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HERI Rapport du Comité

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ÉTAT DU SYSTÈME

Chapitre 9
Radiodiffusion communautaire, locale et régionale

Au début de la radio, la programmation n'était pas spécialement conçue pour des auditoires communautaires, locaux, régionaux ou nationaux parce que les contraintes technologiques empêchaient la plupart des radiodiffuseurs — à l'exception des réseaux radiophoniques exploités par la Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada — de joindre la population au-delà d'un certain périmètre de rayonnement. En outre, à partir des années 1930, la réglementation a fait de la programmation radio nationale le domaine exclusif du radiodiffuseur public national, à savoir la CCR qui est par la suite devenue la SRC.

Toutefois, la réglementation ne pouvait en faire de même au sujet de la télévision canadienne. En raison des coûts élevés de production de matériel audiovisuel, la plupart des stations de télévision ont dû dès le départ s'affilier à des réseaux ou se procurer des émissions auprès d'autres sources. En conséquence, contrairement à la radio, plusieurs réseaux de télévision privés ont vu le jour au fil du temps, notamment CTV, TVA, Global et TQS.

Dans les années 1970, les Canadiens avaient largement accès à la câblodistribution. Les entreprises de câblodistribution retransmettaient les signaux hertziens en améliorant souvent de beaucoup la qualité de la réception. De plus, la câblodistribution permettait la distribution de signaux éloignés provenant d'autres villes, provinces, régions et pays, notamment les États-Unis. Ainsi, les Canadiens, depuis St. John's jusqu'à Victoria, pouvaient sans problème et à prix abordable regarder les meilleures émissions canadiennes et américaines.

Même si la transmission par câble ne dépendait pas des ondes publiques, le CRTC a reconnu que les entreprises de distribution de radiodiffusion pouvaient servir l'intérêt public des Canadiens. C'est pourquoi, en 1975, il a imposé aux câblodistributeurs des conditions de licence, notamment des attentes selon lesquelles les câblodistributeurs devaient s'acquitter des tâches suivantes :

distribuer une programmation communautaire locale;

favoriser la participation des citoyens;

donner l'occasion à autant de personnes et de groupes que possible de présenter des idées; fournir les installations et le personnel nécessaires à la formation de personnes et de groupes faisant partie de la collectivité;

établir des comités consultatifs dont les membres sont issus de la collectivité;

permettre aux citoyens d'aider à exploiter le canal communautaire sans réduire la responsabilité ultime du titulaire en ce qui a trait à la programmation distribuée;

dans la mesure du possible, permettre à la collectivité de voir des émissions en direct.

Dans le cadre de ses audiences et de ses déplacements, le Comité a constaté que les innovations technologiques et la fragmentation des auditoires ont ébranlé le modèle traditionnel de radiodiffusion communautaire, locale et régionale. Il a appris que les Canadiens laissent tomber les sources de radiodiffusion traditionnelles pour se tourner vers une multitude de nouveaux services. Les témoins ont dit avoir l'impression que l'accès aux services de radiodiffusion communautaires est de plus en plus restreint. Des témoins lui ont également confié que la diffusion de contenu télévisuel local et régional de grande qualité est de moins en moins rentable et qu'elle risque donc de disparaître complètement.

Dans le présent chapitre, nous examinons la situation actuelle et les perspectives d'avenir de la radiodiffusion communautaire, locale et régionale au Canada. Aux fins de la discussion, les questions ont été divisées selon la définition qu'en a le CRTC et la façon dont les témoins les utilisent. Radiodiffusion communautaire s'entend de la prestation de services de radio et de télévision communautaires ainsi qualifiés par le CRTC; radiodiffusion locale concerne les questions soulevées par les témoins au sujet de la présentation d'émissions locales de nouvelles et autres que de nouvelles; radiodiffusion régionale traite des préoccupations particulières en matière de programmation qu'ont les entreprises de programmation régionales et les radiodiffuseurs éducatifs provinciaux.

A. Radiodiffusion communautaire

Deux dispositions de la Loi sur la radiodiffusion traitent de la radiodiffusion communautaire. Le paragraphe 3(1)b) porte que « le système canadien de radiodiffusion, composé d'éléments publics, privés et communautaires, utilise [une] programmation essentiellement en français et en anglais ». Le sous-alinéa 3(1)I)(iii) précise que « la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait à la fois [...] renfermer des émissions éducatives et communautaires ».

Le Comité signale qu'il est extrêmement difficile de tenir une discussion cohérente et méthodique au sujet de la prestation de services radiophoniques et télévisuels communautaires parce qu'au fil du temps, le CRTC a élaboré à l'intention de ces radiodiffuseurs un ensemble complexe de politiques et d'attentes, notamment les politiques concernant les canaux communautaires du câble, la télévision à caractère ethnique, la télévision de faible puissance, la radio communautaire, la radio à caractère ethnique, la radio de faible puissance, la radio de campus et les services de télévision et de radio pour les minorités francophones hors Québec. Par souci de clarté, nous ne traiterons dans la présente partie que des services de télévision et de radio communautaires1.

Télévision communautaire

En 1975, le CRTC a imposé les attentes suivantes aux canaux communautaires du câble :

Trouver des collectivités, notamment des quartiers, des arrondissements et, s'il y a lieu, des villes, et donner la possibilité aux citoyens et aux groupes qui en font partie d'exprimer leurs idées et leurs besoins; relater les activités des conseils municipaux et des conseils scolaires; trouver des personnes et des groupes qui ont des intérêts communs et leur offrir la possibilité de s'exprimer; refléter s'il y a lieu la nature bilingue des collectivités desservies2.

Ces principes — qui accordent une grande importance à la participation des citoyens — sont essentiellement les mêmes que ceux qui sous-tendent la politique actuelle du CRTC dans ce secteur.

En 1986, le Groupe de travail sur la politique de la radiodiffusion a avancé dans son rapport que la radiodiffusion communautaire « doit être considérée comme un tiers secteur essentiel de la radiodiffusion si nous voulons atteindre l'objectif d'assurer un accès raisonnable au système3 ». Cinq ans plus tard, en 1991, la Loi sur la radiodiffusion révisée a fait de la radiodiffusion communautaire l'un des trois éléments du système plutôt que de la considérer comme un complément des services publics et privés. En 1997, le CRTC a toutefois décidé que les entreprises de câblodistribution ne seraient plus obligées d'offrir un canal communautaire parce qu'il croyait que les moyens d'expression locale continueraient d'être mis à la disposition de la population sans l'imposition d'exigences réglementaires4.

La décision du CRTC d'assouplir la réglementation des entreprises de câblodistribution a naturellement incité de nombreuses personnes à prédire une diminution du nombre de canaux communautaires. Les faits prouvent toutefois que ces craintes n'étaient pas fondées. En effet, comme le montre la figure 9.1, le nombre de canaux communautaires a augmenté entre 1997 et 2000.

En outre, durant cette période, le nombre total de réseaux de câblodistributeurs qui soutenaient des canaux communautaires a connu une légère augmentation, passant de 238 en 1997 à 245 en 2000. Bien sûr, ces chiffres ne nous apprennent rien au sujet de la qualité ou des genres de services offerts ; ils ne nous permettent pas non plus de savoir si ces canaux atteignent les objectifs de la politique du CRTC en matière de programmation communautaire.

Figure 9.1 - Nombre total de câblodistributeurs effectuant des contributions à la télévision communautaire, 1997 / 2000

Politique du CRTC relative aux médias communautaires (2002)

Le 10 octobre 2002, le CRTC a publié un nouveau cadre stratégique pour les médias communautaires5. Le Conseil considère que la nouvelle politique devrait :

... assurer la création et la présentation accrues d'une programmation communautaire produite localement et reflétant la réalité locale et encourager la diversité des voix et des solutions de remplacement en favorisant l'arrivée de nouveaux venus à l'échelon local6.

Principaux éléments de la politique du CRTC relative à la télévision communautaire (2002)

La télévision communautaire doit :

• susciter un taux élevé de participation des citoyens et de collaboration de la collectivité à la programmation communautaire;

• informer activement les citoyens qu'ils ont accès au canal communautaire, dispenser des programmes de formation et les faire connaître;

• mettre en place des mécanismes de rétroaction, tels que des comités consultatifs, pour inciter les téléspectateurs à réagir à la gamme et aux types d'émissions présentées;

• chercher à obtenir des idées nouvelles et des points de vue différents;

• trouver des moyens raisonnables et équilibrés qui permettent l'expression d'opinions divergentes sur des sujets d'intérêt public;

• tenir compte des langues officielles et de la composition ethnique et autochtone de la collectivité;

• couvrir les événements locaux;

• annoncer sa grille-horaire.

La nouvelle politique réaffirme en outre le rôle que joue le canal communautaire en tant que « service public qui facilite l'expression locale grâce à un accès libre et ouvert aux membres de la collectivité7 ». La politique mentionne que les canaux communautaires devraient compléter la programmation offerte par les radiodiffuseurs conventionnels et que « le meilleur moyen de respecter l'orientation de service public du canal communautaire passe par un financement stable. Ce financement, qui est assuré par les titulaires de licences de câblodistribution, limite la dépendance importante associée à des recettes publicitaires8 ».

Nouveaux éléments de la politique relative
à la télévision communautaire

• Les propriétaires des canaux communautaires sont dorénavant tenus de présenter au moins 60 % d'émissions locales au cours de chaque semaine de radiodiffusion;

• Les titulaires de licence de câblodistribution doivent dorénavant promouvoir l'accès des citoyens au canal communautaire, de même qu'offrir et annoncer des programmes de formation pertinents;

• Les canaux communautaires de télévision par câble sont dorénavant tenus de consacrer au moins 30 % et au plus 50 % de la semaine de radiodiffusion à des émissions d'accès (émissions locales créées et produites par des membres de la communauté);

• Des mesures précises ont été prises pour garantir un accès équitable aux entreprises de télévision sans but lucratif, dont la raison d'être est de produire des émissions pour la télévision communautaire locale;

• Une utilisation limitée de présentations visuelles animées dans les messages de commandite est dorénavant autorisée;

• Les groupes communautaires sans but lucratif peuvent demander au CRTC de leur accorder une licence pour exploiter une entreprise de programmation communautaire dans des secteurs où les câblodistributeurs choisissent de ne pas exploiter de canaux communautaires;

• L'autopublicité des câblodistributeurs au canal communautaire est dorénavant limitée à deux minutes par heure.

Pour rendre plus accessible la programmation communautaire et locale, le Conseil a également créé une nouvelle catégorie de télévision communautaire — les entreprises de programmation de télévision communautaire — comprenant deux sous-catégories : les entreprises de télévision communautaire de faible puissance et les services numériques de télévision communautaire.

Ces nouveaux services de télévision communautaire (qui pourront être exploités par des entreprises à but lucratif et sans but lucratif) devront diffuser un niveau élevé de programmation canadienne et locale et présenter au cours d'une année de radiodiffusion un contenu canadien d'au moins 80 % et une programmation locale d'au moins 60 %. Ils seront également autorisés à diffuser 12 minutes de publicité locale par heure. Aucune priorité de distribution ne sera accordée à ces services de télévision sur les canaux analogiques, mais les entreprises offrant des services numériques devront les distribuer sur la bande numérique.

