projet de loi C-312, Loi modifiant la Loi sur la statistique et la Loi sur les archives nationales du Canada (documents de recensement), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

    Monsieur le Président, je suis ravi d'intervenir au sujet du projet de loi C-312, qui vise à donner aux chercheurs l'accès aux documents historiques de recensement au bout de 92 ans.

    À première vue, on pourrait penser qu'il s'agit d'un problème très obscur. Pourtant, depuis que j'ai présenté le projet de loi il y a à peine un an, mon bureau a reçu des pétitions signées par plus de 14 000 Canadiens qui demandent que les documents historiques de recensement soient rendus publics. Si j'ajoute les pétitions reçues avant les élections, j'ai donc obtenu le point de vue de plus de 20 000 Canadiens sur cette question. Un nombre semblable de pétitions a été reçu à l'autre endroit où un projet de loi identique, le S-12, est en instance de troisième lecture. Des collègues me disent avoir reçu plus de lettres et de courriels pour les documents historiques de recensement que pour toute autre question.

    Compte tenu du grand intérêt que soulève ce projet de loi, il est malheureux qu'il n'ait pas été jugé pouvant faire l'objet d'un vote. Je vais demander le consentement unanime de la Chambre afin de corriger cette lacune et de veiller à ce que le projet de loi C-312 puisse faire l'objet d'un vote. J'espère que tous les députés conviendront que toute question recueillant plus de 20 000 signatures sur des pétitions préoccupe beaucoup le public et devrait faire l'objet d'un vote démocratique à la Chambre, que les députés appuient ou non le projet de loi proprement dit.

    Pourquoi cette question soulève-t-elle tant d'intérêt? On estime que 7,5 millions de Canadiens s'intéressent à la généalogie. L'étude des racines familiales est un des passe-temps les plus populaires au Canada. Pour certains, les mormons, par exemple, la recherche généalogique revêt une importance religieuse.

    Le recensement est le seul document historique qui fournit de l'information au sujet des cellules familiales au lieu de se limiter uniquement aux particuliers. Il trace un portrait du Canada à une époque antérieure, de sorte que c'est un outil précieux pour les historiens. Il a servi à établir les droits reconnus par la loi et, notamment, les droits des Premières nations issus de traités. Des chercheurs médicaux ont utilisé le recensement pour établir des liens familiaux, élément d'information vital lorsque l'on étudie les maladies d'origine génétique.

    Les documents de recensement remontant jusqu'au recensement de 1901 peuvent être consultés sur microfilm par tous les Canadiens aux Archives nationales, dans bon nombre de bibliothèques et dans d'autres centres régionaux d'archives au Canada. Par souci de protéger la vie privée des Canadiens toujours en vie, les documents des recensements sont traditionnellement demeurés confidentiels pendant 92 ans avant d'être rendus publics. En réalité, la règle des 92 ans est prévue à l'alinéa 6d) du règlement d'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels. On y précise que les archives publiques peuvent divulguer de l'information pour des travaux de recherche ou de statistique, s'«il s'agit de renseignements qui ont été obtenus au moyen d'une enquête ou d'un recensement tenu il y a au moins 92 ans.»

    En d'autres termes, le délai de 92 ans prévu dans le projet de loi C-312 a déjà un fondement dans la législation canadienne sur les recensements. Il n'y a rien de nouveau dans la possibilité de donner accès aux données des recensements. Aucune plainte n'a jamais été déposée au sujet des données des recensements qui ont été rendues publiques, soit jusqu'à 1901 inclusivement. En fait, les Terre-Neuviens ont déjà accès à des données de recensements bien plus récents, effectués avant que la province ne se joigne à la Confédération.

    Pourquoi le projet de loi C-312 est-il nécessaire? C'est une question très pertinente qui pose notamment un défi aux juristes.

    Je suis un éleveur de volaille, non un juriste, mais voici une explication. Statistique Canada a entre autres refusé de communiquer aux Archives nationales du Canada les données du recensement effectué en 1906 dans l'ouest du Canada et du recensement de 1911. Il en est ainsi en dépit des demandes répétées des Archives nationales du Canada. Comme je l'ai dit, je suis un éleveur, non un avocat, mais les avocats m'affirment que Statistique Canada est tenu de communiquer aux Archives nationales tous les documents historiques d'intérêt pour les archives. Les Archives peuvent alors mettre ces documents à la disposition du public en vertu de la loi en vigueur.

  +-(1835)  

    Cette opinion n'a pas été émise par n'importe quel avocat. En effet, dans un avis juridique daté du mois d'août 2000, un avocat principal du ministère de la Justice, en l'occurrence Ann Chaplin, a conclu ce qui suit:

...selon le meilleur point de vue, l'archiviste national a le pouvoir de divulguer les documents de recensements effectués avant 1918 sans qu'il soit nécessaire de modifier la loi.

    Mme Chaplin ajoute que la question n'est pas tranchée pour ce qui est des données recueillies après 1918 suite à l'adoption, cette même année, de la Loi sur la statistique. La juriste suggère des modifications législatives mineures pour des motifs de clarté. Elle soutient également que la Loi sur la statistique de 1918 ne prévoyait pas modifier la politique précédente sur la divulgation des données de recensement par communication aux archives.

    Quelle est alors la raison d'être du projet de loi C-312? Compte tenu de l'intransigeance de Statistique Canada sur la question, il est nécessaire d'apporter des éclaircissements législatifs. Certaines craintes ont également été exprimées au sujet du respect de la vie privée des personnes dont le nom figure dans les données de recensement. Le projet de loi C-312 tente de régler ce problème. Il permettrait à une personne de s'opposer par écrit à la divulgation d'information qui porterait atteinte à sa vie privée. En bref, la mesure législative constitue un compromis entre les droits des chercheurs canadiens d'avoir accès à ce trésor historique et les droits des citoyens de protéger leur vie privée.

    L'avis juridique confidentiel du ministère de la Justice n'est pas la seule opinion sur cette question non plus. En 1999-2000, un comité d'experts composé d'éminents universitaires et juristes a étudié en profondeur la question des données de recensement historiques--à la demande de l'ancien ministre de l'Industrie, soit dit en passant. Son rapport a finalement été publié en décembre 2000 à la suite de demandes d'accès à l'information. Il est évident que ses recommandations ne convenaient pas à Statistique Canada. Le rapport demandait clairement que les données de recensement historiques soient rendues publiques. Chose plus importante, il a rejeté sans équivoque la prétention de Statistique Canada voulant qu'on ait déjà donné la garantie que les données du recensement demeureraient à jamais confidentielles.

    Statistique Canada a beaucoup parlé de la prétendue promesse de Laurier, mais malgré d'autres demandes d'accès à l'information, Statistique Canada n'a pas fourni une seule preuve d'un tel engagement à l'égard d'une confidentialité perpétuelle.

    A-t-on violé une promesse? Oui, mais pas celle dont parle Statistique Canada. La promesse violée est celle contenue dans les instructions de recensement de 1911 et les autres années qui ont suivi. On y dit:

Le recensement doit constituer un dossier permanent et les questionnaires doivent être conservés aux Archives du Dominion.

    Voilà la promesse. C'est la promesse qui a été violée par la bureaucratie entêtée de Statistique Canada qui a outrepassé son autorité et a assumé une responsabilité qui revient aux Archives nationales du Canada. Ce sont les Archives qui doivent déterminer s'il s'agit de renseignements historiques ou s'ils peuvent ou non être rendus publics conformément à des lois existantes comme la Loi sur la protection des renseignements personnels. Cela n'a jamais été le rôle de Statistique Canada.

    Les recommandations du comité d'experts et l'avis juridique confidentiel du ministère de la Justice n'ont pas encore suffi à convaincre Statistique Canada de faire ce que la loi exigeait. Au lieu de cela, elle a tergiversé et fait traîner les choses. Cette fois-ci, Statistique Canada a engagé la firme de sondage Environics pour se charger d'assemblées publiques et de groupes cibles dans tout le Canada en décembre et janvier derniers. Je n'ai rien contre des consultations publiques, mais il y a déjà eu d'importantes consultations publiques menées par le comité d'experts. Continuons-nous de poser la question jusqu'à ce que nous obtenions la réponse que nous souhaitons? Est-ce cela que Statistique Canada essaie de faire?

    L'opinion exprimée lors des assemblées publiques organisées par Environics était largement en faveur de la divulgation des données historiques du recensement. À peine une poignée de personnes s'est prononcée contre cette divulgation et, d'après ce que nous pouvons dire, ces gens avaient été précisément invités à participer aux audiences pour présenter un point de vue opposé. Même ces gens, dans au moins un cas, ont reconnu qu'il n'y avait aucun engagement de confidentialité relativement aux recensements de 1906 et 1911 qui devrait empêcher leur divulgation.

  +-(1840)  

    Je ne doute pas qu'il y a eu assez d'études et de consultations sur cette question pour qu'il ne soit pas nécessaire de reporter encore la question. Les aspects juridiques et historiques ont été amplement étudiés, il y a eu assez de consultations. De plus, la Chambre a adopté en septembre 2000 une motion stipulant clairement que les données de 1911 devraient être rendues publiques. C'était une motion de la Chambre des communes du Canada dont fait fi encore Statistique Canada.

    La Grande-Bretagne a mis récemment sur l'Internet les données du recensement de 1901, et les serveurs sont tombés en panne à cause de la demande excessive. Aux États-Unis, les données des recensements sont rendues publiques après 72 ans. Dans d'autres pays qui rendent publiques les données de leurs recensements, rien n'indique que les gens se montrent moins coopératifs lors des recensements ou que cela donne lieu à des plaintes du public.

    Il est inconcevable pour moi qu'au début du XXe siècle il ait été clairement stipulé que les données des recensements devaient être versées dans les archives publiques et rester confidentielles pour toujours. Si cela avait été le cas, des instructions auraient sûrement été données pour que les dossiers soient détruits. Or, aucune instruction semblable n'a jamais été donnée ni dans les recensements ni dans la loi. En fait, ce serait un acte de vandalisme à l'encontre de ce trésor historique canadien si jamais ces dossiers étaient détruits.

    La Loi sur les Archives nationales du Canada et les règlements de la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoient déjà que les données des recensements doivent être versées dans les archives et rendues publiques 92 ans plus tard. C'est ce que prévoit la loi.

    Comme d'aucuns le disent, ce n'est pas un projet de loi rétroactif. Le projet de loi C-312 prévoit un mécanisme de transfert des données des recensements de Statistique Canada aux Archives nationales. Il lève l'ambiguïté qui a permis à Statistique Canada d'empêcher la population canadienne d'avoir accès à ce trésor historique. Par-dessus tout, en permettant à des particuliers de s'opposer à la divulgation de renseignements personnels les concernant, le projet de loi répond aux préoccupations relatives à la protection des renseignements provinciaux. Nul doute que tous les députés ont entendu nombre de Canadiens, tant dans leur circonscription qu'ailleurs au Canada, parler de l'importance que représente ce projet de loi pour leurs efforts visant à connaître le passé de leurs familles.

    Compte tenu de tout l'intérêt manifesté pour la question, j'exhorte la Chambre à consentir unanimement à ce que le projet de loi C-312 puisse faire l'objet d'un vote, et tous les députés, à l'adopter.

  +-(1845)  

+-

    Le président suppléant (M. Bélair): Y a-t-il consentement unanime à ce que le projet de loi puisse faire l'objet d'un vote?

    Des voix: D'accord.

    Des voix: Non.

+-

    M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je n'arrive pas à croire que le whip du gouvernement soit aussi impitoyable avec un député libéral. C'est une honte, d'autant plus que l'esprit du projet de loi est le même que celui de la motion no 160, que j'ai proposée au cours de la dernière législature et qui a été adoptée en septembre 2000, comme le député vient de le dire.

    La motion que j'ai proposée disait ceci:

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre publics les dossiers du recensement de 1911 une fois qu'ils auront été déposés aux Archives nationales, en 2003.

    La motion que j'ai présentée il y a deux ans a recueilli de très larges appuis. Il était très évident que, une fois reconnue comme pouvant faire l'objet d'un vote, elle serait probablement adoptée. Le gouvernement a réussi à faire présenter par son député de Ottawa-Centre un amendement sournois à ma motion, amendement que le gouvernement a appuyé en appliquant plus ou moins la discipline de parti. Selon moi, le ministre de l'Industrie de l'époque, aujourd'hui vice-premier ministre, a toujours protégé les bureaucrates de Statistique Canada, qui se montrent intransigeants dans ce dossier.

    Pour une raison ou une autre, le député de Ottawa-Centre a choisi de vider de sa substance cette motion qui jouissait d'un large soutien. Le texte, au lieu de dire: «Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre publics les dossiers du recensement de 1911...» a fini par se lire ainsi: «Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait considérer prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre publics les dossiers du recensement de 1911.» Je voudrais que la directive donnée à l'exécutif sur la publication de ces dossiers soit aussi claire et univoque que mon collègue d'Ottawa le prétend. Ce que nous avons vu en septembre 2000, malheureusement, c'est une intervention du ministre de l'Industrie dans l'étude d'une mesure d'initiative parlementaire normalement dénuée de tout sectarisme, pour édulcorer la motion no 160.

    Je suis heureux de constater qu'un député d'en face a proposé un projet de loi bien mûri qui, à dire vrai, est un moyen plus complet que ne l'était ma motion de s'attaquer au problème de la non-divulgation des données des recensements aux termes de la règle de 92 ans. Ma motion était un effort modeste et de portée limitée qui devait permettre à la Chambre de discuter de la question. Elle a permis ce débat. Mais le projet de loi à l'étude est plus complet et réglerait le problème pour de bon. C'est pourquoi je l'appuie fermement et exhorte tous mes collègues à en faire autant.

    Toutefois, bien que je félicite mon collègue d'en face de ses efforts, au nom de tous les généalogistes, historiens et archivistes du pays, je me dois de remettre en question sa façon de définir le problème. Il a beaucoup parlé de l'intransigeance des fonctionnaires de Statistique Canada, mais si je ne m'abuse, Statistique Canada est toujours un service qui dépend du pouvoir exécutif. En vertu d'une loi adoptée par le Parlement, ce ministère est comptable au ministre de l'Industrie, par l'intermédiaire du Parlement.

    J'espère que mon ami d'en face et tous mes collègues qui pensent comme moi utiliseront tous les outils à leur disposition pour persuader le ministre de l'Industrie de forcer les fonctionnaires de Statistique Canada à tenir compte des règles du Parlement, tel qu'il a été exprimé dans le cadre du vote enregistré à l'égard de ma motion en septembre 2000, et à respecter la norme juridique. Comme le député d'en face l'a clairement démontré, il n'existe pas de barrière juridique contraignante à la publication des données des recensements. Ceux qui ont étudié la question ont découvert qu'il n'y a absolument rien qui prouve que ces Canadiens se sont vu promettre la confidentialité à tout jamais.

    À venir jusqu'à tout récemment, on semblait voir quelque chose de nouveau à Statistique Canada. Le projet de loi C-312 déposé par le député prévoit des mesures particulières au chapitre de la protection des renseignements personnels. À mon avis, la Loi sur la protection des renseignements personnels devrait s'appliquer.

  +-(1850)  

    Il me semble essentiel de faire preuve de bon sens dans ce dossier, comme d'autres pays l'ont fait partout au monde. Lorsque le gouvernement force des gens à lui fournir des renseignements sous la menace de la loi, il n'est que logique que ces gens s'attendent à une protection réelle des renseignements qui les concernent jusqu'à la fin de leurs jours.

    Les renseignements dont il est question dans le recensement de 1911 sont des renseignements de base. Ils n'empiètent pas sur la vie privée des gens. On y retrouve leur nom, celui de leur conjoint, le nombre de leurs enfants, leur occupation et l'endroit où ils vivent. C'est de ce genre de renseignements dont il s'agit, en plus de quelques autres dans certains cas. Toutefois, ces renseignements sont essentiels au niveau historique, dans un pays qui perd malheureusement le sens de l'histoire.

    Nous ne cherchons pas à révéler les habitudes personnelles de nos arrières grands-parents, leurs comportements particuliers ou leurs petits secrets. Nous demandons simplement d'avoir accès à ces renseignements de base au nom de dizaine de milliers d'archivistes, historiens et généalogistes canadiens

    Encore une fois, j'appuie fermement le projet de loi C-312 et j'encourage tous les députés à faire de même. Cependant, comme nous l'avons constaté d'après la réaction du gouvernement à ma motion no 160, même si la Chambre devait aborder la question, même si le député d'en face obtenait le consentement pour que le projet de loi fasse l'objet d'un vote, comme il l'a obtenu de notre part, même si le vote était en faveur du projet de loi et que celui-ci devenait loi, je ne suis pas certain que le gouvernement prendrait des mesures en conséquence.

    La Chambre a donné son avis à ce sujet. Elle s'est exprimée il y a plus de deux ans et le gouvernement n'a absolument rien fait. Le ministre de l'Industrie a créé d'autres comités qui devaient étudier la question. Ces comités ont présenté leurs rapports et le temps a passé. Nous avons assisté à de la procrastination continuelle.

    Je n'ai que des bons mots pour ce projet de loi et cet effort législatif, mais bien des députés subissent la pression de leurs électeurs qui veulent ouvrir les dossiers de recensement. Les députés affirment qu'ils vont appuyer le projet de loi d'initiative parlementaire ou qu'ils ont voté en faveur de la motion, puis ils demandent qu'on ne les dérange plus.

    Ce n'est pas suffisant, surtout de la part des députés ministériels. Ils doivent interpeller le ministre de l'Industrie et exiger qu'il rappelle à l'ordre les bureaucrates de Statistique Canada qui, jusqu'à maintenant, ont refusé que le problème soit réglé équitablement et adéquatement en droit.

    J'espère que tous les députés vont accepter que le projet de loi soit mis aux voix. J'espère qu'il sera adopté. J'espère que l'exécutif agira, contrairement à ce qu'il a fait après l'adoption de la motion similaire présentée à la dernière législature.

  +-(1855)  

[Français]

+-

    Le président suppléant (M. Bélair): J'ai ici une longue liste de députés qui désirent intervenir. Je fais appel à la générosité des prochains orateurs pour qu'ils donnent une minute ou deux de leur discours à un ou deux de leurs collègues afin de leur permettre de pouvoir se prononcer, si cela leur est loisible. Mais c'est à leur entière discrétion.

+-

    M. Stéphane Bergeron (Verchères--Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, il me fait également plaisir de prendre part à ce débat qui constitue au fond un débat de société.

    Ce qui est actuellement en cause, ce sont des valeurs sociétales quant à la possibilité, d'une part, de faire un retour sur le passé, de dresser le tableau le plus précis possible de notre histoire et, d'autre part, des valeurs très modernes de confidentialité des renseignements personnels. Ces deux conceptions des choses s'affrontent. Je dois dire que c'est un débat qui a cours depuis déjà un certain nombre d'années au Canada, et j'y reviendrai plus loin.

    Attardons-nous quelques instants sur le projet de loi C-312. Le sommaire du projet de loi stipule ceci:

Le texte autorise expressément le transfert de tous les documents des recensements de Statistique Canada aux Archives nationales du Canada aux fins d'archivage. Il accorde aux généalogistes et autres recherchistes l'accès aux documents d'un recensement dès l'expiration d'un délai de 92 ans suivant celui-ci, sous réserve du droit au respect de la vie privée qu'il prévoit. Tout particulier peut ainsi se prévaloir de ce droit en s'opposant à la communication des renseignements personnels contenus dans ces documents.

    Le précédent orateur faisait état du fait qu'il a soumis à la Chambre des communes, il y a deux ans, la motion M-160, si je ne m'abuse, qui a été amendée et qui se lisait comme suit:

Que de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait considérer prendre toutes les mesures nécessaires pour rendre publics les dossiers du recensement de 1911, une fois qu'ils auront été déposés aux Archives nationales en 2003.

    Malheureusement, cette motion n'a pas été mise en vigueur de la façon dont on aurait souhaité qu'elle le soit, suite à son adoption par la Chambre. Cela étant dit, probablement était-ce le fait de ce débat de société auquel je faisais référence et qui se poursuivait.

    Il est important de signaler que le ministre de l'Industrie de l'époque, l'actuel vice-premier ministre, a formé, le 5 novembre 1999, un comité d'experts chargé d'étudier l'accès aux dossiers historiques des recensements et de présenter un rapport sur les répercussions qu'engendrerait la diffusion des recensements sur le plan légal, ainsi que sur la protection de la vie privée.

    Le comité devait examiner les opinions des Canadiennes et Canadiens à propos de l'opportunité de maintenir la protection des renseignements et déterminer les options qui permettraient de donner accès à ce genre de renseignements au public. Le comité d'experts était composé d'éminents universitaires ainsi que d'un ancien juge de la Cour suprême à la retraite. Ils ont reçu plus de 2 500 opinions, mémoires, lettres, correspondances, et les travaux ont duré plusieurs mois, environ sept mois plus précisément.

    Dans son rapport, le comité recommande, entre autres, de permettre l'accès au public de tous les registres des recensements passés, présents et futurs, 92 ans après la collecte des données.

    Le ministre de l'Industrie de l'époque, M. Tobin, a rendu public le rapport du comité d'experts, le 15 décembre 2000, en indiquant que cette étude ainsi que ses enjeux, étant fort complexes, doivent faire l'objet d'une seconde étude plus approfondie, compte tenu de sa grande portée, donc devaient donner lieu à de nouvelles consultations publiques.

    C'est le groupe Environics qui a été choisi pour mener à terme les consultations dans le but d'obtenir l'opinion de la population au sujet de l'accessibilité des renseignements ultérieurs à 1901. Ces consultations publiques ont eu lieu du 14 décembre 2001 au 30 janvier 2002, à travers tout le Québec et le Canada. Le rapport public, qui a été déposé auprès de Statistique Canada, le 15 février dernier, contient 11 comptes rendus suite aux diverses assemblées tenues par Environics.

    Manifestement, le débat se poursuit. Les conclusions ne sont pas finales et notre collègue nous soumet le projet de loi C-312 lequel, je dois dire, prend soin d'établir un certain nombres de balises, de garde-fous, de protections pour faire en sorte que les citoyennes et citoyens, qui seraient craintifs de voir des renseignements personnels et confidentiels être éventuellement divulgués, puissent s'en prémunir. Un certain nombre d'arguments militent en faveur du fait de rendre accessibles les données des différents recensements.

  +-(1900)  

    Il faudrait, le cas échéant, si tant est que nous décidions d'aller dans cette voie, faire en sorte que cette possibilité—le fait que dans 92 ans les renseignements seront rendus publics—soit inscrite dans les formulaires de recensement de telle sorte que les citoyens puissent savoir pertinemment le type de traitement qui sera fait des renseignements qu'ils vont fournir dans le cadre du recensement.

    On postule qu'après 92 ans, un grand nombre des individus ayant répondu au recensement auront malheureusement disparu. Ils ne pourraient donc pas être mis en cause personnellement pour les renseignements qu'ils auraient pu transmettre 92 ans auparavant.

    Dans le projet de loi C-312, on stipule également que seuls des généalogistes et des recherchistes dûment autorisés auraient accès à ces documents. Il faut comprendre que ce ne seraient pas des documents laissés à la consultation du public en général, mais simplement à des spécialistes qui ont pour tâche de brosser un tableau de l'évolution de la société et des grands mouvements de société. Pour les généalogistes et les historiens, les informations contenues dans les différents recensements constituent des sources historiques absolument inestimables.

    D'ailleurs, il faut signaler qu'un certain nombre de démocraties occidentales, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, ont déjà adopté des législations qui permettent la divulgation des renseignements confidentiels après un certain nombre d'années. Dans le cas des États-Unis, c'est 72 ans après le recensement; dans le cas du Royaume-Uni, il s'agit d'un délai de 100 ans. Le projet de loi de notre collègue prévoit 92 ans, ce qui m'apparaît être un délai tout à fait raisonnable dans les circonstances.

    Le projet de loi, tel que présenté par notre collègue, prévoit, comme je l'indiquais, un certain nombre de balises et de garde-fous, comme par exemple de permettre à un citoyen, qui ne voudrait pas que les renseignements qu'il fournit dans le cadre du recensement soient éventuellement rendus publics, de pouvoir empêcher que ces renseignements le soient 92 ans plus tard. D'aucuns pourraient prétendre que le projet de loi contient suffisamment de protections pour qu'on puisse aller de l'avant sans mettre en danger et sans mettre en cause la capacité pour les citoyens de défendre et de protéger ces renseignements personnels.

    Voyons maintenant les éléments qui militent contre ce projet de loi. Il y a bien sûr le principe selon lequel la confidentialité a, depuis 1911, été inscrite dans le corpus législatif canadien au niveau des recensements. Ceci implique qu'une personne peut s'être éteinte avec la conviction calme et sereine que jamais les renseignements qu'elle aurait communiqués dans le cadre du recensement seraient rendus publics. Évidemment, cette personne ne s'attendrait pas, quelques années après sa mort, à ce que le Parlement revienne en arrière et décide de rendre publiques des informations pour lesquelles elle était convaincue que ces renseignements ne seraient jamais divulgués.

    Cela pose également un problème parce que les recensements sont devenus obligatoires. Des pénalités sont prévues dans le cas des personnes qui ne participeraient pas aux recensements. Quelle sera donc la valeur des réponses données aux recensements si le citoyen sait pertinemment qu'un jour les informations qu'il ne voudrait pas rendre publiques le seront effectivement.

    Il faut également prendre en considération le fait que le commissaire à la vie privée a émis des réserves sérieuses quant à la possibilité de rendre publics les renseignements des recensements jugés confidentiels.

    Comme on le voit, il y a des arguments fort pertinents et légitimes de part et d'autre qui militent en faveur et contre la divulgation des renseignements personnels. Pour ceux qui sont en faveur de ce projet de loi, il serait permis de penser que jamais des renseignements nominatifs personnels ne seraient rendus publics, mais simplement des renseignements généraux.

  +-(1905)  

    Il n'en demeure pas moins qu'il existe des réserves sérieuses. Nous devons prendre en considération ces réserves et ces préoccupations légitimes de la part de citoyennes et de citoyens qui s'inquiètent de voir éventuellement leurs renseignements personnels être divulgués ultérieurement.

[Traduction]

+-

    M. Peter Stoffer: Monsieur le Président, je sollicite le consentement unanime de la Chambre pour que le projet de loi C-312 puisse faire l'objet d'un vote.

+-

    Le président suppléant (M. Bélair): Y a-t-il consentement unanime pour que le projet de loi puisse faire l'objet d'un vote?

    Des voix: D'accord.

    Des voix: Non.

+-

    M. Peter Stoffer: Monsieur le Président, je tiens à dire à mon collègue, le député de Dufferin--Peel--Wellington--Grey, que j'ai essayé.

    Nous, du Nouveau Parti démocratique, remercions l'ancien ministre de l'Industrie d'avoir mis sur pied le groupe de travail chargé de soumettre au gouvernement des recommandations afin d'élaborer une mesure législative permettant de rendre publics les documents du recensement de 1911.

    Nous tenons à bien faire comprendre et à ce que les gens notent bien que, dans le projet de loi que le député a présenté, les documents ne sont pas automatiquement transférés aux Archives. Les gens peuvent s'opposer au transfert de l'information les concernant avant l'expiration du délai de 92 ans, ce qui permet de garder n'importe quelle information confidentielle s'ils le désirent.

    Nous, du NPD, croyons qu'il est temps d'appuyer le rapport du groupe d'étude et d'inviter le gouvernement à présenter une mesure législative permettant de communiquer aux Archives les documents du recensement après un délai de 92 ans afin de faciliter la recherche généalogique.

    Je remercie le député d'avoir saisi la Chambre de cette mesure opportune afin que nous puissions en débattre. J'ai reçu de nombreux appels demandant la communication de l'information du recensement. Je trouve dommage que nous ne puissions pas avoir le consentement unanime autour d'une mesure législative aussi valable, mais je remercie le député de l'avoir soumise à l'attention de la Chambre.

[Français]

+-

    M. Serge Marcil (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'être ici aujourd'hui afin de prendre la parole au sujet du projet de loi C-312, qui vise à modifier la loi pour permettre le transfert des dossiers du recensement de Statistique Canada aux Archives nationales afin qu'ils soient mis à la disposition du public 92 ans après la tenue d'un recensement.

    Je suis certain que nous sommes tous d'accord pour dire que les raisons pour lesquelles les généalogistes, les historiens et les chercheurs souhaitent avoir accès aux dossiers historiques du recensement sont légitimes et importantes. En fait, ils constituent un groupe de pression efficace et bien organisé, et ils se sont assurés, au moyen de diverses campagnes et pétitions, que leur message soit clairement entendu par leurs membres, les journalistes et leurs représentants élus. Ils ont ainsi obtenu beaucoup d'appuis et de visibilité.

    Bien que les dossiers historiques du recensement aient sans contredit une grande valeur, il y a un important principe de vie privée qui entre en jeu: est-il correct de modifier rétroactivement les conditions en vertu desquelles la population canadienne a fourni des renseignements lors du recensement? On avait promis aux Canadiens et aux Canadiennes que leurs renseignements personnels demeureraient confidentiels pour toujours.

    Les 20 dernières années constituent une longue histoire d'avis juridiques divers concernant la diffusion des dossiers des recensements subséquents à 1901. Il s'agit d'une question très complexe, mais jusqu'à présent, aucun avis juridique n'a établi clairement que la loi autorise Statistique Canada à diffuser les dossiers historiques du recensement.

    En vertu des règlements d'application de la Loi sur la protection des renseignements personnels, les dossiers individuels du recensement ne peuvent être rendus publics 92 ans après la collecte des données puisque les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels en matière de divulgation sont soumises à toute autre loi. Or, la Loi sur la statistique contient des dispositions législatives en matière de confidentialité qui interdisent la divulgation. Par conséquent, les dossiers du recensement de 1906 et des recensements subséquents ne peuvent être légalement transférés aux Archives nationales pour diffusion publique.

    Les dossiers du recensement du Canada de 1901 et des recensements antérieurs sont maintenant accessibles au public par l'entremise des Archives nationales. Ces dossiers font maintenant partie du domaine public étant donné que ces recensements ont été menés en vertu de diverses lois qui ne comportaient pas de dispositions spécifiques ayant force de loi en matière de confidentialité.

    Les recenseurs recevaient des instructions comportant des lignes directrices en matière de confidentialité, mais ces lignes directrices n'avaient pas force de loi. Les dossiers du recensement de 1891 ont été mis à la disposition du public en 1983. Ceux du recensement de 1901 l'ont été en 1993.

    Toutefois, l'accès aux dossiers individuels du recensement de 1906 et de tous les recensements suivants est explicitement interdit par la loi. Bien sûr, cela a consterné plusieurs généalogistes, historiens et chercheurs qui s'attendaient à ce que les dossiers du recensement de 1911 deviennent accessibles en 2003.

    Les recensements de 1906, 1911 et 1916 ont été menés en vertu de la Loi du recensement et des statistiques. Les instructions remises aux recenseurs de l'époque avaient force de loi et comportaient les exigences en matière de confidentialité pour les renseignements du recensement. La Loi sur la statistique de 1918 et les lois sur la statistique subséquentes comportent des dispositions législatives très solides et très claires en matière de confidentialité. C'est en vertu de ces lois que le recensement de 1921 et tous les recensements subséquents ont été menés jusqu'à aujourd'hui.

    Plusieurs personnes se sont interrogées sur l'existence de la «promesse de confidentialité éternelle» ou de la «garantie explicite de confidentialité éternelle» faite aux répondants du recensement.

    La réponse à cette question se trouve dans la loi et les règlements d'application qui étaient en vigueur au moment où le recensement a été mené. En fait, les instructions données aux recenseurs étaient les suivantes:

Tout officier ou autre personne employée en quelque qualité au travail du recensement doit garder secrets les renseignements recueillis par les énumérateurs et inscrits dans les tableaux ou formules.

    Je crois que les députés de cette Chambre comprennent que pour résoudre cette question, il faut prendre en considération l'accès aux dossiers du recensement tout en tenant compte des préoccupations de la population canadienne en matière de protection des renseignements personnels.

  +-(1910)  

    Nous devons déterminer si ce projet de loi représente un équilibre acceptable entre le droit des particuliers à la vie privée et les intérêts des chercheurs et des généalogistes.

    Le projet de loi C-312 propose de modifier rétroactivement les dispositions de la Loi sur la statistique en matière de confidentialité. Comment les Canadiens et les Canadiennes se sentiraient-ils si les renseignements qu'ils ont fournis en toute confiance à Statistique Canada étaient rendus publics? Cela mettrait-il en péril le sentiment que leur vie privée est protégée? Qu'adviendrait-il de leur confiance envers ce gouvernement et envers Statistique Canada?

    Nous devons savoir ce que le public pense au sujet d'une modification rétroactive de la loi, qui permettrait la diffusion publique des renseignements personnels. Il y a actuellement 100 000 personnes vivant toujours au Canada qui ont été dénombrées lors du recensement de 1911.

    Nous devons obtenir les réponses à ces importantes questions. C'est pourquoi Statistique Canada a engagé le groupe de recherches Environics afin qu'il mène un sondage d'opinion sur la question de l'accès aux dossiers historiques du recensement. Une série d'assemblées publiques et de groupes de discussion ont été organisés à travers le pays afin de recueillir les points de vue des Canadiens et des Canadiennes. Ces consultations se sont terminées en janvier 2002 et un rapport a été remis au ministre.

    La principale raison pour laquelle ces consultations ont été menées est la suivante: obtenir le point de vue d'un vaste éventail de personnes et de groupes et offrir aux Canadiens et aux Canadiennes une occasion de démontrer leurs préoccupations ou leur appui au sujet de l'accès aux dossiers historiques du recensement.

    Si l'accès aux dossiers historiques du recensement est accordé, cela devrait se faire d'une manière qui respecte l'engagement ferme de ce gouvernement en matière de protection des renseignements personnels. C'est sûrement une chose que nous souhaitons tous et qui nous tient à coeur.

    J'aimerais assurer mes collègues que le ministre responsable de Statistique Canada souhaite véritablement trouver une solution équilibrée à cette question. C'est pourquoi je crois que nous devrions attendre que le ministre ait pris connaissance des résultats de ces consultations avec la population canadienne.

  +-(1915)  

[Traduction]

+-

    M. John Bryden (Ancaster--Dundas--Flamborough--Aldershot, Lib.): Monsieur le Président, nous tenons un débat qui ne devrait pas avoir lieu, sur un projet de loi dont nous ne devrions pas avoir besoin. Les Américains publient depuis de nombreuses années des données de recensement vieilles de plus de 72 ans. Les Britanniques appliquent une règle de 100 ans. Je pense que très peu d'entre nous ici comprenons pourquoi le Canada ne peut pas appliquer une règle de 92 ans.

    Les députés qui m'ont précédé ont sévèrement reproché à Statistique Canada d'être la cause du problème dans ce cas. Je ne crois pas que le responsable soit Statistique Canada. Je crois que c'est plutôt le ministère de la Justice, qui fait de plus en plus d'interprétations en faveur de la protection des renseignements personnels, et qui favorise la non-communication de l'information plutôt que sa divulgation.

    On constate une tendance en ce qui concerne l'interprétation de la Loi sur l'accès à l'information. Cette tendance s'est manifestée récemment dans le cas des comptes de charges ministériels, où le ministère de la Justice a renversé une pratique vieille de 17 ans en vertu de laquelle les comptes de charges étaient accessibles au public et aux médias. La décision a été prise par le ministère de la Justice. Cela a grandement porté ombrage au gouvernement et à tous les députés de ce côté-ci. Le problème vient du fait que le ministère de la Justice semble saisir toutes les occasions d'interpréter les dispositions ambiguës et vagues de la loi en faveur de la protection des renseignements personnels.

    Dans le cas actuel, nous avons simplement affaire à une résolution favorisant la confidentialité ou déclarant le besoin de confidentialité qui a été exprimé en 1905 et qui n'avait pas force de loi, et à une modification apportée en 1918 à la Loi sur la statistique qui avait force de loi et qui, la plupart d'entre nous en conviendront, n'avait pas pour objet de retenir indéfiniment des données de recensement. Ce n'était pas, comme l'ont déclaré d'autres députés avant moi, le but de cette loi.

    Par conséquent, comment se fait-il qu'une interprétation du ministère de la Justice renverse ce qui ne correspond de toute évidence pas à l'intention de la loi à l'époque, ni à la volonté et à l'esprit de ce Parlement et de la population canadienne dans son ensemble? Je crois que si le projet de loi C-312 avait pu faire l'objet d'un vote, il aurait été adopté par une majorité des deux tiers sinon des trois quarts des députés à la Chambre.

    Il est important de signaler, et tous ceux qui suivent le débat actuel doivent le savoir, qu'à peu près tous les simples députés à la Chambre, à un homme et à une femme près, appuient les principes de ce projet de loi.

    Je dirais que le projet de loi C-312, que j'ai examiné attentivement, est un bon texte de loi. Il fait ce qui est nécessaire sans offrir la possibilité d'un usage abusif de la protection des renseignements personnels. On parle de données de recensement vieilles de 92 ans. Ce projet de loi prévoit même les rares cas de personnes qui vivent plus de 92 ans. Il permet à ces personnes de s'opposer à la communication des données de recensement la concernant ou de la reporter jusqu'après son décès.

    Ce qui m'apparaît inconséquent, ce sont les dispositions législatives concernant la protection des renseignements personnels, ou je dirais plutôt celles qui ont trait aux libelles. À l'heure actuelle, monsieur le Président, quand une personne décède au Canada, on ne peut pas la diffamer. On peut dire ce que l'on veut à propos d'une personne qui vient de mourir, peu importe si ce sont des faussetés ou des déclarations à l'emporte-pièce, sans risques de poursuites. Par contre, on ne peut pas connaître la vérité concernant une personne en raison de cette interprétation bizarre de la Loi sur la statistique de 1918. Il est donc possible, monsieur le Président, de dire des faussetés sur le compte d'une personne, mais pas de connaître la vérité à son sujet après sa mort.

    On a fait état de la Loi sur la protection des renseignements personnels. Il a été suggéré d'indiquer dans cette loi que les renseignements personnels devraient être protégés pendant 20 ans après le décès de la personne. Ce ne serait peut-être pas une bonne chose puisque, encore une fois, cela ne concorderait pas avec la jurisprudence en matière de libelle.

    Est-il vraiment nécessaire d'empêcher la communication de renseignements personnels après la mort de l'intéressé? On n'a jamais débattu de cette question. On n'a certainement pas besoin de protéger ce genre de renseignements pendant 92 ans, ou encore pendant 30 ou 40 ans après le décès de la personne.

  +-(1920)  

    Cela n'a pas de sens, mais cela en aurait peut-être si l'on se penchait sur certains témoignages présentés devant le comité chargé par le ministre de l'Industrie de se pencher sur ce dossier.

    J'ai ici un extrait du témoignage présenté devant ce comité par le commissaire à la protection de la vie privée. Le commissaire a alors admis que la Loi sur la protection des renseignements personnels ne s'appliquait pas aux documents des recensements de 1906 et de 1911, et que son rôle était, dans l'intérêt de la population en général, de garantir la protection de la vie privée des Canadiens. Voici ce qu'il a dit:

Il ne devrait y avoir aucune limite à la protection de la vie privée, que la personne soit vivante ou décédée.

    En d'autres termes, le commissaire à la protection de la vie privée propose que ne soient jamais dévoilés les renseignements personnels sur des personnes pouvant intéresser les historiens. Je regrette de devoir le rappeler, monsieur le Président, parce que je sais que vous êtes au courant, mais sir John A. Macdonald était alcoolique. Il avait un faible pour la bouteille. Toutes sortes d'histoires circulent au sujet d'un passage secret qui existe toujours et qui aurait été aménagé pour que ses boissons alcoolisées soient livrées en catimini jusqu'à son bureau.

    Je vois sourire des députés, mais je crois qu'il est très important pour nous d'être au courant de renseignements personnels concernant ceux qui nous gouvernent. Quand il déclare que ces renseignements devraient toujours être gardés secrets, le commissaire à la protection de la vie privée rend un mauvais service aux Canadiens.

    Il en va de même pour les documents des recensements. L'archiviste national les compare à un trésor. Le commissaire à la protection de la vie privée propose de les détruire. Je ne trouve pas les mots pour dire à quel point je suis outré d'entendre dire que des renseignements si précieux pour tous les Canadiens devraient être détruits sur un coup de tête d'une personne qui est censée être au service de la Chambre et qui décide pourtant de donner des ordres aux bureaucrates qui, dans les faits, suivent les instructions du commissaire à la protection de la vie privée.

    Nous voici donc face à un gouvernement—et je ne sais pas au juste si c'est le gouvernement politique ou bureaucratique—qui décide de plus en plus de refermer, d'exclure, d'aller vers le privé plutôt que vers l'ouverture.

    À mon avis, ce projet de loi est excellent. Je voudrais que les Canadiens sachent qu'au moins les simples députés et des députés de tous les partis à la Chambre sont tout à fait d'accord avec ce projet de loi. Il aurait dû faire l'objet d'un vote.

+-

    M. Murray Calder (Dufferin--Peel--Wellington--Grey, Lib.): Monsieur le Président, je suis désolé de ce qui a été dit aujourd'hui dans ce débat. Nous sommes à la Chambre des communes. Je suis un député élu du Parlement. Nous sommes 301 députés censés être ici pour représenter les gens.

    Nous avons adopté à la Chambre, il y a deux ans, une motion prévoyant que les données du recensement de 1911 devraient être rendues accessibles. Est-ce que cela a été fait? Non. Est-ce que la volonté des gens a été respectée? Non.

    Nous avons déjà établi dans cette enceinte, ce soir, que le ministère de la Justice et Statistique Canada avaient tenté à maintes reprises d'invoquer l'opinion publique pour affirmer que les données du recensement ne devraient pas être accessibles. Ils ont échoué lamentablement. Tout ce qu'ils ont fait indique que 7,5 millions de Canadiens intéressés par des questions de généalogie aimeraient que les données de ce recensement soient accessibles. C'est un fait. La règle des 92 ans est toujours en vigueur. Je crois que cette règle protège les renseignements personnels. Nous avons établi que nous ne contrevenions pas à la loi.

    Qu'en pense le public? Je renchéris sur son opinion. Le ministère de l'Industrie, par l'intermédiaire de Statistique Canada, par l'intermédiaire d'Environics, a sondé le public afin de savoir exactement ce qu'il pensait de la question. Résultat, le public souhaite que les données de ce recensement soient accessibles.

    La Chambre des communes, les 301 représentants de la population élus, a adopté il y a deux ans une motion prévoyant que les données du recensement devaient être rendues accessibles. Le ministère de l'Industrie a tenté sans succès plusieurs fois de s'appuyer sur un sondage qui révélerait que la population ne souhaitait pas qu'il en soit ainsi. Or, la population souhaite que ces données soient accessibles. Je demande une fois de plus à la Chambre le consentement unanime pour que le projet de loi C-312 donne lieu à un vote.

  +-(1925)  

+-

    Le président suppléant (M. Bélair): Y a-t-il consentement unanime de la Chambre pour que ce projet de loi donne lieu à un vote?

    Des voix: D'accord.

    Des voix: Non.

    Le président suppléant (M. Bélair): La période prévue pour l'étude des initiatives parlementaires est maintenant expirée. Puisque la motion n'a pas été choisie pour faire l'objet d'un vote, l'ordre est rayé du Feuilleton.

-Débat d'urgence

[Article 52 du Règlement]

*   *   *

[Français]

-Le Proche-Orient

+-

    Le président suppléant (M. Bélair): Conformément à l'article 52 du Règlement, la Chambre procédera maintenant à l'étude d'une motion d'ajournement de la Chambre en vue de discuter d'une affaire déterminée et importante dont l'étude s'impose d'urgence, à savoir la situation au Proche-Orient.

+-

    Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ) propose:

Que la Chambre s'ajourne maintenant.

    —Monsieur le Président, j'ai demandé et obtenu, et j'en suis fière, un débat d'urgence sur la situation au Proche-Orient. J'ai demandé ce débat d'urgence parce qu'il y a urgence.

    Nous voyons maintenant à chaque jour la situation se dégrader. Or, il faut empêcher l'irréparable. Il faut empêcher la régionalisation de ce conflit. Il faut empêcher la destruction de tout ce que le processus d'Oslo avait permis de construire en Palestine. Il faut arrêter les morts, la spirale de violence et de haine. Il faut redonner l'espoir.

    Ce débat, ici à la Chambre, suscite de l'émotion. J'ai reçu de très nombreux courriers électroniques de la part de personnes qui se disent pro-palestiniennes et qui attendent quelque chose de ce débat, un espoir, une lueur au bout du tunnel.

    J'ai reçu aussi de très nombreux courriels de personnes qui se disent pro-israéliennes et qui craignent que ce débat ne serve qu'à charger Israël, à ne pas l'écouter.

    Je voudrais dire que l'esprit qui m'anime ce soir est celui qui a animé le Bloc québécois depuis qu'il s'est impliqué dans cette question. C'est plutôt celui de ce mouvement québécois, dont je souhaite qu'il s'étende et qu'il s'élargisse à tout le monde. Il s'appelle PAJU, soit Palestiniens et Juifs unis. Palestiniens et Juifs unis dans la reconnaissance de la nécessité de faire place au droit inaliénable des Palestiniens à un territoire, mais également la reconnaissance du droit d'exister dans des frontières sûres pour Israël.

    En juin 2001, le Bloc québécois a débattu à son conseil—je dois dire qu'on en a débattu aussi auparavant—une position qui lui sert de phare et de guide. Elle dit ceci: «Préoccupés par la situation au Moyen-Orient qui pourrait embraser toute la région [...]» C'était vrai en juin 2001, et combien plus vrai aujourd'hui. Elle mentionne: «Que le Bloc québécois continue à appuyer ses positions sur le principe qu'il n'y aura de paix durable dans la région [...]». Il n'y aura pas de paix durable dans la région sans: «1) la fin de l'occupation militaire et la fin des colonies en territoire occupé.»

    C'était la première partie de l'ensemble de notre position. Elle s'avère toujours aujourd'hui être le noeud de la solution de ce qu'on appelle le conflit au Moyen-Orient, mais ce n'est pas le seul. Il faut: «un règlement satisfaisant sur la fin de l'annexion de Jérusalem-Est.» On sait que pour les juifs, pour les musulmans et pour les catholiques, Jérusalem est une ville importante et que cette ville doit faire l'objet d'une entente. Il faut aussi: «un règlement satisfaisant de la question des réfugiés.»

  +-(1930)  

    Le Haut-Commissariat aux réfugiés évalue à 3,7 millions le nombre de Palestiniens qui, à la suite de l'occupation des territoires, se sont réfugiés ailleurs dans la région.

    «La création d'un État palestinien viable.» Il faut qu'il ait les moyens de vivre.

    Finalement, on dira: «Mais Israël, dans tout cela?» «Un règlement global passant par la reconnaissance du droit d'Israël d'exister à l'intérieur de frontières reconnues.»

    Cette position, si je la reprends, nous permet de comprendre à quel point le conflit est enraciné dans l'histoire. Et si on ne connaît pas un peu l'histoire, on ne comprend pas—je le dis comme je le vois—la haine qu'on voit s'exprimer à la télévision: la spirale des morts.

    Faisons un peu d'histoire. Non pas parce que c'était mon premier métier, mais j'en suis fort aise. Pour comprendre, il faut retourner à l'histoire. Non pas qu'on veuille régler un problème pour le passé; on le règle pour l'avenir, pour les jeunes, pour le développement. Mais la persistance d'une situation s'inscrit dans l'histoire. Or, cette histoire, elle, assure le droit inaliénable du peuple palestinien à un territoire. Et on ne peut pas passer à côté de cela. À cet égard, il faut être clair.

    Je le dis maintenant, parce que j'ai regretté que dans les positions que le président Bush a prises à répétition, il a pensé qu'il pourrait faire avancer le règlement en ne proposant que le cessez-le-feu. N'oublions pas que le cessez-le-feu, dans le cas des Palestiniens, a été de cesser de sacrifier leur vie en se faisant exploser. Alors ce geste désespéré, qui en même temps sème la mort d'autres citoyens, d'autres personnes, se produit parce qu'il y a des causes profondes à cela. Or, ces causes profondes sont la croyance au droit inaliénable à un territoire. On ne peut alors obtenir un cessez-le-feu en ne parlant que de cesser le feu, si on ne parle pas en même temps de ce qu'on prépare.

    Je pense que le ministre des Affaires étrangères, même s'il ne l'a pas encore dit, va convenir qu'il faut convaincre de plus en plus nos puissants voisins qu'il faut qu'ils recherchent en même temps et le cessez-le-feu et une solution politique, et pas n'importe laquelle. Ce droit inaliénable, il est inscrit dans l'histoire.

    Avant de parler de la fin des colonies, on me permettra, pour le bénéfice des téléspectateurs et des collègues d'en face, de revenir sur un point que j'ai omis.

  +-(1935)  

    À fin de la Première Guerre mondiale, le territoire de la Palestine était promis, par la Société des Nations, à devenir un État. Des résolutions le disent. À ce moment-là, il y avait 600 000 et quelques Arabes et environ 60 000 Juifs. Ce territoire était promis à devenir un État pour les Palestiniens.

    Or, on ne peut pas faire toute l'histoire, mais la déclaration de la Grande-Bretagne à l'effet d'accepter de faire, dans ce territoire, le foyer d'un peuple juif, de créer un Israël, a forcé la Société des Nations d'abord et l'ONU ensuite, à tenir un objectif à peu près impossible. Si on voit la somme de rapports qui ont été produits sur cette question, c'est cela qu'on comprend. La Société des Nations avait l'obligation—et elle en a confié le protectorat à la Grande-Bretagne—d'aider les Palestiniens à parvenir à l'indépendance, de les aider à faire l'indépendance et de créer en même temps un foyer pour les Juifs en territoire d'Israël.

    C'est pour cela que je dis que dans l'histoire, le droit inaliénable de la Palestine est là et également celui d'Israël qui s'est ajouté, parce que la Grande-Bretagne a reconnu cette obligation de créer l'État israélien.

