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SNUD Rapport du Comité

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CHAPITRE 4 : RECHERCHE ET CONNAISSANCES

La recherche et diverses autres méthodes de développement des connaissances doivent constituer le fondement de l’élaboration des politiques et des programmes. L’analyse de cette information et des données permet de faire un examen des autres politiques et des objectifs stratégiques possibles, de déterminer des interventions appropriées en matière de programmation, d’établir des mécanismes d’évaluation du rendement et de faire l’affectation des ressources99.

Les décideurs ont besoin de données fiables et à jour pour concevoir des politiques de réduction de l’offre et de la demande qui soient efficaces. Les recherches et enquêtes sur la nature, l’importance et les tendances de la consommation et de l’usage nocif de substances psychoactives aident les décideurs à se faire une idée des questions sociales et sanitaires complexes entourant ce phénomène. L’actuelle Stratégie canadienne antidrogue reconnaît l’importance des connaissances et de la recherche pour l’élaboration et la mise en œuvre des politiques de l’État, mais depuis 1997, le gouvernement fédéral a consacré très peu de ressources aux recherches sur la consommation et l’usage nocif de substances psychoactives.

Dès le début de son enquête, le Comité a noté qu’on manquait de données pancanadiennes fiables et à jour sur les habitudes de consommation des substances et sur les activités menées pour faire respecter la loi. Sans ces données, il est difficile sinon impossible d’élaborer des stratégies proactives pour réagir à l’évolution des tendances dans ce domaine. La très grande majorité des témoins entendus par le Comité ont confirmé ces constatations et indiqué qu’il est urgent de pouvoir accéder à davantage de données régionales et nationales — et à des données de meilleure qualité — sur la consommation de substances psychoactives au Canada. Ainsi, il n’existe pratiquement aucune donnée sur les toxicomanies en milieu autochtone, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur des réserves, et sur le mauvais usage de médicaments d’ordonnance. Des données sur les cas possibles de mauvais usage de médicaments d’ordonnance peuvent être produites à l’aide de certains programmes provinciaux de surveillance, mais il n’existe aucune base de données fédérale rassemblant ce genre d’information. Certaines provinces réalisent des enquêtes régulières sur l’usage de certaines substances au sein de la population en général et des élèves (p. ex., le Sondage sur la consommation de drogues parmi les élèves de l’Ontario (Ontario Student Drug Use Survey) recueille des données depuis 1977). Cependant, chaque province utilise des méthodes différentes, ce qui empêche toute comparaison des données. On ne dispose que de très peu de données sur les coûts sociaux et sanitaires associés à la consommation et à l’usage nocif de substances psychoactives. Ainsi, on ne recueille aucune donnée sur les décès par surdose malgré le fait que de telles données constitueraient un important indicateur de l’étendue des torts causés par la consommation de certaines substances psychoactives. L’étude la plus récente sur les coûts sociaux de l’abus de substances psychoactives a été menée par le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies (CCLAT) en 1996 et à l’aide de données datant de 1992100. Les statistiques sur l’application de la loi sont également insuffisantes. On ne dispose que de données partielles sur les drogues saisies au Canada et d’aucune statistique nationale sur les condamnations et peines relatives aux drogues illicites. Enfin, les données provinciales existantes ne sont pas suffisamment détaillées101.

Alors que les statistiques nationales sur les mises en accusation par la police répartissent le nombre d’accusations liées aux drogues selon le type de substance (par exemple, héroïne, cocaïne et cannabis) et le type d’infraction (par exemple, possession, trafic, importation et culture), les statistiques sur les condamnations ne sont réparties qu’en deux catégories — possession et trafic102.

Santé Canada a convenu qu’on connaît peu les tendances canadiennes actuelles concernant la consommation et l’usage nocif des substances psychoactives et que la plupart des données dont on dispose ont été recueillies de manière ponctuelle et sporadique. Selon ce ministère, « actuellement, il n’y a pas de fonds consacrés à la surveillance des taux de consommation de drogues illicites au Canada »103. En fait, Santé Canada a précisé ce qui suit : « en 1998-1999, le gouvernement américain a alloué six fois plus d’argent à la recherche sur les toxicomanies menée au Canada que le gouvernement canadien »104. Ces affirmations ont été confirmées par un certain nombre de chercheurs qui ont témoigné devant le Comité, notamment Eric Single, un professeur du département de santé publique de l’université de Toronto et un associé de recherche principal au Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, qui a déclaré ce qui suit :

Même si le gouvernement fédéral reçoit plus de 3 milliards de dollars par année en taxes sur l’alcool et le tabac seulement, le gouvernement des États-Unis affecte beaucoup plus d’argent à la recherche sur la toxicomanie au Canada — c’est-à-dire aux recherches effectuées par des Canadiens sur les problèmes de toxicomanie des Canadiens. Le gouvernement des États-Unis consacre six fois plus d’argent que le gouvernement du Canada à des recherches sur nos problèmes de toxicomanie. Les compressions budgétaires ont produit des pertes considérables. La quasi-totalité de nos scientifiques de premier plan sont partis. Je me sens un peu seul. De jeunes chercheurs prometteurs sont partis travailler dans d’autres pays ou dans d’autres domaines105.

Les lacunes sur le plan des connaissances ont également été reconnues par le Bureau du vérificateur général du Canada, qui a mené une étude sur le rôle joué par le gouvernement fédéral à l’égard de la Stratégie canadienne antidrogue.

L’information sur l’étendue du problème des drogues est restreinte, périmée ou non disponible. Cela s’applique également à l’information de base générale et à l’information de gestion.

… Il n’existe pas d’information complète et regroupée sur les dépenses des ministères fédéraux pour lutter contre les drogues illicites, soit afin d’en réduire la demande, soit afin d’en restreindre l’offre. Il s’agit pourtant d’une information de base essentielle à la gestion de tout programme106.