Recettes

Le CRTC exige que chaque entreprise de distribution de radiodiffusion verse 5 % de ses recettes annuelles brutes à un fonds de programmation admissible, tel que le Fonds canadien de télévision (FCT). Les câblodistributeurs qui exploitent une station de télévision communautaire sont toutefois autorisés à conserver 2 % ou 3 % de ces recettes.

La figure 9.2 montre l'évolution des dépenses relatives aux canaux communautaires de 1997 à 2001. Comme le CRTC ne surveille pas à quoi sont affectés ces fonds et que les câblodistributeurs ne produisent pas de rapport à cet égard, il est impossible de savoir si ces dépenses se traduisent par des mesures favorisant l'accès des citoyens (p. ex., des emplois et des postes de bénévoles). Comme on peut le voir, les dépenses que les entreprises de câblodistribution ont engagées pour les canaux communautaires ont été relativement stables au cours des cinq dernières années, s'échelonnant approximativement de 73 à 80 millions de dollars.

Cela dit, les contributions des grandes entreprises de câblodistribution (c.-à-d. les titulaires de classe 1) semblent avoir diminué de plus de 8 millions de dollars depuis 1997. Cette baisse peut être due à la décision de ces EDR de verser plutôt une contribution à un fonds de programmation admissible. En effet, comme le montre la figure 9.3, les contributions des câblodistributeurs de classe 1 aux fonds de programmation ont augmenté de près de 20 millions de dollars entre 1998 et 2001, passant de près de 55 millions à 75 millions de dollars.

Figure 9.2 - Dépenses des canaux communautaires, 1997-2001

La raison de cette impressionnante augmentation des contributions aux fonds de programmation canadiens est incertaine. D'une part, cela signifie peut-être que les entreprises de câblodistribution sont moins disposées qu'autrefois à investir dans la télévision communautaire. D'autre part, cela peut refléter un engagement croissant envers la création d'émissions canadiennes. À tout le moins, ces données, ajoutées à l'état relativement stable de l'investissement dans la télévision communautaire, font ressortir l'urgence de trouver une solution à l'interdépendance de l'aide financière à la télévision communautaire et des fonds d'aide à la programmation canadienne. Une recommandation énoncée au chapitre 5 porte sur l'éventuelle séparation de ces deux mécanismes de financement.

Figure 9.3 - Contributions effectuées par les etnreprises de distribution de radiodiffusion aux fonds de programmation télévisuels canadiens, 1998-2001

Ce que les témoins ont dit

Les principales questions touchant la télévision communautaire que les témoins ont soulevées concernent : l'importance de la télévision communautaire; le rôle des bénévoles; le rôle des entreprises de câblodistribution; les changements intervenus dans les priorités relatives à la programmation; la création récente de réseaux de câblodistribution communautaires.

Par exemple, M. Richard Ward de la Community Media Education Society a déclaré ce qui suit au Comité :

La télévision communautaire encourage les gens à participer aux événements qui touchent leur quartier. L'action va au delà des techniciens et des producteurs. Les organisateurs d'événements communautaires sont surpris et ravis d'être remarqués. Lorsque leurs voisins voient l'événement, l'intérêt s'accroît et cela crée un effet boule de neige. C'est ainsi que devraient fonctionner les médias de masse. Ne vous méprenez pas, car selon les normes traditionnelles et les normes Internet, la télévision est un média de masse9.

M. Marc Simard, président de Télé Inter-Rives ltée, a raconté devant le Comité l'histoire ci-après qui illustre bien la situation des entreprises de câblodistribution desservant un petit marché :

Un dimanche après-midi de janvier, je me promenais avec ma femme et je me suis dit qu'on irait faire un tour dans l'arrière-pays. Voilà qu'on est arrivés à une petite municipalité et qu'on a aperçu un regroupement d'automobiles. J'ai dit à ma femme qu'il y avait probablement un accident et nous sommes allés voir ce qui se passait. En approchant, on s'est rendu compte que ce n'était pas cela. Plusieurs gens étaient réunis dans le champ voisin; il y avait une activité. Tout à coup, j'ai aperçu une banderole plus loin portant les lettres d'identification de nos deux stations.

Lorsqu'on m'a présenté la responsable de l'événement, on m'a dit que je ne pouvais pas savoir à quel point on me remerciait. Ils pensaient avoir 300 à 400 personnes à leur activité, mais ils avaient un problème: ils allaient manquer de limonade, de hot-dogs et de patates frites puisque 2 000 personnes s'étaient présentées à leur événement.

On m'a dit que la veille, pendant la joute de hockey des Canadiens de Montréal, à notre station de Radio-Canada, nous avions diffusé gratuitement leur message et qu'avant les nouvelles du réseau TVA, en pleine heure de grande écoute, nous avions également passé leur message. Ils ne s'attendaient jamais à avoir autant de monde et ils en étaient très contents. Alors, les gens nous ont donné la main, nous ont presque serrés dans leurs bras pour nous remercier10.

Le Comité a pu constater de première main l'apport important des bénévoles à la programmation communautaire. Ainsi, à St. John's (Terre-Neuve), il a entendu le témoignage des talentueux et passionnés bénévoles et des employés de Rogers Cable, qui produisent une émission communautaire locale fort populaire : Out of the Fog. Les commentaires d'un téléspectateur rapportés ci-dessous expriment bien l'enthousiasme que suscite la télévision communautaire, enthousiasme dont les membres du Comité ont été témoins durant les audiences à St. John's :

Je suis un fervent admirateur de votre émission. Je la regarde sans faute chaque jour et je recommande à tous mes parents et amis de la regarder! C'est vraiment merveilleux que nous, Terre-Neuviens, ayons enfin notre propre talk-show présentant des personnalités de Terre-Neuve. J'aime bien me reposer après une grosse journée de travail et me divertir en écoutant une émission produite par des Terre-Neuviens, pour les Terre-Neuviens11!

Nous ne ratons pratiquement aucun épisode et nous apprécions vraiment les artistes locaux qui sont présentés et les actualités que vous couvrez chaque jour ... Je trouve formidable que vous puissiez donner aux élèves du secondaire de la région une occasion d'acquérir de l'expérience en milieu de travail dans le domaine de la production télévisuelle. Nous considérons votre émission comme un atout précieux qui permet aux habitants de St. John's de se tenir au courant des questions locales12.

Ça m'encourage de savoir ce qui se passe dans la ville et dans la province. Et ça fait du bien d'écouter votre programmation après avoir écouté les autres canaux canadiens et américains. Il y a tellement de choses négatives et bruyantes sur ces canaux. Votre canal apporte beaucoup de divertissement et de paix, et il donne une excellente information sur notre province. J'espère que cela continuera parce que c'est exactement ce dont la population a besoin, se faire remonter le moral, et c'est ce que fait votre émission13.

Dans d'autres régions toutefois, le Comité a entendu des histoires décourageantes au sujet de bénévoles renvoyés ou à qui on a retiré certaines responsabilités. M. John Grogan, par exemple, a raconté ce qui suit :

Auparavant les individus pouvaient venir de toutes parts et dire : Je veux me porter volontaire. Ils pouvaient être volontaire pour faire fonctionner une caméra ou pour écrire un script, pour faire de la programmation ou de l'édition. Maintenant, ils ont seulement le droit de faire des choses très simples. Cela décourage les individus de participer la prochaine fois. Ils avouent que cela n'était pas pour eux une expérience stimulante ou enrichissant14.

De même, M. Roger Davies a rapporté ce qui suit :

... à Cranbrook, un nouveau directeur de la programmation a imposé une nouvelle formule. Des bénévoles ont été licenciés. La direction est devenue autocratique, entièrement contrôlée par l'entreprise et ses employés. Je crois que cette formule est absolument inacceptable. Les bénévoles n'ont plus accès au canal15.

C'est ce même sentiment de frustration qui a poussé M. Chow Tan de la Vancouver Association of Chinese Canadians à déclarer que :

... si les câblodistributeurs faisaient un bon travail pour ce qui est du canal communautaire, ils seraient fiers d'ouvrir leurs livres et nous [les bénévoles] aurions tous plus de temps et d'argent pour la programmation16.

Selon l'un des témoins, un changement intervenu dans les priorités en matière de programmation explique en partie pourquoi on a moins souvent recours aux bénévoles qu'auparavant. M. Jan Pachul de Star Ray TV a fait la remarque suivante :

On ne peut approcher ces entreprises pour produire une émission; tout est fait par des professionnels — la gestion est faite par des professionnels d'un bout à l'autre — et il n'y a aucun accès communautaire17.

En effet, comme l'explique M. Ken Marshall, vice-président et directeur général de Rogers dans la région de l'Atlantique :

En ce qui concerne les canaux communautaires, nous essayons de ne pas nous limiter aux émissions traditionnelles de cuisine et de confection de mouches artificielles et de produire des émissions comme Focus NB, comme celle de la semaine dernière, Out of the Fog à Terre-Neuve et comme Melanson Live. Nous nous efforçons d'être un miroir de la communauté [en produisant des émissions de meilleure qualité]18.

La baisse des possibilités de participation des bénévoles découlant de l'adoption de nouvelles stratégies de programmation a parfois été mentionnée parallèlement aux inquiétudes relatives à la fusion croissante des stations communautaires pour former de petits réseaux. Par exemple, au Québec, Canal Vox, propriété de Vidéotron, combine la programmation locale à la programmation centralisée de Montréal. Mais, selon la Fédération des télévisions communautaires autonomes du Québec, cette stratégie a diminué la participation de la collectivité et la diversité de la programmation, particulièrement dans les régions périphériques.

Le câblodistributeur Cogeco a toutefois soutenu que ces nouvelles stratégies permettent d'attirer de plus vastes auditoires et, à ce titre, contribuent à combler les besoins et à atteindre les objectifs de la télévision communautaire. Mme Hélène Dubuc a expliqué ce qui suit :

Une programmation essentiellement locale n'exclut pas la possibilité d'exporter certaines émissions vers d'autres régions où l'on a noté un certain intérêt. Les technologies actuelles nous en donnent la possibilité et nous croyons qu'il est sage de les utiliser avec discernement, dans l'intérêt de l'ensemble de la population19.

Plusieurs témoins ont cependant fait remarquer que la stratégie de maximisation de l'auditoire adoptée par les câblodistributeurs avait un effet secondaire. Par exemple, en novembre 1999, Vidéotron a retiré de sa grille-horaire, de manière unilatérale, la Corporation de télédiffusion du Grand Châteauguay (CTGC), qui est un canal communautaire indépendant20. De plus, selon la CTGC :

Environ une douzaine de sociétés ont été retirées des ondes par les entreprises de câblodistribution du Québec. D'autres sont en train de perdre leur place en Colombie-Britannique. L'accès aux ondes pour plusieurs collectivités n'existe plus. La déréglementation de 1998 a fait chavirer le fragile équilibre qui dépendait d'obligations et de conditions de licence21.

Dans ces circonstances, la CTGC a proposé au Comité de rendre les canaux communautaires entièrement indépendants des câblodistributeurs canadiens. De même, Mme Lynda G. Leonard a déclaré au Comité « qu'il serait dans le meilleur intérêt des Canadiens d'avoir des canaux communautaires exploités par des organisations sans but lucratif indépendantes des câblodistributeurs22 ».

