FOPO Rapport du Comité
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
L’aquaculture représente déjà 25 % de la valeur de la production canadienne de poisson et fruits de mer. Si ce secteur continue à croître comme le prévoit le gouvernement fédéral, les provinces et l’industrie elle-même, il provoquera de profonds changements dans l’industrie du poisson et des fruits de mer, chez les autres utilisateurs des ressources aquatiques des écosystèmes marins et d’eau douce, et dans les attitudes des Canadiens à l’égard de leurs océans et lacs. Ce développement pourrait ainsi être considéré comme la « monopolisation » de ce qui constituait jusqu’à récemment une ressource publique.
La pêche a constitué la principale raison de la colonisation de bon nombre des régions côtières du Canada et elle demeure toujours le fondement économique d’un grand nombre de collectivités. Les Canadiens des régions côtières entretiennent un lien historique et émotif avec la pêche traditionnelle, cette dernière constituant non seulement un moyen de subsistance, mais également une composante essentielle de leur identité culturelle. De nombreuses collectivités ont souffert des déclins des stocks de poisson et ont dû lutter pour survivre. L’aquaculture leur offre l’espoir d’un renouvellement économique, d’une dynamisation de l’emploi et même d’une certaine prospérité. Pour ces raisons, le Comité appuie le développement responsable de l’aquaculture, à condition que la gestion des producteurs soit écologiquement viable, que le poisson sauvage et son habitat soient protégés et que le principe de précaution soit véritablement appliqué.
Dans la Politique en matière d’aquaculture publiée en 2002, le ministère des Pêches et Océans, présente la vision fédérale du développement d’une aquaculture viable au Canada. Cette politique est le dernier élément d’une série d’actions engageant le fédéral dans le développement de l’aquaculture. Cet engagement remonte à 1984, date à laquelle le premier ministre a confié à Pêches et Océans la responsabilité fédérale de l’aquaculture.
Cet engagement a été confirmé en 1995 dans la Stratégie fédérale de développement de l’aquaculture et de nouveau en 1998 avec la création du poste de Commissaire fédéral au développement de l’aquaculture. La Politique du MPO en matière d’aquaculture précise dorénavant que le gouvernement du Canada, conscient des avantages importants que représente l’aquaculture pour la société, a fait du développement d’une aquaculture durable l’une des grandes priorités fédérales. Maintenant qu’a été levé le moratoire sur l’expansion de la salmoniculture en Colombie-Britannique, l’industrie semble prête à prendre de l’essor sur la côte Ouest. Les autres gouvernements provinciaux semblent tout aussi décidés à suivre cette voie.
Dans sa politique, le MPO souligne qu’il cherchera à accroître aussi bien la compétitivité du secteur sur les marchés mondiaux que la confiance du public à l’égard de son développement durable. Il ne sera toutefois pas facile d’atteindre ces deux objectifs simultanément. De nombreux témoins doutent en effet de la volonté du MPO de protéger les stocks de poisson sauvage et leur habitat, et croient que le Ministère a de plus en plus tendance à se préoccuper du développement de l’aquaculture. La nomination d’un commissaire fédéral chargé de défendre le développement de l’aquaculture au sein du Ministère a renforcé leur opinion. Et ils en seront encore plus convaincus si l’industrie poursuit sa croissance sans l’établissement et l’application d’une réglementation réellement efficace. Le Bureau du vérificateur général du Canada s’est lui aussi préoccupé de la capacité du MPO de s’acquitter de toutes ses responsabilités réglementaires en ce qui touche à l’application de la Loi sur les pêches à la salmoniculture pratiquée sur la côte Ouest.
Dans sa Politique, le MPO énonce également neuf principes directeurs devant le guider dans les efforts qu’il déploiera par des mesures législatives ou réglementaires, des politiques et des programmes pour accroître la compétitivité de l’industrie sur les marchés mondiaux ainsi que la confiance du public à l’égard de la viabilité de l’aquaculture. Nous appuyons les mesures prises par le Ministère pour rendre l’industrie plus compétitive dans la mesure où il choisit pour ce faire de créer un environnement réglementaire plus approprié, d’éliminer les chevauchements et de fournir des services efficaces à l’industrie, et non de rogner sur les coûts. Toutefois, pour parvenir réellement à accroître la confiance du public à l’égard de la viabilité de l’aquaculture, le Ministère ne devra pas se contenter de prendre la défense de l’industrie. Il devra démontrer qu’il a mis en place les outils nécessaires pour s’assurer que l’aquaculture est réellement sur la voie du développement durable et que « l’aquaculture durable » ne se résume pas à une expression à la mode.
Pour faciliter et réglementer le développement de l’aquaculture, le MPO s’est entre autres engagé à s’assurer que ses lois et règlements concernant l’aquaculture sont clairs, efficaces, efficients, appliqués de façon uniforme et pertinents dans le contexte de ce secteur d’activités. À cette fin, nous avons recommandé dans le présent rapport l’adoption d’une loi fédérale sur l’aquaculture qui établirait les pouvoirs légaux de développer un environnement réglementaire approprié pour l’industrie de l’aquaculture. Cette idée n’est pas nouvelle. Le Comité permanent des pêches et des océans avait formulé une recommandation similaire en 1988 dans son rapport intitulé L’aquiculture au Canada.
Les mesures législatives et réglementaires ne sont toutefois pas suffisantes. Le MPO doit en effet investir les ressources nécessaires pour surveiller l’industrie et s’assurer qu’elle respecte les lois et règlements, et il doit le faire d’une manière transparente et responsable. Le MPO doit également débloquer les ressources voulues pour combler les lacunes existantes dans les connaissances sur les répercussions de la pisciculture sur les stocks de poisson sauvage et leurs habitats, sur l’environnement et sur la santé humaine. Lorsque ces connaissances sont insuffisantes, le Ministère doit appliquer le principe de précaution que le Canada est déjà tenu de respecter en vertu de la Loi sur les océans et de ses obligations internationales comme par exemple auprès de l’Organisation pour la conservation du saumon de l’Atlantique Nord.
Si Pêches et Océans souhaite à la fois faciliter et réglementer le développement de l’aquaculture, il lui faudra démontrer qu’il est prêt à non seulement défendre les intérêts commerciaux de l’industrie, mais également les intérêts fondamentaux de tous les Canadiens ainsi que leur patrimoine marin.