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SNUD Rapport du Comité

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RAPPORT COMPLÉMENTAIRE DE
L’OPPOSITION OFFICIELLE

Le 17 mai 2001, nous avons présenté aux Communes une motion que les partis ont adoptée à l’unanimité. Cette motion permettait au Parlement d’étudier « les facteurs sous-jacents ou parallèles à la consommation non médicale des médicaments » au Canada. Nous avions sincèrement espéré, dans l’intérêt du pays, qu’une étude approfondie et impartiale serait faite; comme la dernière en date remontait à 1972, il était plus que temps de rouvrir le dossier.

L’attention portée à la question par la majorité des membres du Comité (à l’exception notable du député progressiste-conservateur, qui a fait brièvement acte de présence à trois des réunions que nous avons eues à Ottawa et n’a participé à aucune des visites faites par le Comité au Canada ou à l’étranger) est digne d’éloges, mais comme nous avons quand même certaines réserves à formuler à l’égard des recommandations finales, nous présentons le rapport complémentaire que voici afin d’exprimer les craintes que nous inspirent la Stratégie canadienne antidrogue proposée ou le fait qu’aucune stratégie ne soit en vigueur actuellement.

Premièrement, nous trouvons consternant que le gouvernement n’ait tenu aucun compte du fait qu’au cours des 18 derniers mois, notre comité a affecté près d’un demi-million de dollars à l’étude de la consommation des médicaments et à une tournée pancanadienne de consultations sur le sujet. Malheureusement, trois ministres ont émis des directives stratégiques sans jamais nous consulter. Voici quelques-unes de leurs observations.

« Les lois canadiennes sur la marihuana sont insensées et devraient être assouplies. »

Martin Cauchon, ministre de la Justice, Toronto Star, septembre 2002

« Le processus est enclenché, selon Mme Mohamed. ‘À la fin de l’année, le ministre sera en mesure d’accepter des propositions (au sujet des piqueries sécuritaires). »

Farah Mohamed, porte-parole de la ministre de la Santé,
Anne McLellan, Saint John Telegraph Journal, novembre 2002

« Nous ferons tout ce que nous pourrons pour faciliter la mise en œuvre de projets pilotes dans les villes canadiennes qui les jugeront compatibles avec la stratégie qu’elles veulent appliquer. »

Allan Rock, ministre fédéral de la Santé, National Post, novembre 2001

Ces ministres ont pris le Comité de court et indûment devancé son rapport. Il est intéressant de noter que les ministères [de la Santé, de la Justice et du Solliciteur général] qui les conseillent ont le pire dossier du pays pour ce qui est de l’efficience et de l’efficacité démontrées dans l’élaboration d’une Stratégie canadienne antidrogue, comme le révèlent les recherches faites par le Comité.

Maintenant, la ministre de la Santé appuie des programmes de piqueries sécuritaires et d’entretien des héroïnomanes dans le cadre desquels des seringues sont distribuées alors qu’elle refuse de fournir gratuitement des seringues aux diabétiques. Il faut se demander comment des projets expérimentaux d’entretien des héroïnomanes —  qui seront mis à l’essai à Vancouver, à Toronto et à Montréal et aideront les héroïnomanes à s’injecter de la drogue — contribueront à régler le problème. Si seulement la ministre avait attendu de connaître les résultats de l’étude du Comité, nous sommes certains qu’elle aurait eu du problème une idée plus complète que l’aperçu qu’elle tient de son ministère. Encourager et aider des héroïnomanes à s’injecter de la drogue en intraveineuse est aussi grave que d’aider quelqu’un à se donner la mort, et il est très mauvais qu’un ministre souscrive à un programme de ce genre, surtout s’il le fait sans consulter le comité parlementaire spécial constitué par le gouvernement pour étudier la question.

