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HUMA Rapport du Comité

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Le gouvernement du Canada a pris des engagements à l’égard des peuples autochtones du Canada, et notamment de leurs enfants, dans les discours du Trône inaugurant les première et deuxième sessions de la 37e législature. Il s’est à nouveau engagé dans le budget de 2003 afin que les enfants autochtones et non autochtones aient les mêmes chances dans la vie en investissant dans les services de garde et l’apprentissage précoce, en offrant un soutien aux langues et à la culture autochtones et en élargissant la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain.

En 2001, le Sous-comité des enfants et des jeunes à risque a entrepris une étude sur les conditions de vie des enfants autochtones au Canada, qu’il a divisée en quatre phases pour mieux tenir compte des sphères de compétences distinctes selon que les Autochtones vivent dans les réserves ou à l’extérieur de celles-ci, ainsi que des politiques et programmes distincts à l’intention des enfants d’âge préscolaire (depuis la période prénatale jusqu’à l’âge de six ans) et des enfants de six à douze ans. En juin 2002, le Sous-comité a déposé son premier rapport, Miser sur le succès, sur la condition des enfants des Premières nations, depuis la période prénatale jusqu’à l’âge de six ans, vivant dans les réserves. Nous reconnaissions dans ce rapport la nécessité d’une collaboration horizontale entre les partenaires du gouvernement fédéral et exhortions tous les ministères fédéraux offrant des programmes aux familles et aux jeunes enfants des Premières nations vivant dans des réserves au Canada à adopter un cadre d’action intégré pour le développement des jeunes enfants autochtones. Nous recommandions également la mise en œuvre de projets pilotes dans des collectivités choisies des Premières nations aux fins de l’intégration et de l’harmonisation des programmes et services à l’intention des enfants des réserves, de la période prénatale jusqu’à l’âge de six ans.

Le présent rapport consiste en un examen des conditions de vie et des besoins des enfants autochtones des villes, depuis la période prénatale jusqu’à l’âge de douze ans. Nous nous étions fixé comme objectif au départ d’examiner les conditions des enfants de moins de six ans vivant à l’extérieur des réserves, mais nous avons vite constaté la grande diversité qui règne chez les Autochtones vivant hors réserve, pour ce qui est tant de l’emplacement géographique que du statut et des droits. Par exemple, les services offerts aux enfants autochtones des petites collectivités éloignées diffèrent considérablement de ceux qui sont offerts dans les grands centres urbains. De même, il y a des différences marquées au chapitre de l’admissibilité aux programmes et services du gouvernement fédéral entre les enfants d’Indiens inscrits et non inscrits, les enfants inuits vivant hors de leurs collectivités et les enfants métis. Étant donné que nous étions limités dans le temps et que nous avions l’intention de faire des recommandations ciblées et pertinentes, nous avons décidé de concentrer notre attention sur les enfants autochtones des centres urbains du Canada. Par ailleurs, des témoins nous ont fait observer qu’en divisant notre étude par groupes d’âge, nous risquions de négliger la nécessité d’une continuité des programmes et services destinés aux jeunes enfants et aux enfants d’âge intermédiaire. C’est la raison pour laquelle le Sous-comité a décidé de faire porter son étude sur les jeunes Autochtones des villes, depuis la période prénatale jusqu’à l’âge de 12 ans.

Nous entamerons la dernière phase de notre étude, qui consistera en un examen des conditions des enfants autochtones de six à douze ans vivant dans les réserves, à l’automne 2003. Nous reconnaissons qu’en axant l’étude actuelle sur les enfants autochtones des villes, le Sous-comité ne s’est pas penché sur les conditions des enfants autochtones vivant hors réserve dans les régions septentrionales, éloignées et rurales. Certaines recommandations découlant des trois études intéresseront ces enfants, mais nous reconnaissons qu’ils pourraient être aux prises avec d’autres défis auxquels nous ne nous sommes pas arrêtés. Le Sous-comité pourrait envisager de combler cette lacune à une date ultérieure.

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones a pour sa part entrepris une étude sur les jeunes Autochtones vivant en milieu urbain. Nous espérons que ces deux études permettront de mettre en lumière les questions qui ont de l’importance pour les enfants et les adolescents autochtones de nos villes et de proposer des solutions pour répondre à leurs besoins.

Pour arriver à mieux saisir les défis auxquels sont confrontés les enfants autochtones vivant en milieu urbain, le Sous-comité a entendu un vaste échantillon de témoins, dont des représentants des organismes autochtones à l’échelle nationale et locale, des fournisseurs de services qui travaillent avec les enfants autochtones en milieu urbain, des chercheurs et des représentants des ministères du gouvernement fédéral qui assurent la prestation de programmes aux enfants autochtones vivant en milieu urbain. Le présent rapport puisera également dans les témoignages entendus, au cours de la première phase de l’étude, au sujet des enfants autochtones vivant dans les réserves, le cas échéant, étant donné que de nombreux Autochtones se déplacent entre les réserves et les régions urbaines et que les enfants autochtones ont en commun de nombreux points, qu’ils vivent dans des réserves ou des villes.

