FOPO Rapport du Comité
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
OPINION COMPLÉMENTAIRE DE L’ALLIANCE CANADIENNE
PAR JOHN CUMMINS, DÉPUTÉ
ET ANDY BURTON, DÉPUTÉ
Révision de la politique sur les pêches de l’Atlantique
Bien rares sont ceux qui nieraient la nécessité d’une révision de la politique sur les pêches de l’Atlantique. Encore plus rares ceux qui refuseraient de voir que, pour faire une révision valable, il faut tout mettre sur la table. Il est donc très surprenant de constater que le plus important facteur choc de la gestion de la politique des pêches dans les Maritimes ne fait pas partie des sujets de discussion abordés dans le cadre de la révision de la politique. Il est tout de même étonnant de constater que la décision du gouvernement de transférer des permis, des bateaux et de l’équipement valant des centaines de millions de dollars hors des collectivités et loin des familles qui pêchent dans les eaux des Maritimes depuis une centaine d’années n’a pas mérité la moindre mention au cours de la révision de la politique sur les pêches de l’Atlantique.
Le 22 octobre 2002, le ministre des Pêches Thibault a informé le Comité des pêches que 90 bateaux avaient été transférés ou achetés au profit de collectivités autochtones dans le cadre du Programme de transfert des allocations et que 166 bateaux ont été transférés entre novembre 1999 et la fin de janvier 2002 relativement à l’initiative en réponse au jugement Marshall. Ces données ne comprenaient pas les permis que le gouvernement s’était engagé à transférer mais qui ne l’avaient pas encore été en janvier 2002. Rien dans les documents de la révision de la politique ne signale que la politique des pêches autochtones du gouvernement a modifié le contexte dans lequel évoluent les collectivités de pêche et, dans certains cas, détruit un mode de vie.
Un contexte modifié
La gravité du choc pour la gestion des pêches est révélée dans une fiche d’information du Ministre datée du 10 février 2002. M. Thibault est informé que l’acquisition des permis de pêche du homard a modifié le contexte dans lequel évoluent certaines collectivités et que le changement a été particulièrement marquant pour les villages de Richibucto et de Neguac. À Richibucto, selon le document, la Première nation de Big Cove a maintenant 40 permis de pêche du homard, la Première nation d’Indian Island, 6, et les pêcheurs non autochtones, 39. Le nombre de permis de pêche du homard utilisés à partir de ce port est passé de 50 à 85. Le Ministre y apprend également le transfert de 109 permis de pêche du homard aux bandes : « En vertu du programme d’accès à la pêche qui a été mis sur pied à la suite du jugement Marshall, soixante-treize équipements de pêche du homard dans les ZPH 23 et 25 ont été acquis pour les organisations autochtones. Si vous ajoutez à cela les équipements acquis avant le jugement Marshall en vertu du Programme de transfert des allocations, le nombre de permis de pêche du homard s’élève à 109. » [traduction libre]
La destruction d’un mode de vie
Les pêcheurs sont préoccupés par la destruction de leur mode de vie. C’est ce que révèle une fiche d’information du Ministre du 10 février : « Ils aimeraient savoir jusqu’où ira le retrait des permis. Ils s’inquiètent parce que le processus est en train de détruire un mode de vie dans certaines collectivités côtières et de créer d’importants bouleversements dans d’autres. Ils pourraient même être portés à croire que le Gouvernement du Canada se sert de la pêche pour réparer les mauvais traitements infligés aux Autochtones au cours des cinq cents dernières années. » [traduction libre]
Le point de saturation
Dans la fiche ministérielle du 10 février, on conseille au Ministre de dire aux pêcheurs que le transfert de permis de pêche publique aux Autochtones prendra fin uniquement quand le point de saturation sera atteint, c’est-à-dire quand chaque Autochtone qui souhaite pêcher aura un permis : « Il y aura toutefois un point de saturation. Il vient du nombre limité de membres des premières nations qui ont la capacité de pêcher et qui voudront participer à la pêche. » [traduction libre]
