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HERI Rapport du Comité

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ÉTAT DU SYSTÈME

Chapitre 5
Programmation canadienne

 

Pourquoi faisons-nous ce métier? Ce n'est pas facile à dire. Par passion, sans doute. Par amour, même. Peut-être aussi pour la gloire — que nous n'atteindrons jamais. Peut-être pensons-nous que cela nous apportera la richesse — ce qui n'est pas vrai. Nous sommes des conteurs et des raconteurs et c'est notre métier.

Ira Levy, membre du conseil d'administration, Association canadienne de production de film et de télévision, réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 9 mai 2002.

A. Introduction

Le chapitre précédent révèle pourquoi les télédiffuseurs d'aujourd'hui sont plus que jamais conscients de la nécessité d'une programmation de grande qualité. En effet, la prolifération des services de télévision a mené à la situation suivante : la programmation ne garantit plus un auditoire par défaut. Il s'ensuit que pour les diffuseurs canadiens — tant privé que public ou sans but lucratif — qu'il est beaucoup plus difficile et important qu'auparavant de produire ou d'acheter une programmation de grande qualité qui plaît à la masse.

Toutefois, le problème du diffuseur aujourd'hui, c'est qu'il est très coûteux de produire des émissions canadiennes anglaises qui attireront un vaste auditoire. Et ce, parce que les téléspectateurs, surtout au Canada anglais, se sont habitués aux émissions américaines qui sont de grosses productions, tels The Sopranos, Frasier, The West Wing et Sex and the City. Pour compliquer les choses, les émissions américaines se vendent moins cher et sont plus rentables pour les diffuseurs canadiens que s'ils achetaient ou produisaient des émissions canadiennes.

À noter toutefois que ce dilemme particulier est loin d'être nouveau. Au contraire, à l'époque du dernier examen de la Loi sur la radiodiffusion au milieu des années 1980, 98 % des dramatiques et des comédies regardées par le Canada anglais étaient des productions étrangères. Reconnaissant ce problème, le gouvernement a introduit progressivement certains programmes et certaines mesures visant à inverser la tendance, et les résultats étaient prometteurs. Ainsi, comme nous l'avons vu au chapitre 4, l'offre globale de dramatiques et de comédies canadiennes originales de langue anglaise a beaucoup augmenté depuis les années 1980, passant de 2 % de toutes les dramatiques et comédies en 1984 à 17 % en 2001. Entre-temps la cote d'écoute moyenne de dramatiques et de comédies canadiennes de langue anglaise augmentait modérément, passant de 2 % en 1984 à quelque 4 % à 5 % tout au cours des années 1990 et au début des années 2000.

Or, compte tenu de la taille relative de ces cotes d'écoute — que ce soit en 1984 ou aujourd'hui — on peut comprendre pourquoi bien des témoins — surtout ceux des secteurs de la création — se sont dits insatisfaits de la situation actuelle. Certains ont proposé que le CRTC était à blâmer pour avoir modifié sa définition de « programmation prioritaire » en publiant sa nouvelle politique télévisuelle en 1999. D'autres ont prétendu qu'on a joué graduellement sur la définition de contenu canadien et la complexité et le caractère contradictoire du système afin de financer et de soutenir une programmation canadienne. Entre-temps, d'autres ont argué que, cela est en partie dû au fait que les diffuseurs privés sont tributaires des choix de programmation des réseaux américains et doivent donc reléguer les émissions canadiennes aux créneaux horaires de la fin de semaine et à des périodes de l'année où les Canadiens ne regardent pas la télé. C'est pourquoi de nombreux créateurs sont d'avis que le secteur de la production au Canada est en crise.

Par ailleurs, des arguments contraires ont été soulevés par des diffuseurs et des distributeurs canadiens qui ont souligné que le milieu de la diffusion au Canada est beaucoup plus complexe qu'il ne l'était au milieu des années 1980. De plus, plusieurs témoins ont fait remarquer que ce n'est pas à cause d'un seul facteur qu'il est difficile de produire des émissions canadiennes et d'y intéresser les Canadiens, mais à cause d'une combinaison de facteurs, notamment la fragmentation du paysage télévisuel actuel. C'est pourquoi les diffuseurs privés au Canada ont été si réticents à souscrire aux allégations que la télévision canadienne est en crise.

Il importe de noter que, pour diverses raisons, nous mettrons l'accent dans le présent chapitre sur la télévision de langue anglaise. Ce n'est pas que la télévision de langue française est exempte de défis. Au contraire, la télévision de langue française n'a pas mieux fait que la télévision anglaise au milieu des années 1980 car un fort pourcentage de téléspectateurs canadiens-français regardaient alors des émissions américaines doublées. Depuis, la situation a toutefois beaucoup évolué — au point qu'aujourd'hui les 20 émissions les plus regardées au Québec sont le plus souvent des productions canadiennes.

Le succès du marché français tient à deux facteurs. Comme des témoins l'ont dit devant le Comité, les diffuseurs en langue française se sont aperçus au milieu des années 1980 que, pour s'affranchir des émissions américaines, il fallait développer un système de vedettariat et produire des émissions permettant aux Canadiens français d'être témoins de leur réalité et de leur communauté. Un autre facteur, difficile à écarter, a joué en parallèle. Comme plusieurs témoins l'ont dit au Comité, le marché francophone a un grand avantage : les auditoires préfèrent des émissions produites dans leur propre langue. Cet avantage a donc permis aux diffuseurs de concentrer leurs dépenses de sorte à toujours pouvoir produire ou acheter des émissions populaires. C'est pour ces raisons, et d'autres encore, qu'il sera très difficile pour des émissions canadiennes-anglaises de connaître autant de succès que n'en connaît depuis quelques années la télévision de langue française.

Ceci ne veut toutefois pas dire qu'il n'y a pas de leçons à tirer de cette expérience. Au contraire, comme nous le verrons au chapitre 8, des efforts ont déjà été faits dans le marché de langue anglaise pour s'inspirer de l'expérience québécoise, non seulement pour revigorer la programmation canadienne-anglaise, mais aussi pour la réinventer.

Mais, dans une large mesure, les différences entre les télévisions anglaise et française au Canada pèsent peu dans les enjeux abordés dans le présent chapitre. Ce qui importe ici, c'est que la bureaucratie a évolué de telle sorte qu'elle est devenue pour bien des créateurs canadiens une expérience troublante et exaspérante. En effet, comme le présent chapitre le révélera, des témoins ont condamné et d'autres loué la manière dont le système canadien soutient la programmation télévisuelle au Canada.

Cela dit, le présent chapitre porte sur l'évolution de la politique télévisuelle canadienne au pays. Nous y examinons le développement
de la politique télévisuelle canadienne, les différentes étapes de précision de la définition du contenu canadien, l'introduction de divers mécanismes de financement et l'évolution du régime de réglementation des émissions en matière de priorisation et de diffusion. En guise de conclusion à ce chapitre, nous proposons certaines mesures qui aideront à financer, à produire et à diffuser auprès des Canadiens une programmation en français et en anglais qui soit spécifiquement canadienne.

À noter que le présent chapitre ne traite pas des préoccupations des témoins concernant les émissions de radio au Canada. Ce sujet est abordé au chapitre 8.

B. Politique canadienne de la programmation télévisuelle : 1952-1999

Historiquement, la concrétisation d'une politique canadienne de la radiodiffusion — c'est-à-dire la création d'une programmation télévisuelle de grande qualité et spécifiquement canadienne — a été favorisée par au moins une des stratégies suivantes :

Dépenses directes du gouvernement par l'intermédiaire d'organismes gouvernementaux ou de sociétés d'État.

Programmes de subventions pour financer la production d'une programmation canadienne.

Mesures de protection du marché permettant à des sociétés privées d'interfinancer des émissions canadiennes à partir de leurs profits.

L'accent dans ces stratégies a été mis sur divers éléments selon l'évolution de la technologie, du marché et des préférences des Canadiens.

Au début des années 1950, le gouvernement fédéral a chargé la CBC et la SRC de produire et de diffuser des émissions de télévision à des auditoires canadiens. Étant les seuls diffuseurs durant la plus grande partie de la première décennie de la télévision canadienne, ces deux réseaux ont tenté de répondre à la demande des téléspectateurs pour une programmation américaine en réaménagement leur grille horaire.

À compter de la fin des années 1950, alors que des stations privées ont obtenu des licences et sont entrées sur le marché de la radiodiffusion au Canada, des règlements ont été introduits pour exiger de la télévision d'État et des diffuseurs privés la diffusion d'un certain pourcentage d'émissions canadiennes. Dans le cas du secteur privé, cela signifiait qu'une certaine partie des recettes publicitaires des émissions américaines pouvait être réinvestie dans le but d'acheter ou de créer de nouvelles émissions canadiennes.

Mais cela n'explique pas entièrement pourquoi des diffuseurs canadiens offraient un contenu étranger dans les débuts de la télévision. Il est aussi arrivé que des diffuseurs canadiens — en particulier entre les années 1950 et les années 1980 — ne disposaient pas toujours d'un nombre suffisant d'émissions canadiennes pour compléter leur grille horaire et avaient donc besoin d'émissions américaines pour compléter leur programmation. Suivant l'apparition d'un grand nombre de nouveaux services privés, la SRC et CBC ont éliminé progressivement presque tout contenu étranger afin d'offrir des services plus spécifiquement canadiens.

La politique initiale a réussi à encourager la production d'émissions de nouvelles et de sports; elle a toutefois eut moins de succès dans le cas d'autres types d'émissions, en particulier les dramatiques de langue anglaise. Mais, à mesure que le CRTC autorisait l'élargissement des services de câblodistribution, fragmentant ainsi les auditoires et les recettes publicitaires, la politique initiale était mise encore plus à l'épreuve. Les recettes d'abonnement augmentaient, mais les auditoires étaient fragmentés, de sorte que les recettes globales des diffuseurs étaient insuffisantes pour produire des dramatiques de qualité pouvant rivaliser sur le marché de langue anglaise.

Anticipant la situation, le gouvernement fédéral a publié en 1983 un énoncé de sa nouvelle politique canadienne de radiodiffusion. L'objet de cette politique était de se pencher sur l'évolution des techniques de radiodiffusion et le besoin d'adapter le système canadien de radiodiffusion à l'évolution du marché. Les objectifs de la politique étaient les suivants :

S'assurer que le système canadien de radiodiffusion demeure un véhicule efficace des politiques sociales et culturelles.

Offrir à tous les Canadiens un noyau important d'émissions qui les intéressent.

Augmenter sensiblement le choix d'émissions de toutes sortes dans les deux langues officielles.

Ces objectifs et le constat de la nécessité de rendre plus concurrentiel le système canadien de radiodiffusion ont été les principes sous-jacents qui ont guidé la création du Fonds de développement d'émissions canadiennes de télévision, actif de 1983 à 1996.

Fonds de développement d'émissions canadiennes de télévision

Le Fonds de développement d'émissions canadiennes de télévision, annoncé dans la politique du gouvernement de 1983, visait à favoriser la production et la diffusion d'émissions de télévision de qualité créées par des producteurs du secteur privé. Deux raisons justifiaient ce fonds :

D'abord, l'octroi de licences à de nouveaux services de
radiodiffusion — tendance déjà amorcée — offrirait de nouvelles possibilités aux producteurs canadiens, non seulement ici, mais aussi à l'étranger.

Deuxièmement, la difficulté inhérente de produire des émissions de qualité pour une petite population, conjuguée à l'accès par les diffuseurs canadiens à des émissions américaines bon marché, limitait la production et la diffusion d'émissions canadiennes, surtout des dramatiques canadiennes de langue anglaise.

Lorsque le Fonds a été créé, le secteur indépendant de la production au Canada n'était pas viable. Le chapitre 8 traite davantage de la genèse de ce secteur mais, en bref, la production indépendante a été en grande partie réalisée à l'interne par CBC, à cette époque la SRC et les diffuseurs privés.

La Société de développement de l'industrie cinématographique canadienne (maintenant Téléfilm Canada) administrait le Fonds de développement d'émissions canadiennes de télévision. Le Fonds permettait aux producteurs indépendants d'obtenir des prêts, des garanties de prêt et une participation au capital équivalant au tiers du coût de production d'un long métrage, d'une dramatique, d'un documentaire, d'une émission de variétés ou d'une émission pour enfants. Les principaux critères d'accès au Fonds étaient :

Les Canadiens devaient garder la pleine maîtrise sur la création.

Un diffuseur canadien devait s'engager à diffuser l'émission durant les heures de grande écoute (de 19 h à 23 h).

Le désir d'encourager la production d'émissions régionales.

Dans l'ensemble, la valeur du Fonds était d'ouvrir 35 millions de dollars, atteignant 60 millions de dollars en 1987, la moitié étant réservée à des productions pour diffusion par la Société Radio-Canada.

Parallèlement à la création du Fonds de développement d'émissions canadiennes de télévision, la Société Radio-Canada a annoncé en 1983 qu'elle augmenterait le contenu canadien durant les heures de grande écoute, de 70 à 80 % en cinq ans. Entre-temps, le CRTC rendait public un énoncé de politique sur le contenu canadien à la télévision, introduisant l'idée d'imposer des conditions de licence pour s'assurer que les télédiffuseurs achètent ou produisent du contenu canadien destiné à être télédiffusé.

Le Fonds de production du câble

En 1993, le CRTC a entrepris d'examiner l'évolution du paysage des télécommunications dans le cadre d'une démarche appelée « Audience publique sur la structure de l'industrie » (Avis public CRTC 1993-74). L'examen visait à s'assurer que les objectifs de la Loi sur la radiodiffusion pouvaient toujours être atteints dans le contexte d'évolution rapide de la radiodiffusion au Canada.

Dans le cadre de cette audience, le CRTC a examiné les aspects économiques de la radiodiffusion au Canada et dans quelle mesure il était possible d'atteindre l'objectif fixé à l'article 3 de la Loi, lequel stipule que le système devrait « favoriser l'épanouissement de l'expression canadienne en proposant une très large programmation qui traduise les attitudes, les opinions, les idées, les valeurs et une créativité artistique canadiennes ». Le Conseil a conclu qu'il coûte beaucoup plus cher d'acquérir une programmation télévisuelle canadienne qu'une programmation étrangère, qu'elle soit produite à l'interne ou par des sources indépendantes. Cela signifiait que, même si une émission canadienne générait autant de recettes publicitaires et attirait autant de téléspectateurs qu'une émission étrangère, elle serait toujours moins rentable, voire déficitaire. C'est pourquoi le Conseil a conclu qu'un incitatif financier était essentiel pour permettre aux diffuseurs canadiens d'acheter ou de produire des dramatiques, des documentaires et des émissions pour enfants d'origine canadienne. En conséquence, en 1994, le Conseil a décidé de modifier la Réglementation de la télédistribution afin de créer le Fonds de production du câble.

L'objet principal du Fonds de production du câble était de faciliter la création et la diffusion d'émissions canadiennes de grande qualité dans les catégories « sous représentées » durant les heures de grande écoute. Le Fonds visait à offrir un complément de droits aux licence pour combler la différence entre ce qu'offraient les diffuseurs pour chaque émission et ce qui manquait aux producteurs pour réaliser ces mêmes émissions. Le Fonds de production du câble n'a duré que de 1994 à 1996.

Le Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes

Le 9 septembre 1996, la ministre du Patrimoine canadien annonçait la création du Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes (FTCPEC). Le FTCPEC regroupait le Fonds de développement d'émissions canadiennes, doté d'un budget de 100 millions de dollars à l'époque, et le Fonds de production du câble. La justification de la création du Fonds relevait du fait que le marché canadien de la production de la télédiffusion devenait de plus en plus concurrentiel et qu'il fallait « nous assurer d'être en mesure de maintenir et d'accroître la quantité et la qualité des émissions canadiennes alors que nous entrons dans l'ère de la multiplicité des chaînes1 ».

En 1998, le Fonds de télévision et de câblodistribution pour la production d'émissions canadiennes a été rebaptisé le Fonds canadien de télévision (FCT). Ce fonds repose sur un partenariat public-privé entre quatre groupes distincts : les câblodiffuseurs, les diffuseurs par satellite, le ministère du Patrimoine canadien et Téléfilm Canada. Le FCT sera décrit en détail dans une prochaine partie du présent chapitre.