    Israël est né d'une déclaration unilatérale d'indépendance, le 14 mai 1948, quelques mois avant l'automne, alors que les deux États, le palestinien et l'israélien, devaient être créés simultanément. Un État, l'israélien, a été reconnu, cela a pris quelque temps, mais il fut reconnu par les deux grandes puissances de l'époque et reconnu ensuite, en 1949, par l'ONU. L'autre partie du territoire n'a pas obtenu ce statut et ne se l'est pas donné pour toutes sortes de raisons dans lesquelles je n'entrerai pas.

    Commence alors la saga que nous connaissons aujourd'hui. En 1967, Israël a décidé d'agrandir son territoire, ce qu'il a fait en occupant ces anciens territoires palestiniens. Ils ne sont pas devenus partie d'Israël, ils sont devenus territoires occupés. Ils l'ont été jusqu'à ce que, à partir de 1994, à la suite de l'entente conclue entre Yitzhak Rabin et Arafat, on a commencé à redonner aux Palestiniens et à l'Autorité palestinienne le contrôle d'une partie des territoires.

    J'en arrive maintenant au processus d'Oslo; on l'appelle ainsi, parce qu'il a été fait sur l'initiative d'un très petit peuple, je le souligne, les Norvégiens. Je tiens à dire au ministre des Affaires étrangères qu'ils ne sont que 4 millions d'habitants. Donc, il n'est pas besoin d'être les États-Unis pour agir. Le processus d'Oslo a permis des avancées importantes sans toucher au problème des réfugiés surtout et sans régler non plus la fin de l'occupation et des colonies.

    Cependant, on peut dire, et nos amis le disent, qu'on est passés bien près d'un règlement. Il y a eu un espoir de solution pour lequel il existe des interprétations différentes. Arafat, selon certains, est responsable. D'autres disent que la proposition n'était pas sérieuse.

    En ce moment, ce qui est certain, c'est qu'on est très loin, on n'a jamais été aussi loin de ce processus de règlement, parce qu'on voit une accélération du cycle de la mort et de la haine.

  +-(1940)  

    Pourtant, récemment, on a eu une embellie, un espoir de solution. On a vu l'ensemble des pays arabes, sous l'influence du prince Abdallah d'Arabie Saoudite, faire une proposition qui était une reprise améliorée de ce qu'il avait déjà fait, mais c'était un espoir. Les États-Unis s'y sont intéressés. Je dois dire que j'ai été infiniment déçue que l'attentat de Netanya ait donné l'occasion au premier ministre Sharon d'envahir et de réoccuper les territoires. Je l'ai dénoncé, comme j'ai dénoncé les autres attentats qui ont fait tant de victimes innocentes.

    J'essaie d'expliquer que le cycle de la violence s'inscrit dans l'histoire, et que, aussi longtemps qu'on ne s'attaque pas au redressement du droit historique qui n'a pas abouti, on va avoir des problèmes. Il me semble que la mondialisation que nous vivons à certains égards doit nous permettre d'agir. C'est pour cela que je dis qu'il y a urgence.

    Il y a urgence pour qu'on ne laisse pas la situation se détériorer. Vous avez vu comme moi les rues envahies dans tous ces pays de la région, les rues d'Égypte, de Turquie, de Jordanie, du Maroc. On voyait des rues envahies par des jeunes qui n'acceptent pas l'humiliation subie par les Palestiniens. Vous avez vu des gouvernements qui les répriment, mais qui ne sont pas d'une assurance totale par rapport à ces soulèvements.

    On a vu également la situation en Israël qui est difficile au plan économique, mais on a vu aussi des signes d'espoir. On a vu ces réservistes israéliens refuser d'aller servir dans les territoires occupés parce qu'ils trouvaient que ce n'était pas digne d'Israël. On a vu le président de l'Assemblée, M. Burg, dire à ses collègues: «L'occupation corrompt.» Il l'a dit avec force.

    Le Bloc québécois a proposé, à répétition, qu'on soit prêts et que, au Canada, le ministre des Affaires étrangères se fasse le promoteur d'une recherche de solutions. S'il le faut, qu'il y ait une force d'interposition. Je dis qu'elle est nécessaire parce qu'il faut que cesse ce qui se passe en ce moment. Il faut aussi un embargo sur les armes. Pourquoi ne pas mettre de l'avant tout de suite une conférence de paix? Pourquoi ne pas la mettre de l'avant tout de suite?

    La mondialisation doit aussi servir à changer le rapport de force. Ce n'est pas vrai qu'on va laisser les seuls États-Unis régler cela. Oui, ils ont de l'influence, mais il faut que les pays intéressés au règlement, et ils sont infiniment nombreux,--il n'y en a pas de trop petit pour ne pas s'impliquer dans ce règlement--y participent à leur façon.

    J'ai des amis juifs qui sont inquiets. Je discute avec eux. J'ai des amis arabes qui sont inquiets. Je dis que de tous les côtés de la Chambre, ce qu'il faut faire, c'est de comprendre les racines du problème et, comme le Bloc l'a fait dans sa résolution, s'attaquer aux causes et aux sources, dénoncer le terrorisme et dénoncer la violence faite aux populations civiles. Il faut demander—je le répète—la fin de l'occupation militaire, la fin des colonies en territoires occupés, un règlement satisfaisant de Jérusalem-Est, la création d'un État palestinien viable, un règlement satisfaisant de la question des réfugiés, tout cela pour assurer enfin qu'Israël vive en paix.

  +-(1945)  

    Il faut le dire, Israël est un petit point noir dans la région. Israël et les territoires, c'est la Gaspésie; ce n'est pas plus grand que la Gaspésie. Il faut que nous nous servions de ce débat pour parler d'une seule voix parce que la communauté internationale est aussi responsable de ce qui se passe là.

+-

    L'hon. Bill Graham (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps avec le secrétaire d'État pour l'Europe centrale et orientale et Moyen-Orient.

    J'aimerais commencer mon discours en remerciant la députée de Mercier d'avoir mis cette importante question à l'ordre du jour aujourd'hui.

[Traduction]

    Tandis que nous poursuivons notre débat de ce soir, la logique inéluctable de la violence qui sévit dans cette région agitée ne saurait nous échapper. Quelque 1 500 victimes ont été récemment recensées de part et d'autre. Des milliers de personnes ont été blessées. Les gens n'ont plus les moyens de gagner leur vie et la confiance que Palestiniens et Israéliens s'inspiraient mutuellement a volé en éclats, lorsque que ces deux peuples ont brusquement renoncé aux habitudes de dialogue qui s'étaient progressivement instaurées entre au cours de la dernière décennie.

[Français]

    Or, on ne peut mettre fin à cette conflagration qu'en convainquant les Israéliens et les Palestiniens de cesser leurs affrontements et de reprendre les négociations et le dialogue. Prions pour que nos délibérations, dans cette Chambre cette nuit, nous aident à exprimer à tous les habitants de cette région troublée à quel point nous, les députés canadiens, souhaitons l'arrêt de la violence et le retour aux négociations qui sont le seul chemin de la paix.

[Traduction]

    Depuis quelques jours, nous assistons à une grave escalade des affrontements, à la multiplication du nombre de victimes et à une détérioration majeure de la situation humanitaire. C'est pourquoi nous avons instamment demandé aux deux parties au conflit de mettre en oeuvre dans les meilleurs délais les résolutions 1402 et 1403 du Conseil de sécurité, c'est-à-dire d'instaurer le cessez-le-feu. Cela exige l'arrêt immédiat de tous les actes de violence, incluant tous les actes de terreur, de provocation, d'incitation et de destruction, et le retrait des troupes israéliennes des villes palestiniennes. Soyons parfaitement clairs: il n'existe pas de solution militaire à ce conflit.

  +-(1950)  

[Français]

    Il est inutile de rappeler aux députés que depuis 50 ans, les gouvernements canadiens s'intéressent de près au Moyen-Orient. Depuis 1954, il y a des Casques bleus canadiens dans la région. L'aide que le Canada verse à l'UNRWA contribue à faire vivre cette organisation depuis qu'elle a commencé à aider les réfugiés. Le Canada est un des pays les plus actifs dans le processus de paix au Moyen-Orient, notamment par le biais du Groupe de travail sur les réfugiés, qu'il préside. Ce travail est le fruit d'un engagement et d'une coopération des gouvernements de la région et des gouvernements des pays donateurs.

[Traduction]

    Les Canadiens appuient de longue date les efforts menés par notre gouvernement pour rétablir la paix et le dialogue dans cette région et en favoriser le développement. Devant l'aggravation de la violence dont il est tous les soirs fait état sur leur petit écran, de nombreux Canadiens ont insisté pour que nous venions en aide aux victimes et que nous intervenions pour mettre un terme à ce conflit. Certains voudraient que nous fassions porter le blâme à l'un ou l'autre des deux camps. Pareille initiative se révèle souvent à la fois dénuée de sens et vaine. Nous préférons demander aux parties à ce conflit de respecter certains principes fondamentaux.

    Aux Palestiniens, nous rappelons que chaque attentat suicide visant des innocents constitue un acte criminel, un affront aux enseignements religieux, et une transgression des règles de la guerre et du droit humanitaire. Nous condamnons ceux qui encouragent de tels actes, que ce soit directement ou en omettant de les dénoncer. Le recrutement, en fait, l'exploitation de jeunes gens à cette fin est un acte particulièrement haineux. Le crime qu'est l'attentat suicide, commis en dépit des canons de la religion et du droit, et en dépit de notre appartenance commune à l'humanité, sape la légitimité de l'aspiration de l'État palestinien à l'autodétermination. Encore une fois, nous exigeons que le président Arafat et tous les dirigeants palestiniens lancent un appel à la cessation des attentats suicides et en désavouent les auteurs.

    Nous disons aux Israéliens que les incursions armées dans les villes et les villages de Palestine et la destruction de bureaux, des services publics, de maisons et de fermes aggravent la spirale de la violence. La construction de colonies dans les territoires occupés revient à dire que l'occupation israélienne va durer. Ces actions minent la confiance et anéantissent les espoirs légitimes des Palestiniens en ce qui concerne la création d'un État viable qui leur serait propre.

    Aux Israéliens et aux Palestiniens nous disons que le Canada insiste sur le droit d'Israël à exister à l'intérieur de frontières sûres et reconnues et sur son droit à se défendre contre le terrorisme. Nous reconnaissons le droit des Palestiniens à l'autodétermination et leur droit à un État, à l'intérieur de frontières sûres et reconnues, qui soit politiquement et économiquement viable.

    Ces droits sont universellement reconnus et appuyés par la communauté des nations par le biais de résolutions de l'ONU et par le droit international. Le Canada et la communauté internationale sont prêts à faire tout ce qui est nécessaire y compris, dans les circonstances appropriées, envoyer des observateurs canadiens sur le terrain afin d'aider Israël et les Palestiniens à reprendre la recherche d'une solution politique, d'un règlement équitable et durable tenant compte des aspirations légitimes et des besoins des deux parties.

[Français]

    Les principes fondamentaux sont compris de tous. La voie est tracée: le rapport de la Commission Mitchell de mai dernier, accepté par Israël et par l'Autorité palestinienne, et le plan de principe pour la mise en oeuvre de ce rapport.

    Ce plan, plus les résolutions du Conseil de sécurité demandent que soit instauré un réel cessez-le-feu, que les troupes israéliennes se retirent des villes palestiniennes et que cessent immédiatement tous les actes de violence, y compris les attentats terroristes, les actes de provocation et les destructions.

[Traduction]

    La situation actuelle exige que l'on réponde immédiatement aux préoccupations urgentes. Israël doit garantir que les Nations Unies, le CICR et le personnel médical peuvent assurer la livraison de nourriture et de médicaments à tous ceux qui en ont besoin. Nous avons fait part de nos préoccupations directement au gouvernement israélien et nous avons exhorté Israël à respecter ses obligations en vertu du droit humanitaire international. Nous ne voulons pas qu'une fois de plus la situation attise le ressentiment et la haine qui ont si souvent réduit les chances de paix dans la région.

    L'initiative de paix arabe du prince héritier Abdallah d'Arabie saoudite, à laquelle ma collègue de Mercier a fait allusion, a reçu l'aval du sommet de la Ligue arabe le 28 mars. Nous appuyons cette proposition parce qu'elle répond au désir d'Israël d'être accepté et reconnu en tant qu'intervenant à part entière dans l'ensemble de la région.

    Au cours de la semaine dernière, j'ai consulté les dirigeants de la région, des États-Unis et de l'Union européenne. J'ai dit au gouvernement de l'Arabie saoudite, de l'Égypte et de la Jordanie que nous accueillons chaleureusement l'esprit et la vision de l'initiative de paix arabe. Nous continuerons à appuyer tous ceux qui agissent avec modération et de manière constructive.

    La déclaration du président Bush du 4 avril est d'une importance vitale. Nous nous réjouissons de sa décision de demander au secrétaire d'État Colin Powell de se rendre dans la région afin de reprendre le dialogue et les négociations. J'ai écrit à M. Powell pour lui faire part de l'appui total du Canada à l'égard de ses efforts. Je demeure en liaison étroite avec le ministre israélien des Affaires étrangères Peres, le haut représentant de l'Union européenne, M. Solana ainsi que mes homologues allemands et britanniques. Conscient du fait que cette année nous présidons le G-8, j'ai dit clairement à tout le monde que le Canada était prêt à appuyer vigoureusement ces efforts renouvelés.

  +-(1955)  

[Français]

    Les honorables députés savent que le Canada, depuis de nombreuses années déjà, apporte une contribution substantielle à la région, sous forme d'aide au développement et d'aide humanitaire. En fait, depuis 1993 seulement, le Canada a versé la somme 185 millions de dollars pour soutenir le développement dans les territoires palestiniens et satisfaire aux besoins humanitaires des réfugiés palestiniens.

[Traduction]

    Assumant la présidence du groupe de travail sur les réfugiés, le Canada continuera de s'employer à aider toutes les parties à préparer le terrain dans le cadre des efforts internationaux visant à aboutir à la paix qui permettra de trouver une solution à ce problème politique et humanitaire crucial. Il est temps qu'Israéliens et Palestiniens reprennent leur dialogue en collaboration avec l'envoyé spécial des États-Unis, le général Zinni, en vue de mettre en oeuvre le plan Tenet et le rapport de la commission Mitchell.

    Nous devons être conscients du danger d'une escalade de la violence ailleurs dans la région si jamais la violence actuelle se poursuit sans perdre d'intensité. L'opinion publique dans la région est profondément perturbée par la crise persistante. La zone située le long de la frontière entre Israël et le Liban est en effervescence, et on craint un nouveau conflit. Des arsenaux ont été constitués, et des coups de feu ont été tirés au-dessus de la Ligne bleue. Nous avons demandé au Liban et à la Syrie de reconnaître les dangers inhérents à la situation et de faire preuve d'une retenue maximum.

    La situation au Proche-Orient soulève naturellement d'intenses émotions au pays. Toutefois, nul député ne peut passer sous silence les gestes abjects commis par les personnes ayant jugé bon de profaner récemment des lieux juifs au Canada. Comme nous l'avons souligné l'autre jour à l'occasion du jour du Souvenir de l'Holocauste, toute manifestation de haine semblable est inacceptable de notre part au Canada. Je sais que les députés se joindront à moi pour déplorer et condamner sans équivoque ces gestes indignes et non canadiens.

    J'ai le privilège d'être en contact avec les collectivités juives et palestiniennes au Canada ainsi qu'avec bon nombre de nos ONG pour discuter de la situation au Proche-Orient. À mon avis, les contacts de ces intervenants et l'influence qu'ils exercent nous permettront de réagir à la crise selon les valeurs canadiennes.

    J'aimerais m'exprimer plus longuement, mais notre temps de parole est limité à la Chambre et bon nombre d'entre nous désirent intervenir. Je ne peux m'empêcher en terminant de reprendre une prière entendue aujourd'hui à l'occasion de la cérémonie soulignant le décès de la Sa Majesté la reine Élizabeth, la Reine-Mère. De fait, cette prière a été lue par un iman de la ville d'Ottawa. Voici cette prière, et je suis convaincu que les députés en partageront l'esprit avec moi:

Mon Dieu, faites que Votre esprit saint et source de vie touche à ce point le coeur de l'homme que les obstacles qui nous divisent s'effondrent, que les soupçons disparaissent et que les haines cessent; qu'une fois nos divisions disparues, nous puissions vivre dans la justice et la paix.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je veux demander le consentement unanime de la Chambre pour pouvoir poser des questions au ministre.

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): Y a-t-il consentement unanime de la Chambre?

    Des voix: D'accord.

    Des voix: Non.

[Traduction]

+-

    L'hon. Gar Knutson (secrétaire d'État (Europe centrale et orientale et Moyen-Orient), Lib.): Madame la Présidente, comme le ministre qui a pris la parole avant moi, je voudrais féliciter la députée de Mercier pour avoir proposé ce débat. Je veux aussi féliciter tous les députés qui ont décidé de venir ce soir pour y participer. À un moment comme celui-ci, face à un conflit si profondément enraciné et qui dure depuis si longtemps, il serait facile de supposer qu'il n'y a rien à faire. Chaque député qui est venu ce soir prendre part au débat mérite donc des félicitations en ce sens. C'est une question d'une importance critique, que les Canadiens trouvent horrible. Il est donc important que la Chambre des communes se prononce. Dans les quelques minutes dont je dispose, je voudrais aborder le rôle des Nations Unies.

    Dès les premiers jours du conflit arabo-israélien, les Nations Unies ont été à l'avant-garde des efforts internationaux destinés à apporter la paix et la stabilité dans cette région troublée. Le Canada croit fermement que les Nations Unies continuent à jouer un rôle de leadership. Comme toujours, elles bénéficieront à cet égard du plein appui du Canada dans les efforts déployés auprès des parties pour rétablir la paix dans la région.

    Le Conseil de sécurité des Nations Unies demeure l'organe le plus approprié et le plus efficace pour s'occuper du maintien de la paix et de la sécurité internationales. Malgré tous leurs défauts, toutes leurs défaillances et toutes leurs lacunes, les Nations Unies sont vraiment le lieu où ce problème peut être résolu. Le Conseil de sécurité a pris ses responsabilités très au sérieux dans ce conflit. Les résolutions 1397, 1402 et 1403 ont sensiblement contribué à modeler le paysage politique entourant ce conflit et témoignent d'une façon résolue de l'engagement de la communauté internationale à participer aux efforts destinés à ramener la paix dans la région.

    La résolution 1397 adoptée le 13 mars souligne l'engagement de la communauté internationale envers une vision comportant deux États, Israël et la Palestine, qui vivent à l'intérieur de frontières sûres et reconnues, dans la paix, l'harmonie et la prospérité. Elle exige en outre de mettre un terme à tous les actes de violence, ce qui reflète le point de vue très répandu selon lequel il n'y a pas de solution militaire à ce conflit. Dans ses résolutions 1402 du 30 mars et 1403 du 4 avril, le Conseil de sécurité trace la voie que devraient emprunter les deux parties à l'avenir. Ces résolutions préconisent l'établissement d'un véritable cessez-le-feu et le retrait des troupes israéliennes des villes palestiniennes. Elles demandent une cessation immédiate de tous les actes de terrorisme, de provocation, d'incitation et de destruction.

    Comme l'a dit notre ambassadeur aux Nations Unies dans l'allocution qu'il a prononcée devant le Conseil de sécurité le 8 avril:

Ce tourbillon de violence menace la paix et la stabilité bien au-delà des limites des combats actuels. Et il a des conséquences désastreuses pour les deux côtés.

    «La paix au Proche-Orient, a dit notre ambassadeur au Conseil, est l'affaire de tout le monde.»

    Ces résolutions témoignent de la reconnaissance de cette réalité indéniable par la communauté internationale.

    Je voudrais aborder quelques malentendus qui persistent au sujet des votes du Canada aux Nations Unies. Nos votes sont guidés par les principes fondamentaux de notre politique proche-orientale. Ces principes ont été appuyés par les gouvernements successifs. Parce que leur équité et leur impartialité sont établies, ces principes nous confèrent de la crédibilité aux yeux des pays de la région et du système des Nations Unies. Ils ont bien servi le Canada.

    Pour obtenir notre appui, les résolutions doivent refléter les principes fondamentaux des droits de la personne. Elles doivent concorder avec les traités, les accords et la jurisprudence des Nations Unies que le Canada appuie et qui forment la base des négociations entre les parties au conflit. Les résolutions ne doivent pas miner le processus de paix, montrer du doigt injustement Israël ou comporter trop d'éléments provocateurs. Nous tenons compte des intentions de vote des pays d'optique commune, bien que la décision finale soit toujours prise chez nous.

    Le Canada s'opposera toujours aux efforts tendant à contester la légitimité de l'État d'Israël ou à le montrer du doigt par des critiques injustifiées. Les représentants du gouvernement israélien ont exprimé leur appréciation pour notre position et surtout pour nos interventions lorsque nous avons tenté de nous opposer à l'isolement ou la délégitimation d'Israël ou encore quand des résolutions soulèvent des questions ou favorisent des mesures que d'autres tribunes peuvent mieux aborder.

    En même temps, le Canada a critiqué les décisions et les politiques israéliennes qui compromettent le processus de paix et portent atteinte aux droits humains des Palestiniens. Nous n'avons pas hésité à soulever ces questions au cours de nos réunions avec les responsables israéliens et dans nos déclarations devant les organes des Nations Unies tels que la Commission des droits de l'homme.

  +-(2000)  

    Le respect des droits de la personne est un autre principe fondamental de notre politique étrangère. Les Israéliens et les Palestiniens ont l'entière responsabilité de respecter et de protéger les droits de la personne. Ils doivent rendre compte de la façon dont ils s'acquittent de leurs responsabilités en matière de droits de la personne.

    Les bouleversements et l'amertume provoqués par les affrontements toujours plus violents dans la région ont créé un climat plus chargé d'émotivité qu'à l'habitude lors des travaux de la commission. Nous examinons de près toutes les résolutions. La délégation canadienne auprès de la commission travaille avec vigilance afin que les résolutions inutiles soient modifiées ou rejetées. Notre objectif au sein de la commission est conforme à notre politique étrangère pour la région: mettre un terme à la violence et rétablir le dialogue et la négociation.

    La communauté internationale a un rôle important à jouer pour promouvoir la cause de la paix et le rétablissement de l'ordre dans un contexte où la sécurité de la région est clairement menacée. Indéniablement, la communauté internationale est parfaitement consciente de la situation. Dans une optique bilatérale, le Canada et de nombreux autres pays déploient des efforts diplomatiques et font pression sur les deux camps pour qu'ils reviennent à la table des négociations. Nous poursuivrons nos efforts en ce sens, notamment pour appuyer les États-Unis dont l'influence est capitale pour sortir les parties de l'impasse.

    Même si, au bout du compte, c'est aux parties en cause qu'il revient de régler le conflit, car ce sont elles qui doivent prendre les décisions difficiles pour amener la paix, les Nations Unies ont elles aussi un rôle clé à jouer. Nous trouvons donc encourageantes les mesures prises jusqu'à maintenant par le Conseil de sécurité et nous avons bon espoir que l'ONU aura un rôle important à jouer dans une démarche visant à rétablir la stabilité dans cette région perturbée.

  +-(2005)  

+-

    M. Stockwell Day (Okanagan--Coquihalla, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je partagerai ce soir mon temps de parole avec mon collègue le député d'Edmonton--Strathcona.

[Français]

    Ce soir, on a demandé un débat pour considérer la crise israélo-palestinienne et pour aider le gouvernement fédéral par le biais d'une réponse. C'est une tragédie que nous ayons besoin de ce débat-ci.

[Traduction]

    Pendant une grande partie des années 90, Israël et la Palestine semblaient s'engager avec précaution sur la voie de la paix et il semblait que ce conflit amer qui durait depuis longtemps était sur le point de prendre fin. Malheureusement, la région se trouve encore une fois au bord de la guerre. Nous avons tous vu les images évidentes des dernières semaines: les combats d'une maison à l'autre, le siège du quartier général de l'Autorité palestinienne éclairé uniquement à la bougie et les chars d'assaut devant l'église de la Nativité. Ces images du récent conflit sont très évocatrices, mais nous devons également nous rappeler le plus récent événement qui a mis le feu aux poudres, le pire de toute une série d'attentats suicides à la bombe, survenu à Netanya, lors d'une cérémonie de la Pâque, un des jours les plus sacrés du calendrier hébraïque. Cet attentat a entraîné la mort de 26 personnes de tous âges.

    Installés dans notre confort nord-américain, nous pouvons critiquer la réaction israélienne et souhaiter qu'Israël ait fait preuve de plus de retenue ou déclarer qu'Israël aurait dû attendre davantage pour obtenir des solutions diplomatiques et politiques. Toutefois, nous devons tenir compte de la pression incroyable que font peser sur la nation israélienne ces attaques terroristes suicides brutales contre des civils innocents.

    Il est très intéressant de noter qu'en ce moment même, des soldats canadiens sont sur place et qu'ils collaborent aux missions de recherche des cellules d'al-Qaïda dans les montagnes de l'Afghanistan. Nous participons à ce conflit à des milliers de milles de notre pays, en réaction à d'autres attentats terroristes suicides et à l'écrasement délibéré d'avions sur les tours du World Trade Center et le Pentagone, attentats au cours desquels des milliers de civils, dont des Canadiens, ont été tués.

    Certaines personnes posent maintenant une question difficile. Ils se demandent ce qui suit. Si les attentats du 11 septembre justifient l'invasion par les Canadiens, les Américains, les Britanniques et d'autres nations alliées d'un pays situé à des milliers de milles dans le but d'éradiquer le terrorisme, comment les Israéliens sont-ils censés réagir face à ces attentats terroristes meurtriers qui se produisent juste à leur frontière, à quelques milles à peine de Tel Aviv et de Jérusalem?

    Toutefois, si une réaction militaire israélienne est justifiée, elle doit être restreinte et proportionnée. Le retrait annoncé d'Israël de Tulkarem et de Qalqilya est un signe positif démontrant qu'Israël reconnaît que son actuelle campagne antiterroriste ne peut pas justifier une nouvelle occupation des terres qui ont déjà été cédées aux Palestiniens. Nous avons été bien clairs à ce sujet. Les incursions militaires dans les villes contrôlées par les Palestiniens doivent cesser le plus rapidement possible, surtout en prévision de la visite prochaine du secrétaire d'État Powell dans la région.

    Israël doit comprendre que la riposte militaire ne peut se faire de façon isolée, qu'il doit également y avoir un engagement politique et que le mouvement en faveur de l'autonomie palestinienne en Cisjordanie et dans la bande de Gaza mis sur pied à Oslo doit se poursuivre, parce qu'en bout de ligne, Israël ne peut rester perpétuellement en guerre avec ses voisins. Sans paix, il ne peut y avoir de sécurité.

    Toutefois, Yasser Arafat doit comprendre, l'autorité palestinienne doit comprendre, les États arabes du Proche-Orient doivent comprendre, la communauté internationale doit comprendre et le gouvernement du Canada doit comprendre qu'on ne peut s'attendre à ce qu'Israël abandonne son droit à la riposte militaire sans une preuve évidente qu'il y aura un terme aux actions terroristes, parce que sans la sécurité, il ne peut y avoir de paix.

    Ce n'est pas faire preuve de partialité que de dire que nous n'avons guère vu de preuve du fait que le président Arafat comprend cette équation. Il s'est engagé à de nombreuses reprises à prendre des mesures pour contrer le terrorisme, mais a toujours semblé fermer les yeux sur ces actes dans le but de tenter d'accroître la pression politique. Il a systématiquement enfreint tous les cessez-le-feu, y compris celui déclaré il y a à peine quelques semaines au moment du retour du général Zinni dans la région.

    Malheureusement, il est évident que l'attentat suicide est une innovation qui fait maintenant partie de l'arsenal des terroristes. Les gens parlent souvent du désespoir et de la pauvreté qui poussent les jeunes Palestiniens à devenir des kamikazes. Effectivement, il règne un désespoir et une pauvreté terribles dans les camps de réfugiés de la Cisjordanie et de Gaza et c'est pourquoi le processus de paix est si important; cependant, on ne peut jamais utiliser le désespoir et la pauvreté comme excuses pour les attentats suicides, ni affirmer que ces conditions à elles seules poussent les jeunes à se suicider ainsi.

  +-(2010)  

    Il faut toute une infrastructure pour transformer en bombe humaine un jeune en colère. Il faut toute une machine de propagande qui endoctrine les jeunes et leur inculque le culte du martyr. Il faut des usines de bombes qui fabriquent les ceintures explosives. Il faut des stratèges militaires qui imaginent comment traverser les postes de contrôle sans se faire repérer, monter à bord des autobus et entrer dans les hôtels. Il faut des financiers qui fournissent les incitatifs financiers à ceux qui se feront tuer dans ces attentats suicides.

    C'est toute cette infrastructure, qui exploite cruellement les jeunes Palestiniens des camps, qui a créé les attentats suicides. Lors de ses opérations militaires de la semaine dernière, Israël a présenté des preuves démontrant que l'Autorité palestinienne elle-même avait financé la production de bombes pour Al-Aqsa. La crédibilité de M. Arafat à titre de partenaire possible dans le processus de paix s'est gravement détériorée au cours des récents mois.

    Le voyage que fait cette semaine le secrétaire d'État Colin Powell pourrait bien représenter, pour Yasser Arafat, la dernière chance de montrer qu'il veut sincèrement couper tous les liens avec les terroristes. J'espère, non pas pour M. Arafat, mais pour le bien du peuple palestinien qui souffre depuis déjà trop longtemps, que Yasser Arafat va profiter de cette ultime occasion car, comme le président Bush l'a déclaré la semaine dernière, ces terroristes sont en train de faire voler en éclats rien de moins que la possibilité d'obtenir l'État palestinien qu'ils désirent si ardemment.

    Les actes terroristes en Israël et en Palestine ne résultent pas seulement de pressions intérieures. Nous savons que l'Iran finance le Hezbollah. Je dois ajouter avec regret que le gouvernement canadien n'a pas encore jugé bon d'inclure le Hezbollah dans la liste des organisations terroristes interdites; il s'est contenté d'en déclarer l'aile militaire hors-la-loi pour la raison spécieuse que ses organismes politiques et sociaux ne sont pas liés à ses activités terroristes. La Syrie a contribué à financer les opérations du Hamas. L'Iraq et l'Iran se servent de leurs revenus pétroliers pour offrir des récompenses en argent aux familles des kamikazes.

    Les autres pays de la région doivent reconnaître, comme l'Égypte et la Jordanie l'ont fait il y a quelques années, ce qui est tout à leur honneur, et comme l'Arabie saoudite semble le faire au moyen de ses récentes propositions de paix, qu'ils ne peuvent plus attiser les flammes des conflits arabo-israéliens à des fins politiques intérieures ou pour quelque autre raison que ce soit.

    Les pays qui persistent à soutenir le terrorisme doivent être mis au pas ou mis au ban par leurs voisins arabes et musulmans et par l'ensemble de la communauté des nations.

    La position de l'Alliance canadienne dans ce dossier a toujours été cohérente et claire. Les Palestiniens ont droit à leur patrie en Cisjordanie et dans la bande de Gaza et à la création d'un État palestinien démocratique. La seule solution sera une solution consistant en deux États, ce qui nécessite un échange de terres pour la paix.

    Notre gouvernement devrait préconiser qu'à court terme, Israël se retire aussi rapidement que possible du secteur A afin de relancer le processus de paix et qu'ensuite, à plus long terme, Israël se retire de la plus grande partie de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza afin d'assurer des frontières reconnues internationalement.

    Le Canada doit insister pour que l'Autorité palestinienne fasse davantage pour démanteler ces réseaux terroristes. Nous devrions lier clairement notre aide financière destinée à l'Autorité palestinienne et à ses organismes aux progrès qu'elle accomplit dans sa lutte contre le terrorisme. Il est vraiment honteux que l'ACDI ait contribué à financer la garde côtière palestinienne qui a servi récemment à faire entrer clandestinement des armes de l'Iran.

    Notre aide à l'Autorité palestinienne et à ses organismes devrait être directement proportionnelle aux progrès qu'elle accomplit pour démanteler le terrorisme et pour instituer la démocratie et la primauté du droit. Cela veut dire qu'à l'heure actuelle, les fonds que nous accordons à l'Autorité palestinienne devraient dépendre des signes de progrès à cet égard.

    Nous devrions faire savoir clairement aux autres États arabes et musulmans que tout appui au terrorisme, même au nom de la résistance à l'occupation, est inacceptable. Les pays qui appuient le terrorisme dans ce conflit devraient être isolés sur le plan diplomatique par le Canada jusqu'à ce qu'ils renoncent eux aussi à soutenir le terrorisme.

    Jusqu'à ce que cela se produise, nous ne devrions pas prendre de mesures comme accepter que la Syrie devienne membre du Conseil de sécurité des Nations Unies ou récompenser l'Iran en autorisant des visites de haut niveau. Nous ne devrions prendre pareilles mesures que si ces pays prennent clairement position contre le terrorisme, y compris les attentats suicides.

  +-(2015)  

    Dans toutes nos déclarations et toutes les fois que nous voterons aux Nations Unies ou au sein d'autres organismes internationaux, nous ne devons pas nous contenter de faire comme les autres. Nous devons jouer un rôle de chef de file en faisant la promotion de nos valeurs et en restant impartiaux. Le Canada peut et doit jouer un rôle constructif au Proche-Orient.

    Le gouvernement ne doit pas céder à la tentation de critiquer vigoureusement Israël tout en n'exprimant que quelques réserves sur la partie adverse. Nous devons exercer des pressions des deux côtés et ne pas hésiter à appeler un chat un chat même si cela n'est pas populaire. Nous devons agir de façon impartiale pour qu'il y ait une paix durable.

    Nous devons élaborer une politique équilibrée et conséquente en ce qui concerne le Proche-Orient, une politique dictée par des principes visant à la fois l'objectif d'une Palestine indépendante et celui d'un État israélien en sécurité et en paix avec ses voisins, une politique affirmant sans aucune ambiguïté le caractère inacceptable, sur le plan moral, du terrorisme sous toutes ses formes.

    J'émets l'espoir que le débat de ce soir marquera le début du réexamen de la politique étrangère canadienne relativement au Proche-Orient afin que nous présentions une démarche vraiment équilibrée permettant d'en arriver à la paix.

+-

    M. Rahim Jaffer (Edmonton--Strathcona, Alliance canadienne): Madame la Présidente, c'est la première fois que j'ai l'occasion d'intervenir à la Chambre en tant que porte-parole pour les questions relatives à l'Europe centrale et au Proche-Orient. Je suis heureux de partager mon temps avec le député d'Okanagan--Coquihalla, porte-parole principal pour ces questions, avec qui j'ai le plaisir de collaborer à ce dossier des plus importants.

    Nous sommes réunis dans cette enceinte ce soir afin de discuter de la tension qui s'alourdit au Proche-Orient, de dénoncer le nombre croissant de victimes et de tenter de définir, en mettant de côté nos différences partisanes, le rôle que le Canada peut jouer pour ramener Israël et la Palestine à la table de négociation. L'Alliance canadienne croit qu'Israël et la Palestine ont le droit de vivre comme des nations souveraines pacifiques à l'intérieur des frontières d'avant 1967.

    En tant que députés du Parlement nous sommes tiraillés de toutes parts. Un certain nombre de facteurs influencent nos opinions et nos actions. Il se peut que nous représentions de vastes collectivités ethniques dans nos circonscriptions ou que nous devions afficher une opinion politique ou une autre. Dans le débat de ce soir, toutefois, nous devons faire fi de toute partisanerie individuelle ou politique de manière à être des défenseurs objectifs de la paix. On ne sert pas les intérêts des Canadiens en choisissant son camp dans ce conflit. En tant que parlementaires, nous avons le devoir de condamner la violence et la terreur.

    Je suis le seul député musulman du Parlement, et il règne une idée préconçue à l'effet que je vais exposer un point de vue pro-palestinien. Je préconise la paix et la fin de la violence. J'ai déclaré dès mon entrée dans la vie publique que j'étais d'abord et avant tout un Canadien et que je défendais les valeurs de paix, de liberté et de démocratie.

    Depuis le peu de temps que je détiens ce portefeuille, j'ai commencé à étudier l'histoire de la région et les événements importants qui ont conduit à la crise actuelle. La confiance et les attentes qui ont suivi la conclusion de nombreux traités et sommets ont été balayées par l'inaction. L'amenuisement de l'espoir engendre la frustration, le désespoir et éventuellement le carnage.

    Comment faire pour amener des gens qui se haïssent à s'asseoir et à négocier? Comment faire pour que les parties laissent tomber leur garde afin que les graines de la paix puissent germer?

    Le Canada est la patrie de milliers de juifs et d'arabes comme il est la patrie de catholiques et de protestants, de Croates et de Serbes et d'une multitude de groupes qui ont quitté des pays déchirés par la guerre pour venir vivre en paix à côté de leurs ennemis traditionnels.

    En tant que nation pluraliste et pacifique, le Canada est un modèle de tolérance. Nous devrions mettre à profit notre renommée internationale pour servir d'intermédiaire afin de réunir ces parties. Le Canada a joué un rôle important dans la partition de la région et il peut jouer un rôle important en tant qu'artisan de la paix objectif.

    L'accord de paix entre Israël et l'OLP signé le 13 septembre 1993 constitue un point de départ. Il devrait devenir un accord intégral reposant sur les résolutions 242 et 338 des Nations Unies, y compris sur le droit de tous les pays de la région de vivre à l'intérieur des frontières sûres et reconnues, ainsi que sur le retrait obligatoire d'Israël de la Cisjordanie, de la bande de Gaza et du plateau du Golan et sur le retour aux frontières d'avant 1967. Il s'agit d'un accord que les deux parties avaient accepté et étaient venues bien près d'entériner au sommet de Camp David en 2000. C'est un bon point de départ pour la reprise des négociations.

    Il faut amener les deux parties à admettre que leurs actions ont contribué à faire grimper le nombre de victimes. Indiscutablement, l'Autorité palestinienne n'a pas fait ce qu'il fallait pour mettre un terme aux attentats terroristes, et c'est la raison pour laquelle les Israéliens ont réagi. En toute justice, il faut dire que la réaction des forces israéliennes aux récents attentats terroristes a été disproportionnée.

    Les yeux du monde entier sont tournés vers le Proche-Orient. La communauté internationale, dont les Nations Unies, l'Union européenne, le Royaume-Uni et les États-Unis, ont sommé Israël de retirer ses troupes et ses chars du territoire palestinien. Il est impératif qu'Israël se retire. Cela ne devrait pas être perçu comme une retraite mais comme un geste pacifique. Une telle mesure doit s'accompagner d'un geste de la part du président Arafat pour dénoncer le terrorisme et, grâce à son influence, mettre fin aux attentats suicides.

    Il appartient aux deux dirigeants de ramener la paix. On entend beaucoup parler du cycle de la violence au Proche-Orient, des actes de violence donnant lieu à des répliques égales, voire même encore plus vives. Un des deux dirigeants doit renverser la vapeur et amorcer un cycle de paix.

  +-(2020)  

    Il faut commencer quelque part à faire la paix. Au besoin, il peut y avoir un accord mutuel pour qu'Israël se retire et pour que cessent les attentats suicides palestiniens

    Je le répète, le Canada est un modèle de paix et de tolérance. Nous avons la chance d'avoir d'importantes communautés juives et palestiniennes ici, au Canada. En tant que représentants élus des Canadiens, nous devrions inciter ces Canadiens à travailler avec nous et avec des diplomates israéliens et palestiniens à résoudre le conflit. Ici, au Canada, loin du Proche-Orient, une telle initiative pourrait bénéficier d'une perspective différente et peut-être fructueuse.

    Il vaut mieux que le Canada exporte sa tolérance et ses traditions pacifiques qu'il n'importe la haine viscérale des régions en guerre qui a mené à la destruction de lieux de culte et à des attaques contre des Canadiens facilement identifiables.

    Je tiens à réaffirmer la position de l'Alliance canadienne. La réaction libérale à la violence terroriste au Proche-Orient est, au mieux, ambivalente. Les libéraux continuent notamment d'autoriser la cueillette de fonds au Canada par des organisations terroristes comme la faction civile de l'Hezbollah. Ce n'est pas raisonnable.

    Le Canada doit continuer non seulement à condamner fermement le terrorisme, mais encore à appuyer toute mesure visant à réduire la violence dans la région. Le Canada doit exhorter l'Autorité palestinienne à prendre toutes les mesures qui s'imposent pour mettre fin à la violence terroriste. L'Autorité palestinienne n'a pas encore fait tout ce qu'il fallait pour mettre fin à ces attaques terroristes.

    Tout en reconnaissant le droit inhérent d'Israël à se défendre, le Canada devrait exhorter le gouvernement israélien à faire preuve de modération et à chercher des solutions à long terme. Le gouvernement du Canada devrait se préparer à faciliter la paix par tous les moyens possibles.

    Nous espérons tous vivement en arriver ici à faire front commun en tant que parlementaires. Il est clair, je le répète, que cette question déborde les lignes de parti. Nous voudrions voir régner la paix dans cette région, et je crois que tous les députés le souhaitent vraiment. Espérons que nous saurons parler d'une seule voix dans les jours et les semaines à venir afin de faire régner la paix dans cette région.

  +-(2025)  

+-

    Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Madame la Présidente, j'interviens ce soir pour parler d'un sujet grave qui préoccupe les Canadiens et les citoyens du monde entier. Je prends la parole pour dénoncer les horreurs et le terrorisme dont ont été et sont victimes des enfants, des femmes et des hommes innocents du Proche-Orient.

    Nous sommes actuellement témoins d'une escalade terrifiante d'attentats et de mesures de représailles, d'un tourbillon de violence qui puise sa force destructrice dans les événements d'aujourd'hui, de la semaine dernière, du dernier siècle, voire du dernier millénaire.

    Qui sont les victimes de cette violence? D'entrée de jeu, permettez-moi de dire qu'on ne gagne rien à juger l'histoire en fonction du décompte des corps. Nos frères et nos soeurs du Proche-Orient, qu'ils soient juifs, musulmans ou chrétiens et peut importe leur nationalité ou le groupe ethnique auquel ils appartiennent, ne méritent pas de vivre sous la menace ou de mourir à cause de la violence, peu importe que cette menace vienne d'hélicoptères Apache et de chars militaires, de fanatiques bardés d'explosifs ou des pourparlers de paix qui ne seront possibles que si un camp extermine l'autre.

    La paix nécessite du courage. De mémoire récente, nous avons été témoins de ce courage dans le lourd tribut payé par ceux qui ont osé se prononcer en faveur de la paix et travailler pour la paix au Proche-Orient. Dans une terre à la fois bénie et tourmentée par son passé, nous avons vu des leaders qui ont été représentatifs de leur époque et des leaders qui ont essayé de transcender celle-ci.

    Anouar Al-Sadate et Menahem Begin, Yitzhak Rabin et le roi Hussein, Shimon Peres et Yasser Arafat sont des dirigeants qui sont nés dans la même poudrière géographique et historique, des dirigeants qui ont compris qu'ils avaient plus de points en commun que de différences, des dirigeants qui ont risqué leur vie pour la cause de la paix et celle de la justice. Ces dirigeants des deux camps ont payé pour leur courage. Anouar Al-Sadate et Yitzhak Rabbin ont payé de leur vie, non pas aux mains de l'ennemi, mais aux mains ensanglantées des leurs.

    À trois occasions différentes, j'ai eu la chance de rencontrer le ministre des Affaires étrangères d'Israël, Shimon Peres, et le président de l'Autorité palestinienne, Yasser Arafat. Ces dirigeants ne cachent pas le fait que de profondes divergences les divisent. Cependant, ils comprennent qu'en luttant constamment contre son voisin, on finira par détruire le tissu moral de sa propre société.

    Ces dirigeants voient les enfants de leur communauté respective privés de leur avenir lorsqu'ils grandissent avec un fusil dans les mains et la haine au coeur.

    La brutalité, les humiliations, les menaces terrifiantes dont nous sommes aujourd'hui témoins au Proche-Orient doivent être perçues comme une lutte entre les membres d'une même famille, la famille humaine.

    La violence dans des contrées éloignées dont, au fil des ans, les Canadiens ont été les témoins par les reportages des médias, a récemment frappé beaucoup plus près de nous. Il y a sept mois, nous avons assisté à la perversion de tout ce qu'il y a de civilisé dans notre monde, lorsque des terroristes ont frappé aux États-Unis. Cela a eu certaines répercussions dans les villes et localités de notre pays.

    Les néo-démocrates ont toujours dénoncé les actes de haine méprisables commis envers des minorités visibles. Nous avons demandé au gouvernement de lutter contre les conditions qui peuvent être à l'origine d'attentats contre des lieux de culte, par exemple. Immédiatement après les attentats du 11 septembre, une mosquée a été la cible d'une bombe incendiaire à Montréal. Cette semaine, nous avons appris qu'une synagogue de Saskatoon avait été la proie d'un incendie criminel.

    Il y a une autre famille dont il faut entendre la voix dans cette crise, la famille des nations. Aujourd'hui, dans la communauté internationale, il y a un consensus quasi total sur les mesures à prendre de toute urgence pour passer de la mort et de la destruction au dialogue et à un développement authentiquement humain.

    Pour reprendre les propos de la ministre des Affaires étrangères de Suède, Anna Lindh:

Il est inacceptable pour la communauté internationale qu'on tente d'écraser les dirigeants palestiniens. Fatalement, cela entraînera des pertes encore plus lourdes et une plus grande insécurité pour Israël. Le gouvernement israélien doit faire preuve de la plus grande retenue et se comporter de façon à ne pas marginaliser encore davantage les Palestiniens qui souhaitent vivre en paix avec Israël.

  +-(2030)  

    Shimon Peres, le ministre des Affaires étrangères de l'État d'Israël, a désavoué les opérations menées récemment par l'armée israélienne dans le camp de réfugiés de Jénine, qualifiant ces opérations de massacre. Le président du Conseil de sécurité des Nations Unies a exprimé les préoccupations d'un grand nombre de membres devant la détérioration de la situation et la violation du droit humanitaire international en territoire palestinien, et notamment les nombreuses victimes civiles et la menace de la destruction de l'Autorité palestinienne.

    Hier, le président de la Commission européenne a condamné la violence qui a dégénéré. Il a déclaré à ce sujet:

Les attentats-suicides palestiniens ont tué ou blessé des centaines de personnes innocentes en Israël. Depuis une dizaine de jours, 300 Palestiniens ont été tués, des centaines d'autres ont été blessés et 1 400 individus ont été arrêtés à l'issue de fouilles de domiciles conduites par des militaires. [...] Le gouvernement israélien doit garantir aux travailleurs de l'aide humanitaire l'accès en toute sécurité à la population palestinienne. Le gouvernement israélien doit immédiatement procéder au retrait de ses forces armées des territoires récemment occupés. [...] Au président Arafat et à tous les Palestiniens, je dis: Renoncez au terrorisme. L'Union européenne demeure convaincue que le président Arafat et l'Autorité palestinienne sont les partenaires légitimes avec lesquels les négociations de paix doivent immédiatement reprendre.

    La semaine dernière, le Comité international de la Croix-Rouge a déclaré ceci:

Les actes de terrorisme, notamment les attentats-suicides, sont absolument et inconditionnellement interdits, tout comme les actes de représailles, les attentats au hasard et les attentats dirigés contre la population civile.

    Au début de la semaine, Amnistie internationale a déclaré ce qui suit:

Les forces de défense et les autorités israéliennes doivent mettre un terme aux violations des droits de l'homme et du droit humanitaire, notamment les tueries et le recours excessif à la force meurtrière; la destruction de maisons et de biens palestiniens; la fermeture de villes et de villages; les arrestations arbitraires; la torture ou autres actes cruels, inhumains ou dégradants infligés à des Palestiniens; le fait de gêner l'accès à la population des professionnels de la santé et des soins de santé; le blocage de l'accès des organismes d'aide humanitaire, des organisations de défense des droits de l'homme et des journalistes. Les groupes armés palestiniens doivent cesser de cibler les civils israéliens et mettre un terme à l'assassinat de ressortissants israéliens.

    M. Warren Allmand, un des nôtres, en fait un ancien et éminent député fédéral, aujourd'hui président du Centre international des droits de l'homme et du développement démocratique, a déclaré dans une lettre adressée au ministre des Affaires étrangères il y a trois jours:

J'ai été choquée d'entendre dire que le Canada, à l'occasion d'une réunion de la Commission des droits de la personne des Nations Unies, tenue à Genève le 5 avril, avait voté contre la proposition qui visait à permettre à la commissaire aux droits de la personne, Mme Mary Robinson, de se rendre au Proche-Orient... Une mission dirigée par Mme Robinson pourrait s'avérer utile pour réduire la tension et mettre au jour le recours disproportionné à la force de la part des Israéliens. Une fois dans la région, Mme Robinson devrait également rencontrer le leader palestinien Yasser Arafat et l'exhorter non seulement à condamner les attaques contre des civils israéliens innocents, mais aussi à appréhender les responsables de ces attentats et à leur faire un procès juste et à leur imposer des sanctions conformes aux normes internationales. Toutefois, si M. Arafat continue à être confiné à son quartier général, il est difficile de voir comment il peut exercer son autorité sur le peuple palestinien.

    Enfin, dans un communiqué de presse, publié plus tôt cette semaine, les représentants de Médecins sans frontières, organisation internationale d'aide médicale très respectée, ont déclaré ce qui suit:

L'obstruction à l'aide médicale auprès des civils palestiniens dans les Territoires Occupés a atteint un degré alarmant... MSF considère ceci comme une violation de notre droit d'accéder aux victimes de ce conflit comme elle est aussi une violation du droit des civils d'accéder aux centres de santé.