Répercussions négatives sur les pêcheurs non autochtones
Une fiche d’information du Ministre, le 8 mai 2002, faisait état du transfert de permis de pêche du crabe des neiges dans l’Est du Nouveau-Brunswick :
• | Dans le cadre de la réponse à long terme au jugement Marshall, la Région du Golfe a retiré 5 entreprises de pêche semi-hauturière du crabe des neiges et 79 entreprises de pêche du homard. |
• | L’acquisition de quota de crabe des neiges a des répercussions économiques négatives sur les pêcheurs non autochtones du village de LeGoulet, puisque quatre des cinq permis ont été retirés de cette région. La question n’a pas eu d’incidence sur l’UPM. |
• | Dans la baie Miramichi, le MPO a jusqu’ici retiré la plupart des entreprises de pêche côtière du homard de la région de Neguac. |
• | Il sera de plus en plus difficile d’acquérir des permis pour ne pas accroître l’effort. |
Bassin vieillissant de pêcheurs non autochtones
Une fiche d’information du Ministre, le 10 mai 2002, intitulée Répercussions du jugement Marshall dans la baie Malpeque, mentionnait ce qui suit :
• | « Les pêcheurs de homard professionnels traditionnels de la baie Malpeque, à l’Île-du-Prince-Édouard, sont de plus en plus insatisfaits de la manière dont le MPO applique le jugement Marshall en élargissant l’accès aux pêches commerciales locales, notamment à celle du homard. |
• | La Première nation de Lennox utilise 21 permis de pêche du homard dans la ZPH 24, à partir de Lennox Island, qui se trouve dans la baie Malpeque. Deux autres permis de pêche du homard sont utilisés dans la ZPH 25 à partir de Higgins Wharf. Mis à part le homard, la Première nation de Lennox a droit à 30 tonnes métriques de crabe des neiges. |
• | La Première nation d’Abegweit a cinq permis communautaires de pêche du homard pour la ZPH 24 ainsi que 30 tonnes métriques de crabe des neiges. |
• | Le Native Council of PEI dispose de quatre permis communautaires de pêche du homard, deux dans la ZPH 24 et deux dans la ZPH 26A. |
• | La difficulté d’acquérir des permis additionnels de pêche du homard dans la ZPH 24 pour remplir les engagements futurs augmentera à mesure que le bassin de pêcheurs vieillissants diminuera … Le bassin de pêcheurs professionnels traditionnels dans la région n’est plus que de 46 pêcheurs. |
• | En 2000, la Première nation de Lennox avait un quota de 20 000 livres de homard à des fins alimentaires, sociales et rituelles. En 2001, il n’y avait pas de quota, mais selon le plan de pêche de la Première nation, chaque membre a reçu seulement une étiquette à condition de ne pas participer à la pêche commerciale du homard. |
• | Les pêcheurs professionnels traditionnels ont l’impression que la pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles de la Première nation de Lennox réduit le stock de homard de la baie Malpeque. » [traduction libre] |
Vente non autorisée de débarquements
Une version préliminaire du 2 mars 2002 de la même note soulignait la pêche illégale du homard en termes peu équivoques : « Selon de nombreux pêcheurs, la pêche à des fins alimentaires continuera de poser des problèmes tant qu’elle se déroulera en dehors de la saison de pêche commerciale et que la vente autorisée des débarquements se poursuivra. » [traduction libre]
Marshall ne reconnaît aucun droit issu de traité pour le homard
La Révision de la politique sur les pêches de l’Atlantique ne tient pas compte de l’effet du transfert continu de permis de pêche côtière à des Autochtones, surtout de celles du crabe des neiges et du homard. Cette omission est d’autant plus répréhensible que le Ministère reconnaît les difficultés posées par ce transfert dans des fiches d’information préparées à l’intention du Ministre.
