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SNUD Rapport du Comité

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CHAPITRE 6: CONSOMMATION DE SUBSTANCES ET SÉCURITÉ PUBLIQUE

Comme l’indique le gouvernement fédéral dans son propre énoncé de politique, « la Stratégie canadienne antidrogue reflète l’équilibre entre la réduction de l’approvisionnement en drogues et la réduction de la demande de drogues »215. Dans l’exercice des pouvoirs que lui confère la Constitution en matière de droit criminel et de ses responsabilités en ce qui a trait au contrôle frontalier et aux pénitenciers, le gouvernement fédéral consacre plus de 400 millions de dollars par année à la réduction de l’approvisionnement en substances illicites216. Parmi les contrôles législatifs fédéraux, les plus importants sont exercés en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances217, qui interdit la production, le trafic et la possession d’une foule de substances psychoactives et prévoit des sanctions établies en fonction de la nature et de la quantité des substances en question. De nombreux organismes fédéraux contribuent à réduire l’approvisionnement en drogues. Entre autres, la Gendarmerie royale du Canada  (GRC) se charge de faire observer la Loi réglementant certaines drogues et autres substances avec la collaboration des services de police municipaux et provinciaux de partout au Canada. Pour sa part, l’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) a pour mandat de réduire l’approvisionnement en substances illicites et autres marchandises de contrebande en appliquant des mesures de contrôle frontalier afin d’intercepter des cargaisons destinées au marché canadien. Justice Canada se charge des poursuites alors que Service correctionnel Canada administre de nombreuses sentences liées aux substances, en plus d’effectuer des tests d’analyse d’urine et de procéder à d’autres mesures de sécurité visant à prévenir l’usage de substances illicites et d’autres marchandises de contrebande.

Le présent chapitre traite des responsabilités et des initiatives en matière de sécurité publique qui constituent une grande part du rôle du gouvernement fédéral dans la mise en œuvre de la Stratégie canadienne antidrogue.

1. LA Loi réglementant certaines drogues et autres substances

C’est en 1908 que la première loi canadienne régissant les substances psychoactives est adoptée, afin d’interdire l’importation, la fabrication, la vente et la possession en vue de la vente de l’opium. En 1911, la portée de la Loi sur l’opium et les drogues est élargie pour interdire le transport et la possession des drogues et inclure la morphine et la cocaïne. En 1923, des modifications sont apportées à la Loi, alors connue sous le nom de Loi sur l’opium et les narcotiques, pour étendre son application au cannabis, à l’héroïne et à la codéine. Au fil des ans, d’autres modifications ont permis d’étoffer la liste des substances visées et d’étendre les contrôles administratifs applicables à leur fabrication, leur production et leur vente légales. La Loi sur les stupéfiants a été adoptée en 1961, formant ainsi la base du cadre législatif canadien qui se trouve depuis 1997 dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances218.

a) Infractions criminelles et peines

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances a annulé et remplacé la Loi sur les stupéfiants ainsi que les parties III et IV de la Loi sur les aliments et drogues. Les infractions et les peines sont définies à la partie I de la Loi. Sont considérées comme des infractions la production (culture ou fabrication), l’importation, l’exportation, la possession, le trafic et la possession à des fins d’exportation ou de trafic d’une multitude de substances psychoactives. Ces substances sont inscrites aux annexes de la Loi et les peines prévues pour chaque infraction sont établies dans l’annexe où figure la substance dont il est question et/ou en fonction du nombre de condamnations antérieures. À titre d’exemple, la possession d’héroïne ou de cocaïne (annexe I) constitue une infraction mixte pouvant entraîner une peine d’emprisonnement maximale de sept ans lorsque la Couronne procède par mise en accusation. Lorsqu’il s’agit d’une déclaration de culpabilité par procédure sommaire, la peine maximale prévue pour une première infraction est une amende de 1 000 $ ou six mois de prison, ou les deux, alors que toute infraction ultérieure est punissable d’une amende maximale de 2 000 $ ou d’une peine d’un an de prison, ou les deux. La possession d’amphétamines (annexe III) peut entraîner une peine maximale de trois ans d’emprisonnement, lorsque la Couronne procède par mise en accusation, alors que les peines maximales lorsqu’il s’agit d’une déclaration de culpabilité par procédure sommaire sont les mêmes que celles qui s’appliquent aux drogues visées par l’annexe I. Les produits du cannabis sont énumérés aux annexes II, VII et VIII et les peines maximales relatives à la possession et au trafic sont établies en fonction des quantités en cause219. Les lois régissant le cannabis sont examinées plus en détail au chapitre 9.

La Loi réglementant certaines drogues et autres substances stipule également qu’il est interdit d’obtenir ou de chercher à obtenir des substances inscrites aux annexes ou des prescriptions pour ces substances, sans avoir divulgué au préalable les substances ou les prescriptions obtenues au cours des 30 jours précédents (« l’obtention d’ordonnances multiples »)220. L’article 8 de la Loi interdit la possession d’un bien obtenu par l’entremise d’une infraction visée à la partie I et l’article 9 interdit le « blanchiment » du produit d’une telle infraction. Selon la valeur du bien en question, la peine maximale imposée pour l’une ou l’autre infraction peut être de dix ans de prison dans le cas d’une mise en accusation. Le paragraphe 10(1) reprend l’objectif du prononcé des peines figurant à l’article 718 du Code criminel en soulignant la nécessité de favoriser la réinsertion sociale des délinquants et leur traitement, « dans les cas indiqués ». Le paragraphe 10(2) comporte une liste de circonstances aggravantes dont le tribunal doit tenir compte dans l’établissement d’une peine, notamment les condamnations antérieures, l’utilisation d’une arme ou la menace d’en utiliser une, le recours à la violence ou la menace d’y avoir recours, les infractions commises à l’intérieur ou près d’une école et les infractions auxquelles ont participé des personnes de moins de 18 ans. La partie II comporte les dispositions relatives aux fouilles, aux perquisitions, aux saisies et à la rétention qui permettent d’exécuter la Loi221. La partie II confère également aux tribunaux le pouvoir d’ordonner le blocage ou la confiscation, ou les deux, du bien infractionnel, ainsi que la confiscation du produit de la criminalité, alors que la partie III régit la disposition des substances désignées.

