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SNUD Rapport du Comité

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CHAPITRE 3: LA STRATÉGIE CANADIENNE ANTIDROGUE

… la stratégie antidrogue du Canada a pris fin en 1997. À mon avis, depuis cette époque, en ce qui concerne l’utilisation de drogues à des fins non médicales, on constate une absence de leadership. Même si le gouvernement fédéral ne s’est pas entièrement retiré de ce dossier, il a quand même supprimé le cadre national et complet qui avait permis d’unir des partenaires des divers paliers de gouvernement afin de remédier aux problèmes pressants que posent les toxicomanies sur le plan social, économique et sanitaire. Au sein de l’administration fédérale aujourd’hui, il n’y a pas de maître d’œuvre visible pour mener vigoureusement le dossier lié à l’utilisation de drogues à des fins non médicales. Cette situation est scandaleuse. Si l’on veut stimuler la recherche et la politique gouvernementale en matière de toxicomanie, il faut une stratégie coordonnée faisant intervenir des secteurs multiples, notamment la santé, le maintien de l’ordre, la magistrature et la recherche53.

L’important, c’est de reconnaître qu’il n’est pas nécessaire d’être motivé par la compassion pour investir dans la toxicomanie. On doit tout simplement penser à la prospérité du pays. Les coûts pour la société des toxicomanies non traitées sont beaucoup plus élevés que les coûts de la plupart des autres questions de santé, qui affectent surtout l’individu. Les toxicomanies, de par leur nature, touchent non seulement l’individu, mais le milieu, l’école, et toutes les composantes de la société. Il est tout simplement trop coûteux pour la société de laisser ce problème échapper à notre emprise54.

Le présent chapitre donne un aperçu historique de la Stratégie canadienne antidrogue depuis son adoption en 1987. Les renseignements sur les deux premières phases de la stratégie antidrogue, soit pour la période de 1987 à 1997, proviennent de différents documents. Le Comité a concentré ses efforts sur l’étude et l’évaluation de la phase actuelle de la Stratégie canadienne antidrogue, c’est-à-dire la phase III qui s’étend de 1997 à 2002.

1. APERÇU HISTORIQUE DE LA STRATÉGIE CANADIENNE ANTIDROGUE

a) Phase I: 1987 à 1992

Le 25 mai 1987, le Canada lançait une stratégie antidrogue quinquennale55 pour donner suite aux préoccupations relatives à l’abus de substances exprimées en 1986 par le premier ministre d’alors, Brian Mulroney. Ce dernier avait déclaré que l’abus de drogues avait pris les proportions d’une épidémie qui menaçait le tissu social et l’économie du Canada56. Le gouvernement du Canada a injecté de nouveaux fonds à hauteur de 210 millions de dollars pour appuyer la nouvelle stratégie, dont 77 % environ devaient être consacrés à des mesures axées sur la réduction de la demande, notamment par l’éducation, la prévention, le traitement et la réadaptation. On voulait, ce faisant, adopter une approche plus équilibrée, car, à l’époque, de grands efforts étaient mis en œuvre à l’échelle provinciale, territoriale et communautaire pour réduire la demande de drogues. Les efforts fédéraux étaient alors presque entièrement consacrés à la restriction de l’offre au moyen d’activités axées sur l’application de la loi, la répression du trafic et le contrôle57.

La Stratégie nationale antidrogue (SNA) préconisait une intervention simultanée et concertée dans six domaines : éducation et prévention; application de la loi et contrôle; traitement et réadaptation; information et recherche; perspective nationale; coopération internationale58. Reconnaissant que l’abus de substances est avant tout une question de santé, le gouvernement a confié la responsabilité de la Stratégie au ministre de la Santé.