C. Politique canadienne de programmation télévisuelle : de 1999 à aujourd'hui

Comme nous le verrons plus loin, un thème en particulier a préoccupé la plupart des témoins qui ont comparu devant le Comité; il s'agit des graves conséquences de la politique de radiodiffusion de 1999 du CRTC. Afin de mettre ce débat en perspective, nous résumons ci-après les principaux éléments de la politique du Conseil.

La politique télévisuelle de 1999 du CRTC

Le 11 juin 1999, le CRTC a publié les résultats de sa politique télévisuelle au Canada. Dans son avis public CRTC 1999-97, La politique télévisuelle au Canada : Misons sur nos succès, le conseil a défini cinq principes pour sa nouvelle politique télévisuelle :

Augmenter le nombre de catégories d'émissions prioritaires.

Miser en priorité sur la diffusion d'émissions canadiennes aux heures de grande écoute.

Fournir des crédits aux dramatiques canadiennes.

Exiger le reflet des réalités locales et régionales.

Maintenir le niveau existant de contenu canadien.

Les modifications réglementaires à l'appui de ces principes sont entrées en vigueur le 1er septembre 2000. Les prochaines parties traitent du bien-fondé des cinq éléments.

Programmation prioritaire

La notion de « programmation prioritaire », introduite dans la politique télévisuelle de 1999 du CRTC, a élargi et remplacé l'expression « émissions sous-représentées », en usage au Conseil jusqu'alors. La justification de ce changement s'expliquait ainsi :

Cet élargissement se situe dans le contexte d'une politique plus souple. Étant donné que les dramatiques américaines dominent l'écoute des dramatiques de langue anglaise, cette attitude plus souple bénéficiera de l'expertise canadienne dans plusieurs catégories d'émissions. Le Conseil considère que cette mesure favorisera la compétitivité des émissions canadiennes et contribuera à l'accroissement des exportations2.

En outre :

La reconnaissance d'un plus grand nombre de catégories prioritaires élargira également le choix offert aux Canadiens et leur permettra de mieux se retrouver et de mieux s'exprimer dans leur contexte régional. En élargissant ces catégories, le Conseil vise à encourager la production d'émissions à caractère régional. Une telle diversité devrait accroître la synergie entre la télévision traditionnelle et les services spécialisés et amener plus de téléspectateurs à regarder des émissions canadiennes bénéficiant d'une diffusion accrue3.

Cela dit, le Conseil a jugé prioritaires les catégories d'émissions canadiennes suivantes :

Dramatiques et comédies

Musique, danse et variétés

Documentaire de longue durée

Production régionale

Magazine de divertissements

Le 23 décembre 1999, le CRTC publiait ses définitions d'émissions prioritaires4. Pour la catégorie des émissions dramatiques et comiques (appelée catégorie 7), voici la définition retenue : « Productions de divertissement de fiction, incluant des dramatisations d'événements réels. Elles doivent être composées principalement (soit plus de 50 %) de prestations dramatiques ». La catégorie 7 inclut les sous-catégories suivantes :

séries dramatiques en cours;

séries comiques en cours (comédies de situation);

émissions spéciales, mini-séries et longs métrages pour la télévision;

longs métrages diffusés à la télévision;

émissions et films d'animation pour la télévision;

émissions de sketches comiques, improvisation, œuvres non scénarisées, monologues comiques;

autres dramatiques, incluant notamment les lectures, narrations, improvisions, rubans/films de théâtre en direct non spécialement adaptés pour la télévision, courts métrages expérimentaux et vidéo clips, émissions d'animation continue (par exemple, les spectacles de marionnettes).

Conditions de diffusion

Un changement important a été amorcé avec l'introduction de la politique télévisuelle de 1999 du CRTC : l'abandon des exigences relatives aux dépenses canadiennes comme condition pour l'obtention d'une licence. Ce changement découle du fait que le Conseil a conclu que les diffuseurs dépenseraient forcément de l'argent pour une programmation canadienne de grande qualité tant qu'ils seraient tenus de diffuser un certain nombre d'heures d'émissions canadiennes durant les heures de grande écoute. Comme le Conseil l'a fait remarquer :

Le système canadien de radiodiffusion évolue dans un environnement de plus en plus compétitif. Dans ce contexte, les titulaires ont besoin de la souplesse requise pour attirer le plus vaste auditoire possible et continuer à accroître leurs recettes publicitaires. Le Conseil croit que, dans ces conditions, les titulaires exigeront des émissions de haute qualité pour fidéliser les auditoires5.

Ainsi :

Le Conseil se préoccupe du fait que les présentes exigences en matière de dépenses sont fort complexes et n'offrent pas toujours aux titulaires la latitude requise pour adapter leurs stratégies de programmation à la compétition du marché. De plus, l'inquiétude concernant l'équité de l'application des exigences relatives aux dépenses a commencé à en contre-balancer les bénéfices6.

Crédits de temps pour les dramatiques canadiennes

Autre élément de la nouvelle politique télévisuelle du CRTC : l'introduction de crédits de temps de 150 % et de 125 % pour les dramatiques canadiennes diffusées durant les heures de grande écoute en remplacement du système existant du crédit de temps de 150 %. Selon le Conseil, les modifications apportées aux crédits de temps visaient à reconnaître : « Qu'en plus de coûter plus cher à créer, à produire et à diffuser, les dramatiques doivent concurrencer les émissions étrangères dont la valeur de production est très élevée7 ». Par conséquent, à compter de septembre 2000, les groupes de propriétés de stations multiples ont été admissibles à des crédits de temps de 150 % applicables au temps exigé en diffusion d'émissions canadiennes prioritaires pour chaque émission dramatique ou comique diffusée en périodes de grande écoute qui :

a) est diffusée pour la première fois à la télévision à compter du
1er septembre 1998,

b) a une durée d'au moins une demi-heure, incluant un temps raisonnable pour les pauses publicitaires,

c) est reconnue comme émission canadienne et admissible à une cote « C » ou une cote « AS » du Conseil et obtient 10 points,

d) renferme au moins 90 % de contenu dramatique8.

Pour être admissible, l'émission doit recevoir 10 points sur l'échelle de 10 points utilisée par le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens qui se trouve au ministère du Patrimoine canadien.

Quant aux crédits de 125 %, il est accordé à toute émission qui respecte les trois premières conditions susmentionnées, mais qui renferme moins de 90 % de contenu dramatique.

Reflet des réalités locales et régionales

Le principe du reflet des réalités locales et régionales a été introduit dans la politique télévisuelle de 1999 du CRTC en réponse à la perception d'une baisse du nombre d'émissions locales et régionales de nouvelles et autres. Au sujet des émissions de nouvelles locales, le Conseil a déclaré :

Le Conseil a examiné attentivement la disponibilité, la rentabilité et la performance des émissions de nouvelles locales dans tout le pays. Il a également étudié l'évolution du milieu de la radiodiffusion et en particulier la multiplication des sources d'information et de nouvelles locales, mises à la disposition des Canadiens. Dans les grands marchés canadiens, les téléspectateurs peuvent choisir parmi les nouvelles locales ou régionales présentées par CBC ou Radio-Canada et par deux à quatre stations privées. De plus, certains canaux de câble communautaire présentent régulièrement des bulletins de nouvelles locaux. Un service spécialisé régional, Pulse 24, fournit des nouvelles et des émissions, principalement dans le sud de l'Ontario. Divers services de l'information sont également disponibles par Internet, pour ceux qui ont besoin d'informations locales particulières ou qui désirent discuter de ces questions.

Le Conseil estime que dans le nouvel environnement de la télévision, les forces du marché permettront aux auditoires de continuer à recevoir une diversité de nouvelles locales sans exigences réglementaires9.

Pour ces raisons, le Conseil a jugé qu'il n'était plus nécessaire que les stations de télévision locale traditionnelles s'engagent quantitativement en ce qui a trait aux émissions de nouvelles locales. Cela dit, il serait toujours normal qu'elles puissent démontrer comment elles entendent satisfaire à la demande et refléter les préoccupations particulières de leurs auditoires locaux par la voie d'émissions de nouvelles locales ou d'autres émissions locales10.

Concernant les émissions locales et régionales prioritaires (c.-à-d. autres que des émissions de nouvelles), le Conseil s'est dit très préoccupé par leur diminution apparente depuis la fin des années 1980. Il a fait remarquer que :

Deux grandes raisons expliqueraient cette baisse. Premièrement, par suite de la priorité réglementaire accordée à des émissions de divertissements coûteuses, en périodes de grande écoute, les plus grands télédiffuseurs ont eu de moins en moins de ressources à consacrer aux émissions locales. Deuxièmement, la consolidation de la propriété des stations locales, aux mains de petits groupes de sociétés, a encouragé la direction de ces entités à rationaliser leur exploitation, en réduisant les ressources des stations locales11.

Cela dit, le Conseil a établi l'obligation pour tous les télédiffuseurs de « démontrer, dans leur demande de licences ou de renouvellement, comment ils entendent satisfaire leurs auditoires locaux et refléter leurs intérêts12 ».

La question des émissions locales et régionales est traitée au chapitre 9.

Maintien des exigences existantes concernant le contenu canadien

Le cinquième principe de la politique télévisuelle de 1999 du CRTC portait sur le maintien des obligations existantes des télédiffuseurs d'offrir des émissions canadiennes. Sur ce point, le Conseil a été on ne peut plus clair : rien n'exige de modifier les attentes existantes en matière de contenu, qui imposent aux télédiffuseurs privés de consacrer au moins 60 % de leur diffusion annuelle et au moins 50 % de leur diffusion en soirée à des émissions canadiennes13 ».

Le Conseil a justifié son raisonnement comme suit :

La Loi exige que chaque diffuseur fasse appel au maximum et dans tous les cas, au moins de manière prédominante, aux ressources — créatrices et autres — canadiennes pour la création et la présentation de leur programmation. Les dispositions relatives au contenu canadien ont été un outil important dans l'attente de cet objectif.

Le Conseil fait remarquer que la télévision de jour offre amplement d'occasions aux télédiffuseurs de refléter les préoccupations et les besoins particuliers des collectivités qu'ils desservent. Il ne juge donc pas indispensable de modifier l'exigence réglementaire actuelle en matière de pourcentage de contenu canadien14.

Comme il ressort de ce qui précède, ces témoins ont vu dans certains aspects de cette politique la cause profonde des problèmes auxquels le système canadien de radiodiffusion est confronté aujourd'hui. Certains témoins étaient particulièrement d'avis que la disparition de dramatiques et de comédies spécifiquement canadiennes des écrans du pays était attribuable à la plus grande souplesse que le CRTC a voulu accorder aux diffuseurs canadiens dans sa politique de 1999. Comme nous le verrons dans une prochaine partie, le Comité est fort inquiet de ce qu'il a entendu des témoins et il est d'avis qu'il faut agir maintenant pour corriger la situation concernant la politique télévisuelle de 1999 du CRTC. Pour l'instant, voici un bref aperçu de l'évolution de la notion de contenu canadien.

D. Définir le contenu canadien

Les paragraphes précédents décrivaient le contexte dans lequel la politique télévisuelle canadienne visant à favoriser la production et la diffusion d'émissions canadiennes a évolué au cours des 50 dernières années. À mesure qu'évoluait la politique télévisuelle canadienne, la notion de « contenu canadien » des émissions de télévision s'est peu à peu précisée. La présente partie résume brièvement combien la notion de contenu canadien a évolué dans le temps. Il ne faudrait pas sous-estimer l'importance de ce point. En effet, comme nous le verrons plus loin, la plupart des témoignages sur cette question ont un point en commun : les diverses notions existantes de contenu canadien sont devenues si complexes et si contradictoires que, dans une certaine mesure, les efforts visant à produire une programmation canadienne spécifique sont maintenant compromis par le système même qui a été conçu pour favoriser et soutenir de tels efforts d'imagination.

Les premières années

La première étude canadienne sur la radiodiffusion réalisée par la Commission Aird en 1928-1929, portait sur la nécessité d'un réseau national de radiodiffusion, mais sa justification, comme nous l'expliquions au chapitre 2, relevait l'absence d'émissions canadiennes15. Ainsi, dans la mesure où nous comprenons les concepts modernes de la culture, il est juste d'avancer que la politique de radiodiffusion du Canada était la première politique culturelle de la nation16.

Depuis cette époque, les exigences relatives au contenu canadien ont évolué considérablement, particulièrement en ce qui a trait à la programmation télévisée. Dans les premières années, le but principal et non exprimé de la télévision était d'élargir la gamme d'émissions offertes aux Canadiens. Plus tard, à mesure que le système de radiodiffusion a pris de l'expansion, pour passer d'un radiodiffuseur public et de quelques heures d'émissions par jour, à plusieurs radiodiffuseurs du secteur privé et plusieurs heures additionnelles de programmation, les règlements ont évolué.

Le Bureau des gouverneurs de la radiodiffusion a instauré des quotas en novembre 1959 pour s'assurer que le système de radiodiffusion serait « fondamentalement canadien en contenu et en caractère ». Le but de ces règlements était d'aider à « préserver l'identité canadienne et renforcer l'unité canadienne17 ».

Le « contenu canadien » au début était fondé sur la participation d'écrivains, de producteurs, de réalisateurs, d'artistes et de techniciens canadiens, mais les règlements ne prévoyaient pas de taux fixe ou de système de points. Il était entendu toutefois qu'au moins les deux tiers des principaux participants seraient canadiens18.

Il était décidément plus difficile de définir le « caractère canadien ». Les émissions à « contenu et à caractère fondamentalement canadiens » comprenaient les émissions produites par des Canadiens; les émissions produites dans le Commonwealth ou les pays francophones; les émissions de nouvelles et les commentaires; la diffusion d'événements étrangers faisant intervenir les participants canadiens; la diffusion d'événements étrangers d'intérêt général pour les Canadiens ainsi que les films canadiens ou les reproductions19.

Les règlements stipulaient que pendant une période de quatre semaines, au moins 55 % du temps d'antenne d'un réseau ou d'une station devaient être réservés à la programmation canadienne. Les exigences quant au contenu ont été imposées graduellement, en commençant par une exigence minimale de 45 % de programmation canadienne avant le 1er avril 1961, et de 55 % avant le 1er avril 1962. De nombreuses stations ont éprouvé des difficultés à se conformer à l'exigence de 55 % et, par conséquent, les règlements ont été modifiés en juin 1962 pour réduire à 45 % le contenu canadien obligatoire pendant les mois d'été. Cette modification est restée en vigueur au cours des étés de 1963 à 1964. En 1965, l'exigence minimale de 55 % a été rétablie. Les modifications de règlement subséquentes stipulaient un contenu canadien minimal de 40 % de 18 heures à minuit, ainsi qu'un ajustement de la période d'évaluation, de quatre semaines à chaque trimestre de l'année civile.

Comme on devait s'y attendre, ces règlements ont fait l'objet de critiques selon lesquelles ils favorisaient peu la qualité de la radiodiffusion canadienne. D'après une observation sur cette période :

Il semblait impossible de déceler les caractéristiques propres à la culture canadienne et, en pratique, il n'était pas nécessaire de tenter de le faire. Si les Canadiens avaient une occasion réelle de participer à la radiodiffusion, leur participation aurait tendance à refléter le caractère canadien et à préserver l'identité canadienne20.

Néanmoins, malgré leur nature controversée, ces premiers règlements ont établi le fondement des efforts subséquents déployés pour réglementer le contenu canadien de la télévision. Comme Paul Rutherford l'a expliqué :

Au milieu des années 60, un « nouveau nationalisme » s'est emparé de l'imagination de différents écrivains et universitaires. Il fallait chasser le dragon américain et, de plus, adopter une politique ferme pour canadianiser l'industrie des communications21.

Le contenu canadien aujourd'hui

Les programmes de soutien fédéraux et les organismes connexes utilisent maintenant plusieurs méthodes pour mesurer le contenu canadien. Le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens (BCPAC), qui relève du ministère du Patrimoine canadien, utilise ce qu'on appelle dans l'industrie la grille du BCPAC. Des producteurs d'émissions remplissent cette grille pour obtenir un crédit d'impôt et celle-ci est exigée par le Fonds canadien de télévision et Téléfilm Canada pour déterminer quelles émissions sont admissibles à des fonds.