b) Conformité réglementaire

Étant donné que nombre des substances inscrites aux annexes de la Loi sont utilisées à des fins médicales légitimes, les infractions visées par la Loi sont formulées de façon à exclure la responsabilité criminelle par voie de règlement. Par exemple, l’article 4 interdit la possession de toute substance inscrite aux annexes I, II ou III, « sauf dans les cas autorisés aux termes des règlements ». De la même façon, l’article 2 définit le « trafic » comme la vente, le transport, la livraison, etc., « qui sort du cadre réglementaire », d’une substance inscrite à l’une ou l’autre des annexes I à IV. La Loi prévoit des exemptions similaires pour ce qui est de l’importation, de l’exportation ou de la production de substances inscrites à certaines annexes222. Les exemptions sont régies en vertu de la partie IV de la Loi, laquelle prévoit également la désignation d’inspecteurs ayant l’autorité de faire appliquer les règlements. Ainsi, les inspecteurs peuvent procéder à la visite de tout lieu « où le titulaire d’une autorisation ou d’une licence réglementaire —  l’habilitant à se livrer à des opérations à l’égard de substances désignées ou de précurseurs — exerce son activité commerciale ou professionnelle »223.

En vertu de la partie V de la Loi, le ministre de la Santé peut suspendre, révoquer ou modifier un permis, une licence ou une autorisation s’il croit qu’il y a eu infraction à un règlement « spécial » et s’il estime qu’il en découle un risque grave et imminent pour la santé ou la sécurité de quiconque »224. Tout signalement d’une infraction par le Ministre est soumis à l’examen d’un arbitre qui décidera si l’ordonnance provisoire sera entérinée, modifiée ou révoquée par le Ministre ou si elle cessera d’avoir effet. La partie VI comporte des dispositions sur l’analyse des substances, la désignation d’analystes et l’utilisation de certificats établis par des analystes pour des poursuites criminelles. C’est également en vertu de la partie VI, plus précisément de l’article 55, que le gouverneur en conseil est investi de vastes pouvoirs qui lui permettent de créer des règlements en matière « d’applications médicales, scientifiques et industrielles, et de distribution des substances désignées et des précurseurs ». Enfin, l’article 56 confère au ministre de la Santé le pouvoir de soustraire toute personne ou substance à l’application de la Loi s’il estime que des « raisons médicales, scientifiques ou d’intérêt public le justifient »225.

2. Solutions de rechange aux poursuites ou à l’incarcération, ou aux deux

De nombreux témoins ont déclaré au Comité qu’ils estiment que la dépendance aux substances est une question qui relève du domaine de la santé. Ils sont donc d’avis que les poursuites criminelles liées à la dépendance ont peu de chance d’avoir des effets positifs durables. Plusieurs témoins se sont plutôt montrés en faveur du recours à diverses solutions de rechange aux poursuites et à l’incarcération, afin de reconnaître l’existence d’un problème plus profond de dépendance et de s’y attaquer, tout en tenant le contrevenant responsable de son comportement criminel.

a) Tribunaux de traitement de la toxicomanie

L’une des solutions les plus souvent proposées par les témoins est le recours à un programme judiciaire étendu pour le traitement de la toxicomanie. Dans le cadre de ce concept qui a vu le jour aux États-Unis, les tribunaux de traitement de la toxicomanie utilisent « divers moyens pour inciter les contrevenants à se rendre au bout de leur traitement, notamment a surveillance des décisions judiciaires, l’application de sanctions dans le cas de non-conformité et divers autres incitatifs »226. Créé en 1998, le Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto bénéficie du soutien financier du Fonds d’investissement de la Stratégie nationale sur la sécurité communautaire et la prévention du crime et il est géré conjointement par le ministère de la Justice et le ministère du Solliciteur général du Canada. Dans un communiqué de presse publié en décembre 1998 par le Solliciteur général, le programme est présenté comme le fruit d’une collaboration entre le Centre de toxicomanie et de santé mentale, le système de justice pénale de Toronto, les services de police de Toronto, le Service de Santé publique de la ville de Toronto et divers organismes de services communautaires. Premier en son genre au Canada, ce projet pilote avait comme objectif « de réduire la consommation de drogues et le comportement criminel qui en découle au moyen de traitements, et démontrer la rentabilité d’un modèle de déjudiciarisation qui offre une solution de rechange à l’incarcération ».

Au cours de son étude, le Comité a pu observer des débats du Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto et s’entretenir avec des représentants et des membres du personnel du Tribunal ainsi qu’avec certains de ses fournisseurs de services. Le programme offre des traitements sous supervision judiciaire, par l’entremise du Centre de toxicomanie et de santé mentale, aux contrevenants ayant une dépendance à la cocaïne ou aux opiacées. Après avoir réussi à terminer le traitement, les contrevenants dont le casier judiciaire est limité ou inexistant qui sont accusés de possession de cocaïne ou d’héroïne peuvent obtenir le retrait des accusations. Selon un sommaire du programme publié par le Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto, les contrevenants non violents accusés de trafic de petites quantités de cocaïne ou d’héroïne doivent enregistrer un plaidoyer de culpabilité pour participer au programme, mais s’ils terminent ce dernier avec succès, ils peuvent se voir imposer une peine sans placement sous garde. L’évaluation finale du programme n’est pas prévue avant la fin de 2004. Toutefois, ce sommaire publié en décembre 2001 fait état de rapports intérimaires qui indiquent une réduction de la consommation de drogues et des comportements criminels chez les participants au programme, par rapport aux contrevenants encadrés par le système judiciaire traditionnel ayant commis des infractions semblables. De plus, bien qu’une analyse de réduction des coûts n’ait pas encore été réalisée, le sommaire précise qu’il en coûte environ 8 000 $ par année pour offrir un traitement à un participant au programme alors que l’incarcération de ce contrevenant pendant un an coûterait 45 000 $.

En septembre 2001, le ministre de la Justice a annoncé l’attribution d’une aide financière supplémentaire pour permettre au Tribunal de Toronto de poursuivre ses activités jusqu’en décembre 2004. Dans l’intervalle, un deuxième tribunal de traitement de la toxicomanie a vu le jour à Vancouver le 4 décembre 2001. Le tribunal de Vancouver constitue également un projet pilote de quatre ans dont les objectifs et les sources de financement sont similaires à ceux du programme de Toronto. Le ministre de la Justice a donné l’assurance que les programmes de Toronto et de Vancouver feront l’objet d’une évaluation « rigoureuse » qui aura pour but d’établir leur rentabilité, leur efficacité et leur réussite en général.