1. ENQUÊTES NATIONALES

C’est en 1989 et en 1994 qu’ont été menées les dernières enquêtes nationales portant de manière précise pour déterminer l’importance de la consommation d’alcool et d’autres substances psychoactives licites ou illicites au sein de la population. De même, l’Enquête sur les campus canadiens, réalisée à l’automne de 1998, a fourni des données nationales sur la consommation d’alcool et d’autres substances, sur les problèmes d’alcoolisme, sur les conséquences de la consommation d’alcool, et sur le contexte et les caractéristiques de cette consommation chez les étudiants de premier cycle. Jusqu’à récemment, les enquêtes nationales sur la santé menées auprès de la population en général (p. ex., l’Enquête nationale sur la santé de la population) comprenaient des questions sur la consommation d’alcool et de tabac, sur l’usage de médicaments d’ordonnance, parfois sur la dépendance vis-à-vis de l’alcool, mais non sur la consommation de substances illicites. Une nouvelle enquête, l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC), corrigera temporairement cette situation à la fin de l’été 2003 et fournira des données sur la consommation de substances et la dépendance à celles-ci, y compris pour les substances illicites, chez les personnes âgées de 15 ans et plus vivant dans des logements privés répartis dans dix provinces. Cette enquête a vise notamment à fournir des estimations nationales régulières sur les principaux troubles et problèmes en matière de santé mentale. Elle comportera un cycle de collecte de deux ans comprenant « deux enquêtes distinctes : une enquête à l’échelle des régions socio-sanitaires la première année auprès d’un échantillon total de 130 000 personnes et une enquête à l’échelle provinciale la deuxième année auprès d’un échantillon total de 30 000 personnes »107. La deuxième année de chaque cycle d’enquête portera sur un sujet particulier. En 2002, le thème choisi était la santé mentale et le bien-être, ce qui comprend de nombreuses questions sur la consommation et l’usage nocif de substances, et la dépendance, y compris dans le cas des solvants et des stéroïdes. À l’heure actuelle, on ne prévoit pas poser de questions sur la consommation et l’usage nocif de substances autres que l’alcool et le tabac au cours du prochain cycle. Des questions sur l’alcool, l’usage nocif d’alcool, la dépendance à l’alcool et la cigarette font cependant partie du contenu commun et seront posées lors de chaque cycle. De l’avis du Comité, il faudrait envisager d’intégrer des questions sur les substances licites et illicites à tous les cycles de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes108.

Une autre source d’information possible pourrait être l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes menée par Développement des ressources humaines Canada (DRHC). Cette enquête a été conçue en 1994 afin de recueillir des données à tous les deux ans sur un échantillon représentatif de jeunes canadiens de leur naissance à l’âge de 25 ans109. L’objectif est de « fournir des données à l’appui de l’analyse longitudinale de la prédominance de diverses caractéristiques biologiques, sociales et économiques, et des facteurs de risque parmi les enfants et les jeunes »110. Les premières cohortes comprenaient 22 831 enfants âgés de moins d’un an à 11 ans. L’information était recueillie auprès des parents, des enfants eux-mêmes (pour ceux de 10 et 11 ans), des enseignants et des directeurs d’école. Des données sur les jeunes de 10 à 17 ans devraient être disponibles au printemps de 2003 et comprendre certains renseignements sur les premières consommations. Cette enquête pourrait permettre de rassembler des données empiriques et d’autres renseignements pertinents en vue de l’élaboration de programmes de prévention et d’éducation; elle isolera en effet des facteurs prédictifs et des stades d’intervention cruciaux qui pourraient aider à influer sur l’évolution d’un jeune qui commence à consommer une substance.

Ces enquêtes pancanadiennes permettent de se faire une idée de la consommation et de l’usage nocif de substances, ce qui est essentiel pour évaluer le problème de manière globale. Toutefois, ces sources de données, à l’exception de la nouvelle Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, se révèlent souvent peu utiles à l’échelle provinciale et locale. Ces enquêtes pancanadiennes viennent en effet compléter d’autres sources de données, mais elles ne remplacent certainement pas les sources provinciales et locales de données fiables sur la consommation et l’usage nocif de substances. Néanmoins, il faut procéder à plus de recherches et rassembler des connaissances plus approfondies sur les questions de santé et de sécurité publiques relatives à l’usage nocif de substances et à la dépendance afin d’adopter des politiques plus éclairées et de résoudre la myriade de problèmes connexes.

Notre fondation tient à souligner, cependant, que la recherche doit aller bien au-delà des tendances relatives à la consommation. Si ces données épidémiologiques et d’autres sont essentielles à l’élaboration d’une politique solide, la recherche sur les pratiques exemplaires et [sur] l’efficacité du programme l’est tout autant. Pour s’orienter vers un système fondé sur des données, les décideurs, les concepteurs de programme et les bailleurs de fonds doivent tous avoir accès à des données de qualité111.

Le gouvernement fédéral verse des fonds limités pour appuyer le développement, la coordination et la diffusion de la recherche et des connaissances sur la consommation et l’usage nocif de substances, principalement par l’entremise des travaux réalisés par le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies (CCLAT), les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) et d’autres organismes fédéraux comme le Centre de recherche en toxicomanie du Service correctionnel du Canada.

2. LA RECHERCHE SUR LA CONSOMMATION ET L’USAGE NOCIF DE SUBSTANCES ET LA GESTION DES CONNAISSANCES

a) Coordination des efforts au Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies

Le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies (CCLAT), qui est financé en partie par Santé Canada, est le principal organisme responsable de la collecte et de la diffusion de données sur la consommation et l’usage nocif de substances psychoactives au Canada. « Le CCLAT surveille les activités de recherche, participe à des forums de recherche et s’emploie à informer les intervenants clés des faits intéressants ayant trait aux politiques et programmes publics »112. Le CCLAT est également un organisme affilié au Réseau canadien de la santé, pour les questions liées aux abus de substances et aux toxicomanies.

Santé Canada appuie les travaux menés par le CCLAT dans le domaine de l’information et de la gestion des connaissances, et reconnaît qu’il faut consacrer davantage d’argent à la coordination de la recherche. En attendant que le gouvernement fédéral débloque des crédits substantiels pour la Stratégie canadienne antidrogue, Santé Canada a décidé en mars 2002 d’accroître les fonds versés au CCLAT; ce financement est en effet passé de 500 000 $ par année à 1,5 million de dollars pour chacune des trois prochaines années afin de permettre au Centre d’intensifier ses activités visant à faciliter l’élaboration des politiques. Toutefois, ce niveau de financement n’est pas suffisant pour permettre au Centre de remplir convenablement le mandat qui lui a été confié par une loi du Parlement en 1988113.