D'autres témoins, par contre, ont proposé de modifier le rapport symbiotique entre le câblodistributeur et le canal communautaire plutôt que de simplement y mettre un terme. M. Peter Sandmark, représentant de l'Alliance de la vidéo et du film indépendants, a notamment exprimé l'idée suivante :

Les canaux communautaires doivent être indépendants et il faudrait les financer en prenant le pourcentage que les compagnies de câble sont obligées par le CRTC d'investir dans la télé communautaire et en mettant cet argent dans un fonds servant à financer directement les canaux communautaires, qui deviendraient alors des organisations communautaires à but non lucratif administrées publiquement23.

Dans certaines collectivités, les câblodistributeurs exploitent deux canaux communautaires distincts, soit un de langue française et l'autre de langue anglaise. Ils ne peuvent toutefois retrancher du montant versé au Fonds canadien de télévision (5 % de leurs recettes brutes) que le pourcentage auquel ils auraient droit s'ils n'avaient qu'un service unilingue. Rogers Cable a donc proposé :

... que l'on réinvestisse 2 % des 5 % des recettes brutes de la télédiffusion dans un fonds de production ayant pour but d'aider les entreprises de télédistribution à financer une deuxième chaîne communautaire axée sur les besoins d'une minorité de langue officielle sur le même marché.

Rogers est convaincue que les fonds ainsi réinvestis, qui se chiffreraient à 998 000$ par an, sont essentiels au maintien et à l'amélioration des émissions locales accessibles aux marchés bilingues24.

Pour sa part, l'ACTC a proposé que les petites entreprises de câblodistribution soient autorisées à conserver les 5 % de recettes brutes devant être consacrées à la production canadienne. Access Communications a suggéré que toutes les coopératives réaffectent à leurs canaux communautaires les 5 % de recettes brutes habituellement consacrées au Fonds canadien de télévision.

Radio communautaire

La politique du CRTC en matière de radio communautaire vise à favoriser la prestation d'une programmation locale qui diffère, quant au style et au contenu, de celle des stations commerciales et de la SRC. La programmation de ces stations devrait toucher de près les collectivités desservies, notamment les minorités de langue officielle. Elle devrait également contribuer à accroître la diversité du système de radiodiffusion en élargissant le choix offert dans la programmation musicale et verbale25.

Le CRTC décrit le rôle et le mandat de la radio communautaire comme suit :

Une station communautaire doit avant tout permettre l'accès de la collectivité aux ondes, et offrir une programmation diversifiée qui reflète les besoins et les intérêts de la collectivité que la station est autorisée à desservir, y compris : la musique des talents nouveaux et locaux; la musique qui n'est généralement pas diffusée par les stations commerciales; les émissions de créations orales; l'information locale26.

Le Conseil distingue deux types de stations de radio communautaire, soit les types A et B, et les définit de la façon suivante :

Une station de radio communautaire est une station de type A lorsque au moment de l'attribution de sa licence, il n'existe aucune station, autre qu'une station de la SRC, autorisée à diffuser dans la même langue, dans l'ensemble ou dans une partie du même marché. ...

Une station de radio communautaire est de type B lorsque au moment de l'attribution de sa licence, il existe déjà au moins une station de radio autre qu'une station de la SRC, autorisée à diffuser dans la même langue, dans l'ensemble ou dans une partie du même marché27.

Selon le CRTC, on comptait, en 2002, 36 stations de radio communautaires de type A et 32 de type B. En 2000, le Conseil a éliminé toutes les restrictions auparavant imposées aux stations de radio communautaires au sujet de la publicité. Il a en effet estimé « que limiter la publicité n'est pas la meilleure façon de garantir que les stations communautaires offrent un service de programmation dont le style et la substance les distinguent des autres types de stations28 ». Outre la vente de publicités, ces stations peuvent accroître leurs recettes par des campagnes de financement, des subventions et d'autres sources de revenu.

Recettes

Toutes les stations de radio communautaires ne déclarent pas des recettes au CRTC. Les figures 9.4 et 9.5 montrent les recettes publicitaires des stations communautaires qui ont présenté des rapports à cet égard entre 1996 et 2000. Elles démontrent l'importance de la publicité pour les entreprises de radio communautaire. En effet, les stations de radio communautaire de type A et B tirent de la publicité environ la moitié de leurs recettes.

Figure 9.4 - Revenus de stations de radio communautaire de type A, 1997-2001

Figure 9.5 - Revenus de stations de radio communautaire de type B, 1997-2001

Ce que les témoins ont dit

Très peu de commentaires généraux sur la radio communautaire ont été formulés devant le Comité. Les collectivités minoritaires francophones, toutefois, en avaient long à dire sur les difficultés touchant la prestation des services hors Québec.

Par exemple, les représentants d'Impératif français s'inquiétaient de la manière dont on classe les collectivités comme étant francophones ou anglophones :

[...] un marché anglophone est tout marché où les citoyens de langue maternelle française représentent moins de 50 % de la population (sous-alinéa 18(4)b) qui veut dire que si la population d'une zone donnée est de langue maternelle française à 49 % et 22 % de langue maternelle anglaise, les 29 % d'allophones seront combinés aux anglophones pour faire pencher la balance du côté anglophone. Ce qui est décrit ici ressemble à la composition démo-linquistique de l'île de Montréal dans un proche avenir29.

On se préoccupe également du fait que le CRTC ait refusé à deux reprises d'accorder une licence de radio à la Coopérative radiophonique de Toronto. Comme M. Christian Martel l'explique, un francophone de Toronto « est de loin mieux informé de ce qui se passe au Québec ou en Outaouais que de ce qui se passe dans sa propre communauté30 ». En effet, de nombreux témoins n'arrivaient pas à comprendre pourquoi Toronto, qui est la plus grande ville du pays, ne compte qu'un seul radiodiffuseur local de langue française (la SRC) et pourquoi la station de radio de campus de l'Université de Toronto, CUIT-FM, ne diffuse qu'un nombre très restreint d'émissions communautaires de langue française.

Mme Dyane Adam, commissaire aux langues officielles du Canada, s'est montrée particulièrement inquiète par les gestes posés par le CRTC dans ce domaine. Elle a déclaré que :

[l]es divers exemples [...] indiquent clairement que le CRTC doit tenir compte, dans l'ensemble de ses décisions, des impacts de celles-ci sur les communautés de langue officielle. Ainsi, non seulement les réseaux de [...] radio doivent-ils être accessibles aux majorités et minorités linguistiques, mais ces émissions doivent également en être le reflet et contribuer ainsi à refabriquer le tissu social canadien fondé notamment sur la dualité linguistique. Les moyens nécessaires doivent être envisagés afin d'atteindre cet objectif. Le Conseil a une obligation de résultats31.

La situation a incité l'Association des radiodiffuseurs communautaires du Canada à s'interroger sur la façon dont le CRTC interprète son mandat visant à équilibrer les prérogatives culturelles, sociales et économiques32.

M. Gilles Arsenault, de Radio Beauséjour, a déclaré au Comité : « Dans un contexte minoritaire, la radio communautaire est le seul outil de communication qui appartient à la population33 ». Pour sa part, la Fédération acadienne de la NouvelleÉcosse a déclaré ce qui suit :

Les Acadiens n'ont pas beaucoup accès à cette forme de communication de masse; il n'y a pas de télévision communautaire [de langue française], sauf dans la région de Chéticamp et de la Baie Sainte-Marie. Les moyens dont disposent les services dans ces régions sont très rudimentaires, d'ailleurs34.

Bref, en ce qui a trait à la radio communautaire, la plupart des témoins avaient des préoccupations relatives à l'accès à la programmation. Pour s'attaquer à ces problèmes, de nombreux témoins ont recommandé une augmentation des services de la radio communautaire. L'Alliance des radios communautaires du Canada a avancé ce qui suit :

Dans les grands centres urbains comme Toronto et Victoria et les régions isolées telles que Whitehorse, la programmation locale de Radio-Canada dépasse rarement 40 heures par semaine; la Loi sur la radiodiffusion devrait encourager le partage du temps d'antenne avec les différentes associations communautaires35.

M. Digby Peers, ancien producteur de la radio de la SRC, a parlé de sa participation à des ateliers de la radio communautaire. Il a déclaré au Comité qu'il était « à la fois stupéfait et consterné de voir ce que ces gens pouvaient faire avec si peu d'argent et à quel point les techniciens étaient capables de réparer de l'équipement36 ». Il a donc proposé de renforcer les rapports entre la SRC et les radios communautaires, expliquant que la SRC possède l'équipement et le savoir-faire pour aider les radios communautaires en assurant la formation des bénévoles et en fournissant les ressources essentielles :

Si la SRC fait l'objet d'une restructuration pour mieux s'acquitter de ses fonctions, je ne pense pas qu'il faudrait beaucoup d'argent pour permettre à la SRC, dans les limites de son mandat et en fonction de critères précis, d'encadrer de temps à autre le personnel des stations communautaires chargées d'offrir un service à certains groupes, grands ou petits. Il n'est pas nécessaire de tout faire en même temps37.

Aucun autre nouveau modèle visant à appuyer la radio communautaire au Canada n'a été proposé. Dans l'ensemble, les organisations ont dit souhaiter que les programmes actuels se poursuivent ou qu'ils reçoivent du soutien, notamment les programmes du ministère du Patrimoine canadien visant à appuyer les collectivités minoritaires de langue officielle38. Un témoin a expliqué ce qui suit au Comité :

... en ce moment, ce n'est pas vraiment le CRTC qui bloque le plus le développement de la radio communautaire; c'est plutôt l'absence d'un programme [de Patrimoine canadien] bien défini et adapté à la réalité des nouvelles technologies39.

Compte tenu de ce qui précède, M. Daniel Levesque de Radio MirAcadie a proposé que le ministère du Patrimoine canadien finance jusqu'à 75 % des frais de démarrage de la radio communautaire des minorités de langue officielle.

D'autres associations communautaires francophones ont demandé que le CRTC et Industrie Canada réservent les fréquences FM dans leurs régions pour la radio communautaire des minorités de langue officielle.

Quant à la radio de faible puissance, la demande la plus fréquemment exprimée concernait des émetteurs plus puissants. Par exemple, l'Assemblée communautaire fransaskoise a déclaré au Comité qu'étant donné que la population francophone de la Saskatchewan est dispersée sur le plan géographique, il faudrait autoriser des émetteurs de 250 watts plutôt que de 5 watts comme c'est le cas actuellement :

Étant donné la réalité de la communauté fransaskoise, qui est en grande partie rurale, avec les fermes qui s'agrandissent, un émetteur de cinq watts n'est pas suffisant pour rejoindre les francophones. Cinq watts, ce n'est pas réaliste. Avec un tel émetteur, on ne pourrait diffuser que dans un petit village et on n'aurait pas l'impact qu'on voudrait sur la communauté40.