La figure 5.1 indique comment la grille fonctionne. D'après cette grille, si une production proposée reçoit 6 points sur une possibilité de 10 points, elle reçoit un certificat de production cinématographique ou magnétoscopique canadienne et devient admissible à un crédit d'impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne.

   

Figure 5.1 - Système de points du Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens (BCPAC)

Le CRTC utilise également la grille du BCPAC et d'autres critères pour déterminer les programmes canadiens et, par extension, déterminer si le radiodiffuseur a consacré un pourcentage de diffusion minimale au contenu canadien. La figure 5.2 indique les exigences en matière de contenu canadien du CRTC pour les divers types de radiodiffuseurs.

Figure 5.2 - Exigences relatives à la diffusion de contenu canadien

Toutefois, le système de points existant pour évaluer le contenu canadien est beaucoup plus complexe que les paragraphes précédents peuvent le laisser entendre. Outre les 10 points du BCPAC utilisés par le Fonds Canadien de télévision, le système de soutien fédéral comporte un ensemble de définitions contradictoires, de critères supplémentaires et de points épars, sans mentionner plusieurs autres éléments utilisés par les divers systèmes de soutien provinciaux et territoriaux. En 2002, par exemple, le FCT a utilisé le critère de « l'élément visible » pour déterminer l'admissibilité des émissions à un montant supplémentaire aux droits de licence. La figure 5.3 indique les critères de 2002 du FCT pour la catégorie des variétés et des arts de la scène.

Figure 5.3 - Critères relatifs à « l'élément visible canadien » pour la programmation de variétés et des arts de la scène 2002

Bref, le système actuel de certification du contenu canadien, de financement et de production d'émissions canadiennes est caractérisé avant tout par un ensemble de mesures subjectives et objectives fort complexes et interdépendantes qu'utilisent divers organismes au sein du réseau canadien de radiodiffusion pour déterminer à quel point une production télévisuelle est canadienne, ou ne l'est pas, et devrait, ou ne devrait pas, être subventionnée. Comme nous le verrons plus loin, ce système irrite bien des témoins. Pour l'instant, nous examinerons les diverses sources directes et indirectes de financement qui sont à la disposition des Canadiens pour les aider à réaliser des émissions de télévision canadiennes.

E. Aide financière

Depuis le début de la radiodiffusion privée au Canada, le cadre réglementaire exige des diffuseurs privés canadiens qu'ils contribuent au développement de la programmation canadienne. Pour ce faire, les diffuseurs privés ont utilisé les recettes provenant d'émissions étrangères profitables pour produire ou acheter des émissions canadiennes moins profitables.

La figure 5.4 contient des estimations des coûts, des recettes et des profits pour la télédiffusion d'une heure de dramatique canadienne. Comme nous pouvons le constater, malgré les subventions et les recettes des publicités, le diffuseur canadien de langue anglaise réalise en moyenne une perte nette de quelque de 125 000 $ pour chaque heure de dramatique canadienne et un profit net de quelque 275 000 $ pour chaque heure de dramatique américaine. Dans le marché francophone, il est toutefois possible de dégager un profit modeste avec une dramatique canadienne, étant donné que ces émissions sont populaires et qu'elles coûtent moins cher à produire.

Des témoins ont toutefois dit au Comité que la pression exercée sur le modèle d'interfinancement était actuellement préoccupante. Nous reviendrons sur le sujet au chapitre 8. Pour l'instant, arrêtons-nous aux principales causes de cette situation. La première, c'est que le prix des émissions américaines pourrait augmenter, comme l'a indiqué M. Alain Gourd, vice-président exécutif, Bell Globemedia :

Les radiodiffuseurs utilisent depuis des années la programmation populaire américaine pour subventionner ce genre de contenu canadien. Les émissions américaines sont toutefois de plus en plus chères, et le modèle économique traditionnel est en voie de s'effondrer. Nous avons, à CTV, élaboré une stratégie afin d'assurer le succès de la programmation canadienne, en particulier chez nous, et cela à partir des bases jetées par la politique télévisuelle du Canada à partir de laquelle nous nous efforçons de créer une programmation canadienne de plus en plus populaire et, disons le mot, rentable22.

   

Figure 5.4 - Estiamtion des coûts, revenus et profits de la diffusion à la télévision canadienne d'une dramatique d'une heure, 2000-01 (dollars canadiens)

Les données des diffuseurs privés sur les dépenses au chapitre des émissions au Canada indiquent que cela pourrait être le cas. Comme nous le verrons au chapitre 8, les dépenses des diffuseurs canadiens pour des émissions étrangères ont augmenté considérablement depuis quelques années, du moins en partie à cause des fluctuations du dollar canadien.

Une deuxième cause, c'est que les producteurs d'émissions de télévision américaines pourraient décider de ne pas vendre certaines émissions à des diffuseurs canadiens. Ainsi, si un diffuseur américain sait qu'il peut augmenter ses tarifs publicitaires et tirer profit des retombées au Canada, il pourrait décider plutôt de vendre ses droits pour les États-Unis et le Canada à un réseau américain23.

Une troisième possibilité, c'est que les producteurs pourraient, dans un avenir proche, trouver un moyen de vendre leurs émissions directement aux téléspectateurs, court-circuitant ainsi les diffuseurs, tant américains que canadiens. Cette question, qui a été abordée au chapitre 4, pourrait très bien se poser car il est de plus en plus facile d'obtenir des émissions sur demande, par exemple par l'Internet.

Bref, étant donné le coût de production d'une heure de télévision canadienne de haute qualité, on peut comprendre pourquoi il y a très peu d'émissions produites sans l'aide du contribuable canadien. Comme bien des témoins l'ont expliqué, le marché canadien est simplement trop petit pour soutenir un niveau raisonnable de programmation de haute qualité, surtout des dramatiques canadiennes de langue anglais. C'est pourquoi les gouvernements fédéral et provinciaux doivent unir leurs efforts pour aider à financer la plupart des émissions canadiennes qui sont diffusées sur nos écrans. En effet, si nous prenons l'exemple des dramatiques canadiennes de langue anglaise, au moins la moitié environ de tous les coûts — sous la forme de paiement du Fonds canadien de télévision (FCT) et de crédits d'impôt fédéraux et provinciaux — sont financés directement ou indirectement par le contribuable canadien. Les ventes à l'étranger et les fonds privés de télévision financent presque entièrement le reste.

La figure 5.5 donne une idée de la répartition des coûts de production des dramatiques canadiennes en termes du niveau global de financement accordé par le Fonds canadien de télévision. Comme nous pouvons le voir, en 2001-2002, le Fonds canadien de télévision a contribué pour près de 112 millions de dollars (37 %) au financement total de toutes les dramatiques ainsi subventionnées. De plus, la CBC-SRC a contribué pour près de 40 millions de dollars (13,5 %), le gouvernement fédéral a ajouté 23 autres millions de dollars (7,6 %) et les gouvernements provinciaux, 35 autres millions de dollars (11,5 %). Étant donné que 60 % environ du budget du FCT provient de fonds publics, cela signifie que pour les productions subventionnées par le FCT, les citoyens canadiens ont contribué pour plus de la moitié (150 millions de dollars environ) des fonds requis pour produire des dramatiques spécifiquement canadiennes en 2001-2002. Autrement dit, si une heure de dramatique canadienne subventionnée par le FCT coûte 1 million de dollars, les contribuables ont contribué pour au moins 500 000 $ à la création de cette heure.

Avec ces données économiques en toile de fond, nous tenterons maintenant d'établir un profil des principales sources de financement direct et indirect pour la production d'émissions canadiennes. Ces sources sont : le Fonds canadien de télévision, Téléfilm Canada, l'Office national du film, les crédits d'impôts, l'aide provinciale et territoriale et les fonds privés.

   

Figure 5.5 - Distribution du financement pour la production des dramatiques et comédies canadiennes ubventionnées par le Fonds canadien de la télévision, 2001-02

Le Fonds canadien de télévision

Comme nous l'avons déjà mentionné, le Fonds canadien de télévision (FCT) est un partenariat public-privé doté d'un budget annuel de quelque 250 millions de dollars. Parmi les émissions subventionnées, mentionnons This Hour has 22 Minutes, Cold Squad, Un gars, une fille et Histoires de filles. Le gouvernement du Canada, les câblodistributeurs et les fournisseurs de service de diffusion directe par satellite contribuent au Fonds. Il s'agit d'un organisme indépendant sans but lucratif, dirigé par un conseil d'administration formé de représentants des secteurs de la télévision,
de la câblodistribution, de la production et de la distribution de films et d'émissions télévisées, ainsi que de représentants du ministère du Patrimoine canadien et de Téléfilm Canada.

Le FCT a pour mandat :

De favoriser le financement et la radiodiffusion de productions télévisuelles canadiennes de haute qualité.

De refléter la réalité canadienne auprès des Canadiens en facilitant la création et la radiodiffusion, durant les heures de grande écoute, d'émissions canadiennes de haute qualité et de grande valeur culturelle, dans les deux langues officielles, dans les catégories des dramatiques, des émissions pour enfants, des documentaires et des émissions de variétés et les arts de la scène, par les deux milieux de langues officielles, majoritaire et minoritaire.

De soutenir les productions en langue autochtone dans les catégories admissibles.

La figure 5.6 donne la ventilation des sources de financement du FCT en 2001-2002. Comme nous pouvons le constater, le gouvernement fédéral a été le plus grand bailleur de fonds en 2001-2002, fournissant 100 millions de dollars par l'entremise du ministère du Patrimoine canadien et 45 millions de dollars par l'entremise de Téléfilm Canada. À noter toutefois que le budget total pour les productions financées directement et indirectement pat le Fonds en 2001-2002 était de 802,2 millions de dollars (voir la figure 5.8).

Figure 5.6 - Ventilation des contributions au Fonds canadien de télévision, 2001-02

Cela dit, le Comité constate qu'en février 2003, le gouvernement fédéral a renouvelé son appui au FCT pour deux autres années, avec une contribution de 150 millions de dollars. Autrement dit, la valeur de la participation du gouvernement du Canada au FCT sera de 75 millions de dollars durant les deux prochains exercices financiers, soit 25 millions de dollars de moins que les années précédentes.

Le Comité condamne la décision du gouvernement fédéral de réduire sa contribution au Fonds canadien de télévision et l'exhorte de revoir sa décision.

En effet, comme le démontrera le présent rapport, le système canadien de radiodiffusion est fort complexe et fort interdépendant. Le manque à gagner de 25 millions de dollars représente des pertes beaucoup plus grandes pour l'ensemble des secteurs de la production et de la radiodiffusion canadienne. Ainsi, avec un financement moindre, il est certain que certaines productions — dont certaines prévues par la CBC et la SRC — n'obtiendront ancune subvention. De plus, sans aide du FCT, certaines productions seront annulées, privant d'emploi des Canadiens, sans mentionner la perte d'émissions originales et spécifiquement canadiennes qui auraient été créées autrement.

La figure 5.7 contient d'autres données sur l'influence que le Fonds canadien de télévision exerce sur le secteur canadien de la radiodiffusion. Cette figure indique que le Fonds canadien de télévision a grandement contribué à la création d'émissions canadiennes depuis 1997-1998. Ainsi, dans la catégorie des dramatiques, le Fonds a contribué au cours de chacune des quatre dernières années à la création d'au moins 600 nouvelles heures de dramatiques canadiennes. Il est aussi impressionnant de constater l'augmentation constante de la production de documentaire, passant de 517 heures en 1997-1998 à plus de 1 120 heures en 2001-2002. De même, l'aide totale a augmenté sans cesse, de quelque 1 900 nouvelles heures en 1997-1998 à plus de 2 800 nouvelles heures de programmation en 2001-2002.

   

Figure 5.7 - Nombre d'heures totales de programmation subventionée par le Fonds canadien de télévision, 1997-2002

La figure 5.8 indique la valeur totale des projets appuyés par le FCT et les diffuseurs participants entre 1997 et 2002. Elle révèle que l'aide du FCT et des diffuseurs participants a augmenté assez régulièrement durant la période, le nombre total de projets appuyés passant de 347 en 1997-1998 à 583 en 2001-2002. Elle indique aussi une augmentation graduelle (quoique irrégulière) de la valeur totale des contributions du FCT, dont le total est passé de 177,6 millions de dollars en 1997-1998 à 241,4 millions de dollars en 2001-2002. Quant à la valeur totale des projets appuyés par le FCT, elle a fluctué quelque peu, les budgets totaux des productions se situant entre 600 et 800 millions de dollars.

   

Figure 5.8 - Valeur totale des projets subventionnés par les radiodiffuseurs participants et le Fonds canadien de la télévision, 1997-2002

Une demande de financement peut être faite par la voie d'un des deux programmes du Fonds : le Programme de droit de diffusion ou le programme de participation au capital, ce dernier étant administré par Téléfilm Canada. Ces deux programmes sont décrits ci-après.

Le programme de droits de diffusion

Le Programme de droits de diffusion (PDD) contribue à la production de téléfilms et de longs métrages sous la forme d'un complément non recouvrable aux droits de diffusion que les diffuseurs doivent payer pour acquérir une émission. Pour qu'un projet soit admissible à une aide du programme, les droits de diffusion doivent être acquittés par un diffuseur canadien, qu'il s'agisse d'une chaîne traditionnelle, éducative, payante ou spécialisée. Les contributions du PDD varient en général de 15 % à 35 % du coût total de production. En 2001-2002, le PDD a contribué pour 138 millions de dollars, soit 17 % du budget total de production des projets subventionnés. Quant aux diffuseurs, ils ont fourni 230 millions de dollars, soit plus de 30 %, pour la production de projets financés par le Fonds. La figure 5.9 indique les contributions totales des diffuseurs canadiens aux droits de diffusion en 2001-2002.

Le Programme de participation au capital

Le Programme de participation au capital (PPC) peut défrayer jusqu'à 49 % des coûts admissibles d'un projet pour la production d'émissions de télévision et de longs métrages canadiens sous la forme d'un investissement direct en argent. L'objet du programme est de recouvrer ses investissements. Toutefois, il arrive souvent qu'il n'y a pas de recouvrement, l'investissement du Programme se transformant alors dans la pratique en une subvention. Le Programme contribue également à la réalisation d'émissions de télévision et de longs métrages en fournissant des avances. En 2001-2002, le FCT a ainsi distribué quelque 4,5 millions de dollars pour 252 projets. Téléfilm Canada administre l'enveloppe du PPC au nom du Fonds canadien de télévision.

Figure 5.9 - droits de diffusion payés par les radiodiffuseurs candiens pour des projets subventionés par le Fonds canadien de télévision en 2001-02

Téléfilm Canada

Téléfilm Canada est un organisme culturel fédéral voué au développement et à la promotion de l'industrie canadienne du film, de la télévision et de la musique. Téléfilm relève du ministère du Patrimoine canadien.

Téléfilm a pour mission d'offrir à l'industrie un appui financier et stratégique qui vise la production d'œuvres de qualité — longs métrages, dramatiques, documentaires, émissions pour enfants, émissions de variétés et produits pour les nouveaux médias — reflétant la société canadienne, avec sa dualité linguistique et sa diversité culturelle. Son budget actuel est de quelque 230 millions de dollars, dont 45 millions sont allés au FCT en 2001-2002.

Grâce à son soutien, la Société favorise la plus large diffusion possible des œuvres canadiennes au pays et à l'étranger en appuyant les activités de distribution, d'exportation, de doublage, de marketing et de promotion de l'industrie dans les festivals, marchés et autres événements nationaux et internationaux. Téléfilm Canada a cinq bureaux dont quatre au Canada, soit à Montréal, Toronto, Vancouver et Halifax et un bureau européen à Paris.

