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INST Rapport du Comité

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Structure et rendement de l’industrie

L’industrie du pétrole et du gaz se répartit entre le secteur «  amont  » et le secteur «  aval  ». Les principales activités du secteur amont sont la prospection et l’exploitation du pétrole brut, la matière première à partir de laquelle l’essence est distillée; mais elles comprennent également le forage, la production et le transport du brut jusqu’à la raffinerie. Le secteur aval peut se subdiviser en deux éléments : le segment de la vente en gros et du raffinage et le segment de la vente au détail. Les raffineries traitent le brut en vue de la fabrication d’une variété de produits pétroliers raffinés, y compris l’essence, le carburant diesel, l’huile de chauffage, le kérosène, le carburant aviation, les lubrifiants, etc. L’ensemble constitue la gamme des produits offerts, et l’essence compte pour environ 40 % de cette gamme au Canada. Pour certains des produits en question, la demande comporte un aspect nettement saisonnier (p. ex., l’huile de chauffage en hiver et l’essence en été). Quant aux détaillants, ils vendent l’essence (et d’autres produits pétroliers et de confiserie ainsi que des services pour véhicules automobiles) aux automobilistes, en annonçant leur prix de référence pour l’essence ordinaire sur de grandes pancartes très visibles en bordure des rues.

En ce qui concerne le segment raffinage du secteur aval, il existe 65 raffineries en Amérique du Nord; il y en a 18 au Canada, qui sont la propriété de 11 entreprises (voir le tableau 1). La capacité totale du Canada pour le raffinage du brut est de 1 796 150 barils par jour6, soit beaucoup moindre que dans les années 1980 et 1990. À cause de mesures d’innovation des entreprises dans le cadre d’une stratégie de productivité, on a assisté à la fermeture de nombreuses raffineries dans toute l’Amérique du Nord. Par exemple, il y avait au Canada 40 raffineries dans les années 1980, et 58 dans les années 19707. La productivité de l’industrie a connu une forte hausse lorsqu’on a concentré la production dans un plus petit nombre d’usines plus efficaces. Avec les fermetures en question, les taux d’utilisation de la capacité ont également enregistré une hausse. Par exemple, ces taux sont passés d’environ 65 % au début des années 1990 à 95 % en 20028. En outre, les marges des raffineurs, qui dépassaient 10 ¢ le litre au début des années 1990, se sont stabilisées aux environs de 7 ¢ le litre pour le reste de la décennie — une autre indication du succès des efforts de l’industrie en vue d’améliorer sa productivité. Depuis les années 1990, la marge des raffineurs a augmenté à 16 ¢ au Canada (et à 14,9 ¢ aux États-Unis).

TABLEAU 1
Raffineries d’essence au Canada — 2003

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Parallèlement, le Comité constate que le revers de la médaille de la productivité est la concentration des entreprises. Dans le secteur du raffinage, celle-ci peut se mesurer selon la capacité de raffinage des quatre plus grandes entreprises : l’Impériale, Petro-Canada, Shell Canada, et Irving Oil. Ces quatre firmes raffinent 1 338 750 des 1 796 150 barils de brut raffinés par jour, soit 74,5 % de la capacité totale du Canada en matière de raffinage. La forte concentration des entreprises dans ce secteur est le plus marquée dans le Canada atlantique et en Ontario. Sur le plan régional, les trois premières entreprises de raffinage du Canada atlantique (Irving Oil, l’Impériale et North Atlantic Refinery) représentent 100 % de la capacité régionale. En Ontario, les trois principales entreprises (l’Impériale, Petro-Canada et Shell Canada) représentent 82,5 % de la capacité provinciale de raffinage.

Pour ce qui est du segment détail du secteur aval, il y avait 13 063 points de vente au Canada en 2002. La concentration des entreprises est beaucoup plus faible dans ce segment que dans celui du raffinage : l’Impériale possède 2 219 points de vente; Petro-Canada, 1 534; et Shell Canada, 1 464. Les trois plus grands producteurs à intégration verticale, dont deux sont des multinationales, possèdent donc environ 40 % des 13 063 points de vente d’essence au détail au Canada.

La plus grande efficience des véhicules automobiles sur le plan de consommation de carburant et la stratégie de productivité du segment de la vente au détail du secteur aval ont également mené à une rationalisation et à des mesures d’innovation dans ce segment. Au chapitre de la rationalisation, il y a eu une réduction de 40 % du nombre de détaillants depuis 1989, époque où il y en avait plus de 22 000. Un déclin semblable s’est produit aux États-Unis, où le nombre de détaillants est passé de 279 000 en 1972 à 155 000 en 2002, soit un recul d’environ 45 %9.

La conséquence de ces deux tendances de l’industrie sur le débit de l’essence et les marges des distributeurs est importante. De 1989 à 2002, le point de vente canadien moyen a augmenté son débit de 1,95 à 3,20 millions de litres par année, soit de 64 %. À l’heure actuelle, les marges de distribution sont en deçà de celles enregistrées dans les années 1980, s’étant stabilisées entre 4,6 et 6 ¢ le litre à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Cette fourchette demeure au-dessus du seuil de rentabilité d’environ 3 ¢ le litre pour les trois sites et opérations hypothétiques, mais typiques, de vente au détail de l’essence selon les calculs du Conference Board du Canada10.