  +-(2035)  

    Je tiens également à signaler ce que les représentants d'Amnistie Internationale ont déclaré le week-end denier au sujet des 1 000 prisonniers palestiniens détenus par le gouvernement israélien. Je cite:

En violation des traités internationaux relatifs aux droits humains, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) et la Convention contre la torture - auxquels Israël est partie - des Palestiniens ont été détenus dans des conditions qui constituent une peine ou un traitement cruel, inhumain ou dégradant.

    Cela fait maintenant plus d'une semaine que Warren Allmand du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique a de nouveau exhorté les forces internationales de maintien de la paix des Nations Unies à s'interposer entre les Palestiniens et les Israéliens pour prévenir la poursuite des carnages.

    Pour s'attaquer à ce que M. Allmand décrit comme une preuve accablante que ces incidents constituent une menace à la paix en vertu du chapitre VII de sa charte, l'ONU a l'obligation de prendre des mesures. Je comprends que M. Allmand a écrit qu'Israël s'était précédemment objecté à l'intervention d'une force de maintien de la paix de l'ONU, mais ses initiatives militaires n'ont pas réussi à prévenir la violence et l'escalade du conflit.

    Je pourrais citer de nombreux autres autorités et organismes internationaux, mais, vu le consensus international absolument clair sur les mesures urgentes à prendre, il suffit de dire que les partis politiques ici chez nous doivent clarifier leurs positions sur la façon de faire progresser le processus et de parvenir à la paix.

    Nous devons être libres de donner notre avis sans craindre d'être accusés d'appuyer un peuple ou l'autre, de privilégier les Palestiniens au détriment des Israéliens ou vice-versa. En même temps, nous devons être prêts à prendre position. Nous avons été élus pour représenter la population du Canada en ce Parlement et pour prendre position en cas de crises de cette nature.

    Je tiens à répéter que nous, députés du Nouveau Parti démocratique, avons opté pour la sécurité à long terme et l'application de la règle de droit tant pour les Israéliens que pour les Palestiniens. Pourquoi? Parce que c'est la seule voie qui peut réalistement mener vers la paix.

    Malheureusement, au Canada, nous nous trouvons maintenant dans un contexte terriblement polarisé, en partie à cause du vide laissé par le manque de leadership de notre gouvernement libéral fédéral trop timide.

    Le Nouveau Parti démocratique a déploré la terreur partout où elle a surgi et il continuera de le faire. À nos yeux, rien ne peut justifier que des attentats suicides visent d'innocents civils et rien ne peut justifier qu'une armée d'occupation refuse des traitements médicaux à ses otages.

    En terminant, je ne crois pas qu'il soit exagéré d'affirmer que les Canadiens sont en grande majorité troublés de voir le gouvernement abdiquer tout leadership en la matière. À maintes reprises, le gouvernement a clairement renoncé à adopter une position reflétant les valeurs des Canadiens, tout simplement parce qu'il attendait de voir ce que serait la prochaine directive, la prochaine initiative des États-Unis.

    Je l'ai souvent dit à la Chambre et je le répéterai ce soir, je reconnais d'emblée que les États-Unis d'Amérique sont notre voisin le plus rapproché.

  +-(2040)  

    Toutefois, ce n'est pas un acte de leadership et il est très décevant de constater en écoutant les réponses aux questions posées à la Chambre sur la position du gouvernement ou sur les mesures qu'il compte prendre, que nous nous rangeons toujours derrière les Américains. Il est arrivé beaucoup trop souvent que la position américaine ait justement été de ne pas prendre position, alors que les gens avaient désespérément besoin de leadership.

    Je terminerai mon commentaire ce soir en implorant le gouvernement de reconnaître que les Canadiens s'attendent à davantage de la part de leur gouvernement fédéral. Les gens de partout au monde s'attendent à davantage d'un gouvernement qui a la réputation d'adopter des positions indépendantes et raisonnées en matière de politique étrangère.

    Ce n'est pas demander au gouvernement de faire bande à part que de lui demander de se joindre à la communauté internationale pour dire que nous devons être prêt, à titre de tiers parti, à reconnaître qu'il ne pourra y avoir de paix au Proche-Orient sans le retrait d'Israël des territoires occupés, sans qu'on force les parties à accepter leurs responsabilités au nom de leurs propres citoyens et au nom des citoyens du monde entier en vue de l'adoption de mesures pratiques et concrètes dans le cadre d'un processus qui doit être adopté et adopté rapidement en vue de trouver un chemin vers la paix pour assurer que les enfants de tout le Proche-Orient ne continueront pas à vivre sous la menace et ne seront pas privés de l'avenir auquel ils ont droit.

+-

    M. Bill Casey (Cumberland--Colchester, PC/RD): Madame la Présidente, je suis certes heureux d'intervenir ce soir dans le débat sur cette situation très urgente. Ceux d'entre nous qui ont eu la chance de visiter le Proche-Orient en reviennent toujours avec une vive sympathie pour les habitants de la région. J'ai retiré de ma première visite là-bas une impression que je n'oublierai jamais. J'ai énormément apprécié le fait de pouvoir visiter les deux parties dans ce conflit. Les gens y sont fascinants et ne sont pas différents des Canadiens. Ils veulent avoir le droit de vivre en paix, d'élever leurs enfants, de vivre en liberté et de jouir de la vie. Ils ne peuvent pas le faire à l'heure actuelle à cause de la situation qui règne là-bas.

    Je crois que le Canada peut jouer un certain rôle au Proche-Orient et contribuer à mettre un terme à ce conflit. Ce ne sera peut-être pas un rôle aussi éminent que celui que jouent les États-Unis ou l'Union européenne, mais nous avons un rôle, et il ne s'agit pas simplement de critiquer, condamner ou attribuer la faute. Je crois qu'il y a des choses tangibles que le Canada peut faire et j'espère que nous les ferons.

    Le Canada a des choix limités car les dirigeants des deux côtés n'écoutent personne. C'est à peine s'ils écoutent les États-Unis, un pays beaucoup plus puissant que le nôtre et qui dispose de tant de moyens quant aux pressions qu'il peut exercer et aux outils et aux leviers économiques dont il peut se servir. Cependant, les dirigeants de ces deux pays n'ont pas réagi de la façon dont le monde s'attendait et espérait qu'ils le fassent.

    Le Canada peut appuyer les efforts des Nations Unies, les propositions de l'Arabie saoudite, les recommandations de M. Mitchell et ainsi de suite, mais il y a encore un autre rôle à jouer pour le Canada, peut-être à un niveau un peu plus modeste de négociation et d'établissement de la paix, que de traiter avec les dirigeants. Je n'ai pas sorti cette idée moi-même; elle me vient des Palestiniens et des Israéliens que nous avons rencontrés et avec qui nous avons discuté.

    L'une des expériences les plus fascinantes que j'aie connues à titre de député, c'est lorsque nous avons invité un conseiller de l'ambassade d'Israël au Canada à une réunion de notre caucus pour qu'il nous donne la version d'Israël. Nous avons également invité le représentant palestinien au Canada à nous présenter le point de vue des Palestiniens. Nous avons constaté avec étonnement qu'ils ne se sont pas pris aux cheveux et qu'ils ont présenté un point de vue semblable, à savoir que le Canada avait un rôle à jouer. Peut-être ce rôle n'était-il pas au niveau des dirigeants politiques, mais à d'autres niveaux, comme dans les domaines de la santé, de l'éducation ou du système parlementaire.

    Ils ont dit que c'est là que le Canada pourrait agir. Même si nous ne pouvons pas influer sur les chefs en ce moment, et cela semble une tâche très difficile, nous pouvons peut-être rétablir des voies de communication qui n'existent pas actuellement. Ils nous ont exhortés à le faire. C'est un paradoxe que les deux parties aient tenu sensiblement le même discours aux Canadiens et qu'ils nous aient incités à agir. Ils avaient de bonnes idées à cet égard. Ce sont des choses concrètes que le gouvernement du Canada et les Canadiens peuvent faire. Je crois vraiment que les Canadiens veulent que nous apportions notre concours.

    J'ai été fasciné par le sondage qui a été fait d'un bout à l'autre du pays il y a quelques semaines sur la crise du Proche-Orient. J'ai été étonné par les opinions et les observations sérieuses que les gens ont exprimées sur le Proche-Orient. De toute évidence, les Canadiens s'intéressent à la question et ils veulent que nous agissions en tant que parlementaires et gouvernement.

    Je conviens avec le ministre qu'il n'y a pas de solution militaire. Ce doit être une solution négociée et les pourparlers doivent se poursuivre et ils dureront longtemps. Les deux peuples ne s'entendent toujours pas sur une foule de questions, et leurs différends ne se régleront pas du jour au lendemain. D'abord, il doit y avoir un cessez-le-feu et la violence doit cesser, après quoi de très longues négociations pourront commencer, dans lesquelles le Canada pourrait jouer un autre rôle.

  +-(2045)  

    Nous pouvons jouer un autre rôle en plus d'établir des ponts et d'ouvrir des voies de communication qui font défaut à l'heure actuelle. Les Nations Unies ont établi cinq groupes de travail. Ils sont représentatifs de tous les pays membres des Nations Unies. L'un d'eux est le Groupe de travail des Nations Unies sur les réfugiés.

    Le Canada préside ce groupe et en ce moment, ses travaux sont bloqués non pas à cause du Canada, mais à cause des souhaits des parties au conflit au Proche-Orient. Je voudrais que le Canada relance les travaux de ce groupe car les réfugiés et leur qualité de vie sont clairement un des éléments qui suscitent l'antagonisme qui a entraîné beaucoup de violence.

    Ceux d'entre vous qui ont visité les camps de réfugiés savent à quoi ils ressemblent, comment y sont les conditions de travail et ils n'ignorent pas qu'il n'y a absolument aucun espoir pour les gens qui vivent là depuis 50 ans. Cela crée de la colère, de la haine et du désespoir, ce qui amène les gens à agir de façon désespérée. Le Canada peut jouer un rôle à cet égard si nous pouvons relancer les travaux du Groupe de travail des Nations Unies sur les réfugiés.

    Cela ne sera pas facile, mais les contacts initiaux avec les Palestiniens ont montré qu'ils seraient disposés à séparer ce groupe de travail des autres et peut-être à le relancer pour aider à améliorer la qualité de vie de certains réfugiés et leur donner espoir.

    Imaginons-nous vivre dans un camp de réfugiés pendant 50 ans, y élever des enfants qui eux-mêmes élèvent leurs propres enfants sans espoir, sans droit à la propriété, sans le droit de travailler dans certains camps, surtout l'un d'eux que j'ai visité au Liban. Nous serions désespérés également et cela nous conduirait peut-être à des gestes désespérés. Ce sont peut-être certaines des raisons qui expliquent la colère et la haine et qui sont en partie la source du terrorisme. Le Canada peut aider dans ce domaine si nous pouvons relancer les travaux du Groupe de travail des Nations Unies sur les réfugiés.

    Nous pouvons jouer un rôle et nous avons un rôle à jouer. Comme d'autres députés l'ont mentionné plus tôt, il nous incombe de mettre de l'ordre dans tout cela, à savoir où cela a commencé, qui doit être blâmé et toutes les autres choses de ce genre.

    La résolution no 181 porte sur le plan de partage de la Palestine tel qu'approuvé par les Nations Unies le 29 novembre 1947. Cette résolution a pris un protectorat britannique et a, en théorie, divisé le territoire en question en un nouvel État juif appelé Israël et un État arabe appelé Palestine.

    Le vote est très révélateur. Parmi les nombreux pays qui ont appuyé le plan de partage, on remarque des pays comme le Canada, le Costa Rica, la République dominicaine, l'Équateur, Haïti, l'Islande, le Paraguay, le Pérou et la Pologne. Parmi ceux qui se sont opposés à la création de ces nouveaux États, il y a l'Égypte, l'Iran, l'Iraq, le Liban, l'Arabie saoudite, la Syrie et la Turquie. Tous ces pays sont situés dans la région.

    Dès le départ, ils ont créé une situation qui, presque fatalement, devait aboutir à un conflit. Parmi les opposants, il y avait aussi l'Afghanistan, l'Inde, le Pakistan, le Yémen, Cuba et la Grèce. Paradoxalement, ni les Palestiniens, ni les Israéliens n'ont pu prendre part au vote sur la création des deux États, qui est à la source du problème.

    L'ONU a failli à sa tâche lorsqu'elle a présenté cette résolution. Elle a négligé les travaux d'approche qui auraient permis d'obtenir l'acceptation des autres pays au préalable ou de trouver des solutions avant que la résolution ne soit adoptée. Un coup d'oeil sur la carte permet de constater que les adversaires de la résolution entourent complètement la zone palestinienne qui correspond aujourd'hui à Israël et aux territoires occupés.

    Tous les pays membres de l'ONU qui ont appuyé la résolution ont le devoir de contribuer à la solution du problème, et le Canada est l'un de ces pays. En ce sens, je crois que nous avons une obligation. C'est peut-être pourquoi je me suis intéressé à la question. Je ne sais trop si c'est à cause de gens que j'ai rencontrés dans la région, de l'histoire, de ce beau pays qu'on est en train de détruire ou de notre obligation, mais il reste que je m'y intéresse davantage.

  +-(2050)  

    À lire la résolution no 181, j'ai remarqué bien des explications aux problèmes qui se posent aujourd'hui. Une des idées concrètes que j'ai proposées plus tôt est que le Canada essaie de jeter des ponts entre les deux parties dans les milieux de la santé, dans les milieux universitaires, dans les milieux parlementaires. L'idée n'est pas de moi. Elle vient des Palestiniens et des Israéliens, qui l'ont exprimée lors d'une réunion de notre caucus consacrée au rôle que le Canada pourrait jouer.

    Nous pouvions, entre autres, établir des contacts avec les parlementaires. Nous avons entamé le processus à la suite d'une idée formulée par les Palestiniens et les Israéliens. Tout a commencé quand nous avons proposé au ministre des Affaires étrangères de faire venir des membres de la Knesset israélienne et de l'assemblée législative palestinienne.

    Nous avons présenté la proposition au ministre des Affaires étrangères. Il l'a étudiée et il a jugé qu'elle était intéressante et qu'elle pourrait se révéler utile. Ce sont ses propres mots, mais il a ajouté que, malgré tout, il n'avait pas le budget nécessaire pour y donner suite. À mon avis, si cela pouvait être utile, il valait la peine de faire un effort supplémentaire. Je suis retourné à mon bureau et je me suis demandé comment faire.

    Premièrement, il était évident qu'il fallait faire venir ces parlementaires. J'ai téléphoné à Air Canada pour demander des billets à tarif réduit, mais je n'ai même pas eu à le faire. Air Canada a dit que l'idée était excellente et m'a donné des billets. Nous étions encouragés de savoir que, spontanément, une entreprise privée était prête à participer à une initiative parlementaire.

    Nous avons communiqué avec d'autres organisations qui ont prêté leur concours. J'ai écrit aux représentants de la Banque de Nouvelle-Écosse et, trois jours plus tard, je leur ai téléphoné pour solliciter leur participation au financement. Ils se sont engagés à verser 1 000 $. J'ai trouvé cela formidable et je leur ai dit merci beaucoup. Trois jours plus tard, ils m'ont rappelé disant qu'ils avaient réfléchi à tout cela et qu'ils portaient leur montant à 5 000 $ parce que la cause était utile et excellente. Les sociétés Ford du Canada Limitée, SNC-Lavalin et IMP ont aussi participé. L'Université Saint Mary's, à Halifax, nous a appuyés magnifiquement de diverses façons.

    Nous avions d'abord pensé réunir les membres de la Knesset israélienne, de l'assemblée législative palestinienne et du Parlement canadien à Halifax. Bon nombre de particuliers et d'entreprises de cette ville ont aussi contribué. Des particuliers et des groupes ont réuni des fonds pour financer ce processus. Je ne peux nommer tous ceux qui nous ont aidés, mais je tiens à en nommer un. Joseph Faisal, de Lerner & Associates de London, en Ontario, a recueilli des fonds auprès de sa communauté musulmane comme d'autres l'ont fait auprès des communautés juives de Halifax et d'ailleurs au Canada. Tous ceux que nous avons sollicités ont répondu à l'appel.

    J'ai appris que les Canadiens veulent que leurs parlementaires agissent. Ils veulent aussi que nous les aidions. Lorsque les Canadiens donnent de l'argent, nous savons qu'ils sont sérieux. J'ai été à la fois touché et fier de la réaction que nous avons obtenue.

    Après avoir rassemblé suffisamment de ressources, je suis retourné voir le ministre des Affaires étrangères qui a dit «D'accord, allons-y. C'est une bonne idée. Il s'agira d'une initiative parlementaire, et non d'une initiative du gouvernement.» Le ministre des Affaires étrangères a fait tout ce qu'il pouvait pour aider cette initiative. Heureusement, le coprésident de ce forum occupe maintenant les fonctions de ministre des Affaires étrangères. Les choses se sont vraiment bien arrangées.

    Lorsqu'on a discuté de la question avec le Président, il a tenu à inviter les parlementaires de la Knesset et de l'assemblée législative palestinienne. J'ai eu le bonheur de livrer les invitations au nom du Président. Il n'y a eu absolument aucune hésitation. Les deux côtés ont accepté avant même que nous quittions la salle.

    C'est là une indication des choses concrètes que nous pouvons faire. Comme je l'ai dit précédemment, la rencontre devait avoir lieu originalement à Halifax. Nous avions besoins de locaux. J'ai appelé le premier ministre de la Nouvelle-Écosse et, sans hésitation aucune, il nous a fourni les installations nécessaires. J'ai appelé le maire de Halifax, Peter Kelly, parce que j'avais besoin d'autre chose. Il a dit «Oublie la province, nous allons fournir les installations.» Les deux paliers de gouvernement se disputaient l'honneur de nous fournir les installations nécessaires pour ce merveilleux forum.

    Puis, un organisme juif nous a demandé d'organiser une rencontre communautaire pendant le forum pour la paix, afin de montrer que les musulmans et les juifs du Canada s'entendent bien. L'organisme juif a dit qu'il fallait quelqu'un d'indépendant pour organiser une telle rencontre et nous a priés d'inviter l'archevêque catholique de Halifax à s'en charger. J'ai appelé ce dernier et il m'a assuré de sa participation immédiate. Il était incroyable de voir tous les intéressés accepter de mettre la main à la pâte.

  +-(2055)  

    La rencontre devait avoir lieu pendant la première semaine d'octobre, mais il y a eu les événements du 11 septembre. La rencontre a donc dû être annulée en raison de problèmes très réels de transport et de sécurité. La date de la rencontre a été changée, et nous espérons qu'elle pourra avoir lieu avant l'été à Ottawa, où la sécurité pose beaucoup moins de problèmes et est beaucoup plus souple. Monsieur le Président a offert son aide à plusieurs égards, et c'est très important pour nous. Au dernier week-end, nous respections les échéances.

    Je raconte ces faits parce que je les trouve tout à fait fascinants; les Israéliens et les Palestiniens nous ont dit que le Canada peut aider et ils nous ont parlé du rôle précis et concret qu'il peut jouer. C'est fascinant parce que les Canadiens veulent que nous le fassions. Ils veulent que nous participions et ils sont prêts à aider et même à donner de l'argent. Je crois que c'est là le véritable test pour les Canadiens.

    Je remercie les deux ministres du soutien qu'ils n'ont cessé de nous accorder alors que nous devions sans cesse modifier les dates prévues. Nous avons eu besoin de beaucoup d'aide. Le ministère nous a beaucoup aidés, notamment en mettant des ressources à notre disposition. Même s'il s'agit d'un projet parlementaire dirigé par un comité de direction constitué de représentants de tous les partis, nous avons toujours pu compter sur la coopération du ministère.

    Je voudrais maintenant parler brièvement des deux choses concrètes que le Canada peut faire et qui ne se bornent pas à condamner, critiquer et blâmer. J'encourage le gouvernement à prendre d'autres mesures pour renforcer la confiance dans le milieu des soins de santé. Des travailleurs des soins de santé le feront. Ils le font déjà. À Toronto, le Dr Arnold Noyek a déjà lancé une organisation qui est extrêmement active dans ce domaine, avec des travailleurs de la santé jordaniens, palestiniens, israéliens et canadiens.

    Nous pouvons aller encore plus loin. Nous devrions encourager le Dr Noyek et son organisation. Des universitaires des trois instances travaillent aussi ensemble. Nous devrions encourager ce genre de collaboration et nous devrions aussi, assurément, encourager les échanges parlementaires.

    Je me suis entretenu avec le président de l'assemblée législative palestinienne en fin de semaine. Il me disait que l'immeuble qui abrite l'assemblée législative palestinienne, l'équivalent de la Chambre des communes, avait été endommagé pendant le conflit. L'immeuble est actuellement inutilisé. Je ne connais pas l'ampleur des dégâts, mais l'assemblée législative palestinienne a été endommagée à cause du conflit. Peut-être le Parlement canadien pourrait-il contribuer à la restauration de l'immeuble, car il s'agit du Parlement des Palestiniens. C'est l'équivalent de l'édifice où nous sommes et de notre assemblée.

    La deuxième chose concrète que le Canada peut faire est de rechercher un moyen de faire revivre le groupe de travail des Nations Unies sur les réfugiés. Ce n'est pas de notre faute si ce groupe ne fonctionne pas, mais nous pouvons peut-être essayer d'exercer des pressions afin de convaincre toutes les parties qu'il faut redonner vie à ce groupe de travail. Si nous pouvons régler certains problèmes liés à la qualité de vie des réfugiés dans des camps au Proche-Orient, il s'ensuivra peut-être une atténuation de la colère et de la haine, si bien que cela pourrait freiner certains gestes à l'encontre des Israéliens.

    Il ne suffit pas de condamner et de critiquer car des gens meurent pendant ce temps. Je crois sincèrement qu'il y a des gestes que nous pouvons poser. Le Canada a un rôle à jouer. Ce rôle est peut-être plus modeste que celui des États-unis et de l'Union européenne, mais nous sommes dans une position particulière. Plus que tout autre pays, nous sommes bien respectés par les deux camps. Aucun autre pays ne peut faire ce que le Canada peut faire. Nous ne pouvons pas jouer le même rôle que les États-Unis, mais la haute estime et le grand respect dont nous jouissons nous permettent de jouer un rôle qu'ils ne peuvent pas jouer.

    J'espère que le Parlement et le gouvernement feront tout en leur pouvoir pour jeter des ponts et créer des liens dans le but d'exercer une influence sur les chefs, qui pourraient bien ne pas se laisser influencer.

  +-(2100)  

+-

    M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Madame la Présidente, je tiens à féliciter le Bloc québécois d'avoir proposé cette motion à la Chambre. J'allais le faire moi-même, mais je m'y suis malheureusement pris un peu trop tard. Je suis content que nous débattions ce soir de la situation au Proche-Orient.

    Comme le savent peut-être déjà les députés, le député de Ottawa-Centre et moi-même avons l'honneur insigne d'être nés au Proche-Orient. En effet, je suis né en Syrie et mon collègue est né au Liban.

    Depuis 1948, la guerre a frappé cinq fois au Proche-Orient, soit en 1948, 1956, 1967, 1973 et 1982, et elle frappe encore aujourd'hui, en 2002. Comme j'ai en quelque sorte participé à la guerre de 1967 comme soldat syrien, je sais un peu ce qui se passe dans cette partie du monde. Je parle donc d'expérience en tant qu'ancien citoyen syrien.

    La Chambre se rappellera peut-être que, en 1982, l'actuel premier ministre israélien, Sharon, a envahi le Liban. Il se trouve justement que ce même premier ministre a envahi la Cisjordanie. Ce premier ministre poursuit une politique d'expansion. Il se passe aujourd'hui exactement la même chose qu'en 1982.

    En 1982, des membres du système de justice israélien ont accusé Sharon de crimes contre l'humanité. Plus récemment, un tribunal belge l'a aussi accusé de crimes contre l'humanité. Le témoin était prêt à parler et à dire qu'il suivait des ordres lorsqu'il a péri dans l'explosion de sa voiture. On n'a donc pas pu poursuivre Sharon comme criminel de guerre pour ce qui est arrivé en 1982.

    Je ne suis pas surpris par les derniers événements. Je ne crois pas que Sharon représente la mentalité israélienne ou juive. Je suis allé deux fois en Israël ces dernières années. J'admire les Israéliens et leur ferme détermination à réussir. J'ai eu la chance de visiter le tombeau du premier ministre assassiné, Rabin, dont j'ai eu l'honneur de proposer la candidature pour le prix Nobel de la paix. En tuant l'ancien premier ministre, la droite israélienne a aussi tué le processus de paix.

    Les événements récents ne sont que la suite de ce qui s'est produit depuis 50 ans. Il n'y a aucun argument pour justifier ou expliquer l'impossibilité de coexister de ces deux pays, la Palestine et Israël. Ceux qui sont à blâmer, ce sont les dirigeants de certaines organisations palestiniennes et peut-être même Ariel Sharon, mais pas le gouvernement. Ces hommes-là ont une vendetta personnelle à régler, mais c'est la population des deux camps qui en paient le prix; les Israéliens sont victimes des attentats suicides, et les Palestiniens sont victimes des roquettes, des chars et des hélicoptères fournis par les Américains. Chaque arme dans l'arsenal est utilisée contre la population palestinienne.

    Tous les pays du monde condamnent ce qui se produit au Proche-Orient. Il n'y a pas un seul gouvernement qui appuie l'agression menée par Israël en territoire palestinien. Il y a à peine deux semaines, le premier ministre de la Turquie, M. Ecevit, a accusé Israël, son allié numéro un dans la région, de génocide. C'est comme la poêle qui se moque du chaudron. Si le premier ministre de la Turquie qualifie de génocide ce qui se passe en Israël, on est en droit de se demander ce qui se passe vraiment dans la région.

    Malheureusement, Israël et la Turquie nient l'existence d'un génocide mené contre les Arméniens. Le gouvernement de la Turquie est toutefois prêt à qualifier de génocide ce qui s'est produit en Israël sans reconnaître le fait qu'il s'est lui-même livré à un génocide contre les Arméniens en 1915.

    Je voudrais même aller plus loin. Dans les années 90, le regretté premier ministre Rabin et Yasser Arafat ont conclu l'Accord d'Oslo. C'était vraiment une excellente chance d'instaurer la paix au Proche-Orient, Les deux nations, Israël et la Palestine, auraient pu vivre ensemble dans un climat de paix.

    Comme je l'ai déjà dit, je regrette la mort du premier ministre d'Israël.

  +-(2105)  

    Depuis lors, 200 000 colons se sont installés en Cisjordanie. Cela constitue une violation totale et absolue de l'accord d'Oslo. Comment se fait-il que tous condamnent ce qui est arrivé aux Palestiniens, mais que personne ne dise que les 167 ou 200 colonies que l'on y trouve sont illégales? Elles ne devraient pas se trouver là. Je ne peux comprendre pourquoi nous ne les condamnons pas. Peut-être quelqu'un devrait-il nous demander pourquoi nous ne les condamnons pas, car les colons sont aussi un point de litige avec les Palestiniens. Ils les observent et disent que c'est une autre occupation, une autre progression de la frontière israélienne vers la Cisjordanie et la bande de Gaza par rapport à la situation qui existait.

    Ce récent accès de violence a débuté lorsque le premier ministre Ariel Sharon a visité un lieu saint musulman, sachant fort bien que sa présence susciterait des problèmes au sein des populations palestiniennes et musulmanes. Il a lancé l'appât, et les Arabes et les Palestiniens ont mordu à l'hameçon. C'est là que tout a commencé. Il va de soi que les événements du 11 septembre ont contribué à envenimer la situation, et nous savons tous ce qui s'est produit.

    Bon nombre de personnes téléphonant à mon bureau demandent pourquoi nous n'appliquons pas au Proche-Orient, tant du côté arabe que du côté israélien, les règles qui ont cours en Europe. Ils me demandent pourquoi nous avons une procédure en cas de crime de guerre au Kosovo, en Albanie et en Bosnie. La Chambre a adopté une loi concernant les crimes de guerre. Pourquoi ne pouvons-vous pas faire la même chose dans le cas du Proche-Orient, peu importe l'auteur du crime de guerre? Il ne devrait pas importer que ce soit des Palestiniens ou des Arabes.

    Je me suis récemment rendu au Koweit et j'y ai fait quelques observations que je tiens à partager avec vous. Dans la déclaration des droits de l'homme proclamée par l'assemblée générale des Nations Unies le 10 décembre 1948, l'article 3 précise que «chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne.» Chacun sait que cet article est violé à toute heure de chaque jour. Pourquoi ne cherchons-nous pas à faire respecter cet article?

    L'article 9 dit que «Chacun a droit à la protection contre la détention, l'arrestation ou l'exil arbitraires.» Pourtant, c'est ce qui se produit depuis 20 ans. J'ai mentionné plus tôt que 1 500 personnes ont été arrêtées. Pourquoi n'y a-t-il pas eu de jury, de juge ou de personne pour condamner ces gestes, quelqu'un pour saisir la justice de ce problème du côté palestinien et du côté israélien?

    Il y a deux semaines, vers la fin de mars, la Ligue arabe, réunie au Liban, s'est prononcée unanimement en faveur de la position adoptée par le gouvernement saoudien, celle annoncée par le prince héritier, recommandant le retour de territoires en échange de la paix, de la sécurité et de la reconnaissance de l'État d'Israël. Voilà sur quoi devrait reposer tout nouveau processus de paix. L'État d'Israël a le droit d'exister à l'intérieur d'un périmètre sûr. Parallèlement, tout autant que n'importe quelle autre nation, les Palestiniens ont le droit de constituer un État qui leur appartient en propre, de vivre dans un pays qui leur appartient en propre, et de s'auto-administrer. S'il l'on veut que M. Arafat soit tenu responsable, il convient d'en faire le dirigeant d'un véritable pays, et non pas d'un territoire morcelé, avant de l'accuser d'avoir agi de façon irresponsable.

    L'ancien chef de l'opposition officielle a déclaré que M. Arafat était responsable des problèmes actuels, faute d'avoir réussi à contrôler la situation. Nous en avons la preuve. Le député n'a pas réussi à contrôler ses collègues de l'arrière-ban et il a perdu son propre siège. Il a déjà perdu son poste de chef de parti. Ce n'est pas parce qu'on est un dirigeant que l'on peut nécessairement avoir la haute main sur les événements, surtout quand le pays est en guerre.

    Au risque de me répéter, j'ajouterai une dernière chose. Il a déjà été dit que, pour avoir la paix, il faut dialoguer avec l'ennemi. Si les deux dirigeants aujourd'hui en cause ne se parlent pas, il n'y aura pas de paix et la situation s'aggravera. Les choses iront de mal en pis et nous le paierons tous cher. Il n'est pas dans notre intérêt ni dans l'intérêt de n'importe quel autre pays de permettre l'éclatement d'une guerre au Proche-Orient, car, en bout de ligne, nous en paierons tous le prix. Il ne doit pas nécessairement en être ainsi. Je suis fermement convaincu que les deux peuples souhaitent vivre dans la paix. Ils méritent tous deux d'avoir une patrie et de vivre dans la dignité, comme tout être humain. Tâchons de les aider à vivre dans la paix et la dignité.

    Madame la Présidente, je partage mon temps de parole avec mon collègue de Gatineau.

  +-(2110)  

[Français]

+-

    M. Mark Assad (secrétaire parlementaire du ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Lib.): Madame la Présidente, tout d'abord, je voudrais remercier la députée de Mercier d'avoir soulevé ce débat. C'est un débat qui s'imposait, compte tenu de la crise qui existe en ce moment et qui s'aggrave de jour en jour.

    Je voudrais rappeler aussi que notre collègue de Burnaby--Douglas est ici à la Chambre. Je suis content de le voir ici, sain et sauf, et je le félicite pour son grand courage.

[Traduction]

    De nombreux commentaires ont été faits ici ce soir. J'ai notamment écouté la chef du Nouveau Parti démocratique. J'estime qu'elle a fait un excellent exposé et a souligné que nombre d'organisations du monde entier expriment leur inquiétude à l'égard de la crise et que le Canada peut intervenir quelle que soit sa taille. La taille importe peu. Ce qui compte c'est le soutien moral que nous pouvons apporter en vue de la résolution du conflit.

    On a, entre autres, fait mention du Conseil oecuménique des Églises qui a déclaré:

Le 9 mars, les treize patriarches et chefs d'Églises et de communautés chrétiennes de Jérusalem ont publié une déclaration exhortant le gouvernement israélien à mettre fin à tout type de destruction et d'attaques meurtrières causées par les armes lourdes israéliennes. Les chefs religieux estiment que la sécurité israélienne repose sur la liberté et la justice accordées aux Palestiniens...

    Or, ce point de vue a été exprimé par nombre d'entre nous auparavant. Les chefs religieux ont ajouté:

[...] le traitement que l'actuel gouvernement israélien réserve à la situation ne contribue ni à la sécurité ni à une paix juste. Les chefs des Églises locales exhortent également le peuple palestinien à mettre un terme à tout type de réaction violente [...]

    Je crois que quiconque ici présent ce soir ayant le sens de l'équité et de l'humanité comprend que les attentats suicides à la bombe et le massacre de victimes innocentes sont inconcevables et doivent être dénoncés. Toutefois, l'occupation et la soumission totale d'un peuple sont inacceptables.

    Un député a mentionné que certaines personnes vivent dans des camps de réfugiés depuis plus de 50 ans dans des conditions déplorables. Pouvons-nous nous étonner que ces gens veuillent recourir à des moyens désespérés? C'est ce dont nous avons été témoins dans le passé. Par conséquent, il faut régler le problème de l'occupation. Une fois résolu, nous serons sur la voie de la paix.

    J'aimerais citer un extrait d'une autre déclaration du Conseil oecuménique des Églises qui se lit comme suit:

Il est encore plus affligeant de constater l'émergence de nouveaux abus comme la réoccupation de certaines villes palestiniennes, les incursions dans les camps de réfugiés [...]

    Ces gens sont suffisamment démunis sans cela. On peut encore lire:

[...] des témoins israéliens et palestiniens ainsi que des représentants des organisations internationales de défense des droits de l'homme font notamment état de détentions arbitraires massives de civils dans des conditions dégradantes et d'attaques meurtrières contre le personnel médical et de secours

    Il va sans dire que ces conditions ne peuvent pas durer. Comme l'a dit un de mes collègues, «Si vous voulez faire la paix, parlez à votre ennemi.» Or, nous n'avons observé que bien peu d'efforts pour s'asseoir à la table et résoudre les problèmes. Le principal problème tient au fait que l'occupation perdure. Si nous ne pouvons pas résoudre ce problème, comment pouvons-nous espérer parvenir à quelque paix que ce soit? Voilà le premier message que nous devons adresser à cette partie de la région.

    Pour ce qui est de résoudre le problème, il y a de l'espoir. Ce soir, j'ai entendu notre ministre des Affaires étrangères dire que le Canada pourrait être appelé à jouer un rôle de surveillance. D'après l'interprétation que je fais de ce terme, le gouvernement canadien enverrait peut-être une force là-bas pour maintenir la paix entre les belligérants qui semblent déchaînés.

    Une proposition a été avancée l'année dernière quand le président des États-Unis y a envoyé le sénateur Mitchell. À son retour, ce dernier a rédigé un rapport très important assorti de plusieurs recommandations. Premièrement, l'arrêt inconditionnel des actes de violence. Deuxièmement, le rétablissement de la confiance grâce au dialogue et à la discussion. Troisièmement, la reprise des négociations pour en arriver à une paix durable et juste.

  +-(2115)  

    Cela s'impose pour rompre le cycle de la violence. Cela est nécessaire, mais cela ne peut se faire sans l'aide de tiers. C'est là où le Canada pourrait être utile. Nous devrions parler franchement car tous les autres pays dans le monde nous respectent. Ils ont confiance dans notre jugement. Nous pourrions prendre cette initiative.

    Un ancien député qui siège maintenant au Sénat, le sénateur Pierre De Bané, a proposé ce qu'il estimait être une solution: une force de sécurité multinationale. Cette proposition a fait l'objet de discussions parmi beaucoup de nos collègues. La force aurait quelques objectifs à atteindre. D'abord, elle tâcherait de vaincre la méfiance, de séparer les parties hostiles et d'instaurer la paix dans la région. Deuxièmement, elle pourrait faire appel à des pays amis d'Israël comme le Canada, les États-Unis, la France, la Grande-Bretagne et même l'Égypte, le premier État arabe à faire la paix avec Israël.

    La force de sécurité multinationale est une chose que nous pourrions facilement mettre en oeuvre car nous avons une expérience de maintien de la paix en différentes parties du monde. Nous avons joué le rôle de pacificateurs. Nous ne sommes pas des artificiers. Nous sommes des artisans de la paix. Ne l'oublions pas.

    Ce soir, de nombreux députés ont donné leur avis sur la façon de mettre fin au conflit. Tout d'abord, il faudrait avoir le moyen de faire cesser les hostilités. Ce ne sera possible que si les Nations Unies suggèrent à nouveau, en insistant, qu'une force multinationale comme celle que le Canada avait proposée se rende dans la région pour y faire régner le calme et permettre à un dialogue de paix de s'engager.

    Depuis plus de 50 ans les gens habitent des camps de réfugiés et vivent dans l'humiliation et la destitution. Ils prennent les mesures les plus désespérées pour essayer de résoudre leurs problèmes. Une telle situation crée un cycle de violence. Il faudra une force tierce pour briser ce cycle. Nous pouvons jouer ce rôle à l'échelle mondiale. Il importe que le gouvernement canadien, à la demande du ministre, se rende sur place pour observer la situation. Voilà une des étapes.

    Une autre proposition dont on a fait état est celle du prince Abdullah de l'Arabie saoudite. Elle n'est pas nouvelle, mais je suis convaincu que si on adoptait le processus de paix proposé par le prince Abdullah, les Palestiniens seraient satisfaits. Si cette solution est envisagée par les États-Unis et la communauté européenne, elle pourrait servir de base à une nouvelle initiative de paix ou à une nouvelle entente.

  +-(2120)  

[Français]

    On pourrait dire encore beaucoup de choses, mais malheureusement, le temps dont je dispose est presque expiré. Je termine donc en disant que j'ai été très heureux d'entendre le ministre des Affaires étrangères mentionner qu'il y avait une possibilité que le Canada puisse jouer un rôle de surveillance au Moyen-Orient pour s'assurer qu'on puisse apporter la paix pendant que se déroulent les discussions.

[Traduction]

    Cette question soulève de vives émotions. J'ai écouté le premier représentant de l'Alliance, le député de Cumberland--Colchester. Il a fait une déclaration absolument incroyable que je dois répéter ici. Il a affirmé qu'il était inacceptable de résister à l'occupation. Une telle chose est-elle logique? Que penser alors de la résistance française et de toute la résistance de la Seconde Guerre mondiale? Prenons l'exemple de Nelson Mandela, que nous avons nommé citoyen honoraire de notre pays.

+-

    M. Sarkis Assadourian: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement. Je demande le consentement unanime de la Chambre pour présenter une motion appuyant la position du gouvernement relativement à la demande faite par les Nations Unies à Israël de se retirer, à savoir la résolution 1402.

+-

    Le président suppléant (Mme Bakopanos): Nous allons y aller une étape à la fois. D'abord, le député demande de nouveau la parole. Selon le Règlement, il doit avoir le consentement unanime pour prendre de nouveau la parole. Y a-t-il consentement unanime?

    Des voix: D'accord.

    Des voix: Non.

+-

    M. Keith Martin (Esquimalt--Juan de Fuca, Alliance canadienne): Madame la Présidente, dans le roman de Joseph Conrad intitulé Au coeur des ténèbres, le principal protagoniste, Kurtz, était mourant au moment où il descendait le fleuve Congo. Ses derniers mots ont été «l'horreur, l'horreur». Les députés savent sans doute que nombre d'habitants du Proche-Orient, Israéliens comme Palestiniens, ont les mêmes mots à la bouche.

    Nous avons tous été horrifiés par les images diffusées à la télévision du carnage perpétré en Israël et dans les territoires occupés. Nous compatissons au sort des Israéliens, musulmans et juifs. Toutefois, il semble bien ne pas y avoir de fin à cette guerre interminable.

    Dans cette guerre sans grandes certitudes, il y en a pourtant quelques-unes. D'abord, il est certain que le fait de démolir des maisons de Palestiniens, de tuer des civils innocents, de détruire l'infrastructure publique, d'enlever tout espoir aux Palestiniens et de détruire leur économie et leur avenir ne fera que prolonger indéfiniment le conflit.

    Ensuite, les kamikazes ne réussiront jamais à chasser les Israéliens. Ceux-ci sont là pour rester. Tuer des Israéliens innocents ne fera que durcir la position d'Israël. Israël ne pourra être battu.

    L'occupation illégale des territoires palestiniens et l'expansion des colonies illégales établies dans les territoires ne feront que renforcer la détermination des Palestiniens à agir par tous les moyens qui s'offrent à eux. Elles ne feront que perpétuer le conflit et la mort dans la région.

    Le Hamas et le Jihad islamique sont les ennemis de la paix, tout comme le sont les extrémistes israéliens et juifs responsables de l'assassinat de leur ancien premier ministre.

    Que peut-on faire dans une telle situation? Comment trancher le noeud gordien? Premièrement, il faut reconnaître un État palestinien. Ses frontières devraient être celles qui existaient avant 1967. Elles doivent être entourées d'une zone démilitarisée contrôlée par une force multilatérale de maintien de la paix.

    Deuxièmement, le Jihad islamique et le Hamas doivent être extirpés de la région et détruits à jamais. Si l'Autorité palestinienne et M. Arafat sont prêts à fermer les yeux et ne veulent pas assumer la responsabilité de l'élimination des organisations terroristes, peut-être une troisième force serait-elle préférable. Une force internationale de rétablissement de la paix pourrait alors se rendre sur les lieux pour rechercher ces individus et les désarmer. Ce ne serait pas une tâche facile, mais il vaut mieux la confier à une force internationale qu'aux Israéliens.

    Troisièmement, les colonies illégales établies en Cisjordanie et dans la bande de Gaza doivent être démantelées. Les députés seraient horrifiés d'apprendre que ces colonies ont été construites au cours des deux dernières décennies pour recevoir les immigrés juifs de Russie, d'Europe de l'Est et des États-Unis. Ces gens n'ont rien à faire dans la région. Ils n'y sont pas nés. Ils n'y ont pas de famille. Ils n'ont pas d'autre lien que la religion. Ils doivent trouver d'autres endroits pour vivre. Il est injuste qu'ils imposent à des Palestiniens de quitter leur foyer.

    Quatrièmement, les deux parties doivent garantir la sécurité d'Israël et de la Palestine aussi bien dans leur discours que dans leurs actes. Il n'est pas acceptable que M. Arafat et l'Autorité palestinienne disent aux Israéliens qu'ils veulent la paix tout en fermant les yeux sur les agissements du Hamas et du Jihad islamique, qui prennent les armes sur leur propre territoire pour tuer d'innocent civils israéliens. Il n'est pas non plus acceptable que le gouvernement israélien dise qu'il veut la paix tout en permettant non seulement la présence, mais l'expansion des colonies établies en territoire palestinien, en violation des résolutions des Nations Unies et des principes élémentaires de la décence.

  +-(2125)  

    Nous avons tendance à oublier que si Jérusalem est importante pour les musulmans et les juifs, elle l'est tout autant pour les chrétiens. Comme Jérusalem a été déclarée ville internationale en 1948, il devrait en être de même à l'avenir. Le problème ne pourra pas se résoudre autrement. Aucune des deux parties n'acceptera une proposition permettant à l'autre de contrôler les lieux saints. La ville appartient au monde.

    Les juifs ont été victimes de l'antisémitisme dans bien des régions du monde et ont connu l'horreur de l'Holocauste. Ils ont enduré tant de souffrances, de racisme et de discrimination qu'il est difficile de les imaginer en train d'infliger des souffrances à d'autres. Il est difficile de les imaginer détruisant l'espoir, l'avenir et l'économie d'un autre peuple. Je trouve ce qui arrive impossible à comprendre.

    Il est également impossible de comprendre que les musulmans dont la foi est si belle ferment les yeux sur le meurtre d'innocents civils juifs. Cette situation est une violation de l'Islam. Je ne comprends pas comment on permet qu'elle dure.

    Je lance deux défis. Je mets la communauté musulmane au défi de dénoncer l'antisémitisme. Je demande aux musulmans de défendre la paix. Je leur demande de dénoncer les terroristes qui sont prêts à faire sauter des Israéliens innocents.

    Je mets les juifs au défi de dénoncer le racisme à l'égard des musulmans. Je leur demande de dénoncer les crises dont sont victimes les Kurdes. Je leur demande de dénoncer le fait que les musulmans soient l'objet de racisme et de discrimination. Je mets au défi ces deux groupes de faire cela.

    Les sortir de ce guêpier va nécessiter un effort international. Pour ce faire, il est nécessaire de former une coalition entre les États-Unis, la communauté arabe, l'Union européenne et les Nations Unies parlant à l'unisson. Une telle coalition doit être prête à traiter des questions épineuses qui se posent dans cette région du monde et à proposer des solutions communes en vue de l'amélioration de la situation des civils des deux côtés. Faute de quoi le conflit insoluble qui se traduit par la mort de centaine de civils innocents ne fera qu'empirer. En outre, les problèmes ne seront pas limités au Proche-Orient et gagneront les autres régions du monde.

    Nous avons déjà vu des affrontements en Europe entre musulmans et juifs. Je crains que la conflagration ne s'étende et que, malheureusement, la haine étant attisée, des conflits n'opposent juifs et musulmans dans bien d'autres régions du monde.

    Je n'oublierai jamais cet obstétricien musulman qui, chaque jour, se rendait dans un hôpital en Israël où il accouchait des Israéliennes. Quand on lui a demandé pourquoi il faisait cela il a répondu: «Il est difficile de haïr la personne qui est là pour vous accoucher.» C'était pour cet homme un effort remarquable que de tendre la main en signe de paix, de faire un pas supplémentaire et de ne pas être prisonnier de l'histoire.

    Je demande aux juifs, aux musulmans, aux Israéliens et aux Palestiniens, d'oeuvrer ensemble à l'obtention de ce but commun. Faute de quoi, ils s'enfonceront dans un enfer sanglant dont je préfère ne pas prévenir l'avenir.

    En guise de conclusion, j'aimerais attirer l'attention des députés sur un dicton qui est courant au Proche-Orient: la paix, c'est quand un fils enterre son père; la guerre, c'est quand un père enterre son fils. Personne ne veut plus la guerre. Personne ne veut que les pères enterrent leurs fils et leurs filles. C'est la paix que nous voulons.

  +-(2130)  

    Personne ne veut d'autres guerres. Personne ne veut que d'autres pères enterrent leurs fils et leurs filles. C'est la paix que nous voulons.

+-

    M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis heureux de me faire le porte-parole des électeurs de Surrey-Centre dans le débat sur la grave situation qui règne au Proche-Orient.

    Les députés de Coquihalla—Okanagan, Edmonton—Strathcona et Esquimalt—Juan de Fuca se sont tous dit vivement préoccupés par cette question. Je ne vais pas répéter leurs propos, mais j'appuie fortement ceux qu'ils ont déjà tenus.

    Avant d'entrer dans le vif du sujet, qu'il me soit permis d'utiliser les termes les plus virulents, dans le contexte le plus difficile, pour dénoncer les actes de violence commis par des kamikazes et d'autres sympathisants de la Palestine. Comme tous les Canadiens, je dénonce vigoureusement toute forme de terrorisme. Je dénonce également en des termes aussi virulents les actes de violence perpétrés par les forces armées de l'État d'Israël.

    La violence n'a aucune place dans une société civilisée. On ne peut mettre fin à la violence en recourant à une autre forme de violence. La société humanitaire du village global ne devrait pas tolérer qu'on blesse, qu'on mutile ou qu'on assassine des civils innocents, des enfants et des femmes. Il faut respecter à tout prix les droits des gens innocents.

    Je compte parmi les quelques députés de la Chambre qui ont eu l'occasion de visiter la zone actuelle de conflit. J'ai visité Israël, Jérusalem, Jérusalem-Est et Bethléem. En Palestine, je me suis rendu à Ramallah, en Cisjordanie, à Erez, à Rahama et à Gaza. J'ai également gagné la Jordanie en voiture.

    J'ai visité des camps de réfugiés en Palestine et en Jordanie, et je me suis entretenu avec des représentants de l'autorité, des bénévoles, résidents et des réfugiés. J'ai parlé à des réfugiés qui vivent temporairement dans des camps depuis environ un quart de siècle, dans des conditions déplorables. Leurs enfants ne peuvent pas aller à l'école, les malades ne peuvent pas recevoir des soins et les gens affamés ne peuvent même pas se procurer de la nourriture, des vêtements et un abri.

    J'ai été déçu de voir la clôture des cris érigée entre Gaza et l'Égypte, où quelque 900 familles demeurent séparées depuis environ un demi-siècle. La communauté internationale a négligé de réunir ces familles séparées. Le père et le fils se trouvent d'un côté de la clôture, et la mère et la fille, de l'autre côté. On l'appelle la clôture des cris parce deux clôtures sont séparées par une route de 60 ou 70 pieds de largeur, et les gens doivent crier pour communiquer entre eux, puisqu'il n'y a aucun autre moyen de communication. La communauté internationale regarde 900 familles qui sont séparées depuis un demi-siècle.

    Le taux de chômage dans le territoire contrôlé de la Palestine a été d'environ 85 p. 100. Les routes et autres infrastructures sont inexistantes ou dans un état pitoyable. Après ma visite, j'ai prédit qu'il y aurait des conséquences terribles à cause de la négligence, de l'absence de diplomatie préventive, de l'absence de volonté de prévenir activement ou de régler le conflit, à cause de la double échelle de valeurs appliquée par la communauté internationale dans la région.

    Il se fait tard, mais nous pouvons et devons mettre un terme au conflit. Nous pouvons le résoudre au lieu de laisser la polarisation s'accentuer encore plus dans la région. La religion devient un élément sérieux et de première importance dans le conflit. Elle joue déjà, et le terrorisme devient sporadique et systémique--une menace comme on n'en a jamais vu de pareille--dans cette société civilisée.

