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HUMA Rapport du Comité

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L’alphabétisation des adultes est une activité de longue date au Canada puisqu’elle remonte au début du siècle dernier. Le Canadian Reading Camp Movement, créé en 1899 (et devenu en 1922 le Collège Frontière), envoyait des étudiants d’université en pleine nature pour enseigner à lire et à écrire à des manœuvres, principalement des bûcherons et des mineurs1. Le gouvernement fédéral reconnaît depuis longtemps l’importance de l’alphabétisation des adultes même s’il n’a jamais pris les devants dans ce domaine. Il s’est engagé le 1er octobre 1986, dans le discours du Trône, à collaborer «  à la mise au point de mesures qui permettront aux Canadiens d’acquérir le degré d’alphabétisme nécessaire pour bénéficier pleinement des avantages d’une société avancée2  ». Le Secrétariat national à l’alphabétisation a été créé l’année suivante. Cependant, malgré les efforts du Secrétariat et les milliers de partenariats fructueux qu’il a permis de créer, le problème de sous-alphabétisation persiste au Canada.

Selon les témoignages recueillis, plus de 70 % de tous les nouveaux emplois créés d’ici 2004 exigeront une forme quelconque d’éducation postsecondaire, et les compétences nécessaires sur le marché du travail canadien ne cesseront de croître au cours des prochaines années. Nous savons aussi que la main-d’œuvre active vieillit et qu’elle augmente plus lentement. En outre, plus de la moitié des gens qui formeront la population active en 2015 sont déjà sur le marché du travail. Par conséquent, bon nombre des travailleurs d’aujourd’hui devront posséder les compétences nécessaires pour pouvoir satisfaire aux exigences de demain. Il est vrai que, pour l’instant, les compétences sont parfois sous-utilisées, mais le Comité juge extrêmement inquiétant que plus de 40 % des Canadiens en âge de travailler n’aient pas les capacités fondamentales de lecture et d’écriture nécessaires pour participer réellement au marché de l’emploi en constante évolution. Cette situation coûte cher au particulier et à la société, et nous craignons que le prix à payer soit plus élevé encore si rien n’est fait pour corriger le tir. Le Comité s’est constamment fait rappeler que l’alphabétisation a une influence fondamentale sur tous les aspects de la vie, notamment la famille, la santé, la démocratie, le travail et la collectivité. «  L’alphabétisation permet à tous les citoyens de réaliser leur plein potentiel en tant qu’individus et en tant que citoyens3  ».

Le 30 janvier 2001, le gouvernement fédéral a annoncé dans le discours du Trône qu’il inviterait «  les provinces et les territoires, ainsi que le secteur privé et les organisations bénévoles, à lancer une initiative nationale destinée à augmenter de façon importante la proportion des adultes possédant ces compétences [de lecture et d’écriture] avancées4  ». La lutte contre l’illettrisme au Canada a refait surface dans le discours du Trône du 30 septembre 2002 puisque le gouvernement fédéral a signalé son intention de prendre appui sur ses investissements dans le capital humain, notamment en poursuivant son action dans le domaine de l’alphabétisation.

Les participants au Sommet national sur l’innovation et l’apprentissage, qui s’est déroulé les 18 et 19 novembre 2002, ont vivement insisté auprès des gouvernements du pays pour qu’ils s’attaquent de façon décisive au problème de la faible alphabétisation au Canada. Ils étaient plus de 500 représentants du secteur privé, d’organismes non gouvernementaux, du milieu universitaire et du gouvernement, invités à établir les mesures prioritaires à prendre dans les secteurs privé et public afin de réaliser l’objectif du Canada de devenir l’un des pays les plus innovateurs et compétents au monde. L’une des 18 priorités retenues à cet égard portait sur l’établissement d’un «  système pancanadien d’alphabétisation, avec l’appui des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Établir des programmes pour améliorer le niveau d’alphabétisation et les connaissances de base fondés sur les besoins et les intérêts individuels et collectifs5  ».

Désireux de souligner la Décennie des Nations Unies pour l’alphabétisation (2003-2012) et de profiter de l’occasion pour façonner la contribution du gouvernement fédéral à un système pancanadien d’alphabétisation et d’acquisition des connaissances de base, le Comité a convenu le 28 janvier 2003 de rencontrer la ministre de Développement des ressources humaines Canada ainsi que des représentants d’organismes nationaux et des spécialistes de l’alphabétisation. Le 25 février 2003, les membres du Comité ont convenu d’entendre de nombreux autres groupes et particuliers en mars et en avril 2003 afin de compléter leur étude sur l’alphabétisation des adultes.