Le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies s’est révélé le fer de lance d’un certain nombre de réseaux et de services de recherche et de collecte de données au cours de la dernière décennie et il participe actuellement à la gestion ou à la coordination des projets suivants :

 le Centre national de documentation sur l’alcoolisme et les toxicomanies, y compris un service d’information sur le syndrome d’alcoolisme fœtal et les effets de l’alcool sur le fœtus (SAF et EAF), ainsi que de nombreuses bases de données relatives à la consommation de substances comme la base de données des chercheurs canadiens en toxicomanie;
 le Centre virtuel de documentation sur l’alcool, le tabac et les autres drogues (CVDATD);
 le Réseau communautaire canadien d’épidémiologie des toxicomanies (RCCET);
 le réseau Santé, éducation et services de police en partenariat;
 le Réseau canadien d’information sur les toxicomanies (RCIT)114;
 le Groupe de travail national sur la politique en matière de toxicomanie du CCLAT;
 le Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies (CECT).

Des membres du Comité se sont inquiétés de la prolifération des réseaux de recherche traditionnels ou virtuels dont les activités sont actuellement coordonnés par le CCLAT. Malheureusement, le Comité n’a pas été en mesure d’évaluer l’efficacité de ces réseaux et services de recherche et d’information. Il est toutefois d’avis que la nouvelle Stratégie canadienne antidrogue devrait prévoir que toutes ces composantes fassent l’objet d’une évaluation exhaustive afin de garantir leur efficacité, d’accroître la responsabilisation et d’éviter les chevauchements. De plus, le mandat du commissaire canadien aux drogues qui est proposé permettra de veiller à ce que les crédits et ressources fédéraux soient affectés ou réaffectés comme il se doit.

À partir de divers documents dont il a pris connaissance et de témoignages qu’il a entendus, le Comité a établi une liste des activités menées par des réseaux de recherche et de gestion du savoir qui, à l’heure actuelle, sont coordonnés ou gérés par le CCLAT.

i) Centre national de documentation sur l’alcoolisme et les toxicomanies

Depuis 1991, le Centre national de documentation sur l’alcoolisme et les toxicomanies fournit de l’information à toute une gamme d’intervenants, d’organismes, de gouvernements et à toute personne intéressée à en apprendre davantage sur les questions liées à la consommation et à l’usage nocif de substances psychoactives. Il « complète le travail du Réseau canadien d’information sur les toxicomanies (RCIT) et répond principalement aux demandes d’envergure nationale »115. Le Centre offre deux types de services d’information : un service d’information général, et un service d’information sur le syndrome d’alcoolisme fœtal et les effets de l’alcool sur le fœtus (SAF et EAF). Afin de répondre aux demandes d’information et de favoriser la diffusion des ressources canadiennes, le Centre dispose d’une « très vaste collection de documents qu’on pourrait qualifier de provisoires ou non officiels, qui n’ont pas été publiés sous l’approbation d’un comité de révision. Ces documents sont généralement difficiles à obtenir pour les chercheurs, qui les consultent et s’en inspirent dans leurs recherches »116. Le service d’information sur le syndrome et les effets de l’alcoolisme fœtal, qui est financé en partie par l’Association des brasseurs du Canada et l’Association des distillateurs canadiens, offre une liaison téléphonique sans frais avec un spécialiste de même que l’accès à « une collection spéciale, des bibliographies, un site Web, et des liens à des groupes de soutien, à des projets de prévention, à des centres de ressources et à des experts sur le SAF et les EAF »117.

Le Centre national de documentation a été l’un des premiers à diffuser de l’information sur Internet (depuis janvier 1995) grâce au site Web du CCLAT. Ce site permet d’avoir accès à de nombreuses bases de données, notamment à une base bibliographique nationale sur les publications canadiennes traitant de toxicomanies, à un certain nombre de répertoires d’organismes s’occupant de toxicomanies au Canada, à une base sur les chercheurs en toxicomanies œuvrant au Canada de même qu’à une base de données thématiques sur l’hépatite C et sur l’utilisation de drogues injectables. Enfin, le site donne également accès à toute une série de publications de recherche publiées par le CCLAT sur toute une gamme de questions relatives à la consommation et à l’usage nocif de substances psychoactives.

ii) Le Centre virtuel de documentation sur l’alcool, le tabac et les autres drogues (CVDATD)

Le Centre virtuel de documentation sur l’alcool, le tabac et les autres drogues (CVDATD), qui est financé par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, est un site Internet trilingue (français, anglais et espagnol). Il constitue en fait un portail permettant d’accéder aux ressources de différentes recherches menées partout dans le monde par des organismes reconnus et ainsi, de trouver des données crédibles sur la consommation et l’usage nocif de substances. Le Centre propose également « un mécanisme en ligne d’échange d’informations appelé ”fil de discussion” qui a par exemple permis de discuter de sujets comme les jeunes très vulnérables, l’état des recherches sur la marijuana ou l’état des connaissances sur l’ecstasy en 2000-2001 »118.

iii) Réseau communautaire canadien d’épidémiologie des toxicomanies (RCCET)

Le Réseau communautaire canadien d’épidémiologie des toxicomanies (RCCET) a été créé en 1995 à titre de système de surveillance pancanadien des toxicomanies. Il est l’équivalent du Community Epidemiology Working Group qui existe aux États-Unis depuis à peu près 25 ans. Le site Web du RCCET décrit le réseau comme « un projet concerté impliquant des organismes fédéraux, provinciaux et communautaires qui s’intéressent à la consommation des drogues, aux conséquences sanitaires et juridiques d’une telle consommation, aux traitements et à la mise en application de la loi »120. Ses objectifs sont « de coordonner et de faciliter la collecte, l’organisation et la diffusion d’informations qualitatives et quantitatives sur l’usage des drogues au sein de la population canadienne, aux niveaux local, provincial et national » ainsi que de « favoriser le réseautage chez les principaux partenaires multisectoriels, d’améliorer la qualité des données recueillies et de signaler sans tarder les nouvelles tendances »121.