    Dans le conflit récent, les attentats suicides ont été dévastateurs, tuant et blessant des innocents. Ils ont infligé des souffrances à des familles innocentes dans des autobus, des cafés, des restaurants, des centres commerciaux et d'autres lieux publics.

  +-(2135)  

    Les attaques et les incursions israéliennes ont tué et blessé des innocents. Des attaques ont été dirigées contre des hôpitaux. Des innocents n'ont pu recevoir des soins médicaux essentiels. Des ambulances ont été endommagées. Des maisons et d'autres bâtiments ont été détruits. C'est injuste.

    Les Canadiens sont attachés à la paix et ils ont été des pacificateurs et des gardiens de la paix dans le monde, mais cette influence s'estompe. Qu'a fait le Canada? Quels sont ses intérêts? Par l'entremise de l'ACDI, le Canada accorde chaque année une aide de 10 millions de dollars à l'Autorité palestinienne, en majeure partie par l'entremise d'organismes de secours de l'ONU et de la Banque mondiale et sous forme d'aide humanitaire. On pourrait utiliser cette aide pour tenter d'obtenir l'arrêt des violences.

    Considérons cependant les chiffres non officiels que le ministère des Affaires étrangères se garde de publier. En 1994-1995, le Canada a débloqué 55 millions de dollars d'aide pour les Palestiniens de la région. En 1998, le Canada avait déjà dépensé 136 millions de dollars, ce qui est au fond une aide mal orientée. C'est plus du triple du montant que le Canada a engagé. J'ai vu les détails de ces dépenses de 136 millions de dollars. J'ai été étonné de constater que le gros de cet argent avait servi à des activités culturelles, à l'organisation de colloques et d'autres choses du genre--25 000 $ pour un colloque, 20 000 $ pour un autre.

    Le commerce n'est pas un élément important, bien que le Canada ait conclu un accord de libre-échange avec l'État d'Israël en 1996 et un accord similaire avec l'Autorité palestinienne en 1999. La valeur de nos échanges avec Israël totalise environ 1 milliard de dollars, et près de 1,5 million de dollars avec l'Autorité palestinienne.

    Le Canada a dépêché 228 soldats dans la région, dont 190 font partie des forces onusiennes stationnées sur le plateau du Golan, 30 sont rattachés à une force multinationale affectée dans le Sinaï, et huit font partie de la mission onusienne de surveillance de la trêve postée à Jérusalem. Leur sort et leur sécurité ne sont pas garantis. Les forces canadiennes sont trop peu nombreuses et sont dans l'incapacité de jouer un rôle majeur dans la mission de maintien de la paix menée au Proche-Orient. Le Canada n'est pas en mesure d'exercer une influence politique quelconque. Ce n'est pas une possibilité réaliste dans cette région.

    Les Nations Unies font également preuve de faiblesse dans cette crise. L'organisation n'est pas bien placée pour faire face à la violence terroriste qui a compromis les négociations de paix. Les Nations Unies ne peuvent qu'adopter des résolutions comme la résolution 1402. Seuls les États-Unis d'Amérique ont la prestance et le poids politiques voulus. Les États-Unis donnent à l'État d'Israël environ 3 milliards de dollars par an. Ils peuvent obliger les deux parties au conflit à se présenter à la table des négociations.

    Le Canada appuie fermement l'accord de paix signé entre Israël et l'OLP le 13 septembre 1993. Cet accord devrait être considéré comme un accord intégral aux termes des résolutions nos 242 et 338 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Il semble toutefois que ces résolutions n'aient jamais été appliquées, peut-être parce qu'elles représentaient deux poids deux mesures.

    Non seulement l'exigence portant sur le retrait d'Israël des territoires occupés en 1967 n'a pas été respectée, mais Israël a également annexé la partie est de Jérusalem arrachée à la Jordanie en 1967 et le plateau du Golan, saisi de la Syrie en 1967. Ces annexions et l'établissement de civils israéliens dans ces territoires ne sont pas reconnus par la communauté internationale et ne devraient pas l'être non plus. La communauté internationale doit se montrer juste.

    Le Canada ne reconnaît pas le contrôle israélien permanent sur les territoires occupés en 1967 et s'oppose à toute mesure unilatérale visant à prédéterminer l'issue des négociations. Le Canada considère de telles mesures comme étant contraires au droit international et nuisant au processus de paix. Le Canada reconnaît que les droits légitimes des Palestiniens doivent être respectés, y compris le droit à l'autonomie gouvernementale dans le cadre du processus de paix.

    Que peut faire le Canada? Malheureusement, le Canada n'exerce pas beaucoup d'influence, si ce n'est au niveau de l'appui qu'il accorde à la mission de paix dirigée par les États-Unis. Nous pouvons mettre un terme au financement de groupes comme l'Hezbollah.

    Et que peut faire la communauté internationale? Je compare parfois la situation au fonctionnement d'un autocuiseur domestique. La chaleur qui se trouve sous l'autocuiseur permet de produire de la vapeur. Si on ne veut pas de vapeur, cette dernière peut être contenue à l'intérieur par le poids de l'autocuiseur. Il y a toujours une valve d'évacuation. Que devons-nous faire pour empêcher que de la vapeur soit produite? La communauté internationale doit faire disparaître la chaleur qui se trouve sous l'autocuiseur pour qu'il n'y ait plus de pression et qu'on ne produise plus de vapeur. Voilà ce que la communauté internationale doit faire pour reconnaître et identifier les causes du terrorisme et de la violence dans cette région. C'est ce que nous devons faire.

  +-(2140)  

[Français]

+-

    Mme Raymonde Folco (secrétaire parlementaire de la ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai le temps qui m'est imparti avec le député de Brossard--La Prairie.

[Traduction]

    Laissez-moi exposer clairement la situation difficile qui règne au Proche-Orient. La guerre que se livrent aujourd'hui les Israéliens et les Palestiniens n'a pas pour objet l'occupation des territoires, aussi épineuse qu'elle puisse l'être en réalité. Elle concerne la légitimité de l'existence d'Israël.

    En 1948, Israël a été la cible de cinq armées arabes au cours d'une attaque non provoquée, en violation du vote majoritaire des deux tiers tenu aux Nations Unies en faveur de la création de l'État d'Israël. C'est au cours de cette guerre défensive qu'Israël a pris possession du territoire délimité par ce qu'on appelle la ligne verte. Malgré cette résolution d'il y a plus d'un demi-siècle, Israël n'est toujours pas reconnu aujourd'hui par les pays arabes, à l'exception de la Jordanie et de l'Égypte.

    L'OLP a été fondée en 1964. C'était trois ans avant la guerre de 1967, au cours de laquelle, dans une action défensive, Israël est entré en possession de ce qu'on appelle aujourd'hui les territoires. Le Hamas, le Jihad islamique et l'Hezbollah ont établi on ne peut plus clairement que leur hostilité acharnée envers Israël n'est aucunement liée à un accord de paix, mais plutôt à l'existence même d'Israël. De plus, ils ont tout aussi clairement indiqué qu'ils considèrent le terrorisme, spécifiquement et explicitement ciblé sur les civils, comme leur arme de choix.

    Le secrétaire américain à la Défense Donald Rumsfeld a déclaré:

Les meurtriers ne sont pas des martyrs. Cibler des civils est immoral et n'a pas d'excuse. Les terroristes ont déclaré la guerre contre la civilisation et des États comme l'Iran, l'Iraq et la Syrie inspirent et financent une culture favorisant les meurtres politiques et les attaques suicides à la bombe.

    Au plus fort des pourparlers de paix à Oslo, avec la collaboration en matière de sécurité qui semblait solidement en place et un des principaux architectes de l'accord, Shimon Peres, qui se portait candidat au poste de premier ministre, les attaques terroristes se sont intensifiées.

    Israël a amplement prouvé qu'il était attaché au principe de l'échange de territoire contre la paix et qu'il consentait à renoncer au territoire qu'il occupait. Il l'a fait avec l'Égypte dans le cas d'un territoire, le Sinaï, saisi au cours d'une autre guerre défensive et, plus tard, avec la Jordanie. Il a montré qu'il consentait d'une façon marquante et sans précédent à céder du territoire aux négociations de Camp David 2. On a répondu à son offre, non pas avec une contre-offre, mais plutôt avec l'Intifada et un terrorisme accru.

    Il apparaît clairement que ce conflit date d'avant l'occupation qui a suivi la guerre de 1967 et que le noeud du problème n'est pas l'occupation des territoires, mais bien l'existence de l'État d'Israël avant tout.

    Bien qu'il existe une longue liste de faits et arguments convaincants à l'appui de ce point de vue, il est important de comprendre le contexte. Des juristes ont depuis longtemps confirmé ce qu'écrivait George P. Fletcher dans le New York Times:

[...] il n'est pas illégal pour une puissance victorieuse d'occuper le territoire d'un ennemi saisi pendant un conflit, jusqu'à ce qu'il devienne possible de négocier un traité de paix avec cet ancien ennemi.

    C'est ce qu'a fait Israël. Ce pays s'est constamment montré disposé à engager des négociations de paix, mais peu importe la tournure qu'ait prise ces négociations, la terreur s'est poursuivie.

    Je rappelle ici une récente entrevue effectuée à l'émission HARDtalk le 1er avril, sur les ondes de la BBC, avec le représentant identifié du Hamas au Liban, Osama Hamdan. Tim Sebastian dirigeait l'entrevue.

Tim Sebastian: Vous ne dites donc pas si vous les écouterez (les dirigeants des États arabes) s'ils vous disent de mettre fin à l'intifada, et vous (le Hamas) n'écoutez assurément pas Yasser Arafat lorsqu'il dit de mettre fin aux attentats suicides.

Osama Hamdan: Yasser Arafat n'a rien dit de tel.

Tim Sebastian: Il n'a pas dit de mettre fin aux attentats à la bombe?

Osama Hamdan: Non, il n'a pas dit cela.

Tim Sebastian: Il affirme pourtant l'avoir dit.

Osama Hamdan: Il l'a dit le lendemain de l'opération.

Tim Sebastian: Il ne tient donc pas le même discours au reste du monde qu'à vous.

Osama Hamdan: Oui. Peut-être.

Tim Sebastian: Voilà un aveu très important...C'est tout un aveu.

  +-(2145)  

    Je rappelle qu'Osama Hamdan est le représentant du Hamas au Liban.

    Il ne s'agit pas là d'une nouvelle. Je rappelle simplement un fait connu depuis longtemps. En fait, les dirigeants palestiniens actuels ont clairement indiqué que le terrorisme se poursuivrait, peu importe la position qu'adopterait Israël, peu importe l'évolution du conflit ou les concessions qu'Israël pourra faire dans le cadre de négociations de paix. Aucun pays civilisé pris dans la situation dont je viens de parler ne pourrait accepter de subir passivement une atteinte aussi claire, préméditée et stratégique à sa survie en tant qu'État.

    Un second aspect de ce conflit nous touche de plus près. Ni plus ni moins que n'importe quelle autre démocratie, Israël ne prétend à la perfection. De plus, il est légitime d'engager un débat constructif concernant les politiques de ce pays ou celles de n'importe quel autre pays.

    Ce qui n'est pas acceptable, c'est de permettre qu'un tel débat dérive carrément vers l'antisémitisme. Je fais ici référence à la résolution empoisonnée des Nations Unies selon laquelle le sionisme équivaut au racisme, et a des actes d'antisémitisme de nature plus locale, comme la profanation du cimetière de Carpentras en France, ou l'attaque à la bombe incendiaire perpétrée la semaine dernière contre une synagogue à Saskatoon, au Canada.

    En France, au cours des derniers mois, la poussée de fièvre antisémite se manifeste notamment par des attaques et la profanation de synagogues, des manifestations dans les rues où l'on a vu des gens chanter «vive ben Laden» et «mort aux juifs» et les insultes choquantes à l'endroit de l'État d'Israël qu'a lancées en privé l'ambassadeur français Daniel Bernard. Les échos de l'expérience des juifs français sous l'infâme régime de Vichy sont discordants.

    La communauté juive du Canada a la réputation éprouvée de se porter à la défense de tout groupe soumis à de telles attaques. Permettez-moi de citer quelques exemples.

    Le 17 septembre 2001, M. Keith Landy, président national du Congrès juif canadien, a écrit à M. Singh, président de l'Association canadienne des Indo-Canadiens, ce qui suit:

[...] je condamne sans équivoque l'attaque haineuse qui a détruit le temple hindou de Hamilton [...]. Nous partageons la douleur et l'angoisse que vous éprouvez à la perte de votre foyer spirituel et de votre lieu de rassemblement communautaire ainsi que l'indignation de voir des gens au coeur rempli d'un tel venin et d'une telle colère afficher une conduite aussi méprisante.

    Puis M. Moshe Ronen, président national du Congrès juif canadien, qui a dit le 10 octobre 2000:

Nous condamnons vigoureusement la dégradation d'un centre palestinien à Toronto ainsi que de synagogues juives et d'autres institutions à Toronto et à Ottawa, dont les auteurs n'ont pas été retrouvés. De tels actes de vandalisme ne sauraient être commis nulle part au Canada.

    De plus, dans une lettre en date du 27 novembre 2000 qu'il a adressée à M. Sikandar Khan, président de la B.C. Muslim Association, le président du Congrès juif canadien, région du Pacifique, a écrit ceci:

Veuillez accepter l'appui du Congrès juif canadien, région du Pacifique, au nom de la communauté musulmane de la Colombie-Britannique, à la suite de l'incendie qui a endommagé la mosquée Masjid à Surrey, vendredi [...] nous condamnons sans équivoque cet acte grotesque qui porte atteinte à l'ensemble des Canadiens.

    Enfin, dans une lettre en date du 27 février 2002 qu'il a adressée à Pandit Ganesh Persaud, M. Ed Morgan, le président du Congrès juif canadien, région de l'Ontario, a écrit ceci:

Nous avons été profondément bouleversés par l'attentat perpétré contre votre temple le 8 février dernier. La profanation d'un temple sacré est un acte ignoble de haine et de lâcheté.

    En somme, notre démocratie canadienne est un principe sacré. Elle s'inscrit dans un ensemble de valeurs fondées sur le règlement de conflits de manière non violente. C'est pour cette raison que nous nous défendons mutuellement contre la violence, indépendamment de nos différences politiques, religieuses ou culturelles.

    Peut-il y avoir le moindre fondement à un désaccord sur cette question à la suite des attentats de septembre dernier? Voilà pourquoi, comme je viens de l'expliquer, après la tragédie du 11 septembre, des rabbins, des dirigeants et des membres de la communauté juive ont pris la parole au nom de musulmans, d'hindous et de Palestiniens dont les établissements ont été la cible de vandalisme. Les attentats récents perpétrés contre des synagogues au Canada sont profondément troublants et ne sauraient être tolérés. Toutes les parties doivent les condamner, quel que soit leur point de vue sur les conflits au Proche-Orient ou ailleurs.

  +-(2150)  

    J'exhorte tous les parlementaires du Canada à avoir le courage de comprendre et de cerner les racines historiques du conflit au Proche-Orient. Ne laissons pas la haine qui dénature l'histoire avoir prise dans notre pays.

[Français]

+-

    M. Jacques Saada (Brossard--La Prairie, Lib.): Monsieur le Président, la complexité de l'histoire, des émotions et de la dynamique qui dessinent le Proche-Orient exige de tous ceux qui s'aventurent sur ce terrain politique miné la plus grande humilité. Cette humilité est rendue d'autant plus nécessaire que dans ces temps d'une extrême violence, la modération ne semble plus être une vertu.

    Je suis d'origine juive, natif d'un pays arabe, la Tunisie. J'ai vécu une petite partie de ma vie en Israël. J'ai grandi dans le sionisme. Enfant, je me souviens de mes parents rivés à un poste de radio, écoutant les nouvelles de la guerre de Suez en 1956. Adolescent ou jeune adulte, membre d'une organisation sioniste, l'hachomer hatzair, la jeune garde, je me suis porté volontaire au moment de la guerre des six jours en 1967, et j'ai vécu en Kibboutz près de Haïfa.

    Tout jeune, j'ai appris que dans les camps de concentration, au milieu des pogroms et devant les bûchers de l'inquisition, ou encore dans le confort d'une demeure occidentale au moment de Pessah, la Pâque juive, les Juifs répétaient cette incantation, ce symbole de notre judaïté Bechanah habah birouchalaim, l'an prochain à Jérusalem; l'espoir de retrouver la terre de nos ancêtres, l'espoir, mais aussi la détermination.

    Israël a donc toujours fait partie de ma culture, de mes convictions profondes, de mes idéaux, de ce que je suis. Mais en même temps que j'apprenais à lutter contre l'antisémitisme, j'apprenais à lutter contre tous les racismes, contre les injustices.

    N'est-il pas tragiquement remarquable que le peuple palestinien et le peuple juif aient en commun d'avoir subi littéralement des siècles d'injustice? Deux peuples envers lesquels l'histoire a une lourde dette; deux peuples qui ont soif de leur terre, de leur indépendance et de leur sécurité; deux peuples qui, pour se saluer, emploient les mêmes mots: Chalom, Salam; deux peuples qui, chacun à leur façon, ont été les boucs émissaires de visées politiques ou hégémoniques dont ils ont fait les frais.

    Le 29 novembre 1947, après le constat de la plus grande tragédie humaine de tous les temps, l'Holocauste, l'Organisation des Nations Unies décidait de la partition de la Palestine en deux pays, l'un juif—d'ailleurs déjà peuplé en majorité de juifs, contrairement au mythe répandu—l'autre arabe.

    Il est tristement ironique qu'en 2002, soit 55 ans plus tard, l'ONU adopte une autre résolution, la résolution 1397, qui consacre l'idéal de deux États, Israël et la Palestine, vivant côte à côte et respectant des frontières sûres et reconnues. C'est un constat d'échec puisque, à un demi-siècle d'intervalle, l'ONU doit adopter de nouveau en substance la même résolution.

    Mais comment cette résolution pourra-t-elle s'appliquer tant que le terrorisme régnera en maître? Quelle pression amènera le président Arafat à dénoncer le terrorisme?

    Quant à moi, il n'existe pas de bon et de mauvais terrorisme. Il n'y a qu'un terrorisme, celui qui tue aveuglément. Depuis quand le terrorisme est-il un instrument de pacification? Comment ne pas combattre le terrorisme au Proche-Orient, quand on combat le terrorisme en Afghanistan?

    Depuis quelques années, l'échec des négociations de paix de Camp David et les attentats perpétrés dans le but de faire dérailler le processus de paix ont fait revivre la peur de disparaître, le spectre de l'antisémitisme.

    Quelle pression pourra s'exercer pour redonner espoir et confiance à la foule d'Israéliens qui, à Tel Aviv, participaient au rallye pour la paix du mouvement Chalom Akhchav, la paix maintenant, le 4 novembre 1995, ce jour fatidique où Yitzhak Rabin était assassiné? Ce n'est certainement pas en diabolisant Israël que l'on y parviendra.

    Je souscris à la demande faite à Ariel Sharon de retirer ses troupes des villes palestiniennes de Cisjordanie.

    Mais tout cela aura été vain, si ce n'est que pour mieux redonner le champ libre au terrorisme. C'est pourquoi je souscris aussi et simultanément à la demande faite au président Arafat de mettre immédiatement un terme aux actes terroristes perpétrés au nom de la cause qu'il incarne.

    L'état de délabrement social avancé et l'injustice dont souffre le peuple palestinien et que je reconnais, et pour lesquels la région entière doit assumer une part de responsabilité, ne se résoudront pas par l'action des kamikazes. Il n'y aura pas de solution militaire ou violente à ce conflit. C'est un conflit avant tout politique, qui ne trouvera de solution que politique.

  +-(2155)  

    Je nous invite et j'invite M. Arafat à relire sa propre lettre, celle qu'il écrivait à M. Yitzhak Rabin le 9 septembre 1993. Il mentionnait, et je cite:

  +-(2200)  

[Traduction]

L'OLP s'engage dans le processus de paix au Moyen-Orient et à l'égard d'une résolution pacifique du conflit entre les deux parties et il déclare que toutes les questions en souffrance touchant au statut permanent seront réglées grâce à la négociation.

[Français]

    J'invite aussi les autres pays de la région à souscrire à ces principes, surtout ceux qui financent et appuient ouvertement les actions terroristes.

    J'invite en outre les deux dirigeants, soit le dirigeant palestinien et le dirigeant israélien, à s'inspirer de l'article III 1 du Traité de paix entre Israël et l'Égypte, qui se lit comme suit:

[Traduction]

Les Parties [...] reconnaissent et vont respecter leur souveraineté, leur intégrité territoriale et leur indépendance politique respectives; b) reconnaissent et vont respecter leur droit mutuel de vivre en paix à l'intérieur de frontières sûres et reconnues; c) vont s'abstenir d'user de la force ou de menacer d'user de la force, directement ou indirectement, contre l'autre partie et vont régler tous les différends qui les opposent par des moyens pacifiques.

[Français]

    Je termine en citant Yitzhak Rabin qui, quelques minutes à peine avant d'être assassiné, déclarait:

Sans partenaires pour la paix, il ne peut y avoir de paix. Nous exigerons qu'ils fassent leur part pour la paix, autant que nous ferons notre part pour la paix, de façon à résoudre le volet le plus compliqué, le plus long et le plus chargé d'émotions du conflit israélo-arabe: le conflit palestinien.

    Avant même d'envisager quelque solution technique, j'invite les parties à s'inspirer du message d'Yitzhak Rabin et d'ouvrir leur porte aux initiatives américaines. Ne pas le faire serait condamner nos enfants et les générations qui leur succéderont à encore souffrir dans l'impuissance d'une guerre qui n'en finirait pas.

+-

    M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Monsieur le Président, c'est avec une grande satisfaction que j'ai appris votre décision d'accepter la demande de débat d'urgence que nous tenons ce soir sur la crise au Moyen-Orient. Cette demande avait été présentée hier par ma collègue de Mercier, qui est notre critique en matière d'affaires étrangères. J'aimerais, dans un premier temps, la féliciter d'avoir pris cette initiative parlementaire et la féliciter aussi pour le discours qu'elle a prononcé ce soir. C'était un discours qui recherchait l'équilibre et la paix.

    J'aimerais indiquer que je partagerai mon temps avec le député de Charlesbourg--Jacques-Cartier qui parlera tout de suite après moi. Lui aussi estime avoir des choses importantes à dire.

    En second lieu, j'aimerais indiquer que, si je parle ce soir, ce n'est pas autant au nom d'un vécu, d'une expérience ou du fait que je connaisse des personnes des deux peuples en question, mais plutôt à titre de membre du Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

    Pour moi, les droits sont extrêmement importants. Par ailleurs, je constate que ces temps-ci et même depuis longtemps, les droits humains dans ce conflit ont malheureusement été bafoués de part et d'autre dans la région du Moyen-Orient.

    On me permettra de m'intéresser plus particulièrement aux droits et aux problèmes des personnes déplacées. Même si je n'ai pas fait des études avancées en histoire comme ma collègue de Mercier, je pense qu'à ce moment-ci et à cette heure-ci, après plusieurs interventions, il est bon de rappeler certains faits historiques.

    Disons d'abord que la terre occupée aujourd'hui par les Palestiniens et les Israéliens a fait l'objet de nombreux conflits qui remontent au moins à deux mille ans avant Jésus-Christ. Ce n'est donc pas d'hier. C'est une longue histoire. D'autres régions dans le monde ont aussi été marquées par un conflit. Ce n'est pas la seule. Cependant, disons que cette région a une tradition conflictuelle particulière.

    Le territoire en question, et particulièrement la ville de Jérusalem, est un territoire où se sont établies trois grandes religions: le catholicisme, bien sûr, le judaïsme et l'islam. Cependant, l'idée de créer un État juif remonterait à 1896 et vient d'un auteur du nom de Theodor Herzl qui a écrit à cet égard. On en discutait à ce moment-là et il a écrit à ce sujet.

    Le territoire palestinien appartenait à l'Empire ottoman à cette époque. Toutefois, après le démantèlement de l'Empire ottoman, c'est la Grande-Bretagne qui a occupé et géré ce territoire. Ce n'était pas seulement le territoire en question, mais un territoire plus large. Après la Seconde Guerre mondiale et l'Holocauste dont les Juifs commémorent l'existence aujourd'hui—personne ne peut nier l'existence de ce génocide que je déplore moi aussi, parce que c'est un phénomène historique que personne ne veut souhaiter à aucun peuple—, l'ONU est donc saisie, en février 1947, de la question israélo-palestinienne.

    On sent qu'à ce moment-là la communauté internationale, sans se sentir coupable, voulait d'une certaine façon contribuer à réparer une certaine inaction dans le conflit de la Seconde Guerre mondiale. S'ensuivent plusieurs mois de discussions où, notamment, l'ancien premier ministre du Canada, Lester B. Pearson, s'est avéré très marquant et très influent. Il a joué un très grand rôle avant l'adoption, par l'Assemblée générale de l'ONU de l'époque, de la résolution 181 (11), qui a divisé la Palestine, la région où on incluait Israël à l'époque, en huit zones: trois aux Juifs, trois aux Arabes. La ville de Jaffa est allouée aux Arabes et Jérusalem devait être à l'époque sous contrôle international.

  +-(2205)  

    Mais la situation s'est détériorée. La guerre éclate entre les deux parties en 1948. Fuyant devant l'armée israélienne, la population arabe de la Palestine se réfugie à l'extérieur. En 1949, le nombre de réfugiés s'élève à plus de 725 000.

    Or, le 11 décembre 1948, l'Assemblée générale des Nations Unies adopte la résolution 194-3, qui dit que les réfugiés qui désirent retourner chez eux et vivre en paix avec leurs voisins devraient être autorisés à le faire aussitôt que possible, et une compensation devrait être versée en paiement de leur propriété, ou des dommages infligés à leur propriété à ceux qui ne désirent pas retourner.

    Je fais une analogie avec des situations qu'on a rencontrées chez nous. Ce n'est pas comparable tout à fait, mais c'est pour expliquer ce qui arrive quand des personnes doivent vivre en dehors de leur région ou perdre leur droit de propriété. Il faut comprendre cette situation, comme par exemple dans le dossier de Mirabel où il y a eu des expropriés. Il y a aussi le dossier du parc Forillon. Les Québécois et les Québécoises qui nous écoutent nous disent que ceux qui ont vécu cela ont eu des tracas et des préoccupations.

    Dans cette région, ce sont souvent plus que des tracas et des préoccupations monétaires; ce sont des préoccupations d'existence, de vie. De 1948 à 1960, la question des réfugiés palestiniens a refait surface annuellement à l'ONU.

    Je voulais m'attarder sur cet aspect important de la question des personnes déplacées, pour expliquer qu'une telle situation est un terreau fertile pour l'expression du terrorisme. Je n'accepte pas le terrorisme et je pense que les parlementaires ne l'acceptent pas non plus, mais c'est une donnée importante.

    Le temps filant plus rapidement que je ne le voudrais, je laisserai tomber l'histoire plus récente. Finalement, tout le monde sait qu'actuellement on est dans une impasse. Je pense que, malheureusement, avec les acteurs actuels dans le conflit, il est difficile d'envisager une solution suite à une négociation bilatérale. On ne peut pas simplement laisser les deux parties ensemble. Il faut une action de la communauté internationale.

    D'ailleurs, n'est-ce pas la communauté internationale qui a permis l'existence de deux peuples, qui a reconnu à tour de rôle le droit à l'autodétermination, le droit à l'existence de deux peuples, le peuple d'Israël, le peuple juif, et aussi le peuple palestinien. À mon avis, tout en acceptant ce principe, il faut déplorer un rôle un peu attentiste du gouvernement canadien qui se contente de suivre la démarche américaine.

    Il faut quand même reconnaître sa valeur et son importance pour le futur. Je ne veux pas critiquer, mais en même temps, le 5 avril dernier, le Canada a été l'un des deux pays à s'opposer à la Commission des droits de la personne à Genève qui voulait envoyer une mission pour observer la situation en Palestine et dans cette région. Le Canada s'y est opposé et je pense que cela a mal paru. À mon avis, le Canada devrait se reprendre.

    Connaissant le principe du droit inaliénable d'Israël d'exister et le droit des Palestiniens à un État viable, il n'y a pas de solution militaire au présent conflit. Seuls le dialogue et la négociation pourraient mener à la paix.

    Le terrorisme, de quelque origine qu'il soit, doit être dénoncé. L'Autorité palestinienne et Yasser Arafat sont des interlocuteurs essentiels au dénouement de cette situation.

    À court terme, il faudrait qu'Israël entende les appels des États-Unis, de l'Union européenne et de nombreux autres pays, et respecte les résolutions 1402 et 1403 des Nations Unies et mette fin à l'opération Rempart et se retire des villes palestiniennes.

  +-(2210)  

    Il faut aussi que l'Autorité palestinienne fasse également sa part, condamne officiellement les kamikazes et autres terroristes et que les Nations Unies envisagent sérieusement l'envoi d'une force internationale de maintien de la paix.

    Le rôle du Canada consiste à se faire porteur de l'idée d'une force internationale de la paix et qu'il continue de se battre pour l'équité dans ce dossier. Dans un conflit, il y a souvent deux versions et deux responsabilités. Il faut que le gouvernement fasse entendre haut et fort ses objections face à l'utilisation de la force excessive et du terrorisme par les deux parties. Il faut aussi que le premier ministre profite de son voyage actuel pour faire entendre la voix du Canada et que le Parlement serve à appuyer la voix du gouvernement sur la scène internationale.

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg--Jacques-Cartier, BQ): Monsieur le Président, le hasard a fait en sorte que le débat d'urgence d'aujourd'hui prenne place le 9 avril, jour du Yom Hashoah, c'est-à-dire le jour du souvenir de l'Holocauste où, je le rappelle, six millions d'hommes, de femmes et d'enfants ont été tués et anéantis simplement parce qu'ils étaient Juifs.

    D'abord, je désire féliciter la députée de Mercier d'avoir proposé ce débat d'urgence qui, je pense, est d'une importance cruciale.

    Aujourd'hui, on le sait, la situation au Moyen-Orient est excessivement compliquée. La situation est très difficile à saisir. Pour essayer de mieux saisir, je crois qu'il est important de faire un peu d'histoire.

    En 1947, on l'a dit, l'Organisation des Nations Unies votait la division de la Palestine de l'époque, qui était sous mandat britannique, en deux États: un État palestinien arabe et un État juif. Les Juifs de l'époque, sous la gouverne de David Ben Gourion, acceptent cette partition et cette division. Les Arabes quant à eux la refusent et les armées de cinq pays envahissent un État qui n'existe pas encore, refusant ce partage et la création d'un État juif.

    En 1948, l'indépendance d'Israël est proclamé et le seul État démocratique de la région est créé. Le fait que Israël soit toujours le seul État démocratique de cette région reste toujours vrai aujourd'hui, plus de 50 ans après la partition.

    En 1967, survient la guerre des six jours où, lors d'une action défensive, l'armée israélienne bat trois pays qui s'apprêtaient à l'envahir et prend possession de ce que l'on appelle aujourd'hui les territoires occupés, c'est-à-dire la Cisjordanie et Gaza.

    En 1973, lors du jour le plus sacré du calendrier judaïque, c'est-à-dire le Yom Kippour, les armées de trois pays envahissent Israël. L'armée israélienne, par des actions surprenantes, réussit à repousser les envahisseurs et va même jusqu'à prendre possession du Sinaï.

    Or, quatre ans seulement après cette guerre, après cette attaque survenue le jour le plus sacré du calendrier judaïque, Israël reconnaît le principe des territoires pour la paix. Il accepte, à la fin des années 1970, les accords de Camp David. Il se retire du Sinaï et force le démantèlement des colonies juives. Déjà à l'époque, Israël était prêt à céder du territoire pour la paix. Je le rappelle, ce traité de paix a été signé par un premier ministre de droite, M. Menahem Begin.

    Depuis, cependant, la situation est toujours tendue. En 1993 survient une lueur d'espoir, soit les accords d'Oslo. Les deux parties reconnaissent l'état de fait difficile à nier, c'est-à-dire qu'il y a deux peuples et que ces deux peuples doivent se reconnaître mutuellement pour pouvoir avancer et marcher vers la paix.

    Or, depuis 1993, la situation n'a fait que se détériorer. Pourtant, on sait que sous la gouverne du président américain de l'époque, Bill Clinton, les parties en étaient venues à un cheveu de s'entendre à Camp David II. Mais le président de l'Autorité palestinienne, M. Yasser Arafat, refusant la quasi entente et quittant la table des négociations, est retourné en Palestine. Peu de temps après, la deuxième Intifada a commencé.

    Depuis, des civils innocents, hommes, femmes et enfants, des deux côtés, Israéliens comme Palestiniens, ont perdu la vie dans un cycle de violence infernal et inacceptable pour la communauté internationale et pour eux. Alors, que faire?

    Il faut d'abord reconnaître certains principes de base qui devront guider à la fois l'action du gouvernement canadien et l'action de la communauté internationale: d'abord, le droit inaliénable d'Israël d'exister dans des frontières sûres et reconnues. C'est essentiel si on veut passer à une autre étape.

  +-(2215)  

    Je rappelle, entre parenthèses, qu'à l'endroit le plus étroit de l'État d'Israël, il n'y a que huit milles de large, ce qui ne fait pas des frontières très sûres si une armée ennemie décidait de l'envahir.

    Le deuxième principe de base est le droit des Palestiniens à un État viable et indépendant. Le troisième est qu'il n'y aura pas de solution militaire à ce conflit. Et, le quatrième principe de base qui doit guider notre action, l'action de la communauté internationale, c'est que le terrorisme est inacceptable.

    Que faire maintenant? Dès maintenant, des actions doivent être entreprises et ces deux actions vont de pair. Premièrement, il y a l'arrêt de l'opération Rempart de Tsahal, l'armée israélienne, conformément aux résolutions 1402 et 1403 des Nations Unies, et le retrait des villes palestiniennes. C'est l'obligation placée sur Israël; c'est une obligation concomitante sur les Palestiniens; c'est une condamnation sans doute, sans aucun doute, sans aucune espèce d'hésitation, à savoir que le terrorisme est inacceptable.

    Yasser Arafat et les leaders palestiniens doivent dire en anglais et en arabe, c'est-à-dire au monde entier, à leur propre population, que les attentats suicides, que les attentats terroristes sont complètement inacceptables. Ce sont deux obligations concomitantes.

    Maintenant, à moyen et à long terme, il faut qu'il y ait reprise de la négociation sur les bases qui ont été acceptées par les deux parties, c'est-à-dire le plan de Tenet, le directeur de la CIA, et le rapport Mitchell, du nom de l'ancien sénateur américain. Pour y arriver, la communauté internationale ne doit pas hésiter à s'impliquer de façon plus formelle et plus approfondie, ce qui peut prendre différentes formes. Ce peut être sous la forme d'envois d'observateurs, ce peut être sous la forme de troupes d'interposition, ce peut être sous la forme d'une conférence internationale, mais la communauté internationale ne peut plus rester les bras croisés. La communauté internationale se doit de s'impliquer parce que, jour après jour, des civils, des innocents, femmes, hommes et enfants, meurent dans des situations très difficiles.

    En conclusion, on connaît les grandes lignes d'un accord potentiel qui pourrait être acceptable pour les deux parties. Ces grandes lignes sont celles qui ont été dessinées à Camp David II lorsque Yasser Arafat, Ehoud Barak et Bill Clinton essayaient de négocier l'entente, et celles de Tabah, en Égypte, peu de temps après.

    Ce sont ces principes qui doivent guider l'action de ce gouvernement, parce que nous ne pouvons rester les bras croisés lorsque, jour après jour, nuit après nuit, des civils perdent la vie dans un conflit qui aurait pu trouver sa fin si les accords de Camp David II avaient été acceptés, il y a maintenant deux ans.

  +-(2220)  

+-

    M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Monsieur le Président, je vais partager le temps qui m'est alloué avec le député de Charleswood St. James--Assiniboia.

    La vie humaine est sacrée et le droit à la vie humaine est aussi sacré. C'est vrai pour les Canadiens, comme c'est vrai pour les Français, pour les Chinois, pour les Allemands ou les Indiens. C'est aussi vrai pour les Israéliens comme pour les Palestiniens.

    Le cycle de violence que nous constatons de jour en jour à la télévision nous bouleverse dans le plus profond de nous-mêmes. Ce que nous voyons, ce sont des innocents, des enfants, des mères de famille, des personnes âgées, d'un côté chez les Israéliens, de l'autre chez les Palestiniens.

    Cela nous bouleverse parce que chaque attaque contre une vie humaine perdue est une attaque qui affronte nos libertés fondamentales et collectives, à chacun de nous, où que nous soyons et qui que nous soyons.

    Il est inacceptable que des innocents paient de leur vie pour une cause quelconque, à cause d'un terrorisme brutal, d'un côté, et d'une armée d'occupation, de l'autre. Les armées et la terreur ne règlent jamais rien. En fait, l'histoire est remplie de leçons d'armées les plus puissantes qui ont eu à céder envers la liberté des individus.

    L'histoire du Canada dans la défense des droits et libertés au Moyen-Orient est éloquente. En 1947, nous avons été un des pays importants qui ont appuyé la résolution 181 créant Israël et aussi donné le droit, dès là, à un pays palestinien, un peuple palestinien, avec ses propres frontières.

    Après la guerre de 1948, nous avons aussi été impliqués pour demander le contrôle international de Jérusalem et pour entreprendre la première aide aux réfugiés dans les camps de réfugiés.

    En 1956, après la guerre de Suez, Lester B. Pearson, à partir d'un pays modeste comme le Canada, a réussi à convaincre les nations du monde du rôle d'une force de la paix, ce qui est devenu aujourd'hui un élément essentiel de la politique internationale. Cela a valu à Lester B. Pearson le prix Nobel.

    En 1967, nous avons été impliqués dans la résolution 242 qui a demandé à Israël de retourner dans ses frontières.

    En 1973, après la guerre des Arabes contre Israël, nous avons envoyé les forces de paix dans le Sinaï et sur les hauteurs du Golan. En fait, nous avons toujours des forces de paix à cet endroit.

    En 1991, nous avons été impliqués dans les accords de Madrid, qui ont amené les accords d'Oslo environ trois ans plus tard.

[Traduction]

    Nous sommes venus si près d'un accord, et sans l'assassinat de Yitzhak Rabin, le débat de ce soir ne serait peut-être pas nécessaire. Les jours prometteurs de Yitzhak Rabin nous semblent maintenant à des années-lumières de nous. La violence et le mépris de la vie humaine ont atteint le point ultime, que nous constatons avec horreur soir après soir.

    La solution réside dans l'acceptation de ces quelques points. Les kamikazes ne peuvent obtenir aucun résultat, peu importe leur nombre et la durée de leurs actions. Cela ne fonctionnera jamais. Il n'y a aucun succès possible également avec une armée d'occupation qui envoie des tanks et des hélicoptères de combat qui détruisent tout sur leur passage. Ils détruisent les maisons et les automobiles et tous les biens et ils tuent également des gens au hasard dans les camps de réfugiés et d'autres endroits.

  +-(2225)  

    Israël a le droit d'exister, un droit qui ne doit pas être violé. Le pays doit pouvoir compter sur des frontières sûres et être assuré de pouvoir vivre dans la paix et la sécurité. En même temps, la Palestine mérite également de vivre à l'intérieur de frontières sûres, d'être un pays bien établi avec toute son intégrité. Cela signifie que l'établissement des colonies doit cesser et que ces dernières doivent être démantelées. Il faudrait en outre régler la question des réfugiés qui vivent dans des camps depuis 50 ans.

    J'appuie les actions du ministre des Affaires étrangères. Il cherche à obtenir un pouvoir de surveillance pour le Canada. Il veut que le Canada participe à l'évolution d'un règlement possible au Proche-Orient.

    Je sais que nous ne sommes pas une grande puissance. Je n'ignore pas que nos moyens militaires et économiques sont plutôt modestes par rapport au monde dans son ensemble. Nous ne pouvons tout faire seuls. En même temps, nous avons une grande stature morale dans le monde. Nous sommes fort respectés en tant que pays. Nous pouvons jouer un immense rôle en tant qu'intermédiaire de confiance entre notre voisin immédiat et joueur clé sur la scène mondiale, les États-Unis, que nous connaissons et qui nous font confiance, et les autres intervenants clés, soit l'Union européenne et, bien sûr, le monde arabe également.

    J'ai assisté à une rencontre cet après-midi à laquelle le président du Bundestag allemand était présent. La situation au Proche-Orient a occupé toute la réunion. Il s'est avéré que bon nombre des participants à cette rencontre ont exprimé le point de vue que j'entends souvent chaque jour, chez mes enfants par exemple. Ils pensent qu'une solution à la situation au Proche-Orient est impossible. Ils croient que les problèmes vont continuer, avec les Israéliens d'un côté et les Palestiniens de l'autre, qui se méfient tellement les uns des autres qu'aucune entente n'est possible.

    Je me demande si on aurait cru un jour que le mur de Berlin puisse disparaître, que le rideau de fer finirait par tomber, que l'URSS, cette grande puissance mondiale, s'effondrerait, qu'autant de personnes derrière le rideau de fer trouveraient un jour la liberté. Qui aurait cru que la paix puisse revenir en Bosnie, au Kosovo et en Irlande du Nord?

    Les députés de ce côté-ci de la Chambre ont énormément confiance en notre nouveau ministre des Affaires étrangères. C'est un homme de paix qui croit profondément dans les droits de la personne et pour qui la liberté humaine et celle des peuples est primordiale. Nous croyons qu'il a une occasion en or d'être le Pearson de son époque, le grand pacificateur dans ce terrible conflit où le Canada offre une envergure au plan moral et une intégrité inégalées.

    J'exhorte le ministre des Affaires étrangères à jouer ce rôle d'artisan de la paix, d'être cet intermédiaire, ce lien entre les États-Unis, l'Europe et les États arabes. Je le prie d'obtenir une sorte de reconnaissance au Proche-Orient que la paix viendra toujours à bout de la guerre, qu'elle est bien plus grande que la guerre. Lester B. Pearson nous a montré au cours de la crise de Suez que le Canada pouvait jouer un rôle important. Je félicite le ministre pour ses efforts et lui demande avec insistance de poursuivre ses efforts de rétablissement de la paix pour faire en sorte que le Canada joue un rôle important dans le règlement futur de la crise au Proche-Orient.

  +-(2230)  

+-

    M. John Harvard (Charleswood St. James--Assiniboia, Lib.): Monsieur le Président, il va sans dire que tous les députés sont profondément perturbés par les récents événements survenus au Proche-Orient. Comme le savent les députés, une grande partie du débat de ce soir est axée sur la réaction de notre gouvernement à ces événements et sur les critiques de l'opposition concernant la façon dont le gouvernement fait face à cette très difficile situation. C'est dans l'ordre des choses.

    Toutefois, je souhaite m'éloigner des grands titres et parler de l'aide fournie par le Canada au Proche-Orient. Elle ne donne pas de bonnes images pour la télévision, mais elle correspond à ce en quoi nous croyons vraiment.

    Que croyons-nous? Le Canada estime que le développement économique ainsi que la paix et la sécurité se renforcent mutuellement. Ces deux côté de la même médaille sont depuis longtemps des priorités de la politique étrangère du Canada. Bon nombre des éléments les plus horribles du conflit qui se manifestent quotidiennement au Proche-Orient sont des traits caractéristiques du désespoir, tandis que la sécurité et la stabilité sont gage d'une croissance accrue.

    Lorsque le commerce et les investissements ont des racines solides et que des liens transfrontaliers lient et fortifient toute une région, la vie politique, sociale et culturelle peut s'épanouir. Nulle part ailleurs ces principes sont-ils aussi pertinents qu'au Proche-Orient. Les coûts économiques de l'instabilité n'ont jamais été plus éclatants que depuis le début de l'intifada actuelle, il y a 18 mois.

    Le programme d'aide au développement du Canada au Proche-Orient, notamment en Jordanie, au Liban et dans les territoires palestiniens, est le reflet du renforcement mutuel découlant de la réduction de la pauvreté et de l'existence de la paix et de la sécurité. Conçu dans les grandes lignes pour appuyer le processus de paix au Proche-Orient, le programme du Canada a mis l'accent sur les réfugiés palestiniens, à la fois parce que ces derniers forment les collectivités les plus démunies et parce que le Canada a besoin d'un complément d'appui dans son rôle de président du groupe de travail multilatéral sur les réfugiés.

    Deux initiatives méritent d'être soulignées, soit le projet Camp du Canada et le programme libanais de bourses d'études. Le projet Camp du Canada est un programme réussi de réunification des familles qui a permis le retour à Gaza de 5 000 réfugiés qui avaient été pris au piège dans le Sinaï lorsque l'Égypte et Israël ont fait la paix en 1978. Cette initiative a exigé la coordination des efforts des gouvernements d'Israël et d'Égypte, de l'UNRWA et de l'autorité palestinienne. Le leadership du Canada a non seulement facilité un exercice délicat et complexe de coopération, mais il a aussi permis d'obtenir un soutien financier crucial de la part du Koweit.

    Au Liban, le Canada a joué un rôle similaire et mobilisé des fonds internationaux, cette fois à l'appui de réfugiées palestiniennes désireuses d'effectuer des études universitaires afin de bâtir un avenir plus sûr et plus prospère pour elles et leur famille. À l'heure actuelle, 58 jeunes femmes en situation économique difficile poursuivent des études universitaires, et nous espérons plus que doubler ce nombre au cours des prochaines années.

    Le programme canadien de développement dans la région vise à créer un environnement propice au développement durable, en soi un préalable pour la paix et la prospérité. À cette fin, le renforcement des capacités des institutions gouvernementales aussi bien que civiles est devenu une priorité.

    En Jordanie, le Canada a fait oeuvre de chef de file en contribuant à réformer le système national de formation professionnelle, notamment en se servant de la technologie des communications qu'est Internet pour offrir de meilleures possibilités d'emploi aux jeunes diplômés jordaniens.

    Au Liban, on s'est attaqué directement au développement économique en proposant au ministre libanais du Revenu un programme de renforcement des capacités et de perfectionnement technologique. Comme davantage de recettes sont recueillies de façon plus équitable et transparente, la confiance de la population est meilleure et le gouvernement a les ressources dont il a besoin pour répondre à d'autres priorités sociales.

    Le programme de l'ACDI en Égypte favorise un accès équitable à l'éducation et à l'emploi en se concentrant sur l'éducation des fillettes et le développement des petites entreprises.

  +-(2235)  

    Dans les territoires palestiniens, nous avons collaboré étroitement avec les municipalités à améliorer leurs capacités de planification et de gestion des affaires publiques. L'intifada et la violence qui l'accompagne n'ont fait que paralyser les stratégies de développement à long terme. Plus tôt, les efforts canadiens visant à établir des institutions nationales responsables pour la tenue d'élections démocratiques, le bien-être social et la protection de l'environnement ont été mis en veilleuse compte tenu de la crise humanitaire qui menace la population locale.

    Dans le cadre de ses efforts pour promouvoir une meilleure compréhension des problèmes contemporains complexes, le Canada a financé la création, à Amman, en Jordanie, du premier centre de la sécurité des personnes au monde. Le centre offre une tribune pour une étude approfondie des questions de sécurité des personnes, de même que pour leur discussion et leur dissémination. Nous espérons que le centre de la sécurité des personnes d'Amman en arrivera à promouvoir le genre de respect et de compréhension neutres dont le besoin se fait tellement sentir aujourd'hui au Proche-Orient.

    Comme il s'efforce depuis un demi-siècle de résoudre le long conflit au Proche-Orient et d'en atténuer les conséquences, le Canada a intérêt à mettre fin rapidement à la situation catastrophique en cours à l'heure actuelle.

    Un conflit ne se résout pas par la violence. Le seul chemin vers la paix que souhaitent vivement les gens de la région et les Canadiens est la négociation. Forts de l'expérience que nous avons acquise en plus de cinquante ans de travail, nous continuerons de viser la fin de la violence, la reprise des négociations et l'établissement d'une paix juste et durable.

+-

    M. Werner Schmidt (Kelowna, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je tiens à féliciter le gouvernement d'avoir décidé de tenir ce soir un débat d'actualité sur cette crise très spéciale qui touche pratiquement toute la planète. Permettez-moi de répéter les propos de nombreux députés qui ont affirmé ce soir que nous condamnons de la façon la plus péremptoire la violence qui sévit maintenant au Proche-Orient.

    On a beaucoup parlé de la résolution des Nations Unies. Je voudrais citer quelques extraits des diverses résolutions pour ceux qui sont encore éveillés à cette heure avancée de la nuit.

    La première résolution des Nations Unies exige que les deux parties s'engagent immédiatement vers un cessez-le-feu constructif et elle appelle au retrait des troupes israéliennes des villes palestiniennes. Ces deux conditions devaient être respectées immédiatement. Cette résolution a été adoptée il y a dix jours.

    La deuxième résolution réitère la demande du 12 mars 2002 exigeant l'arrêt immédiat de tous les actes de violence, incluant tous les actes de terreur, de provocation, d'incitation et de destruction.

    La troisième résolution exprime l'appui à l'égard des efforts du Secrétaire Général et de ses envoyés spéciaux au Moyen-Orient pour aider les parties à mettre un terme à la violence et à reprendre le processus de paix.

    Il est conforme au dévouement de la délégation et à la mission du secrétaire d'État américain de se rendre travailler dans cette région.

    Nous nous demandons parfois comment ces conflits, ces actes de violence commencent. Cela me rappelle une situation; il y a longtemps déjà, une amie qui enseignait avait résolu un conflit de cour d'école. Deux garçons se battaient. Lorsqu'elle a finalement réussi à les séparer, elle a demandé qui avait commencé la bataille. L'un des deux dit alors que le tout avait commencé lorsque l'autre garçon avait rétorqué en lui rendant son coup.

    Il faut donc être deux pour se battre. Ils refusent réciproquement de pardonner à l'autre et c'est le début de l'escalade.