Au cours de l’étude, que nous estimons être la première du genre menée par un comité parlementaire6, nous avons pris conscience des partenariats solides et précieux qui se sont noués au fil des ans avec les organismes d’alphabétisation, les employeurs, les représentants des employés, les éducateurs et d’innombrables intervenants, ayant tous à cœur l’alphabétisation des Canadiens. Nous avons été impressionnés par les efforts des témoins entendus et par leur volonté d’accroître le niveau d’alphabétisation des Canadiens. Mais il y a des limites à ce que le milieu de l’alphabétisation peut réaliser, et nous estimons que ces limites ont été atteintes. Sans investissement supplémentaire de la part des secteurs public et privé dans cet élément essentiel du capital humain, le Canada perdra une belle occasion d’améliorer le bien-être économique et social de milliers de personnes qui veulent participer plus pleinement à la société canadienne mais n’ont pas les compétences de base nécessaires pour le faire. De plus, les Canadiens devront renoncer aux retombées économiques dont ils auraient pu profiter autrement.

Sauf pour ce qui est des Premières nations vivant dans les réserves, l’éducation relève, sur le plan constitutionnel, des provinces et des territoires. Mais la sous-alphabétisation est un problème d’envergure nationale, et c’est dans ce contexte que nous encourageons le gouvernement fédéral à travailler de concert avec les provinces et les territoires pour remédier au problème de la sous-alphabétisation chez les adultes. Le gouvernement fédéral doit continuer de faire sa part; voilà pourquoi notre rapport réclame une part réelle des ressources fédérales afin de régler ce grave problème.

Je souligne que, en ce moment, nous avons beaucoup de mal à aller de l’avant et à élaborer les programmes d’alphabétisation dont on a besoin maintenant, et dont on a besoin depuis fort longtemps, en fait. L’accélération du changement ne va qu’aggraver le problème. Nous tirons de l’arrière. Nous devons accélérer, commencer à soutenir le rythme pour assurer aux gens les compétences dont ils ont besoin non seulement au travail mais aussi pour tout ce qui s’y rapporte. C’est une question de démocratie, une question d’accès. (Ian Thorn, coordonnateur, Projet national d’alphabétisation, Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier, Coalition pour l’alphabétisme du Nouveau-Brunswick)7

Notre rapport commence par un bref aperçu de l’ampleur du problème de faible alphabétisation au Canada, selon les résultats de l’Enquête internationale sur l’alphabétisation des adultes de 1994. Le chapitre suivant porte sur la nécessité d’une politique cohérente du gouvernement fédéral en matière d’alphabétisation et réclame des mesures conjointes fédérales-provinciales/territoriales pour remédier au problème. Le dernier chapitre relève plusieurs domaines importants où le gouvernement fédéral pourrait intervenir de façon utile et aborde entre autres les besoins suivants : concevoir une stratégie d’alphabétisation des Autochtones; élargir le mandat et les capacités du Secrétariat national à l’alphabétisation; aider les familles et les collectivités, les personnes handicapées, les personnes qui quittent l’école prématurément, les immigrants, les réfugiés et les détenus à accroître leur niveau d’alphabétisation; répondre aux besoins des personnes faiblement alphabétisées sur le marché du travail canadien.


1Linda Shohet, directrice exécutive du Centre d’alphabétisation du Québec, a fourni au Comité une chronologie intéressante de l’évolution de l’instruction et de l’alphabétisation des adultes au Canada. Cette chronologie, enrichie d’une brève mise à jour, figure à l’annexe A du rapport.
2Chambre des communes, Débats, discours du Trône, le 1 octobre 1986, p. 14.
3Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées (ci-après appelé DRHCPH), Témoignages (16:20), séance n° 12, le 11 février 2003.
4Chambre des communes, Débats (14:20), discours du Trône, le 30 janvier 2001.
5Gouvernement du Canada, Sommet national sur l’innovation et l’apprentissage — Sommaire, 2002, Annexe 3, p. 86.
6Le Comité permanent des affaires autochtones de la Chambre des communes a publié en décembre 1990 un rapport intitulé Ma langue à moi — Alphabétisation : des Autochtones font le point. Bien que de portée connexe, ce rapport ne traite pas expressément de l’alphabétisation des adultes.
7DRHCPH, Témoignages (17:20), séance no 19, le 25 mars 2003.