La première phase de mise en œuvre de la Stratégie nationale antidrogue a débouché sur la création d’un organisme de surveillance unique en son genre, le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies (CCLAT). En dehors de Santé Canada, le CCLAT est l’organisme national chargé du dossier de la toxicomanie au Canada. Il a été créé par une loi du Parlement en 1988 à la suite d’une proposition du Groupe de travail sur les perspectives nationales59 et de la réponse du gouvernement à un rapport du Comité permanent de la santé nationale et du bien-être social, intitulé Boisson, pilules et drogue : comment diminuer leur consommation au Canada (1987). Le CCLAT devait jouer, aux côtés du gouvernement fédéral, un rôle de premier plan à titre d’organisme national non gouvernemental autonome ayant pour mandat de donner une perspective nationale aux efforts axés sur la réduction des méfaits pour la santé, la société et l’économie, attribuables à l’abus de substances et aux toxicomanies. Le CCLAT a été placé sous la responsabilité du ministre de la Santé, dont il continue à relever aujourd’hui. La Loi sur le Centre canadien de lutte contre les toxicomanies60 confie au CCLAT cinq domaines de responsabilité :

 encouragement et appui à la consultation et à la coopération entre les pouvoirs publics, les organismes bénévoles, les entreprises et les organisations patronales, syndicales et professionnelles concernés, en ce qui a trait à l’alcoolisme et la toxicomanie;
 contribution à l’échange fructueux d’information sur l’alcoolisme et la toxicomanie;
 contribution, directe ou indirecte, à la mise au point et à la mise en œuvre d’un corpus de connaissances, notamment spécialisées, en matière d’alcoolisme et de toxicomanie;
 encouragement et aide à l’élaboration de politiques et de programmes réalistes et efficaces visant à réduire les dommages causés par l’alcoolisme et la toxicomanie;
 information accrue des Canadiens sur la nature et la portée de la lutte entreprise au niveau international contre l’alcoolisme et la toxicomanie, et soutien de la participation canadienne à cette lutte.

b) Phase II: 1992 à 1997

En mars 1992, le Cabinet a renouvelé son engagement et amorcé une deuxième phase de la stratégie, intitulée Stratégie canadienne antidrogue (SCA), qui regroupait sous une même initiative la Stratégie nationale visant à réduire la conduite avec facultés affaiblies et la Stratégie nationale antidrogue. La phase II visait les objectifs suivants :

 améliorer la coordination à l’échelle nationale, provinciale et territoriale et communautaire;
 enrichir les connaissances sur lesquelles sont fondées les décisions touchant les programmes et les politiques;
 cibler les ressources sur les populations très exposées à la toxicomanie (les jeunes marginaux, les Autochtones, les femmes, les personnes âgées et les personnes coupables de CFA61);
 attribuer des ressources supplémentaires aux activités et aux programmes fédéraux touchant la toxicomanie62.

Pour ce qui est de l’application de la loi, une attention accrue devait être accordée à l’application des mesures législatives se rapportant aux produits de la criminalité. En raison de ce léger changement d’orientation à la phase II de la stratégie, 60 % plutôt que 70 % des ressources devaient être allouées à la réduction de la demande et 40 % à la restriction de l’offre. Le financement total pour cette deuxième phase a été fixé à 270 millions de dollars sur cinq ans. Il était assorti d’une condition exigeant que la stratégie fasse l’objet d’une évaluation. Cependant, Santé Canada estime que seulement 104,4 millions de dollars environ ont été consacrés à la phase II de la Stratégie canadienne antidrogue au cours de cette période de cinq ans, en raison des compressions budgétaires liées au financement global des ministères fédéraux63. La phase II devait être coordonnée par un secrétariat nouvellement créé (1991), le Secrétariat de la Stratégie canadienne antidrogue, logé à Santé Canada.

c) Phase III: 1997 à 2002

En 1998, le gouvernement a réaffirmé les principes d’une stratégie nationale antidrogue, mais les fonds ont été réduits considérablement une fois de plus. Un document publié en 1998, la Stratégie canadienne antidrogue, définit les principes de base, les buts, les objectifs et les composantes de la stratégie, ainsi que les orientations et les priorités que le gouvernement fédéral entendait se fixer pour régler les problèmes liés à la consommation et à l’abus d’alcool et d’autres drogues, licites et illicites. Un comité composé de représentants de 11 ministères fédéraux et d’un certain nombre de partenaires non fédéraux a rédigé le document de la Stratégie canadienne antidrogue.