La vision du RCCET se résume essentiellement à un partenariat visant à surveiller les tendances en matière de toxicomanie et les facteurs connexes. Cette vision comporte deux parties. La première qui, je crois, définit véritablement le RCCET, c’est le concept de partenariat. Comme je viens de le dire, le partenariat s’exerce aux niveaux local, national et international. La deuxième vise la surveillance des tendances en matière de toxicomanie et les facteurs connexes, ce qui représente essentiellement la partie relative aux données122.

À l’heure actuelle, il existe 12 sites associés au RCCET dans tout le Canada, qui se trouvent à divers stades de développement. Chaque site recueille des données sur une base annuelle et certains transmettent des rapports qui fournissent de l’information sur la consommation et l’usage nocif de certaines substances dans une région donnée du Canada. Ces substances sont l’alcool, la cocaïne, le cannabis, l’héroïne, les sédatifs-hypnotiques et tranquillisants, les hallucinogènes, les stimulants et les drogues licites. Cette information est rassemblée dans un rapport général présentant des données ventilées par sexe sur l’importance de la consommation (« prévalence »), le mode de traitement, les activités policières, la morbidité, la mortalité, le VIH/sida et l’hépatite C. Les responsables du réseau prévoient établir cinq nouveaux sites par an en milieu rural et urbain. Ils envisagent aussi la possibilité d’instaurer un système de collecte de données sur les réserves, ce qui permettrait de combler d’énormes lacunes dans les données sur la consommation et l’usage nocif de substances chez les membres des Premières nations.

Une évaluation du RCCET a été menée en 1999 par Alan Ogborne du Centre de toxicomanie et de santé mentale, pour le compte du Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies et grâce au financement de Santé Canada. L’évaluation a révélé que « des progrès notables ont été réalisés en ce qui a trait à l’atteinte des objectifs initiaux, en particulier pour ce qui est de l’établissement d’un cadre national; du développement de réseaux locaux auxquels se joignent des responsables de l’élaboration des politiques; des activités de routine se rapportant à la cueillette, au traitement et à la diffusion de différentes catégories de données; de la hausse de la sensibilisation aux limites des données existantes »123. Parmi les principales préoccupations mentionnées, notons la qualité des données dont dispose le RCCET, l’amélioration de la cohérence dans les sources de données ainsi qu’une diffusion plus rapide de l’information. Voici les conclusions du rapport d’évaluation :

Le RCCET présente le potentiel pour s’assurer que les politiques et programmes se rapportant à l’alcool et aux drogues sont efficaces et basés sur la réalité. Les rapports du RCCET pourraient servir à tous ceux s’intéressant aux problèmes associés à l’alcool et aux drogues, y compris les responsables de l’élaboration des politiques à l’échelle locale et nationale, le grand public et les personnes les plus touchées par ces problèmes. Le RCCET s’attaque à une préoccupation très courante, soit l’obtention d’une meilleure information sur les questions et les programmes de santé. De plus, le RCCET peut améliorer la capacité du Canada à répondre aux demandes de l’Organisation mondiale de la santé, de la Commission des stupéfiants des Nations Unies et d’autres organisations internationales s’intéressant aux problèmes d’alcool et de drogues124.

L’auteur du rapport d’évaluation recommandait que le RCCET soit maintenu à l’échelle nationale, qu’il fasse l’objet d’une nouvelle évaluation après une autre période de trois ans, et que le gouvernement fédéral en finance la coordination nationale par l’entremise du Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies.

Le RCCET a réalisé des progrès par rapport aux principales préoccupations signalées dans l’évaluation de 1999. Les responsables collaborent à l’heure actuelle avec les partenaires du réseau pour établir des normes à l’égard des sources de données et des techniques de collecte, ce qui accroîtra la comparabilité des données dans tout le Canada. La rapidité de diffusion de l’information demeure un problème, mais le RCCET s’est attaqué à cette difficulté en faisant appel à Internet pour la transmission des rapports réguliers et pour l’échange de l’information entre les coordonnateurs de site. Le RCCET continue à éprouver des difficultés de financement, mais le CCLAT a jugé ce projet prioritaire et a récemment embauché une conseillère en recherche nationale pour diriger le réseau.

iv) Santé, éducation et services de police en partenariat

Le CCLAT coordonne également le réseau Santé, éducation et services de police en partenariat (SSPP) depuis sa création en 1994. Selon son site Web, ce réseau rassemble des intervenants clés des milieux de la santé, de l’éducation et des services de police qui sont fermement résolus à élaborer des stratégies de collaboration pour s’attaquer aux problèmes liés à l’usage et à l’abus de diverses substances.

Le réseau SSPP relève d’un comité directeur qui comprend des représentants des organismes suivants : le CCLAT, Santé Canada, Service correctionnel Canada, l’Association canadienne des chefs de police, le ministère du Solliciteur général (secrétariat et GRC), le ministère de la Justice (y compris le Conseil national de prévention du crime), la Commission nationale des libérations conditionnelles, la Fédération canadienne des municipalités, l’organisme Alcohol and Drug Concerns126, l’Association canadienne des directeurs d’école, la Student Life Education Company (BACCHUS). Le comité directeur tient une réunion annuelle avec les membres du Comité fédéral-provincial-territorial sur l’alcool et les autres drogues, l’Association canadienne des chefs de police, la Section de la sensibilisation aux drogues de la GRC et d’autres intervenants, pour échanger de l’information, établir des liens et développer des réseaux afin de pouvoir maintenir des relations officieuses tout au long de l’année.