M. Robert Boulay, de l'Alliance des radios communautaires du Canada, abondait dans le même sens :

L'idée de départ est très bonne, sauf que cinq watts à Regina ou à Saskatoon, ce n'est pas tellement viable. Nous, ainsi que l'Assemblée communautaire fransaskoise, avons souvent déclaré au CRTC, quand nous en avons eu l'occasion, que c'était bien gentil, mais que c'était comme nous donner une automobile d'un cheval-vapeur. Alors, nous demandions qu'on fasse des exceptions et qu'on accorde des puissances de 250 watts, peut-être même de 500 watts en milieu urbain plus spécialement. Vous arrivez des Prairies et vous avez vu combien le territoire est vaste et combien les francophones y sont éparpillés. On ne va pas installer dix émetteurs de cinq watts; ce ne serait pas correct41.

B. Radiodiffusion locale

Trois dispositions de la Loi sur la radiodiffusion traitent de la radiodiffusion locale. Le sous-alinéa 3(1)i)(ii) dispose que « la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait [...] puiser aux sources locales, régionales, nationales et internationales. » Le sous-alinéa 3(1)t)(i) précise que « les entreprises de distribution [de radiodiffusion] ... devraient donner priorité à la fourniture des services de programmation canadienne et ce, en particulier par les stations locales canadiennes. » Enfin, le sousalinéa 3(1)t)(iv) dispose que les entreprises de distribution :

... peuvent, si le Conseil le juge opportun, créer une programmation — locale ou autre — de nature à favoriser la réalisation des objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion, et en particulier à permettre aux minorités linguistiques et culturelles mal desservies d'avoir accès aux services de radiodiffusion.

Télévision

Le CRTC définit la station de télévision locale comme suit :

« station de télévision locale » Dans le cas d'une entreprise, station de télévision autorisée qui a : a) un périmètre de rayonnement officiel de classe A qui comprend toute partie de la zone de desserte autorisée de l'entreprise; ou b) à défaut d'un périmètre de rayonnement officiel de classe A, une antenne d'émission située dans un rayon de 15 km de la zone de desserte autorisée de l'entreprise42.

Autrement dit, une station de télévision locale est une entreprise de radiodiffusion en direct qui rejoint, grâce à une ou à plusieurs antennes d'émission, un certain auditoire dans un périmètre de rayonnement donné43 (c.-à-d. empreinte) qui est précisé dans les conditions de la licence que le CRTC impose à l'entreprise.

L'un des éléments clés de la politique en matière de télévision du CRTC (1999) est la présentation d'une programmation locale de nouvelles et d'émissions autres que des nouvelles par des radiodiffuseurs conventionnels en direct. D'ailleurs, dans les demandes de renouvellement de licence, les titulaires doivent désormais « démontrer [...] que leurs émissions (nouvelles et autres) répondent aux attentes de l'auditoire et reflètent la réalité des communautés qu'ils desservent44 ».

Il est toutefois extrêmement difficile d'affirmer quoi que ce soit sur les tendances générales de la production d'émissions locales au Canada (nouvelles ou autres). Cette difficulté est due au fait que les données sur les émissions de nouvelles locales et nationales sont habituellement groupées aux fins de l'établissement de rapports. En outre, comme les conditions imposées par le CRTC pour l'obtention d'une licence ne sont pas les mêmes d'une station à l'autre, il devient vite difficile de déterminer les tendances, même dans un seul marché45.

Cela dit, il reste possible d'évaluer le potentiel de production de programmation locale en se fondant sur les studios disponibles. La figure 9.6 montre le nombre de stations de télévision locales au Canada qui possédaient des studios entre 1996 et 2002. Dans l'ensemble, le nombre de studios utilisés par des radiodiffuseurs indépendants pendant cette période a augmenté, passant de 41 à 59. La baisse la plus marquée a été enregistrée par le réseau de télévision CTV dont le nombre de studios a été ramené de 38 à 29 entre 2001 et 2002, et par la SRC, qui a réduit le nombre de ses propres studios et de ses studios affiliés de 52 à 47 entre 1996 et 2002.

Radio

Il existe plus de 750 stations de radio commerciales possédées et exploitées par des intérêts canadiens; ces stations produisent et diffusent chaque année des centaines d'heures de programmation locale canadienne. La plupart de ces stations relatent les nouvelles et les événements locaux et dépendent fortement des recettes qu'elles tirent de la publicité des entreprises locales. La figure 9.7 indique le nombre de stations de radio AM et FM locales (privées, publiques et sans but lucratif) qui possédaient des studios entre 1996 et 2002. La figure révèle qu'entre 1996 et 2002, le nombre total de stations de radio canadiennes a connu une hausse, passant de 841 à 881 stations46.

Figure 9.6 - Stations de télévisions canadiennes disposant de studios, 1996-2002

Selon la politique du CRTC en matière de radio commerciale, la radio doit intéresser les collectivités locales47. Dans cette politique, la programmation locale de la radio se définit comme suit :

La programmation locale inclut la programmation produite par la station ou produite séparément et exclusivement pour elle. Elle ne comprend pas la programmation reçue d'une autre station et retransmise soit simultanément soit ultérieurement, ou encore des émissions réseau ou souscrites qui durent au minimum cinq minutes, à moins qu'elles ne soient produites par la station ou par la collectivité locale dans le cadre d'un arrangement avec la station.

Figure 9.7 - Stations de radio canadiennes disposant de studios, 1996-2002

Dans leur programmation locale, les titulaires doivent inclure des émissions de créations orales qui intéressent directement les collectivités qu'elles desservent comme les nouvelles locales, les bulletins météo locaux et les sports locaux de même que la promotion d'activités et d'événements locaux48.

En 1998, des préoccupations relatives à la propriété croisée des média ont incité le CRTC à réviser sa politique en matière de radio commerciale. Le Conseil limite dorénavant le nombre de stations de radio que peut posséder ou contrôler une personne dans un marché donné à

[...] trois stations [...] dont deux stations au plus sont dans la même bande de fréquences. Dans les marchés comptant plus de huit stations commerciales exploitées dans une langue donnée, une personne peut être autorisée à posséder ou contrôler jusqu'à deux stations AM et deux stations FM dans cette langue49.

Le Conseil s'est également penché sur les inquiétudes générales touchant l'incidence de la concentration de la propriété sur les émissions de nouvelles. À cet égard, le Conseil a adopté

[...] une démarche individuelle lorsqu'il évalue les engagements en matière de programmation. Les requérantes demandant l'autorisation d'acquérir la propriété ou le contrôle de plus d'une station AM et une station FM exploitées dans une langue et dans un marché donnés devront expliquer comment la programmation qu'elles proposent profitera à la collectivité et contribuera à l'atteinte des objectifs de la Loi. Le Conseil conservera l'option d'exiger, par condition de licence, le respect des engagements particuliers pris par les requérantes50.

Des exigences relatives au contenu canadien imposent une certaine proportion de musique vocale canadienne en langue anglaise ou française (entre 35 % et 65 %); il y a toutefois peu de choses à dire au sujet de la diffusion d'émissions locales (nouvelles ou autres) par les stations de radio canadiennes parce que la programmation locale est différente des autres types de programmation radio, notamment la musique qui se subdivise habituellement en différentes catégories aux fins de l'attribution de licences (c.à-d. musique country, rétro, grand public, etc.).

Ce que les témoins ont dit

Le Comité constate que les témoins ont rarement exprimé des préoccupations relatives aux services locaux offerts par les entreprises de radio commerciales du Canada. Les principaux problèmes soulevés par les témoins au sujet des services locaux concernaient les émissions de nouvelles et autres présentées à la télévision et la concentration de la propriété des médias.

La politique en matière de télévision du CRTC (1999) prévoit ce qui suit concernant les émissions de nouvelles locales :

Le Conseil a examiné attentivement la disponibilité, la rentabilité et la performance des émissions de nouvelles locales dans tout le pays. Il a également étudié l'évolution du milieu de la radiodiffusion et en particulier la multiplication des sources d'information et de nouvelles locales, mises à la disposition des Canadiens. Dans les grands marchés canadiens, les téléspectateurs peuvent choisir parmi les nouvelles locales ou régionales présentées par CBC ou Radio-Canada et par deux à quatre stations privées. De plus, certains canaux de câble communautaire présentent régulièrement des bulletins de nouvelles locaux. Un service spécialisé régional, Pulse 24, fournit des nouvelles et des informations, principalement dans le sud de l'Ontario. Divers services d'informations sont également disponibles par Internet, pour ceux qui ont besoin d'informations locales particulières ou qui désirent discuter de ces questions51.

En outre,

[l]e Conseil estime que dans le nouvel environnement de la télévision, les forces du marché permettront aux auditoires de continuer à recevoir une diversité de nouvelles locales sans exigences réglementaires. Les émissions de nouvelles représentent un élément clé dans l'établissement de l'identité d'une station auprès des téléspectateurs et sont généralement rentables. De plus, les télédiffuseurs ne peuvent pas solliciter de publicité locale dans un marché, à moins de fournir des nouvelles locales ou d'autres émissions locales.

Cela dit, peu de temps après que le Comité a commencé son étude, le réseau de télévision CTV annonçait la fusion des journaux télévisés diffusés le soir sur MCTV depuis Sudbury, Sault Ste. Marie, North Bay / Muskoka et Timmins en une seule émission diffusée à partir de Sudbury.

Selon M. Arthur Simmons, la décision de CTV de fusionner la programmation locale est simplement un signe des temps :

Malgré la forte opposition des résidents de Saint John et d'autres communautés du Nouveau-Brunswick, le CRTC a autorisé la prise de contrôle par CanWest Global sans l'obliger d'assurer une présence locale. Aujourd'hui, CanWest Global diffuse un bulletin d'informations préenregistré provenant de Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. La société n'a même pas de studio de production au Nouveau-Brunswick. [...] La situation est la même partout au Canada, sauf dans les grands centres. Plus qu'insuffisante, la couverture locale est en voie de disparition52.

Dans une lettre adressée au Comité, CTV s'est défendu en déclarant que le CRTC « reconnaît la valeur d'une stratégie qui consiste à placer des inserts locaux dans un bulletin régional en considérant l'ensemble du bulletin comme étant un contenu local pour chaque station contribuant au bulletin53 ». Par la suite, lorsqu'elle a comparu devant le Comité, la BCE, société-mère de CTV, a ajouté qu'il est particulièrement difficile de desservir les petits marchés comme celui du Nord de l'Ontario en raison de la concurrence que fait la télévision par satellite dans les régions rurales et éloignées. Comme M. Alain Gourd l'a expliqué :

La baisse de l'écoute des stations conventionnelles entraîne certaines pressions, auxquelles s'ajoute l'impact accru des services de radiodiffusion directe dans ces régions, par opposition à ce qu'on observe dans des villes comme Ottawa ou Toronto. De telles pressions réduisent notre capacité de financer l'expression des voix locales. [...] Nous nous sommes efforcés de recourir à la technologie numérique pour continuer à assurer l'expression des voix locales, que ce soit dans la région de l'Atlantique ou dans le nord-est de l'Ontario, en affectant le plus de ressources possible à la couverture de l'actualité et aux reportages, plutôt que de disposer de services de production complets dans chacune des localités.