Le Comité a constaté que le concept de tribunal de traitement de la toxicomanie ne fait pas l’unanimité. Certains témoins ont fait valoir en effet que les traitements contraignants et obligatoires ont peu de chance de produire les résultats souhaités. D’autres estiment que les tribunaux de traitement constituent une option qui ne sert qu’à accroître l’emprise des contrôles sociaux. Ceux qui sont en faveur de ces tribunaux croient que certains contrevenants toxicomanes ont besoin d’une forte source de motivation extérieure pour se décider à suivre un traitement. Certains témoins ont dit appuyer de tels tribunaux mais à condition qu’ils ne remplacent pas les programmes de traitements volontaires ou en réduisent l’accessibilité.

Le Comité estime que les tribunaux de traitement de la toxicomanie constituent une option très prometteuse pour certains contrevenants toxicomanes, surtout si ces tribunaux permettent d’exposer les délinquants aux services sociaux dont ils ont besoin au moment où ils reçoivent un traitement pour leur dépendance. Dans ce contexte, le recours aux tribunaux de traitement de la toxicomanie devrait accroître les chances de succès auprès de ces personnes. La réussite de ce genre d’initiative pourrait se traduire par des avantages d’une portée considérable pour l’ensemble de la société, notamment la réduction des coûts en soins de santé et la diminution des risques de créer de nouvelles victimes. Dans l’éventualité où l’évaluation des projets pilotes actuels montrerait que le taux de réussite est supérieur chez les toxicomanes qui entreprennent ou terminent le programme, le Comité estime que les programmes exhaustifs supervisés par des tribunaux de traitement de la toxicomanie devraient constituer une composante permanente du système de justice pénale.

b) Traitement obligatoire

Dans le but d’obtenir des interventions et des traitements plus efficaces, d’aucuns ont proposé l’imposition de traitements obligatoires aux contrevenants récidivistes qui commettent des actes criminels pour soutenir leur dépendance à des substances. D’autres se sont catégoriquement opposés à une telle mesure aux motifs que les traitements imposés ne donnent tout simplement pas de résultats et qu’ils vont à l’encontre de valeurs sociales importantes comme l’autonomie et la liberté individuelle. L’article 10 de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances stipule que l’objectif essentiel du prononcé des peines en vertu de la partie I de la Loi consiste à favoriser « la réinsertion sociale des délinquants et, dans les cas indiqués, leur traitement ». Il semble toutefois que cet article ne s’applique pas à une peine résultant d’une infraction au Code criminel, même si ladite infraction a été commise en rapport avec un état de dépendance. À l’heure actuelle, le Code criminel autorise tout juge qui impose une peine de sommer le contrevenant, comme condition de probation, de subir « un traitement curatif pour abus d’alcool ou de drogue », aux fins de l’évaluation et du traitement recommandés227.

Il faut souligner qu’à une certaine époque, la partie II de la Loi sur les stupéfiants prévoyait la détention préventive et la détention à titre de traitement. Établies en 1961, ces dispositions n’ont cependant jamais été promulguées228. Il convient aussi de mentionner les appréhensions soulevées par les membres de la Commission Le Dain, qui se demandaient si ces dispositions avaient « un lien suffisamment étroit avec la question de la responsabilité criminelle pour qu’on puisse validement y avoir recours comme solution de droit pénal »229. La Commission a également constaté : « En dépit de la relation étroite entre « toxicomanie » et délit, il est douteux que le Parlement puisse obliger un toxicomane à suivre une cure, en vertu de sa compétence en matière de prévention de la criminalité »230.

Le Comité est conscient que la possibilité d’imposer des traitements obligatoires aux contrevenants soulève d’importantes questions d’ordre pratique et éthique. Par exemple, les fournisseurs de services pourraient tout simplement refuser de traiter les contrevenants qui ne sont pas intéressés à se défaire de leur dépendance. Il est évident que l’imposition d’un traitement obligatoire pour punir une infraction criminelle liée à l’usage de substances serait injuste si cette pratique se faisait au détriment des programmes de traitement volontaire accessibles aux personnes qui n’ont pas de démêlés avec le système de justice pénale. Enfin, le Comité reconnaît que l’imposition de traitements obligatoires risque fort d’aller à l’encontre de la Charte canadienne des droits et libertés.

Nous convenons toutefois que les tribunaux doivent pouvoir disposer d’options plus nombreuses et plus efficaces pour prendre les mesures nécessaires à l’égard des criminels récidivistes dont les démêlés avec la justice sont liés à leur dépendance à des substances illicites, en particulier dans les endroits où il n’existe pas de tribunaux de traitement de la toxicomanie. C’est pourquoi le Comité souhaite que la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ainsi que le Code criminel soient examinés afin d’étudier la possibilité de fournir aux tribunaux des options plus créatives que les amendes et l’incarcération, dans les cas indiqués, options qui permettraient de s’attaquer plus efficacement aux causes fondamentales de la criminalité.

2.1 CONSTATATIONS DU COMITÉ - SOLUTIONS DE RECHANGE AUX POURSUITES OU À L’INCARCÉRATION, OU AUX DEUX

Le Comité est arrivé aux constatations suivantes :

 Dans la majorité des cas, les poursuites judiciaires et l’incarcération pour des infractions criminelles liées à la toxicodépendance n’ont pas permis d’obtenir des résultats souhaités, durables et positifs.
 Les tribunaux de traitement de la toxicomanie peuvent représenter une solution prometteuse pour certains contrevenants toxicomanes, surtout si la supervision et les traitements sont accompagnés des services sociaux nécessaires.
 Les solutions faisant appel aux traitements obligatoires ou correctifs risquent de soulever des questions sur les plans moral, juridique et pratique.
 Les tribunaux de traitement de la toxicomanie et le recours aux traitements obligatoires doivent faire l’objet d’une évaluation exhaustive avant que des investissements ou des changements stratégiques additionnels ne soient effectués.