Dans le présent rapport, le Sous-comité a essayé de cerner les principaux points forts et les défis des enfants autochtones de nos villes et de leurs familles. Nous reconnaissons que la portée de cette étude ne nous a pas permis d’examiner en détail certaines des questions qui sont essentielles au bien-être des Autochtones des villes, comme le logement et l’accès à l’emploi. Nous reconnaissons également qu’une société favorable à la famille doit créer les conditions qui feront en sorte que la famille autochtone urbaine, dans son sens le plus vaste, pourra avoir accès aux services nécessaires à l’amélioration de la qualité de vie de ses enfants dans une perspective holistique. Pour de nombreux Autochtones, l’instauration d’une société favorable à la famille nécessitera une aide à la guérison de «  l’affliction qui est causée par la colonisation et qui se transmet de génération en génération1  » et la reconnaissance que :

… la nature distincte de la pauvreté des enfants autochtones au Canada provient des expériences de générations en générations de pensionnat, de tutelle par le biais du système de bien-être social pour enfants et la marginalisation économique, sociale et politique par rapport à la vie courante de la société canadienne2.

Le Sous-comité a entendu des témoins remarquables qui ont fait l’éloge de l’espoir, de la force et du dévouement qui règnent dans la communauté autochtone urbaine. Pour reprendre les propos d’un témoin :

La plupart des programmes sociaux sont conçus pour contrer des problèmes précis au sein des communautés autochtones ainsi que pour combler les déficits des enfants autochtones sur le plan de la santé et sur le plan social, mais ils ne prennent pas pour point de départ les points inhérents aux communautés autochtones et la réputation bien méritée qu’elles ont de pouvoir récupérer à la suite des épreuves de la vie3.

Le Sous-comité reconnaît l’importance de faire fond sur ces points forts et tient à souligner de nouveau l’importance de l’engagement pris dans Rassembler nos forces : Le plan d’action du Canada pour les questions autochtones de veiller à ce que les Autochtones participent pleinement à la conception et à la prestation des programmes qui influent sur leur vie et leur collectivité. Nous reconnaissons également la nécessité d’une meilleure coordination entre les paliers fédéral, provincial/territorial et municipal de gouvernement pour instaurer des conditions favorables à la famille à l’intention des Autochtones vivant en milieu urbain. Nous croyons que le gouvernement fédéral a l’obligation morale de faire preuve de leadership afin que les Autochtones et tous les paliers de gouvernement travaillent ensemble à l’édification d’un avenir meilleur pour les enfants autochtones des villes.

Des efforts concertés pour améliorer les conditions de vie des enfants autochtones vivant en milieu urbain s’imposent en reconnaissance non seulement de nos obligations envers eux à titre de membres de notre société et de leur importance future au sein de la population active, mais aussi des obligations internationales que le gouvernement du Canada a contractées. En signant la Convention relative aux droits de l’enfant des Nations Unies, le Canada reconnaissait que les enfants appartenant à des groupes indigènes ont le droit de participer librement à la vie culturelle et de recevoir les soins de santé et les services sociaux nécessaires à un niveau de vie adéquat. Le document de l’Assemblée générale des Nations Unies qui en a résulté, Un monde digne des enfants, exhortait tous les membres de la société à s’engager à éradiquer la pauvreté et à faire en sorte que chaque enfant reçoive les soins et l’éducation dont il a besoin pour se développer. Et la Convention relative aux droits de l’enfant et Un monde digne des enfants reconnaissent le rôle de premier plan des parents et des familles de même que le rôle crucial de l’État à l’égard de la protection des droits des enfants.

Nous sommes à un carrefour important où il nous faut nous pencher sur les défis auxquels sont confrontés les enfants autochtones des villes canadiennes. Dans Rassembler nos forces : Le plan d’action du Canada pour les questions autochtones, le gouvernement du Canada a reconnu que : «  L’investissement dans les ressources humaines autochtones s’effectue d’abord auprès des enfants  ». Dans l’Entente sur le développement de la petite enfance qu’ils ont signée en 2000, le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux et territoriaux s’engageaient à «  collaborer avec les Autochtones du Canada en vue de trouver des solutions pratiques aux problèmes de développement des jeunes enfants autochtones  ». Dans les deux derniers discours du Trône, le gouvernement a promis de prendre d’autres mesures pour s’assurer que les enfants autochtones et non autochtones auraient les mêmes chances dans la vie et il a récemment annoncé qu’il étendrait l’application du Programme d’aide préscolaire aux Autochtones pour les enfants vivant dans les réserves et à l’extérieur de celles-ci, améliorerait et élargirait le programme de garde d’enfants des Premières nations et des Inuits, intensifierait ses efforts pour combattre le syndrome d’alcoolisme fœtal et ses effets dans les collectivités des Premières nations vivant dans des réserves et effectuerait un sondage national sur les enfants autochtones.

Un récent document de recherche sur les communautés autochtones urbaines a également fait ressortir la nécessité de se pencher sur les besoins des enfants autochtones des villes. Selon un récent rapport des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques :

… le profil démographique des Autochtones en milieu urbain porte à croire qu’il faudrait consacrer des efforts spéciaux aux initiatives qui répondent aux besoins des femmes, des jeunes et des enfants d’origine autochtone dans les villes4.

Nous osons espérer que les recommandations du présent rapport contribueront à l’instauration d’un climat dans lequel il sera possible de miser pleinement sur les forces et a résilience des communautés autochtones en milieu urbain afin que les enfants autochtones et non autochtones jouissent enfin des mêmes chances dans la vie.


1SCYR, Témoignages, Mme Cindy Blackstock (First Nations Child and Family Caring Society of Canada), 26 mars 2003 (1605).
2SCYR, Témoignage, M. Rick Lobzun (Association nationale des centres d’amitié), 5 février 2003 (1540).
3SCYR, Témoignage, Mme Jessica Ball (Université de Victoria), 9 avril 2003 (1530).
4Katherine Graham et Evelyn Peters, Aboriginal Communities and Urban Sustainability, Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques, 2002, p. iii.