Dans une région comme l'Atlantique, par exemple, nous nous efforçons donc de créer un modèle en vertu duquel les installations de production sont centralisées en un lieu mais les journalistes répartis un peu partout pour couvrir l'actualité. Dans le nord-est de l'Ontario, nous comptons encore 43 employés affectés au service des actualités, y compris 26 reporters. J'ajoute que notre entreprise est la seule chaîne de télévision à y avoir des représentants. Qu'il s'agisse donc de la région de l'Atlantique ou du nord-est de l'Ontario, nous nous engageons à fournir 15,5 heures de programmation régionale et locale. De plus, dans chacune des collectivités, nous diffusons une tranche locale qui portera exclusivement sur elle et ne se sera pas reproduite ailleurs54.

L'Association canadienne de télévision par câble (ACTC) a manifesté une certaine compréhension pour la situation de CTV. Elle a ajouté que la prestation de services locaux est une tâche exigeante, particulièrement dans les petits marchés. Elle a attiré l'attention sur la situation difficile des petits réseaux de distribution et fait remarquer que l'éloignement, le faible nombre d'abonnés, les capacités moindres des réseaux de câblodistribution, le coût du capital, les difficultés de financement et la concurrence provenant des services par satellite licites et illicites sont autant de facteurs qui nuisent à la programmation locale. Certains câblodistributeurs de petite taille, a-t-elle ajouté, cessent leurs activités, ne laissant plus que les services par satellite comme seuls fournisseurs dans la région55.

Cela dit, en dépit de nombreux témoignages faisant état de la disparition apparente des nouvelles locales, le Comité a pu constater que, dans certains contextes, la programmation locale existe toujours et se porte même bien. À Toronto par exemple, le Comité a visité les studios animés de CHUM, studios vitrés donnant sur la rue et situés dans le même immeuble que CityTV. Là, les membres du Comité ont passé quelque temps à discuter avec un personnel d'antenne et de production dynamique et enthousiaste. Le modèle de programmation que CHUM a adopté et reproduit dans des villes de plus petite taille consiste à se servir de locaux dans le centre-ville pour y installer des studios donnant sur la rue de sorte que les animateurs en ondes puissent interagir sans obstacle avec la population locale dans des productions en direct ou enregistrées.

Ces studios vitrés ont connu un tel succès qu'on n'en compte plus les imitations tant au Canada qu'à l'étranger. En fait, même la SRC a reconnu la valeur de cette formule. Comme M. Robert Rabinovitch l'a dit devant le Comité :

Ouvrez les portes, faites rentrer le public pour qu'il voie ce que vous réalisez, pour qu'il voie qui sont vos stars et pour qu'il les voie en pleine action. C'est une des raisons pour lesquelles nous voulons le mettre sur pied, en particulier pour la radio sans visage. Nous découvrons à Winnipeg où il existe un studio ouvert au public que les gens nous rendent visite, nous font signe, disent bonjour et observent56.

Comme solution au problème de la diffusion d'émissions locales de nouvelles et autres que de nouvelles, M. Drew Craig, président de Craig Broadcast Systems, a recommandé au Comité de penser en fonction d'une diversité de propriété. Il a fait remarquer qu'une « diversité de propriété assure que le système ne deviendra pas trop collet monté et qu'il y aura de la place pour l'innovation et les nouvelles idées au niveau de la production » et qu'une diversité de propriété est nécessaire pour assurer une diversité d'opinions57. M. Jan Pachul est allé plus loin et il a déclaré qu'il « faudrait donner la préférence aux propriétaires locaux de stations » et que les propriétaires qui ne sont pas de l'endroit ne devraient pouvoir présenter une demande que s'il n'y a pas de requérants locaux58.

La ministre du Patrimoine canadien a proposé une autre solution, à savoir un partenariat entre les secteurs public et privé, plus précisément entre la SRC et ses pendants du secteur privé, par exemple CTV dans le Nord de l'Ontario :

J'ai appris la semaine dernière seulement que la télévision de la SRC venait de signer une entente avec la station TQS de Québec, pour que les reporters de la SRC travaillent dans les stations de TQS. Pour moi, c'est une innovation. C'est un moyen pour le radiodiffuseur public d'être présent dans la région sans nécessairement devoir constituer l'infrastructure intégrale. Si la SRC et CTV pouvaient conclure un arrangement similaire dans le Nord de l'Ontario, à mon avis, tout le monde y gagnerait59.

Le chapitre 6 donne de plus amples détails sur le rôle de la SRC dans la présentation de la programmation locale. Mais avant de passer à une autre question, il vaut la peine de conclure par les réflexions du professeur David Taras sur l'importance que tout radiodiffuseur doit accorder à la loyauté dans sa stratégie de programmation locale :

Je peux vous faire une observation au sujet d'un endroit précis, d'après mon expérience à Calgary. Lorsque la SRC a décidé de quitter Calgary et de ne plus offrir les actualités locales à l'heure du dîner, elle occupait la deuxième place au sein d'un marché florissant et faisait de l'argent. La Société a décidé à ce moment-là, en 1990, en raison de considérations budgétaires globales, de ne pas poursuivre de stratégie locale. Les habitants de Calgary ont tourné le dos en grand nombre. En une seule soirée, en fait, 60 000 auditeurs sont passés de la SRC à CFCF, un réseau local affilié de CTV. Ces téléspectateurs ne sont jamais revenus. Dans une certaine mesure, les habitants de l'Ouest se sont sentis abandonnés par la SRC parce qu'il n'existe pas de liens locaux solides. Il n'existe aucun sentiment de loyauté parce qu'il n'y a pas de stratégie locale60.

C. Radiodiffusion régionale

Quatre dispositions de la Loi sur la radiodiffusion traitent des attentes relatives aux services régionaux du système canadien de radiodiffusion. Le sous-alinéa 3.(1)i)(ii) dispose que « la programmation offerte par le système canadien de radiodiffusion devrait [...] puiser aux sources locales, régionales, nationales et internationales ». Le sous-alinéa 3.(1)m)(ii) précise que la SRC doit « refléter la globalité canadienne et rendre compte de la diversité régionale du pays, tant au plan national qu'au niveau régional, tout en répondant aux besoins particuliers des régions ». Le sous-alinéa 3.(1)r)(iii) porte que la programmation offerte par les services de programmation télévisée complémentaires devrait « refléter le caractère multiculturel du Canada et rendre compte de sa diversité régionale ». Enfin, l'alinéa 5(2)b) demande au CRTC de « tenir compte des préoccupations et des besoins régionaux » dans l'exercice de son rôle de surveillance du système canadien de radiodiffusion.

Le CRTC définit la radiodiffusion régionale comme suit :

« station de télévision régionale » Dans le cas d'une entreprise de distribution, station de télévision autorisée, autre qu'une station de télévision locale, ayant un périmètre de rayonnement officiel de classe B qui comprend toute partie de la zone de desserte autorisée de l'entreprise61.

Sauf l'exception notable que constitue la SRC, la télévision régionale est le domaine quasi exclusif des radiodiffuseurs éducatifs provinciaux. Au Canada, les radiodiffuseurs éducatifs sont généralement reconnus comme étant la voix de leurs régions respectives. Ces services rejoignent de vastes auditoires, qui vont des apprenants adultes et des adolescents aux enfants d'âge préscolaire et à des groupes démographiques précis. On trouve des radiodiffuseurs provinciaux dans cinq provinces; le Manitoba et les quatre provinces de l'Atlantique en sont dépourvus. Le chapitre 7 donne le profil de ces services provinciaux.

Le CRTC parle très rarement de la radiodiffusion régionale, et lorsqu'il le fait, c'est habituellement parallèlement aux questions touchant la radiodiffusion locale. Toutefois, afin de déterminer quelles sont les émissions que l'on qualifie de régionales, le CRTC établit les distinctions suivantes :

Les émissions canadiennes produites en région sont

Des émissions de langue anglaise d'au moins 30 minutes (moins un délai raisonnable pour les messages publicitaires, le cas échéant) dans lesquelles les prises de vue principales proviennent du Canada, à plus de 150 kilomètres de Montréal, Toronto ou Vancouver. Les émissions dans lesquelles les prises de vues proviennent de l'île de Vancouver seront aussi considérées comme des émissions produites en région.

Des émissions de langue française d'au moins 30 minutes (moins un délai raisonnable pour les messages publicitaires, le cas échéant) dans lesquelles les prises de vue principales proviennent du Canada, à plus de 150 kilomètres de Montréal.

Les Nouvelles (catégorie 1), Analyse et interprétation (catégorie 2), Reportages et actualités (catégorie 3) et Sports (catégorie 6) sont des émissions exclues62.

Ce que les témoins ont dit

La plupart des préoccupations des témoins au sujet de la radiodiffusion régionale se rattachaient aux priorités de la SRC en matière de programmation. Ces questions sont traitées au chapitre 6. Toutefois, quatre autres problèmes touchant aux sujets de préoccupation relatifs aux régions du Canada ont été soulevés : la définition du terme « régional »; les disparités régionales; le soutien à la programmation et à la production régionales; le soutien à la radiodiffusion éducative.

Lors de sa comparution devant le Comité, M. Arnold Amber a bien résumé le problème que pose le terme « régional » :

Il faut préciser dans la Loi ce qui est régional et ce qui est local. Comme je travaille à la SRC depuis bon nombre d'années, j'ai le grand avantage d'avoir vu une administration de la SRC déterminer que le régional était local, et une autre administration décider plutôt que le local est régional. Cela dépend des petits jeux qui se jouent en coulisse à la direction dans une année donnée, et il faut tirer cela au clair63.

En effet, une partie du problème se rattachant au terme « régional » tient au fait que ce qui est régional pour une personne peut très bien être local, régional ou provincial pour une autre, voire les trois à la fois selon l'endroit où la personne se trouve. Par exemple, à l'Île-du-Prince-Édouard, M. David Helwig a fait la remarque suivante sur la distinction entre local et régional :

Lorsqu'il est question de l'Île-du-Prince-Édouard, le problème tient au fait que la population est très restreinte. C'est une province, c'est une entité, une unité également, mais le fait est que la distinction entre ce qui est d'ordre local, provincial et régional est quelque peu floue. À l'Île-du-Prince-Édouard, il va de soi qu'il faut qu'il y ait ce qui peut sembler être une vision locale, mais cette dernière se confond avec la vision provinciale. Par conséquent, l'analogie entre la localité où nous sommes et la localité de Brandon, par exemple, n'est peut-être pas légitime. Pour cette raison, je ne pense pas que le fait d'enchâsser cette vision locale dans la Loi ferait tellement de différence64.

Mais pour ce qui est des disparités régionales, il était évident que les Canadiens des Prairies et de l'Atlantique se font une idée très particulière de ce qui est « régional ». Devant le Comité, ces citoyens ont dit être troublés par la concentration des ressources financières à Toronto, Montréal et Vancouver. Ainsi à Edmonton, Mme Nancy Wahl a fait remarquer que la majorité du travail était effectué dans la région du Centre du Canadal65. De plus, les décisions portant sur les grilles-horaires sont maintenant si centralisées qu'elles ne peuvent plus satisfaire les attentes des auditoires locaux et, par extension, des auditoire régionaux. Mme Wahl a expliqué ce qui suit :

Comme les décisions de programmation sont prises en dehors de la collectivité, il n'y a aucun effort qui est fait pour placer ces programmes là où ils devraient être vus. Au lieu de cela ils sont placés dans des tranches horaires où presque personne ne les regarde. Cela ne fait pas preuve de beaucoup d'engagement envers notre collectivité ou envers les talents des réalisateurs indépendants de la localité, sans mentionner l'engagement régional66.