RECOMMANDATION 28

Le Comité recommande le maintien de l’aide aux projets pilotes actuels des tribunaux de traitement de la toxicomanie. Il recommande aussi le financement permanent de ces tribunaux et l’attribution de fonds nécessaires à la création de nouveaux établissements, si les besoins cernés lors de l’évaluation des résultats le justifient.

RECOMMANDATION 29

Le Comité recommande au ministre de la Santé et au ministre de la Justice de proposer des modifications appropriées à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances ou au Code criminel, ou aux deux, pour accroître les options en matière de détermination des peines imposées aux toxicomanes ayant des démêlés avec le système de justice pénale, notamment le recours au traitement.

3. Établissements correctionnels

L’abus d’alcool et de drogues est une préoccupation majeure dans le système correctionnel fédéral. Au moment de l’admission dans un établissement fédéral, près de 70 % des délinquants sous responsabilité fédérale sont évalués comme ayant un problème de toxicomanie qui nécessite une intervention. Selon les résultats obtenus lors d’un sondage auprès des détenus, 34 % des délinquants ont admis avoir fait l’usage de drogues injectables avant d’être incarcérés et 11 % ont indiqué avoir utilisé des drogues injectables depuis qu’ils sont incarcérés. Vingt-cinq pour cent des détenus ont indiqué qu’ils subissent des pressions pour introduire illégalement de la drogue dans l’établissement231.

Comme moyen de s’attaquer plus efficacement au problème de l’usage de substances dans les prisons, Service correctionnel Canada (SCC) a mis sur pied en février 2002 un programme pilote qui prévoit la création d’unités de soutien intensif (USI) dans plusieurs pénitenciers.

L’USI a pour principal objet d’offrir aux délinquants un environnement sûr dans lequel ils peuvent vivre sans drogue, en bénéficiant de l’appui et de l’intervention accrus du personnel. Les unités sont ouvertes tant aux délinquants toxicomanes qu’à ceux qui n’ont pas de problèmes de cette nature, mais qui veulent vivre dans un environnement où il n’y a pas de drogue ni de problèmes interpersonnels causés par la consommation de drogues232.

Service correctionnel Canada offre également des programmes de traitement, notamment le programme Choix, à l’intention des libérés conditionnels, et le Programme prélibératoire pour toxicomanes (PPT), aux contrevenants qui demandent ou nécessitent une intervention. Afin d’élaborer et d’évaluer des programmes de traitement pour les contrevenants, en mai 2001, Service correctionnel Canada a également ouvert un Centre de recherche en toxicomanie à Montague, à l’Île-du-Prince-Édouard. En plus de mener ses propres études indépendantes, le Centre collabore avec des chercheurs provenant d’établissements fédéraux, provinciaux et territoriaux ainsi que d’organismes non gouvernementaux et du milieu universitaire.

Le problème de l’usage de substances dans les prisons fédérales et les preuves de ses effets sur la santé ont été abondamment documentés. On ne devrait pas s’en étonner outre mesure puisqu’en toute logique on retrouve dans les prisons une grande partie des problèmes sociaux qui touchent l’ensemble de la population, y compris l’usage nocif, la dépendance et le trafic liés aux substances illicites. La présence de substances illicites dans les prisons donne lieu à au moins deux importantes préoccupations. La première concerne la menace que constitue le trafic illégal pour la sécurité de ces établissements, y compris pour la sécurité du personnel et des détenus. L’autre a trait à l’effet dévastateur de l’usage nocif de ces substances et de la dépendance sur la santé des détenus et, en bout de ligne, sur celle de leurs familles et de la société dans son ensemble.

a) Sécurité des établissements

L’incapacité de Service correctionnel Canada à enrayer la circulation des substances illicites dans les prisons fédérales représente un problème de taille. Compte tenu de l’environnement hautement contrôlé que constituent les prisons, on pourrait s’attendre à ce que les autorités carcérales puissent freiner, avec une certaine facilité, la circulation de ces biens de contrebande dans leurs établissements. Cependant, les prisons et les détenus ne sont pas totalement isolés du monde extérieur. La gestion quotidienne des pénitenciers fédéraux exige l’acquisition de nombreux biens et services qui proviennent de fournisseurs extérieurs. En outre, de nombreux détenus, membres du personnel et visiteurs circulent jour après jour dans ces établissements.

Le trafic de substances illicites en milieu carcéral risque de causer des problèmes encore plus graves que ceux que l’on retrouve à l’extérieur. La coercition et l’intimidation s’exercent beaucoup plus facilement dans un environnement fermé où les détenus et même les visiteurs ont l’impression qu’ils n’ont guère d’autre choix que d’aller jusqu’à accepter de collaborer avec les trafiquants. Le Comité constate que Service correctionnel Canada prend la prohibition des substances illicites et d’autres produits de contrebande très au sérieux et fait appel à plusieurs techniques de surveillance et du renseignement pour y arriver, de concert avec les services policiers des collectivités concernées. Service correctionnel Canada se sert également de matériel spécial, notamment de détecteurs d’ions servant à déceler la présence de substances illicites, et il a mis sur pied un programme de chiens détecteurs de drogue qui s’étendra à tous les établissements de Service correctionnel Canada d’ici les trois prochaines années233.

Bien qu’il soit tentant de résoudre le problème en ayant recours à des fouilles plus rigoureuses et en se montrant plus disposé à interdire l’accès à certains visiteurs, il ne faut pas perdre de vue que la législation oblige Service correctionnel Canada à favoriser les liens entre les détenus et la collectivité. Par exemple, le paragraphe 3(b) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition234 stipule clairement que Service correctionnel Canada vise à contribuer au maintien d’une société juste, vivant en paix et en sécurité, en assurant l’exécution des peines imposées par les tribunaux et « en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois ». De plus, il semblerait que les détenus qui sont en mesure de rester en contact avec les membres de leur famille tout au long de leur incarcération sont susceptibles de mieux réussir leur réintégration au sein de la société au terme de leur sentence. Le Comité estime cependant que Service correctionnel Canada doit continuer d’élaborer de nouvelles technologies et de nouvelles méthodes afin de prévenir plus efficacement la circulation des substances illicites vers et dans les établissements carcéraux. C’est pourquoi le Comité est d’avis que les politiques et procédures doivent faire l’objet d’un examen périodique.

b) L’état de santé des contrevenants

Les risques pour la santé associés à l’usage de drogues injectables (UDI) en milieu carcéral ont également donné lieu à une documentation abondante.