    Nous sommes donc aux prises avec une situation qui oblige tous les pays du monde à reconnaître qu'il faudra devenir plus créatifs, ingénieux et inventifs. Nous devons trouver de nouvelles idées. Nous devons démontrer qu'il est possible d'améliorer la situation. Nous devons oser chercher la paix.

    Ce n'est certainement pas la paix qui a caractérisé les dernières années. On connaît des conflits en Afghanistan, en Russie et partout dans le monde depuis de nombreuses années. Il y a eu deux guerres mondiales. C'est la paix qui fait défaut. Nous devons oser vouloir la paix.

    Nous devons reconnaître que le conflit israélo-palestinien remonte très loin. Ses racines sont très profondes. Elles touchent des familles entières et remontent à plusieurs siècles. En fait, le conflit remonte à 1948, au moment de la création de l'État de la Palestine. Une guerre s'est déclarée peu de temps après. Il y a eu cinq guerres depuis. Une vraie conflagration sévit actuellement. Cela n'a rien de nouveau.

    Nous devons trouver une solution à long terme. Est-ce possible? Nous devons nous pencher sur trois fronts ici, soit le conflit, la violence et le terrorisme qui est en partie motivé par la religion, la politique et l'économie. Le conflit a maintenant atteint des dimensions extrémistes et il s'est étendu à la planète entière. Ce n'est pas uniquement une question militaire. Le conflit a aussi pris une dimension civile.

    Le présent débat doit être porté à un niveau supérieur. Nous ne pouvons pas nous contenter de parler de la destruction de personnes, de la destruction de biens, de violence et de bains de sang. Je crois que nous devons hausser la question à un autre niveau.

    J'aimerais dire quelques mots de Thomas Jefferson. Il y a plusieurs années, il a fait une déclaration très intéressante qui a été reprise par plusieurs personnes, dont vous-même, monsieur le Président. Il a dit:

Nous tenons ces vérités pour évidentes, que tous les hommes sont créés égaux [...]

    Je suis persuadé qu'il n'y a pas une personne à la Chambre qui ne soit pas prêt à dire que cela est vrai. Si c'est vrai, nous devons donc nous parler et reconnaître que nous ne luttons pas les uns contre les autres lorsque nous faisons des choses de ce genre.

  +-(2240)  

    Charles Colson a fait un commentaire fort intéressant dans un livre intitulé How Now Shall We Live?. Il fait notamment une déclaration que j'aimerais citer. Il affirme que la vertu est essentielle à la liberté. Bien sûr, la liberté est nécessaire pour reconnaître l'égalité des peuples. Colson poursuit en affirmant que les peuples qui ne peuvent réfréner leurs propres instincts les plus bas et qui ne peuvent se traiter avec civilité sont incapables de s'autogouverner. Selon lui, sans vertu, une société ne peut être dirigée que par la peur, une vérité que les tyrans ne comprennent que trop bien.

    Il va sans dire que nous ne voulons pas être motivés par la peur. Nous ne voulons pas non plus être gouvernés par la peur. Nous ne voulons pas que les Palestiniens soient dirigés par la peur. Nous ne voulons pas que les Israéliens soient dirigés par la peur. Nous voulons être dirigés par la capacité de nous autogouverner, de contrôler nos instincts les plus bas de façon à pouvoir nous respecter les uns les autres, nous faire confiance et vivre en paix avec tous ceux qui nous entourent.

    Au sujet de ce conflit, les États-Unis ont délégué Colin Powell au Proche-Orient. Nous remarquons que la résolution des Nations Unies reconnaît également le travail et le mandat de Colin Powell. Mais, qui est Colin Powell? Pour ceux qui peut-être n'ont pas eu le temps de s'informer sur cet homme, je me reporte à certaines notes biographiques. M. Powell est un homme remarquable qui personnifie les aspects les plus intéressants de la grande diversité des États-Unis.

    En premier lieu, il s'est mérité plusieurs médailles lors de la guerre du Vietnam, dont une pour avoir sauvé la vie de soldats dans un hélicoptère. En second lieu, c'est le premier Afro-américain à agir à titre de chef d'état-major interarmées. En troisième lieu, il a été le premier Noir américain à être nommé président des affaires de sécurité nationale. Enfin, sa participation à l'opération Tempête du désert lui a valu une reconnaissance nationale grâce à ses plans de bataille méticuleux. Colin Powell s'est mérité nombre de médailles, a atteint plusieurs objectifs et est venu en aide à une multitude de personnes, mais vraisemblablement, l'aspect de son caractère le plus remarquable est sa détermination à atteindre les contributions dont il a été question.

    C'est ce qu'il a fait, en gros, mais permettez-moi d'ajouter des détails. Cet homme est né à New York le 5 avril 1937. Il est le fils d'immigrants jamaïcains. Il a grandi dans le sud du Bronx, a fait ses études dans des écoles publiques de la ville de New York et au City College de cette ville. Il a obtenu une commission de sous-lieutenant de l'armée en même temps que son diplôme, puis plus tard une maîtrise en administration des affaires de l'Université George Washington.

    J'en arrive à la partie importante. Le général Powell a été affecté deux fois au Vietnam. Il a été chef de bataillon en Corée, puis il a commandé la 2e brigade de la 101e division aéroportée, une brigade d'assaut aérien, et le V Corps de l'armée américaine en Europe. Avant d'être nommé président des chefs d'état-major interarmées, il a servi comme commandant en chef des forces basées à Fort McPherson, en Géorgie.

    Le général Powell a reçu de nombreuses décorations militaires américaines, notamment la médaille du Service distingué de la défense et les médailles Bronze Star et Purple Heart. Parmi ses décorations civiles, mentionnons la Médaille présidentielle de la liberté et la Médaille d'or du Congrès. Il a par ailleurs été nommé par la reine d'Angleterre chevalier honoraire, soit chevalier commandant de Bath.

    Il ne s'agit pas d'un homme ordinaire. Ce n'est pas mal, je dirais même que c'est excellent. En fait, il est né en 1937 et il est plus jeune que moi. Il aurait fallu plusieurs vies à la plupart des gens pour accumuler les réalisations qu'il compte à son actif. Cet homme est maintenant au coeur de ce conflit, et il est chargé d'essayer de réunir ces factions belligérantes.

    Il y a deux jours, le 7 avril, deux nouvelles des fils de presse du Proche-Orient ont retenu mon attention. J'aimerais les lire maintenant. D'abord la première:

Le secrétaire d'État américain Colin Powell doit arriver dans la région cette semaine dans le cadre d'une mission que lui a confiée le président George W. Bush. M. Powell cherchera à mettre fin à la terreur, à la violence et à la provocation de la part des Palestiniens et à faire cesser l'opération des forces de défense israéliennes.

    Il faut souligner la position équilibrée que cet homme est en train de créer. Il ne jette le blâme ni d'un côté ni de l'autre. Il ne dit pas que celui-ci ou que celui-là est responsable de la situation. Il dit que les deux camps doivent mettre fin à la situation. L'autre nouvelle qui a retenu mon attention provient de Téhéran. Voici:

On ne devrait pas avoir confiance dans le récent discours du président américain George W. Bush, et la visite imminente du secrétaire d'État américain Colin Powell dans la région ne portera pas de fruits ni ne fera basculer la situation difficile actuelle.

  +-(2245)  

    N'est-ce pas intéressant? Quelle approbation de la tâche que cet homme est censé accomplir! C'était le 7 avril. Ce matin, d'autres nouvelles nous sont parvenues sur le fil de presse du Proche-Orient. La première dépêche parle de la Via Dolorosa du peuple palestinien. Elle dit ceci:

Les visiteurs venus d'Abusahlia dans la ville de Jérusalem sont presque assurés de parcourir la célèbre Via Dolorosa que Jésus Christ a parcourue il y a deux mille ans en portant la croix. Le parcours relate l'histoire des dernières heures de la vie de Jésus en quatorze étapes qui existent toujours aujourd'hui en témoignage de la colère de l'homme contre son frère et représentant l'amour divin.

    N'est-ce pas intéressant? C'est ce qui se passe actuellement. Je me suis donné la peine de voir en quoi consistaient ces 14 stations. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais je vais les énumérer. Première station, Jésus est condamné. Deuxième station, Jésus est chargé de la croix. Troisième station, Jésus tombe. Quatrième station, Jésus rencontre sa mère. Cinquième station, Simon l'aide à porter la croix. Sixième station, Véronique essuie le visage de Jésus. Septième station, Jésus tombe une deuxième fois. Huitième station, Jésus rencontre les saintes femmes. Neuvième station, Jésus tombe une troisième fois. Dixième station, Jésus est dépouillé de ses vêtements. Onzième station, Jésus est cloué sur la croix. Douzième station, Jésus meurt. Treizième station, Jésus est descendu de la croix. Quatorzième station, Jésus est enseveli.

    Une autre dépêche nous est parvenue sur le fil de presse du Proche-Orient. Elle dit ceci:

Le gouvernement américain a l'air confus, hypocrite et faible tandis que le secrétaire d'État Colin Powell lambine en passant par l'Afrique, l'Europe et l'Arabie en route pour Israël, en exhortant les dirigeants arabes à ramener Arafat au pas et en enjoignant Israël de se retirer des villes palestiniennes.

    Notez là encore la situation équilibrée. La dépêche suivante dit:

Il ne fait aucun doute que l'invasion militaire israélienne des territoires palestiniens met un terme au processus de paix qui agonisait depuis un certain temps.

    Les agences de presse décrivent assez bien les conditions au Proche-Orient, où Colin Powell tente d'établir un climat de paix, d'harmonie et de coopération. Powell, et je viens juste de prendre connaissance de ses qualités et de ses réalisations jusqu'à présent, présente aussi d'autres qualités. Je dirais, comme Peter Legge dans son dernier livre, intitulé Who Dares Wins, que Powell a besoin de voler avec les aigles. Il a atteint les échelons supérieurs du gouvernement et il doit maintenant s'élever aussi haut que les aigles, et c'est ce qu'il fait.

    C'est aussi un homme qui croit fermement en une vie vertueuse. Il a traversé la tempête et il sait ce que c'est. Il a été au combat. Il a gagné toutes sortes de batailles. Il connaît les caractéristiques d'une guerre. Il sait ce qu'est la victoire, ce qui forme le caractère et ce qui constitue une combinaison gagnante.

    Il sait également que les périodes difficiles ne durent pas, mais que les gens coriaces restent, et c'est un dur. Il saura se dépasser. Il résistera aux tempêtes et surmontera l'adversité et le manque d'appui dans les déclarations que je viens de lire. Il ne doit pas se laisser décourager par les circonstances, mais plutôt dominer la situation. Il a une vision et c'est une vision de paix. Powell est aussi quelqu'un qui n'abandonne pas.

    Je voudrais parler d'une chose que j'ai lue récemment au sujet des aigles. Comme les députés et le ministre des Affaires étrangères le savent sûrement, quand il vole, l'aigle a le bec ouvert parce que c'est comme cela qu'il se dirige et s'oriente. Plus l'aigle vieillit, plus son bec devient calcifié. Il arrive que le bec se referme et qu'il ne peut plus être rouvert. L'aigle finit par en mourir; mais ce n'est pas le cas de tous les aigles.

    Certains aigles au bec calcifié se posent sur un rocher et frappent violemment la pierre avec leur bec jusqu'à ce que celui puisse s'ouvrir; dès que le bec s'ouvre, ils s'envolent. C'est ce genre de détermination que Colin Powell apportera aux négociations entre Israéliens et Palestiniens.

  +-(2250)  

    Powell sait aussi que pour réussir à susciter un climat de confiance il faut d'abord être capable de le faire. Or, cet homme-là dispose des compétences et de l'expérience voulues. Mais ce n'est pas tout, il a aussi du caractère. Il défend des valeurs, un idéal, une cause et une mission. Il a le courage de faire son devoir et il reconnaît qu'il importe plus de faire ce qui s'impose que de rechercher un avantage personnel.

    Il n'y a guère d'intérêt personnel à tirer d'une situation où d'aucuns disent que la victoire est impossible. Il est là, et je pense qu'il aura gain de cause parce qu'il est courageux. Par-dessus tout, il est loyal. Quand il a pris le commandement, quand il a assumé le poste de chef d'état-major, il a dit à ses gens qu'ils pouvaient compter sur lui et qu'il voulait être en mesure de compter sur eux. Il a dit qu'ils pourraient discuter de la ligne de conduite, mais qu'il les défendrait dans la mesure où ils le défendraient. Il a dit qu'il ne les trahirait jamais. Voilà le genre d'homme qu'il est: confiant, désintéressé, capable de faire des sacrifices et capable d'empathie.

    Le 20 janvier 2001, date à laquelle il est devenu secrétaire d'État, Colin Powell a déclaré pendant son audience d'approbation qu'un principe directeur de la politique étrangère serait que «l'Amérique est prête à venir en aide à tout pays qui désire se joindre au monde démocratique». Le secrétaire Powell a récemment souligné l'importance du leadership des États-Unis dans le monde. Il a dit:

Nous collaborons avec la communauté internationale et le peuple afghan pour l'aider à reconstruire son pays [...]. Nous collaborons également avec les Nations Unies pour aider les Afghans à former un nouveau gouvernement, qui représentera toutes les origines géographiques et ethniques, qui mettra fin au rôle de l'Afghanistan comme refuge pour les terroristes et les narcotrafiquants, qui permettra la reconstruction et autorisera ces millions de réfugiés à retourner chez eux dans la paix et la sécurité. Un message qui ressort des attentats du 11 septembre est très clair. Le leadership des États-Unis dans les affaires étrangères n'a jamais été aussi important.

    C'est ce que croit cet homme, et nous savons que c'est vrai. C'est pourquoi nous pensons que le président des États-Unis l'a envoyé dans cette zone de conflit du Proche-Orient et lui a dit: «Colin, si quelqu'un peut corriger la situation, je pense que c'est toi.» Je souhaite beaucoup de succès à cet homme. Le monde a besoin de paix. Nous devons appuyer Colin Powell.

    J'exhorte le ministre des Affaires étrangères à communiquer avec Colin Powell et à l'assurer de l'appui du Canada. Nous devons prier pour cet homme. Nous devons prier pour les chefs, Sharon et Arafat, qui sont en conflit. Examinons notre conscience et renouvelons notre engagement à rechercher non seulement la paix dans le monde, mais aussi la vertu et le développement de notre caractère dans notre propre vie.

    En ce faisant, nous vivrons dans la paix. En entretenant des relations avec autrui et en influençant ceux qui nous entourent, ainsi que les dirigeants de notre pays, nous favoriserons la paix et inciterons les autres à suivre nos traces.

    Que ce soit le legs de l'actuel ministre des Affaires étrangères. Que ce soit le legs de notre premier ministre. Que ce soit le legs de chacun de nous, à savoir servir nos électeurs, amener le monde à vivre dans la paix et aider ceux qui sont aux prises avec des conflits à aplanir leurs divergences et à consentir à s'aimer les uns les autres, comme ils devraient le faire.

  +-(2255)  

+-

    Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je remercie la députée de Mercier de cette occasion qu'elle me donne d'exprimer mon point de vue sur cette question de la plus haute importance.

    Il y a douze jours, comme beaucoup de familles du monde, les membres de ma famille et moi-même nous sommes assis pour le repas de la Pâque. Pour nous, c'était le premier dans un local communautaire. Comme d'autres, nous avons célébré la lutte pour la libération du peuple juif partout dans le monde. Lorsque nous avons fini le repas et le service, nous nous sommes levés de table et sommes partis avec une sensation de bien-être et, ce qui est encore plus important, une sensation de continuité. Le même jour, à Netanya, d'autres familles juives se sont assises, également dans un local communautaire, pour le repas traditionnel de la Pâque, mais beaucoup de leurs membres ne sont pas repartis, certains ayant trouvé la mort alors que d'autres ont eu à affronter la destruction et la perte d'êtres chers.

    Cette guerre a pris d'horribles proportions. Rien de ce que nous avons à affronter au Proche-Orient n'est simple. Il n'y a pas de solutions faciles, il n'y a pas de place pour les émotions à bon marché et certainement pas pour parader et poser pour la galerie. Il n'y aura pas de solution facile à cette impasse, à ces déchirements, aux tueries et à la destruction en cours. Il n'y aura pas de solution facile à l'inimitié et à la haine qui animent les enfants des deux camps. Mais il faut trouver un moyen de sortir de l'impasse.

    Israël n'est qu'une petite bande de terre, qui revêt cependant une profonde signification historique. Pendant plus de 10 000 ans, onze civilisations se sont succédé sur cette terre d'Israël. Aujourd'hui, nous devons assurer son avenir, car nous sommes face à d'importantes questions mettant en jeu la survie même de l'État d'Israël.

    Au coeur de la lutte diplomatique palestinienne contre Israël se trouve le fait que les Palestiniens résistent à l'occupation. Nous entendons constamment dire que le fond du problème, c'est l'occupation israélienne. À mon avis, ces mots servent à atteindre trois buts. On crée un contexte politique pour expliquer l'adoption par les Palestiniens de la violence et du terrorisme dans le cadre de l'actuelle intifada. L'appel lancé à Israël pour mettre fin à l'occupation ne laisse aucune place au compromis.

    Fait encore plus significatif, l'utilisation de l'expression «territoires palestiniens occupés» nie à Israël tout droit de revendication de ces territoires. Si on avait plutôt parlé des territoires contestés, la Palestine et Israël seraient sur une pied d'égalité, mais en présentant Israël comme l'occupant étranger, on nie toute légitimité à l'attachement historique des juifs. Pourquoi n'utilise-t-on ce terme péjoratif d'occupation que dans le cas d'Israël? Pourquoi ne le voit-on pas dans le cas d'autres conflits territoriaux? Le Cachemire est un territoire contesté. L'île de Zubara, dans le golfe Persique, est un territoire contesté.

    L'action de l'auteur de l'attentat suicide au seder de la Pâque à Netenya était celle d'un terroriste. Beaucoup ont dit que M. Arafat aurait pu exercer un maximum de contrôle sur ces terroristes. Nous ne pouvons pas en être sûrs, mais nous savons parfaitement qu'il n'était pas déraisonnable de s'attendre à ce qu'il déploie un maximum d'efforts.

    Dans quel but M. Arafat se bat-il? On lui a offert la paix. Il a refusé. On lui a offert un État. Il a refusé. On lui a offert une partie de Jérusalem. Il a refusé. Ce qui se passe n'aboutira à aucune solution durable. La seule paix que nous connaîtrons sera celle des morts.

  +-(2300)  

    Les mères israéliennes et les mères palestiniennes veulent toutes un avenir plein d'espoir pour leurs enfants. Partout au Canada et dans le monde occidental, les juifs, confrontés à la convergence des menaces contre la patrie juive, à des actes de profanation de lieux saints et à des critiques croissantes, craignent d'être abandonnés par leurs amis traditionnels et isolés. Ils craignent l'impensable. Jamais plus, avaient-ils dit.

    En même temps, nous sommes émus et profondément touchés par la pauvreté des familles palestiniennes et par la douleur que nous voyons dans les yeux de leurs membres. Toutefois, tant que les familles recevront des pays arabes voisins d'importantes sommes pour glorifier le martyre de leurs enfants, la paix demeurera impossible.

    Le Canada reconnaît une responsabilité pour ce qui est de régler le conflit et se rend compte que la solution réside en définitive dans des négociations bilatérales entre les parties. L'affrontement armé doit cesser. La résolution 242 est la base de négociations de paix. Le Canada appuie pleinement les conclusions du rapport Mitchell d'avril 2001. Le gouvernement canadien condamne tous les actes de terrorisme. Le Canada préside et appuie le Groupe de travail multilatéral sur les réfugiés. Il appuie le processus de négociation bilatéral, qui est un processus de paix.

    Le gouvernement canadien s'est engagé à travailler avec les dirigeants communautaires pour leur permettre de se faire entendre et de veiller à ce que leur point de vue soit pris en considération dans les processus décisionnels. La tâche à accomplir, pour notre gouvernement et pour tous les gouvernements, est onéreuse, difficile et souvent accablante. La paix ne se fera pas tant que les canons se feront entendre. Elle ne se fera pas sans pourparlers.

    Le Proche-Orient a besoin d'une solution. Mais il ne sera pas possible de la trouver tant que les pays arabes n'accepteront pas vraiment la légitimité de l'État d'Israël. L'issue de la guerre actuelle entre Israéliens et Palestiniens est essentielle pour la sécurité de tous, pour notre avenir comme société libre. Nous devons faire preuve de leadership, de patience et d'engagement envers la paix. La tâche à accomplir est trop importante. Nous devons tous nous y atteler ensemble, comme Canadiens, comme parlementaires et comme citoyens. Monsieur le Président, j'ai oublié de mentionner que je partage mon temps avec le député de Mont-Royal.

+-

    M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Monsieur le Président, particulièrement en ce jour de l'Holocauste, je songe au respect que l'on doit à la vie humaine. C'est pourquoi je tiens à déclarer en une espèce de prologue que tout homme, Palestinien ou Israélien, Arabe ou Juif, est un univers et que la mort d'un innocent constitue une tragédie.

    Je tiens aussi à prendre la parole non seulement en tant que député de Mont-Royal, mais en tant que Juif, en tant que personne engagée depuis plus de 35 ans dans la lutte pour une paix juste, durable et complète au Proche-Orient, en tant qu'homme qui a de la famille en Israël et des amis parmi les Palestiniens et qui a été conseiller juridique auprès d'ONG de défense des droits de la personne israéliennes aussi bien que palestiniennes. Fort de cette expérience, je veux donc aller au-delà des manchettes quotidiennes, qui obscurcissent et embrouillent parfois la situation, et examiner le fondement réel du conflit, les racines—pour employer une métaphore populaire—du conflit au Proche-Orient et les bases de sa résolution.

    Je vais fonder mes observations sur une série de principes pour la compréhension du conflit et pour une solution juste de celui-ci, dont beaucoup sont eux-mêmes ancrés dans les principes fondamentaux de la politique étrangère canadienne au Proche-Orient.

    Le principe no 1, que des gouvernements canadiens successifs ont qualifié de pierre angulaire de la politique étrangère au Proche-Orient, est le respect de la sécurité, du bien-être et de la légitimité de l'État d'Israël. En fait, ce principe est lui-même enraciné dans une notion ou un principe connexes, à savoir que le conflit Israël-Palestine-Pays arabes est de nature existentielle. En bref, le conflit ne porte pas sur les frontières, quoique les frontières soient certes contestées. Le conflit ne porte pas sur le territoire, quoique le territoire soit certes contesté. Le conflit ne porte pas sur des ressources comme l'eau, quoique les ressources soient certes contestées. Le conflit ne porte pas non plus sur Jérusalem, quoique Jérusalem serve parfois de métaphore au caractère existentiel de ce conflit.

    En termes clairs, le coeur du conflit a été et demeure en grande partie la réticence de nombreux dirigeants palestiniens et arabes à reconnaître le droit légitime d'Israël d'exister n'importe où au Proche-Orient.

    Les preuves historiques de rejet parlent d'elles-mêmes. En 1947, l'ONU a recommandé que la Palestine soit scindée en deux États, un juif et un palestinien. Les Juifs ont approuvé la résolution des Nations Unies. Les Arabes l'ont rejetée et ont déclaré une guerre qui, de leur propre aveu, visait à étouffer l'État naissant d'Israël.

    À noter qu'à l'époque de ce premier rejet d'un État juif, il n'y avait aucun réfugié arabe palestinien, aucun territoire occupé, aucune colonie. C'est d'ailleurs à cette époque qu'est apparue une tendance vers le double rejet: les Arabes refusent un État palestinien si cela signifie devoir en approuver un juif.

    De 1948 à 1967, la Cisjordanie était occupée par la Jordanie, et Gaza, par l'Égypte, de sorte que seule l'occupation arabe a empêché l'émergence d'un État palestinien au cours de cette période. En juin 1967, toujours en l'absence d'occupation israélienne ou de colonie dans les territoires occupés, l'Égypte, la Syrie et la Jordanie ont livré une guerre à Israël, non pas pour établir un État palestinien, mais, encore une fois, pour supprimer l'État juif.

    Au cours des activités d'autodéfense israéliennes, que l'ONU a reconnues, Israël a pris le contrôle du Sinaï, de la Cisjordanie et de la bande de Gaza. L'offre qu'a faite Israël, immédiatement dans la foulée de la guerre des six jours de 1967, de rendre ces territoires nouvellement saisis en échange d'un traité de paix a suscité le triple «non» de la déclaration arabe de Khartoum: non à la reconnaissance, non à la négociation, non à la paix avec Israël.

    La tendance s'est maintenue pendant le déclenchement d'encore une autre guerre contre Israël le jour du Yom Kippour, jusqu'à ce que le traité de paix entre Israël et l'Égypte en 1979 se solde par le retour du Sinaï et par la paix entre les deux pays, tout comme un traité de paix allait être conclu avec la Jordanie, en 1994.

    En un mot, donc, et c'est la lecture qu'on fait de l'histoire du Proche-Orient, passons rapidement à l'an 2000. Ce n'est pas l'occupation israélienne qui est à l'origine du conflit. C'est plutôt le refus opposé à Israël, même si cela voulait dire le refus d'un État palestinien, qui a mené à l'occupation initiale en 1967 et qui explique qu'Israël occupe toujours moins de 5 p. 100 du territoire qu'il occupait à la suite de la guerre des six jours. En somme, plus de 95 p. 100 du territoire saisi par Israël au cours de ses activités d'autodéfense pendant la guerre de six jours a été retourné dans le cadres de traités de paix avec des pays qui étaient prêts à reconnaître Israël et, au début des négociations à Oslo, qui ont confié à Arafat le pouvoir de diriger plus de 98 p. 100 de la population palestinienne.

    Toutefois, en 2000, au cours des pourparlers à Camp David puis à Taba, Arafat a rejeté une proposition venant de Clinton et des Israéliens qui aurait mis un terme à ce qui restait de l'occupation et aurait établi un État palestinien indépendant en Cisjordanie et à Gaza avec le secteur oriental de Jérusalem comme capitale. Ainsi les Palestiniens auraient obtenu pratiquement tout ce qu'ils demandent, a part le droit de retour qui, comme le leader palestinien Sari Nusseibah l'a dit, aurait signifié un deuxième État palestinien à la place d'Israël.

  +-(2305)  

    Cela aurait obligé Arafat et le monde arabe à finalement accepter la légitimité d'un État juif au Proche-Orient, aux côtés des 22 États arabes de la région. Arafat a non seulement rejeté cette proposition, ce qui n'est pas sans rappeler l'idée selon laquelle les Palestiniens ne ratent jamais une occasion de rater une occasion, mais comme l'universitaire arabe Fouad Ajami l'a expliqué récemment, Arafat a lancé une guerre de terreur au coeur d'Israël, une guerre dont le massacre récent de la Pâque n'était qu'une métaphore concrète.

    Le deuxième principe et le principe existentiel connexe qui sont ressortis comme l'un des fondements de la politique étrangère canadienne, c'est le fait que les Palestiniens sont un peuple ayant des droits et des besoins légitimes, y compris le droit à l'autodétermination et le droit, comme je le maintiens depuis plus de 30 ans, d'avoir un État indépendant, démocratique et protégeant leurs droits au Proche-Orient. Seul un État démocratique palestinien protégera le droit véritable des Palestiniens à l'autodétermination, tout en offrant la meilleure sécurité possible pour Israël.

    Les Israéliens ont reconnu qu'ils sont disposés et prêts à négocier la création d'un État indépendant palestinien. La question fondamentale n'est donc pas de savoir s'il y aura un État indépendant palestinien qu'Israël est prêt à accepter. La question c'est celle de savoir si le monde arabe est prêt à faire de la place pour un État juif unique aux côtés de 23 pays arabes.

    Le troisième principe concerne les résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui ont été adoptées au sujet du règlement du conflit au Proche-Orient, une formule parfois désignée comme l'échange de territoires pour la paix. Ces résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU ont été améliorées et bonifiées lors des processus de Madrid et d'Oslo, y compris l'importance d'un règlement équitable du problème des réfugiés.

    Le quatrième principe préconise de mettre un terme à l'incitation à la haine et à la violence sanctionnée par tout gouvernement arabe ou palestinien. Tout commence par l'enseignement du mépris, la démonisation de l'autre et la culture de l'incitation sanctionnés par le gouvernement. Selon le professeur Ajami:

Le kamikaze à l'origine de l'attentat suicide de la Pâque n'est pas descendu du ciel; il était directement issu de la culture de l'incitation qui a libre cours dans le territoire, une menace qui pèse sur Israël, du refus catégorique des Palestiniens et des Arabes de laisser ce pays exister, de lui céder une place parmi les nations; il participait de la culture qui l'entourait--la jubilation qui salue ces actes de terrorisme brutaux, le culte qui entoure les martyrs et leur famille.

    Le cinquième principe est le danger d'une escalade du sentiment anti-juif dans le monde. C'est une ironie tragique qu'à l'occasion du Jour international de l'Holocauste, alors que les juifs, de concert avec leurs concitoyens, se rappellent le pire génocide du XXe siècle, des spécialistes internationaux de l'Holocauste et du génocide nous mettent en garde à nouveau contre l'anti-sémitisme génocidaire qui refait malheureusement surface. Je parle plus précisément des appels publics lancés par des États et des groupes terroristes pour la destruction d'Israël et le meurtre des juifs, que j'ai relevés ailleurs.

    Le sixième principe est le terrorisme. Il ne peut jamais être justifié de mutiler, d'assassiner et de terroriser des innocents. Il est important de se rappeler et de réaffirmer les principes fondamentaux de la législation et de la politique internationales et canadiennes en matière de lutte contre le terrorisme car ils s'appliquent également au Proche-Orient. Cela comprend le fait que le terrorisme, peu importe sa source et son objectif, ne peut être justifié, comme le premier ministre l'a déclaré; que les réseaux transnationaux de super-terroristes ayant accès à des armes de destruction massive constituent une menace existentielle au droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne; que la capacité d'échapper à tout acte de terreur, de ne pas vivre dans la crainte de la terreur constitue la pierre angulaire de la sécurité humaine. Comme l'a dit notre premier ministre:

Rien dans notre expérience ne peut se comparer à la peur qui est le lot quotidien des Israéliens, à toute heure du jour.

    Les principes comprennent également le fait qu'il n'y a aucune équivalence ou similitude morale entre le terrorisme et la lutte contre le terrorisme, entre des actes délibérés de terreur contre des civils et des actes d'autodéfense contre des terroristes; que le fait d'appuyer et de donner asile à des groupes responsables d'actes terroristes est inacceptable comme le ministre des Affaires étrangères l'a dit; que la lutte contre le terrorisme doit toujours tenir compte des droits de la personne et des normes humanitaires.

    Le septième principe touche les droits de la personne et le droit humanitaire en tant que pierre angulaire de la protection de la sécurité humaine. Si la sécurité humaine était un principe fondamental de la politique étrangère du Canada, l'insécurité humaine est la dimension la plus grave du conflit israélo-palestinien à l'heure actuelle. Nous avons donc besoin d'une culture des droits de la personne au lieu d'une culture de la haine, une culture du respect au lieu d'une culture du mépris. Comme le ministre des Affaires étrangères l'a dit récemment à une réunion de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies à Genève, la sécurité n'est viable que dans un environnement où les droits humains sont protégés, surtout la protection des civils dans le cas de conflits armés.

    Le huitième principe est l'appui à l'indépendance, à la souveraineté et à l'intégrité territoriale du Liban. Conformément aux résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies, le Canada appuie l'élargissement progressif de l'autorité du gouvernement libanais sur tout son territoire et le retrait des forces étrangères du Liban.

    Le neuvième principe est la mise en oeuvre du plan de sécurité Tenet et des recommandations de la Commission Mitchell. Il y a près d'un an, j'ai parlé devant la Chambre d'un cessez-le-feu israélo-palestinien qui ne tenait qu'à un fil et qui menaçait de déboucher sur de la violence, et j'ai déclaré qu'il était plus nécessaire que jamais d'amener les parties à ce conflit à adhérer aux recommandations de la commission. Je le redis aujourd'hui alors que la situation n'a jamais été aussi critique.

  +-(2310)  

    Le plan de sécurité Tenet et les recommandations de la Commission Mitchell ont été judicieusement élaborés pour mettre un terme à l'incitation, au terrorisme et à la violence, et favoriser l'instauration d'un cessez-le-feu, la prise d'initiatives destinées à rétablir la confiance mutuelle et la reprise des négociations devant déboucher sur un règlement politique de ce conflit.

    Le dixième principe concerne les initiatives visant à rétablir la confiance, et implique la participation des parlementaires et des populations en cause. Je tiens à m'associer à l'initiative présentée un peu plus tôt par mon collègue de Cumberland—Colchester, qui a proposé la création d'un forum parlementaire canado-israélo-palestinien pour la paix.

    Le onzième principe vise à mettre un terme au conflit. La résolution 1397 du Conseil de sécurité des Nations Unies défend «la vision d'une région dans laquelle deux États, Israël et la Palestine, vivent côte à côte, à l'intérieur de frontières reconnues et sûres». Pour réunir ces conditions, la culture de l'incitation, de la haine et de la terreur doit cesser, comme l'a réclamé le professeur Ajami.

    En fait, le plan Tenet et les recommandations Mitchell reposent sur ces bases. Pour les faire aboutir, il faut comprendre qu'en acquiesçant aux desiderata de la Palestine nous devons également acquiescer à ceux d'Israël. Autrement, l'histoire ne nous aura rien enseigné et nous n'arriverons jamais à concrétiser la vision d'un avenir de paix pour tous les peuples du Proche-Orient, cette paix que nous souhaitons tous si ardemment.

  +-(2315)  

+-

    M. Svend Robinson (Burnaby--Douglas, NPD): Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de Windsor—St. Clair.

[Français]

    Tout d'abord, j'aimerais remercier l'honorable députée de Mercier d'avoir donné à tous les députés l'opportunité de participer à ce débat très important.

[Traduction]

    Je suis rentré hier d'un voyage au Proche-Orient, plus précisément à Tel Aviv, à Jérusalem et dans les territoires occupés. Pendant les quelques minutes dont je dispose pour intervenir à la Chambre et m'adresser par l'entremise de cette dernière aux Canadiens, je désire partager à la fois ce dont j'ai été témoin ainsi que quelques observations concernant l'avenir de cette tragique partie du monde.

    Une catastrophe humanitaire se déroule devant nos yeux dans les territoires occupés. J'entretiens des craintes à l'égard de l'avenir de la population des territoires occupés, des Palestiniens et de l'avenir d'Israël elle-même.

    Mon collègue de Mont-Royal a parlé de sécurité, d'insécurité et d'autodéfense. Il est très important que nous analysions le contexte ayant mené à la situation actuelle. La misère noire, le désespoir et le sentiment d'impuissance de toute une génération ayant grandi dans les camps de réfugiés en l'absence de tout espoir pour l'avenir, le désespoir et l'angoisse que ressentent aujourd'hui ces personnes et la crainte qui règne dans les villes de l'ensemble des territoires occupés sont le résultat de la brutalité, de la violence et du mépris du droit international dont fait preuve le gouvernement d'Israël dans le cadre de son agression militaire dans les territoires occupés.

    Toute vie humaine innocente doit être protégée. Mes collègues et moi avons dénoncé le plus vigoureusement possible les kamikazes qui terrifient des Israéliens passant une soirée en ville ou célébrant un jour saint. C'est de la terreur, et nous la condamnons. Toutefois, il ne faut pas répondre à la terreur des commandos suicides par la terreur des chars d'assaut, des hélicoptères de combat et des soldats d'Ariel Sharon. C'est ce dont nous sommes témoins, soit le terrorisme d'État dans sa réalité brutale, crue et violente.

    Lorsque je me suis rendu dans le camp de réfugiés de Qalandiya, j'ai parlé avec des personnes victimes de cette terreur. Ce sont de jeunes enseignants qui écoutaient la télévision dans leur foyer à Ramallah et qui ont entendu du bruit à l'étage inférieur ainsi que les échos de coups de feu. Lorsqu'ils ont ouvert la porte, ils ont vu deux de leurs collègues enseignants, de jeunes Palestiniens innocents qui avaient de l'espoir pour l'avenir, tués de sang froid par des soldats israéliens. Pendant qu'ils observaient ce qui se passait en bas et qu'ils criaient, les soldats ont poussé de leurs pieds les corps en bas des marches. Ils sont ensuite montés, ont passé les menottes à ces enseignants, leur ont bandé les yeux, les ont battus à maintes reprises et, au cours de la semaine suivante, ont posé des gestes qui ne peuvent être décrits que comme de la torture, avant de les abandonner enfin au poste de contrôle car, bien sûr, ils étaient tout à fait innocents.

    Dans une société civilisée, une société qui respecte ses obligations en vertu du droit international, et le député de Mont-Royal connaît les obligations inhérentes à la Convention de Genève, c'est un outrage, et la communauté internationale ne peut se contenter de rester en marge et d'observer la situation.

    Nous savons trop bien ce qui se passe à Jénine et dans l'ensemble des territoires occupés à cause de ce violent assaut militaire qui prive de nourriture, d'eau et d'électricité, empêche l'oxygène et les fournitures médicales d'entrer et intercepte les ambulances qui viennent porter secours aux malades et aux blessés. C'est un manque d'humanité que le monde ne peut constater sans réagir.

  +-(2320)  

    La réalité, c'est que les gens dénoncent. Je veux rendre hommage ce soir à ceux qui, en Israël et dans les territoires occupés, m'ont donné de l'espoir. Je parle de Canadiens comme Kevin Neish qui, pour exprimer sa solidarité, se trouve dans un camp de réfugiés à Bethléem, des bénévoles d'Oxfam Québec ou des personnes que j'ai rencontrées à Tel Aviv, des 15 000 Israéliens, la plupart juifs, qui se sont regroupés samedi soir pour manifester contre la guerre de Sharon.

    Les veuves de guerre, qui pour la première fois ont fait entendre leur voix, ont crié «Assez!». Elles ont dit qu'en ces jours sanglants, marqués par la violence et la destruction, lorsque des femmes des deux camps deviennent veuves et que des enfants deviennent orphelins, il faut instamment demander de mettre un terme au cycle du deuil. Le contrôle d'un peuple par un autre peuple mène à des pertes de vie inutiles de part et d'autre et, en plus de mettre des vies en danger, il affecte le tissu moral de la société israélienne. Ces veuves ont parlé de contrôle.

    Il faut que l'occupation illégale prenne fin. Israël doit se retirer des territoires occupés. Les colonies illégales doivent être démantelées. Imaginez ce que doit penser un jeune Palestinien qui constate que ces colonies ont doublé depuis les accords d'Oslo alors que parallèlement des maisons sont détruites.

    À quoi une telle situation peut-elle mener si ce n'est au désespoir et au découragement?

    J'aimerais également rendre hommage à ces braves soldats et réservistes qui ont aussi affirmé que c'était assez. Je parle ici du groupe de Ometz Lesarev. Je parle de Yesh Gvul, de Ometz Lesarev et du courage de refuser. Ces réservistes et un nombre croissant de personnes ont dit qu'ils n'étaient pas prêts à participer aux actes de violence dans les territoires occupés. Je pense à des soldats comme le sergent d'état-major Gil Nemesh, qui a dit:

Ces choses horribles qui se passent dans les territoires ont très peu à voir avec la sécurité d'Israël et la fin de la terreur. Tout cela porte sur les colonies. On peut étrangler, affamer et humilier des millions de personnes pour assurer la sécurité des colonies.

    Cela doit cesser. Le Canada doit se prononcer. J'ai constaté avec honte et consternation que, dans le cadre des travaux de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies à Genève, le Canada a été presque le seul de tous les membres, avec le Guatemala, à s'opposer à l'envoi d'une mission d'observation des droits de la personne dans cette région. C'est une vraie honte pour le gouvernement du Canada.

    Qu'est-ce que le Canada devrait faire? Le Canada devrait exiger la mise sur pied d'une force de protection internationale comme l'a si éloquemment demandé le chef de mon parti. C'est un domaine dans lequel le Canada pourrait faire preuve d'un réel leadership, en exigeant la création d'une telle force au lieu de se contenter d'attendre.

    Nous ne serions pas seuls. En effet, des membres de la Knesset, Yossi Sarid, le chef de l'opposition de Meretz et d'autres l'ont aussi exigé, tout comme les Jordaniens et les Suédois. Qu'attend le Canada pour intervenir à l'appui de la création d'une force internationale de protection?

    Comme je l'ai déjà dit, une telle force de protection doit exister. Israël doit se retirer immédiatement. On doit mettre sur pied un programme d'aide humanitaire d'urgence. Si la situation se détériore, nous devrons étudier la possibilité de réévaluer nos relations avec Israël, sur les plans à la fois économique et diplomatique.

    Je sais que je n'ai pas beaucoup de temps. J'aimerais conclure en disant que les Canadiens dénoncent évidemment tout acte de racisme et de violence, tel l'attentat contre la synagogue de Saskatoon, par exemple.

  +-(2325)  

    On m'a accusé de prendre parti dans ce conflit tragique. Je tiens à dire que c'est vrai et à plaider coupable. Il est vrai que j'ai pris un parti. J'ai pris le parti de la vie contre la mort. J'ai pris le parti de la paix contre la guerre. J'ai pris le parti de l'opprimé contre l'oppresseur. J'ai pris le parti de la justice contre la déshumanisation et la tyrannie.

    La paix et la justice doivent pouvoir exister pour les Palestiniens et les Israéliens. La violence et l'occupation doivent cesser. Le monde ne peut pas continuer de fermer les yeux sur toute cette tragédie.

+-

    M. Joe Comartin (Windsor--St. Clair, NPD): Monsieur le Président, je remercie la députée de Mercier d'avoir proposé cette motion, et le Président d'avoir décidé de nous permettre de tenir ce débat d'urgence ce soir.

    Comme il se fait tard, je trouve qu'il vaut la peine de signaler le ton mesuré que l'on observe ce soir, par opposition à un certain nombre d'autres occasions à la Chambre et ailleurs au Canada, sur lequel se sont exprimés tous les députés, à de très rares exceptions près, et tous les partis. Je félicite les députés de l'approche qu'ils ont adoptée à l'égard du débat, car il est tellement urgent et aussi tellement important de nous exprimer dans ces termes mesurés.

    Avant de passer à certains points que je désire aborder à propos du Proche-Orient et plus spécialement de la Palestine, je voudrais faire quelques observations à propos du discours démocratique au Canada. Je n'ai pu m'empêcher de ressentir la douleur de Michelle Landsberg. Dans l'article qu'elle a publié le week-end dernier dans le Star de Toronto, elle exprimait les sentiments d'une femme qui est issue de la communauté juive mais qui s'est opposée régulièrement aux positions adoptées par le gouvernement israélien et qui a également et très énergiquement pris des positions contre l'administration palestinienne et certains des autres gouvernements arabes au proche-Orient. Elle parlait également de la discrimination pure et simple et des attaques auxquelles elle a parfois dû faire face.

    Cela forme un petit microcosme de ce qui se passe au Canada. J'ai vu cela arriver ces dernières semaines à ceux d'entre nous qui ont dénoncé la violence des deux côtés et qui se sont fait attaquer par le côté adverse. C'est inacceptable au Canada.

    Par conséquent, j'essaie de m'adresser ce soir aux communautés juive et arabe au Canada pour leur dire de tâcher de parvenir à ce qu'il y a de mieux au Canada en fait de discours démocratique. Ces deux communautés ont le devoir au Canada de donner l'exemple mais aussi d'établir un contact dans un esprit de coopération avec l'autre communauté pour tâcher de faire comprendre au Proche-Orient, à la Palestine et à Israël que la violence est inacceptable. Ce n'est pas acceptable au Canada, où nous la condamnons à chaque occasion que nous avons de le faire. Il faut, de même, condamner la violence en Israël et en Palestine. Il ne s'agit pas d'une méthode pour résoudre les conflits.

    Le rôle à jouer par le Canada est assez simple. Nous devons dire à Israël, comme nous l'avons fait d'ailleurs, que nous ferons tout ce que nous pouvons pour garantir son existence. De même, nous devons dire aux Palestiniens qu'ils ont droit à leur territoire, à leur pays souverain, et que nous ferons tout ce qui est nécessaire pour qu'ils atteignent leur objectif.

    Les Nations Unies et le monde ont promis cela aux deux peuples en 1948. Plus de 50 ans se sont écoulés depuis et cette promesse n'a toujours pas été remplie. Plus tôt aujourd'hui, j'ai imprimé à partir d'Internet une chronologie de l'histoire de la Palestine depuis la proclamation de 1948 des Nations Unies. Cette chronologie se prolonge sur des pages et des pages.

  +-(2330)  

    Ce qui m'a frappé en analysant plus en détail cette histoire, c'est que bien des tentatives ont été faites dans cette région du monde pour amener la paix. Il semble que toutes les fois que la paix était imminente un événement venait faire dérailler le processus.

    Anouar el Sadate a tendu la main à Menahem Begin, lui disant : « Nous allons faire un pas en avant. Nous allons essayer de régler une partie de nos problèmes. » Peu de temps après, Anouar el Sadate a été assassiné par un compatriote.

    Itzhak Rabin a dirigé ce qui ne peut être décrit comme un mouvement pacifiste au sein de son propre gouvernement et a fait des progrès très significatifs vers le règlement d'un certain nombre de questions clés. Quelques mois plus tard, durant un rassemblement pour la paix, il a été assassiné par un compatriote.

    Nous pourrions citer ces deux exemples pour dire qu'il n'y a pas d'espoir, que chaque fois que la paix se profile à l'horizon un assassinat ou quelque autre événement violent vient tout compromettre. Toutefois, quand on s'examine l'histoire des 54 dernières années, force est d'admettre que des progrès ont été réalisés.

    Je me souviens de l'époque où j'ai terminé mes études en droit. L'OLP semblait alors un groupe sans importance sur la scène mondiale, qui luttait pour obtenir son propre territoire. Quelque vingt ans plus tard, on constate qu'il se trouvait déjà sur son territoire. Des mesures importantes ont été prises depuis les premiers affrontements en 1948. Il serait pessimiste et cynique de renoncer à tout espoir.

    Le Canada a un rôle à jouer dès maintenant, cette semaine, ce mois-ci. Nous devons déclarer que nous ferons tout en notre pouvoir pour entretenir cet espoir, pour que le processus se poursuive, pour que la sécurité promise, et même assurée je crois, devienne enfin réalité, en accordant tout notre appui à Israël et aux Palestiniens afin qu'ils puissent vivre enfin dans des lieux sûrs et en paix.

    Je tiens à réitérer l'importance des mesures que nous devons prendre. Des efforts massifs de reconstruction seront nécessaires. Nous devrons fournir toutes les ressources que nous pourrons, en tant que pays, pour faciliter les négociations qui devront avoir lieu.

    J'ajouterai en terminant que nous devrons dire à Israël: «Vous avez tort. Nous vous appuyons, mais vous avez tort. Retirez-vous des territoires occupés.» De même, nous devrons affirmer fermement que nous condamnons le recours aux attentats-suicides.

    Nous avons un rôle à jouer. Vu que nous excellons dans ce rôle, nous pouvons continuer d'entretenir un certain espoir pour cette région si agitée de notre planète.

  +-(2335)  

+-

    L'hon. Elinor Caplan (ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'intervenir dans cet important débat et je suis fière de faire partie d'un gouvernement qui s'efforce d'aider à désamorcer une des situations les plus dangereuses auxquelles le monde fait face depuis de nombreuses années. Nous, les Canadiens, nous condamnons les terribles et lâches bombardements d'innocents. Même si nous appuyons le droit d'Israël de se défendre, à l'instar de nos voisins américains, nous exhortons Israël à se retirer des villes palestiniennes.

    Il ne faut pas se tromper. Le Canada est un ami d'Israël. Le Canada a été l'un des premiers pays à reconnaître l'État d'Israël en 1948. Nous avons fermement appuyé son droit légitime d'exister à l'intérieur de frontières sûres, tout comme nous avons appuyé les aspirations des Palestiniens à un État viable, sûr et démocratique.

    L'amitié suppose qu'on puisse se parler franchement. Notre ministre des Affaires étrangères a justement fait cela et je l'en félicite. Un franc-parler, voilà ce qu'attendent de vrais amis.

    Tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Chambre, certains voudraient que le Canada adopte une position plus catégorique, favorisant soit un côté ou l'autre. Les meneurs de ban sont inutiles. Le Canada est un acteur sur la scène internationale. Nous ne devrions jamais nous contenter d'être des meneurs de ban, surtout pas dans des situations qui renferment tant d'horreur, de violence et de désespoir. Ce n'est pas du tout dans les habitudes des Canadiens. Pas plus d'ailleurs que les attaques à la bombe incendiaire contre des synagogues ou la dégradation de mosquées. La répétition de tels actes partout dans le monde et malheureusement même ici, au Canada, traduit la haine et la peur. De toute évidence, il est regrettable qu'on n'ait pas su tirer les leçons de l'histoire.

    Certains utiliseraient les événements qui se passent au Proche-Orient pour répandre la haine et la peur au Canada. Nous ne devons pas laisser ceux qui portent la haine dans leur coeur atteindre leurs fins. Nous croyons que c'est seulement à la table de négociation qu'il est possible de se libérer de la terreur. La paix ne pourra jamais jaillir d'une bombe tuyau ou d'un fusil.

    Toutes les positions et initiatives que le Canada a adoptées visaient à contribuer à la paix. Depuis de nombreuses années, le Canada a privilégié une approche équilibrée à l'égard du Proche-Orient. Voilà pourquoi nous avons contribué à faire retirer aux Nations Unies l'infâme résolution selon laquelle le sionisme est synonyme de racisme. Voilà pourquoi nous avons dénoncé ceux qui ont tenté de déshonorer l'histoire et de salir Israël lors de la conférence récente de Durban. Voilà pourquoi le premier ministre Sharon, le ministre des Affaires étrangères, M. Peres, et le président Katzav ont à maintes reprises remercié le Canada de son appui.