Il est aussi inquiétant de constater l’insistance que met le gouvernement sur la nécessité de ces transferts pour la conformité au jugement Marshall. Le gouvernement se défend en expliquant qu’il a été ainsi « forcé » de mettre en œuvre une politique qui est jugée désorganisatrice et destructrice par les pêcheurs et les collectivités de pêche. En réalité, aucun tribunal n’a jamais défini de droit issu de traité à l’égard du homard ou du crabe des neiges à partir des décisions rendues dans l’affaire Marshall en septembre et en novembre 1999. En fait, les tribunaux ont rejeté les revendications à l’égard de droits issus de traité concernant le homard. Ils l’ont fait en partie après une lecture attentive du jugement Marshall et des preuves présentées aux tribunaux par le ministère des Pêches et des Océans à l’effet que les Autochtones des Maritimes n’avaient jamais participé activement à la pêche du homard soit avant le premier contact avec les Européens ou au moment où les traités de Halifax de 1760-1761 ont été conclus. Qu’il suffise d’examiner ce qui suit :
L’affaire Barlow : En 1999, immédiatement après le jugement Marshall, une bande du Nouveau-Brunswick a allégué devant la Cour fédérale le droit issu de traité de pêcher le homard à des fins commerciales. Les avocats du ministère de la Justice qui représentaient le ministre des Pêches ont rejeté cette prétention, ont offert de fournir des preuves détaillées montrant que les Autochtones n’avaient pas pratiqué la pêche du homard à l’époque de la conclusion des traités, et ont demandé au tribunal de suivre les critères établis dans Marshall pour établir un droit issu de traité. Ils ont demandé un examen détaillé des preuves historiques, anthropologiques et ethno-historiques afin de déterminer :
• | si le requérant Ken Barlow est membre d’une collectivité autochtone qui était signataire de l’une des séries de traités de paix et d’amitié de 1760 conclus par les Mi’kmaq et la Couronne. |
• | dans l’affirmative, de quel traité il s’agit. |
• | quelles étaient les conditions de ce traité? |
• | si les activités de pêche du homard et les aspects commerciaux de ces droits étaient reconnus par le traité. |
• | si le requérant Barlow a exercé un tel droit dans une zone traditionnellement utilisée par la collectivité autochtone. |
• | quel était le territoire traditionnel de cette collectivité autochtone. |
Le requérant n’a pas donné suite après que les avocats du ministère de la Justice aient eu posé ces demandes.
L’affaire Shubenacadie : Cette affaire de la Nouvelle-Écosse a été portée devant la Cour fédérale par un groupe d’Autochtones de la Nouvelle-Écosse qui réclament le droit de pêcher le homard. Le ministère de la Justice, au nom du ministère des Pêches, a préparé une preuve exhaustive pour montrer qu’il n’y avait jamais eu de pêche autochtone du homard ni avant les traités, ni au moment de leur conclusion. Le ministre de la Justice a présenté comme défense devant la Cour fédérale de Halifax, le 14 mai 2001, que la prétention des Autochtones à un droit issu de traité était « historiquement inexacte » :
25 | Il nie catégoriquement que ces demandeurs aient un droit ancestral constitutionnel ou un droit issu de traité de pêcher le homard dans la baie Ste-Marie ou ailleurs. |
26 | Il nie catégoriquement que les demandeurs, leurs prédécesseurs ou les Indiens Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse aient pêché le homard à des fins alimentaires, sociales ou rituelles dans la baie Ste-Marie ou ailleurs avant le premier contact avec les Européens ou au moment de ce contact. |
27 | De plus, il nie catégoriquement que les demandeurs, leurs prédécesseurs ou les Indiens Mi’kmaq de la Nouvelle-Écosse aient pêché le homard pour s’assurer une subsistance raisonnable au moment de la conclusion des traités. |
28 | Il nie que les traités comportent une condition accordant aux demandeurs le droit de pêcher le homard pour s’assurer une subsistance raisonnable. Il ajoute que l’attribution du droit de pêcher le homard pour s’assurer une subsistance raisonnable conformément aux traités n’a pas été raisonnablement envisagée par les parties. » [traduction libre] |
Face à cette preuve irréfutable qui nie l’existence d’un droit autochtone de pêcher le homard, la bande de Shubenacadie et le ministère des Pêches et des Océans envisagent de mettre un terme au cas en instance et de négocier un droit ancestral de pêcher le homard, droit refusé par la preuve historique.