Le principe le plus important sur lequel la Stratégie repose veut que la consommation abusive d’alcool et d’autres drogues soit d’abord et avant tout une question de santé. Cet important principe souligne le fait qu’il faut tenir compte des déterminants de la santé et de facteurs sous-jacents, y compris le logement, l’emploi, l’isolement social et l’éducation, lorsqu’on veut s’attaquer aux problèmes liés à l’abus de substances. D’après la directrice générale du Programme de la stratégie antidrogue et des substances contrôlées qui a témoigné devant le Comité, l’approche préconisée par la Stratégie canadienne antidrogue suppose une intervention fondée sur quatre piliers : l’application de la loi et le contrôle, la prévention, le traitement et la réadaptation, ainsi que la réduction des méfaits64. Le but à long terme de la Stratégie est « de réduire les méfaits associés à l’alcool et aux autres drogues chez les individus, les familles et les communautés65 ». La réduction des méfaits associés à l’alcool et aux autres drogues doit se faire en se concentrant sur cinq buts et sur des objectifs qui en découlent :

 Réduire la demande de drogue
 Accroître la compréhension des risques associés à l’usage de drogues illicites (en particulier chez les jeunes) en mettant l’accent sur l’usage de « drogues dures » comme la cocaïne, le LSD, les amphétamines et l’héroïne.
 Réduire la mortalité et la morbidité liées à la drogue
 Réduire la consommation à haut risque de l’alcool et d’autres drogues, y compris l’usage abusif de substances inhalées, de médicaments et de drogues visant à améliorer la performance dans les sports.
 Améliorer l’efficacité et la disponibilité des renseignements sur l’alcool et les autres drogues ainsi que des interventions
 Trouver et promouvoir des pratiques efficaces dans les domaines de la prévention, de la sensibilisation, du traitement et de la réadaptation.
 Réduire le stock de drogues illicites ainsi que la rentabilité du trafic des drogues illicites
 Réduire les importations illégales de drogues illicites.
 Réduire l’offre déclarée de drogues illicites en vente dans la rue.
 Réduire la capacité des personnes s’occupant de l’approvisionnement et du trafic des drogues de se servir des profits de leurs activités illégales.
 Réduire les coûts de l’abus de l’alcool et des autres drogues pour la société canadienne66

Pour atteindre ces buts et objectifs, sept composantes ont été retenues et servent de cadre à la Stratégie canadienne antidrogue :

 Développement de la recherche et des connaissances;
 Diffusion des connaissances;
 Programmes de prévention;
 Traitement et réadaptation;
 Lois, application [de la loi] et contrôle;
 Coordination nationale;
 Coopération internationale.

Santé Canada est le ministère responsable de la Stratégie canadienne antidrogue. Pour coordonner la stratégie, Santé Canada préside le Comité directeur des sous-ministres adjoints sur l’alcool et les autres drogues et certains comités interministériels, notamment le Groupe de travail interministériel sur l’alcool et les autres drogues. La coordination est essentielle à la réussite d’une stratégie fédérale antidrogue étant donné que de nombreux partenaires collaborent à la Stratégie canadienne antidrogue, y compris les suivants : 14 ministères fédéraux, les gouvernements provinciaux et territoriaux, des organismes d’application de la loi et de lutte contre la toxicomanie, ainsi que des organismes non gouvernementaux. Le site Web de Santé Canada mentionne les ministères ou organismes fédéraux suivants : Solliciteur général, Affaires étrangères et Commerce international, Finances, Patrimoine canadien, Justice, Agence des douanes et du revenu du Canada, Transports, Développement des ressources humaines, Condition féminine, Affaires indiennes et du Nord, Société canadienne d’hypothèques et de logement, Conseil du Trésor du Canada, Bureau du Conseil privé. Cependant, quelques-uns d’entre eux seulement administrent des programmes axés en particulier sur les problèmes liés à la consommation d’alcool et d’autres drogues.

La Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs (DGSESC), à Santé Canada, regroupe le Bureau de la stratégie canadienne antidrogue, le Bureau des substances contrôlées, le Bureau de l’accès médical au cannabis et le Service d’analyse des drogues, qui se partagent la responsabilité du Programme de la stratégie antidrogue et des substances contrôlées. La DGSESC est également responsable de la stratégie nationale de lutte contre le tabagisme.