    Même à l'heure actuelle, la délégation du Canada au congrès sur les droits de l'homme des Nations Unies qui se tient présentement à Genève s'efforce de faire en sorte qu'Israël ne soit pas indûment isolé sur la scène internationale.

    Le Canada a toujours essayé d'être utile au Proche-Orient. Le Canada est un petit pays, mais les Canadiens jouent un rôle important à titre de soldats chargés de maintenir et de rétablir la paix. Nous sommes respectés dans le monde entier. On nous demande très souvent de faire office d'intermédiaires ou de facilitateurs.

    Personnellement, je sais que, à l'instar de nombreux Canadiens, je m'inquiète pour la sécurité d'amis et de parents. Je puis donner aux électeurs de la circonscription de Thornhill l'assurance que leurs préoccupations et leurs espoirs sont bien compris, exprimés et entendus.

    Je pense, comme les Canadiens, que les gens ont le droit de vivre dans un climat de paix et de sécurité et qu'ils ne devraient jamais avoir à vivre avec la menace du terrorisme. Voilà les principes qui doivent nous inspirer dans les jours difficiles qui s'annoncent.

  +-(2340)  

[Français]

+-

    M. Yvon Charbonneau (Anjou--Rivière-des-Prairies, Lib.): Monsieur le Président, il y a 52 ans exactement, le 9 avril 1948, a eu lieu le massacre de Deir Yassin. Pendant toute cette journée du 9 avril 1948, les soldats juifs ont assassiné de façon froide et préméditée un grand nombre de Palestiniens.

    Je cite l'auteur israélien, Simha Flapan, dans l'ouvrage The Birth of Israel:

[Traduction]

    Il disait ceci à propos des assaillants:

[...] ils ont aligné les hommes, les femmes et les enfants contre le mur et les ont fusillés [...] la nature impitoyable de l'attaque contre Deir Yassin a choqué l'opinion juive et celle du monde entier, en plus de susciter la crainte et la panique dans la population arabe et d'amener partout au pays des civils non armés à fuir leur domicile.

[Français]

    Ce massacre de Deir Yassin, tout comme des dizaines d'autres semblables survenus pendant la soi-disant guerre de l'Indépendance d'Israël à Lydda, à Ramleh, à Ad Dawayima, à Qibya, à Kafr Kassem, toutes les expulsions, les destructions d'habitations, les arrestations sommaires, les actes de torture et de mutilation, toutes ces violences qui ont été commises il y a plus d'un demi-siècle contre les Palestiniens par les fondateurs d'Israël ont-elles donné la paix et la sécurité à Israël? Non.

    Tous les territoires qu'a confisqués et a occupés Israël depuis 1967, toutes les colonies de peuplement qui ont été implantées dans les territoires occupées depuis 30 ans en toute violation du droit international, l'invasion du Liban par Israël en 1982, entraînant la mort de dizaines de milliers de victimes innocentes et des dommages de plusieurs milliards de dollars, les massacres de Sabra et Shatila, sous la responsabilité de Sharon, toutes ces actions de force illégales et criminelles ont-elles apporté la paix et la sécurité à Israël? La réponse est non.

    Et nous pouvons être assurés que la campagne de terreur actuellement en cours de la part d'Israël dans des dizaines de villes palestiniennes ne lui apportera non plus ni la paix ni la sécurité. Au contraire, Sharon et son armée sont en train de semer chez leurs victimes une haine et une détermination bien plus grandes encore.

    En envoyant paître le Conseil de sécurité de l'ONU, le gouvernement américain, l'Union européenne, le Vatican, bref en défiant le monde entier, Sharon et ses semblables font d'Israël ce qu'on appelle en anglais «a rogue state», un État rebelle, un État qui ne respecte ni ses ennemis, ni ses amis, un État qui attache sa survie à l'exercice de sa force brutale, rien d'autre.

    Cette stratégie ne mène nulle part et elle tournera contre ses auteurs et ses supporters au Moyen-Orient et un peu partout dans le monde, malheureusement. Tant qu'Israël ne se retirera pas des territoires occupés depuis 1967, tant qu'Israël ne reconnaîtra pas le droit de retour aux Palestiniens exilés dans des camps par centaines de milliers, tant que la question de Jérusalem, la question des colonies de peuplement, la question de l'eau, et j'en passe, n'auront pas été réglées de façon équitable par voie de négociation, il n'y aura pas de sécurité pour Israël ni de paix dans la région, malheureusement.

    Ceux qui cherchent la cause des actes de désespoir et de violence commis par certains Palestiniens, je les incite à regarder de près cette réalité insupportable de l'occupation qui dure depuis des décennies dans toute son horreur et dans toute sa terreur quotidienne.

    Nous pouvons et nous devons condamner les actes de violence qui font des victimes civiles innocentes, mais nous devons le faire pour les deux camps: pour les kamikazes palestiniens, mais aussi pour les Forces armées israéliennes et les colons israéliens qui massacrent aussi des civils palestiniens.

    Mais nous devons aussi et surtout prendre les moyens de résoudre politiquement les problèmes qui en sont la cause au lieu de les aggraver et de les multiplier.

[Traduction]

    Le 3 février, le président Arafat a exposé sa vision de la paix dans le New York Times. Permettez-moi de le citer:

D'abord, je serai clair. Je condamne les attentats exécutés par des groupes terroristes contre des civils israéliens. Ces groupes ne représentent pas le peuple palestinien ni ses aspirations légitimes à la liberté. Ce sont des organisations terroristes. Je suis résolu à mettre une terme à leurs activités. Aucun degré d'oppression ou de désespoir ne peut justifier le massacre de civils innocents.

  +-(2345)  

[Français]

    En réponse à ces dénonciations et engagements d'Arafat, qu'a fait Israël? Israël a isolé Arafat, l'a coupé de tous ses moyens, l'a humilié et emprisonné à Ramallah. Israël a fait fi des propositions de paix mises de l'avant par les Saoudiens et adoptées par le Sommet arabe de Beyrouth. Sharon a défié l'humanité entière, a tiré sur les ambulances, sur les églises, sur les mosquées, au point de laisser croire qu'il est à la recherche d'une espèce de solution finale à la question palestinienne.

    Même Shimon Peres a qualifié de massacre les opérations de l'armée israélienne dans le camp de Jénine, selon ce qui est rapporté dans le Jerusalem Post d'aujourd'hui. Même le très cher ami et allié d'Israël, le président Bush, a dit: «Enough is enough.»

    La position officielle canadienne est claire: la violence doit cesser entre les parties; Israël doit se retirer des territoires occupés. Nous appuyons les résolutions 1397 et 1402 de l'ONU, le plan Tenet et le rapport Mitchell. Nous nous objectons aux actions unilatérales, comme les colonies de peuplement, pouvant nuire aux négociations futures. Nous devons à mon avis envisager, comme mesures supplémentaires, le rappel de notre ambassadeur en Israël pour consultations et la suspension ou la réduction de nos rapports économiques et de libre-échange avec Israël.

    Nous devons envisager aussi la participation à une mission internationale chargée d'obtenir un cessez-le-feu immédiat, d'établir les dommages encourus par les parties et de relancer les négociations. Nous devons envisager le renforcement de nos programmes d'assistance humanitaire aux victimes de cette barbarie.

    En terminant, et tout en nous rappelant que cette journée qui se termine dans quelques minutes est dédiée au souvenir de l'Holocauste, je voudrais m'associer à tous mes collègues qui, dans le cours de ce débat, ont dénoncé les actes récents d'antisémitisme au Canada ou ailleurs. Quant à moi, ce n'est pas en s'en prenant aux cimetières juifs, à des synagogues ou à des personnes d'origine juive que nous ferons progresser le débat, tout au contraire.

    En contrepartie, j'inviterais nos amis d'origine ou de religion juive à prendre un peu de distance face à la stratégie actuelle du gouvernement Sharon, marqué au coin de la force brutale et du fait accompli.

    Comme Canadiens, quelle que soit notre sensibilité politique, notre origine ou notre religion, il y a une chose plus importante que de prendre parti pour les Israéliens ou pour les Palestiniens, c'est de prendre le parti de la paix, d'une paix juste résultant d'un compromis honorable entre les parties. C'est d'oser prendre les moyens concrets pour que surgisse une solution négociée, avec l'appui de nos partenaires de la communauté internationale, une solution assurant la reconnaissance dans la sécurité des États palestinien et israélien, et ce, avant que la situation ne dégénère en un conflit à l'échelle internationale, aux conséquences imprévisibles.

[Traduction]

+-

    M. James Lunney (Nanaimo--Alberni, Alliance canadienne): Monsieur le Président, ce fut une soirée intéressante, car tous les députés de la Chambre sont intervenus pour parler des événements très graves et tragiques qui se produisent au Proche-Orient et autour de Jérusalem, la Ville sainte, que chérissent trois des plus importantes religions au monde.

    Comme j'interviens plutôt tard, je pense que nous avons déjà entendu tout ce qu'il y avait à dire. Je vois le ministre qui est d'accord avec moi. Je dois lui rendre hommage pour être resté pendant toute la durée de ce long débat.

    Nous avons discuté ce soir des terribles événements qui se produisent: le conflit et le bain de sang, les bombes, les roquettes, les balles et les chars. Ce ne sont pas des choses plaisantes à décrire, et ce sont certainement des choses horribles à vivre.

    Nous avons entendu des députés relater l'histoire du Proche-Orient à compter de 1948. Nous avons entendu des députés parler de la guerre en 1948. Lorsque Israël a fait sa déclaration d'indépendance, il a été attaqué simultanément par au moins trois pays voisins. Nous avons entendu parler de la guerre en 1956, et encore une fois en 1967, soit de la guerre des Six jours. Nous avons entendu parler de 1973, lorsque Israël a été attaqué le jour du Yom Kippour, le jour le plus saint de l'année, le jour du grand pardon, lorsque les Israéliens sont chez eux, que les autobus ne roulent pas et que les moyens de transports sont arrêtés. C'est le jour où les Israéliens songent à leur relation éternelle avec Dieu et à l'année à venir.

    Nous avons entendu parler de la guerre en 1982, lorsque le Sud-Liban a été envahi. Je n'en ai pas entendu parler ce soir, mais elle remonte peut-être encore plus loin, soit à 1917, avec la déclaration de lord Balfour, qui a parlé d'une patrie pour les juifs. Un miracle s'est produit plus tard en 1948, lorsqu'un peuple, une nation qui avait été privée de son propre territoire depuis des siècles, voire un millénaire, a refait surface.

    Ce soir, nous avons entendu parler d'histoires d'horreur, de kamikazes, de gens désespérés et d'une ravissante jeune Palestinienne qui s'est attachée une bombe à la ceinture pour faire sauter des gens. Il est peut-être impossible de comprendre comment une personne peut être amenée à commettre une telle atrocité contre sa propre personne et contre autrui. Nous avons entendu décrire la tragédie qui s'est produite à Netanya. Pendant que des gens célébraient la Pâque, le jour où les juifs se réunissent pour fêter leur délivrance du joug de l'Égypte, comme nous l'avons lu dans la Bible, un kamikaze les a fait sauter. De telles horreurs dépassent l'entendement.

    Je n'en ai pas entendu parler ce soir, mais j'ai été choqué d'entendre aux informations récemment que, lors de la Pâque, certains, animés d'une haine viscérale pour Israël, avaient encore une fois voulu reproduire le meurtre rituel de Damas. Certains députés de confession juive ont expliqué ce soir qu'ils se réunissaient dans leur foyer avec les leurs, lors de la Pâque, pour se souvenir de certains événements et célébrer la saison nouvelle. Je trouve scandaleux que d'autres disent de cette fête qu'elle donne l'occasion aux Juifs de tuer des enfants chrétiens ou musulmans pour en boire le sang. Il est scandaleux de découvrir que cette rumeur court toujours, comme on l'a vu récemment dans la presse, répandue par des personnes ayant préféré se faire des ennemis et refusant de se calmer. Pareille haine dépasse l'entendement.

    On a fait référence aux nombreux dirigeants impliqués dans ce conflit qui dure depuis tant d'années, et notamment à M. Sharon, le premier ministre. Un député a qualifié M. Sharon d'expansionniste du fait de ses incursions datant de 1982 et des événements actuels dans les territoires.

  +-(2350)  

    On a parlé de la lutte contre le terrorisme à laquelle le monde entier a pris part après les événements atroces survenus le 11 septembre, qui ont choqué en tout cas tous les Canadiens, et sans doute le monde entier. On ne peut qu'imaginer l'état d'esprit dans lequel se sont trouvés les individus qui se sont emparés des commandes d'un avion pour le projeter contre une tour occupée par des milliers de personnes, faisant des milliers de victimes, dont eux-mêmes.

    Tandis que les État-Unis se mobilisaient pour faire la guerre au terrorisme, le Canada a réagi aux événements du 11 septembre en se montrant solidaire de ses voisins américains et de ses collègues britanniques dans cette lutte menée contre le terrorisme à l'échelle internationale, pour y mettre un terme une fois pour toutes. Depuis les événements du 11 septembre et la mobilisation à laquelle ils ont donné lieu, la guerre faite au terrorisme persiste tandis que l'on pourchasse les derniers combattants d'al-Qaïda et que l'on envisage même de mener des actions contre l'Irak et Saddam Hussein. Pourtant, quand Israël réagit au terrorisme et aux attaques de kamikazes dont elle est victime, on s'attend à ce que cet État le fasse en l'espace de quelques jours seulement pour se retirer aussitôt après. Certains députés ont parlé de deux poids, deux mesures, mais nous sommes tous d'accord pour dire que la situation est insupportable.

    Je ne crois pas qu'il existe de solutions faciles. Une des solutions avancées aujourd'hui est que le Canada devrait exhorter les parties de cesser de se battre, qu'Israël devrait se retirer et que les Palestiniens devraient cesser de faire exploser des bombes. J'ai aussi entendu des députés laisser entendre qu'on nous porte un tel respect sur la scène internationale qu'il suffirait d'une visite de notre premier ministre pour faire cesser les batailles. C'est bien de penser que de telles solutions pourraient fonctionner, mais je ne crois pas que la solution soit aussi simple. Ce conflit d'une extrême complexité sévit depuis longtemps.

    On a mentionné Oslo, M. Rabin et M. Arafat. On a parlé des 200 000 colons depuis le début du processus d'Oslo. Un député a laissé entendre que la solution résiderait dans une force de sécurité multinationale qui aurait comme mission d'aller sur place séparer les parties. Un autre député a indiqué que la solution serait de déclarer Jérusalem ville internationale. Le député de Burnaby a relaté son expérience récente à Ramallah où il a essayé de s'interposer entre les belligérants, pensant quelque peu naïvement que cela pourrait déclencher une résolution du conflit.

    J'aimerais faire part aux députés de certaines expériences que j'ai eues au cours des 20 dernières années. Près de 20 années se sont écoulées depuis mon premier voyage en Israël et au Proche-Orient. J'ai eu le privilège de me rendre plusieurs fois en Terre sainte, en Égypte et en ce que nous appelons aujourd'hui Israël. J'ai traversé la Jordanie jusqu'au Liban. Un jour, j'ai traversé ce que certains appellent la région perturbée actuelle dans une voiture israélienne louée. J'ai traversé Jénine en passant par Naplouse et Ramallah et me suis rendu de la Galilée jusqu'à Jérusalem. J'étais heureux de vivre cette expérience dans les années 1980. Ces endroits étaient sous contrôle israélien à l'époque, mais en tant que touriste, je pouvais circuler en sécurité dans ces villes dans une voiture louée.

    J'ai emmené de nombreux groupes de voyageurs à Bethléem. J'ai guidé beaucoup de touristes au Proche-Orient avant de devenir député, à l'époque où je vivais ici, en Ontario, avant de m'installer sur la côte ouest. À ce moment de ma carrière, j'avais le temps d'emmener des touristes en Israël et au Proche-Orient. Nous allions régulièrement à Bethléem. Les boutiques étaient achalandées et les gens avaient un emploi. Les commerçants essayaient constamment d'attirer notre groupe dans leurs magasins, ils étaient prospères et conduisaient des Mercedes. Les employés des hôtels quatre ou cinq étoiles où nous descendions étaient pour la plupart des Arabes des environs de Jérusalem, ou de ce qu'on appellerait aujourd'hui la Cisjordanie ou la Judée.

  +-(2355)  

    C'était tout à fait possible d'aller à Bethléem et il n'y avait aucun danger. Près de l'église de la Nativité, dans la place de la Crèche, où sifflent aujourd'hui les balles, les autobus se remplissaient et se vidaient. Les excursionnistes entraient par une porte très basse dans cette magnifique église qui compte probablement parmi les plus anciennes au monde. Elle a survécu à l'époque de Suleyman le magnifique et à la conquête de Jérusalem par les musulmans. Ceux-ci l'ont épargnée. Fait intéressant, ils ont trouvé des portraits des Mages sur la façade de l'église et c'est pour cela qu'il ne l'ont pas détruite comme beaucoup d'autres l'ont été à ce moment-là de l'Histoire. Ce coin de terre a une longue histoire.

    Je viens de l'île de Vancouver, et l'État dont nous parlons ici est plus petit que l'île où je vis. Il est difficile d'imaginer qu'on puisse se faire bombarder, tirer dessus ou lancer des roquettes par des ennemis qui vivent si près de soi. C'est facile de proposer à Ottawa, Toronto ou Vancouver que l'on sépare ces gens quand on n'est pas conscient de l'extrême proximité dans lesquelles ils vivent, des courtes distances dont il est question et des défis que pose la géographie.

    La question du Proche-Orient est très complexe. Je peux décrire aux députés une expérience que j'ai vécue en 1990 lors d'une visite à un pasteur arabe que j'avais rencontré en Amérique du Nord. Cet homme m'avait invité à rencontrer sa communauté un dimanche soir. C'était en 1990, au cours de la première intifada. Alors que je faisais la connaissance de la communauté, un groupe de 25 à 30 jeunes gens, trois hommes portant des cagoules sont entrés. L'un d'eux portait une branche d'olivier, un autre le drapeau de l'OLP interdit à l'époque et le troisième, la photo d'un homme du village qui avait été tué lors d'une altercation avec les forces israéliennes plus tôt cette semaine-là.

    Ces hommes sont arrivés pendant la cérémonie religieuse alors que je parlais et que le pasteur traduisait en arabe. Ils ont placé leur offrande devant la chaire, se sont retournés, sont restés là un moment, puis sont sortis. J'ai attendu et personne n'a rien dit, alors j'ai continué mes commentaires. Après, j'ai demandé ce que cela signifiait. En fait, si les forces israéliennes étaient entrées dans l'église à ce moment-là et avaient vu ces emblèmes, elles auraient cru à une réunion de l'OLP. Comme les soldats n'auraient pu savoir ce qui se passait, ils auraient pu fermer l'église en permanence. D'autre part, si le pasteur avait enlevé ces emblèmes, n'importe qui dans l'église aurait pu être un informateur et le pasteur aurait pu se retrouver plus tard la gorge tranchée. Je dois dire que c'est le genre de difficulté et de pression auxquelles sont soumis nos amis et nos frères arables dans cet âpre conflit.

    À une autre occasion, en 1996, je suis allé à Jérusalem. C'était à l'époque où il y avait des attaques à la bombe dans les autobus. Une des cibles de prédilection était l'autobus no 18 à Jérusalem. En hébreu, le nom des chiffres a également une autre signification. En effet, en hébreu, le chiffre 18 se dit Chai qui correspond également au mot vie. Les terroristes aimaient cibler l'autobus no 18 pour montrer ce qu'à leur avis devait être la vie des Israéliens dans ces conditions.

    À cette époque, j'ai pu communiquer avec une enseignante que j'avais rencontrée à maintes reprises. Elle était très troublée parce que l'un de ses élèves avec perdu des membres de sa famille lors du bombardement de cet autocar. J'essayais de planifier une rencontre avec elle et son mari, mais elle était tellement bouleversée qu'elle n'était pas sûre qu'ils pourraient s'y rendre. Un jour ou deux plus tard, elle m'a cependant invité à m'adresser à ses élèves, ce que j'ai fait peu de temps après le bombardement. Je ne savais pas ce que je pourrais dire, en tant que Canadien, pour apporter la paix à ces gens, sinon qu'il fallait que les deux parties changent d'attitude en profondeur car il s'agissait d'un conflit d'ordre spirituel.

    Nous avons entendu divers propos ce soir. Je ne crois pas que la plupart des musulmans soient des terroristes et j'espère que nos amis et voisins le comprennent. Après les événements du 11 septembre, bien des membres de la communauté musulmane ont exprimé leur indignation et leur consternation devant ces actes commis par des gens de la même foi qu'eux. Je ne crois pas que la plupart des musulmans soient des terroristes. Je ne crois pas non plus que la plupart des Israéliens veuillent tuer les Arabes. Je crois que la plupart des gens souhaitent vraiment la paix.

  +-(0000)  

    J'ai entendu ce soir un de mes collègues décrire les stations du chemin de croix à Jérusalem, des stations que j'ai visitées le long de la via Dolorosa à plusieurs reprises avec mes groupes de touristes en passant par le souk ou marché arabe. J'ai également visité le souk arabe à Hebron.

    Je vais partager un oracle avec les députés car on trouve parfois un bon conseil dans les anciennes écritures. Ce texte est de l'ancien prophète Zacharie. Il a été écrit environ 500 ans avant Jésus-Christ. Il dit ceci:

Oracle. Parole de Yahvé sur Israël.—Oracle de Yahvé, qui a tendu les cieux, fondé la terre et formé le souffle de l'homme en son sein. Voici que je vais faire de Jérusalem une coupe enivrante pour tous les peuples d'alentour et en Juda il y aura des travaux d'investissement contre Jérusalem. En ce jour-là, je ferai de Jérusalem une pierre à soulever pour tous les peuples; tous ceux qui voudront la soulever se blesseront grièvement. Et toutes les nations de la terre se rassembleront contre elle.

    Voilà un texte sacré qui donne à réfléchir. Il n'y a pas de solutions faciles au conflit, mais nous pourrions conseiller à toutes les nations d'aborder le problème soigneusement et délicatement. Nous pourrions réfléchir à un ancien texte sacré de la Genèse, chapitre 12, verset 3, qui dit:

Je bénirai ceux qui te béniront, je réprouverai ceux qui te maudiront.

    Il y a un autre texte sacré que j'aime me rappeler. Le Psaume 122 dit: «Demandez la paix de Jérusalem. Que ceux qui t'aiment jouissent du repos.»

    La bataille ne sera pas facilement résolue par des moyens naturels ou par la politique. Il s'agit d'une bataille spirituelle. Il s'agit d'un conflit. Il faudra voir une conversion des coeurs. Seule une conversion des coeurs permettra aux gens de faire abstraction de la haine et de communiquer de nouveau pour trouver un espoir de paix.

    Tous les députés feraient bien de suivre le conseil des textes sacrés dans leurs considérations politiques. J'ai entendu d'autres députés dire ce soir que nous devrions prier pour MM. Sharon et Arafat. Nous devrions prier pour tous ceux qui sont pris dans ce conflit. Nous devrions demander la paix de Jérusalem.

  +-(0005)  

+-

    Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest--Mississauga, Lib.): Monsieur le Président, c'est peut-être surprenant, mais en neuf ans c'est la première fois que je participe à un débat. Je n'étais pas convaincue de devoir prendre la parole.

    Je commencerai par dire que je suis fière que notre ministre des Affaires étrangères ait pris fermement position. Il a exprimé tout le dégoût et le mépris que nous avons pour ceux qui envoient de jeunes Palestiniens à leur mort en en faisant des bombes humaines tuant d'innocents Israéliens. Je suis également fière qu'il ait fermement demandé à M. Sharon de retirer ses troupes qui occupent illégalement les territoires palestiniens et de décréter sur-le-champ un cessez-le-feu.

    Tout le monde a commencé en parlant d'histoire. Je suis une Canadienne comme les autres. Je n'étais pas très âgée lorsqu'est sorti un film intitulé Jugement à Nuremberg. Ce film a été une révélation pour moi.

    Quand nous entendons parler de violations des droits de la personne, notre première réaction est d'éprouver une grande pitié pour les victimes. Puis vient la colère contre ceux qui ont perpétré les crimes. Mais à la fin, c'est de la honte que nous ressentons. Nous avons honte de faire partie de la même espèce que les auteurs de ces actes ignobles.

    Pas une seule personne au monde, pas une seule race, pas une seule religion n'est entièrement bonne ni mauvaise. Lorsque nous essayons de blâmer un camp plus que l'autre, nous faisons fausse route. Les Israéliens, les Palestiniens, les Canadiens, les chrétiens, les juifs et les musulmans sont tous pareils. Aucun de nous n'a le monopole du bien. Ni celui du mal.

    Mon expérience de la Palestine remonte à l'élection de l'Autorité palestinienne. Pendant 15 jours, nous nous sommes promenés avec les Palestiniens à Gaza. Il n'y avait aucune infrastructure. Les rues n'étaient pas éclairées. Il n'y avait pas de système d'égout adéquat. Il manquait d'eau potable. Les habitants vivaient dans des bâtiments de ciment qui ressemblaient à des bâtiments de l'armée.

    À 11 heures du soir, à la lueur de la lune, nous nous promenions seuls avec ces gens. Ils n'avaient aucune méfiance. Ils étaient consternés par la disparition du premier ministre Rabin. Ils avaient mis en lui beaucoup de foi et d'espoir pour l'avenir d'une Palestine indépendante. Le choix que leur donnait l'élection leur inspirait du cynisme. À tout prendre, il y avait cependant un certain optimisme. M. Arafat a été élu. Quels que soient les chiffres, je ne suis pas sûre qu'il ait été élu avec un grand enthousiasme, car il avait lui-même violé les droits fondamentaux de son peuple.

    Nous avons visité des centres de santé mentale qui recevaient de l'aide du Canada. Les médecins nous ont expliqué que, si des Palestiniens soupçonnés de terrorisme étaient arrêtés, incarcérés dans des prisons israéliennes et maltraités ou torturés, ils en sortaient toujours avec un sentiment de fierté. Ils avaient l'impression d'avoir servi une cause. Cependant, lorsque Arafat a arrêté des gens de son peuple sur de simples soupçons et les a fait exécuter sans procès, il n'y avait aucune fierté. Ceux qui ont été arrêtés ne comprenaient pas que les leurs puissent agir de la sorte.

  +-(0010)  

    Lorsque nous avons quitté la Palestine, j'ai senti que les Palestiniens croyaient en notre compassion. Ils croyaient que, après avoir observé les élections, nous allions faire en sorte que le processus démocratique se poursuive. Ils croyaient que des lois et des systèmes de justice comme ceux que nous avons dans notre pays seraient mis en oeuvre.

    Cependant, nous avons fait fi de la situation et l'avons laissée se perpétuer. Nous les avons laissés tomber. Je dis nous au sens générique, nous, le monde occidental, ceux d'entre nous qui proclament que nous sommes remplis de compassion. Nous n'avons pas respecté notre engagement. Nous n'avons pas pressé Israël de cesser d'ériger des constructions dans les nouvelles colonies. Nous n'avons pas insisté pour que les colons soient retirés du territoire palestinien, et le mécontentement s'est accru.

    Les enfants engagés dans la première intifada ont accepté avec scepticisme que l'avenir serait meilleur pour eux. Les députés peuvent-ils imaginer ce que serait que de vivre dans un camp de réfugiés palestiniens, alors qu'une nouvelle colonie s'établit au bout de la rue, à quelque pas de là? Imaginons nos enfants en train de jouer dans des égouts refoulés, après la pluie, parce que l'infrastructure est inexistante et que l'eau potable se trouve dans les colonies.

    Cela n'est pas une critique, mais peut-être une idée de la frustration que ressentent les Palestiniens. Ils n'ont aucune justice ni aucune garantie à l'éducation. Tous leurs échanges commerciaux et leurs entreprises dépendent de l'accessibilité aux frontières et de la possibilité de les traverser. Cependant, nous avons laissé faire cela. Je ne crois pas qu'il y ait quelqu'un à la Chambre qui n'insiste pas farouchement pour que soit assurée la sécurité des Israéliens. Or, nous devons envisager la même chose pour les Palestiniens.

    Nous nous rendons en Palestine et l'organisateur de notre voyage a été critiqué. Nous devons plus que jamais nous y rendre. Saddam Hussein a fait une offre symbolique qui semble s'attaquer à l'Occident. Elle ne nuira pas à l'Occident, mais créera un autre faux héros et de faux espoirs pour les jeunes Palestiniens. Il faut qu'ils sachent que les Occidentaux et les Européens sont là pour offrir leur appui et leurs conseils en vue d'une solution pacifique.

    Je ne suis pas certaine qu'Arafat ou Sharon pourront faire la paix. Nous aurons besoin d'observateurs internationaux. Cependant, comme dans toutes les situations où des gouvernements se conduisent mal, nous devons d'abord isoler les gouvernements de la population. C'est la population qui souffre à cause des ambitions de quelques personnes.

+-

    M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Monsieur le Président, ce conflit dure depuis 4 000 ans. Il s'agit en fait d'une lutte entre deux peuples autochtones pour le même bout de terrain. Si on veut avoir un point de vue nouveau sur ce conflit, je suggère de lire Rois I et II, Esdras et les Chroniques, dans l'Ancien Testament. Le récit des anciennes batailles ressemble aux grands titres du Globe and Mail. Ces vieux ennemis revendiquent la possession de ces terres depuis l'Antiquité, en rejetant toute répartition équitable ou logique. Chaque partie invoque diverses écritures à l'appui de leurs prétentions et de leurs actions et réactions, qui perpétuent le cycle de la violence.

    Cette violence ne s'est jamais apaisée complètement. Il y a environ 2 000 ans, les tribus israélites, les Benjamites et les Judites, ont été forcées à l'exil par les armées de l'Empire romain. La diaspora s'est étendue dans tout le monde civilisé, les communautés juives vivant comme des petites entités dans des grandes sociétés. Les Juifs ont commencé à revenir, après une absence de près de 2 000 ans, à compter du début du XXe siècle. La migration a atteint son point culminant immédiatement après la Seconde Guerre mondiale. Leurs voisins et anciens ennemis se sont montrés très peu accueillants et ont mené des batailles rangées contre les exilés.

    Grâce à son acharnement, à l'assentiment du monde occidental et à l'appui de ce puissant protecteur que sont les États-Unis, ce groupe de personnes désespérées a pu rétablir un État juif, malgré les objections des résidents de l'endroit. Les 50 dernières années n'ont pas été une période de paix et d'harmonie pour l'État d'Israël. Le conflit actuel n'est qu'un accès particulièrement virulent de ce vieux cycle de la violence.

    Personne en dehors des protagonistes ne se soucierait de cet accès de violence si elle ne présentait un caractère unique et ne risquait d'entraîner le reste du monde dans son implacable orbite. J'ai eu le privilège de voyager dans cette partie du monde l'année dernière. On peut voir facilement que ces anciennes collines sont très attrayantes et pourquoi cette terre sainte pour bon nombre de religions exerce une puissante force d'attraction sur bien des gens. Cependant, ma première impression, qui m'a bouleversé, était que vivait là une très petite nation, une minuscule nation sans véritable conséquence pour qui que ce soit.

    C'est peut-être parce que je suis habitué aux grands espaces du Canada, mais j'ai été frappé par le fait que ce petit pays qui n'est pas beaucoup plus long que la distance séparant Ottawa de Toronto et qui est partagé entre six millions de personnes, plus des millions de Palestiniens déplacés, est si convoité. Cela m'a paru curieux. C'est une minuscule langue de terre qui ne devrait avoir de conséquence pour personne. Cependant, à cause de forces anciennes que l'esprit moderne ne réussit guère à saisir, il peut attirer l'attention du monde dans l'orbite de son conflit comme aucun autre lieu de conflit sur la Terre. Si un conflit semblable sévissait ailleurs, personne ne s'en soucierait vraiment, mais ce conflit sévit en Israël et il menace de créer des zones de tension beaucoup plus vastes dans le monde entier.

    L'Occident se heurte à l'islamisme. Le terrorisme lie ensemble des sociétés qui, normalement, auraient des rapports beaucoup plus limités. Nous avons appris la semaine dernière que l'Iraq entend cesser ses exportations de pétrole. Chacun suit l'évolution de ce conflit, car il y sera mêlé envers et contre lui.

    Que fera le Canada? Sincèrement, le Canada jouera nécessairement un rôle accessoire. Il y en a certains, même au sein du gouvernement, qui prétendent le contraire, mais la vérité brutale c'est que le Canada a une influence limitée sur les protagonistes.

  +-(0015)  

    Nous avons vu le spectacle bizarre du président Bush ordonnant pratiquement au premier ministre Sharon de se retirer des territoires occupés hier et n'obtenant pratiquement rien en retour, ou plus exactement un retrait partiel de deux petites villes. Il est clair que M. Arafat n'écoute personne, et encore moins le Canada. Il faut se demander s'il vient à l'esprit de M. Arafat ces jours-ci que l'accord de paix conclu entre lui et Ehoud Barak, il y a deux ans environ, paraît bien menacé à l'heure actuelle. Les Israéliens ont un dicton cynique au sujet de M. Arafat. Ils disent qu'il ne manque jamais l'occasion de laisser passer une occasion. L'accord de paix prévoyant la paix en retour de terres doit certainement paraître bien meilleur que de se terrer dans un bunker.

    Quelles mesures utiles le Canada peut-il prendre? S'il y avait un processus de paix, chose certaine, le Canada l'appuierait, mais la triste réalité, c'est qu'alors que les kamikazes mènent leurs terribles activités, alors que les forces israéliennes attaquent les villes palestiniennes, il n'y a aucune paix, encore moins un processus de paix. Il est très difficile de voir comment le Canada peut apporter une contribution utile relativement à un processus de paix si ce n'est en plaidant auprès des parties dans le cadre de débats comme celui de ce soir.

    Lorsque nous étions là en mai dernier, nous avons rencontré des Palestiniens et des Israéliens. L'ironie, c'est que les trois premiers paragraphes de tout document d'information venant des Palestiniens ou des Israéliens se ressemblaient beaucoup. Tout à coup, à un certain point, les deux versions devenaient tout à fait opposées. On pouvait se demander si les deux parties parlaient du même conflit.

    Deux questions semblent empêcher la paix à court et à moyen termes. La première, c'est l'endoctrinement persistant des enfants palestiniens auxquels on dit que les juifs sont l'incarnation même du mal. On nous a fourni des documents qui montraient les juifs sous un jour raciste. Cela faisait partie du programme d'études à l'école. Il est très difficile de voir comment la paix peut ressortir d'une haine systémique enseignée aux enfants.

    L'autre question résidait dans les colonies juives sur les territoires contestés. Il ne peut y avoir de symbole plus visible de l'impuissance de quiconque que le fait de vivre dans un camp de réfugiés dans une vallée et de voir la maison ancestrale rasée par des bulldozers et remplacée par un quartier moderne occupé par des gens de la Californie ou d'ailleurs.

    Les colons auxquels nous avons parlé n'étaient pas intéressés par la paix. En fait, ils voulaient une lutte dans laquelle le gagnant obtiendrait tout. Je ne peux imaginer comment cette attitude va contribuer à la paix.

    Le Canada est en faveur de la paix. Il parle avec vigueur à tout un éventail de tribunes en faveur de la paix et il est prêt à contribuer à la paix si on le lui demande. Cependant, la voix du Canada semble perdue dans la cacophonie de la guerre. La paix est la seule solution. Personne ne remportera ce conflit. Les protagonistes perdront. Les prétendus gagnants perdront autant que les perdants. Nous perdrons tous. Monsieur Sharon devrait se retirer du bord du précipice. Monsieur Arafat devrait exercer un certain contrôle sur son peuple avant qu'il ne soit trop tard pour nous tous.

  +-(0020)  

[Français]

+-

    Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, je veux vous signaler que je partagerai le temps qui m'est alloué avec mon collègue de Hochelaga--Maisonneuve, qui semble très heureux de cela car il a beaucoup de choses à dire sur ce conflit.

    Je remercie ma collègue de Mercier de nous permettre de nous exprimer sur cette terrible tragédie humaine qui se passe au Moyen-Orient, dans les territoires occupés, en Palestine. J'aimerais faire un rappel historique. Il est important de comprendre comment il se fait que le peuple palestinien se sente si désespéré. Comment des gestes posés par des hommes, des femmes, des jeunes filles qui s'enlèvent la vie avec une bombe sont peut-être justifiables. Ce sont des actes que l'on qualifie de terrorisme, mais ce sont aussi des gestes que l'on pourrait qualifier de désespérés. Le désespoir est historique. L'histoire montre comment ce peuple a été humilié au fil des ans. Ce sont des choses que les gens doivent savoir.

    Comme j'ai peu de temps, je sais que je ne peux faire un retour historique détaillé de la situation, mais je voudrais signaler quelques dates et événements qui méritent d'être soulignés et expliquent certains enjeux.

    La Palestine de 1920 comptait 180 000 habitants, dont 58 000 Juifs. L'enjeu pour les Juifs est alors essentiellement démographique. On sait pourquoi aujourd'hui il y a quand même cette volonté de vouloir faire une colonisation massive. L'organisation sioniste est responsable de la distribution des terres. Ses règlements interdisent aux colons juifs d'embaucher des non-Juifs dans les installations agricoles.

    On pourrait peut-être qualifier cette pratique d'apartheid. La cohabitation entre les Palestiniens et les immigrants juifs est difficile. La violence, déjà en 1920, est présente et des émeutes éclatent. Un ressentiment s'est développé au sein des Arabes de Palestine. Ils font face à un échec constant visant à obtenir des mesures d'autodétermination. Nous sommes en 1920.

    Aujourd'hui, on se rend compte que les Palestiniens ont la même problématique et qu'elle est encore plus difficile à solutionner. Suite aux émeutes et à la montée de la violence qui ont cours au fil des ans, la Grande-Bretagne décide, en 1939, qu'elle va mener seule sa propre politique. Elle va changer un peu le cours des choses dans la politique d'immigration des Israéliens. On limite l'arrivée des immigrants à 18 000 par année.

    C'est donc aux Juifs d'être mécontents. En 1939, c'est la Seconde Guerre mondiale et la Grande-Bretagne retire ses troupes de la Palestine. Celles-ci sont remplacées par des troupes juives. L'agence juive, division israélienne de l'organisation sioniste, devient un État dans l'État. C'est l'embryon du futur État d'Israël.

    À cette époque, plusieurs organisations terroristes verront le jour et seront responsables de plusieurs attentats visant à affaiblir les Britanniques jusqu'à la proclamation de l'indépendance d'Israël. Les porte-parole officiels de la communauté juive condamneront ces organisations, mais aucune mesure ne sera prise pour les empêcher d'opérer.

    On fait les mêmes reproches maintenant. Les Israéliens font les mêmes reproches à Arafat aujourd'hui. On lui demande de dénoncer les actes de terrorisme qui ont cours aujourd'hui.

    Par la suite, la situation de la Grande-Bretagne est intenable, on le comprendra. Les activités terroristes ont gagné de l'ampleur. Il est prévu que les troupes britanniques se retirent le 1er août 1948 et que la Palestine sera divisée en huit zones; 56 p. 100 du territoire palestinien ira aux Juifs, alors qu'ils forment 32 p. 100 de la population.

    L'histoire nous dit qu'on peut constater qu'il y a quand même un déséquilibre. Les Juifs tentent de déstabiliser la population palestinienne. L'ONU n'a pas encore formé sa milice à cette époque et doit se contenter d'observer sans rien faire.

  +-(0025)  

    Dès que l'armée britannique quitte le territoire, c'est l'armée d'Israël qui l'occupe. La population palestinienne fuit l'armée israélienne, des massacres de civils ont lieu. En 1949, Israël est admis à l'ONU, mais il devra cependant respecter certaines résolutions de l'ONU, notamment le droit de retour des réfugiés et la délimitation du territoire en fonction du plan de partage de 1947; on dit alors que la Palestine reste à faire.

    Par la suite, Israël n'a pas respecté les résolutions de l'ONU concernant son territoire et le droit de retour des réfugiés. On sait que ce n'est pas encore respecté aujourd'hui. En 1948, Israël adopte le Area of Jurisdiction and Power Ordinance qui décrète que toute loi qui s'applique sur le territoire d'Israël est considérée comme s'appliquant aussi sur les territoires de la partie de la Palestine que le ministre de la Défense a définis par proclamation étant occupés par l'armée de la Défense.

    Si j'ai choisi de faire ces quelques rappels historiques, c'est pour mieux faire comprendre comment le peuple palestinien a été piégé et opprimé au fil des ans par une occupation massive, par une impossibilité de pouvoir se développer comme peuple.

    La politique d'immigration s'est poursuivie jusqu'à tout récemment, même après l'Accord d'Oslo où on devait pourtant permettre aux Palestiniens d'acquérir certains pouvoirs et la mise en place progressive de l'autonomie en Cisjordanie, à Gaza. Israël a continué encore sa politique de colonisation et d'immenses projets immobiliers ont vu le jour au mépris du droit international, des résolutions des Nations Unies.

    Je pourrais citer des chiffres, à savoir comment les colonies juives ont pris naissance un peu partout en Cisjordanie, à Jérusalem, à Gaza, et cette politique de colonisation remet en cause l'un des principes fondateurs des négociations de paix.

    Aujourd'hui, peut-être qu'on pourrait comprendre comment les Palestiniens se trouvent acculés au pied du mur, sans ressources financières. Ce qui est en train de se passer, c'est que la communauté internationale se sent interpellée. On a vu que des manifestations ont cours partout. Ce que l'on fait présentement, quand on envahit les territoires occupés, de la façon dont c'est fait, on bafoue les droits humains.

    On a vu que la population dans le monde, à Montréal, à Québec, ici, à Ottawa, et ailleurs au Canada ne peut pas accepter qu'on détruise les infrastructures, qu'on détruise des vies humaines, qu'on bafoue les droits humains de la sorte.

    Il faut qu'il y ait des signes d'espoir pour la population palestinienne. On ne peut pas la laisser ainsi, sans ressources. Les signes d'espoir se voient, parce qu'il y a aussi des Juifs qui comprennent ce que vivent les Palestiniens. Je pense aux réservistes qui sont dans l'armée. Je pense aussi à certains intellectuels juifs. Je pense aussi à la communauté arabe qui a apporté son support à la population palestinienne. Il faut donc arrêter cette provocation quotidienne. Il faut que les Palestiniens reprennent leur dignité, cessent de souffrir et qu'on arrête de bafouer leurs droits et libertés.

    Nous devons mettre tous nos efforts en commun. Nous demandons justement que le Canada envoie cette force d'occupation en Palestine pour qu'elle puisse aider les deux parties à reprendre les négociations, pour que ce lien puisse être recréé.

    Dans quelques semaines, une mission se rendra en Palestine et je serai du nombre. Nous verrons alors la situation. Je sais que le député de Burnaby--Douglas a vu ce qui se passait en Palestine. Il y a là des choses inadmissibles que l'on ne peut pas accepter.

    Si j'ai fait un rappel de l'histoire, c'est qu'il faut comprendre comment le peuple israélien s'est développé au détriment d'un autre peuple. Ce n'était pas là la volonté de l'entente au départ; on ne voulait pas brimer le peuple palestinien. Je crois que toutes les résolutions qui ont été mises sur la table n'ont pas été tout à fait respectées. Donc, il faudra repartir à zéro pour que les deux peuples puissent enfin connaître une paix, et ce, aussi bien pour les Juifs que pour les Palestiniens.

  +-(0030)  

+-

    M. Réal Ménard (Hochelaga--Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, je félicite ma collègue de son discours. Je lui souhaite la meilleure des chances dans sa mission pas tout à fait parlementaire. Il y aura des députés, mais je comprends que c'est une mission d'une ONG avec la Canadian Palestine House à Toronto.

    Je veux dire ce soir combien je trouve regrettable que nous ayons à prendre la parole à la Chambre. Ce n'est pas la première fois que nous discutons de politique étrangère. On ne peut pas avoir les pieds dans un Parlement comme celui-ci sans s'en préoccuper. Toutefois, c'est je crois la première fois qu'on le fait avec un sentiment d'urgence et, ma foi, un sentiment d'indignation.

    Le parti auquel j'appartiens a choisi de ne pas s'engager dans une politique de distribution du blâme. Nous avons choisi, comme caucus, de reconnaître que l'État palestinien doit être viable et avoir des frontières sûres, et de dire aussi que l'État israélien a également ce même droit.

    Cependant, je crois qu'il faut départager l'appréciation qu'il faut faire des événements. D'abord, l'histoire doit nous permettre de comprendre que si aujourd'hui on reconnaît le droit à la communauté palestinienne et le droit à la communauté israélienne d'avoir un État viable, il n'en demeure pas moins qu'historiquement les Palestiniens ont vécu des injustices.

    Je suis reconnaissant à la députée de Québec de l'avoir rappelé. Je voudrais juste rappeler deux faits. Le premier, c'est qu'au XIXe siècle, quand Theodor Herzl, le concepteur du sionisme, a parlé d'un foyer national pour les Juifs, il avait à l'esprit deux scénarios possibles. Le premier était de faire ce foyer en Argentine; le deuxième, c'était en Palestine, terre sacrée et historique des Israéliens. La Palestine était à ce moment-là partie intégrante de l'Empire ottoman. Ce qui doit être dit et ce qu'il faut se rappeler, c'est qu'il y a eu une politique d'immigration massive. La députée de Québec l'a rappelé.

    Pour ma part, je veux rappeler qu'entre 1920 et 1929, il y a eu 90 000 immigrants israéliens. Entre 1930 et 1939, dans le contexte troublé d'avant la Seconde Guerre mondiale, il y en a eu 232 0000. Il faut donc toujours avoir présent à l'esprit que malgré le choix que la communauté internationale a fait de permettre et de souhaiter la coexistence de ces deux États, il reste qu'historiquement les Palestiniens ont été, à des degrés divers, évincés de leur terre nationale.

    Je veux aussi rappeler que l'Organisation des Nations Unies demeure le forum par excellence où s'exprime le multilatéralisme, le forum par excellence où on a fait le choix d'engager le dialogue. Depuis deux ans, trois résolutions des Nations Unies ont demandé aux Israéliens de se retirer des territoires occupés, et pas seulement comme cela s'était passé en 1967. En mars de l'an dernier et deux fois cette année, on a demandé aux Israéliens de se retirer de Ramallah; on a demandé aux Israéliens de retirer les chars d'assaut; on a demandé aux Israéliens de cesser la garde à vue et de cesser de mettre Yasser Arafat en quarantaine.

    Comment réagirions-nous si nous apprenions que cela arrive, dans n'importe quel autre contexte, à un chef d'État? L'Autorité palestinienne est un État. Les accords d'Oslo de 1993 ont reconnu aux Palestiniens le droit d'avoir cette autorité. Ils ont dévolu aux Palestiniens un certain nombre de pouvoirs en matière de douanes, de taxation, d'éducation et d'affaires sociales.

    L'État palestinien existe. Des instances démocratiques lui donnent vie. Yasser Arafat est un porte-parole autorisé des Palestiniens. Comment pourrait-on accepter que dans n'importe quel autre État reconnu aux Nations Unies, un chef d'État, porte-parole légitime de sa communauté, soit maintenu en garde à vue, en quarantaine, et qu'on profère ouvertement des menaces à l'endroit de son intégrité physique?

  +-(0035)  

    Il faut reconnaître que nous voulons maintenir le dialogue. Nous sommes des parlementaires, et je le répète, le Bloc québécois a choisi de ne pas s'engager dans une politique de distribution de blâme. Il ne s'agit pas de savoir si Israël est responsable à 80 p. 100, à 70 p. 100 ou à 65 p. 100, ou si les Palestiniens le sont à 5 p. 100, à 10 p. 100 ou à 15 p. 100. Nous devons favoriser le dialogue et mettre fin à un foyer de tension qui perdure depuis au moins 50 ans.

    Mais il y a des conditions préalables, et je crois qu'elles sont, tout d'abord, de reconnaître que Israël a posé des gestes belliqueux, et que ces gestes belliqueux doivent prendre fin. Cela veut dire quitter les territoires occupés, la ville de Ramallah et cesser de s'attaquer à des cibles stratégiques pour la viabilité de l'État palestinien.

    D'un autre côté, nous reconnaissons tous que les attentats suicide ne sont pas un élément favorable au dialogue. Cependant, il faut reconnaître que l'État israélien, l'armée israélienne et les services secrets israéliens ont des moyens de fragiliser l'État palestinien, et que tout cela doit prendre fin.

    Je répète qu'à plusieurs reprises, le Bloc québécois, par la voix de la députée de Mercier, comme par l'ensemble des porte-parole qui se sont exprimés ce soir, a rappelé les cinq principes auxquels nous sommes attachés. J'ai écouté tout à l'heure le discours du député de Mont-Royal, du gymnase où je faisais ma course, et je sais qu'il souhaite la paix comme je la souhaite, comme la souhaite le député de Burnaby--Douglas et comme la souhaitent de tous leurs voeux tous les parlementaires.

    Je rappelle ces principes: le droit inaliénable de l'État d'Israël et des Israéliens d'exister et d'exister en toute quiétude dans un monde où la paix, la tranquillité et le civisme existent. Nous demandons aussi les mêmes droits pour les Palestiniens à un État tout aussi viable, dans des conditions de sérénité tout aussi équivalentes. Nous demandons qu'il y ait une reprise du dialogue.

    Par le passé, nous avons été très près des conditions permettant la signature d'un accord. On a parlé des accords d'Oslo. On sait que ces accords sont extrêmement importants. On a parlé de l'accord de Wye River et on pourrait également mentionner l'accord de Camp David II, auquel le député de Charlesbourg--Jacques-Cartier a référé tantôt.

    Nous ne croyons pas que la voie du militarisme et de la confrontation par les armes puisse permettre un dialogue soutenu et nous demandons immédiatement que la voie du militarisme soit mise de côté.

    Encore une fois, le terrorisme, de quelque côté qu'il provienne, n'est acceptable ni pour les Palestiniens ni pour les Israéliens. Nous l'avons dit et nous le maintenons.