Dans le système fédéral de détention du Canada (où les détenus purgent des peines de plus de deux ans), le nombre de cas rapportés de VIH/sida est passé de 14 en janvier 1989, à 159 en mars 1996, puis à 217 en décembre 2000. Cela signifie que l’on sait que 1,66 % des détenus d’établissements fédéraux sont séropositifs. […]

Les taux de prévalence de l’hépatite C dans les prisons canadiennes sont encore plus élevés : des études menées dans des prisons canadiennes au début et au milieu des années 90 ont révélé des taux de prévalence de virus de l’hépatite C (VHC) entre 28 % et 40 %235.

L’incidence du VIH chez les détenus des prisons fédérales est beaucoup plus élevée que dans la population en général. En outre, l’incidence de l’infection à l’hépatite C a atteint des proportions épidémiques d’une ampleur comparable à celle qui touche les usagers de drogues injectables dans l’ensemble de la population. Les causes des taux élevés d’infection sont diverses. Par exemple, certains usagers de drogues injectables sont déjà séropositifs ou porteurs du virus de l’hépatite C à leur admission dans un pénitencier. Certains de ces usagers continuent de s’injecter de la drogue en prison, où les programmes d’échange de seringues sont inexistants et l’accès au traitement à la méthadone est parfois limité. Lorsque les détenus infectés partagent du matériel d’injection contaminé avec d’autres usagers, il est presque certain que cette pratique augmentera la propagation de maladies transmissibles par le sang.

Le Comité a reçu un certain nombre de propositions visant à atténuer les risques les plus flagrants associés à l’usage de drogues injectables chez les détenus. Par exemple, certains ont suggéré que Service correctionnel Canada mette fin aux tests aléatoires de dépistage de la marijuana parce qu’il est possible que ces tests incitent les détenus consommant cette drogue à passer à des substances plus nocives pour éviter de se faire prendre et de subir des sanctions (la marijuana est présente dans l’urine pour une période beaucoup plus longue que les autres drogues). Service correctionnel Canada rejette toutefois cette hypothèse, s’appuyant sur le fait que « les résultats d’analyses au hasard ont révélé que 49 % des résultats positifs demeurent attribuables à l’usage du THC [cannabis] »236. Certains témoins ont pour leur part suggéré la mise sur pied de programmes d’échange de seringues dans les établissements, puisqu’il semble bien établi que la distribution de seringues propres contribue à réduire la propagation de maladies transmissibles par le sang chez les personnes faisant usage de drogues injectables237. Préoccupé par la question de la sécurité, Service correctionnel Canada a plutôt opté pour la distribution de trousses de désinfection à l’eau de Javel. Enfin, même si les détenus ont la possibilité de continuer leur traitement de maintien à la méthadone, le Comité a appris que ceux qui n’en recevaient pas déjà un au moment de leur incarcération pouvaient obtenir un tel traitement mais seulement dans des circonstances exceptionnelles238. Selon le Comité, les traitements de maintien à la méthadone à l’intention des détenus devraient comporter des critères d’admissibilité semblables à ceux qui s’appliquent à la population en général.

En outre, bien qu’il soit conscient des défis auxquels sont confrontés les établissements correctionnels sur le plan de la sécurité, le Comité est d’avis que Service correctionnel Canada doit continuer à trouver des moyens plus nombreux et novateurs de protéger la santé des détenus, du personnel et de l’ensemble de la population.

Même si certains contrevenants tirent profit des traitements de substitution ou d’autres mesures de réduction des méfaits, le Comité reconnaît que de nombreux détenus souhaitent plutôt recevoir un traitement qui les aidera à adopter, pendant leur incarcération, un style de vie exempt d’alcool et d’autres substances. C’est pourquoi le Comité est d’avis que les programmes de traitement axés sur l’abstinence doivent continuer d’être un élément clé des initiatives de Service correctionnel Canada visant à régler le problème de l’usage de substances licites et illicites.

Comme il a été mentionné, le Comité est au courant que Service correctionnel Canada a établi un projet pilote pour la création d’unités de soutien intensif (USI) dans certains établissements, à l’intention des délinquants qui souhaitent vivre dans un environnement exempt de substances. Une majorité de députés sont enchantés par le caractère novateur de cette initiative, bien que le Comité ait appris qu’il pourrait se révéler difficile d’éliminer les pressions que les autres détenus exercent sur ceux qui bénéficient des USI. Le Comité propose donc que Service correctionnel Canada approfondisse ce concept en l’appliquant à l’ensemble de certains établissements de l’ouest et de l’est du pays, afin que les contrevenants hautement motivés aient accès à des traitements intensifs axés sur l’abstinence, dans un environnement sécuritaire et exempt de substances psychoactives.

Comme on l’a déjà indiqué, le Comité a reçu des témoignages concernant les nombreux programmes de traitement de la toxicomanie offerts aux détenus ainsi qu’aux délinquants ayant obtenu une libération conditionnelle. Toutefois, le Comité convient que les délinquants doivent pouvoir accéder sur demande à des traitements sans subir de délais déraisonnables ou exagérés, afin d’accroître les chances de réussite. Par conséquent, le Comité exhorte Service correctionnel Canada à veiller à ce que la disponibilité des traitements pour les contrevenants incarcérés ne soit pas établie en fonction de l’imminence de leur date d’admissibilité à la libération conditionnelle ou de leur libération conditionnelle comme telle.

3.1 CONSTATATIONS DU COMITÉ - ÉTABLISSEMENTS CORRECTIONNELS

Le Comité est arrivé aux constatations suivantes :

 L’incapacité de Service correctionnel Canada à enrayer la circulation des substances illicites dans les prisons fédérales représente un problème de taille qui exige une intervention immédiate.
 Il faut en faire davantage pour s’attaquer au taux alarmant d’usage de substances psychoactives chez les délinquants incarcérés et aux risques sanitaires liés à cette pratique.
 Afin de s’attaquer efficacement au problème de la consommation et de l’usage nocif de substances et à celui de la dépendance chez les délinquants incarcérés, Service correctionnel Canada doit offrir aux détenus une vaste gamme d’options de traitements dans un environnement sécuritaire et exempt de substances.