Le Bureau de la stratégie canadienne antidrogue67 (BSCA) est responsable de :

 la collaboration avec d’autres ministères, gouvernements et organismes spécialisés en siégeant aux comités fédéraux-provinciaux-territoriaux, aux comités consultatifs et aux réunions interministérielles;
 la recherche, l’analyse et la diffusion d’informations de pointe concernant les abus d’alcool et d’autres substances, notamment les meilleures pratiques en matière de prévention, de traitement et de réadaptation;
 la collaboration avec des organismes multilatéraux tels que le Programme des Nations Unies pour le contrôle international des drogues, et avec d’autres pays pour s’attaquer au problème de la drogue à l’échelle mondiale;haut
 la gestion du Programme de traitement et de réadaptation des alcooliques et des toxicomanes, un programme à frais partagés auquel participent les provinces et les territoires.

Le Bureau des substances contrôlées veille à ce que les drogues et les substances contrôlées ne soient pas utilisées à des fins illicites. Le Bureau de l’accès médical au cannabis coordonne l’élaboration du Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales et administre le règlement. Le Service d’analyse des drogues fournit des services d’expertise et d’analyse de drogues aux organismes d’application de la loi en analysant le contenu et en déterminant la quantité des drogues illicites saisies par les autorités policières de même qu’en aidant à la conduite des enquêtes et au démantèlement des laboratoires clandestins68.

Plusieurs autres directions générales de Santé Canada s’intéressent d’une façon ou d’une autre à la consommation et à l’usage nocif de substances. La Direction générale de la santé de la population et de la santé publique s’occupe de différentes questions de santé publique ayant un rapport avec la consommation d’alcool et de drogues, comme le VIH/sida, l’hépatite C, la santé mentale, le syndrome d’alcoolisme fœtal et les effets de l’alcool sur le fœtus (SAF et EAF)69, la consommation de médicaments et d’alcool par les personnes âgées, la prévention de la violence familiale, de même que la sécurité et le développement sain des enfants et des jeunes.

Étant donné que le gouvernement fédéral est le principal fournisseur de soins de santé aux Premières nations et aux Inuits, la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, à Santé Canada, finance des services de traitement pour les Autochtones vivant dans des réserves et les Inuits, par l’intermédiaire du Programme national de lutte contre l’abus de l’alcool et des drogues chez les Autochtones (PNLAADA).






STRUCTURE ORGANISATIONNELLE ACTUELLE - STRATÉGIE CANADIENNE ANTIDROGUE




STRUCTURE ORGANISATIONNELLE ACTUELLE - STRATÉGIE CANADIENNE ANTIDROGUE - SANTÉ CANADA




Santé Canada fait état des dépenses courantes suivantes à l’égard du Programme de la stratégie antidrogue et des substances contrôlées70 :

DIRECTION GÉNÉRALE DE LA SANTÉ ENVIRONNEMENTALE
ET DE LA SÉCURITÉ DES CONSOMMATEURS
Programme de la stratégie antidrogue et des substances contrôlées :

Administration des règlements, exception faite du RAMF71

  5

millions de dollars

Accès médical au cannabis

  5

millions de dollars

Services d’analyse des drogues

  4.5

millions de dollars

Politique, recherche et affaires internationales

  4

millions de dollars

Traitement et réadaptation, alcoolisme et toxicomanie72

 14

millions de dollars

Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies

  1.5

millions de dollars

Sous-total

 34

millions de dollars

Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits (alcool, solvants)

 70

millions de dollars

Total

104

millions de dollars

Les dépenses susmentionnées correspondent essentiellement aux sommes que Santé Canada, l’organisme responsable de la Stratégie canadienne antidrogue, consacre au Programme de la stratégie antidrogue et des substances contrôlées, au Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies de même qu’aux programmes offerts par l’entremise de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. Il apparaît clairement au Comité que les dépenses de Santé Canada traduisent d’importantes coupures budgétaires à l’égard de la Stratégie canadienne antidrogue depuis sa création en 1987. Le Comité estime en outre que les coûts pour la société et la santé associés à l’usage nocif de substances n’ont pas diminué au cours de cette période; au contraire, ils ont augmenté considérablement.