L'Office national du film

Créé en 1939, l'Office national du film (ONF) est un organisme public qui produit et distribue des films et d'autres œuvres audiovisuelles qui présentent la réalité canadienne aux Canadiens et au reste du monde. Depuis ses débuts, l'Office a joué un rôle important en cinématographie, ici et à l'étranger. Son fondateur et premier commissaire du gouvernement à la cinématographie, John Grierson, voulait « faire en sorte que l'ONF soit l'œil du Canada; faire en sorte que, par un cinéma vraiment national, l'ONF capte tous les aspects de ce pays : les hommes qui le peuple, aussi bien que les idéaux qu'il cherche à réaliser24. »

Financé par des crédits parlementaires annuels de 60,6 millions de dollars, l'Office national du film est un centre unique de création d'œuvres audiovisuelles. Il a toujours pour mandat de produire et de distribuer des films et d'autres œuvres audiovisuelles destinés à faire connaître et comprendre les réalités sociales et culturelles du Canada aux Canadiens et aux autres nations.

Les films de l'ONF sont produits dans les deux langues officielles dans le cadre de ses programmes anglais et français, par des réalisateurs tant internes qu'indépendants de toutes les régions du pays. L'ONF maintient des installations de production à Vancouver, Edmonton, Winnipeg, Toronto, Ottawa, Montréal, Québec, Moncton et Halifax.

L'ONF a mis sur pied un réseau de distribution avec des partenaires du secteur public (bibliothèques publiques et scolaires) et du secteur privé (distributeurs, catalogueurs, chaînes de cinéma, clubs vidéo, etc.) pour s'assurer que ses films et ses vidéos soient accessibles et que l'ONF soit présent dans l'ensemble des provinces et territoires. Les productions de l'ONF sont souvent diffusées par des chaînes traditionnelles et spécialisées, et les Canadiens peuvent acheter les vidéos de l'ONF en composant son numéro sans frais ou en consultant son catalogue virtuel sur le site Internet de l'ONF. À l'étranger, l'ONF a des bureaux à Londres, Paris et New York.

Bref, l'ONF est un organisme intégré de production et de distribution qui possède une vaste collection de films, un laboratoire de conservation et des installations de postproduction et de recherche et développement situés dans les locaux de son centre d'opération à Montréal. Son service de relations gouvernementales est situé à Ottawa alors que ses services de communication et de distribution, son service des ressources humaines et ses services administratifs sont essentiellement regroupés à Montréal.

Crédits d'impôt

Les crédits d'impôt constituent un moyen indirect de soutien de la production télévisuelle canadienne. Le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens (BCPAC) administre le Crédit d'impôt pour production cinématographique ou magnétoscopique canadienne (CIPC) et le Crédit d'impôt pour services de production cinématographique ou magnétoscopique (CISP) de concert avec l'Agence des douanes et du revenu Canada (ADRC).

Le CIPC a pour objectif d'encourager les émissions canadiennes et l'essor d'un secteur national dynamique de la production. Ce crédit entièrement remboursable peut atteindre jusqu'à 12 % du coût total d'une production admissible, moins les montants d'aide reçus ou à recevoir. Dans le cadre du programme CIPC, le BCPAC s'acquitte de deux fonctions distinctes : 1) reconnaissance du contenu canadien et 2) estimation des dépenses de production admissibles. Pour qu'une production soit admissible à titre de contenu canadien aux fins du crédit d'impôt par l'entremise du BCPAC, elle doit respecter des critères précis relativement aux coûts clés du personnel de création et du projet. Le CIPC est disponible au taux de 25 % des salaires et traitements admissibles encourus après 1994. Les salaires et traitements admissibles au crédit d'impôt ne peuvent pas dépasser 48 % du coût de production, moins les montants d'aide reçus, et doivent être attestés par le ministre du Patrimoine canadien. Par conséquent, le crédit d'impôt peut apporter une aide équivalente à 12 % des coûts de production, moins les montants d'aide reçus.

Le Crédit d'impôt pour services de production cinématographique ou magnétoscopique (CISP) a pour but d'accroître la popularité du Canada en tant que lieu de choix pour la production de films et de vidéos qui emploient des Canadiens de talent, de renforcer l'industrie et d'attirer les investissements. Il correspond à 11 % de la dépense de main-d'œuvre admissible au Canada.

Aide provinciale

L'aide provinciale est en grande partie fournie sous la forme d'aide directe et de crédits d'impôt. Dix organismes provinciaux et deux organismes territoriaux contribuent grandement aux secteurs canadiens du film, de la télévision et des nouveaux médias25. Au total, ces organismes ont contribué pour quelque 213,1 à 272,8 millions de dollars par année entre 1999 et 2002 aux secteurs canadiens du film, de la télévision et des nouveaux médias. Cela comprend des contributions variant entre 39,6 et 43,8 millions de dollars en subventions directes assorties de divers instruments de financement tels que l'aide au développement, le financement à la production allant de la participation au capital à des subventions, l'aide à la commercialisation, l'aide au perfectionnement professionnel, le financement des festivals et l'aide au développement des organismes et des sociétés.

Les crédits d'impôt constituent un instrument essentiel pour nombre d'organismes provinciaux, le total annuel passant de 173,5 à 230,9 millions de dollars entre 1999 et 2002. Les organismes provinciaux et territoriaux répartissent leur aide fort différemment dans le pays. Certaines provinces comme la Colombie-Britannique, la Saskatchewan, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse, l'Île-du-Prince-Édouard, le Nouveau-Brunswick, le Québec et Terre-Neuve offrent une aide directe et des avantages fiscaux; certains, comme l'Ontario, ont opté pour un régime de crédits d'impôt plus élevés; d'autres, comme l'Alberta, le Yukon et les Territoires du Nord-Ouest n'ont aucun régime de crédits d'impôt, et n'offrent que de l'aide directe. Pour plus de détails sur les divers programmes d'aide provinciaux et territoriaux, consultez l'annexe 9.

Aide du secteur privé

Outre le Fonds canadien de télévision qui reçoit quelque 150 millions de dollars par année d'aide du secteur privé, des diffuseurs par câble et par satellite, il existe plusieurs fonds privés plus modestes. L'annexe 9 énumère et décrit un grand nombre de ces fonds.

F. Ce que le Comité a entendu

Les paragraphes précédents ont donné une idée de la complexité de la situation dont les témoins ont parlé devant le Comité. La présente partie porte sur ce que le Comité a entendu. D'abord, nous faisons quelques observations sur quelques différences profondes entre les marchés anglais et français de la radiodiffusion au Canada. Puis, nous résumons brièvement ce que les témoins ont dit au Comité sur la situation de la programmation télévisuelle au Canada.

Les marchés de la télévision anglaise et française

L'évolution des programmations de langue française et de langue anglaise a été abordée au chapitre 4, dans l'introduction du présent chapitre ainsi que dans le chapitre 8. Une description sommaire des différents types de programmation est utile, mais elle ne permet pas de saisir certaines des différences fondamentales entre les deux marchés. Pour diverses raisons, le marché canadien de langue française a beaucoup mieux réussi dans la création d'émissions qui attirent beaucoup de téléspectateurs que le marché de langue anglaise. Les raisons principales sont liées au fait que les créateurs de langue française en général ne rivalisent pas directement avec les producteurs de langue française de France ou les producteurs de langue anglaise du Canada et des États-Unis. D'autres raisons sont attribuables à l'effet combiné de certains facteurs : créativité, ingénuité, développement d'un système de vedettariat indigène et aide gouvernementale. Ainsi, il est rare au Canada anglais que la cote d'écoute d'une dramatique canadienne atteigne 10 %, mais il est fréquent dans le marché canadien de langue française qu'elle atteigne de 20 à 30 % ou plus pour des productions canadiennes.

Il importe aussi de se rappeler que le succès des émissions canadiennes de langue française ne se limite pas à quelques mini-séries exceptionnelles, mais qu'il s'agit d'un phénomène qui s'applique à une longue liste de téléséries comme Fortier, de mini-séries comme Omerta, d'émissions de variétés comme Deux filles le matin, d'émissions pour enfants comme Watatatow, de téléromans comme Virginie et de comédies comme La Petite Vie et Un gars, une fille.

Dans une certaine mesure, les défis auxquels font face les producteurs d'émissions de langue anglaise au Canada sont tout à fait différents de ceux que doivent relever leurs homologues de langue française. Les émissions de télévision de langue anglaise ont toujours eu à rivaliser avec des émissions des États-Unis, un pays possédant un secteur de la télévision et du film bien établi qui produit des émissions qui attirent non seulement les Canadiens de langue anglaise, mais aussi des auditoires partout dans le monde. Ce défi a été reconnu par la Commission royale sur la radiodiffusion en 1957 :

Le problème de l'influence des États-Unis sur le Canada, ce n'est pas surtout que les émissions de télévision américaines sont trop médiocres, mais que beaucoup sont, dans un certain sens, trop bonnes... Le foisonnement artistique aux États-Unis permet de produire des émissions fort diversifiées et fort intéressantes. La prospérité matérielle des Américains leur permet de retenir les services d'auteurs et d'acteurs excellents et les meilleures compétences techniques en matière de production d'émissions26.

À cause de cette capacité d'attirer les meilleurs talents, il a toujours été très facile pour la plupart des Canadiens de langue anglaise compétents — écrivains, producteurs ou acteurs — de migrer vers le sud et de travailler aux États-Unis. La liste des Canadiens de talent qui ont travaillé aux États-Unis constitue un vrai nec plus ultra et y figurent des noms aussi célèbres que Dan Aykroyd, Pamela Anderson, Raymond Burr, Neve Campbell, James Cameron, John Candy, Jim Carey, Sarah Chalk, John Colicos, James Doohan, David James Elliot, Dave Foley, Michael J. Fox, Tom Green, Graham Greene, Lorne Greene, Paul Gross, Phil Hartman, Jillian Hennessy, Michael Ironside, Norman Jewison, Rich Little, Norm MacDonald, Raymond Massey, Lorne Michaels, Colin Mochrie, Rick Moranis, Carrie-Anne Moss, Mike Myers, Kate Nelligan, Leslie Nielson, Catherine O'Hara, Matthew Perry, Mary Pickford, Christopher Plummer, Jason Priestley, William Shatner, Martin Short, Jessica Steen, Donald Sutherland, Dave Thomas et Scott Thompson.

Autre facteur, les avantages qu'offre la taille du marché américain. Pour parler simplement, le marché américain de la télévision est assez grand qu'il peut soutenir, sans subvention, un important secteur du film et de la télévision dans lequel quelques succès peuvent aisément compenser le coût des nombreux films et téléséries qui ne connaissent pas de succès.

Cette réalité ressort du témoignage de M. Richard Stursberg devant le Comité :

... les plus belles émissions aux États-Unis, des émissions comme The West Wing ou ER, elle coûte environ 2,2 millions de l'heure. ...bien sûr si les Américains peuvent dépenser de telles sommes, c'est parce qu'ils ont une base de population beaucoup plus grande que le Canada anglais, de sorte que les coûts peuvent être répartis sur une base très large...

Généralement les émissions canadiennes rapportent de 65 000 à 90 000 $ pour une heure de dramatique, et comme elles sont particulières, elles se vendent très peu à l'étranger. Si c'est tout l'argent que l'on peut récolter, il n'est pas possible de faire des émissions susceptibles de concurrencer en qualité les émissions à 2,2 millions de dollars de l'heure. C'est pour cette raison que c'est subventionné. Nous subventionnons cette production jusqu'à concurrence d'environ 1 million de dollars de l'heure, et les radiodiffuseurs privés canadiens paient plus que ce qu'ils gagnent sur les émissions canadiennes anglaises. Mais il est évident que si nous ne faisons pas cela, aucune dramatique ou autre émission canadienne anglaise ne serait faite, étant donné les facteurs économiques en jeu29.

Il y a au moins deux autres facteurs qui nuisent aux producteurs canadiens anglais. D'abord, les dramatiques américaines coûtent en moyenne aux heures de grande écoute environ 2 millions de dollars30, alors que certaines émissions — tel un épisode pilote — coûte bien davantage. Comme Mme Loren Mawhinney, vice-présidente, production canadienne, Global Television Network, a expliqué au Comité :

... le budget de production de la dernière émission de Traders, les 13 épisodes, est inférieur à celui de l'émission pilote d'une heure de [The] West Wing, créée la même année. En effet, la saison complète de Traders coûte 12 millions de dollars tandis que l'émission pilote d'une heure [The West Wing] coûte environ 14 millions31.

Traitant du même sujet, M. Alain Gourd, vice-président exécutif de groupe, Services généraux, Bell Globemedia Inc., faisait remarquer :

... en termes de valeur de production, une émission comme Cold Squad a une valeur de production de près de 1 million de dollars, alors que l'investissement total dans une production de [The] West Wing, qui varie d'un épisode à l'autre, peut atteindre de 3 à 5 millions de dollars32.

De plus, comme le coût total d'émissions telles The West Wing est facile à recouvrer dans le marché américain, les recettes additionnelles provenant de la vente d'émissions à l'étranger et de la vente de vidéos ou de DVD constituent un pur profit, de sorte que les réseaux américains peuvent vendre leurs émissions aux réseaux canadiens à très bas prix. Comme M. R.H. Thomson, acteur, auteur et diffuseur, Alliance of Canadian Cinema, Television and Radio Artists, l'a expliqué au Comité :

Les producteurs américains vendent au-dessous de leur prix de revient sur notre marché. Nous ne pouvons pas vendre au-dessous de notre prix de revient sur notre propre marché et nous faisons donc l'objet d'un dumping culturel. Pour pouvoir conserver une marge de manœuvre dans ce cadre économique et être en mesure effectivement de produire des émissions canadiennes qui vont être regardées, nous avons besoin d'ajustement structurel...33

Les objectifs du système de financement

Le Comité a entendu bien des choses sur la façon dont les objectifs culturels du système actuel régissant le contenu canadien sont établis et mesurés. M. Richard Stursberg, qui était à l'époque président et directeur général du Fonds canadien de télévision, a décrit sommairement au Comité comment le système de financement des émissions de télévision canadiennes fonctionne :

Traditionnellement, on a toujours défini la télévision canadienne d'après un système de points. C'est ainsi que procède le CRTC et c'est aussi ce que fait le BCPAC... pour certifier les émissions en rapport avec les crédits d'impôt... Chez nous, pour être admissible à un financement, il faut avoir la totalité des 10 points, et de plus satisfaire aux trois autres exigences dites fondamentales...

Premièrement, le projet doit s'adresser aux Canadiens et refléter des thèmes et des sujets canadiens. Deuxièmement, il doit être tourné et situé principalement au Canada. Et troisièmement, il faut que les droits originaux soient développés par des Canadiens de façon significative et fondamentale.

Les émissions canadiennes industrielles sont extrêmement importantes. Ce sont elles en fait qui constituent les deux tiers du total, et elles sont essentielles pour permettre aux acteurs, aux auteurs, aux cameramen et aux metteurs en scènes de continuer à travailler et pour assurer le fonctionnement de toute l'infrastructure du système. Mais le tiers qui reste, les émissions spécifiquement canadiennes, sont celles qui sont importantes au plan culturel, en ce sens que ce sont des émissions faites par et pour des Canadiens, au sujet des Canadiens35.

Cela peut sembler simple, mais de nombreux témoins ont dit au Comité que le système de financement des émissions canadiennes est devenu une expérience extrêmement complexe et exaspérante. Comme des témoins l'ont expliqué, les divers systèmes de points ont au fil des ans été ajustés, élargis et ébauchés par les divers organismes responsables de distribuer les fonds. Le système est devenu encore plus compliqué à partir du moment où un projet ne peut être admissible à moins d'être approuvé au préalable par un diffuseur. Ainsi, un diffuseur doit indiquer qu'il diffusera l'émission ou la série proposée. Dans l'industrie, on dit que le financement d'un projet est « déclenché »; si vous obtenez une licence, vous franchissez le seuil du FCT36.

Des témoignages exposent d'autres réflexions sur la complexité du système. Par exemple, M. Richard Zurawski, président d'East West Media à Halifax, a dit au Comité que, même si un producteur respecte le seuil exigé par le Programme des droits de diffusion pour être admissible au FCT, cela ne garantit pas que Téléfilm acceptera de fournir une aide dans le cadre du Programme de participation au capital. Et s'il se fait refuser cette dernière aide, le producteur perdra sa subvention en vertu du Programme de droit de diffusion à moins de trouver une nouvelle source de financement dans les plus brefs délais. Il a expliqué :

Le FCT couvre l'enveloppe de Téléfilm. Téléfilm, c'est la participation au capital, tandis que le FCT couvre le capital-actions et la licence. En règle générale, la première ronde vise les droits de licence. Dans cette ronde-ci, nous avons reçu 59 points sur un total possible de 59. Nous avons reçu le maximum que peut accorder le FCT, mais nous n'avons pourtant pas été jugés admissibles [au financement de Téléfilm] [...] bien que j'aie dépassé le seuil maximal pour ce qui est de la participation du radiodiffuseur — nous avions APTN comme principal radiodiffuseur et 23,02 % de notre financement provenait de celui-ci, ce qui nous donnait un excédent — on nous a dit que nous n'avions pas un appui radiodiffuseur suffisant37.