L’une des principales idées défendues dans le rapport du Comité est celle de la diffusion et de l’acceptation de la notion de « réduction des préjudices ». Mais ce que le gouvernement fait actuellement concourt à les « aggraver » plus qu’à les réduire, comme de nombreux témoins l’ont confirmé au cours des 18 derniers mois. Par définition, la « réduction des préjudices » est à l’opposé du principe fondamental selon lequel la façon la plus efficace de combattre les toxicomanies est de s’abstenir de consommer des drogues, de se désintoxiquer et de se réadapter; réduire les risques revient en fait à dire : « c’est peine perdue, facilitons la consommation, mais faisons en sorte qu’elle se fasse de façon sécuritaire ». Nous savons pertinemment que le débat sur le dilemme « abstinence/réduction des préjudices » est loin d’être terminé, mais les Canadiens que la notion de « réduction des préjudices » inquiète ont le devoir de dire qu’elle les inquiète.

Ceux qui liront notre rapport doivent absolument savoir en quoi consistent les « projets pilotes » que la ministre a commencé à mettre à l’essai. La citation suivante a été notée par Randy White au cours d’une réunion que le Comité a tenue à Francfort, en Allemagne.

« La légalisation des drogues doit se faire un projet pilote à la fois, et non d’un seul coup. »

Dr Korner
Procureur
Cabinet du procureur général de l’État de Hesse
Le mercredi 19 juin 2002, 10 h 42, Francfort, Allemagne

À notre avis, ces propos se passent de commentaires.

Dans son rapport, le Comité ne demande pas au gouvernement de s’engager à faciliter la construction ou l’agrandissement de centres de réadaptation où les toxicomanes puissent se faire traiter en tant que pensionnaires ou que bénéficiaires externes. Si on peut créer un projet pilote consistant à ouvrir des piqueries ou à entretenir les héroïnomanes, pourquoi ne pas en créer un qui consiste à ouvrir des centres de désintoxication et de réadaptation? En fait, les trois paliers des pouvoirs publics ont fortement tendance à nier toute responsabilité à cet égard. Avant de souscrire au principe de la « réduction des préjudices », il serait plus logique de soutenir à fond des programmes de désintoxication et de réadaptation et de s’assurer qu’ils sont inefficaces.

La recommandation no 15 faite dans le rapport porte sur un sujet à première vue fort simple. La notion de « seuil bas » signifie qu’il ne faut pas poser de questions, mais simplement faciliter la vie aux toxicomanes. Prenons un cas patent. Si un toxicomane se présentait dans une piquerie avec des drogues de mauvaise qualité [impures ou plus mortelles que la moyenne], personne ne lui poserait de questions. Cela pourrait avoir des conséquences tragiques, car personne n’aviserait d’intervenant du domaine médical, et le toxicomane serait essentiellement laissé à lui-même. À notre avis, il ne faut pas appuyer cette formule, car elle est irresponsable.

À la lecture de la recommandation no 18, on se demande en quoi les « traitements de substitution » consisteront à l’avenir. Pour l’heure, nous admettons que la méthadone constitue un traitement de substitution, même si beaucoup jugent qu’elle est également très toxicomanogène. Ce qui la sauve comme forme de traitement, semble-t-il, c’est le fait qu’on puisse la boire plutôt que de se l’injecter. Il reste qu’avant de faire une recommandation laissant une entière marge de manœuvre au gouvernement, nous voulons l’assurance que les « produits de substitution » qui servent aux traitements de substitution ont fait l’objet d’études poussées, qu’ils sont acceptables sur les plans social et médical et qu’ils n’auront pas pour effet d’ « aggraver les préjudices ». Les Canadiens doivent examiner la position de ceux qui disent que « l’héroïne prescrite » pourrait être considérée comme un « substitut » de l’héroïne illicite.

La recommandation no 19 est particulièrement troublante. Les projets de traitement reposant sur la consommation d’héroïne ne sont même pas des traitements de substitution. Ils consistent à permettre à des toxicomanes de s’injecter légalement de l’héroïne, une idée que nous sommes incapables d’appuyer.