Parmi les activités du réseau SSPP, notons les suivantes :

 échange de renseignements sur la consommation et l’abus de substances au sein du réseau et avec des intervenants de l’extérieur;
 détermination des questions problématiques et échange de points de vue sur des sujets pertinents;
 proposition de politiques et de programmes pluridisciplinaires et multisectoriels en réponse aux recherches en cours;
 communication continuelle au moyen de bulletins d’information et de documents de mise à jour conjoints;
 utilisation du serveur de liste de diffusion du site Web du CCLAT;
 collaboration entre les partenaires en vue d’optimaliser l’efficacité des mesures qu’ils prennent.

Selon les renseignements généraux figurant sur le site Web du réseau SSPP, le réseau cherche avant tout à établir un équilibre entre la restriction de l’offre et la réduction de la demande dans les nombreuses mesures visant à résoudre les problèmes liés à la consommation et à l’abus de substances. Ses objectifs sont de favoriser une meilleure collaboration entre les intervenants des domaines de la santé publique, de l’éducation et des forces policières, un meilleur partage de l’information, une meilleure utilisation des ressources en éliminant les chevauchements et en encourageant les partenariats, et de participer à l’élaboration des politiques et programmes dans le domaine de la toxicomanie.

v) Groupe de travail national sur la politique en matière de toxicomanie

Le Groupe de travail national sur la politique en matière de toxicomanie du CCLAT a été créé en 1992 afin d’assurer le suivi des divers dossiers, d’élaborer des projets de politique et d’aider à coordonner l’élaboration des diverses politiques dans tout le Canada. Il rassemble des représentants d’organismes gouvernementaux et non gouvernementaux clés dans le domaine de la toxicomanie ainsi que des universitaires, des chercheurs et des décideurs127. Michel Perron, le directeur général du CCLAT, a précisé au Comité que le Groupe de travail s’occupe des questions particulièrement controversées ou difficiles, c’est-à-dire de celles dont un ministère fédéral ou un gouvernement provincial ne souhaiterait pas nécessairement s’occuper à lui seul.

Les membres du Groupe, qui acquittent eux-mêmes leurs dépenses personnelles, se rencontrent deux fois par année. Des documents de discussion ont été préparés sur diverses questions, notamment les principes directeurs de l’élaboration des politiques, l’échange de seringues, la réduction des méfaits, la politique relative au cannabis, le jeu compulsif, les tribunaux spécialisés en matière de drogues et l’incidence du tabagisme sur le traitement des toxicomanes.

vi) Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies (CECT)

Le Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies (CECT) a été établi récemment (en 2002) afin de servir de tribune aux dirigeants de divers organismes s’occupant de toxicomanies au Canada, et de pouvoir influer sur les politiques publiques concernant l’usage nocif de substances et la dépendance. Il regroupe des cadres supérieurs d’organismes canadiens créés en vertu d’une loi fédérale ou provinciale, ou par une autorité provinciale reconnue. Il compte actuellement des représentants de la Colombie-Britannique, de l’Alberta, du Manitoba et de l’Ontario. Le directeur général du Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies siège au sein de ce conseil à titre de représentant de cet organisme.

vii) Conclusion

Le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies a montré au cours des 14 dernières années qu’il était fermement décidé à remplir son mandat et ses responsabilités malgré les importantes compressions que le gouvernement fédéral a décrétées à l’égard de son financement de base. Grâce au dévouement de son personnel, à ses efforts d’autofinancement, à sa capacité de miser sur ses maigres ressources pour prendre des initiatives fructueuses, à son aptitude à établir des partenariats et à son souci d’innover, le Centre est devenu le principal organisme canadien dans le domaine des toxicomanies.

Lorsqu’il a été créé en 1988, le CCLAT a reçu une subvention fédérale de 2 millions de dollars à titre de fonds de démarrage, mais il était entendu que d’autres sommes seraient nécessaires pour lui permettre de remplir pleinement le mandat que lui conférait la loi. Ce financement initial devait également servir à obtenir du financement auprès d’autres paliers de gouvernement et d’organismes non gouvernementaux œuvrant dans le domaine de la toxicomanie. Toutefois, lorsque la Stratégie canadienne antidrogue est venue à son terme en 1997, les fonds que le gouvernement fédéral versait au Centre ont été réduits de 75 %, c’est-à-dire à 500 000 $ par an. Le mandat du Centre est demeuré le même et la demande pour ses services a continué à croître. L’augmentation récente de la contribution fédérale à 1,5 million de dollars par an ne ramène même pas son financement au niveau de 1988.

Le Comité reconnaît que le CCLAT s’est acquitté de ses responsabilités avec des ressources très limitées et que s’il disposait d’un financement approprié, il pourrait jouer un rôle accru dans le contexte d’une stratégie fédérale antidrogue renouvelée et nettement devenir le chef de file, ici et à l’étranger, en matière de questions relatives à la consommation et à l’usage nocif de substances, au Canada. Pour déterminer les crédits de base qu’il serait raisonnable de lui accorder, le Comité a établi que, compte tenu de l’inflation, le financement de base annuel de 2 millions de dollars promis par le gouvernement fédéral en 1988 équivaudrait à une somme de 2 820 755 $, en dollars de 2002. Le Comité reconnaît en outre que le contexte a évolué considérablement au cours des 14 dernières années. La demande pour les services du CCLAT a augmenté et continuera à augmenter dans le contexte d’une stratégie fédérale antidrogue renouvelée et de l’élargissement du mandat du Centre tel qu’il est recommandé dans le présent rapport. Le Comité recommande donc que les crédits fédéraux accordés au Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies soient immédiatement portés à 3 millions de dollars afin de s’assurer que le CCLAT dispose des ressources nécessaires pour poursuivre son travail et entreprendre l’élaboration d’une nouvelle stratégie fédérale antidrogue.

b) Les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) - l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies

À l’heure actuelle, l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies (INSMT)130 est le principal institut au sein des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC) qui attribue des fonds destinés à la recherche entourant les questions liées à l’usage nocif de substances et à la dépendance. L’INSMT accorde des fonds pour toute une gamme de problèmes de santé, notamment dans les domaines de la santé mentale, de la santé neurologique, de la vision, de l’audition et du fonctionnement cognitif. L’Institut appuie également la recherche visant à réduire l’incidence de troubles connexes, au moyen de stratégies de prévention, du dépistage, du diagnostic, du traitement, de systèmes de soutien et de soins palliatifs. Les politiques et stratégies de prévention de la toxicomanie ne constituent donc que l’un des nombreux secteurs de recherche que l’Institut subventionne.