Le fait que les radiodiffuseurs ne sont pas obligés de diffuser des programmes régionaux ne fait qu'aggraver les choses67. Comme Mme Gretha Rose l'explique,

[r]ien n'oblige les radiodiffuseurs à retransmettre une partie de leurs émissions en provenance des régions. Les régions n'ont pas normalement accès au Canada central où toutes les décisions sont prises, et encore moins aux marchés internationaux pour assembler des coproductions internationales. À mon avis, la représentation régionale n'existe pas68.

En outre, comme la radiodiffusion n'est plus le moyen de communication de masse qu'il a déjà été, les coûts de la programmation régionale ont augmenté. Comme l'a fait remarquer le représentant de la Saskatchewan Motion Picture Association :

[Le] monde de la télévision [s'est fragmenté] en des dizaines de chaînes spécialisées. Cependant, les revenus dont disposent ces chaînes pour acheter nos produits [régionaux] se sont aussi fragmentés. Leur marché, leur accès à des recettes publicitaires, se fragmentent de plus en plus, comme nous le savons tous, si bien que les pointes de tarte se font de plus en plus petites. Aussi l'argent qu'elles peuvent dépenser pour acheter une émission d'une demi-heure ou d'une heure est de beaucoup inférieur à ce qu'il en coûte pour créer un produit canadien de qualité. Nous avons beaucoup de clients, mais ces clients n'ont pas beaucoup d'argent69.

Plusieurs Néo-Écossais ont insisté avec force sur une autre préoccupation régionale : de grandes sociétés achètent des entreprises locales, s'appropriant ainsi une identité régionale, puis réduisent leurs engagements à l'échelle régionale ou récoltent les avantages destinés à certaines régions. M. Stephen Comeau de la société Collideascope Digital Productions a mentionné le cas de l'Independent Film Channel, d'Halifax, dont les bureaux de production dans cette ville ont été fermés six mois après l'achat de l'entreprise par Alliance Atlantis en 200170.

De même, à la fin de 2001, Corus Entertainment a décidé de déménager de Winnipeg à Toronto le Women's Television Network (WTN) qu'il venait d'acquérir. Ce déménagement a été annoncé seulement six jours après que le CRTC a ouvertement déclaré que le nouveau propriétaire devrait maintenir la station dans l'Ouest canadien. Lorsqu'on a demandé au CRTC d'expliquer le geste posé par Corus, le directeur exécutif de la Radiodiffusion du CRTC, M. Jean-Pierre Blais, a répondu au Comité « [qu']il y a [...] [des] situations où nous exprimons simplement tout haut nos attentes, nous signalons certains aspects. Ceci se situait plutôt au niveau des attentes — il arrive parfois que tout soit clair rétrospectivement71 ». Pour M. Comeau, par contre, ce geste est « une illustration du mépris flagrant du désir du CRTC d'assurer une diversité de propriété géographique72 ».

En 2001, Alliance Atlantis a également acheté Salter Street Films d'Halifax. Selon plusieurs témoins, ce type d'acquisition signifie que les producteurs régionaux doivent désormais livrer concurrence à des filiales puissantes de maisons de production dont le siège se trouve à Toronto, Vancouver ou Montréal. Par exemple, M. Richard Zurawski d'East West Media, à Halifax, était fermement convaincu que le Fonds canadien de télévision (FCT) a injustement refusé de financer son entreprise. Il a expliqué ce qui suit :

Nous avons reçu 59 points sur un total possible de 59. Nous avons reçu le maximum que peut accorder le FCT, mais nous n'avons pourtant pas été jugés admissibles. Nous étions la seule production de la région de l'Atlantique, et le bureau dans l'Atlantique a donné tout l'argent de son enveloppe à Alliance Atlantis, Salter Street, ce que j'ai trouvé scandaleux. [...] C'est comme être la seule équipe de hockey qui se pointe mais qui perd néanmoins la partie73.

L'Alberta Motion Picture Industries Association (AMPIA) a fait état d'un problème semblable lorsqu'elle a fait remarquer ce qui suit :

Il semblerait que certains radiodiffuseurs pensent que la programmation régionale n'intéresse pas les spectateurs régionaux ce que L'AMPIA désapprouve respectueusement. Raconter des histoires sur les Canadiens méconnus représente le seul moyen que nous possédions en tant que pays pour nous réunir véritablement. Préalablement aux récentes fusions, les relations avec les radiodiffuseurs à l'échelle régionale ont permis que des histoires de l'Alberta soient présentées et racontées au reste du Canada et au monde entier. Il est maintenant difficile de trouver une personne qui décide des programmes dans notre région74.

Les radiodiffuseurs éducatifs provinciaux ont également soulevé la question du soutien à la production à l'extérieur des grands centres canadiens. Dans son mémoire déposé devant le Comité, le Saskatchewan Communications Network (SCN) a avancé ce qui suit :

Les structures et mécanismes réglementaires instaurés ont servi les intérêts des segments du système canadien de radiodiffusion situés dans les « centres d'excellence » de Toronto et de Montréal, mais les autres secteurs et types d'émissions énumérés dans la Loi comme étant des éléments essentiels ont été négligés75.

Par conséquent, le SCN estime qu'il existe un vide au niveau régional dans les choix de programmation offerts aux Canadiens :

Si la télévision est le miroir que nous utilisons pour refléter notre société et notre culture, nous avons alors une situation difficile parce que nous ne pouvons pas nous y retrouver. La télévision est la même à Banff et à Yorkton qu'à Vancouver et Toronto; vous ne voyez rien qui soit propre à Yorkton ou à Banff dans l'un ou l'autre de ces endroits. Souvent, la programmation régionale ou locale se réduit au changement dans les annonces sur la liste des canaux télévisés76.

Comme solution au problème de production et de présentation de la programmation régionale, le Caucus canadien de la vidéo et du cinéma indépendants a proposé que la Loi sur la radiodiffusion encourage un régime qui favorise les commandes, les acquisitions et les coproductions interrégionalesl77.

Le SCN a recommandé l'attribution de points supplémentaires de contenu canadien aux émissions d'information régionales : 150 % pendant les heures de moindre écoute et 200 % pendant les heures de grande écoute. De plus, il a demandé que :

... les émissions d'information régionales soient désignées comme étant une catégorie d'émissions sous-représentées, à l'instar des émissions pour enfants et des dramatiques, et qu'à ce titre, elles aient aussi accès à des sources d'aide financière à la production. Le SCN recommande au gouvernement78 de créer un fonds spécial répondant aux besoins de ces émissions79.

L'AMPIA a recommandé au CRTC « d'inclure tous les avantages régionaux comme conditions d'octroi de la licence » en raison de l'effet dévastateur pour la production régionale que provoquent les investissements faits à l'extérieur d'une région80. Elle estimait en outre que le CRTC devrait :

... établir des politiques publiques catégoriques qui évitent l'éventualité d'utilisation de pratiques intéressées et ce pour tous les radiodiffuseurs. Nous recommandons également d'étudier les limites raisonnables à la propriété de l'entreprise, de façon à ce que les réalisateurs indépendants restent réellement indépendants81.

Pour sa part, M. Dan Viau a recommandé l'adoption d'une mesure réglementaire pour faire en sorte que les régions ayant une faible densité de population soient desservies. Il a déclaré ce qui suit :

Si le gouvernement n'exige pas, par le biais de la Loi sur la radiodiffusion et du CRTC, que les radiodiffuseurs traditionnels s'engagent fermement et sérieusement à réaliser des émissions locales et régionales, les gens des Maritimes vont probablement disparaître à tout jamais de la télévision en dehors des émissions d'information82.

Enfin, l'Association canadienne des radiodiffuseurs a soutenu que la programmation locale devrait être considérée comme étant de la programmation prioritaire, et elle a demandé au gouvernement de créer un crédit spécial pour les émissions locales autres que d'information83.

D. Solutions proposées

Dans l'ensemble, le Comité considère la nouvelle politique de télévision communautaire du CRTC comme étant un pas dans la bonne direction. Notamment, la nouvelle catégorie de télévision communautaire (c.-à-d. le service de programmation communautaire) peut, dans certaines collectivités, contribuer à combler le vide créé par les câblodistributeurs qui ne desservent pas les citoyens locaux (ou ne peuvent les desservir). Le Comité appuie également la création d'une catégorie de licence distincte pour les entreprises de programmation de télévision communautaire. Il reconnaît qu'il existe des problèmes fondamentaux dans la production et la présentation de la programmation locale et communautaire et qu'il faut créer de toute urgence de nouveaux espaces pour ces voix.

Le Comité a toutefois des réserves au sujet de plusieurs aspects de la politique du CRTC relative à la programmation communautaire, locale et régionale. En effet, le Comité a remarqué que, parmi les témoins qui ont traité de la programmation communautaire, locale et régionale, il y avait un net consensus quant à la nécessité de ne pas accepter le statu quo et de demander au gouvernement fédéral de prendre des mesures à cet égard. Par conséquent, le Comité présente ci-après des propositions et des recommandations qui pourraient, selon lui, contribuer à préserver et à renforcer le rôle important de la radiodiffusion communautaire, locale et régionale au sein du système canadien de radiodiffusion.

Accès des citoyens

Le Comité est convaincu que l'accès des citoyens doit demeurer un objectif fondamental du système canadien de radiodiffusion parce que c'est là le seul moyen d'assurer une diversité de voix, d'opinions et de représentation. Il craint que la politique sur la télévision communautaire (adoptée par le CRTC après 1997) n'ait considérablement modifié le fonctionnement des stations communautaires des câblodistributeurs (qui ont notamment recours à la centralisation et au réseautage). Par conséquent, même si le CRTC précise dans sa politique de 2002 sur les médias communautaires qu'il s'attend à ce que les entreprises de câblodistribution assurent l'accès des citoyens et la promotion de la formation, le Comité n'est pas convaincu qu'il obtiendra nécessairement les résultats souhaités. Il croit donc que l'accès des citoyens aux installations de télévision communautaire devrait être une exigence du CRTC plutôt qu'une attente.

RECOMMANDATION 9.1 :

Le Comité recommande que le CRTC exige des entreprises de distribution de radiodiffusion qu'elles favorisent l'accès des groupes communautaires et des bénévoles aux installations de la télévision communautaire aux fins de produire des émissions de télévision locales et communautaires.

Le Comité reconnaît que l'application de cette exigence devra tenir compte des différentes situations des entreprises de distribution de radiodiffusion du Canada (c.-à-d. distribution par câble ou par satellite). Le CRTC ne devrait toutefois exempter aucune de ces entreprises de certains niveaux et types d'accès des citoyens à la télévision communautaire.

Ambiguïtés dans les définitions et incohérence des politiques

Le Comité est d'avis que la nouvelle politique du CRTC relative aux médias communautaires ne dissipe pas vraiment les ambiguïtés dans les définitions ni les incohérences se rattachant aux utilisations actuelles des termes communautaire, local et régional. Au contraire, elle ne fait que souligner le problème lorsqu'elle indique que :

Le Conseil estime que les émissions locales de télévision communautaire sont des émissions, telles que définies dans la Loi sur la radiodiffusion, qui reflètent la collectivité et qui sont produites soit par le titulaire dans la zone de desserte autorisée, soit par les membres de la collectivité de la zone de desserte autorisée. Les émissions produites dans d'autres zones autorisées dans la même municipalité seront également considérées comme des émissions locales de télévision communautaire84.