Les recommandations nos 20 et 22 proposent d’abroger des empêchements législatifs, ce qui revient à abroger les lois qui empêchent le libre commerce des stupéfiants. En fait, elles proposent de légaliser le commerce des drogues dures. Les policiers devront fermer les yeux sur les cas de possession, une infraction aux lois. Comment les toxicomanes pourraient-ils être au-dessus des lois? Cela ne tardera pas à arriver lorsque des particuliers et des organismes d’autres endroits du pays commencent à contester devant les tribunaux l’obligation que les toxicomanes auront de se piquer en des endroits qualifiés de «sécuritaires » sous prétexte qu’on pourra aussi se piquer légalement ailleurs. Ce sera alors le début de la légalisation des drogues annoncée par M. Korner.

La recommandation no 27 est franchement grotesque. Il ne faut pas procurer des seringues aux détenus en vertu de programmes d’échange de seringues pour la bonne et simple raison que ce serait dangereux pour les gardiens et les autres détenus. Comment concilier une idée pareille avec le principe de la « tolérance zéro » à l’égard de l’usage des drogues dans les pénitenciers? S’il est un endroit au Canada où l’abstinence devrait être de rigueur, c’est bien dans les pénitenciers. Lorsqu’on parle de trouver d’autres traitements de substitution ou d’autres moyens de « réduction des préjudices » dans les pénitenciers, on ne devrait même pas penser à l’échange de seringues, à l’entretien des héroïnomanes ou aux piqueries sécuritaires.

Parmi les problèmes traités dans le rapport complémentaire, beaucoup portent sur nos relations avec les États-Unis à la frontière, et bien que nous soyons encore un pays souverain, nous ne devrions pas pour autant appliquer de politique sociale préjudiciable avant d’en discuter avec notre voisin. La formule de la « réduction des préjudices » aura pour conséquence que les piqueries sécuritaires seront pour les toxicomanes un refuge pratique et que les toxicomanes américains ou d’autres pays seront incités à venir s’établir au Canada, comme cela s’est produit en Europe. Les services canadiens de l’immigration sont actuellement saisis du cas d’un demandeur de statut de réfugié qui prétend qu’il serait « persécuté » [et non « poursuivi »] en vertu des lois américaines sur les stupéfiants s’il retournait aux États-Unis. Nous n’avons pas besoin de l’approbation des Américains, mais leur coopération est essentielle.

Nous voulions aussi que le rapport insiste surtout sur le principe selon lequel « L’ABSTINENCE EST LA MEILLEURE POLITIQUE », mais la majorité au Comité en a décidé autrement. À notre avis, tous les parents, toxicomanes et citoyens responsables du monde entier souscriraient à cette devise, et nous ne comprenons pas pourquoi des membres du Comité s’y refusent.

En conclusion, nous croyons que le Comité a travaillé comme une équipe dans un esprit positif et que la plupart des recommandations faites dans le rapport permettront de s’attaquer au problème de toxicomanies qui sévit au Canada. Il existe actuellement un cadre qui permettrait d’instaurer une Stratégie canadienne antidrogue propre à contrer efficacement le commerce des stupéfiants. Or, selon tous les témoins, le gouvernement actuel, et surtout Santé Canada, semble avoir d’autres projets, ce qui est en soi inquiétant, car le programme en question relève du ministère qui fait problème.

Nous croyons que le Comité devrait insister sur le fait que si la gestion du système de soins de santé et celle de la stratégie de lutte antidrogue relèvent exclusivement des provinces, le gouvernement fédéral doit assumer sa juste part de leur financement, même si ce champ de compétence appartient à un autre niveau de gouvernement.

Il ne faut pas oublier que ce rapport sur le problème que constitue l’usage des stupéfiants à l’échelle nationale n’émane pas d’un seul intervenant ni même des 13 députés qui composent le Comité. Il se veut l’expression des opinions des milliers de victimes, d’agents d’exécution des lois, de toxicomanes, de travailleurs sociaux et de professionnels des soins de santé que le Comité a entendus dans le cadre des centaines de réunions qu’il a tenues au Canada, aux États-Unis et en Europe. Aussi demandons-nous instamment au gouvernement d’écouter les voix de ceux qui font chaque jour les frais de ce problème et de procéder aux changements nécessaires pour instaurer une Stratégie canadienne antidrogue vraiment efficace.




R.A. White, député
Langley—Abbotsford

K. Sorenson, député
Crowfoot