RECOMMANDATION 30

Le Comité recommande que Service correctionnel Canada soit tenu d’élaborer et de mettre en œuvre un plan triennal visant à réduire considérablement la circulation des drogues illicites vers les pénitenciers. Le Comité recommande aussi que le commissaire fédéral aux drogues, désigné soit consulté pour l’établissement des objectifs du plan et soit chargé de surveiller l’efficacité des résultats.

RECOMMANDATION 31

Le Comité recommande que Service correctionnel Canada permette aux contrevenants incarcérés d’avoir accès à des traitements de substitution, notamment les traitements à la méthadone, qui soient assortis de critères d’admissibilité semblables à ceux qui s’appliquent à la population en général.

RECOMMANDATION 32

Le Comité recommande que Service correctionnel Canada permette aux contrevenants incarcérés de bénéficier d’initiatives de réduction des méfaits afin de réduire l’incidence des maladies transmissibles par le sang, tout en respectant les exigences des pénitenciers en matière de sécurité.

RECOMMANDATION 33

Le Comité recommande que Service correctionnel Canada continue de promouvoir l’abstinence comme principal objectif de traitement.

RECOMMANDATION 34

Le Comité recommande que Service correctionnel Canada entreprenne un projet pilote qui consisterait à créer deux établissements correctionnels fédéraux réservés aux délinquants qui souhaitent purger leur peine dans un environnement exempt de substances et offrant des traitements et du soutien intensifs.

RECOMMANDATION 35

Le Comité exhorte Service correctionnel Canada à veiller à ce qu’il y ait suffisamment de programmes de traitement de l’abus de substances et de places dans ces programmes pour permettre aux délinquants d’y avoir accès immédiatement après leur incarcération, si besoin est.

4. Contrôle frontalier

L’Agence des douanes et du revenu du Canada (ADRC) est l’organisme fédéral chargé d’intercepter les substances et autres produits de contrebande au premier point d’entrée au Canada. L’ADRC travaille de concert avec la GRC et d’autres services de police canadiens, ainsi qu’avec des organismes étrangers d’application de la loi, notamment la U.S. Drug Enforcement Agency et INTERPOL239.

Dès le début de l’étude, le Comité a rencontré des représentants de l’ADRC qui lui ont fait part du mandat et des activités de l’organisme en matière de substances illicites. Les membres du Comité se sont rendus à des postes frontaliers de la région du Niagara pour y rencontrer le personnel de l’ADRC responsable des contrôles. Ils ont également recueilli des renseignements lors de rencontres avec des représentants de l’ADRC à l’aéroport de Dorval et au port de Montréal. En outre, des employés locaux de l’ADRC ont témoigné devant le Comité lors des audiences tenues à Toronto et à Vancouver.

Même si l’ADRC dispose de moyens très perfectionnés pour la détection de la contrebande, notamment des appareils de radiographie, des détecteurs d’ions, des fibroscopes et des équipes dotées de chiens détecteurs, seule une petite partie des substances illicites en route pour le Canada peut être interceptée, compte tenu du volume considérable de biens et de personnes qui circulent chaque jour par les postes frontaliers. Pourtant, il existe un système très perfectionné de coopération avec d’autres organismes d’application de la loi et des entreprises de transport, dans le but de recueillir et d’analyser des renseignements. Même si les représentants de l’ADRC n’ont pas mentionné que les récentes modifications à la loi, apportées par l’entremise du projet de loi S-23240, faciliteront grandement leurs efforts, l’un d’eux a tout de même souligné « qu’on pourrait faire le plus de progrès en disposant des fonds nécessaires, c’est-à-dire de l’attribution de ressources convenables, qui nous permettraient de continuer d’accroître nos activités de lutte contre le trafic des stupéfiants »241.

Le Comité reconnaît que la circulation efficace des personnes et des échanges commerciaux légitimes entre le Canada et les autres pays est vitale pour la prospérité économique de notre pays. De toute évidence, cette réalité met encore plus de pression sur les agents des douanes qui doivent s’efforcer d’exécuter leurs tâches dans des délais raisonnables sans pour autant compromettre la sécurité aux frontières canadiennes. Compte tenu de ces contraintes et de la nécessité absolue d’exercer un contrôle frontalier efficace, le Comité estime que l’Agence des douanes et du revenu du Canada doit pouvoir compter sur des ressources adéquates pour mener à bien ses activités.

En dépit des ressources et du savoir-faire dont dispose l’ADRC, le Comité a appris que le crime organisé constitue un obstacle de taille à la lutte contre les activités de contrebande dans le port de Montréal. Il semble que cette situation soit en partie attribuable à l’incertitude et au morcellement des responsabilités en matière d’application de la loi, en particulier depuis le démantèlement de la Police de Ports Canada, en 1997. On a informé le Comité que la sécurité dans le port de Montréal est assurée par une entreprise contractuelle pour le compte de l’autorité portuaire, entreprise qui ne possède ni le pouvoir ni le mandat de faire appliquer la loi. De plus, bien que le service de police de Montréal réponde aux appels dans ce secteur, il n’effectue pas de rondes dans le port de Montréal242. Au cours des quatre dernières années, une force policière conjointe formée de la GRC, de la Sûreté du Québec, du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal et de l’ADRC a été chargée de mener des enquêtes sur les activités du crime organisé dans le port de Montréal. Des représentants de cette force policière ont indiqué aux membres du Comité qu’ils souhaitent le retour des patrouilles policières dans le port de Montréal243. Pour ce qui concerne la côte ouest, le chef adjoint Peter Ditchfield, de la Organized Crime Agency of British Columbia (agence de surveillance du crime organisé de la Colombie-Britannique), a déclaré ce qui suit au Comité : « Les ports de mer de Colombie-Britannique sont infiltrés depuis longtemps par les groupes de criminels organisés. Ils s’en servent pour faciliter l’importation de nombreux types de drogues, dont les plus connues sont la cocaïne et l’héroïne244. »

Au terme d’une étude ayant trait à la sécurité dans les ports canadiens, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a publié un rapport en février 2002. Il y présente des conclusions semblables sur une présence policière insuffisante, du moins dans le port de Montréal, et des indications qu’un nombre « assez important » de débardeurs possèdent un casier judiciaire. Le Comité sénatorial a alors recommandé une vérification obligatoire des antécédents des employés actuels et éventuels du port afin de déceler toute menace potentielle à la sécurité245.