Dans le cas des grands centres urbains comme Montréal, Vancouver et Toronto, le Conseil est encore moins clair :

Le Conseil s'attend à ce que les titulaires qui fournissent une programmation communautaire dans les grandes zones urbaines de Toronto, Montréal et Vancouver présentent lors du renouvellement de leur licence les projets et engagements sur la manière qu'ils refléteront les divers groupes communautaires de leurs zones de desserte autorisées qui vivent dans ces centres urbains85.

Bien que certains puissent prétendre que ces nouvelles définitions éclairent les concepts de ce qui est local dans le contexte de la télévision communautaire, la réalité reste qu'elles aggravent les nombreux problèmes de définition soulevés par les témoins qui ont comparu devant le Comité. En effet, il devrait être clair maintenant qu'il sera difficile de trouver des définitions satisfaisantes des termes communautaire, local et régional.

Il est également clair que bon nombre de problèmes mentionnés dans le présent chapitre sont imputables à l'absence d'une compréhension commune de termes clés et des politiques incroyablement nombreuses que le CRTC a élaborées au fil du temps. Par exemple, les canaux communautaires pourraient être exploités de façon indépendante et les règles relatives à la publicité pourraient être harmonisées. C'est pourquoi le Comité croit que le moment est venu de rationaliser et d'harmoniser les nombreuses politiques du CRTC concernant les divers éléments de la radiodiffusion communautaire, locale et régionale. Par conséquent :

RECOMMANDATION 9.2 :

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien élabore une politique relative à la radiodiffusion communautaire, locale et régionale, en consultation avec les principaux intervenants de l'industrie, notamment les radiodiffuseurs publics, privés, communautaires, éducatifs et sans but lucratif et les groupes d'intérêt concernés.

Le Comité croit que le résultat découlant de ce processus devrait être la formulation d'une politique claire et cohérente relative à la radiodiffusion et à la programmation communautaires, locales et régionales, politique qui rassemblerait également les paramètres touchant la radiodiffusion à caractère ethnique, de faible puissance, de campus et dans la langue d'une collectivité minoritaire de langue officielle. De plus, le Comité s'attend que la politique contienne un énoncé clair des objectifs, des estimations réalistes des coûts favorisant l'atteinte de ces objectifs et un ensemble complet de mesures de rendement.

La politique devrait également reconnaître la contribution que peuvent apporter divers éléments du système, notamment l'accès au canal communautaire, et, contrairement à la situation actuelle, être neutre du point de vue technologique en ce qui a trait aux différents mécanismes de distribution. Autrement dit, les exigences imposées aux câblodistributeurs ne devraient pas être sensiblement différentes de celles qui sont imposées aux radiodiffuseurs en direct ou aux entreprises de distribution par satellite (dont il est question ci-après).

Rôle de la distribution par satellite de radiodiffusion directe

En dépit de la croissance rapide du marché canadien de la distribution par satellite de radiodiffusion directe (SRD) (qui est passé d'une part de marché de 2,6 % en 1998 à 16,2 % en 2001), le Conseil a réaffirmé sa décision antérieure dans sa nouvelle politique sur les médias communautaires. En effet, le Conseil « croit que le concept de canaux communautaires par SRD n'est pas en harmonie avec les objectifs qu'il propose — à savoir une programmation communautaire accrue produite à une échelle locale et reflétant la réalité de la collectivité locale86 ».

Autrement dit, le mode de distribution de services de radiodiffusion qui connaît la croissance la plus rapide au Canada continue d'être exempté de l'obligation de distribuer une programmation locale communautaire étant donné qu'il n'est pas « en harmonie » avec les objectifs du CRTC. Le Comité trouve cette décision particulièrement déconcertante. Il rappelle au CRTC que selon la politique canadienne de radiodiffusion, notre système de radiodiffusion est un système unique composé « d'éléments publics, privés et communautaires ». Dans le but de souligner cet élément fondamental — auquel les chapitres de la troisième partie du rapport accordent une place importante — le Comité fait la recommandation suivante :

RECOMMANDATION 9.3 :

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada prenne des mesures pour faire en sorte que les ministères et organismes responsables du système canadien de radiodiffusion continuent de traiter le système de radiodiffusion comme un système unique.

Compte tenu de ce principe fondamental, le Comité insiste sur l'importance de trouver une solution pour s'assurer que les services par SRD du Canada jouent un rôle plus direct dans la diffusion de la programmation de télévision communautaire. Il est au courant d'au moins deux options (partage de temps et Internet par satellite — voir l'encadré) qui permettraient aux fournisseurs de services par satellite du Canada de jouer un rôle plus actif dans la programmation communautaire.

Options de distribution des services de télévision communautaire

Divers scénarios se prêtent à la distribution de services de télévision communautaire :

Modèle traditionnel — Lorsqu'une collectivité est desservie par le câble, le câblodistributeur offre le canal communautaire avec la série de canaux de télévision qu'il retransmet.

Microtransmission — Lorsque le câble n'existe pas, mais qu'un microémetteur local est en place, les signaux de télévision communautaire peuvent être retransmis au moyen de fréquences VHF ordinaires plutôt que par câble. (Nota : l'utilisation des normes 802.11/802.16 pour l'accès direct à l'abonné dans certaines petites collectivités suscite de l'intérêt.)

Satellite de radiodiffusion directe — Tous les récepteurs de signaux transmis par satellite de radiodiffusion directe (SRD) peuvent être programmés individuellement (au moyen de codes) de manière à autoriser l'accès à tout canal de radiodiffusion. De plus, il est possible de programmer ces récepteurs de manière qu'ils attribuent des créneaux temporels aux canaux. Ainsi, le babillard d'un canal communautaire peut être transmis selon un créneau temporel particulier, conservé à l'échelon local et mis à jour selon un calendrier précis. Lorsqu'un auditoire plus important doit regarder une vidéo communautaire diffusée dans de nombreuses collectivités, il est possible de transmettre cette vidéo au moyen du code pertinent (il faut toutefois noter que des parties de cette solution sont couramment utilisées, mais que l'utilisation proposée ici n'est pas pratique courante). Il reste à déterminer comment l'information se rendrait aux concentrateurs des radiodiffuseurs (dans le cas d'ExpressVu, cela se ferait à ses locaux de Toronto) et quel rendement (financier) le fournisseur de services par SRD envisagerait pour l'utilisation de ce canal.

Internet par satellite — Il ne s'agit pas au sens strict d'une solution de radiodiffusion. Cette option semble être la plus facilement accessible et la plus abordable. Les services Internet par satellite à large bande connaissent une instauration rapide dans les collectivités rurales et du Nord (Knet est un des fournisseurs; actuellement sept ou huit fournisseurs offrent le réseau de base). Un nombre croissant de fournisseurs d'accès Internet, ou FAI, (dont FCNQ) offrent le service Internet aux collectivités au moyen du réseau satellitaire de base. Dans ce cas, une collectivité pourrait travailler en collaboration avec un FAI établi afin de créer un site Web pour une collectivité dont un membre désigné (et ayant reçu de la formation) ou un tiers contractuel s'occuperait de recueillir l'information locale et de créer une ou plusieurs pages Internet acceptables. De nombreuses collectivités du Nord ont déjà adopté cette solution.

Source : Keith Fagan et associés. Satellite Broadcast Information, document préparé à l'intention du Comité permanent du patrimoine canadien.

 

Par conséquent, le Comité présente la recommandation ci-après.

RECOMMANDATION 9.4 :

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral rende un décret ordonnant au CRTC de revoir sa décision d'exempter les services par SRD de l'obligation d'offrir des services de télévision communautaire.

À cet égard, le Comité fait remarquer que la capacité du système de distribution d'offrir des canaux supplémentaires s'est accrue considérablement au cours de la dernière décennie. Par exemple, les systèmes de câblodistribution peuvent remplacer un canal analogique par huit canaux numériques. Selon le nombre de transpondeurs, la plupart des satellites modernes peuvent facilement transmettre plus de 100 canaux. En outre, d'après l'information fournie au Comité, chaque canal transmis par satellite coûte normalement entre 150 000 $ et 200 000 $ par mois. Cela signifie que de huit à dix canaux numériques offrant la meilleure programmation communautaire, locale ou régionale de langues française et anglaise pourraient très facilement être lancés et distribués pour moins de 20 millions de dollars par année87.

Par conséquent, puisqu'il est clair que, sur le plan technique (et financier), il est déjà possible de créer plus de place au sein du système canadien de radiodiffusion, le Comité croit qu'il est impératif que le gouvernement et l'industrie travaillent de concert à l'élaboration d'une stratégie visant la création de nouveaux canaux numériques (dans les deux langues officielles) qui permettraient de présenter la meilleure programmation communautaire, locale et régionale du Canada à la population du pays. Compte tenu de ce qui précède :

RECOMMANDATION 9.5 :

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada étudie la faisabilité de la création de nouveaux canaux numériques en vue de distribuer la meilleure programmation communautaire, locale et régionale du Canada à la population du pays.

Cette étude de faisabilité devrait se pencher sur la propriété et le fonctionnement de ces canaux, le mode de sélection et de distribution de la programmation et la façon dont seront réparties les recettes aux fins d'appuyer la production d'autres émissions.

Des témoins ont déclaré au Comité que la distribution des signaux locaux aux abonnés par les fournisseurs de services par SRD du Canada était, dans le meilleur des cas, insatisfaisante. Même si le Comité est au courant que le CRTC est actuellement saisi de propositions de Bell ExpressVu et de StarChoice concernant la question et que des négociations sont en cours en vue de trouver une solution équitable, il redoute grandement que ces propositions n'entraînent une réduction des sommes affectées au Fonds canadien de télévision (cette question est traitée plus en détail au chapitre 5). Par conséquent, bien que le Comité soit satisfait que des efforts soient déployés pour corriger la situation, il se sent obligé de faire la recommandation suivante :

RECOMMANDATION 9.6 :

Le Comité recommande au CRTC de travailler en collaboration avec les intervenants de l'industrie de la radiodiffusion pour trouver une solution au problème de distribution des signaux locaux par SRD afin d'offrir aux abonnés le plus de programmation locale appropriée possible. La solution adoptée ne devrait toutefois pas entraîner une réduction des contributions des fournisseurs de services par SRD au Fonds canadien de télévision.

Cela étant dit, le Comité est également conscient qu'en février 2003, le Comité permanent des langues officielles a publié un rapport dans lequel il demande la distribution par SRD de tous les signaux régionaux de la SRC/CBC. Compte tenu de l'importance de la SRC en tant qu'instrument de politique publique et de la nécessité pour tous les citoyens canadiens d'avoir un accès juste et équitable à un signal local (ou régional) de la CBC et de la SRC, le Comité présente la recommandation suivante :

RECOMMANDATION 9.7 :

Le Comité recommande que le gouvernement rende un décret ordonnant au CRTC d'exiger des fournisseurs de services par SRD du Canada de distribuer le signal des stations de télévision locales de la SRC/CBC.