Simon and Duplessis : Simon et Duplessis étaient des Autochtones du Nouveau-Brunswick accusés en vertu de la Loi sur les pêches. Ils ont invoqué un droit issu de traité de pêcher le homard. Les avocats du ministère de la Justice, au nom du ministre des Pêches, ont présenté la preuve que ces pêcheurs n’avaient pas de droit issu de traité de pêcher le homard. Plus tard, dans le cadre d’un exposé conjoint des faits par les deux parties, la Couronne a demandé à la Cour de supposer que les accusés avaient le droit de pêcher le homard.
Il semble évident que le tribunal a été indigné par la concession de la Couronne et aurait rejeté l’allégation du droit de pêcher le homard si elle avait eu à rendre un jugement. Dans son jugement, le juge a déclaré ce qui suit :
« Le premier point consiste à déterminer si les défendeurs, en tant que membres de la Première nation de Burnt Church, avaient le droit ancestral de pêcher le homard à des fins alimentaires, sociales et rituelles dans les eaux de la baie Miramichi. Aux fins de la poursuite, et de cette poursuite seulement, la Couronne a demandé au tribunal, dans l’exposé conjoint des faits, d’assumer que les défendeurs avaient le droit de pêcher le homard…
N’eût été de cette entente, il serait revenu aux défendeurs d’établir le droit ancestral de pêcher le homard à des fins alimentaires … conformément aux exigences établis dans des décisions telles que Sparrow, Gladstone et Van der Peet. Ces jugements établissent clairement que pour constituer un droit ancestral, l’activité, dans ce cas-ci la pêche du homard, … « doit être un élément d'une coutume, pratique ou tradition faisant partie intégrante de la culture distinctive du groupe autochtone qui revendique le droit en question ... Pour faire partie intégrante d'une culture distinctive, une coutume, pratique ou tradition doit avoir une importance fondamentale pour la société autochtone concernée être l'une des choses qui rendaient la culture de la société distinctive. Le tribunal ne peut tenir compte des aspects de la société autochtone qui sont communs à toutes les sociétés humaines (p. ex. le fait de manger pour survivre), ni des aspects de la société autochtone qui n'ont qu'un caractère secondaire ou occasionnel. ... Constituent des droits ancestraux les coutumes, pratiques et traditions qui marquent la continuité avec les coutumes, pratiques et traditions qui existaient avant le contact avec les Européens. » (R. c. Van der Peet)
Quoique ceci n’ait pas dû me préoccuper à cause de la concession des droits par la Couronne dans l’exposé conjoint des faits, je dois admettre que, alors que j’écoutais le chef Dedam et les experts du homard cités par la Couronne et la défense, à l’effet qu’il n’y avait pas de pêche du homard avant les années 1800, j’ai douté de la validité du droit ancestral dont l’exposé conjoint des faits me demande d’assumer l’existence pour les membres de la Première nation de Burnt Church. » [traduction libre]
***
Quant à la pêche commerciale en cours [Marshall] … elle était à mon avis injustifiée et illégale. De toute évidence, le chef Dedam estimait que l’arrêt Marshall donnait aux pêcheurs de Burnt Church un droit issu de traité à pêcher le homard commercialement partout où ils le désirent et sans être soumis à quelque règlement du MPO que ce soit. … À mon avis, le chef Dedam et les pêcheurs de la Première nation de Burnt Church ont interprété l’arrêt Marshall trop largement. Je considère qu’il n’accorde ni protection ni appui aux défendeurs dans cette cause.