Bien qu’il ne soit pas possible d’établir avec certitude si d’autres grands ports du Canada connaissent les mêmes problèmes, il est évident que le crime organisé compromet la sécurité dans les ports de Montréal et de Vancouver et présente une menace bien réelle pour la population canadienne. De plus, il semble que les initiatives policières conjointes commencent à porter des fruits pour ce qui est de réduire ces activités criminelles. Le Comité croit cependant que le recours à des mesures efficaces d’application de la loi dans les ports canadiens nécessitera des ressources supplémentaire et une intégration accrue, ou les deux afin de répondre aux préoccupations croissantes et en matière de sécurité et d’interdiction, qu’il s’agisse de créer une force policière distincte ou d’accroître l’efficacité des ressources actuelles.

4.1 CONSTATATION DU COMITÉ - CONTRÔLE FRONTALIER

Le Comité est arrivé à la constatation suivante :

 Le Canada doit accroître l’efficacité de ses activités de contrôle frontalier et de ses efforts visant l’interdiction des substances illicites, sans toutefois entraver outre mesure la circulation efficace des biens licites.

RECOMMANDATION 36

Le Comité recommande que le ministre du Revenu national améliore l’efficacité des activités de contrôle frontalier en veillant à ce que des ressources adéquates, notamment de l’équipement à la fine pointe, soient affectées à ces activités.

RECOMMANDATION 37

Le Comité recommande que la Gendarmerie royale du Canada et l’Agence des douanes et du revenu du Canada soient chargées de déployer les efforts supplémentaires nécessaires pour améliorer l’efficacité des activités de lutte antidrogue dans les grands ports du pays, en collaboration avec les organismes locaux d’application de la loi.

5. Crime organisé

Le commerce de la drogue continue d’être une source très importante de recettes pour la plupart des groupes du crime organisé. D’après les estimations, environ 80 p. 100 de leurs fonds proviennent de ce commerce. L’ecstasy s’ajoute désormais au cannabis, à l’héroïne et à la cocaïne au nombre des produits les plus populaires au Canada. Le marché canadien des drogues illicites offre un potentiel de ventes qui s’inscrit entre 4 et 18 milliards de dollars au prix de la rue. La Organized Crime Agency (Agence de surveillance du crime organisé) évalue à 6 milliards de dollars par année l’industrie britano-colombienne de la marihuana246.

Le chef adjoint Ditchfield a confirmé l’importance du marché de la marijuana en Colombie-Britannique, soulignant qu’on estime qu’il existe entre 15 000 et 20 000 plantations illégales de marijuana dans la vallée du bas Fraser. Les profits de cette industrie « nourrissent le crime organisé dans la province et financent l’importation et la fabrication de drogues qui sont beaucoup plus nocives pour la santé et la sécurité des Canadiens247 ».

Le Comité a entendu les témoignages d’organismes d’application de la loi et de spécialistes en élaboration de politiques, qui ont expliqué le rôle du crime organisé dans la production, l’importation, l’exportation et la distribution de toutes sortes de substances illicites à l’intérieur et à l’extérieur du Canada. Certains témoins ont également établi un lien entre le crime organisé et le financement d’organisations terroristes aux quatre coins du monde. Même s’il ne fait aucun doute que le crime organisé est engagé dans le trafic de substances illicites et qu’il en tire d’énormes profits, le Comité a constaté qu’il n’y a pas une grande unanimité sur les politiques ou les réformes législatives qui permettraient de mieux s’attaquer à ce problème. Par exemple, des témoins ont déclaré que la prohibition était à la source d’une grande partie des méfaits associés au trafic de substances illicites et au crime organisé.

Bref, il est difficile d’imaginer meilleure façon d’engendrer et de maintenir la violence, la corruption, le crime organisé, la destruction des libertés civiles, les morts inutiles, la misère et le dysfonctionnement social que les politiques prohibitionnistes défendues par les décideurs et les parlementaires canadiens au cours des 90 dernières années248.

D’autres témoins se sont dits en profond désaccord avec ceux qui affirment que la levée de la prohibition réduirait les activités du crime organisé.

Le statut illégal d’une substance n’est qu’un irritant mineur pour les organisations criminelles. Le profit est le facteur qui les motive. Nous voyons ces groupes prendre part aux activités illégales entourant l’alcool et le tabac249.

Les représentants des organismes d’application de la loi étaient plutôt d’avis qu’il faut déployer des ressources additionnelles et renforcer les lois pour obtenir de meilleurs résultats dans la lutte contre le trafic et la consommation de substances illicites.

Reconnaissant la gravité de la situation, le Parlement a récemment entrepris une réforme législative ayant pour but de s’attaquer aux problèmes découlant du crime organisé et du blanchiment d’argent. En 1995, le projet de loi C-95 a permis de donner des pouvoirs additionnels aux policiers en matière d’enquête et d’accusations concernant les activités des groupes criminalisés250. En 1999, le projet de loi C-51 a permis d’accorder aux policiers une protection en matière de responsabilité criminelle concernant certaines activités associées au blanchiment d’argent, pour les besoins d’une enquête251. Plus récemment, des modifications proposées dans le cadre du projet de loi C-24 ont permis de renforcer les dispositions du Code criminel portant sur les activités criminelles, les gangs et le blanchiment d’argent. Cette refonte a été réalisée à la suite de la publication, en octobre 2000, d’un rapport du Sous-comité sur le crime organisé du Comité permanent de la justice et des droits de la personne de la Chambre des communes252.

Le Comité n’est pas en faveur de l’élimination des interdictions frappant les substances illicites dans le but de supprimer les incitatifs financiers que leur trafic procure vraisemblablement aux groupes criminalisés. En revanche, le Comité ne croit pas qu’il soit nécessaire de procéder à d’autres réformes législatives à ce stade-ci, puisqu’il est trop tôt pour évaluer les résultats des modifications apportées au Code criminel et des autres initiatives que nous venons de mentionner. Le Comité reconnaît toutefois qu’il est nécessaire d’évaluer systématiquement la mise en œuvre et l’efficacité de ces mesures afin de déterminer si d’autres modifications législatives s’imposent.