Ainsi, les IRSC financent une grande équipe multidisciplinaire de recherche en santé qui regroupe 15 chercheurs de partout au Canada sous la direction du Dr Benedikt Fischer (université de Toronto et Centre de toxicomanie et de santé mentale) et qui est en train de réaliser une étude comparative de cohortes chez des consommateurs d’opiacés illicites qui n’ont subi aucun traitement et ce, dans cinq villes canadiennes (Vancouver, Edmonton, Toronto, Montréal et Québec)131. Cette équipe de chercheurs tente d’améliorer la recherche, les traitements et la politique concernant les opiacées illicites au Canada. Le Comité reconnaît que ce type de recherche fait désespérément défaut et devrait être encouragé sur le plan financier.

L’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, en partenariat avec l’Institut de la santé des Autochtones (ISA), a également soutenu la création d’un Réseau national de recherche en santé mentale chez les Autochtones (RNRSMA). Ce réseau a reçu des fonds des IRSC couvrant une période de quatre ans pour mener des recherches en partenariat avec des collectivités autochtones et des chercheurs universitaires, et pour renforcer les capacités de recherche de manière à s’attaquer aux préoccupations et aux besoins urgents, dans le domaine de la santé mentale, des peuples autochtones vivant en milieu rural ou urbain. Ce réseau pourrait permettre de produire des données indispensables sur la consommation et l’usage nocif de substances, et la dépendance chez les peuples autochtones. Les résultats de ces travaux ne seront toutefois pas connus avant de nombreuses années.

Malgré ces efforts, de nombreux témoins entendus par le Comité soutenaient que le mandat beaucoup trop vaste de l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies (INSMT) l’empêchait de se concentrer sur la recherche en matière de toxicomanies.

L’institut qui compte le conseil dont je fais partie — l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies — s’applique très sincèrement à régler tous les problèmes terribles liés à la situation actuelle de la recherche dans le domaine des toxicomanies. Son mandat est large. Il doit aussi s’occuper de santé mentale, de neurosciences, de problèmes de la vue et de problèmes de l’ouïe. Je suis le seul membre du conseil, qui compte 15 personnes, qui évolue dans le domaine des toxicomanies. Je suis entouré de spécialistes des neurosciences et de la santé mentale. Il faut [lui] donner un certain temps, pour voir combien [il va] progresser, puis revoir l’idée.

Je n’ai toujours pas renoncé à l’idée qu’à un moment donné, dans un avenir pas trop éloigné, la prochaine fois que les décideurs se pencheront sur la composition des ICRS, ils vont envisager de créer un institut distinct qui ne s’occuperait que des toxicomanies. Je crois que les problèmes sociaux et sanitaires associés à la toxicomanie, étant donné leur ampleur, le justifient. C’est la cause approximative d’un décès sur cinq au Canada, et c’est la raison pour laquelle nombre des déterminants de la santé sous-jacents indiquent des déficiences dans la santé de la population132.

Étant donné l’ampleur et les conséquences des problèmes relatifs à l’usage nocif de substances au Canada, le Comité estime que l’actuel INSMT devrait mettre davantage l’accent sur la recherche sur les toxicomanies.

c) Autres initiatives fédérales

Le Centre de recherche en toxicomanie (CRT) a été créé en novembre 1999 et a officiellement ouvert ses portes le 18 mai 2001. Le Centre est responsable de toutes les activités de recherche-développement en toxicomanie qui relèvent du mandat du Service correctionnel du Canada (SCC). Il est d’ailleurs entièrement financé par le SCC. Son mandat est le suivant :

 Contribuer à la gestion des problèmes de toxicomanie dans l’univers pénal en vue d’accroître la sécurité publique;
 Améliorer les politiques, les pratiques de gestion et les programmes correctionnels relatifs à l’abus de substances en rassemblant et en diffusant des connaissances et de l’expertise;

Le Centre a également adopté les objectifs suivants :

 Répondre aux besoins en recherche appliquée du SCC relativement à ses diverses politiques, programmes et pratiques de gestion;
 Établir des relations de travail coopératives et complémentaires avec ses partenaires;
 Fournir un cadre de travail propice aux chercheurs de réputation internationale (le Centre peut accueillir jusqu’à quatre chercheurs invités et loger jusqu’à trois personnes);
 Promouvoir la recherche sur les toxicomanies et les services correctionnels;
 Favoriser la formation et le perfectionnement des chercheurs.

Depuis son inauguration en 2001, le Centre a mené des travaux de recherche dans un certain nombre de domaines, notamment sur les sujets suivants : les besoins uniques des délinquants autochtones associés à l’usage nocif de substances; les besoins spéciaux des femmes ainsi que les modes de consommation et d’usage nocif de substances propres à chaque sexe; le syndrome d’alcoolisme fœtal; l’évaluation de l’efficacité des unités de soutien intensif au sein des établissements correctionnels; l’efficacité des programmes de traitement à la méthadone; l’efficacité des programmes d’analyse d’urine aléatoire et obligatoire; la mise à jour des outils d’évaluation utilisés dans les établissements correctionnels pour déterminer la gravité des toxicomanies observées chez les contrevenants133.

Le Centre de recherche en toxicomanie a également organisé en 2002 un forum international sur les priorités de recherche dans le domaine de la consommation et de l’usage nocif de substances dans le secteur correctionnel. Ce forum était coparrainé avec le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies et le Centre international de criminologie comparée de l’Université de Montréal. Il a rassemblé 160 délégués (chercheurs, gestionnaires d’établissements correctionnels, responsables de programmes et intervenants en toxicomanie du secteur communautaire) en provenance de dix pays.