Les témoins intéressés à réaliser des coproductions avec des partenaires étrangers se sont aussi dits irrités par la façon dont le FCT et Téléfilm gèrent les fonds. Comme Michael Snook, membre du conseil d'administration, Saskatchewan Motion Picture Association, l'a dit au Comité :

Quand les règles ont été publiées à l'origine, elles étaient très claires et très simples, à tel point que j'ai aussitôt appelé le bureau du Fonds canadien de télévision à Toronto pour signaler que j'étais sur le point de tourner un documentaire international, une coproduction sur un traité international, et qu'il fallait se rendre dans sept pays du monde pour faire le tour de la question. Un des pays était le Canada, mais environ un dixième seulement du contenu pouvait être tourné au Canada à cause de la nature du sujet. D'après vos règles, ai-je dit, il semble que je n'aurai pas droit aux points relatifs au contenu canadien qui sont attribués pour le tournage au Canada; je perdrai plutôt la moitié des points pour le contenu canadien auxquels je pourrais avoir droit. Je suis sûr qu'il y en a bien d'autres qui ont appelé pour faire passer le même message quand les règles sont sorties. Nous avons constaté un certain assouplissement de la part du Fonds canadien de télévision qui reconnaît la difficulté qu'ont les documentaristes à faire en sorte que leurs productions soient à la fois rigoureuses sur le plan intellectuel et commercialisable à l'échelle internationale. À mon avis, c'est ce qu'il faudrait faire pour tous les genres de productions38.

D'autres témoins ont souligné l'ironie perverse des coproductions officielles (consulter le chapitre 8 pour en savoir plus sur les coproductions). Comme Mme Gretha Rose, présidente, Cellar Door Productions, l'a expliqué :

Étant donné les règlements qui régissent le FCT, il faut que nos productions soient homologuées coproductions internationales pour que nous obtenions de l'argent fédéral. On peut se contenter de faire valoir la licence de radiodiffusion pour la portion canadienne du budget seulement, ce qui nous donne un pointage plus élevé. Plus le pointage est élevé, plus il est probable que l'on obtiendra des fonds du FCT. Tout cela est fondé sur un barème de 59 points. Ainsi, plus on travaille à l'étranger, plus le pointage est élevé et plus grandes sont les chances d'obtenir de l'argent canadien39.

C'est ce qu'a confirmé M. Robert Soucy, directeur du Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens, qui a fait remarquer que les coproductions officielles, ..., sont reconnues comme ayant un contenu canadien également, mais n'assurent pas nécessairement des points40. Autrement dit, comme les coproductions canadiennes sont automatiquement reconnues comme contenu canadien, bien des créateurs canadiens n'ont d'autre choix que de trouver des investisseurs dans d'autres pays pour réaliser leurs émissions, simplement parce que leurs concepts d'émission télévisuelle ne satisfont pas aux critères relatifs au contenu canadien.

Traitant du même sujet, M. François Macerola, qui était à l'époque président du conseil d'administration de Téléfilm Canada, a dit au Comité que :

Maintenant, étant donné que la demande était énorme, le Fonds canadien de télévision a utilisé, à un certain moment donné, le contenu canadien pour établir une priorité parmi les projets. En fin de compte, plus il y avait de contenu canadien, plus la note de passage accordée était élevée. Il y a des producteurs qui ont réagi de façon un peu... Je préfère ne pas qualifier leur façon de réagir. Ils ont mis des drapeaux canadiens et ont mis un castor plutôt que de mettre un lion41.

La tentation d'ajouter un castor plutôt qu'un lion à une émission aboutit selon plusieurs témoins à des conséquences malheureuses. À titre d'exemple, M. Mark Laing, président, Guilde canadienne des réalisateurs, a dit au Comité que « L'une des entraves qui pourraient être levées serait le critère subjectif dans les règles en matière de contenu canadien, le facteur sirop d'érable. Nous n'en avons pas besoin » 42.

Bref, les créateurs canadiens ont été clairs sur plusieurs points. Ils doivent composer avec un système de financement qui ressemble à un château de cartes où ils risquent de perdre une source de financement acquise si on leur refuse une autre source de financement. Ils sont aux prises avec des définitions contradictoires qui les empêchent souvent de créer. Ils se butent à une montagne de paperasse qui suppose de savoir d'avance qui participera à tel ou tel projet. Mais ce n'est là que la pointe de l'iceberg. Des témoins ont dit au Comité que les producteurs doivent parfois solliciter divers appuis chez les diffuseurs; ils doivent harmoniser les objectifs des divers fonds et, comme on peut l'imaginer, payer des honoraires élevés aux avocats qui s'occupent de la paperasse.

Un autre facteur vient exacerber toute cette complexité —les objectifs industriels du système canadien de soutien à la production télévisuelle. En effet, il importe de se rappeler que les règlements, les règles et les mécanismes de soutien décrits dans le présent chapitre visent l'atteinte de deux objectifs : un objectif culturel (produire des émissions canadiennes) et un objectif industriel (aider à développer une industrie capable de produire des émissions canadiennes). La juxtaposition de ces deux objectifs fait partie de ce que Michael Snook a qualifié de débat interne. Il a expliqué ce qu'il en est :

... la question de savoir si notre industrie est carrément culturelle ou carrément industrielle, les deux étant incompatibles. En réalité, les oeuvres cinématographiques et télévisuelles sont le fruit d'une collaboration entre un grand nombre de personnes qui travaillent en équipe — c'est une industrie. On ne peut pas se retrancher dans son grenier avec un bout de papier et un crayon pour faire un film. On ne peut notamment pas participer au monde technologique moderne d'Internet, de la toile, de la télévision à haute définition, de la distribution directe par satellite sans avoir une grande expertise technique, y compris au niveau des producteurs de contenu — nos membres sont des producteurs de contenu; ils créent du contenu. Si l'on ne comprend pas que notre industrie est à la fois culturelle et industrielle, il est difficile d'élaborer des politiques gouvernementales claires au niveau national ou provincial qui puissent favoriser l'épanouissement de l'industrie. Quand on nous dit, en tant que producteurs de contenu, que notre mandat et le mandat de ceux qui pourraient favoriser notre développement est exclusivement culturel, nous rencontrons des problèmes du côté commercial43.

M. Richard Stursberg reconnaît l'importance de l'industrie et il a souligné l'importance de s'assurer que les règles élaborées par le CRTC et
le FCT (et avec la participation d'autres ministères et organismes gouvernementaux) sont applicables :

Il est absolument essentiel pour nous de bien synchroniser ces deux aspects. Comprenez-moi bien. Je pense qu'il est extrêmement important de réaliser des émissions canadiennes industrielles, et qu'il faut le faire. Les émissions typiquement canadiennes sont aussi extrêmement importantes, mais tout le problème est de trouver le bon équilibre entre les règles du Conseil et les règles du Fonds tant sur le plan culturel que sur le plan industriel44.

Mais l'on ne reconnaît pas toujours que, pour atteindre ces deux objectifs, culturel et industriel, les créateurs doivent travailler dans une optique commerciale. En effet, des témoins ont dit au Comité qu'outre les efforts de Téléfilm pour récupérer sa participation au capital (Programme de participation au capital), aucun mécanisme de financement ne comporte de dispositions explicites pour favoriser le développement d'entreprises viables. Au contraire, l'aide est basée sur chaque projet et n'est pas évaluée à partir d'un plan d'affaires de l'entreprise . Comme Mme Sonya Jampolsky l'a dit au Comité :

Le problème est qu'aucune de ces organisations ne va vous donner suffisamment d'argent au départ pour commencer à payer les factures qui commencent à s'accumuler. Les factures vous viennent des avocats qui ont dû passer en revue tous les contrats qui commencent dès le début du développement, de ceux qui font la recherche, de ceux qui remplissent la paperasse pour les propositions. Et c'est ainsi que vous vous trouvez confrontés à des problèmes de liquidités45.

Il n'y a pas non plus, à titre d'exemple, d'effort concerté par un organisme du système pour commercialiser le produit obtenu. Même le CRTC, a fait observer Mme Gretha Rose, n'exige pas la promotion des émissions subventionnées par le système, pas plus qu'elle ne compte là-dessus.

Si certains règlements [existants] qui interdisent actuellement à un réseau de s'adonner à des activités que nous estimons comporter un potentiel commercial viable, une émission qui pourrait être vendue sur le marché international [...], étaient différents, on peut se demander s'il y aurait un problème quelconque? On ne peut pas se pencher sur un aspect sans regarder l'ensemble.

Alors, dans ces conditions, la solution serait-elle de réglementer les cotes d'écoute? Non. Mais dans le contexte actuel, je ne pense pas qu'un système de financement proposé par Patrimoine canadien et qui soit axé énormément sur les cotes d'écoute soit la réponse non plus. C'est un fouillis46.

Le manque de précision des objectifs des fonds, ajouté au manque ou au peu d'attention accordée aux problèmes de gestion d'entreprise, explique pourquoi tant de témoins ont qualifié le système de soutien à la programmation télévisuelle canadienne de « gâchis ».

Cela dit, bien d'autres témoins ont rappelé les nombreux succès du système de soutien à la programmation canadienne. Ainsi, le Comité a appris que certaines émissions canadiennes voyagent très bien, en particulier les documentaires et les émissions pour enfants. Au moins deux entreprises visitées par le Comité, Nelvana et PixCom, ont très bien réussi à cet égard par la vente d'émissions d'animation pour enfants, comme Franklin the Turtle et Freddy, sur des marchés à l'extérieur du Canada.

De plus, M. Michael Snook a dit au Comité ce qui suit :

Les entreprises de production cinématographique ou télévisuelle du monde, notamment les entreprises canadiennes, ne sauraient exister sans faire le marketing de leurs produits intellectuels à l'échelle mondiale. Nous ne pourrions tout simplement pas survivre sur le plan économique47.

Cela explique pourquoi certaines catégories d'émissions canadiennes, particulièrement les émissions pour enfants, les dramatiques et les documentaires, requièrent des subventions à différents degrés et pourquoi d'autres comme les sports et les nouvelles n'ont besoin d'être subventionnées que très peu ou pas du tout. Cette question a été soulevée par M. David Keeble dans un des documents de référence préparé à l'intention du Comité, alors qu'il a déclaré :

Certaines parties du système de radiodiffusion canadien réussissent bien dans le cadre des politiques actuelles et continueront de le faire. Les émissions canadiennes de sports, de nouvelles de divertissement de langue française continueront probablement de progresser avec les niveaux de subvention actuels et n'exigent pas vraiment de règles de diffusion de toute façon. Comme il s'agit de formes populaires, les propriétaires de stations les mettraient probablement à l'horaire sans qu'on les y oblige48.

Exigences relatives à la diffusion de contenu canadien

Autre point soulevé par des témoins : la diminution apparente du nombre de dramatiques de langue anglaise spécifiquement canadiennes. Selon ces témoins, la politique télévisuelle de 1999 du CRTC accordait aux diffuseurs canadiens tant de latitude qu'aujourd'hui notamment, il est très difficile de trouver des dramatiques canadiennes aux heures de grande écoute. Mme Maureen Parker, directrice exécutive, Writers Guild of Canada, est représentative des témoins qui ont traité de ce point :

Ces trois dernières années, la production de séries dramatiques d'une heure qui sont proprement canadiennes est tombée du nombre record de 11 atteint en 1999 à 5 par année pour chacune des trois dernières années. Pendant cette même période, la production d'émissions dramatiques d'une demi-heure n'a pas bougé.

Le documentaire long est soumis à des pressions semblables. Il est de plus en plus difficile de produire et de diffuser des documentaires d'opinion, un genre où les Canadiens excellent et qu'ils ont été les premiers à présenter.

Avec l'arrivée de dizaines de nouvelles chaînes spécialisées et la fragmentation des auditoires, les radiodiffuseurs ont de plus en plus recours à des séries documentaires peu coûteuses de style magazine pour meubler leur grille horaire. Un certain nombre de facteurs ont contribué à la baisse des émissions dramatiques et des documentaires d'opinion canadiens. Il y a notamment eu la politique sur la télévision que le CRTC a adoptée en 1999. Cette nouvelle politique imposait un minimum de huit heures par semaine d'émissions prioritaires canadiennes pendant les heures de grande écoute, mais elle élargissait du même coup la définition de programmation prioritaire de manière à y inclure des genres moins coûteux, comme les émissions régionales et les émissions de divertissement de type magazine.

Le CRTC, dans sa nouvelle politique, ayant omis d'établir des exigences de dépenses à leur intention, les radiodiffuseurs classiques ont trouvé naturellement intéressant de respecter les exigences de programmation canadienne en choisissant la forme de programmation le meilleur marché possible. Ainsi, nous avons droit actuellement à des émissions comme Popstars, et No Boundaries, émissions de télévérité dont le principal objectif semble de vendre ou de commercialiser les VLT de Ford49.

D'autres témoins ont toutefois défendu la nouvelle politique du CRTC. M. Alain Gourd, vice-président exécutif, Bell Globemedia notait que :

[La] stratégie [de CTV] est de concentrer nos efforts sur les superproductions. La vision de CTV en matière de programmation prioritaire consiste à investir de fortes sommes dans les émissions dramatiques et les documentaires. Ce sont les deux genres sur lesquels nous mettons principalement l'accent. CTV part d'un principe fort simple : plus nous décochons de flèches dans cette direction, plus nous raffinons notre technique et plus nous avons des chances d'atteindre la cible. La politique télévisuelle du Canada nous permet de nous concentrer sur ces genres et cela donne déjà des résultats impressionnants....

Ainsi, nous avons non seulement attiré de larges auditoires pour ces productions, pour l'histoire de Jonathan Wamback ou encore celle de Matthew Shepherd, mais nous les avons aussi mises à l'horaire à presque tous les jours de la semaine aux heures de grande écoute50.

Disons en terminant que la plupart des témoins étaient préoccupés par : la confusion entre les objectifs de financement culturel et industriel, le caractère déroutant et contradictoire des définitions du contenu canadien et la lourdeur bureaucratique avec laquelle composer pour obtenir du financement. Enfin, les témoins se sont dits préoccupés par les conséquences de la politique télévisuelle de 1999 du CRTC sur la diffusion des émissions canadiennes.

Cela dit, la prochaine partie contient une série de recommandations qui, selon le Comité, aideront à clarifier et à corriger le trop complexe système d'aide financière à la production d'émissions de télévision à contenu canadien.

G. Solutions proposées

Les témoins ont soulevé devant le Comité plusieurs points à examiner concernant la programmation canadienne : l'ambiguïté des politiques actuelles, le système de points, la complexité du processus de financement, la gestion et la gouvernance des fonds, et la pertinence de la politique télévisuelle de 1999 du CRTC concernant la programmation prioritaire.

Politique de programmation

Il ressort de la précédente analyse que l'état actuel du système tient davantage à son évolution qu'à sa conception. Comme nous l'avons souligné au début du chapitre, c'est en mettant au départ l'accent sur le financement direct d'un diffuseur public et sur la réglementation qu'on a développé au fil des ans un secteur indépendant, capable de produire des émissions françaises et anglaises de grande qualité, et un ensemble de règlements assurant la diffusion de ces émissions.

Les données du chapitre 4 indiquent que ces émissions ont connu du succès dans une large mesure. Les émissions regardées par les Canadiens de langue française sont essentiellement des émissions canadiennes. Malgré les difficultés et la concurrence de la dernière décennie, les dramatiques canadiennes de langue anglaise sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus regardées.