5.1 CONSTATATIONS DU COMITÉ - CRIME ORGANISÉ

Le Comité est arrivé aux constatations suivantes :

 En dépit du fait que la prohibition et la réglementation des substances désignées représentent la structure dont se sert le crime organisé pour créer ses marchés, la société canadienne n’est pas prête à laisser tomber ces contrôles, ou dotée des outils nécessaires pour le faire, dans le simple but de prévenir les activités criminelles, puisque l’usage libre de la plupart des substances contrôlées présente des risques réels pour la santé humaine.
 Il faut veiller à ce que le système de justice pénale du Canada soit doté des mécanismes d’application nécessaires pour saisir les profits considérables que le commerce des substances illicites procure aux organisations criminelles.

RECOMMANDATION 38

Le Comité recommande que l’on confie à un comité de la Chambre des communes le mandat d’examiner l’application du Code criminel et d’autres dispositions récemment promulguées régissant le crime organisé et le blanchiment d’argent, pour faire en sorte que les organismes d’application de la loi disposent des pouvoirs législatifs et des ressources nécessaires pour cerner efficacement ces activités.

RECOMMANDATION 39

Le Comité recommande que la Loi sur l’administration des biens saisis soit modifiée de manière à ce qu’un pourcentage du produit décrit à l’article 10 de la Loi, concernant l’imposition d’amendes et la confiscation de biens relativement à des infractions liées à des substances désignées ou à des infractions de criminalité organisée, soit utilisé pour aider les organismes communautaires à assurer la mise en œuvre de la Stratégie canadienne antidrogue. (Cette mesure ne vise pas à remplacer le financement de base de la Stratégie.)


215Gouvernement du Canada, Stratégie canadienne antidrogue, Santé Canada, 1998, p. 1.
216Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport de la vérificatrice générale du Canada de 2001, chapitre 11 — Les drogues illicites : Le rôle du gouvernement fédéral, 2001.
217L.C. 1996, ch. 19.
218Paul St-Denis, avocat principal, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice, témoignage devant le Comité, 1er octobre 2001.
219L.C. 1996, ch. 19, paragraphes 4(4), 4(5), 5(3) et 5(4). Par exemple, la possession de pas plus de 30 grammes de cannabis ou 1 gramme de résine de cannabis constitue une simple infraction par procédure sommaire entraînant une peine maximale de six mois de prison ou une amende de 1 000 $, ou les deux.
220L.C. 1996, ch. 19, paragraphe 4(2). Le phénomène de l’obtention d’ordonnances multiples est abordé en détail au chapitre 5, sous la rubrique « Usage nocif des médicaments d’ordonnance ».
221L’article 11 autorise la délivrance d’un mandat de perquisition et la saisie de substances désignées et de biens infractionnels, alors que l’article 13 reprend les dispositions du Code criminel qui régissent la rétention des articles saisis.
222L.C. 1996, ch. 19, paragraphes 6(1) et 7(1).
223L.C. 1996, ch. 19, paragraphe 31(1).
224L.C. 1996, ch. 19, article 35.
225Cet article confère au ministre de la Santé le pouvoir d’accorder des exemptions relatives aux interdictions visant la marijuana, dans le cas de la consommation médicale.
226Caledon Institute of Social Policy, Fermer la « porte-tambour » : Le Tribunal de traitement de la toxicomanie de Toronto, janvier 2001.
227Code criminel, L.R.C. chap. C 46, sous-alinéa 732.1 (3) (g.1).
228L.C. 1961, ch. 35.
229Commission d’enquête sur l’usage des drogues à des fins non médicales : Rapport final, Information Canada, Ottawa, 1973, p. 1001.
230Ibid.
231F. McVie, « L’alcool et la drogue dans le système correctionnel fédéral : Les problèmes et les défis », Forum Recherche sur l’actualité correctionnelle, septembre 2001, volume 13, no 3, p. 7.
232D. Varis, « Examen descriptif des unités de soutien intensif pour les détenus sous responsabilité fédérale », Forum — Recherche sur l’actualité correctionnelle, septembre 2001, volume 13, no 3, p. 41.
233Ross Toller, directeur général, Programmes et réinsertion sociale des délinquants, Service correctionnel Canada, témoignage devant le Comité, 3 octobre 2001.
234L.C. 1992, ch. 20.
235Réseau juridique canadien VIH/sida, VIH/sida et hépatite C en prison : les faits, 2001-2002.
236F. McVie, « L’alcool et la drogue dans le système correctionnel fédéral : Les problèmes et les défis », Forum Recherche sur l’actualité correctionnelle, septembre 2001, volume 13, no 3, p. 7.
237Koshala Nallanayagam, Réseau d’appui aux détenus ayant le sida ou le VIH, témoignage devant le Comité, 19 février 2002.
238Réseau juridique canadien VIH/sida, mémoire au Comité, 19 février 2002, p. 28.
239Mark Connolly, directeur général de la Direction de la contrebande et des services de renseignement, Direction générale des douanes, Agence des douanes et du revenu du Canada, témoignage devant le Comité, 1er octobre 2001.
240L.C. 2001, ch. 25.
241Brian Flagel, directeur, Services frontaliers des douanes, district de l’aéroport international de Vancouver, Agence des douanes et du revenu du Canada, témoignage devant le Comité, 3 décembre 2001.
242Pierre Primeau, GRC, force policière conjointe du port de Montréal, témoignage devant le Comité, 21 novembre 2001.
243Ibid.
244Témoignage devant le Comité, 3 décembre 2001.
245L’état de préparation du Canada sur les plans de la sécurité et de la défense, 5e rapport du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense, février 2002, p. 112.
246R. G. Bob Lesser, surintendant principal, Sous-direction de la police des drogues, Direction des services fédéraux, GRC, témoignage devant le Comité, 3 octobre 2001.
247Témoignage devant le Comité, 3 décembre 2001.
248E. Oscapella, Witch Hunts and Chemical McCarthyism: The Criminal Law and Twentieth Century Canadian Drug Policy, mémoire présenté au Comité, le 28 février 2002.
249Surintendant Carl Busson, officier responsable de la Sous-direction de la police des drogues, GRC, témoignage devant le Comité, 23 décembre 2001.
250L.C. 1997, ch. 23.
251L.C. 1999, ch. 5.
252L.C. 2001, ch. 32.