Concurrence entre les grands, les distributeurs régionaux et les indépendants

La vente au détail de l’essence se caractérise par l’élargissement des catégories de fournisseurs. Naguère composé uniquement de fournisseurs intégrés verticalement (les «  grands  »), de distributeurs régionaux et d’indépendants possédant une seule station-service, le marché canadien comprend maintenant :

Deux multinationales intégrées verticalement : Esso et Shell Canada;
Une entreprise nationale intégrée verticalement : Petro-Canada;
Au moins une entreprise régionale intégrée verticalement dans chaque région : Ultramar, Irving, Sunoco, Chevron, Husky, Federated Co-op;
Des marchands de masse : Flying J, Safeway, Loblaws, Canadian Tire, Real Canadian Superstore, Save-on Foods, Costco, etc.;
De nombreux distributeurs de marque particulière : Wilson’s Fuels, Pioneer, Domo, etc.;
Des milliers de détaillants indépendants ne possédant qu’une seule station.

Les renseignements fournis au Comité indiquent que les grandes entreprises ont été les premières (et les plus déterminées) à agir pour retirer du marché des points de vente au détail et rationaliser leur réseau de vente au détail depuis 1990 (il y a eu une diminution de 36 % de leurs points de vente). Les entreprises régionales à intégration verticale (diminution de 25 %) et les indépendants (diminution de 10 %) ont suivi. Depuis 1998, les distributeurs régionaux intégrés verticalement et les indépendants/marchands de masse ont en fait augmenté le nombre de leurs points de vente. Les parts de marché des ventes d’essence par volume dénotent une tendance similaire. D’après les données recueillies par Kent Marketing, la part des ventes par volume des indépendants/marchands de masse est passée de 23 % en 1990 à un seuil de 21,7 % en 1998, avant de rebondir à 23,5 % dans le troisième trimestre de 2002. La part des distributeurs régionaux, de 19,1 % qu’elle était en 1990, a augmenté régulièrement jusqu’à 21 % dans le troisième trimestre de 2002. La part des grandes entreprises, de 57,2 % en 1990, a reculé à 55,4 % dans le troisième trimestre de 2002.

En terminant, le Comité constate que l’évolution de la part de marché des indépendants au cours de la dernière décennie témoigne à la fois du nombre croissant de nouvelles catégories de participants (marchands de masse, chaînes d’alimentation de marque particulière et autres) ainsi que de la résilience et de l’adaptabilité des indépendants traditionnels n’ayant qu’une seule station-service. On s’inquiète toutefois de la possibilité que les entreprises à intégration verticale ne soient en mesure de subventionner de façon indirecte leurs différentes activités (entre les secteurs amont et aval ou entre les segments du raffinage et de la vente au détail du secteur aval) au détriment des indépendants. À ce sujet, le Comité ne connaît l’existence que d’une seule étude dans le cadre de laquelle on a vérifié cette possibilité de façon empirique. D’après le Conference Board du Canada, certaines données tendent à démontrer l’existence de subventions indirectes entre les deux segments du secteur aval, bien qu’elles aient été négligeables sur le plan statistique. Le Conference Board du Canada a aussi trouvé une preuve indirecte d’interfinancement du secteur aval vers le secteur amont, mais que les montants en cause étaient minuscules — trop minuscules pour être intentionnellement abusifs.

Rentabilité

Le Comité a également examiné la rentabilité du secteur aval en s’intéressant surtout aux grandes entreprises. Les profits après impôt sont nettement cycliques, mais le secteur aval a été rentable tout au long de la dernière décennie, et en particulier au cours des trois dernières années (voir le tableau 2) — bien avant les retombées positives que produira la guerre d’Irak (voir le tableau 3). En termes de prix, les profits du secteur aval représentent environ 1,2 ¢ le litre de produit vendu, ou environ 2 % du prix à la pompe. Des prix plus élevés, une productivité accrue, des gains d’efficience et la diversification des activités de vente au détail, tout cela a contribué à l’amélioration des résultats nets de l’industrie.

Pour ce qui est du rendement du capital, le secteur aval a également obtenu de bons résultats, les trois grands ayant chacun enregistré des rendements de 9,3  à 11,2 % en moyenne au cours de la dernière décennie. Toutefois, certains observateurs feront remarquer qu’après le calcul des risques, le rendement du capital du secteur aval des grandes entreprises est faible comparativement à celui d’autres créneaux d’investissement au cours de la même période.

TABLEAU 2
Petro-Canada, Shell Canada et l’Impériale
Rentabilité du secteur aval et rendement du capital — 1993-2002

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TABLEAU 3
Profitabilité en aval de Petro-Canada, de Shell Canada et de l’Impériale
Profit après taxe, par trimestre, 2000 Ier trimestre à 2003 IIIe trimestre
(en millions de dollars)

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6L’usine de Petro-Canada d’Oakville est censée fermer ses portes.
7Conference Board du Canada, Les quinze derniers pieds à la pompe — l’industrie de l’essence au Canada en 2000, janvier 2001, p. 5.
8Petro-Canada, mémoire au Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie de la Chambre des communes, 10 mars 2003.
9Conference Board du Canada, op. cit., 2001, p. 11.
10Conference Board du Canada, op. cit., 2001, p. 15.