Comme des témoins l'ont souligné, les émissions pour enfants en français et en anglais ont un succès bien mérité. En effet, environ la moitié des émissions pour enfants regardées par les Canadiens de langue française en 2001-2002 ont été réalisées au Canada, alors que 40 % des émissions pour enfants en anglais regardées par les Canadiens de langue anglaise étaient canadiennes.

Cela dit, malgré quelques succès, les témoins ont soulevés plusieurs points troublants concernant les politiques actuelles régissant la création, la production et la diffusion des émissions de télévisions canadiennes. Ainsi, des témoins ont dit craindre que les diverses politiques ne sont pas cohérentes et constituent globalement un vrai bourbier. Ils ont présenté comme preuves à l'appui des exemples convaincants d'incohérence flagrante de certains programmes d'aide, de certaines règles relatives au contenu et de certaines conditions de diffusion. C'est pourquoi le Comité est convaincu que les préoccupations des témoins à ces égards sont justifiées et que des mesures doivent être prises. Par conséquent :

RECOMMANDATION 5.151 :

Le Comité recommande que le ministère concerné élabore une politique globale et intégrée de programmation canadienne, assortie d'une stratégie, qui :

(a) précise les objectifs des programmes de soutien à la création, à la production, à la diffusion et à l'écoute d'émissions de télévision canadiennes;

(b) renferme un énoncé clair des objectifs culturels, des estimations réalistes de ce qu'il en coûtera pour atteindre ces objectifs et un ensemble complet de mesures de rendement;

(c) simplifie la démarche pour obtenir du financement de sorte que les diffuseurs puissent se concentrer sur la création;

(d) met l'accent sur des mesures pour faire en sorte que les émissions canadiennes soient regardées par les Canadiens et prévoit des mesures de soutien appropriées et des mesures de rendement.

Définir le contenu canadien

Les témoins qui ont comparu devant le Comité avaient des opinions divergentes à l'égard du système de points. La plupart d'entre eux comprenaient qu'il était issu d'un effort honnête pour soutenir les émissions canadiennes. Par ailleurs, bon nombre de producteurs et de réalisateurs qui utilisent ce système ont critiqué ses diverses composantes, particulièrement la nature contradictoire des exigences, l'impossibilité de l'appliquer aux différents genres, le caractère arbitraire des décisions prises, la lourdeur administrative et le sentiment que le système et les mesures d'aide fédérales ne contribuent pas à élaborer efficacement des projets.

Le système de points était à l'origine une liste de contrôle des indicateurs objectifs qui permettaient aux fonctionnaires de décider si un projet était admissible à un crédit d'impôt. Selon une des études de référence préparées à l'intention du Comité, les règles sur le contenu ne doivent pas être « une définition procédurale, indiquant la nationalité des créateurs, pas une définition de fond52 ». Toutefois, il devient clair que le système est devenu non seulement un instrument de décision quant à ce qui ou n'est pas « spécifiquement canadien » (et ce qui est valable ou non), mais aussi une structure de subvention compliquée qui ne se retrouve dans aucun autre programme culturel canadien.

En prenant un peu plus de recul, on peut voir que les problèmes que pose le système actuel sont attribuables au passage graduel vers la notion de « contenu canadien distinct » et au fait de s'imaginer qu'il est possible de déterminer celui-ci au moyen d'un système de points et des critères subjectifs administrés par les représentants de divers organismes et ministères. Cette situation s'est produite par inadvertance plutôt que par pur dessein; il est probable que le système a tout simplement accumulé de petites contradictions avec le temps, dont bon nombre ont vu le jour pour encourager le développement du secteur ou pour corriger des lacunes qui prévalaient.

On ne sait pas toutefois si les personnes concernées se sont rendues compte qu'elles avaient changé fondamentalement les règles du jeu. Par exemple, les règles actuelles limitent la poursuite de représentations ou de genres en particulier. Prenons par exemple les règles en vigueur en 2001-2002 au FCT concernant l'intrigue des émissions pour les enfants et la jeunesse.

Dans le cas des émissions destinées aux enfants de six ans et moins, les projets se situant dans des univers imaginaires non spécifiques et non identifiables obtiendront ces points. ... Les mises en scène dans des lieux imaginaires qu'on peut identifier, comme une ville étrangère en particulier, ne sont pas admissibles pour ces points53.

Ces règles ont sûrement été conçues avec les meilleures intentions, mais leurs inconvénients ressortent clairement lorsqu'on les applique à la science fiction. La science fiction est un genre qui traite en général de technologies avancées, de cultures transgalactiques ou mondiales qui ne se situent pas dans un lieu ou une époque en particulier. Star Trek par exemple traite de l'exploration de l'espace aux XXIIIe et XXIVe siècles. Les membres de l'équipage des divers vaisseaux de l'espace proviennent de la Terre et de nombreuses autres planètes fictives (p. ex. M. Spock, de Vulcain; M. Worf, un Klingon). Il serait donc difficile d'imaginer comment ces séries auraient pu être rendues « spécifiquement » (et uniformément) canadiennes en y incluant castors, montagnes et paysages canadiens.

Une autre manière de considérer le système de points, c'est d'examiner comment il s'applique aux grands films réalisés au cours du XXe siècle. Certains films se situent à une époque et dans un lieu très particuliers. À titre d'exemple, la plupart des gens s'entendent pour dire que Le Faucon maltais, Les Quatre Cents Coups, Le Cuirassé Potemkine, Les Sept Samuraïs et Mon Oncle Antoine sont dans l'ordre respectif, spécifiquement américain, français, russe, japonais et canadien.

Par contre, il est beaucoup plus difficile d'en dire autant de Lawrence d'Arabie, La Liste de Schindler, Le Septième Sceau ou Metropolis. Bien que les réalisateurs soient respectivement britannique, américain, suédois et allemand, presque personne ne soutiendrait que ces films ont un « caractère distinctif » d'un pays en particulier, ni qu'ils présentent aux citoyens de ce pays un reflet d'eux-mêmes.

Lawrence d'Arabie traite autant du désert et de la guerre que de Lawrence lui-même. La plus grande partie du film ne se déroule pas en Angleterre et ceux qui l'ont vu se rappellent la scène où un point aperçu à l'horizon prend forme lentement et révèle la présence d'un homme seul monté sur un chameau. Bien que dans la Liste de Schindler de Steven Spielberg, l'action se passe en Pologne, en Tchécoslovaquie et en Israël, il ne s'agit pas de ces pays ni de leurs citoyens, mais plutôt de la lutte contre le mal. Dans Les Sept Sceaux d'Ingmar Bergman, les personnages principaux sont un chevalier revenant des croisades et la Mort. L'action pourrait se situer au XIIIe siècle en Europe, mais elle ne se passe dans aucun pays en particulier et les personnages du film n'ont pas de nationalité spécifique. Fritz Lang a peut-être réalisé Metropolis en Allemagne, mais c'est un film de science fiction traitant de progrès scientifique, de folie meurtrière et d'une ville remplie de désespoir humain.

Ces films, dont l'action se déroule à une époque et dans un lieu précis, ne traitent pas de pays particuliers, mais de personnes n'appartenant à aucune société en particulier. Quoique Lawrence soit britannique, il se trouve à l'extérieur de l'Angleterre; Schindler est un chevalier de l'industrie qui agit contre les Nazis et personne ne jugerait important de mentionner qu'il est Tchécoslovaque d'origine. Le chevalier des Sept Sceaux et le héros de Metropolis n'ont pas de nationalité.

Si le système de points canadien existait pour ces films, aucun d'entre eux n'aurait toutefois été admissible à un financement complet54. Au mieux, ils auraient été financés indirectement en vertu de règles moins strictes (p. ex. 6 points sur 10) s'appliquant à ce qui est décrit comme « production industrielle ». Toutefois, aucune personne sensée ayant vu l'un ou l'autre de ces films les qualifierait de « production industrielle ». Comme Mme Gretha Rose le mentionnait au Comité : « Sur le plan des critères, il faut respecter ceux du FCT pour le contenu, et si je présente certaines des grandes oeuvres de Shakespeare, je suis inadmissible55 ».

On peut voir plus facilement jusqu'à quel point le système de points est devenu étrange en examinant les critères utilisés pour subventionner les talents canadiens dans d'autres disciplines. Par exemple, aucun système de points n'est utilisé pour subventionner les écrivains qui publient des poèmes, des romans, des pièces de théâtres ou des articles de magazine. L'œuvre d'un auteur canadien est simplement considéré comme canadienne si une entreprise canadienne la publie. Le texte ne doit pas porter sur le Canada, représenter le Canada, être spécifiquement canadien ou même mentionner le Canada56.

Dans le même ordre d'idées, on n'a jamais pensé suggérer qu'un enregistrement sonore doit être « spécifiquement canadien ». Les artistes canadiens enregistrent des chansons country et western, des airs hip hop, populaires ou de la musique de jazz et classique sans que personne ne se demande si le contenu est spécifiquement canadien. Ainsi, lorsque nous octroyons des subventions de recherche aux étudiants et aux chercheurs prometteurs, nous ne demandons pas s'ils produiront des résultats ou des ouvrages « spécifiquement canadiens ». De plus, contrairement à la télévision ou au cinéma, personne ne s'attend à ce que les événements présentés au festival de Stratford, par la Compagnie d'opéra canadienne et les orchestres symphoniques canadiennes soient « spécifiquement canadiens » ou qu'ils représentent « notre histoire » (même si ces groupes reçoivent beaucoup de subventions fédérales par l'entremise du Conseil des arts du Canada).

La figure 5.10 compare ces divers types de programmes d'aide avec les programmes destinés aux créateurs. Le plus frappant dans le tableau ci-dessus, c'est que tous les programmes de soutien, sauf ceux concernant la télévision et le film, ne renvoient pas à l'idée de contenu « spécifiquement canadien », ni à l'idée de recouvrement de « capital ». L'imposition d'un contenu « spécifiquement canadien » a mené à une troisième particularité : avant de décider qu'un contenu est « spécifiquement canadien », les fonctionnaires doivent faire une évaluation. Cela est étonnant car le gouvernement du Canada s'est toujours bien assuré que les fonctionnaires ne se mêlent pas de décider de la valeur d'un produit. Dans d'autres organismes subventionnaires (tels le Conseil des arts du Canada, le Conseil de recherches en sciences humaines, le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie et le Conseil de recherches médicales), ce sont des jurys composés de pairs et non les fonctionnaires qui déterminent qui ou quoi mérite une subvention. Les fonctionnaires administrent le processus, mais ne prennent pas les décisions. Les téléfilms et les longs métrages sont les seules exceptions à cette règle de longue date.

Figure 5.10 - Règles du gouvernement du Canada relatives au soutien financier

L'idée du recouvrer le capital est souvent absente dans d'autres programmes de soutien fédéraux. Les programmes de subvention des éditeurs de livres et de périodiques visent en partie à rendre plus viable l'industrie du livre et des périodiques. Si un éditeur fait un profit à la fin d'un exercice financier, on ne s'attend pas à ce qu'il en remette une partie au gouvernement. Pourquoi devrait-il le faire puisque les programmes de soutien ont pour but d'accroître la profitabilité? Puisque la production télévisuelle dans les catégories qui doivent être subventionnées (p. ex. émissions pour enfants, documentaires, dramatiques) sont si peu rentables, pourquoi y a-t-il un programme de participation au capital pour recouvrer des fonds?

La question ne se poserait pas si le programme permettait de recouvrer une bonne partie de la mise, mais ce n'est pas le cas. Selon une étude récente, le programme de participation au capital recouvre de 10 % à 12 % du capital investi57. Comme les auteurs de l'étude le soulignent :

Actuellement, le recouvrement du PPC se situe en moyenne entre 10 et 12 % du financement annuel du programme. Il s'agit d'un pourcentage très bas pour un programme qui, en théorie, est sensé générer au moins certains montants d'argent pour les réinvestir dans l'industrie. Ce faible taux de rendement nous mène à croire que le processus de recouvrement est artificiel et sert à justifier le financement de projets qui sont jugés culturellement ou artistiquement valables, mais qui ne seront pas nécessairement rentables un jour58.

Pourquoi alors faire une distinction dans la programmation télévisée canadienne si nous n'en faisons pas à l'égard des chansons, des poèmes, des romans, de la recherche ou des performances athlétiques? Et pourquoi la télévision et le film font-ils exception?

Il peut y avoir au moins quatre raisons. Premièrement, la réalisation d'un film dramatique ou d'une série télévisée de haute qualité coûte très cher et, par conséquent, on souhaite naturellement conserver le plus possible l'investissement au Canada. Deuxièmement, il est indéniable que « nos récits » sont importants et qu'ils doivent être racontés; en partie pour des raisons d'intérêt public, concept qui a été reconnu dès l'époque de la Commission Aird et en partie parce qu'un pays dont les récits ne sont pas racontés serait un pays étrange. Troisièmement, il se peut que la dramatique télévisée ait acquis une forme d'importance culturelle qui ne s'applique pas à d'autres domaines de création parce qu'elle joint un auditoire beaucoup plus grand. Et quatrièmement, la dramatique est historiquement le genre de loin le plus écouté en nombre d'heures.

Bien que la logique sous-tendant les raisons citées ci-haut puisse sembler compréhensible, cela n'explique pas pourquoi nous récompensons les
récits « spécifiquement canadiens » plutôt que les récits racontés par les Canadiens pour les Canadiens. Prenons par exemple le film inspiré du livre Never Cry Wolf de Farley Mowat. Bien qu'il s'inspire d'un livre d'un auteur canadien à succès, ce film n'est pas considéré comme étant « à contenu canadien » par aucune des mesures fédérales existantes. Il en est de même de The English Patient de Michael Ondaatje, un roman et un film qui ont remporté un succès international, mais qui n'est pas admissible comme oeuvre canadienne même s'il s'agit d'un récit canadien, comportant beaucoup d'éléments manifestement canadiens et ayant remporté neuf oscars.

Bref, les règles qui servent à déterminer le contenu canadien sont si complexes qu'elles défient toute description ou explication facile. Elles sont contradictoires, donnent des résultats absurdes et n'ont pas de sens sur le plan de la création. L'on comprend alors mieux pourquoi tant de témoins utilisent des termes comme « absurde, sans dessus dessous et fouillis » pour qualifier le système de points servant à mesurer le contenu canadien.

Par conséquent, le Comité est d'avis que le système de points existant qui sert à certifier les productions canadiennes favorise, quoique d'une manière indirecte, un mode non rentable de fonctionnement à l'égard de la création de certaines émissions de télévision canadiennes. Et l'idée de « production industrielle » par opposition à production « spécifiquement canadienne » perpétue la confusion. L'utilisation du mot « industriel » dans le contexte de la télévision est péjorative et vise à véhiculer l'idée qu'une production canadienne « industrielle » a en quelque sorte moins de valeur qu'une production « spécifiquement canadienne ».

Le Comité est aussi d'avis qu'il faut revoir les diverses définitions du « contenu canadien » qu'utilisent actuellement les décideurs de notre système de radiodiffusion. Le Comité a entendu tellement de témoignages à l'échelle du Canada selon lesquels la bureaucratie actuelle empêche trop souvent les créateurs de créer.

Le Comité est d'avis que le système serait plus simple pour tous si la définition de « contenu canadien » supposait qu'une production réalisée par des Canadiens est canadienne. En outre, selon le Comité, il faudrait faire preuve de plus de souplesse en reconnaissant les différents genres d'émissions. Ainsi, le type et le nombre de créateurs varient en général d'un genre de production à l'autre et ne sont pas toujours applicables, ni exigés, dans certaines catégories; de tels critères rigides ne sont pas pratiques. En outre, d'après les données fournies au Comité, alors que 89,7 % des 1 073 productions certifiées par le BCPAC dans la catégorie des dramatiques ont été basées sur 10 points en 2001, il y en a eu à peine 5,4 % dans le cas des 1 860 documentaires. Une uniformisation des règles s'impose nettement.

Considérant cela :

RECOMMANDATION 5.2 :

Le Comité recommande qu'on revoie le système de points actuellement en usage pour la certification, le financement et la production d'émissions canadiennes de façon à reconnaître :

(a) les différences importantes entre les genres (p. ex. dramatiques, documentaires et animation);

(b) la nationalité des auteurs, des réalisateurs, des artistes et des techniciens;

(c) l'effort pour atteindre des objectifs culturels;

(d) l'importance de s'assurer que le contenu canadien atteint ses auditoires.