Dans l’arrêt Marshall, la Cour suprême a affirmé clairement que chaque cause de droit issu de traité doit être jugée séparément au mérite. Donald Marshall pêchait l’anguille hors saison au verveux. Il faut distinguer nettement entre quelqu’un qui pêche l’anguille à très petite échelle et le genre de pêche au homard qui a eu lieu dans la baie de Miramichi… La pêche au homard non réglementée à Burnt Church à l’automne 2000 ne ressemblant en rien à la pêche à l’anguille pratiquée par Donald Marshall dans le havre de Pomquet en Nouvelle-Écosse en 1993. Contrairement au havre de Pomquet, il y a un problème de conservation à Burnt Church; il y a là une importante pêche commerciale non autochtone; rien n’indique qu’à Burnt Church, le homard fait l’objet d’une pêche traditionnelle, par une méthode traditionnelle, et en quantités relativement modestes. Dans l’avenir, une cour tranchera ces questions, présentées avec tout le contexte approprié. J’imagine qu’à ce moment-là, contrairement à ce qui s’est passé dans R. c. Marshall n° 1… Comme je l’ai mentionné plus tôt, l’arrêt Marshall n’accorde aucune défense pour les défendeurs face à ces accusations, parce que pour bénéficier d’un droit issu de traité, il faut en prouver le fondement. Dans ce cas, aucun élément de preuve ne vient appuyer la défense du droit issu de traité contre les accusations.
[traduction libre]
Affaire Francis : Dans Francis, un Autochtone a été accusé en vertu de la Loi sur les pêches. La Cour provinciale de la Nouvelle-Écosse a rejeté en mai 2003 une revendication de droit issu de traité pour pêcher le homard. Le juge Jean-Louis Batiot a alors invoqué le droit formulé dans l’arrêt Marshall :
« La Cour suprême, dans R c. Marshall (n° 2), donne des directives relativement aux poursuites dans ces affaires et explique qu’il incombe à la défense de prouver l’existence d’un traité. Pour le bénéfice du défendeur, je reformule ainsi :
1. | La Couronne doit établir les faits de l’infraction; |
2. | L’accusé doit prouver qu’il appartient à une communauté autochtone du Canada avec laquelle a été passé un des traités locaux décrits dans le jugement majoritaire du 17 septembre 1999; |
3. | L’accusé doit démontrer qu’il exerçait un des droits collectifs de sa communauté à chasser ou à pêcher sur les lieux de chasse et de pêche traditionnels de celles-ci, puisque aucun traité n’a été passé entre la Couronne britannique et l’ensemble des populations des Micmacs. [traduction libre] |
La cour a également rejeté la revendication d’un droit ancestral à pêcher le homard à des fins alimentaires, sociales et cérémonielles :
« En l’espèce, le témoignage n’établit pas de droit ancestral à pêcher le homard de la baie de Sainte-Marie à des fins alimentaires car il ne démontre pas qu’il s’agit là d’un trait fondamental et distinctif du groupe micmac auquel M. Francis appartient, ni que cette pratique existait à l’époque des premiers contacts avec les Européens. » [traduction libre]
Perpétuer un mythe
Il est étonnant que le ministre des Pêches et des Océans affirme d’une part être tenu de transférer des permis à tous les Autochtones qui désirent pratiquer la pêche commerciale et qu’en même temps ils fassent la preuve devant les tribunaux que rien ne justifie la revendication autochtone à pêcher le homard en vertu d’un droit ancestral défini dans les arrêts Sparrow et Van der Peet ou en vertu d’un droit issu de traité défini dans l’arrêt Marshall.
Il est encore plus étonnant de lire les témoignages fournis aux tribunaux fédéraux et provinciaux du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse par le ministère de la Justice au nom du ministre des Pêches et de constater que les Autochtones n’ont jamais pratiqué la pêche au homard dans le passé. Aucun jugement n’a donné raison aux revendications autochtones de pêcher le homard, soit en vertu d’un droit ancestral, soit en vertu d’un droit issu de traité. Les revendications voulant que les arrêts Marshall de septembre et de novembre 1999 aient établi le fondement d’un droit issu de traité pour pêcher le homard ont été rejetées.
Pourquoi alors le ministre des Pêches perpétue-t-il le mythe voulant que l’arrêt Marshall lui dicte de transférer bateaux, engins et permis pour remplir des obligations issues de traité? Cette obligation n’existe pas.