    Nous demandons également à tous les parlementaires de la Chambre de reconnaître que Yasser Arafat est un chef d'État tout aussi légitime que le premier ministre de ce pays, tout aussi légitime que Lionel Jospin, tout aussi légitime que Tony Blair. Et tant et aussi longtemps qu'on voudra porter atteinte à l'intégrité de Yasser Arafat, ce ne sera pas acceptable. Nous ne pouvons pas oublier, comme parlementaires, que Yasser Arafat ait été mis au garde-à-vous et qu'on ait proféré des menaces ouvertes à son intégrité. Ce n'est pas acceptable.

    Je crois, pour la suite des événements, qu'un important fardeau incombe aux dirigeants du peuple israélien. Ce qui nous permet d'avoir de l'espoir, c'est la volonté des populations civiles.

    Il y a trois ans, il y a eu une révolte des casseroles. Les mères et les grands-mères en Israël sont descendues dans la rue. Sans doute sont-elles prêtes à le faire à nouveau. C'est la volonté de paix des populations civiles, beaucoup plus que celle des dirigeants qui, au moins pour Israël, a posé des gestes belliqueux au niveau de ses porte-parole autorisés, et la population civile est là pour rappeler combien la paix est nécessaire pour la suite des événements.

    Je ne parle pas avec la voix du désespoir, je parle avec celle de la lucidité, car je suis convaincu que la mission dans laquelle la députée de Québec va s'engager, ainsi que d'autres parlementaires, conjuguée à l'ensemble de ce qui peut être fait par la communauté internationale, peut nous permettre de voir la paix dans un monde qui en a été privé trop injustement.

  +-(0040)  

[Traduction]

+-

    M. John Bryden (Ancaster--Dundas--Flamborough--Aldershot, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député d'Algoma--Manitoulin.

    Je ne ferai que de brèves observations car je n'ai pas l'intention d'aborder les questions dont ont traité les autres députés. Ayant déjà travaillé comme premier journaliste pour le Star de Toronto, le Globe and Mail et d'autres journaux, je crois cependant indiqué de commenter brièvement la guerre des médias qui a cours actuellement au Proche-Orient.

    J'estime qu'Israël a probablement perdu l'une des plus importantes batailles, la bataille pour le respect de la part de la communauté internationale. Il ne s'agit pas ici de la bataille pour l'attention des médias; pas du tout. En fait, Israël a fait reculer ses propres intérêts dans le conflit actuel en interdisant la présence des médias sur le terrain du conflit en Cisjordanie. En agissant de la sorte, Israël a clairement fait comprendre aux médias internationaux qu'il ne souhaite pas que la presse internationale suive les opérations de ses forces armées, ni que ces opérations soient analysées par la communauté mondiale.

    Les médias savent quelle interprétation il faut faire de cette attitude. Ils considéreront qu'Israël agit comme un pays qui a des choses à cacher. En ce qui concerne les incursions en Cisjordanie, je crois que le gouvernement israélien et M. Sharon avaient désespérément besoin de la présence sur les lieux de la presse internationale, des caméras de télévision et des reporters, s'ils espéraient pouvoir justifier le fait d'avoir porté la guerre contre le terrorisme dans les villages et villes palestiniens situés près de la frontière israélienne.

    Le gouvernement israélien n'a rien fait de la sorte. Il ne donne pas de véritables explications, car en fait les autorités israéliennes nous fournissent des bandes vidéos produites par les forces armées israéliennes, qui montrent des caches d'explosifs et des scènes de tir et de combat. Or, les médias internationaux traiteront inévitablement cette information comme de la propagande. Le problème est que même si cette information est véridique, même si le gouvernement israélien donne un compte rendu fidèle, par le truchement des bandes vidéos produites par ses forces armées, des combats que livrent ces dernières en Cisjordanie, on n'y croira pas. Cela dénote une naïveté catastrophique de la part du gouvernement israélien quant à la façon dont le conflit doit être perçu par le reste du monde.

    Cette naïveté existe depuis très longtemps. L'une des raisons pour lesquelles je voulais intervenir, c'est que je voulais attirer l'attention des gens qui suivent ce débat sur le fait qu'Israël contrôle depuis longtemps les médias et tout ce qui sort d'Israël en ce qui touche à ses relations avec les Palestiniens.

    En 1979, j'étais directeur de la rédaction des grands reportages pour le Star de Toronto. Je venais d'accepter le poste. C'était tout nouveau pour moi. Le Star de Toronto est un très important journal de classe internationale. C'était vrai à l'époque et c'est toujours vrai aujourd'hui. Par conséquent, nous avons reçu de nombreuses dépêches en provenance de partout au monde et nous nous sommes enorgueillis de notre couverture internationale. C'était assez remarquable à l'époque parce qu'il semblait possible alors d'obtenir une dépêche en provenance d'Israël qui n'ait pas été précédemment examinée de près par le gouvernement israélien. Si le gouvernement israélien, les responsables en poste à ce moment-là, n'aimaient pas la dépêche qui leur était présentée, le journaliste perdait alors ses privilèges. Il pouvait s'agir de journalistes allemands, américains, canadiens ou autres. Les articles que nous obtenions et qui nous peignaient une image de ce qui se passait réellement en Israël provenaient en général de journalistes qui passaient délibérément d'Israël à Chypre où ils rédigeaient leur article, ou de gens qui écrivaient après avoir terminé leur affectation en Israël en sachant qu'ils ne devaient pas y retourner.

  +-(0045)  

    Paradoxalement, à l'époque, la presse mondiale, du moins de mon point de vue en tant que journaliste du Toronto Star, avait un parti pris pour Israël, car cela ne faisait que quelques années seulement qu'avait eu lieu la guerre des Six Jours au cours de laquelle le monde entier avait sympathisé avec Israël qui semblait sur le point de succomber aux mains d'un ennemi beaucoup plus puissant. Toujours est-il que c'est à partir de 1979 que l'opinion mondiale s'est désaffectionnée d'Israël, au fur et à mesure que se libéralisait la couverture médiatique et qu'il nous était donné d'observer de plus près les difficultés réelles subies par les Palestiniens vivant en Israël.

    Et voici qu'aujourd'hui le gouvernement israélien se trouve engagé dans un conflit essentiellement civil opposant des populations qui se sont côtoyées pendant de très longues années. Si j'ai bien compris les reportages diffusés à la télévision ce soir, des combats féroces se déroulent à Jénine en ce moment, mais les médias ne sont pas autorisés à y assister. Les médias ne sont pas autorisés à les observer.

    Le plus désolant est que, lorsque tout cela sera terminé, lorsque Israël aura retiré ses soldats et que ses frontières normales auront été rétablies, l'on nous rapportera, je le crains, d'horribles histoires sur ce qui s'est produit en Cisjordanie, car j'ai l'impression que le gouvernement d'Israël n'a pas compris que les temps ont changé depuis 1979. Même s'il est possible d'entrer dans les bureaux de l'un des centres d'information palestiniens à Ramallah, comme nous l'avons vu dans le National Post d'aujourd'hui, et en détruire tout le matériel, et nous pouvons deviner pourquoi on voudrait faire une telle chose, il s'agit de limiter la diffusion de l'information tandis que l'on poursuit des combats à Ramallah, mais l'on oublie que nous sommes à l'époque des caméscopes. Le gouvernement israélien, celui de M. Sharon, est bien naïf de croire que les événements en Cisjordanie, à Jénine ou ailleurs, ne sont pas en train d'être filmés.

    Je crains terriblement que, lorsque Israël se sera retiré de la Cisjordanie, les Israéliens verront que le conflit ne leur attire pas l'approbation du monde entier et qu'il donne une mauvaise image non seulement du gouvernement israélien, mais aussi de son principal allié, les États-Unis. À mon avis, les responsables israéliens auraient dû y songer plus attentivement, parce que c'est le prix qu'ils doivent payer pour s'être engagés dans ce conflit. Ne serait-ce que pour éviter tout malentendu, je devrais ajouter que d'habitude, dans une guerre, les militaires et les dirigeants tentent vraiment de contrôler une partie des médias. Ils le font avant tout pour empêcher la communication de renseignements à l'ennemi, mais dans ce cas, il n'existe aucun ennemi pouvant tirer avantage de renseignements publiés par les médias, parce qu'il est question d'une guerre civile, et non d'une guerre contre un État organisé ennemi.

    Enfin, il y a une chose que je voudrais aborder très brièvement, parce que je m'inquiète au plus haut point de ce qui arrive aux prisonniers capturés par les Israéliens. Il n'y a pratiquement aucun reportage à cet égard. Où vont ces gens? Leurs noms sont-ils consignés? Sont-ils victimes de torture? Y a-t-il des ONG et des organisations mondiales appropriées qui surveillent ces prisonniers? Ces derniers seraient-ils détenus à quelque endroit comme Guantanamo Bay, aux États-Unis, où la loi ne s'applique pas? Se pourrait-il qu'une fois le conflit réglé, une fois les incursions en Cisjordanie terminées, ces gens ne reviennent jamais plus? Y a-t-il des registres où sont consignés les lieux de détention de ces gens? Tout cela est extrêmement important, peu importe la manière dont on justifie la réaction d'Israël. Oui, je respecte Israël. Ces attentats suicides sont absolument terribles, mais si les représailles ne sont pas soigneusement pesées, en ce qui concerne le type de réaction par rapport à l'opinion qui est créée chez les observateurs qui veulent croire que la cause est justifiée et que la force utilisée est juste celle qu'il faut, la réputation d'Israël, non seulement demain, mais bien pendant des décennies, risque d'en être ternie.

  +-(0050)  

+-

    M. Brent St. Denis (Algoma--Manitoulin, Lib.): Monsieur le Président, j'ai eu l'occasion tant dans mon bureau que dans le hall d'écouter certains discours qui ont été livrés ce soir sur cette question de grande importance, notamment celui de mon collègue d'en face. Chacun de ces discours m'a appris quelque chose. Bien qu'il soit difficile de proposer les solutions que nous estimons appropriées dans un discours de 10 ou de 20 minutes, ce qui a été dit et ce qui sera dit ce soir et cette nuit exprime parfaitement les sentiments des Canadiens à l'égard de la situation atroce au Proche-Prient.

    J'essaie d'imaginer les habitants types de ma circonscription, des couples d'aînés à la retraite, des élèves du secondaire ou de jeunes familles qui observent ce qui se passe par la lorgnette des médias de tous types et qui essaient de donner un sens à tout cela. Ils entendent les motifs invoqués d'un côté à l'appui de tels gestes et actions puis les motifs invoqués de l'autre côté à l'appui de telles actions et réactions. Aucun d'entre nous, qu'il soit né là-bas et vivant au Canada, qu'il se rende souvent là-bas ou qu'il soit expert en science politique, ne peut vraiment saisir toute la profondeur et tout le désespoir de la situation. La situation est extrêmement complexe. Seul le temps dira s'il aura fallu une solution complexe ou une solution simple.

    Le but du débat de ce soir à la Chambre n'est pas tant de s'opposer d'un côté ou de l'autre à ce qui est bon ou mauvais, car il y a du bon et du mauvais des deux côtés. C'est un peu comme la situation en Irlande du Nord. Bien que l'histoire soit très différente, il y a aussi deux camps s'opposant sur les mêmes sempiternelles questions dont la plupart d'entre nous ne comprenons que peu de choses.

    J'estime que les protagonistes et nous-mêmes nous étendons trop sur le passé, sur les causes de la situation actuelle. On ne songe pas suffisamment à l'avenir, soit aux jeunes familles, aux enfants et aux petits-enfants qui hériteront de ce coin relativement petit mais important de la planète, d'une région qui abrite en fait les racines de trois grandes religions, à savoir le christianisme, l'islam et le judaïsme. Nous sommes tous liés à bien des égards, mais surtout à cet égard-là. Nos racines se trouvent vraiment dans la même petite partie du monde.

    Il est vraiment curieux et mystérieux qu'un endroit qui devrait être un phare de paix dans le monde, un paradis, un lieu de compréhension entre les religions, de tolérance et de compromis, soit le théâtre de combats apparemment incessants. Nous pouvons à tout le moins donner maintenant espoir aux générations présentes et futures. Je crois fermement que tous les principaux protagonistes maintenant sur place devraient partir, et pas seulement MM. Arafat et Sharon. Ces intervenants clés devraient partir et céder la place à de nouvelles équipes de dirigeants qui prêteront peut-être plus attention à la population.

    Si l'on pouvait saisir vraiment ce que veulent les gens, je suis persuadé que la paix régnerait. Les deux camps prétendent vouloir faire des compromis et en venir à une certaine solution, mais chaque fois qu'ils sont amenés à négocier, l'un ou l'autre camp semble avoir des raisons de faire échouer de tels accords.

  +-(0055)  

    Je n'ai pas de réponses miracles. Je tenais simplement à souligner que, pour bon nombre de Canadiens, bien que ces événements se déroulent au loin dans une région du monde qu'ils n'ont sans doute pas visitée ou qu'ils ne visiteront peut-être jamais, cette question est très importante. Elle est liée notamment à la stabilité économique de l'univers face à des produits capitaliste comme le pétrole, une nécessité, mais encore, comme nous l'avons vu dans le passé, trop souvent une semblable situation peut mener à un conflit plus grave, ou encore à un étalement de ce conflit. C'est là la dernière chose que n'importe lequel d'entre nous voudrait voir.

    Il y aurait un soupir collectif de soulagement si tous décidaient de remédier au problème. Il peut être naïf de ma part et de celle des autres députés de laisser entrevoir cette possibilité, car rien de ce que nous disons n'aura une incidence sur les principaux intervenants en Israël et en Palestine. Le Canada est connu pour être un pays pacifique et disposé à contribuer au maintien de la paix. Je sais que notre ministre des Affaires étrangères et le premier ministre ont souligné la volonté du Canada de faire tout ce qui est raisonnable et possible dans les circonstances pour contribuer au retour de la paix et de l'espoir pour les enfants d'Israël et de Palestine.

    Il est tragique, triste et totalement inutile que de jeunes Palestiniens soient devenus des kamikazes. C'est inacceptable, tout aussi inacceptable d'une certaine façon que la réaction démesurée des forces israéliennes de défense. Je ne jette pas et je ne jetterai pas le blâme sur l'un ou l'autre côté. Je blâme tous les côtés. Les deux côtés et les pays voisins sont ceux qui ont le plus d'intérêts en jeu et le plus long à dire sur ce qui devrait se produire. Je me félicite, et nous devrions tous nous réjouir des efforts consentis par les États-Unis pour rapprocher les parties, mais je ne peux vraiment pas m'imaginer une solution venant de l'extérieur. Nous avons été témoins de tentatives en ce sens dans d'autres endroits dans le monde par le passé mais, en bout de piste, les problèmes doivent être résolus à l'échelon local. Toutefois, je conviens que des surveillants et des soldats du maintien de la paix venant de partout dans le monde pourraient aider les intervenants locaux mêlés à cette tragique situation à trouver une solution.

    Les efforts consentis par certains de mes collègues ayant cherché à réunir des parlementaires israéliens et palestiniens à l'occasion d'une rencontre à Halifax m'ont impressionné. J'estime que c'était une remarquable initiative. J'étais ravi qu'elle soit mise de l'avant par un député de l'opposition. Elle a été chaleureusement accueillie par notre ministre des Affaires étrangères. Des initiatives semblables, bien qu'elles puissent sembler minuscules dans le grand ordre des choses, peuvent avoir un impact.

    Les protagonistes ont besoin de voir qu'il est possible de diriger un pays dont le parlement est composé de personnes nées au Proche-Orient, qui sont peut-être de descendance arabe ou juive, de gens provenant de toutes sortes de milieux, qui peuvent débattre et traiter de questions dans une institution qui permet de prendre en compte d'autres points de vue. Israéliens et Palestiniens ont besoin de voir la démocratie fonctionner réellement.

    Comme je l'ai dit précédemment, il y a des coupables des deux côtés, mais aussi bon nombre d'innocents qui méritent un meilleur leadership que celui qu'ils ont actuellement. MM. Sharon et Arafat sont des protagonistes dans tous ces conflits depuis longtemps. Je sais que c'est naïf de ma part, mais je pense que si les deux mettaient leur ego de côté et acceptaient de se retirer simultanément, avec leurs principaux partisans, pour laisser la place à de nouveaux dirigeants, ce serait un grand pas dans la bonne direction.

    Je ne suis pas intervenu pour proposer de grandes solutions, mais je tiens à exprimer mon appui aux efforts du gouvernement visant à implorer l'armée israélienne de se retirer des territoires occupés le plus vite possible et à convaincre M. Arafat d'expliquer clairement à son peuple que le terrorisme, sous forme d'attentats suicides, doit cesser. Il ne faut pas laisser les terroristes influencer le cours des événements dans cette région ni ailleurs dans le monde.

  +-(0100)  

[Français]

+-

    M. Stéphane Bergeron (Verchères--Les-Patriotes, BQ): Monsieur le Président, d'entrée de jeu, je dirai que je sais gré à ma collègue de Mercier d'avoir sollicité ce débat d'urgence, et à la présidence d'avoir permis qu'il se tienne. Nous assistons aujourd'hui à une escalade dramatique du conflit sanglant qui perdure depuis quelques mois au Proche-Orient et qui menace d'embraser toute la région.

    Nous sommes donc directement concernés, d'autant que ce conflit semble vouloir se transposer chez nous sous la forme répugnante de manifestations malheureuses de haine et d'intolérance. Il nous incombait donc, à titre de parlementaires, de débattre de cette délicate question, afin de tenter d'identifier le type d'intervention que nous voudrions voir le Canada entreprendre en appui aux démarches de la communauté internationale visant à ramener les parties en présence à la table de négociations, de telle sorte qu'elles reprennent sans tarder le processus de paix.

    Lorsqu'en 1818, Franz Geüber composa le chant populaire et religieux, Ô nuit de paix, lequel est empreint de douceur et de solennité, il était loin de se douter que le petit village paisible de Bethléem, auquel il faisait référence, deviendrait un jour le théâtre d'un conflit sanglant opposant des frères ennemis qui, selon les traditions biblique et coranique, sont les descendants d'Isaac et d'Ismaël, tous les deux fils du même patriarche, Abraham. Pourtant, selon le prophète Michée, de Bethléem devait naître un homme issu de l'illustre maison du roi David, qui, par son message d'amour, allait finalement bouleverser le cours de l'histoire de l'humanité.

    La Terre Sainte, foyer des trois grandes religions monothéistes du monde, s'est embrasée sous l'effet combiné de la méfiance, de la haine séculaire et de l'escalade des provocations, le tout sur fond de visées territoriales apparemment incompatibles. Ce tout petit territoire, qu'on peut parcourir du nord au sud aussi rapidement qu'en se déplaçant de Québec à Ottawa, fait l'objet, en effet, de revendications concurrentes de la part des Israéliens et des Palestiniens, qui s'appuient, dans les deux cas, sur des considérations relevant à la fois de l'histoire et de la tradition.

    Il est vrai, en effet, que l'histoire de la Palestine est inextricablement liée à celle du judaïsme, mais également à celle de l'islam. Depuis leur sortie d'Égypte et leur établissement en terre de Canaan, il y a plus de 3  000 ans, les Hébreux ont conquis la Palestine et l'ont occupée jusqu'à ce que les Romains les dispersent aux quatre coins de l'empire, vers l'an 135, par mesure de représailles, à la suite de la deuxième révolte contre Rome. Vers 630, la Palestine est tombée sous la domination musulmane. Mis à part quelques courts épisodes au cours desquels elle changea ponctuellement de main, au hasard des rares succès des croisés, la Palestine demeura résolument musulmane jusqu'en 1919, alors qu'était créé le mandat britannique.

    Avec l'immigration juive croissante, derrière laquelle se profilait la volonté politique de créer un État juif en Palestine, on vit poindre les tensions entre les deux communautés, tensions qui allaient culminer, en 1948, avec la proclamation de l'État d'Israël.

    La création de l'État d'Israël a notamment été rendue possible grâce à l'effet combiné d'une communauté internationale embarrassée par l'inertie et la complaisance passive dont elle avait fait preuve pendant que le régime nazi se rendait coupable de crimes innommables à l'endroit des communautés juives d'Europe et qui cherchait manifestement à se racheter, de même que de la lassitude des autorités britanniques chargées de l'application du mandat en Palestine, lesquelles étaient continuellement harcelées par les organisations terroristes sionistes.

    Aussi, la proclamation de l'État d'Israël s'est-elle effectuée dans la douleur, puisque le territoire de la Palestine était démembré, une solution d'ailleurs proposée par le Canada et que refusaient catégoriquement d'accepter les populations arabes qui y vivaient depuis des siècles. À peine avait-il vu le jour que l'État d'Israël devait donc lutter pour sa survie en essuyant une attaque combinée et simultanée de la part de tous les États arabes environnants.

    Depuis, invoquant la nécessité d'assurer sa sécurité, Israël n'a fait qu'étendre son emprise et accentuer sa domination sur l'ensemble des territoires de l'ancienne Palestine, en contravention des volontés de la communauté internationale, qui furent d'ailleurs exprimées de façon répétée dans une succession de résolutions adoptées par les Nations Unies, réclamant le retrait d'Israël de ce qu'il est désormais convenu d'appeler les territoires occupés.

    Ainsi était donc constitué le terreau fertile qui allait entraîner cette région dans la funeste spirale de la violence à laquelle nous assistons présentement. Devant la puissance de l'État d'Israël et face aux injustices flagrantes découlant de l'occupation, de jeunes activistes palestiniens désabusés et exaltés en viennent à considérer qu'il ne leur reste d'autre choix que de commettre des actes terroristes impliquant le sacrifice de leur propre vie pour tenter d'infléchir la situation, ce qui ne manque pas de provoquer des réactions vigoureuses et brutales de la part d'Israël.

  +-(0105)  

    Et le contexte international actuel, qui met au premier plan la lutte contre le terrorisme, sert évidemment de caution à un raffermissement des positions israéliennes.

    Je veux ici qu'on me comprenne bien. J'ai déjà eu le plaisir et le privilège, à deux reprises, de visiter Israël et la Palestine. Israël est un pays absolument fascinant. Bien que minuscule, son climat et ses paysages sont étonnamment diversifiés et contrastants, tout comme le sont d'ailleurs les populations qui l'habitent.

    Dans ce pays, j'ai été en mesure de constater et d'observer ce qu'il y a de plus noble, mais également ce qu'il y a de plus vil dans l'être humain. J'ai notamment pu visiter le kibboutz de Deganya, situé près du lac de Tibériade. Outre le fait que celui-ci ait vu naître et grandir le redoutable général israélien Moshe Dayan, il importe de signaler qu'il s'agit du tout premier kibboutz d'Israël.

    Lorsque nous visitions le modeste musée de ce kibboutz, j'ai pris conscience du très jeune âge des émigrés russes qui, ayant tout laissé derrière eux, au tout début du siècle dernier, sont venus fonder cette toute petite coopérative agricole communautaire qui allait servir de modèle de développement pour le pays et dans laquelle allait se fondre l'âme de tout un peuple.

    Admiratif, je me suis arrêté quelques instants pour réfléchir aux maigres réalisations que furent les miennes au moment où, coulant des jours frivoles et insouciants à l'école polyvalente De Mortagne, j'atteignais l'âge toujours juvénile qu'avaient ces jeunes lorsqu'ils ont, probablement sans le savoir, jeté les fondements de l'État d'Israël.

    Admiratif, l'ai-je été encore, lorsque, croisant une autre de ces coopératives agricoles communautaires située au point de rencontre entre la route longeant la Méditerranée, de Tel-Aviv à Gaza, et celle menant à Beersheba, quelqu'un m'a raconté que les membres de ce kibboutz avaient réussi à retenir l'armée égyptienne pendant près de six jours avant que les forces armées israéliennes parviennent enfin à repousser l'envahisseur.

    Quel bel et éloquent exemple de détermination, de courage et de dévouement pour son pays, de la part de ces paysans qui s'étaient fait soldats pour la cause.

    Admiratif le suis-je également pour l'endurance et la détermination de ce peuple qui, en dépit des vicissitudes de l'histoire et des persécutions qu'il a subies pendant des siècles, a toujours su serrer les rangs, en demeurant fidèle au Dieu de ses aïeux, redonnant même vie à la langue de ces derniers, qui était presque complètement disparue avant 1948.

    Mais j'ai également pu observer la prolifération des colonies juives qui encerclent littéralement les localités palestiniennes et les étouffent en leur interdisant toute possibilité d'expansion et de développement. Elles constituent, pour les Palestiniens, le symbole honni et ostentatoire de l'occupation israélienne et de la spoliation de leurs terres.

    J'ai également pu observer la construction hâtive de ces méga-autoroutes israéliennes qui défigurent le paysage des territoires occupés et qui les traversent de façon sauvage, simplement dans le but de permettre aux colons juifs de circuler entre Israël et leur colonie sans avoir, pour ce faire, à passer dans les localités palestiniennes.

    J'ai pu observer ces postes de contrôle auxquels les Palestiniens doivent se présenter pour pouvoir circuler d'une zone à l'autre dans leur propre pays, s'ils sont, bien sûr, munis du permis approprié. C'est ainsi qu'il est interdit à la plupart des Palestiniens de se rendre au troisième lieu saint de l'Islam, sur l'esplanade des mosquées, à Jérusalem, alors que les touristes du monde entier peuvent librement s'y rendre.

    J'ai également vu Israël, un État de droit, une démocratie moderne, pratiquer une certaine discrimination parmi ses propres citoyens. Alors que le service militaire est obligatoire pour les juifs israéliens, à quelques exceptions près, les arabes israéliens en sont formellement exclus.

    Aussi, ai-je peine à concevoir qu'un peuple ayant subi autant d'épreuves et surmonté tous les obstacles devant le conduire à l'obtention d'un État qui lui soit propre, puisse sembler aussi sourd aux aspirations les plus élémentaires et aux infortunes des Palestiniens. S'il est un peuple qui devrait comprendre mieux que tout autre les aspirations légitimes des Palestiniens, c'est bien celui-ci.

    Mais il importe ici de préciser qu'on ne saurait attribuer à tout un peuple les décisions et actions d'un gouvernement. Il se trouve des gens, de part et d'autre, qui aspirent à la paix plus qu'à toute autre chose. Ces personnes de bonne volonté constituent le ferment sur lequel il faut fonder l'espoir que les parties pourront en arriver un jour à une paix durable.

  +-(0110)  

    Entre-temps, la situation continue de se détériorer. Il est tout à fait normal que l'État d'Israël veuille assurer sa pérennité et sa sécurité. Toutefois, la disproportion, dans les moyens employés, qui faisait d'abord sourciller, est devenue carrément indécente et intolérable.

    Toute perte de vie humaine est toujours déplorable, mais force est d'admettre que le bilan est considérablement plus lourd du côté palestinien. «Qui sauve une vie, stipule la Torah, sauve l'humanité.» Qui prend les vies de tant d'innocentes victimes civiles, de part et d'autre, commet-il un crime contre l'humanité? Il est permis de se le demander.

    Les belligérants sont désormais engagés dans une spirale de violence dont ils semblent incapables de s'extirper et qui semble notamment prendre sa source dans la rhétorique employée et la stratégie mise de l'avant par Israël pour répondre aux attentats terroristes.

    Plutôt que de s'en prendre aux organisations terroristes qui s'emploient manifestement à saper les efforts de paix et qui échappent au contrôle de l'Autorité palestinienne, Israël s'est systématiquement attaqué à cette dernière, en l'enjoignant expressément de mater les extrémistes, tout en détruisant du même souffle toutes ses infrastructures, limitant d'autant sa capacité d'action réelle. Cela avait pour effet de fournir à l'État hébreu la justification commode à d'autres resserrements ultérieurs de son étau sur les territoires occupés.

    Ce faisant, Israël exacerbait la réaction des organisations terroristes, qui ont repris de plus belle la ronde macabre des attentats, appelant ainsi à des représailles militaires de plus en plus musclées. «Oeil pour oeil, dent pour dent», énonce la loi mosaïque du talion. Il semble bien que ce soit maintenant plutôt «yeux pour oeil, dents pour dent»!

    La promptitude habituelle d'Israël à riposter vigoureusement à l'encontre de tout attentat terroriste palestinien tranche singulièrement avec cette apparente indifférence et cette apathie affichée par les autorités israéliennes, à la suite de l'attentat à la bombe commis par un groupe extrémiste juif dans la cour d'une école arabe de Jérusalem-Est. Quelle fut, dans ce cas, la riposte de l'État hébreu? «Terrorisme anti-terroriste», ont froidement conclu les autorités israéliennes! Israël a imperturbablement poursuivi ses opérations punitives dans les territoires occupés.

    Mais ce qui est le plus déplorable dans cette affaire, c'est que la politique israélienne a pour effet de violer, les unes après les autres, toutes les dispositions des accords de paix qui avaient été patiemment négociés entre Israël et l'Autorité palestinienne, lesquels nous avaient permis d'entrevoir la possibilité d'en arriver à une paix durable dans la région.

    Les événements des dernières semaines ne peuvent nous conduire qu'à une seule et unique conclusion: la violence appelle la violence. Il ne saurait donc être question de tenter de régler ce conflit en ayant recours, de part et d'autre, et de quelque façon que ce soit, à la violence.

    Toute solution doit nécessairement découler d'une négociation politique. Étant entendu que seuls les belligérants peuvent en arriver à une solution finale du conflit, il nous faut néanmoins tout mettre en oeuvre pour les ramener à la table de négociations.

    Nous devons donc dénoncer tout comportement, de la part de quelque partie que ce soit, qui contreviendrait tant à l'esprit qu'à la lettre des accords de paix et appuyer l'idée d'un déploiement d'observateurs internationaux et, éventuellement, d'une force d'interposition dans la région.

    Il faut nous en tenir fermement aux dispositions des résolutions 1402 et 1397 adoptées récemment par le Conseil de sécurité des Nations Unies. Les parties doivent rapidement en arriver à un accord de cessez-le-feu. Israël doit retirer sans délai ses troupes des territoires occupés. Le président Arafat, qui, selon nous, ne saurait être écarté de toute démarche visant à remettre le processus de paix sur les rails, doit réitérer sans la moindre équivoque qu'il condamne vigoureusement tout acte terroriste dirigé contre des civils innocents. Peut-être devra-t-on envisager l'établissement, pendant une période déterminée, d'une zone tampon destinée à assurer la sécurité des populations israélienne et palestinienne.

    Une fois ces mesures préliminaires mises en oeuvre, il conviendra de faire en sorte que les parties reprennent les négociations devant finalement conduire à une paix durable dans la région.

  +-(0115)  

    Cela étant dit, nous estimons qu'il ne saurait y avoir de paix durable sans la fin de l'occupation militaire et de la colonisation dans les territoires occupés. Il ne saurait y avoir de paix durable sans que les parties en soient arrivées à un règlement satisfaisant à propos du statut de Jérusalem et de la question des réfugiés. Il ne saurait y avoir de paix durable finallement, sans la création d'un État palestinien viable, tant politiquement qu'économiquement. Il ne saurait y avoir de paix durable sans la reconnaissance formelle du droit d'Israël d'exister à l'intérieur de frontières sûres et reconnues.

    C'est pourquoi nous saluons le plan de paix mis de l'avant par le prince Abdallah d'Arabie Saoudite, lequel a été entériné lors de la dernière conférence de la Ligue arabe, à Beyrouth, le 28 mars dernier. Pour la première fois, tous les États arabes acceptaient de reconnaître officiellement l'État d'Israël et d'établir avec celui-ci des relations formelles, à condition qu'il accepte de céder les territoires occupés depuis 1967 à un futur État palestinien, à l'exception, bien sûr, des hauteurs du Golan, qui seraient rétrocédées à la Syrie.

    Il importera que la communauté internationale, particulièrement le Canada, augmente substantiellement l'aide accordée à l'Autorité palestinienne. Tout est à refaire, tout est à reconstruire: les infrastructures routières, les services publics, les services sociaux, etc.

    La communauté internationale devra savoir faire preuve de solidarité avec les populations éprouvées car, comme nous l'affirmions avec insistance au moment où, dans la foulée des événements du 11 septembre, nous avons joint les rangs des nations engagées dans la lutte contre le terrorisme, il ne convient pas simplement de s'attaquer à ses effets, à ses manifestations, mais également à ses sources, à ses fondements que sont la pauvreté, l'injustice et l'exclusion.

    Dans la foulée des événements du 11 septembre également, nous avons vu apparaître des comportements haineux à l'égard de la communauté arabe. Le gouvernement est alors énergiquement intervenu pour contrer ces mouvements d'intolérance par lesquels on semblait vouloir associer l'islam et les communautés arabes au terrorisme, association facile et inappropriée qu'il nous fallait alors dénoncer.

    De la même façon, d'aucuns semblent vouloir transposer le conflit qui a cours au Proche-Orient dans nos communautés. Nous avons assisté, médusés, à des gestes haineux à l'endroit de la communauté juive qu'il nous faut réprouver avec la même énergie.

    Il faut donc nous attendre de la part de ce gouvernement à des actions visant, autant que faire se peut, à éviter que des gestes semblables puissent être commis, dans nos communautés.

    Dans les circonstances, je conclus en disant que seul un retour inconditionnel à la table des négociations pourrait mettre un terme à la détérioration rapide et meurtrière de la situation. Les parties doivent impérativement s'extirper du cercle vicieux de la violence dans lequel elles s'enfoncent davantage chaque jour. Elles doivent absolument y croire et y croire véritablement. Pour le reste, il ne nous reste plus qu'à prier Allah et Yahvé, puis espérer.

  +-(0120)  

[Traduction]

+-

    M. Andrew Telegdi (Kitchener--Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps avec le député de St. Paul's.

    C'est le coeur lourd que je prends la parole aujourd'hui pour participer au débat concernant l'escalade du conflit entre Palestiniens et Israéliens au Proche-Orient. Ce conflit dure depuis six décennies et a coûté la vie à de milliers d'innocentes victimes des deux communautés, qui ne cherchaient qu'à mener une vie normale dans des circonstances très anormales.

    Il y a des raisons couramment acceptées qui expliquent comment a commencé le cycle de violence et pourquoi il dure encore aujourd'hui. Du point de vue des Israéliens, qui sont hantés par le spectre de l'Holocauste et encerclés par des armées arabes hostiles déterminées à les détruire, le conflit représente un combat de survie.

    Malgré leur puissance militaire, ils se sentent isolés, vulnérables et entourés par une mer d'ennemis. Les attentats terroristes commis en Israël ont durci le coeur de ceux qui veulent la paix maintenant et ont renforcé la détermination de ceux qui ne la souhaitent pas.

    Pour les Palestiniens désenchantés par les événements de l'histoire et des forces politiques internationales échappant à leur contrôle, c'est un combat pour retrouver leur patrie, leur fierté et leur dignité dans une nation indépendante.

    L'établissements des colonies israéliennes et les incursions militaires dans leurs collectivités de Cisjordanie et de Gaza ont engendré du ressentiment et du désespoir chez ceux qui priaient pour la paix et ont attisé la colère de ceux qui ne la souhaitaient pas.

    Cela ne donne aucune consolation à ceux qui ont été pris dans la peur et l'horreur d'une vie marquée par la guerre. L'incapacité des peuples qui partagent la région de la Palestine d'en arriver à une solution pacifique de leur conflit, malgré l'aide et l'intervention des grandes puissances mondiales, est l'une des tragédies de l'histoire moderne et l'un des plus grands échecs de la diplomatie. Elle reflète le refus entêté—né des souffrances endurées par les deux parties—d'oublier les injustices réelles ou perçues du passé pour continuer à vivre. D'une certaine façon, c'est un échec de toute l'humanité.

    Les deux communautés comptent des factions opposées les unes aux autres qui nourrissent différents desseins politiques. Chacune a des éléments qui trouvent avantageux d'envenimer le conflit, qui ne veulent pas d'une solution ou de la paix, préférant un affrontement armé dont l'objectif ultime serait la destruction complète de l'adversaire. Même si je crois que ces éléments ne forment qu'un faible pourcentage de la population de la région, leur action radicale a eu des effets déstabilisateurs sans rapport avec leur nombre.

    Il y a bien plus de gens dans ces collectivités qui aspirent à la paix. Leurs voix sont de moins en moins entendues ces jours-ci. Des événements comme les attentats suicides à la bombe commis par des Palestiniens et les assassinats politiques commis par les militaires israéliens engendrent et perpétuent à la fois la colère, la peur et la haine chez bien des personnes qui dans d'autres circonstances aspireraient sincèrement à la paix.

    C'est avec un sentiment paradoxal que je participe au débat de ce soir. Par un certain détour du destin, le conflit du Proche-Orient a déjà croisé ma route à une occasion.

    La révolution hongroise a éclaté le 23 octobre 1956. Les héros de cette révolution, ses combattants de la liberté, des adolescents et des pré-adolescents, ont compté de nombreux martyrs qui ont eu recours aux cocktails Molotov à tout ce qu'ils pouvaient trouver pour lutter contre les blindés soviétiques.

    Le 29 octobre 1956, l'attaque israélienne contre l'Égypte, appuyée par la France et l'Angleterre, visait à prendre le contrôle du canal de Suez et à détourner l'attention du monde de la lutte tragique des Hongrois et à permettre aux soviétiques d'écraser cette révolution. Or, la crise de Suez a presque fait basculer le monde dans un conflit mondial.

    Ces heures tragiques ont marqué une des époques les plus glorieuses du Canada. Sous la direction de Lester B. Pearson, alors secrétaire d'État aux Affaires extérieures, le Canada a participé à la constitution d'une force internationale de maintien de la paix qui a été chargée de désamorcer la crise de Suez, sous la bannière des Nations Unies. Paradoxalement, la Hongrie est maintenant libre et connaît la paix alors que le conflit au Proche-Orient menace de nouveau la paix mondiale.

    Il est paradoxal qu'en 1956, un jeune Hongrois de dix ans à l'époque de la révolution hongroise et de la crise de Suez, qui s'est trouvé parmi le 200 000 réfugiés, qui a vécu dans un camp de réfugiés en Autriche et qui est maintenant député au Parlement participe à ce débat sur la crise du Proche-Orient qui menace encore une fois la paix mondiale.

    J'appuie entièrement l'idée qu'il faut trouver une solution immédiate au conflit du Proche-Orient et je souligne que le Canada a publiquement lancé un appel en faveur du retrait complet des forces israéliennes des territoires sous contrôle palestinien parce que cette mesure est considérée comme favorable au processus de paix. En outre, nous avons instamment demandé la cessation des attentats suicides à la bombe et des autres attentats terroristes commis par les militants palestiniens.

  +-(0125)  

    De plus, j'appuie le principe fondamental de la politique canadienne à l'égard du Proche-Orient, qui consiste à encourager les deux parties à s'efforcer de parvenir à la paix dans le cadre d'un accord négocié. Nous avons demandé aux deux parties d'appliquer immédiatement un véritable cessez-le-feu et de travailler ensemble à l'application du plan Tenet et des recommandations Mitchell, qui tendent à la reprise des négociations en vue d'un règlement politique, conformément à la résolution 1402 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

    Nos efforts à cet égard sont sincères et doivent devenir réalité. Néanmoins, compte tenu de l'escalade des hostilités dans la région au cours des 18 derniers mois, le statu quo n'est plus envisageable.

    Le moment est venu pour le Canada de promouvoir activement la création d'une force de maintien de la paix dans la région. Cette force, dont la présence est une absolue nécessité, aura pour rôle d'assurer la sécurité des deux communautés jusqu'à ce qu'elles aient établi des liens de coexistence pacifiques de longue durée. La protection assurée par cette force permettra le retour à la vie normale en Israël et l'établissement d'un leadership et d'une administration civile et nationaux ayant pour objectif de promouvoir le bien-être économique et social dans les régions sous autorité palestinienne.

    Le Canada a une longue et fière tradition de maintien de la paix. Notre réputation dans ce domaine pourra grandement nous aider à convaincre les deux parties concernées que leurs meilleurs intérêts leur commandent de collaborer à un effort de paix. Elles doivent être convaincues qu'il est possible de rompre le cycle des conflits par leurs efforts collectifs.

    En plus de la protection militaire assurée par une force de maintien de la paix des Nations Unies, le peuple palestinien devra pouvoir compter sur nos garanties de soutien financier afin d'assurer son développement économique et la reconstruction de ses infrastructures, et sur le soutien politique de l'Occident afin de mettre en place des institutions gouvernementales efficaces et démocratiques.

    L'élimination du terrorisme est nécessaire à la sécurité d'Israël. Dans le discours que je prononçais à la Chambre le 2 octobre, je disais que pour éliminer le terrorisme, il faut au fond modifier les conditions propices à son éclosion. C'est le cas pour le Proche-Orient plus que pour n'importe quelle autre région du monde.

    Les Israéliens doivent reconnaître que leur sécurité et leur bien-être sont liés à l'élimination des causes profondes du terrorisme, des causes auxquelles ils ont involontairement contribué au fil des années. Nous devons tenter de les convaincre que la création et le soutien, en Palestine, de conditions et d'institutions politiques et sociales viables et propices au développement humain seront, en définitive, leurs meilleures garanties de sécurité.

    Il y a un facteur important qu'il faut aborder si nous espérons voir s'établir une paix durable et permanente dans la région: un changement de la politique étrangère des pays de la région qui réclame la destruction d'Israël. J'appuie les éléments du plan de paix de l'Arabie saoudite qui réclame l'établissement d'un État palestinien en sécurité dans ses propres frontières. En retour, Israël se verrait garantir la normalisation des relations avec les États arabes voisins, leur reconnaissance de la légitimité de l'existence de l'État d'Israël et leur garantie qu'Israël sera à l'abri des attaques terroristes.

    Le conflit dans la région est vieux de plusieurs décennies et il faudra de la patience et de l'équité pour le résoudre. Aussi solides que soient nos assurances, ou peu importe le nombre de garanties que nous offrons ou le nombre de mécanismes que nous mettons en place pour procurer un sentiment de sécurité aux habitants de la région, ce qu'il leur faudra au bout du compte pour avoir confiance qu'ils pourront coexister pacifiquement en Palestine, c'est une longue période de temps sans craindre tous les jours pour la sécurité de leur famille.

    Nous devons prier pour que les dirigeants des deux parties à ce conflit aient la force de caractère et le courage qui leur permettent de mettre de côté la peur et la haine et de faire les premiers pas vers une paix permanente, pour le bien de leurs enfants et des enfants de leurs enfants.

  +-(0130)  

+-

    Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Monsieur le Président, le débat de ce soir porte sur le Proche-Orient. Pour bon nombre des électeurs de ma circonscription, le débat a trait non pas à la politique étrangère du Canada, mais bien à la famille. Comme les électeurs de la circonscription du député de Mont-Royal, bon nombre de citoyens de St. Paul écoutent chaque jour les nouvelles, attendent un appel téléphonique en pensant aux membres de leur famille habitant, étudiant ou travaillant là-bas.

    Au cours des années où j'ai grandi à Toronto, je ne connaissais qu'un mot hébreu, soit «shalom». Il signifie paix. Nous chantions la paix lorsque nous interprétions la chanson Shalom Haverim. Nous savions qu'on y parlait de la paix et du retour espéré d'amis. Je ne crois pas qu'à quelque moment que ce soit nous ayons même envisagé le moindrement ce que pourrait être l'absence de paix, ce que pourrait signifier l'inquiétude de ne jamais revoir des amis.

    Lorsque j'ai commencé à faire du porte-à-porte dans St. Paul, en 1997, je me rappelle avoir été étonnée du nombre de fois où l'on m'a demandé si j'avais déjà été en Israël. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi cela revêtait autant d'importance pour un si grand nombre de gens. Je le sais maintenant. Cela tient aux familles, à leur histoire et, aujourd'hui, en ce jour du Souvenir de l'Holocauste, au fait que l'on veut être sûr que les atrocités dont il est question dans Yad Vashem ne se reproduiront jamais.

    À mon avis, il s'agit d'éliminer la haine et de partir de l'esprit de tolérance que nous connaissons habituellement ici au Canada pour essayer d'aboutir au respect et à la dignité partout dans le monde.

    Comme les événements du 11 septembre nous l'ont si clairement enseigné, c'est une très petite planète et les coûts de la haine et de son sous-produit, le terrorisme, sont intolérables.

    Comme l'a souligné Thomas Friedman dans son article du 10 mars paru dans le New York Times, l'analyste du Proche-Orient Stephen Cohen a dit:

    

Il s'agit de savoir si les extrémistes palestiniens réaliseront ce que n'a pu faire Oussama ben Laden: une guerre des civilisations. Si vous êtes disposé à sacrifier votre vie et celle de milliers de vos concitoyens, la puissance écrasante de l'Amérique et d'Israël n'exerce plus sur vous d'effet dissuasif. Nous sommes maintenant rendus au point où les extrémistes concrétisent ce pouvoir destructeur, avant que la majorité soit mobilisée afin de trouver une solution de rechange. C'est pourquoi cette guerre israélo-palestinienne ne constitue pas uniquement un conflit ethnique local dont nous pouvons faire abstraction. Il met en cause beaucoup trop de millions de personnes, liées par un nombre beaucoup trop élevé de téléviseurs, et disposant d'un trop grand nombre d'armes dangereuses.

    En ma qualité de députée de St. Paul, je me suis rendue en Israël et en Palestine trois fois, soit en 1999, avec mon aîné Jack, en 2000, avec le premier ministre et mon brillant collègue et ami, le député de Mont-Royal, et bon nombre d'autres parlementaires entretenant des liens solides avec le Proche-Orient, ainsi que l'an dernier, avec mon fils cadet Ben.

    Mais c'est voyager avec mes fils qui a été le plus émouvant. Quand je regardais les soldats, dont certains étaient plus jeunes que mes fils, je pensais inévitablement à ce que pouvaient ressentir leurs mères, je pensais à leurs espoirs de paix et à leur désir de travailler pour la paix.

    Lorsque nous étions dans la salle commune à Metullah l'an dernier, j'ai ressenti une insécurité qui était palpable. À 20 heures, les conseillers ont regardé leur montre. C'était précisément à cette heure-là que des roquettes Katioucha venant du Liban avaient frappé l'immeuble. Attablés à un café à Ben Yehuda, nous étions tous conscients des précédents bombardements à cet endroit. Serions-nous en sécurité ce soir? Nous ne pouvions tenir pour acquise la sécurité dont nous jouissions au Canada.

    Nous sommes allés rencontrer Saëb Erakat à Jéricho à bord d'une fourgonnette blindée. Nous avons entendu sa version des faits. Docteur en études sur les conflits et la paix, il s'inquiétait pour son fils, craignant que son intérêt pour le processus de paix ne fasse de son fils une cible, que son fils ne décide de prendre les choses en main en allant lancer des pierres et en allant se mettre dans le pétrin.

    Ce n'est pas une façon de vivre. Trop de gens ont perdu la vie.

    Dans ces heures sombres, nous devons rechercher une porte de sortie. Cette porte de sortie se trouve déjà dans un accord. Le processus politique doit reprendre de toute urgence. Nous devons nous tourner vers les engagements qui ont été pris relativement à la politique canadienne de longue date au Proche-Orient, dont l'objectif est une paix durable entre Israéliens et Palestiniens vivant dans des territoires bien délimités.

    Nous devons travailler à l'application du plan de sécurité Tenet comme première étape de la mise en oeuvre des recommandations du comité Mitchell, l'objectif étant la reprise des négociations sur un règlement politique.

    Dimanche dernier, à St. Paul's, j'ai rencontré certains de mes électeurs qui étaient très inquiets. Je pense que, dans une certaine mesure, ils se sentent abandonnés par le gouvernement canadien. Ils ont parlé et nous avons eu une conversation très constructive. Ils estiment qu'en tant que Canadiens nous ne devrions pas appuyer tantôt les uns tantôt les autres. Nous devrions plutôt continuer de prendre des décisions fondées sur nos valeurs canadiennes.

  +-(0135)  

    Selon le professeur Dewitt, de l'université York, nous devons d'abord mener une campagne absolue contre la provocation, nous devons trouver le moyen de la contrôler et prendre des mesures pour l'éliminer. Nous devons continuer de mériter la distinction que nous a accordée le groupe de travail des Nations Unies dans le dossier des réfugiés palestiniens. Il importe au plus haut point que le Canada conserve cette distinction et l'autorité morale pour pouvoir agir équitablement dans la région. Nous devons à tout prix continuer de faire progresser la démocratie et utiliser toutes les compétences des fonctionnaires et de tous ceux que nous pourrons mobiliser pour apporter de l'aide à la région.

    En ce qui concerne l'incitation ou la provocation, je dois dire que, forte de ce que j'ai appris lors de mes voyages au Proche-Orient, je crois qu'il existe une grande disparité entre ce que nous avons vu en Israël et ce que nous avons vu lors de l'extraordinaire représentation muséale où l'on démontrait les effets de la haine en Irlande du Nord et en Bosnie. Des groupes d'élèves ont été invités à voir ce qu'avaient déclaré des artisans de la paix de tous les coins du globe.

    Je suis inquiète car rien ne laisse entrevoir une telle tendance du côté palestinien. Je crains qu'il n'existe encore des cartes géographiques où ne figure pas Israël et que la haine envers les Israéliens ne se manifeste encore très concrètement. Les brochures obtenues par nos délégués canadiens lors de la conférence de Durban tendent à corroborer ce fait.

    Je ne crois pas que les attentats-suicides surviennent spontanément. Les jeunes kamikazes sont créés et encouragés. Comme Thomas Friedman l'a dit dans son article du 7 avril, il est impossible de bâtir un État normal sur le dos de ces terroristes suicidaires. En tant que Canadiens, nous devrions insister pour que tous les intervenants déclarent de concert que les deux États ont le droit d'exister.

    Nous devons évaluer la situation et recueillir des preuves des incitations et provocations. Nous devons travailler avec acharnement, à la manière traditionnelle des Canadiens et selon les principes de Lester Pearson et George Ignatieff, pour renforcer la règle de droit qui ne peut être mise en oeuvre que par une institution comme les Nations Unies. Elle n'est pas parfaite. Il nous appartient de l'améliorer.