De plus :

RECOMMANDATION 5.3 :

Pour assurer l'uniformité et la cohérence, le Comité recommande qu'il appartienne à un organisme central responsable de l'administration de la certification du contenu canadien de prendre toute décision concernant le contenu canadien.

Pour qu'un tel système fonctionne, il faudrait faire davantage confiance aux créateurs et permettre aux créateurs du Canada de s'adonner à ce
à quoi ils excellent — créer. Comme ce comité l'a indiqué dans son rapport sur la politique culturelle de 1999, Appartenance et identité : « Le gouvernement du Canada ne peut pas créer une oeuvre d'art, mais il peut faire beaucoup pour encourager les créateurs et les visionnaires qui, à leur tour, feront cadeau au Canada d'une culture vivante que tous les Canadiens et Canadiennes pourront apprécier, préserver et partager avec le monde entier »60.

De plus, comme il ressort du présent chapitre, la politique existante n'a pas vraiment réussi à augmenter la cote d'écoute des dramatiques canadiennes de langue anglaise. La réglementation peut garantir l'accessibilité à des dramatiques canadiennes; les subventions peuvent en garantir la production, voire dans une certaine mesure, la promotion; mais, à moins de changements majeurs, il sera très difficile d'augmenter sensiblement l'écoute. Il est donc essentiel d'améliorer de beaucoup le système de mesure pour déterminer les conditions et les temps d'écoute des émissions canadiennes. C'est pourquoi :

RECOMMANDATION 5.4 :

Le Comité recommande qu'un identificateur distinctif soit attribué à chaque émission canadienne pour en faciliter le suivi : investissements, promotion, mesures éventuelles de rendement (p. ex. cotes d'écoute).

Crédits d'impôt et Financement direct

Crédits d'impôt

Les principaux problèmes soulevés par les témoins concernant le système de crédits d'impôt avaient trait aux définitions du contenu canadien et à la façon dont les critères de financement et les crédits d'impôt provinciaux sont venus compliquer le système fédéral. La plupart conviennent toutefois que le système de crédits d'impôt dans sa forme actuelle est un instrument d'aide important pour la production d'émissions de télévision canadienne. Une de ses caractéristiques les plus intéressantes, c'est qu'il est entièrement objectif. S'il était assoupli (p. ex. s'il reconnaissait les différences entre les genres), le Comité croit qu'il pourrait devenir un instrument encore plus efficace pour soutenir la production de contenu canadien. C'est pourquoi le Comité est d'avis qu'il faudrait étudier l'incidence du système actuel. Par conséquent :

RECOMMANDATION 5.5 :

Le Comité recommande que le ministère concerné évalue le système de crédits d'impôt actuel qui soutient la programmation télévisuelle canadienne afin de trouver des moyens pour améliorer la façon dont l'aide est gérée et fournie aux producteurs canadiens indépendants.

De plus :

RECOMMANDATION 5.6 :

Le Comité recommande que le ministère concerné étudie la possibilité d'assouplir le système de crédits d'impôt pour les productions télévisuelles canadiennes (p. ex. niveau d'aide qui augmente en fonction de la participation accrue de créateurs canadiens).

Financement direct

Comme il est souvent mentionné dans le présent chapitre, le Comité a entendu une litanie de plaintes concernant la manière dont le Fonds canadien de télévision (FCT) et Téléfilm Canada interprètent et s'acquittent de leur mandat. Le Comité a aussi appris avec quelle confusion et quelle lourdeur Téléfilm administre le Programme de participation au capital pour le compte du Fonds canadien de télévision.

Les émissions produites pour la télévision comptent pour plus de 60 % de la valeur totale de l'industrie audiovisuelle (film et télévision) au Canada. Si on exclut les tournages à l'étranger, la télévision occupe alors une part encore plus importante dans l'industrie. Étant donné l'importance de la production d'émissions de télévision sur le plan tant culturel qu'industriel (comme l'emploi de Canadiens), il est étonnant que la structure de gestion du FCT soit aussi complexe. Des témoins ont souligné ce point de diverses façons. Ils ont parlé en particulier du processus d'approbation long et complexe, des objectifs contradictoires et de la composition du conseil d'administration du FCT.

Un examen du FCT, rendu public en 2000, aborde — malgré quelques commentaires controversés — la question de la structure et de l'organisation du FCT. On y indique plus précisément qu'il faudrait en simplifier la structure de gestion et que le FCT ne devrait pas rendre des comptes et à son propre conseil d'administration et à celui de Téléfilm. Il ressortait aussi de l'examen que le FCT et Téléfilm n'ont pas les mêmes objectifs et qu'il faudrait clarifier ce qu'on attend du FCT. Exemple d'objectifs contradictoires, le double objectif culturel qui vise à soutenir des émissions de qualité qui attireront plus de téléspectateurs et accroître la production régionale. Les auteurs concluent :

Le gouvernement n'a pas établi les priorités de ses objectifs. Avec le temps, l'orientation a été d'essayer de réaliser plusieurs priorités tout en soutenant la production d'émissions spécifiquement canadiennes. On ne peut dire avec certitude si cela a été le résultat de la nécessité de rationaliser l'affectation des rares ressources, d'une reconnaissance que le financement ne peut être justifié que pour des motifs culturels, ou parce que le soutien de productions spécifiquement canadiennes est en réalité une priorité de premier plan61.

Les priorités des programmes sont souvent contradictoires, mais la confusion dans les objectifs et la gestion du FCT n'a rien d'encourageant. Produire des émissions canadiennes de haute qualité en français et en anglais a toujours été et restera dans le proche avenir un dur défi à relever. Selon le Comité, il faut clarifier les divers éléments d'ambiguïté et de confusion concernant les objectifs des divers organismes de soutien à l'atteinte des objectifs de la Loi sur la radiodiffusion. Le Comité sait bien que le FCT est un partenariat privé-public et non un organisme d'État. Cependant, il est d'avis qu'il faut éliminer toute confusion dans le mandat et la gestion du FCT. Par conséquent :

RECOMMANDATION 5.7 :

Le Comité recommande que les mandats du Fonds canadien de télévision (FCT) et Téléfilm Canada soit examinés et redéfinis de façon à séparer clairement les responsabilités et, si nécessaire, à favoriser la synergie là où les responsabilités doivent être partagées. Cet examen devrait tenir compte de propositions concernant la bonne gestion du FCT.

De plus, pour donner suite aux recommandations qui précèdent, il faudra modifier grandement le mandat et le fonctionnement des deux organismes. À cette fin :

RECOMMANDATION 5.8 :

Le Comité recommande que le ministère du Patrimoine canadien étudie des moyens pour rendre plus efficace l'administration du FCT et de Téléfilm Canada, notamment par l'adoption de mécanismes permettant de centraliser et d'harmoniser le traitement des demandes, et de réduire la paperasse.

RECOMMANDATION 5.9 :

Le Comité recommande que le Programme de participation au capital (PPC) visant la programmation télévisuelle soit évalué afin de déterminer les coûts et les avantages de la présente approche.

Le Comité souligne aussi que le Fonds canadien de télévision, malgré les problèmes qui s'y rattachent, est devenu un instrument clé dans le financement de nombreuses productions canadiennes. En effet, dans son étude sur le Fonds, Mme Catherine Murray conclut que, de tous les instruments de financement visant à promouvoir la production canadienne, c'est le FCT qui, par ses objectifs, est le plus axé sur la culture62. Les témoins ont souligné que souvent le manque de clarté des intentions du gouvernement à l'égard du FCT, nui à la planification et aux investissements.

Il importe selon le Comité de stabiliser l'aide financière et le soutien à la télévision communautaire pour éviter les fluctuations annuelles dues aux décisions prises par les câblodistributeurs canadiens. Plus précisément, pour assurer un financement stable, il faut clarifier la disposition actuelle du CRTC qui permet à un câblodistributeur de décider de la répartition de ses contributions annuelles à la télévision communautaire et aux fonds pour la programmation canadienne (voir le chapitre 9).

C'est pourquoi le Comité est d'avis que le FCT, une fois repensé, devrait pouvoir compter sur un financement accru et stable.

RECOMMANDATION 5.10 :

Le Comité recommande que le Fonds canadien de télévision soit reconnu par le gouvernement comme une composante essentielle du système canadien de radiodiffusion. Cette reconnaissance doit s'accompagner d'un financement à long terme stable et plus élevé. Il faudrait transmettre au CRTC une directive obligeant les titulaires de licences, sauf les petits câblodistributeurs, à contribuer au FCT.

Promotion de la programmation canadienne et suivi des résultats

Comme il a été mentionné aux chapitres 3 et 4 (et comme nous le verrons dans le chapitre 12), la transition au numérique modifiera en profondeur la façon dont nous utiliserons le système pour promouvoir l'écoute d'émissions canadiennes. La réglementation actuelle favorise l'écoute de contenu canadien en établissant des exigences de diffusion hebdomadaire, notamment la diffusion « d'émissions prioritaires » pendant les heures de grande écoute.

Il est toutefois clair que la transition à la diffusion et à la distribution en numérique permettra de plus en plus aux téléspectateurs de rechercher et de télécharger des émissions à partir de réseaux de télévision, de réseaux de PVR (enregistreur vidéo personnel) ou d'Internet. C'est pourquoi les quotas de diffusion n'auront pas l'effet escompté et, la réglementation de la diffusion durant les heures de grande écoute sera donc moins efficace et moins utile. Par conséquent :

RECOMMANDATION 5.11 :

Le Comité recommande que le gouvernement songe à établir des objectifs précis pour l'ensemble de ses politiques et programmes concernant le contenu canadien et que les organismes et ministères concernés rendent annuellement compte au Parlement de l'atteinte de ces objectifs.

Reconnaissant la complexité de la situation de la radiodiffusion et l'importance d'examiner en temps opportun les modifications apportées aux politiques et aux programmes, le Comité est convaincu qu'il faut plus d'évaluations en profondeur et en temps opportun des modifications apportées.

RECOMMANDATION 5.12 :

Le Comité recommande que toutes les modifications apportées aux politiques et aux programmes concernant le contenu canadien soient évaluées aux deux ans.

La politique télévisuelle de 1999 du CRTC

Une question a gravement préoccupé la plupart des témoins qui ont comparu devant le Comité; il s'agit des conséquences, telles que perçues, de la politique télévisuelle de 1999 du CRTC et, plus précisément, sa notion révisée de programmation prioritaire. En effet, pour bien des artistes, créateurs et producteurs indépendants canadiens, la programmation télévisuelle canadienne de langue anglaise est en état de crise. C'est ce qu'a soutenu Mme Murray.

Le déclin des séries dramatiques télévisuelles canadiennes anglaises (de 12 à 5, selon l'ACTRA) dénote une crise selon ce que rapportait les médias de l'industrie à l'été 200263.

De plus, bien des témoins étaient d'avis que la disparition de dramatiques et de comédies spécifiquement canadiennes des écrans de télévision du pays était attribuable à la plus grande souplesse que le CRTC a accordée aux diffuseurs privés dans sa politique de 1999. Ainsi, certains ont prétendu que la politique du CRTC permet aux diffuseurs de présenter des émissions canadiennes aux heures de faible écoute et de compléter leur grilles avec des reprises. De plus, d'autres ont indiqué que la nouvelle politique des émissions prioritaires permet maintenant aux diffuseurs d'acheter ou de produire beaucoup moins de dramatiques au profit d'émissions canadiennes meilleur marché, tels des télé-témoignages. Selon Mme Murray, les grilles d'automne 2002 de CTV et de CanWest Global ne proposent qu'une série canadienne chacune durant les heures de grande écoute64. Et d'ajouter :

Le CRTC a refusé de revoir sa récente décision concernant la politique télévisuelle tant décriée. On a tôt fait de constater que la politique avait pour effet de saper la demande pour une production à contenu canadien élevé. Renversement apparent de la tendance, avec peu ou pas de coordination avec les autres organismes travaillant dans le domaine, la décision a eu un effet considérable65.

Dans la même veine, notons toutefois l'absence de données pour corroborer les dires des témoins. Comme M. David Keeble l'a dit dans un document préparé pour le Comité :

... quand on examine les statistiques sur l'écoute, il n'est pas évident pour le téléspectateur que l'effet sur le système est important. De 1999 à 2001, l'écoute de dramatiques canadiennes a diminué, mais pas énormément; l'écoute de « l'autre » catégorie a augmenté, et celle de la musique et des variétés est restée stable. Il n'est pas certain que le téléspectateur ait remarqué la diminution des dramatiques canadiennes durant cette période, même si c'est le cas de l'industriel66.

De même, le CRTC est d'avis qu'il est trop tôt pour évaluer l'incidence de la politique, mais que :

Dans ses décisions de renouvellement de licences, le Conseil a indiqué qu'il surveillerait et évaluerait les pratiques d'horaires pour les émissions prioritaires canadiennes et les niveaux d'auditoire qu'elles attirent, afin de vérifier si les objectifs de la politique télévisuelle sont atteints67.

Cela dit, le CRTC a commandé à Mme Trina McQueen une étude sur la situation des dramatiques de langue anglaise au Canada. Un des mémoires qu'elle a reçus a fait beaucoup de bruit. Il s'agit de celui de la Canadian Coalition of Audio-Visual Unions (CCAU) qui prétend qu'il y a deux problèmes dans la politique télévisuelle du CRTC : d'abord, la proportion d'émissions prioritaires autres que les dramatiques augmente; puis, les diffuseurs relèguent ces émissions à des heures ou des périodes de l'année de faible écoute.

Le Comité souligne que le mémoire présenté par la Coalition à Mme McQueen est important pour deux raisons. D'abord, il révèle à quel point les créateurs canadiens sont dans l'ensemble profondément perturbés par les effets qu'ils ont ressentis durant le peu de temps depuis que le CRTC a adopté sa nouvelle politique. Ensuite, il dénote le besoin de données plus complètes sur la programmation et la diffusion68.

Le Comité est fort préoccupé par ce qu'il a entendu des témoins concernant des éléments précis de la politique télévisuelle du Conseil. Selon lui, une politique et une réglementation efficaces revêtent une importance cruciale pour la bonne marche du système de radiodiffusion au Canada. Par conséquent, le Comité conclut qu'il faut agir sans délai pour mieux comprendre en quoi la nouvelle politique du Conseil influe sur la production, la programmation et la diffusion des émissions de télévision canadiennes. À cette fin :

RECOMMANDATION 5.13 :

Le Comité recommande que le CRTC reçoive, par décret, la directive de revoir sa politique de 1999 afin de favoriser la diffusion d'émissions prioritaires durant les heures de grande écoute.

H. Conclusion

Produire des émissions de télévision canadiennes de haute qualité est un défi qui se pose depuis les années 1950. Face à cette réalité, le Comité est d'avis qu'il est essentiel d'élaborer des politiques cohérentes de production et de diffusion d'émissions de télévision canadiennes, tels des dramatiques, des documentaires et des émissions pour enfants. Le Canada est un petit marché divisé en deux marchés plus petits (anglais et français), et la production d'émissions télévisuelles de qualité coûtent très cher. Étant donné les défis à relever, nous avons fort bien réussi. Ainsi, comme bien des témoins l'ont dit devant le Comité, nos émissions françaises et anglaises pour enfants ont du succès ici et à l'étranger.

Selon le Comité, le principal défi consistera à nous concentrer de manière plus cohérente sur les objectifs que nous nous sommes fixés pour le système de radiodiffusion et sur la conception de mesures de soutien mises en place pour atteindre ces objectifs. Il faut absolument qu'il y ait des programmes efficaces et efficients de soutien à la programmation télévisuelle canadienne et il faut prendre grand soin de s'assurer que de tels programmes sont en place, qu'il sont bien gérés et qu'ils disposent de fonds suffisants. L'avenir sera difficile, mais le Comité ne voit pas pourquoi les producteurs et les diffuseurs canadiens ne pourraient miser sur leurs succès actuels et continuer de produire des émissions de télévision que les Canadiens voudront regarder avec fierté.