Enfin, il existe aussi d’autres initiatives fédérales visant à soutenir la recherche, la surveillance et la diffusion des connaissances relativement aux facteurs prédictifs et à l’étendue de la consommation et de l’usage nocif de substances. Ainsi, la Stratégie canadienne sur le VIH/sida appuie les travaux de recherche menés sur le facteur de risque que constitue l’utilisation de drogues injectables, pour l’hépatite C et le VIH/sida. L’initiative sur le syndrome d’alcoolisme fœtal (SAF) et les effets de l’alcool sur le fœtus (EAF) facilite le développement et la diffusion des travaux de recherche et des connaissances dans ce domaine précis. Par exemple, cette initiative a entraîné un examen des meilleures pratiques et une analyse de la situation de la recherche, des politiques, des méthodes et des programmes, de même que le cofinancement d’un service national d’information sur le SAF et les EAF par l’entremise du Centre national de documentation sur l’alcoolisme et les toxicomanies du CCLAT.

3. ÉTABLIR LES RECHERCHES PRIORITAIRES ET LES RESSOURCES

Le Comité est bien conscient des activités de recherche en cours et des travaux menés à l’heure actuelle dans le domaine de la gestion de l’information et des connaissances. Toutefois, il a observé qu’il existe d’importantes lacunes dans les connaissances sur la consommation et l’usage nocif de substances, que la coordination des activités actuelles laisse à désirer et que les ressources consacrées à la recherche sont insuffisantes. Il en conclut qu’il faut accroître et mieux coordonner la recherche qui s’effectue au Canada sur la consommation et l’usage nocif de substances, et la dépendance.

Santé Canada, en collaboration avec le CCLAT et d’autres intervenants clés, y compris des consommateurs de substances, devrait notamment prendre les mesures suivantes : établir les priorités en matière de recherche afin d’élaborer des politiques fondées sur des données factuelles concernant la consommation et l’usage nocif de substances; créer des indicateurs134 nationaux clairs sur lesquels tous les intervenants gouvernementaux et non gouvernementaux accepteront de recueillir des données annuellement. Des ressources doivent en outre être consacrées à la recherche en toxicomanies afin de permettre au Canada de relever les défis que lui posent ces problèmes sociaux et sanitaires d’une grande complexité.

4. CONSTATATIONS DU COMITÉ - RECHERCHE ET CONNAISSANCES

Le Comité est arrivé aux constatations suivantes :

 Il y a un manque criant de données sur la nature, l’importance et les tendances de la consommation et de l’usage nocif de substances, et sur la dépendance. Il y a aussi un manque de coordination en ce qui a trait à la recherche, aux données et aux meilleures pratiques au Canada.
 Les États-Unis et l’Europe investissent des sommes importantes dans la recherche sur les toxicomanies. En comparaison, le Canada fait piètre figure à cet égard. En fait, au cours des dernières années, le gouvernement américain a dépensé six fois plus d’argent que le gouvernement canadien pour soutenir la recherche sur les toxicomanies qui est effectuée ici même au Canada. Par ailleurs, il faudrait en outre recourir davantage aux études de recherches internationales, lorsqu’il y a lieu.
 Pour réaliser des recherches innovatrices et concrètes sur la consommation et l’usage nocif de substances et sur la dépendance, il faut disposer de ressources soutenues, et consacrées en propre à ces activités. Ces recherches permettront de comprendre beaucoup mieux le phénomène de la consommation de substances psychoactives au Canada et, partant, de concevoir des politiques et programmes ayant une incidence véritable sur la vie des Canadiens, de leurs familles et de leurs collectivités.
 Il faut établir un système d’alerte rapide permettant de prévenir la population et les intervenants de l’apparition dans les rues d’une nouvelle substance psychoactive ou drogue synthétique, de manière à ce qu’ils aient accès sans tarder à de l’information sur le mode de production, le trafic et la consommation de cette substance.

RECOMMANDATION 6

Le Comité recommande que des enquêtes pancanadiennes soient menées à tous les deux ans dans le cadre de la Stratégie canadienne antidrogue, afin de déterminer la nature, l’importance et l’évolution de la consommation de toutes les substances psychoactives au Canada.

RECOMMANDATION 7

Compte tenu qu’il faut de toute urgence rassembler des données pancanadiennes sur la consommation et l’usage nocif de substances, et la dépendance, et qu’il est rentable et avantageux d’avoir recours à une enquête régulière sur la santé pour recueillir ces données, le Comité recommande qu’on envisage sérieusement d’intégrer des questions sur toutes les substances licites et illicites, à tous les cycles de l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, c’est-à-dire à tous les deux ans.

RECOMMANDATION 8

Le Comité recommande que la contribution que le gouvernement du Canada verse au Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies soit immédiatement portée à 3 millions de dollars et qu’elle soit ensuite augmentée annuellement suivant les recommandations formulées par le commissaire canadien aux drogues à la suite d’un examen et d’une vérification annuels des besoins et activités du CCLAT.

RECOMMANDATION 9

Le Comité recommande que l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies se concentre davantage sur la recherche en toxicomanie.

RECOMMANDATION 10

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada établisse, dans le cadre d’une nouvelle Stratégie canadienne antidrogue, un fonds de recherche spécial pour :

 garantir la collecte, l’extraction et l’intégration régulières et systématiques de données régionales, provinciales et nationales sur la consommation et l’usage nocif de substances, et la dépendance;
 soutenir les projets de recherche portant sur des questions clés relatives à la consommation et à l’usage nocif de substances;
 accroître le financement de la recherche sur la toxicomanie par l’entremise de l’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies qui fait partie des Instituts de recherche en santé du Canada.

RECOMMANDATION 11

Le Comité recommande que Santé Canada, en collaboration avec le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies et d’autres intervenants clés, y compris des consommateurs de substances, établisse les activités de recherche prioritaires qui bénéficieront du soutien du fonds de recherche spécial de la nouvelle Stratégie canadienne antidrogue.