Cela ne signifie toutefois pas que le Comité croit que chaque station de la SRC/CBC doit être distribuée par SRD. Au contraire, il est d'avis qu'une stratégie pourrait (et devrait) être élaborée pour faire en sorte qu'une quantité raisonnable d'émissions (nouvelles et autres) locales et régionales de la CBC/SRC soit offerte aux abonnés des services par SRD.

Aide financière

Le Comité trouve très préoccupant que les restrictions en matière d'attribution de licences, les limites arbitraires de la distribution et des mesures réglementaires mal inspirées empêchent des services de programmation communautaire, locale et régionale de voir le jour ou d'être correctement distribués. De plus, il ne peut s'empêcher de conclure que les mécanismes et les intervenants actuels n'ont pas réussi à assurer la distribution d'émissions communautaires, locales et régionales. Comme le Comité l'a signalé dans le chapitre portant sur la SRC, celle-ci n'a pas les ressources nécessaires pour s'acquitter de son mandat. De plus, tel qu'il est mentionné ci-dessus, la distribution par satellite des signaux locaux comporte de graves problèmes.

Les témoignages à cet égard ont été éloquents et beaucoup d'entre eux, notamment celui de la ministre du Patrimoine canadien, ont laissé entendre que des partenariats permettraient dans une large mesure de résoudre ces problèmes. Pour ces raisons, le Comité croit qu'une nouvelle mesure de financement s'impose et qu'elle doit répondre aux besoins du système exprimés par les témoins. Par conséquent :

RECOMMANDATION 9.8 :

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien crée un programme d'aide à la radiodiffusion locale (PARL) en vue d'appuyer la distribution de la programmation radiophonique et télévisuelle aux échelons communautaire, local et régional.

Le Comité croit que le PARL devra avoir certaines caractéristiques précises. Il devrait être conçu de manière que les initiatives proviennent des collectivités locales et aient l'appui et la participation de partenaires clés. Comme chaque collectivité aura des besoins différents, divers modèles seront utilisés. Dans une collectivité, un groupe de citoyens, une entreprise locale et un radiodiffuseur pourraient présenter une demande au Programme dans le but de diffuser un spectacle d'artistes locaux, une activité de bienfaisance ou un concert. Dans une autre, un radiodiffuseur local pourrait, avec l'appui adéquat, aménager un studio ou acheter de l'équipement essentiel afin de mieux couvrir les événements locaux. Accessible à tous les radiodiffuseurs, le PARL serait aussi un moyen de ramener la SRC à la radiodiffusion locale.

Le Comité signale que le ministère du Patrimoine canadien devra élaborer des définitions, des cibles, des critères et des objectifs clairs en ce qui a trait au financement des projets de radiodiffusion communautaire, locale et régionale. Selon lui, le Programme d'aide à la radiodiffusion locale devrait refléter les objectifs énoncés dans la nouvelle politique en matière de radiodiffusion communautaire, locale et régionale (dont il est question ci-dessus). De plus, il devrait permettre aux collectivités locales d'exprimer des besoins particuliers, et susciter l'intérêt des radiodiffuseurs, qui ne seraient autrement pas enclins à s'occuper de programmation locale. Le Fonds n'a donc pas besoin d'être symétrique dans l'ensemble du Canada, mais devrait plutôt permettre la réalisation de projets répondant à des besoins particuliers.

Dans l'ensemble, le Comité est convaincu que les partenariats rendus possibles grâce au PARL contribueraient à résoudre de nombreux problèmes touchant la production d'émissions communautaires, locales et régionales. Le Fonds permettrait en outre aux radiodiffuseurs locaux d'offrir des émissions à valeur ajoutée et aux radiodiffuseurs communautaires de profiter d'un nouvel éventail de possibilités.

Reddition de comptes

Comme il a été mentionné dans le présent rapport, le Comité est très préoccupé par l'absence de données valables et fiables concernant le système canadien de radiodiffusion. Il est aussi profondément troublé par le fait que les divers éléments du système ne font l'objet d'aucune évaluation ni d'aucun rapport. Comme il a été mentionné précédemment, le Comité a été très contrarié de ne disposer d'aucune donnée sur la télévision communautaire, et c'est avec consternation qu'il a constaté qu'il n'existe pratiquement aucune information sur le résultat des dépenses annuelles (d'environ 75 à 80 millions de dollars) engagées par les câblodistributeurs pour appuyer la télévision communautaire. C'est pourquoi il formule la recommandation suivante :

RECOMMANDATION 9.9 :

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien, en collaboration avec le CRTC, soit tenu de produire un rapport annuel sur la télévision communautaire. Ce rapport devrait contenir des renseignements sur la formation, l'accès et la participation (d'employés et de bénévoles), les genres d'appui ainsi que le nombre d'heures et la gamme de programmation produite.

De plus, compte tenu des recommandations formulées dans le présent chapitre :

RECOMMANDATION 9.10 :

Le Comité recommande que les modifications apportées à la radiodiffusion communautaire, locale et régionale par suite de la mise en œuvre des recommandations du rapport fassent l'objet d'une évaluation de la part du ministère compétent deux ans après leur adoption, et à des intervalles raisonnables par la suite (p. ex., tous les cinq ans). Ces rapports devraient également être présentés au Comité.

Notes en fin de chapitre

1L'annexe 11 porte sur les services de télévision et de radio à caractère ethnique, de faible puissance, de campus et destinés aux minorités francophones.
2Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Politique relative aux entreprises de réception de radiodiffusion (télévision par câble), 16 décembre 1975, p. 4.
3Rapport du Groupe de travail sur la politique de la radiodiffusion (Caplan-Sauvageau), Ottawa, Approvisionnements et Services Canada, 1986, p. 491.
4Avis public CRTC 1997-25.
5Avis public CRTC 2002-61.
6Ibid.
7Ibid.
8Avis public CRTC 2001-129.
9Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 27 février 2002.
10Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 21 mars 2002.
11Rogers Television. Out of the Fog, échantillon des commentaires de téléspectateurs du 7 novembre 2001 au 24 avril 2002, visite de l'endroit, 29 avril 2002.
12Ibid.
13Ibid.
14Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 27 février 2002.
15Ibid.
16Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 25 février 2002.
17Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 19 mars 2002.
18Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 2 mai 2002.
19Mémoire déposé devant le Comité permanent du patrimoine canadien de la Chambre des communes, COGECO inc., 15 juin 2000.
20Contrairement aux stations de radio communautaires indépendantes, les organisations indépendantes comme la CTGC ne détiennent pas de licence du CRTC. Il s'ensuit que la quasi totalité des services de télévision communautaire — directement (dans le cas des canaux propriété d'EDR) ou indirectement (dans le cas des canaux indépendants) — dépendent de la transmission par câble.
21Cogeco inc., Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 15 juin 2000.
22Lettre de Lynda G. Leonard au Comité permanent du patrimoine canadien, 20 février 2002.
23Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 21 mai 2002.
24Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 2 mai 2002.
25Avis public CRTC 2000-13.
26Ibid.
27Ibid.
28Ibid.
29Impératif français, mémoire déposé devant le Comité permanent du patrimoine canadien, p. 1.
30Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 9 avril 2002.
31Ibid.
32Le 17 avril 2003, le CRTC a approuvé l'octroi d'une licence de radio à La Coopérative radiophonique de Toronto inc. afin de lui permettre de desservir la Région du Grand Toronto.
33Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 2 mai 2002.
34Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 30 avril 2002.
35Alliance des radios communautaires du Canada. Mémoire, p. 3.
36Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 25 février 2002.
37Ibid.
38Normalement, le financement accordé par le ministère du Patrimoine canadien est revu sur une base annuelle. Voir « Les radios communautaires reçoivent l'aide de Patrimoine Canada », L'Acadie Nouvelle, 26 juillet 2002. Quelque temps après le témoignage de M. Desgagné, la ministre a annoncé l'octroi de 470 000 $ à l'Alliance des radios communautaires du Canada pour les deux prochaines années (235 000 $ par année).
39Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 28 février 2002.
40Ibid.
41Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 19 mars 2002.
42Avis public CRTC 1994-32.
43Le « périmètre de rayonnement officiel » signifie, dans le cas d'une station de télévision autorisée ou d'une station AM ou FM autorisée, la démarcation de la zone de rayonnement de service indiquée sur la carte la plus récente représentant cette station qui est publiée en vertu de la Loi sur le ministère de l'Industrie par le ministre de l'Industrie. (Avis public CRTC 1997-84).
44Avis public CRTC 1999-97.
45En effet, les attentes envers les radiodiffuseurs conventionnels pour ce qui est de la programmation locale sont très variables; par exemple, dans certains marchés, les radiodiffuseurs doivent présenter aussi peu que 1,5 heure de programmation locale originale par semaine (p. ex. CKNY-TV-11 Huntsville), alors que dans d'autres, ils doivent en diffuser 40 heures ou plus (p. ex. CHAN Vancouver).
46Pendant cette période, la diminution du nombre de stations AM est essentiellement due au passage à la bande FM dans le but de profiter de la meilleure qualité du signal et de maximiser les revenus. Le module 5 traite de cette question dans la partie concernant l'attribution des licences.
47Avis public CRTC 1998-41.
48Avis public CRTC 1993-38.
49Avis public CRTC 1998-41.
50Ibid.
51Avis public CRTC 1999-97.
52Arthur Simmons, représentant national du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 25 février 2002.
53Lettre au Comité permanent du patrimoine canadien, 26 octobre 2001.
54Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 7 mai 2002.
55Des inquiétudes concernant la propriété ont également été soulevées relativement à la prise de contrôle des journaux Southam par CanWest-Global et celle du journal Globe and Mail par BCE. La principale préoccupation à cet égard, à savoir la question de l'indépendance éditoriale, est traitée au chapitre 11.
56Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 14 mars 2002.
57Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 1er mars 2002.
58Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 19 mars 2002.
59Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 8 novembre 2001.
60Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 29 janvier 2002.
61Avis public CRTC 1997-84.
62Avis public CRTC 1999-205.
63Arnold Amber, directeur de la Guilde des employés de journaux du Canada. Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 27 février 2002.
64Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 27 février 2002.
65Ibid.
66Ibid.
67Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 1er mai 2002.
68Ibid.
69Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 28 février 2002.
70Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 30 avril 2002.
71Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 29 novembre 2001.
72Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 30 avril 2002.
73Ibid.
74Connie Edwards, présidente, Association de l'industrie du film de l'Alberta. Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 27 février 2002.
75Saskatchewan Communications Network. Mémoire, p. 3.
76Ibid., p. 6.
77Caucus canadien de la vidéo et du cinéma indépendants. Mémoire, p. 7.
78Le mémoire du SCN, intitulé Voices in the Wilderness, a été présenté au CRTC en 1998. À l'époque, SCN a demandé au CRTC de donner suite à ses recommandations. On peut supposer que celles-ci sont aujourd'hui présentées au Parlement par l'entremise du Comité permanent du patrimoine canadien.
79Saskatchewan Communications Network, p. 17.
80Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 27 février 2002.
81Connie Edwards. Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 27 février 2002.
82Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 1er mai 2002.
83Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 21 mars 2002.
84Avis public CRTC 2002-61.
85Ibid.
86Ibid.
87Keith Fagan et associés. Satellite Broadcast Information, document préparé à l'intention du Comité permanent du patrimoine canadien.