    Nous devons appuyer les efforts de gens comme Arnold Noyak qui travaille en Jordanie et dans les territoires palestiniens avec des médecins juifs, prouvant ainsi qu'ils peuvent vraiment agir sur le terrain.

    C'est un moment difficile pour les Canadiens. Un grand nombre de nos amis sont touchés par l'horrible situation qui règne au Proche-Orient. Nous comprenons qu'elle est obscure. En fin de semaine, nous avons été témoins de la vigile de l'organisation Jews for Peace et du rassemblement pour la solidarité d'Israël, et nous avons reçu de nombreux courriels disant qu'il faudrait cesser d'encourager bassement les juifs.

    En tant que parlementaires, nous devons absolument maintenir le cap sur les valeurs canadiennes et prendre des décisions en conséquence. Personnellement, je souligne que le ministre des Affaires étrangères fait un travail admirable pour maintenir l'équilibre et apporter les correctifs qui s'imposent afin que cette situation complexe se dirige toujours vers le processus de paix. Nous devons travailler en ce sens. Nous devons voir à ce qu'une solution politique vienne à bout du terrorisme.

    Il est extraordinairement important dans notre marche vers la paix de jeter un regard sur l'une des personnes les plus brillantes que nous avons connues, Albert Einstein. Comme un électeur de l'Institut du cancer de l'Ontario me l'a rappelé, Albert Einstein a dit que la paix ne pouvait pas être établie au moyen de la violence, mais plutôt au moyen de la compréhension.

+-

    M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je prends la parole pour participer au débat sur la situation tragique du Proche-Orient, conscient qu'hier était une journée de deuil et de souvenir pour les victimes de la Shoah, ce terrible holocauste du siècle dernier qui a fait disparaître systématiquement six millions de juifs, et a été, dans tous les siècles de la triste histoire humaine, l'acte de la sauvagerie la plus insondable.

    Devant cet acte terrible, nous avons appris à réagir par le simple cri de ralliement d'Eli Wiessel: «Jamais plus.» Jamais plus ceux qui croient en la dignité humaine ne toléreront qu'on tente d'exterminer une race entière. Jamais plus le monde libre ne restera à l'écart si une idéologie de haine prend racine et devient assez forte pour détruire tout un peuple. Et surtout, jamais plus les pays libres ne laisseront le cancer de l'antisémitisme propager ses métastases pour menacer le peuple juif.

    Je crains que, l'horreur de l'holocauste commençant à s'estomper dans notre mémoire collective, après cinq décennies, la promesse «Jamais plus» ne se vide de son sens et ne devienne un simple cliché pour un trop grand nombre d'entre nous, dans l'Ouest libéral.

    C'est pourquoi l'État démocratique juif d'Israël est un joyau si précieux. Il est la manifestation concrète de la promesse «Jamais plus». Pour le monde libre, la meilleure façon de tenir cette promesse et d'honorer sa très lourde dette morale envers le peuple juif est de garantir la sécurité d'Israël comme un rayon d'espoir, comme la promesse de l'autodétermination et de la démocratie pour le peuple juif.

    Lorsque j'aborde des questions complexes comme le conflit en terre sainte, j'essaie d'abord de repérer les grands principes. Pour moi, le premier principe qui s'applique ici est le suivant: s'ils avaient la moindre chance, les ennemis d'Israël n'y songeraient pas deux fois avant de le détruire et de lancer le monde dans un deuxième Holocauste.

    Il y a 4,8 millions de juifs, soit un nombre inférieur à celui des juifs qui ont été tués pendant l'Holocauste en Europe, qui vivent dans un État démocratique situé sur un tout petit territoire, plus petit que n'importe lequel de nos Grands Lacs, pas plus large que neuf milles à son endroit le plus étroit. Israël est entouré de 23 États arabes ou islamiques, presque tous des dictatures dont la population totale se chiffre à plus de 300 millions d'habitants et dont les forces armées actives sont 15 fois supérieures en nombre à celles d'Israël.

    Ces États arabes ont tenté à maintes reprises de détruire Israël, d'abord au moment de sa création, en 1948, en cherchant à outrepasser au mandat international de création d'un État juif et d'un État palestinien distincts, puis à nouveau en 1956, en 1967 et en 1973. Bon nombre de ces États belligérants demeurent farouchement déterminés à anéantir Israël et ses habitants juifs et ont pour politique de priver Israël du droit d'exister.

    Comme ils le font depuis trois décennies, bon nombre des ennemis d'Israël utilisent encore une fois le peuple palestinien et sa lutte pour l'autodétermination comme bouc émissaire pour s'attaquer au prétendu agresseur sioniste.

    La Syrie parraine toujours les attaques du Hezbollah contre le nord d'Israël, en passant par le Liban. L'Iraq a porté à 25 000 $ le montant qu'il verse à la famille de chacun des martyrs de Yasser Arafat.

    En plus de financer le terrorisme meurtrier du Hamas, l'Iran a été pris sur le fait, cette année, lorsqu'il a expédié une cargaison d'armements, d'explosifs et de roquettes de 50 tonnes à la soi-disant police de sécurité de l'autorité palestinienne, à bord du Karina A. Cette cargaison a été clairement autorisée et approuvée par Yasser Arafat, mais il a nié en savoir l'existence de façon totalement ridicule et éhontée.

    Tout cela a contribué au cercle vicieux d'attentats suicides qui ont causé la mort de centaines d'Israéliens innocents depuis 18 mois, soit beaucoup plus, toutes proportions gardées, que les 3 000 civils innocents qui ont été tués aux États-Unis par des terroristes islamistes le 11 septembre. Des Israéliens innocents en prière, dans leurs loisirs, dans leur vie quotidienne, mutilés et assassinés par des kamikazes qui ont grandi dans le culte du shahid, du martyre.

    Cependant, ce qui m'effraie le plus, c'est que les ennemis d'Israël sont disposés, dès qu'ils en auront les moyens, à déclencher un autre holocauste en recourant à des armes de destruction massive.

  +-(0140)  

    Pas plus tard que le mois dernier, l'ex-président iranien Rafsanjani a explicitement menacé d'utiliser contre Israël des armes nucléaires si l'Iran en obtenait. Évidemment, l'Iraq a continué de parfaire son programme d'armes biologiques et elle a la capacité de déployer ces armes vers Israël en utilisant des missiles Scud de moyenne portée. Pour un pays de la taille d'Israël, une première offensive importante avec des armes de destruction massive équivaudrait en fait à une dernière offensive.

    Tout cela résulte d'un courant virulent d'antisémitisme qui va en augmentant au Proche-Orient et qui se manifeste de plus en plus dans les démocraties occidentales. Si l'on écoute les voix de nombreuses institutions islamistes et nationalistes arabes de nature politique, religieuse et médiatique, on remarque l'expression d'une haine pour les Juifs en général et pour Israël en particulier beaucoup plus clairement que celle d'un sentiment de véritable solidarité par rapport à la situation critique des réfugiés palestiniens.

    Permettez-moi de citer Ahmad Abu Halablya, un mufti qui est financé et nommé par Arafat et dont les propos ont été retransmis en direct plus tôt cette année sur les ondes de la télévision officielle de l'Autorité palestinienne. Voici ce qu'il a déclaré:

Les juifs doivent être massacrés et tués; comme Allah le tout-puissant l'a dit, il faut lutter contre eux. Allah les torturera par votre entremise...N'ayez aucune pitié pour les juifs, peu importe où ils se trouvent, peu importe le pays où ils sont. Il faut les combattre où que vous soyez. Lorsque vous en rencontrez, tuez-les.

    Voilà des propos qui ont été retransmis sur les ondes de la télévision de l'Autorité palestinienne d'Arafat, des propos d'un mufti nommé et financé par l'Autorité palestinienne.

    Une étude sérieuse des propos diffusés par les médias palestiniens officiels au cours de la dernière année montrera que ce genre d'incitation est de plus en plus souvent la norme; comme on l'a mentionné plus tôt ce soir dans le cadre du débat, un examen des manuels scolaires palestiniens montrerait la même chose. Comme l'a écrit Charles Krauthammer, le chroniqueur du Washington Post lauréat du prix Pulitzer:

Depuis huit ans [...] Arafat a complètement perdu le contrôle de tous les médias et organes de propagande palestiniens. Il faut éprouver une haine indicible pour envoyer ses enfants commettre des attentats suicides semblables aux meurtres de Columbine. Arafat a enseigné cela. Sa télévision, ses journaux et ses clercs ont inculqué un antisémitisme sans égal depuis l'Allemagne nazie.

    C'est l'arrière-plan moral de la situation à laquelle nous faisons face au Proche-Orient. Ce soir et ces dernières semaines, j'ai entendu des gens parler de la nécessité de faire preuve d'impartialité et d'équité, de la nécessité pour les deux parties de faire quelques concessions pour arriver à la paix. Je comprends parfaitement ce sentiment. C'est une idée valable et typiquement canadienne, mais je ne suis pas certain que ceux qui défendent plutôt allègrement cette approche comprennent vraiment toutes les subtilités et l'évolution récente de la situation au Proche-Orient.

    Nous pourrions probablement tous nous entendre au Canada, avec peu de dissension, sur le principe fondamental consistant à régler la crise en Israël en échangeant des terres contre la paix et en mettant en oeuvre certaines des récentes résolutions des Nations Unies.

    Israël a cédé des terres et n'a pas obtenu la paix en retour. Israël a tendu la main et a été, en retour, victime de la violence, de meurtres et de mutilation de civils innocents. Israël s'est retiré de 95 p. 100 de la Judée et de la Samarie, ce qu'on appelle les territoires occupés. Israël a offert pratiquement tout ce que les dirigeants palestiniens avaient demandé lors des négociations de Camp David et de Taba, y compris la souveraineté conjointe sur la ville de Jérusalem et un retour limité des premiers réfugiés.

    Tout a été mis sur la table et Israël avait déjà évacué 95 p. 100 des territoires. Israël a donné des terres, mais s'attendait en retour à une garantie de paix. Les Israéliens croyaient qu'en reconnaissant l'Autorité palestinienne dirigée par Yasser Arafat comme une autorité politique souveraine, cette autorité politique pourrait faire respecter la primauté du droit et serait en mesure d'éliminer le cancer du terrorisme dirigé contre les civils innocents.

  +-(0145)  

    Cependant, l'Autorité palestinienne sous la direction de M. Arafat a été complètement incapable de respecter cet engagement. Au contraire, au cours des 18 derniers mois, et certains diront depuis que le processus d'Oslo a commencé il y a huit ans et demi, le président Arafat a incité à la violence et, de plus en plus, comme les faits le prouvent, a utilisé la violence comme un outil de négociation. La plupart des récentes attaques suicides en Israël au cours des trois ou quatre derniers mois n'ont pas été le fait des rivaux de M. Arafat au sein du Hamas, du Hezbollah ou de la Djihad islamique, mais ont été perpétrées par sa propre faction du Fatah, la Brigade des martyrs d'al-Aqsa. En d'autres termes, Yasser Arafat est devenu non seulement incapable de contrôler la violence perpétrée par des groupes terroristes divers, mais il est devenu un acteur direct dans ce terrorisme.

    Aux premiers stades de cette intifada, ses miliciens du Tanzim ont participé à certaines escarmouches avec les forces de défense israéliennes et maintenant, des représentants de l'organisation politique de Yasser Arafat légitiment la violence en offrant une infrastructure et des appuis, de la formation, des fournitures, de l'équipement, des fonds, des compétences militaires ainsi que des renseignements et, pis encore, en donnant aux jeunes musulmans palestiniens l'instruction morale la plus perverse pour les amener à se tuer eux-mêmes en entraînant dans la mort des Israéliens innocents dont le seul crime est d'être juifs.

    Je suis tout à fait en faveur du principe de l'impartialité et de l'idée d'essayer d'amener les deux parties à la table. J'appuie le plan Tenet et le rapport Mitchell, et j'espère que nous pourrons un jour voir les parties en cause en arriver à un accord qui pourrait ressembler à l'accord de Camp David, qui prévoit un échange légitime de parcelles de terre pour la paix. Je suis d'avis que cela serait un sentiment quasi unanime à la Chambre.

    Toutefois, ce désir ne m'aveugle pas. La possibilité d'atteindre une paix de ce genre ne m'empêche pas de constater que Yasser Arafat et l'autorité palestinienne ont perdu tout mandat moral et politique de servir d'interlocuteur responsable dans le cadre du processus actuel. Nous ne pouvons pas négocier avec des terroristes. Or, Yasser Arafat et son commandement ont opté pour le terrorisme. Ils ont choisi d'avoir recours au meurtre de civils pour engendrer une crise qui pourrait forcer les États-Unis et l'Union européenne à intervenir pour exercer des pressions sur Israël.

    Je dois dire que je ne peux tout simplement plus croire à la sincérité du président Arafat, et je suis persuadé que quiconque examine les faits en viendra à la même conclusion. En fait, avant de mourir l'an dernier, Faisal Husseini, qui était un important Palestinien soi-disant modéré, a dit qu'Oslo avait été un cheval de Troie, une simple procédure temporaire, une étape vers quelque chose de plus gros. Ce quelque chose de plus gros était, selon lui, «la Palestine, à partir de la rivière, du Jourdain, jusqu'à la mer, la Méditerranée». Il a dit qu'Oslo était «une façon de faire tomber les Israéliens dans une embuscade et de les tromper».

    Depuis qu'Arafat avait mis sur pied le Fatah au début des années 1960, avant ce qu'on appelle l'occupation de la Judée et de la Samarie, il prônait l'élimination de l'État juif. Rien ne nous permet de croire qu'il n'a pas toujours cet objectif fondamental.

    Comme nous l'avons vu, les actions de la Brigade des martyrs d'al-Aqsa ainsi que les incursions par les forces de défense israéliennes à l'intérieur du quartier général palestinien à Ramallah ont permis de trouver des preuves concrètes du fait qu'Arafat lui-même avait autorisé le financement de certaines de ces brigades de la mort et des factures prouvant l'acquisition de bombes.

  +-(0150)  

    Cela remonte même en 1974, lorsque l'OLP avait adopté un plan échelonné en vue de l'obtention de l'État palestinien. La première phase consistait à accepter n'importe quel territoire, peu importe sa taille, offert en Palestine. La deuxième était d'en faire une sorte de tête de pont pour la guerre dont l'enjeu était la destruction d'Israël.

    C'est dans ce contexte que le gouvernement et les habitants d'Israël réagissent à ces attaques. Et c'est là que je m'oppose sincèrement à certains des propos moralisateurs du ministre des Affaires étrangères qui a dit que la réaction israélienne des dix derniers jours était disproportionnée.

    Ayant étudié la philosophie morale catholique, je connais bien le sens du mot proportionnalité. C'est un des principes qui devraient régir les considérations morales de ce qui constitue une guerre juste. Toutefois, je ne réussis pas à voir de réaction disproportionnée de la part d'un gouvernement souverain élu en bonne et due forme qui applique des mesures antiterroristes, arrêtant ou tuant des criminels reconnus, saisissant des armes, de l'armement et des explosifs illégaux et détruisant l'infrastructure financière et militaire de terroristes, face à une campagne délibérée visant le meurtre de centaines de civils innocents.

    Pour tomber dans l'absurdité totale, si le ministre des Affaires étrangères recherche la proportionnalité, les Israéliens devraient peut-être envoyer des kamikazes en mission dans les communautés palestiniennes.

    À mon avis, et certains éditorialistes l'ont observé, le ministre des Affaires étrangères devrait se remémorer l'histoire du Canada. En 1972, deux personnalités politiques ont été kidnappées au Québec. Le gouvernement libéral de l'époque a réagi en décrétant la loi martiale et en envoyant des chars d'assaut dans les rues de Montréal. Dieu nous préserve, mais si le FLQ avait assassiné des milliers de civils canadiens innocents, en proportion avec la population d'Israël, quelle aurait notre réaction proportionnelle?

    Tandis que le gouvernement demande à toutes les parties de faire preuve de modération tout en les dirigeant vers le processus de paix et l'application du plan Tenet et des recommandations de la Commission Mitchell en faveur du retour des territoires en échange de la paix, je demande simplement au gouvernement de ne pas se laisser aveugler par l'impératif urgent qu'a Israël de faire disparaître cette menace immédiate qui pèse sur la sécurité de sa population. C'est ce que vise Israël de par sa présence militaire en Cisjordanie.

    Comme je suis un peu pessimiste en ce qui concerne les possibilités de paix, compte tenu de ce que perçois comme étant de la corruption morale chez les dirigeants palestiniens, au moins chez les dirigeants actuels, nous ne réussirons peut-être pas à négocier cet accord de retour des territoires en échange de la paix.

    Je souhaite à Colin Powell et à l'administration américaine que leur intervention porte fruit. Mais si l'Autorité palestinienne dirigée par le président Arafat ne change pas radicalement de politique dans les semaines à venir, j'imagine que le gouvernement d'Israël devra très sérieusement envisager la solution de la séparation unilatérale, l'érection d'une énorme muraille équipée de matériel de haute technologie coûteux pour séparer les territoires israéliens protégés des territoires sous contrôle palestinien. Ce serait désastreux que de mettre fin ainsi à toute possibilité pour ces peuples de se côtoyer au quotidien, de travailler côte à côte, et de faire des affaires ensemble tout en bénéficiant des mêmes infrastructures, mais c'est vers cela que nous semblons nous diriger.

    Je dirai en conclusion que si l'expression «plus jamais» est plus qu'un slogan, alors ne nous pressons pas de critiquer Israël pour avoir voulu défendre sa souveraineté et sa sécurité. Le peuple juif a découvert au cours du siècle dernier sa vulnérabilité face à la violence lorsque celle-ci s'allie à l'antisémitisme. Il se bat aujourd'hui contre ce mal et je suis d'avis que nous devrions le soutenir dans ce combat.

  +-(0155)  

+-

    M. Paul Szabo (secrétaire parlementaire du ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député d'Eglinton—Lawrence.

    On a enterré aujourd'hui la reine Elizabeth, la Reine-Mère. Ce fut une journée extraordinaire au cours de laquelle on a célébré la vie fascinante d'une personne qui a connu ce que l'humanité avait de pire comme ce qu'elle avait de mieux à montrer. Un certain nombre de groupes religieux étaient représentés à ses obsèques aujourd'hui. Ils ont tous parlé de la paix dans le monde et de la contribution de la Reine-Mère, qu'ils ont présentée comme un symbole de la paix.

    Lorsque j'ai été élu député, l'un des sujets de discussion au Parlement était la Loi sur les jeunes contrevenants. C'était un texte de loi que l'on avait vu et revu à de nombreuses reprises. Il ravivait pour bien des gens beaucoup de souvenirs terribles en raison d'expériences personnelles mettant en cause la famille ou des amis.

    Je me souviens d'avoir reçu un appel téléphonique d'un monsieur qui tenait à ce que je dise immédiatement au Parlement qu'il fallait sévir contre les jeunes contrevenants. Le fils de cet homme avait été violé et tué par des jeunes. L'homme était très affolé et il voulait absolument que l'on fasse quelque chose pour remédier à la situation. Au cours de cette conversation téléphonique, il m'a demandé si j'aimerais qu'il s'empare de ma fille et lui fasse subir le même traitement. Cet incident m'est venu à l'esprit en écoutant le débat au cours des dernières heures. Je l'ai trouvé fort révélateur.

    Ce que je veux dire, c'est qu'il y a des gens qui, à cause d'expériences personnelles, deviennent personnellement, émotionnellement et entièrement préoccupés et interpellés par un événement ou une suite d'événements. Cela signifie que, parfois, peu importe ce qui arrive, leur objectif est très clair. On peut constater ce phénomène au Proche-Orient.

    Imaginez que ce différend remonte, je crois, à 1947, au moment où une résolution de l'ONU a proposé le partage de la Palestine en un État palestinien et en un État juif. Depuis lors, des incidents similaires n'ont cessé de se répéter. Cela signifie que, depuis les 50 dernières années, nous avons créé au Proche-Orient des générations d'enfants qui valorisent la haine. Ces enfants sont devenus de jeunes adultes qui entretiennent la haine de part et d'autre. Ils ont perdu le respect de la vie comme nous le percevons. Les Canadiens parlent de respect de la vie.

    Je trouve cela très perturbant parce que, dans ce village planétaire où nous vivons, de nombreuses personnes se déplacent. C'est ce que nous avons constaté lors des événements du 11 septembre, quand on a découvert que nombre des terroristes étaient entrés aux États-Unis. Ils s'y trouvaient légalement. Leurs familles n'avaient pas la moindre idée de leurs activités, mais lorsque le moment est venu et qu'on leur a dit de faire leur travail, ils ont commis les attentats terroristes.

    Je crains de voir ce genre de choses arriver maintenant. Les Canadiens doivent également craindre ce genre de tragédies. Nous voyons ce qui se passe chez nous. Nous avons maintenant une loi antiterroriste pour assurer la protection des Canadiens bien au-delà de ce que nous aurions jamais pensé. Il y a maintenant davantage de mesures législatives concernant la sécurité et la sûreté dans le transport aérien et dans les aéroports à cause de ces attentats terroristes.

  +-(0200)  

    Les activités terroristes, qu'il s'agisse des terroristes du Proche-Orient ou des talibans, ont affecté le monde entier et ont eu un impact sur pratiquement tout ce que nous faisons. Nous regardons maintenant la vie à travers une lorgnette terroriste pour voir si nous ne devrions pas prendre certaines mesures en vue de prévenir ou de combattre le terrorisme car nous ne pouvons plus faire confiance.

    C'est très troublant car on peut facilement conclure que les terroristes ont gagné la bataille. Je crois que les terroristes sont en train de gagner la bataille. Je ne suis pas convaincu que les Canadiens en général ont une idée claire de ce qu'est la réalité au Proche-Orient à l'heure actuelle. Je sais que certains réseaux diffusent des reportages dramatiques à ce sujet. Nous Canadiens avons du mal à comprendre comment quelqu'un peut se faire exploser en emportant d'autres personnes avec lui dans la mort et comment on peut ensuite célébrer l'événement. C'est pervers. C'est très difficile à comprendre, mais cela se produit à répétition. Le lendemain, là où les gens étaient déchiquetés par les bombes la veille, on déambule dans les rues et on continue à vivre comme si de rien n'était.

    De temps en temps, je demande aux enfants ce qu'ils pensent de certains de ces problèmes et ce qu'ils comprennent à ce sujet. J'ai beaucoup de mal à essayer de leur expliquer le conflit qui oppose en Irlande les catholiques et les protestants, un conflit qui dure depuis si longtemps et qui a coûté tellement de vies. Je ne comprends pas très bien moi-même comment la haine a pu subsister si longtemps même dans ce pays et pourquoi quelqu'un de raisonnable n'a pas pu y mettre fin. Or, il n'y a personne de raisonnable au Proche-Orient à l'heure actuelle.

    Je voulais soulever ces questions car elles me préoccupent. Les Canadiens sont inquiets et ils ont peur. Ils veulent trouver un certain réconfort en voyant que le gouvernement du Canada fait ce qu'il peut pour apaiser ces craintes et participer à la solution.

    Il s'agit d'un problème complexe et il n'y a pas de solution simple. Le problème ne sera pas bientôt résolu, mais il nous faut un cessez-le-feu. Je sais que ceux qui cherchent à relancer le processus de paix souhaitent un cessez-le-feu. Il nous faut aussi une claire dénonciation du terrorisme sous toutes ses formes. Cela doit être une condition préalable à une solution durable.

    Il faut également nous asseoir à la table et négocier un règlement politique. Je ne pense pas qu'il y ait de solution où tout le monde soit gagnant, mais, comme un député l'a dit, il y a une position de moindre injustice. Il faudra beaucoup de force, de leadership et de négociation de la part non seulement des Palestiniens et des Israéliens mais aussi de ceux qui aident à la négociation de la paix sous l'égide de l'ONU et de nos alliés.

    Je partage les inquiétudes des Canadiens. Nous attachons de la valeur à la vie et nous voulons adresser nos meilleurs voeux aux dirigeants des pays du monde pour qu'ils amènent ce terrible conflit dans une voie qui finira par aboutir à la paix.

  +-(0205)  

+-

    M. Joseph Volpe (Eglinton--Lawrence, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de Mississauga-Sud ainsi que les autres qui m'ont précédé de leurs observations réfléchies et mesurées sur ce qui constitue clairement une autre série de circonstances malheureuses dans une autre région du monde.

    Quand je pense à l'intervention du député, je me réjouis que bien des députés aient résisté à la tentation de jeter le blâme sur des gens, des endroits, des circonstances et des sociétés tout entières. Il y a assez de blâmes pour tous. Ce n'est pas une de ces circonstances où ceux qui veulent blâmer quelqu'un ne pourront le faire.

    Le débat de ce soir ne vise pas autre chose que nous donner l'occasion d'examiner la question et les faits concernant le Canada. Il ne porte pas seulement sur ce que le Canada a fait au Proche-Orient pour promouvoir la paix et l'amélioration de la société, qu'il s'agisse des Israéliens, des Palestiniens ou d'autres. Il ne porte pas que sur le développement d'un processus politique en un lieu éloigné qui a de profondes répercussions sur nous tous. Il vise aussi à nous donner l'occasion de rappeler que notre société aspire à la paix, à l'acceptation des autres et à l'harmonie partout.

    Ces valeurs sont gravement menacées aujourd'hui, et pas seulement au Proche-Orient, mais aussi au Canada. Ce qui se passe là-bas a un retentissement dans notre propre société. Les habitants de notre pays, qui a été un phare pour la promotion de ces valeurs, sont témoins d'actes d'intolérance qui tiennent presque du désespoir, du mépris et du manque de respect pour la position d'autrui. Les Canadiens voient l'intolérance se manifester chez eux. Il y a eu des actes de violence, du vandalisme, de l'intolérance dans notre pays. Intolérance est le terme qui convient le mieux, en ce moment où nous sommes complètement envahis par la vie, l'histoire, et la destinée du Proche-Orient.

    Nous devons condamner sans aucune équivoque toute transgression des valeurs canadiennes non seulement en territoire canadien, mais aussi partout ailleurs. Il est facile de condamner lorsque les problèmes se produisent ailleurs, car ces problèmes ne semblent pas être les nôtres. Quelqu'un d'autre est en cause. Cela se passe ailleurs, dans une société où on ne sait pas collaborer avec les autres aussi bien que nous le faisons.

    Les Canadiens sont attachés à la diversité et à la coopération. Nous ne pouvons nous en passer. J'ose dire que la plupart des autres ne peuvent le faire non plus, mais chaque pays du monde a son histoire et son évolution propres. Je ne veux pas faire la morale aux autres. Nous ne sommes pas en position de le faire. Mais il faut que nous puissions dire que certaines choses ne peuvent être acceptées dans notre propre société. Les comportements scandaleux de notre propre part, même de la part d'un député comme moi, ne peuvent être tolérés par la Chambre ni par nos collègues, à cause de leurs conséquences pour le reste de la société. Les Canadiens veulent que le Parlement reflète leurs valeurs; nous devons incarner ces valeurs.

  +-(0210)  

    Les gens demandent aux parlementaires ce qui peut être fait pour résoudre des conflits comme ceux qui sévissent au Proche-Orient. On peut donner l'exemple. Certains collègues qui ont pris la parole avant moi ont expliqué l'apport des Canadiens au Proche-Orient. Ils ont expliqué comment les Canadiens se sont portés à l'aide des Palestiniens et des Israéliens.

    Mes collègues ont raison. Le Canada a toujours adopté une position proactive. Nous essayons d'accomplir ce que nous pouvons concrètement, et pas seulement en paroles. Les paroles sont toutefois utiles. Nous devons pouvoir dire les bonnes choses. Nous devons pouvoir faire le travail de base afin de mener nos actions avec dynamisme.

    C'est ce que nous faisons. Pour faire ce travail de base et comprendre ce qui se produit ailleurs, nous devons comprendre la nature des répercussions sur les Canadiens, sur ceux qui ont fait l'impossible pour favoriser l'essor de leur pays et s'assurer que notre société reflète les valeurs dont j'ai parlé plus tôt.

    C'est triste, mais les Canadiens et les habitants de ma circonscription à Toronto se sentent plus isolés que jamais. Cela reflète probablement les liens que tellement de Canadiens ont l'impression d'avoir avec le Proche-Orient et, surtout, avec Israël. Pourquoi? Non pas parce que le Canada prend parti pour l'un ou l'autre camp, mais parce qu'il y a tellement de citoyens canadiens qui ont des amis et des parents au Proche-Orient. Israël est devenu pour eux tous une métropole spirituelle et culturelle. C'est là qu'ils voient évoluer leur ascendance, leur histoire, leur destin et leur vie. Ils n'en sont pas moins Canadiens pour autant. Ils enrichissent notre société. Ils expriment leur opinion, et nous leur en sommes reconnaissants. Nous leur devons comme à tous les autres Canadiens de respecter leur point de vue.

    On a parlé de terrorisme à la Chambre. On a parlé de ce qui est juste et du droit qu'a Israël d'exister. Ce sont là des points valables et légitimes. Nous devons prendre une décision claire. Acceptons-nous qu'Israël a le droit d'exister à l'intérieur de frontières sûres et reconnues? Si nous acceptons cela et si nous exhortons tout le monde à l'accepter aussi, et si les peuples du Proche-Orient, dont les Palestiniens, acceptent cela, des pourparlers de paix peuvent alors avoir un sens.

    En tant que Canadien qui vit à 8 000 milles de là, je ne suis pas en mesure de passer des jugements. Tout ce que je sais, c'est que notre pays, comme tous les autres, appuie ceux qui partagent son idéal. L'idéal du Canada est de promouvoir la règle de droit, la démocratie et le respect. Nous avons ces intérêts. Nous avons aussi des intérêts commerciaux, mais je ne veux pas me montrer vénal. Nous défendons nos intérêts et nous appuyons ceux qui les défendent aussi et que nous appelons nos amis.

  +-(0215)  

    J'estime qu'il est temps d'épauler ceux qui, dans un moment de bouleversement, de violence extrême et d'incertitude, ont besoin de savoir que ceux qui ont parlé d'amitié, de règle de droit et de démocratie font corps avec eux et cela, même si les temps sont durs.

+-

    M. Bill Blaikie (Winnipeg--Transcona, NPD): Monsieur le Président, notre débat porte ce soir sur un dossier très complexe, peut-être l'un des plus complexes dans le monde. Il s'agit de voir comment établir la paix au Proche-Orient, non seulement pour les habitants de la région, mais pour la paix et la sécurité du monde, un monde menacé par la possibilité d'un conflit plus vaste, possibilité toujours présente chaque fois que la violence se manifeste dans ce coin du monde.

    À ce que je vois, nous étudions une situation où tant les Israéliens que les Palestiniens sont victimes de l'histoire et victimes les uns des autres. Ils ont été pris dans un cycle de blâme et de récrimination qui les a menés à l'abîme.

    Arrêtons-nous à l'essentiel. Ayant visité Yad Vashem, je voudrais d'abord revoir l'histoire récente des juifs et l'horreur de l'Holocauste, qui ont servi de base à la création d'Israël, même si le sionisme a précédé l'Holocauste.

    Les juifs avaient besoin d'un État où ils pourraient vivre en sécurité et bâtir une société et un pays juifs, ce qu'ils ont réussi à faire. Malheureusement, dans les années qui ont suivi l'Holocauste, le tout nouvel État d'Israël a dû faire face aux efforts des nations arabes unies pour le détruire. Ce qui avait été recommandé par les Nations Unies, soit un État juif et un État palestinien, idée maintenant reprise par les Saoudiens, a été rejeté en 1948 par le monde arabe. Le rejet du droit d'Israël d'exister à l'intérieur de frontières sûres et reconnues a pris la forme de guerres en 1948, en 1967 et en 1973.

    Ce rejet sert aussi de toile de fond à la situation actuelle. Les Israéliens ont le droit de demander que cesse cette tendance à vouloir les éliminer. S'ils doivent abandonner des territoires acquis lors de guerres d'autodéfense, soit la Cisjordanie et Gaza qu'on appelle les territoires occupés, et une grande partie de ce qu'ils ont déjà cédé ces dernières années dans le cadre du processus de paix, ils ont le droit de demander qu'il y ait une tolérance zéro à l'égard du rejet du droit d'Israël d'exister et une tolérance zéro à l'égard de la promotion du sentiment de haine envers Israël et les juifs.

    Il ne saurait être question d'un territoire pour assurer une fausse paix ou une paix tactique ou temporaire. Il s'agit d'offrir une paix véritable en échange d'un territoire rendu par un peuple qui est en droit de craindre les conséquences d'un retour aux frontières d'avant 1967, s'il n'est pas assuré de vivre dans la paix.

    Les Palestiniens sont également des victimes. Ils sont les victimes du mauvais calcul du monde arabe lors de la création d'Israël, notamment de ceux qui ont quitté Israël en croyant y retourner sous peu, après la destruction d'Israël. Ceux qui sont des réfugiés en raison des événements qui ont eu lieu à l'époque, et qui sont des réfugiés depuis des générations, ont aujourd'hui le droit d'être déprimés, affolés et affligés par la situation. Je peux essayer de comprendre leurs sentiments envers Israël, qui est, semble-t-il, la cause immédiate de leur sort misérable, mais je m'empresse d'ajouter, comme je l'ai dit il y a une vingtaine d'années à la Chambre, que, à mon avis, les Palestiniens sont également les victimes du monde arabe.

    Ils servent de bouc émissaire politique et bon nombre de ceux qui possèdent le pouvoir et l'argent voulus pour changer la situation des Palestiniens ordinaires se soucient très peu de leur bien-être.

    Les Palestiniens sont victimes du désespoir, un désespoir aggravé par la construction permanente de colonies israéliennes dans les territoires occupés. À mon avis, cette politique israélienne constitue une des plus graves erreurs qu'ait commises Israël, une erreur politique et morale qu'il faudra corriger si l'on veut que la paix soit possible. Cela ne sera pas facile, mais, après tout, un territoire occupé est un territoire occupé, c'est-à-dire qu'il n'est pas conquis. C'est un territoire qui doit être perçu comme pouvant être rendu. Si Israël semble compter le garder, cela n'aidera pas beaucoup à établir la confiance.

    Cela étant dit, je crois également que les Palestiniens sont victimes de la décision de Yasser Arafat de rejeter l'entente conclue entre lui et Ehud Barak.

  +-(0220)  

    La volonté de négocier démontrée par M. Arafat dans les années 90, tous les espoirs de paix engendrés par cette attitude et les progrès accomplis par la suite semblent s'être envolés en fumée au dernier moment pour des raisons, peu importe lesquelles, qui apparaissent insuffisantes, compte tenu de ce qui est survenu à la suite de ce renversement de situation.

    L'histoire pourra toujours juger sévèrement M. Arafat pour avoir raté l'occasion de ramener la paix, soit en raison d'un mauvais jugement ou intentionnellement, parce qu'Israël était bien près d'accepter les conditions proposées. Par contre, M. Barak doit être loué pour ce moment historique, contrairement à M. Sharon, qui ne mérite aucune félicitation pour avoir visité intentionnellement le Temple de Jérusalem à un moment tout à fait inopportun, et pour ce qu'il a fait par la suite.

    Je pense que les Israéliens et les Palestiniens sont victimes d'éléments dans leurs propres rangs qui n'ont aucun intérêt à ce que règne la paix et qui s'organisent pour saboter les efforts de paix dès qu'il semble y avoir un rapprochement. Nous savons que c'est ce que font le Hamas et le Hezbollah du côté palestinien. Nous savons aussi qu'il y a des éléments de la droite en Israël, dont probablement M. Sharon lui-même, qui ne sont pas intéressés à faire vraiment la paix avec les Palestiniens.

    La vraie question est de savoir si on doit mettre M. Arafat dans cette catégorie, de savoir s'il est sérieux au sujet de la paix véritable, s'il déplore réellement le terrorisme, s'il a fait tout en son pouvoir pour l'éliminer et s'il est prêt à s'asseoir une fois de plus à la table de négociation et à y rester même après que la paix sera en vue. L'avenir le dira et j'espère que nous aurons l'occasion d'en juger.

    Quant à ce qui se passe dans les territoires occupés actuellement, je suis de ceux qui comprennent la rage d'Israël devant les kamikazes, mais qui croient que la réaction a été malavisée dans son ampleur et au plan stratégique.

    On peut être un ami d'Israël, et c'est ce que je suis moi-même, et critiquer quand même son ami. On peut être un ami d'Israël et se demander pourtant si certaines stratégies vont à l'encontre du but recherché et si elles n'engendreront pas simplement plus de violence. On peut critiquer Israël sans être antisémite, bien que je partage les craintes exprimées par certains à l'effet que la frontière entre la critique de la politique du gouvernement israélien et l'antisémitisme est floue lorsque la critique d'Israël est accompagnée d'attaques de synagogues dans des pays occidentaux.

    Je ne veux pas être parmi les critiques de la politique du gouvernement israélien qui tolèrent la haine des juifs, pas plus que je ne veux être un ami d'Israël qui regarde ailleurs lorsqu'on fait quelque chose de mal. Je crois que M. Arafat devrait condamner clairement le terrorisme, rejeter les refusards dans son propre camp et condamner la haine des juifs et l'incitation à cette haine.

    Pour ce qui est des kamikazes, s'il s'agit d'une campagne organisée, et si c'est vraiment le cas, cette stratégie est répréhensible. Une telle stratégie ne peut donner de résultats que parce qu'elle exploite un désespoir sans bornes exacerbé par la haine et la violence.

    Lorsque des jeunes femmes s'immolent en se faisant exploser, lorsque des adolescents venus s'amuser dans des boîtes de nuit meurent dans une explosion, lorsque des familles se font décimer le jour de la Pâque, lorsqu'une armée puissante se dresse contre des êtres relativement impuissants, civils ou combattants, le monde devrait être préoccupé. Il est temps de réfléchir, mais il est aussi temps d'agir.

    J'exhorte le gouvernement à envisager sérieusement d'appuyer une intervention internationale vigoureuse. Qu'ils soient du côté des Palestiniens ou des Israéliens, il s'en trouvera qui ne l'apprécieront pas, mais on les a déjà trop longtemps écoutés. Les Israéliens comme les Palestiniens méritent de vivre dans un pays sûr, sécuritaire, juste et démocratique. À l'origine, il devait y avoir deux États. Que la communauté internationale veille à ce qu'il en soit aujourd'hui ainsi. Entre temps, les amis d'Israël ne devraient pas craindre d'exiger de ce pays un comportement noble, et même très noble, comme nous le faisons pour les États-Unis et d'autres de nos alliés.

  +-(0225)  

    Je sais que cela est parfois frustrant, mais néanmoins nécessaire. C'est même un compliment, car cela témoigne de l'existence d'un système de valeurs communes. En faisant de telles exigences, nous signalons que nous partageons les mêmes valeurs.

    En conclusion, en tant que chrétien, je me reporte aux saintes écritures que j'ai en commun avec le peuple juif. Ce n'est pas le moment de mépriser la réalité, car la perspective prophétique demeure toujours du domaine du possible, cette perspective qui ne nous permet pas, lorsque nous sommes victimes d'un tort, de nous estimer en droit de rendre la pareille.

    La tradition prophétique voulait que nous nous en remettions à Dieu pour que justice soit faite. Dans cette veine, j'invite tous les chefs religieux de la communauté palestinienne à condamner, sur la foi des mêmes saintes écritures qui nous sont communes, tous ceux qui encouragent les jeunes Palestiniens à s'ôter la vie en commettant des attentats-suicides et les équipent à cette fin.

  +-(0230)  

+-

    Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, je suis heureuse de pouvoir participer à ce débat crucial sur la crise du Proche-Orient, qui va en s'aggravant. Nous avons assisté ce soir à un débat empreint d'émotion, un débat au cours duquel des opinions profondément senties ont été exprimées et des propositions constructives et réfléchies ont été faites.

    Quelles que soient les différences qui nous séparent à la Chambre, le débat de ce soir montre clairement que nous sommes tous à la recherche de la paix. Comme le disait le député de Mont-Royal, nous tenons ce débat par respect pour la vie et parce que nous sommes déterminés à faire la différence.

    De nombreux députés, et notamment le député de Winnipeg-Centre-Sud ont dit qu'il n'existe pas de solutions faciles. Le conflit du Proche-Orient a une histoire complexe, longue et difficile. Au moment où nous cherchons ensemble à définir le rôle que peut jouer le Canada au service de la paix au Proche-Orient, nous constatons qu'il n'existe pas de solutions claires, simples et faciles.

    Comment, dans ce cas, pouvons-nous faire la différence? En commençant par comprendre, et non pas juger, et en condamnant toute forme de violence sans jeter le blâme. Comme d'autres l'ont dit ce soir, tout le monde pourrait essuyer des blâmes. Ce qu'il nous faut faire, c'est de parler des moyens de mettre fin à la violence, à la vengeance et aux attentats suicides.

    Le débat d'urgence de ce soir porte non pas sur un événement mais sur une suite d'événements marqués par la violence dans les deux camps du conflit Israélo-palestinien. Ce conflit est né de la réaction à la présence de l'armée israélienne dans les territoires et à ses s actes de violence contre des Palestiniens innocents dans les camps de réfugiés, mais il est aussi le résultat des attentats suicides et des attaques terroristes perpétrés par des Palestiniens contre des citoyens d'Israël, contre des femmes, des enfants et des civils innocents de ce pays. Ce conflit a jeté des gens dans la peur, une peur qui fait perdre la raison, et il est la cause de souffrances horribles et de la perte d'êtres aimés.

    Si nous intervenons en tant que Canadiens, c'est que nous sommes conscients que la situation entre Israël et la Palestine se détériore et qu'elle coûte horriblement cher en vies humaines. Notre compréhension et notre conscience du contexte historique des événements actuels contribuent sans doute à guider notre action.

    Je rappelle, comme d'autres l'ont fait ce soir, que l'État d'Israël a été créé pour assurer un foyer national sûr aux juifs persécutés, après les horreurs de l'Holocauste et la longue histoire de discrimination et d'antisémitisme, qui persistent encore aujourd'hui.

    Aujourd'hui, en ce jour de commémoration de l'holocauste, il convient de rappeler les horreurs du génocide et de nous engager à nouveau à lutter contre toutes formes de racisme, de préjugés et d'injustice. Tout survol historique nous rappelle aussi que des millions de Palestiniens sont sans territoire propre et vivent maintenant comme des réfugiés sous occupation militaire dans des territoires incertains gouvernés par l'autorité palestinienne. Nous savons pertinemment que la situation a laissé les deux parties sans sécurité et sans la possibilité d'exercer leurs droits humains inaliénables.

    La quête pour la paix doit refléter cette histoire. Elle doit tenir compte de la nécessité d'établir des frontières sûres pour les deux côtés. Elle doit appuyer l'idée, le rêve d'un territoire juif et de frontières étanches pour l'État d'Israël. Elle doit aussi reconnaître qu'il est impératif d'assurer la sécurité économique et politique aux Palestiniens des camps et appuyer l'idée d'un État palestinien indépendant. Il ne suffira pas de demander à Israël de retirer ses troupes des territoires; il faudra aussi admettre que l'appui et les indemnisations pour la réinstallation devront venir non seulement d'Israël, mais aussi des nations arabes et de la communauté internationale.

  +-(0235)  

    Le gouvernement devra jouer un rôle proactif dans cette quête de la paix; il devra exercer des pressions politiques, déléguer des observateurs impartiaux et envoyer des forces de maintien de la paix, accorder de l'aide humanitaire, appuyer la réinstallation et assurer une surveillance permanente de toute proposition de paix qui sera négociée. Plutôt que de ne rien faire, il vaut beaucoup mieux que le Canada agisse, au risque de se tromper ou d'échouer.

    Comme l'avait écrit l'auteure canadienne Margaret Lawrence peu avant sa mort en 1983:

Je crois qu'il convient de classer le désespoir parmi les péchés mortels. Les problèmes de notre univers ne vont pas disparaître si nous fermons les yeux. Tout ne se passe pas à la télévision; les choses se passent sur Terre et nous sommes les gardiens de notre planète. Nous ne pouvons pas demeurer passifs. Nous devons assumer la responsabilité de nos vies et de notre monde et nous devons être prêts à forcer le gouvernement à nous écouter et à nous entendre. Nous devons viser rien de moins qu'une justice et une paix bienfaisantes et humaines [...] pour tous les habitants de la Terre.

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    Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, d'abord, je voudrais remercier la députée de Mercier d'avoir présenté la motion dont nous sommes saisis ce soir et qui nous donne l'occasion de prendre part à un débat d'urgence sur le Proche-Orient.

    Je compte faire partie de la délégation parlementaire qui se rendra en Cisjordanie et dans la bande de Gaza dans les mois à venir. En préparant ce voyage, j'ai essayé de comprendre et même d'imaginer comment mes voisins et moi nous sentirions si des gens étaient en train de mourir et ne pouvaient être transportés à l'hôpital. J'ai essayé de m'imaginer ce que je ressentirais si mon fils ne pouvait aller à l'école et qu'il soit fait prisonnier parce qu'il est âgé de plus de 18 ans et qu'il est chrétien. J'ai essayé d'imaginer ce que je ressentirais si je ne pouvais aller au travail ou si on m'enlevait ma maison, et que cela ne préoccupe personne. Je sais que cela me mettrait en colère et que j'en serais désespérée.

    Toutefois, c'est la réalité de la plus grande population de réfugiés du monde et d'un peuple qui a été dépossédé.

    J'ai essayé de me renseigner pour mieux comprendre ce que cela signifie pour un peuple entier d'avoir été pris en otage et dépossédé de tout droit humain et démocratique comme c'est aujourd'hui le cas. Il est paradoxal et horrifiant de constater que l'État d'Israël, qui s'enorgueillit d'être un pays démocratique, se livre maintenant à une véritable campagne de brutalité et de militarisme contre des populations civiles. Il ne faut pas oublier qu'Israël possède des armes et une capacité nucléaires, mais que cela passe en quelque sorte toujours inaperçu à cause des autres démons de la région.

    Il est si facile de se faire prendre au piège et de prendre partie, comme si c'était une situation où des égaux s'affrontent, alors que ce n'est pas le cas. Si on jette un coup d'oeil à la carte de la région, on constate que des routes ont délibérément été construites pour relier des colonies illégales et isoler les collectivités palestiniennes. On constate également que le territoire palestinien a été morcelé et qu'il fait maintenant l'objet d'une occupation illégale. En outre, on se rend compte que, dans les camps de réfugiés, le temporaire est devenu permanent et que la vie est devenue un combat contre la mort.

    Ce matin, j'ai assisté à la conférence de presse de mon collègue de Burnaby--Douglas, à qui je tiens à donner mon soutien et à exprimer mon respect pour son courage de parler, de témoigner des activités et des brutalités qu'il a vues de ses propres yeux. Durant sa conférence de presse, il a raconté qu'il a assisté à un énorme ralliement qui a rassemblé à Tel Aviv, le samedi soir, 15 000 Israéliens qui protestaient contre la guerre horrible menée par Sharon. Nous n'avons pas entendu parler de ce ralliement ici, car cela aurait brouillé la conception des choses que nous donnent les produits d'information fabriqués pour consommation publique.

    Je sais que beaucoup de Canadiens d'origine palestinienne et juive ont du mal à mener leur vie normalement au Canada tandis que leurs parents, leurs amis, leurs localités d'origine sont exposés à la violence et à la destruction. Comme une collectivité peut-elle survivre et rester intacte lorsqu'il y a des attentats suicides? Il faut reconnaître aussi que les représailles brutales des forces israéliennes empoisonnent l'atmosphère et détruisent tout, ce qui est tout le contraire de la justice et de la paix. Sharon peut continuer sa guerre personnelle, mais nous serons ses complices si nous restons là à ne rien faire.

    Je sais aussi que les ONG canadiennes, tant ici que dans les territoires occupés, comme le prouve Oxfam-Québec, voient voler en éclats leurs efforts, leurs services et l'infrastructure qu'elles ont bâtie avec soin. Nous avons affaire à un pur gaspillage, à un sentiment d'impuissance et à une nouvelle forme de terreur étatique déchaînée au nom de la démocratie et assénée par les obus d'un char d'assaut.

    Plus tôt dans la soirée, la chef du NPD s'est exprimée avec passion quand elle a invité notre gouvernement à avoir le courage de se rallier à la communauté internationale et de condamner sans équivoque la réoccupation illégale des territoires palestiniens et de leurs habitants. J'ai entendu beaucoup d'interventions excellentes ce soir et je suis persuadée que nous voulons tous la même chose.

  -(0240)  

    Pourtant, on a le sentiment, sentiment que même des ministériels ont exprimé, que le Canada est devenu impuissant, malavisé, en mettant les choses au mieux, et lâche, en mettant les choses au pire. Si une chose doit ressortir du débat de ce soir, ce doit être un engagement à invoquer nos droits démocratiques pour insister sur un règlement politique équitable. Ce règlement doit reconnaître les territoires souverains de l'État palestinien et de l'État d'Israël, mais cela ne se produira que si l'occupation militaire illégale se termine sur-le-champ. Il doit également reconnaître le droit des réfugiés à retourner dans leur territoire.

    Je ne peux pas croire que le gouvernement canadien a voté contre la résolution proposée à Genève, la semaine dernière, et visant à confier à la commissaire des droits de la personne de l'ONU le mandat d'examiner et d'observer la situation, bref, d'accomplir son travail. Ce soir, le gouvernement a entendu les députés de tous les partis représentés à la Chambre et doit maintenant agir. Je demande aux ministériels de bien vouloir cesser de faire les mauviettes. Ils devraient agir pour défendre le droit international. Ils devraient agir pour mettre fin à l'occupation militaire par Israël. Ils devaient agir pour créer le climat social et politique qui sera propice à la paix.

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    Le vice-président: Je crois que le débat est maintenant terminé et je déclare par conséquent la motion adoptée.

    (La motion est adoptée.)

    Le vice-président: La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à 14 heures aujourd'hui, conformément à l'article 24 du Règlement.

    (La séance est levée à 2 h 44.)