La Révision de la politique élude le plus gros changement de politique
Comme le gouvernement omet de considérer l’impact de sa politique des pêches autochtones dans la Révision de la politique des pêches de l’Atlantique, toute sa démarche perd son sens. Le transfert arbitraire de l’accès à la pêche, valant des centaines de millions de dollars, d’un groupe de Canadiens à un autre, juste parce que des Libéraux ont pensé que c’était une bonne idée, est déraisonnable. Ce transfert arbitraire de droit de pêche est le plus gros changement de la politique des pêches depuis la Confédération; pourtant, le gouvernement élude ce sujet dans sa révision de la politique des pêches de l’Atlantique. Cette omission honteuse travestit tout le processus de révision.
Allocation de crabe des neiges pour 2003
Le Plan de gestion triennal du crabe des neiges pour le sud du golfe du Saint-Laurent, annoncé par le ministre des Pêches en mai 2003 a des conséquences graves pour tous les pêcheurs :
- Le détournement sans indemnisation de 30 % de l’allocation des crabiers traditionnels au profit d’autres groupes d’utilisateurs mine le fondement du régime de pêche à accès limité. La valeur et la stabilité que les pêcheurs accordent au permis à accès limité sont rejetés du revers de la main quand le gouvernement redistribue cavalièrement cet accès sans indemnisation.
- Transférer l’allocation à un syndicat, dans ce cas l’Union des pêcheurs des Maritimes, compromet ce dernier et mine la fonction même d’un syndicat, qui est de représenter ses membres. À titre de distributeur des largesses de l’État, le syndicat devient tout à coup redevable au gouvernement et dispose d’un pouvoir inacceptable face aux pêcheurs lorsqu’il s’agit de faire respecter ses propres objectifs. Le travail d’un syndicat est de représenter ses membres, pas de distribuer les largesses de l’État. Un syndicat devrait être l’agent de ses membres, pas du gouvernement.
Une note d’information du 16 mai 2002 destinée au ministre des Pêches et des Océans, intitulée Union des pêcheurs des Maritimes, l’informe que le syndicat est en conflit d’intérêt, car il réclame l’allocation pour lui plutôt que pour les pêcheurs individuels :
« L’UPM est très déçue que le plan de gestion du crabe des neiges pour la Zone 12 en 2002 ne lui accorde pas l’accès permanent à la ressource comme elle le réclame depuis plusieurs années. Elle réclamait 25 % de la part accordée à la flottille semi-hauturière permanente au Nouveau-Brunswick et proposait que l’allocation soit accordée à elle plutôt qu’aux pêcheurs individuels. » [traduction libre]
La note d’information laisse également entendre que le syndicat veut contrôler l’allocation afin d’inciter les pêcheurs à demeurer membres du syndicat :
« […] L’UPM est bien au fait du phénomène : quand un accès permanent est accordé à des individus au sein d’une organisation, en peu de temps, ces individus se dissocient de l’organisation pour former leur propre entité ». [traduction libre]
1. | Les décisions du gouvernement doivent toujours se prendre dans l’intérêt de tous les Canadiens. Le gouvernement n’a pas le droit d’utiliser les pouvoirs qui lui sont accordés au bénéfice politique de ses amis. Un article du 9 avril 2003 du Telegraph Journal de Saint John intitulé « Ottawa Playing Politics » affirme : |
« Les pêcheurs de crabe de neiges du Nouveau-Brunswick accusent Ottawa de mettre la politique avant la science lorsqu’il s’agit de décider de l’avenir de leur secteur. Les chefs de la Northeast Crabbers Association et de l’Association des crabiers acadiens ont affirmé devant un comité fédéral mardi qu’il n’y a pas d’autres façons d’expliquer pourquoi Ottawa veut transformer un accès temporaire à la pêche au crabe des neiges dans le golfe du Saint-Laurent en un accord de partage permanent. « Je pense qu’il y a eu pression politique », dit Joël Gionet, président de l’Association des crabiers acadiens. » [traduction libre]