99Dann Michols, sous-ministre adjoint, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, témoignage devant le Comité, 28 août 2002.
100Eric Single, et al., Les coûts de l’abus de substances au Canada, Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, 1996.
101La Colombie-Britannique, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et le Nunavut ne fournissent pas de données à Statistique Canada concernant les tribunaux de juridiction criminelle pour adultes.
102Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport de la vérificatrice générale du Canada de 2001, chapitre 11 — Les drogues illicites : Le rôle du gouvernement fédéral, 2001, p. 19.
103Santé Canada, Réponse au Comité spécial de la Chambre des communes sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments, 2002, p. 21.
104Ibid., p. 9.
105Eric Single, témoignage devant le Comité, 7 novembre 2001.
106Michael McLaughlin, sous-vérificateur général du Canada, Bureau du vérificateur général du Canada, témoignage devant le Comité, 6 février 2002.
107Statistique Canada, L’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes (ESCC) : enrichissement de données sur la santé au Canada, accessible en ligne à l’adresse suivante :
108Du point de vue de la recherche, cette enquête comporte de nombreux avantages : un grand échantillon; souci de représentativité des jeunes; ventilation des données aux échelons provincial et infra-provincial (région socio-sanitaire); bonne diffusion comprenant la production d’un fichier de microdonnées pouvant être partagé avec les provinces, les territoires et Santé Canada, ainsi qu’un fichier de microdonnées public; comparabilité à l’échelle internationale par rapport à des données similaires produites par l’Organisation mondiale de la santé; accent mis sur la santé communautaire susceptible de donner accès à un plus large échantillon de la population qu’une enquête portant strictement sur la consommation et l’abus de substances.
109Cette enquête exclut les enfants autochtones vivant dans une réserve et les enfants en établissement.
110Le site Web de l’Enquête longitudinale nationale sur les enfants et les jeunes se trouve à l’adresse suivante : www.hrdc-drhc.gc.ca/sp-ps/arb-dgra/conferences/nlscyconf/flyer-x.shtml.
111Dan Reist, président, Kaiser Foundation, témoignage devant le Comité, 3 décembre 2001.
112Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, Rapport annuel 2000-2001, accessible en ligne à l’adresse suivante : www.ccsa.ca/RA2001/index2.htm.
113Le mandat du Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies est présenté au Chapitre 3.
114Ce réseau a été lancé par le CCLAT en 1992 et permet aux centres de ressources, aux grandes librairies et aux chercheurs de partager de l’information sur les toxicomanies au Canada.
115Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, Rapport annuel 2000-2001.
116Michel Perron, directeur général, Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, témoignage devant le Comité, 25 octobre 2001.
117Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, Rapport annuel 2000-2001.
118Ibid.
119La plupart des renseignements figurant dans la présente section proviennent du site Web du Réseau communautaire canadien d’épidémiologie des toxicomanies (www.ccsa.ca/ccendu/indexf.htm) et du témoignage de Colleen Anne Dell, coordonnatrice nationale du RCCET, devant le Comité, 25 octobre 2001.
120Site Web du RCCET à l’adresse suivante : www.ccsa.ca/ccendu/indexf.htm.
121Ibid.
122Colleen Anne Dell, coordonnatrice nationale du RCCET, témoignage devant le Comité, 25 octobre 2001.
123Alan Ogborne, Évaluation du Réseau communautaire canadien de l’épidémiologie des toxicomanies (RCCET), mars 1999, accessible à l’adresse suivante : www.ccsa.ca/ccendu/Reports/ccenduevalfr.htm.
124Ibid.
125Les renseignements présentés dans la présente section proviennent du site Web du réseau Santé, éducation et services de police en partenariat, à l’adresse suivante : www.ccsa.ca/HEP/indexf.htm.
126Alcohol and Drug Concerns est un organisme caritatif national qui consacre ses efforts à la réduction des méfaits attribuables à l’abus de substances. Il s’intéresse surtout aux problèmes touchant les jeunes de 12 à 15 ans. On trouvera davantage de renseignements au site Web de l’organisme, à l’adresse suivante : www.concerns.ca/homepage.htm.
127Les réunions du Groupe de travail national sur la politique en matière de toxicomanie sont présidées par Eric Single et rassemblent des membres respectés, notamment les personnes suivantes : John Borody (directeur général, Fondation manitobaine de lutte contre les dépendances), Laurie Hoenschen (Canadian Society on Addiction Medicine), Louis Gliksman (directeur, Recherche sociale et évaluation, Centre de toxicomanie et de santé mentale), Lisa Mattar Gomez (Santé Canada), Perry Kendall (médecin-chef de la Colombie-Britannique), Christiane Poulin (professeure agrégée, Département de santé communautaire et d’épidémiologie, Université Dalhousie), Ed Sawka (directeur des politiques, Alberta Alcoholand Drug Abuse Commission), John Topp (directeur, Pavillon Foster, Montréal), Brian Wilbur (directeur, Nova Scotia Drug Dependency Services).
128Les renseignements qui figurent dans la présente section sont tirés du témoignage de membres du Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies, devant le Comité, 29 août 2002.
129Les IRSC constitue le principal organisme fédéral de financement de la recherche en santé. Leur objectif est d’exceller, selon les normes internationales reconnues de l’excellence scientifique, dans la création de nouvelles connaissances et leur application en vue d’améliorer la santé de la population canadienne, d’offrir de meilleurs produits et services de santé et de renforcer le système de santé du Canada. On trouvera plus de renseignements à ce sujet au site Web de l’IRSC, à l’adresse suivante :
130L’Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies est l’un des 13 instituts qui font partie des Instituts de recherche en santé du Canada, organisme qui finance la recherche et la formation dans des domaines précis intéressant les Canadiens.
131B. Fischer, et al., Étude de cohortes OPICAN (2002) (EIRS/IRSC).
132Eric Single, témoignage devant le Comité, 7 novembre 2001.
133Ross Toller, directeur général, Programmes et réinsertion sociale des délinquants, Service correctionnel Canada, témoignage devant le Comité, 3 octobre 2001.
134Par exemple, les indicateurs suivants sont couramment utilisés pour évaluer l’usage et l’usage nocif de substances de même que la dépendance aux substances : le nombre de personnes ayant consommé une substance au cours des 12 derniers mois; le nombre de personnes qui suivent un traitement; le nombre de décès liés à des surdoses de drogues; les données sur la morbidité; des statistiques de justice pénale, notamment le nombre de saisies de substances illicites et le nombre d’infractions liées à la drogue.