Notes en fin de chapitre

1Rapport d'examen du Fonds canadien de télévision, Patrimoine canadien, Direction générale des examens ministériels, ministère du Patrimoine canadien, mars 2000, page 42 de l'anglais.
2Avis public CRTC 1999-97.
3Ibid.
4Avis public CRTC 1999-205.
5Avis public CRTC 1999-97.
6Ibid.
7Ibid.
8Ibid.
9Ibid.
10Ibid.
11Ibid.
12Ibid.
13Ibid.
14Ibid.
15Et, ce qui est intéressant, la radiodiffusion a été un dossier préoccupant avant ceux du théâtre, des musées, des revues, du film et du livre.
16Un court historique des politiques régissant le contenu canadien est présentée à l'annexe 8.
17Board of Broadcast Governors, Annual Report of the Board of Broadcast Governors.
30 juin 1960, p. 23.
18Andrew Stewart et William H.N. Hull, Canadian Television Policy and the Board of Broadcast Governors: 1958-1968 (Edmonton, University of Alberta Press, 1999) p. 35.
19Ibid., p. 30-31.
20Ibid., p. 41.
21Paul Rutherford, The Making of the Canadian Media (Toronto, McGraw-Hill, 1978), p. 114.
22Réunion du Comité permanent du Patrimoine canadien, 7 mai 2002.
23Certaines chaînes spécialisées, telles A&E, sont diffusées par des sociétés de communication par câble et par satellite, de sorte qu'il ne serait pas pratique de vendre des droits canadiens pour des émissions diffusées sur ces chaînes.
24http://www.onf.ca
25Il s'agit des organismes suivants : Newfoundland & Labrador Film Development Corporation, Film Nouveau-Brunswick, Nova Scotia Film Development Corporation, Technology PEI, Société de développement des entreprises culturelles, Ontario Media Development Corporation, Manitoba Film & Sound, Saskatchewan Film & Video Development Corporation, Alberta Film, North West Territories Film Commission, British Columbia Film et Yukon Film Commission.
26Pour qui ne les connaît pas, leurs prénoms sont Maurice, Jean et Gaétan; Yvon, Dominique et Jean.
27Rapport de la Commission royale sur la radiodiffusion (Commission Fowler) (Ottawa, Imprimeur de la Reine, 1957), p. 66.
28Chiffres du FCT pour 2001-2002, cités en page 40 de More Money Blues du Dr Catherine Murray. More Money Blues: Review of Financial Support for Canadian Television Production. Document préparé pour le Comité permanent du patrimoine canadien, 31 août 2002.
29Alliance/Atlantis connaît du succès à la télévision réseau américaine avec sa série et sa dérivée, CSI. À noter toutefois que le projet pilote de CSI a été produit par Disney, qui s'est retiré du projet, après quoi il a été cédé à Alliance par le réseau, de sorte que ce n'est pas la société canadienne qui en a assumé le risque.
30Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 27 novembre 2001.
31Toutes les estimations sont en dollars US.
32Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 21 mars 2002.
33Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 19 mars 2002.
34Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 9 mai 2002.
35Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 27 novembre 2001.
36Sonya Jampolsky, présidente, Nova Scotia Film & Television Producers Association, réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 30 avril 2001.
37Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 30 avril 2001.
38Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 28 février 2002.
39Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 1er mai 2002.
40Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien. 29 novembre 2001.
41Ibid.
42Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 30 avril 2001.
43Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 28 février 2002.
44Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 29 novembre 2001.
45Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 30 avril 2001.
46Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 1er mai 2002.
47Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 28 février 2002.
48David Keeble, Canadian Content in the Digital Transition, préparé pour le Comité permanent du patrimoine canadien, septembre 2002, p. 9.
49Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 21 mai 2002.
50Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 7 mai 2002.
51L'expression « ministère concerné » revient dans plusieurs recommandations du rapport. La raison en est que, dans la recommandation 19.1, nous enjoignons le gouvernement d'envisager la création d'un ministère des communications ayant pour mandat de soutenir les secteurs de la radiodiffusion, des télécommunications et de la culture.
52Catherine Murray, p. 20.
53www.fondscanadiendetele.ca
54Le Fonds du long métrage du Canada (FLMC) créé en 2000 « soutient les longs métrages qui obtiennent au moins 8 points sur 10 selon le barème du BCPAC et donne la priorité aux projets comportant des éléments créateurs importants, notamment des sujets, des thèmes, des artistes et des techniciens canadiens ».
55Réunion du Comité permanent du patrimoine canadien, 1er mai 2002.
56Deux exemples illustrent bien cette question : 1) Si un Canadien en voyage au Kenya rédige un article de magazine sur la santé dans ce pays pendant son séjour et si l'article est publié dans un magazine canadien, le contenu rédactionnel de cet article est réputé canadien. (2) L'écrivain Rohinton Mistry a immigré au Canada et a ensuite écrit un roman intitulé A Fine Balance, dont l'action se déroule en Inde. Ce roman ne décrit ni ne mentionne le Canada, mais s'il est publié par un éditeur canadien, il est classé dans la catégorie titre d'auteur canadien.
57Rapport d'examen du Fonds canadien de télévision, p. 104.
58Ibid.
59Mémoire présenté lors de l'Examen du contenu canadien des productions cinématographiques et télévisuelles (Le contenu canadien au XXIe siècle), www.pch.gc.ca
60Appartenance et identité : L'évolution du rôle du gouvernement fédéral pour soutenir la culture au Canada, rapport du Comité permanent du patrimoine canadien (Ottawa, Chambre des communes, 1999).
61Rapport d'examen du Fonds canadien de télévision.
62Catherine Murray, More Money Blues: Review of Financial Support for Canadian Television Production, préparé pour le Comité permanent du patrimoine canadien, 31 août 2002, p. 23.
63Ibid., p. 6.
64Ibid., p. 6.
65Ibid., p. 43.
66Keeble, p. 10-11.
67Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, Rapport de surveillance de la politique sur la radiodiffusion 2002, p. 53.
68L'analyse de la CCAU sur la diffusion des émissions est fondée sur un échantillon de trois grands diffuseurs canadiens de la région de Toronto-Hamilton et brosse au mieux un tableau incomplet de ce qui se passe au Canada.
  

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Constellation des vedettes du Québec

Radio-Canada à Montréal, ainsi que les diffuseurs privés du Québec, ont soutenu et soutiennent toujours un vedettariat florissant.

L'évolution de la radiodiffusion et de la télédiffusion au Québec, comme dans d'autres régions du pays, est complexe et se fait sur plusieurs plans : techniques de communication de pointe, publicité et budgets, producteurs et équipes techniques, créateurs et artistes de la scène. Néanmoins, c'est le rôle central joué par les artistes, surtout les artistes de la scène et les auteurs, dans le développement de la radiodiffusion au Québec qui est remarquable et probablement unique au Canada, et nous pouvons conclure que les cotes d'écoute élevées obtenues par les émissions françaises d'ici sont étroitement liées à l'identification, à l'encouragement et à la promotion de vedettes populaires et bien connues dans les secteurs de la radiodiffusion et du divertissement au Québec.

Une étude du dernier demi-siècle de programmation télévisuelle au Québec confirme clairement le rôle essentiel que les vedettes populaires au Canada français ont joué dans la viabilité et la popularité de cette programmation. Souvent, c'est l'émission qui a lancé une vedette (Marina Orsini dans Les Filles de Caleb), ou encore, c'est la vedette qui a lancé l'émission (Olivier Guimond dans Cré Basile). Or, pendant un demi-siècle d'évolution et de croissance, la naissance, le maintien et la célébration des vedettes ont été des constantes dans les secteurs de la radiodiffusion et du divertissement au Québec. Autre point intéressant, on pourrait affirmer qu'un phénomène semblable s'est produit au festival de Stratford durant la même période, et encore, le rôle des artistes qui y ont été et y sont toujours adulés a été déterminant dans le succès du festival. En effet, la plupart, sinon la totalité, des vedettes principales du festival sont des artistes de la scène reconnues ici et à l'étranger.

Au fil des ans, une symbiose s'est installée entre le public québécois et les artistes et auteurs qui le divertissent. Ce lien va bien au-delà de l'admiration et de la satisfaction. Il faudrait plutôt parler ici d'une histoire d'amour et d'une célébration continues entre le public et ses artistes. La relation est à la fois dynamique et interactive : l'artiste fait vivre une époque et un lieu que tous peuvent partager et, en retour, le public écoute ce que les artistes ont à dire et célèbre leurs succès.

En effet, il y a lieu d'établir un parallèle entre l'adulation que voue le public québécois à ses idoles du sport, tels Richard, Béliveau et Boucher, et celle que lui inspire ses artistes, tels Deschamps, Michel et Lapointe27. Le public québécois adule autant ses artistes de la scène et de l'écran que ses idoles du hockey. Dans un contexte national, ce phénomène est sans doute aussi unique à la province de Québec.

L'économie de la production de dramatiques

L'industrie de la production d'émissions américaines de télévision est toujours prête à investir des sommes énormes dans la réalisation et le pilotage d'une seule heure de dramatique ou de comédie malgré des chances de succès très faibles. Le facteur de risque est évalué en général à dix émissions pilotes pour une acceptée — et bien d'autres émissions basées sur des concepts et des scripts de qualité n'atteignent jamais l'étape pilote. Enfin, bien des émissions diffusées ne durent pas un an.

C'est cette volonté d'accepter de subir de lourdes pertes pour une seule émission à succès qui empêchent tant les producteurs d'ici de rivaliser. Une dramatique pilote américaine coûterait plus de 5 millions de dollars US, et les coûts courants seraient d'environ la moitié de ce montant (sans oublier que les coûts sont variables dans ce domaine — et qu'ils grimpent les saisons suivantes si l'émission est un succès, alors que les vedettes renégocient leur contrat).

La production de dramatiques/comédies anglaises étant financée à hauteur de 191 millions de dollars canadiens28, toutes sources confondues, nous pourrions, si nous adoptions le modèle américain, produire 10 émissions pilotes et 2 séries d'une durée totale de quelque 36 heures par année. Il est évident que le Canada ne joue pas dans la même ligue. Le Fonds canadien de télévision ne peut subventionner suffisamment d'épisodes ou de séries pour influer vraiment sur l'écoute.

La machine de production américaine peut générer un tel niveau d'investissement à risque parce que le marché mondial des dramatiques et des comédies américaines est si grand que, lorsqu'une émission est un succès, elle produit en effet d'énormes recettes. Si elle dure assez longtemps pour passer en reprise sous licence, comme ce fut le cas de Cheers, Seinfeld et les Simpsons, elle peut être rentable pendant plus d'une décennie.

Il est théoriquement possible qu'une série d'un autre pays connaisse ce genre de succès. Bien sûr, des séries tournées au Canada ont eu un très grand succès, mais les investissements, les acteurs, les scripts, les décors imposants étaient américains34.

Que faudrait-il pour qu'une série dramatique produite à partir d'idées originales, du génie créateur et de fonds canadiens soit un succès international?

La plupart des ingrédients sont là. Nous ne manquons pas d'artisans. Et Hollywood regorge de vedettes et d'écrivains canadiens-anglais. Il est un peu faux de dire qu'il n'y a pas au Canada anglais de « vedettariat » comme au Québec. Il y en a un, mais les vedettes, lorsqu'elles ont du talent, poursuivent souvent leur carrière à New York ou à Los Angeles plutôt qu'à Toronto ou Montréal.

Le premier ingrédient qui fait défaut au Canada, c'est le capital de risque comme aux États-Unis. Et ce n'est probablement pas un secteur où la politique gouvernementale peut être utile; radier neuf investissements dans l'espoir d'obtenir un seul succès n'est pas une pratique commerciale bien conforme au principe de la reddition de comptes publics. Radier des sociétés de production en entier — celles qui ne produisent pas de succès — serait aussi inacceptable. Dans un régime de subvention, tous les producteurs réussissent en général à survivre et à faire un profit modeste mais suffisant.

Le deuxième ingrédient qui fait défaut, c'est — ou cela semble être — des textes originaux canadiens capables de devenir des succès internationaux. Le FCT est un instrument de politique culturelle qui vise à sensibiliser les Canadiens à leurs propres idées et à leurs propres réalités. L'importance des sommes dont il dispose se justifie du fait que le produit contiendra des éléments « spécifiquement » canadiens, des particularités dans l'intrigue ou le décor qui le rendront plus assimilable à une expérience canadienne qu'à d'autres.

Bien sûr, le marché américain est rarement réceptif aux émissions à caractère étranger. Et il est impossible de convaincre des investisseurs de risquer des sommes importantes dans une émission peu accrocheuse pour le marché américain. En général, on est d'avis que, pour réaliser un projet uniquement à partir de ressources canadiennes, il faut en fait produire une émission américaine. Mais, même si c'était le cas, il n'est pas certain que notre industrie pourrait maintenir le niveau de risque et d'échec qui caractérise le modèle américain.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le Contenu canadien au XXIe siècle

Environ un an après que le Comité permanent du patrimoine canadien a commencé son étude du système de radiodiffusion canadien, la ministre du Patrimoine canadien a entrepris un examen distinct du contenu canadien au XXIe siècle que devait présider l'ancien chef de Téléfilm Canada, M. François Macerola.

Le Comité a passé en revue les mémoires présentés dans le cadre de l'étude de M. Macerola dans la préparation du présent rapport. Ces mémoires soulèvent dans une large mesure les mêmes questions et font valoir la même diversité de points de vue que le Comité a entendus au cours de ses audiences sur le système canadien de radiodiffusion. Quelques mémoires font valoir que le système fonctionne et qu'il devrait rester en place dans une large mesure, d'autres proposent d'accroître le nombre de points nécessaires pour obtenir une subvention, tandis que d'autres encore présentent des raisons pour changer le système dans son ensemble.

Deux raisons sont données pour apporter un changement de fond. Premièrement, comme l'a fait remarquer M. Christopher Maule, les conditions qui ont mené à la création du système de points et les diverses règles n'existent plus. Deuxièmement, le système est devenu de plus en plus complexe (autant les règles que la structure administrative) à un point tel qu'il ne fonctionne plus très bien.

Au moment de la création du système, il y avait très peu de production indépendante de quelque sorte que ce soit au Canada. Toutefois, aujourd'hui, il existe au Canada un secteur de production indépendant dynamique qui est de plus en plus concurrentiel à l'échelle internationale (particulièrement dans les domaines des documentaires et des récits pour enfants). Nombreuses sont les personnes qui reconnaissent la nécessité d'être concurrentiel à l'échelle internationale (selon les deux études), mais d'autres croient que le système de règles est devenu trop complexe et trop rigide et que, par conséquent, il est très difficile de s'y retrouver. Comme M. Maule le fait remarquer dans son mémoire :

Les règles relatives au contenu canadien ont été mises en place à une époque où les conditions entourant la production cinématographique et magnétoscopique canadienne et le système canadien de radiodiffusion étaient très différentes de celles qui prévalent aujourd'hui. Avec le temps, leur administration a exigé de plus en plus de qualification et d'interprétations pour permettre de déterminer ce qui constituait un contenu canadien; l'importance des dépenses comme facteur déterminant; la façon dont les règles doivent être appliquées aux divers genres d'émissions; la façon dont elles doivent s'appliquer aux diverses périodes; la façon dont les coproductions et les coentreprises doivent être traitées; la façon dont la politique interagit avec d'autres politiques, comme les subventions, la radiodiffusion publique et les restrictions relatives à la propriété étrangère et la façon dont ces mesures peuvent être perçues dans le cadre d'accords commerciaux internationaux. Maintenant, la politique manque de transparence, cause des frictions commerciales et son efficacité est limitée si on en juge par le niveau d'écoute59.

Dans le même ordre d'idées, une autre présentation décrit les règles sur le contenu et leur évolution au sein du Fonds canadien de télévision comme suit : « ... Le fonds a été orchestré socialement avec minutie. Il en résulte un système de subvention national compliqué, frustrant et déroutant. [...] Les problèmes du FCT ne viennent pas de gens mal intentionnés. [...] En tentant d'être tout pour tous — juste, inclusif, objectif, adapté — il a été trop loin et a perdu en souplesse. »

Bref, les mémoires présentés dans le cadre de l'étude Macerola sur le contenu canadien font écho à ce que le Comité permanent a entendu. Il n'y a pas de suggestion surprenante ni de solution proposée et il n'y a pas de consensus sur une solution simple.