Le 6 mai 2003, on lit ce qui suit dans l’article intitulé « Politicians Failed to Do Their Jobs In Snow Crab Dispute » du Telegraph Journal :
« Les élus doivent faire plus que du lobbying au nom de leurs électeurs. Ils doivent veiller à ce que les décisions du gouvernement soient bien comprises et acceptées, que ce soit avec enthousiasme ou à reculons, par les personnes en cause. Pour cette tâche, il faut un diplomate, pas un disc jockey. » [traduction libre]
Un article du 7 mai 2003 du Times and Transcript de Moncton, intitulé « Fisheries Ministry Mishandled Crab Quota Plan », dit ce qui suit :
« Le ministre des Pêches Robert Thibault aurait dû mieux expliquer son plan de gestion du crabe des neiges. À la place, celui-ci a été « révélé » quand le député libéral de Beauséjour-Petitcodiac, Dominic LeBlanc, a encouragé les reporters néo-brunswickois, à la fin de la période de questions vendredi, à demander au ministre Thibault des détails sur le nouvel accès permanent des pêcheurs côtiers au crabe des neiges. M. Thibault a répondu que l’ancien accès temporaire deviendrait une part permanente de 15 %. M. LeBlanc s’est vanté de cette victoire pour les pêcheurs côtiers, dont bon nombre vivent dans sa circonscription. »
Un article du 10 mai 2003 dans le Telegraph Journal, intitulé « LeBlanc Stands By ‘Fair and Reasonable’ Snow Crab Fishery Decision » affirme ce qui suit :
« Quand le ciel de Shippagan s’est enflammé pendant les nuits du week-end dernier, on peut se demander si le député libéral néo-brunswickois Dominic LeBlanc a eu chaud. Après tout, M. LeBlanc a été le politicien fédéral le plus disert dans le contentieux volatile de la pêche au crabe. C’est également le député le plus largement reconnu (et blâmé) pour cette histoire moderne de Robin des Bois, où la richesse de quelques crabiers du Nord-Est est en partie distribuée pour toujours à la nombreuse communauté de pêcheurs de son propre comté. »
[traduction libre]
Le détournement de 30 % du quota des crabiers traditionnels dans le plan de gestion de cette année a profité à un comté libéral, et s’est fait aux dépens d’un comté qui n’appuie pas traditionnellement le gouvernement. Les transferts d’allocation ne doivent pas donner une impression de favoritisme politique.
2. | Depuis 1989, les crabiers traditionnels de la Zone 12 ont investi près de 10 millions de dollars en recherche scientifique et en cogestion de la ressource. Quand cela a été nécessaire, ils ont fermé la pêche afin de protéger les stocks de crabe qui sont leur gagne-pain. Avec la fin de la cogestion, le ministre a refusé aux crabiers traditionnels d’entreprendre le travail scientifique qu’ils auraient financé, avec leur propre scientifique qualifié, leurs navires et leurs engins. Cette attitude répugnante du Ministère ne fait qu’envenimer les choses. Les pêcheurs qui veulent faire de la recherche devraient être félicités et non pas entravés dans leurs efforts à la moindre occasion. La bonne volonté des crabiers et leur investissement sans égal d’argent et de ressources, au bénéfice de leur pêche, ont cessé avec le détournement arbitraire, injustifié et non indemnisé de leur quota. |
Conservation du saumon de l’Atlantique
La création d’un fonds de dotation pour le saumon de l’Atlantique sauvage est un pas dans la bonne direction. Malheureusement, aucune mention n’est faite de la nécessité de vérifier ce qui a mené au déclin désastreux du saumon sauvage de l’Atlantique. Le ministère des Pêches doit s’engager à déterminer la cause de cette diminution afin de pouvoir commencer à rétablir le stock. À défaut de cela, dans peu de temps, les seuls saumons qui iront frayer dans les rivières et les ruisseaux de la côte Est seront ceux qui s’échappent des aquacultures.