D’après le Rapport de la vérificatrice générale du Canada de 2001, 11 ministères et organismes à l’échelle fédérale s’intéressent de près à la Stratégie canadienne antidrogue et « consacrent annuellement près de 500 millions de dollars au problème de l’utilisation des drogues illicites au Canada73 ». Selon les estimations, 95 % de ces dépenses serviraient à restreindre l’offre (application de la loi ou répression du trafic de drogue) grâce au travail effectué par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le Service correctionnel du Canada et le ministère de la Justice74. Toutefois, la stratégie est censée refléter l’équilibre entre la réduction de l’approvisionnement en drogue et la réduction de la demande75. De nombreux témoins entendus par le Comité ont soutenu que la Strategie canadienne antidrogue a été axée essentiellement sur des activités de restriction de l’offre, au détriment des mesures de réduction de la demande. Les ministères fédéraux qui ont témoigné devant le Comité ont été incapables de lui donner des détails sur l’affectation des fonds consacrés à la Stratégie ou de cerner clairement les résultats de cet investissement. Voici, selon la vérificatrice générale, le montant estimatif des dépenses fédérales engagées dans la lutte contre les drogues illicites en 1999-2000.

ESTIMATION DES DÉPENSES FÉDÉRALES CONSACRÉES À LA LUTTE
CONTRE LES DROGUES ILLICITES EN 1999-200076

ESTIMATION DES DÉPENSES FÉDÉRALES CONSACRÉES À LA LUTTE CONTRE LES DROGUES ILLICITES EN 1999-2000

 1

Étant donné que le travail de répression du trafic des drogues de l’Agence est étroitement intégré à ses autres activités, l’estimation est présentée comme une fourchette probable à l’intérieur de laquelle s’inscrit le coût de la lutte contre le trafic des drogues. Cela représente entre 4 p. 100 et 8 p. 100 de ses dépenses de 1999-2000, qui totalisent 464 millions de dollars.

 2

Le montant indiqué correspond aux impôts et amendes imposés après déduction des coûts d’enquête.

 3

Cette estimation couvre tous les aspects associés aux délinquants incarcérés pour une infraction liée aux drogues et sous surveillance dans la collectivité, y compris les coûts directs et indirects.

 4

Le montant indiqué correspond à la part de revenu du gouvernement fédéral généré par la réalisation des biens saisis dans le cadre du commerce de la drogue après déduction des coûts engagés par le Ministère pour gérer ces biens. Le total de la part de revenu du gouvernement fédéral après déduction des coûts s’élevait à 10 millions de dollars. Les coûts d’enquête de la GRC et de poursuite du ministère de la Justice, qui totalisent plus de 40 millions de dollars par année, ne sont pas inclus dans ce chiffre.

2. LA STRATÉGIE NATIONALE ANTIDROGUE: RÉALISATIONS ET LACUNES DE LA PHASE I (1987-1992)

La phase I de la Stratégie nationale antidrogue (SNA) n’a fait l’objet d’aucune évaluation comme telle. Néanmoins, un examen de documents officiels nous a permis de constater certaines réalisations :

 Une campagne de sensibilisation publique et d’information, « Really me! »/« Drogues pas besoin », a été lancée en juin 1987. On a utilisé une approche multimédia pour joindre les jeunes et leurs parents. Les progrès de la campagne ont été mesurés à l’aide d’une série de sondages qui ont révélé un excellent taux de notoriété auprès du public cible. « Les publics cibles ont été atteints avec des messages adéquats et efficaces, messages qu’ils arrivaient à identifier et auxquels ils se montraient réceptifs77
 Le Programme de traitement et de réadaptation des alcooliques et des toxicomanes (PTRAT), une initiative à frais partagés en vertu de laquelle le gouvernement fédéral verse des contributions aux provinces pour les dépenses provinciales directes liées à l’alcool et aux drogues, a été élaboré et mis en œuvre au cours de la première phase de la stratégie (1988-1989). La contribution fédérale maximale a été fixée à 20 millions de dollars par année, les provinces s’engageant à verser une contribution de contrepartie78. Le PTRAT existe toujours.
 Un programme national de recherche de 6,6 millions de dollars « conçu pour favoriser et appuyer la recherche sur les facteurs qui contribuent à l’abus d’alcool et de drogues, et l’évaluation de programmes novateurs axés sur la prévention et le traitement des abus79 » a été élaboré au début de la phase I de la stratégie. Au 31 mars 1992, plus de 4,6 millions de dollars avaient été investis dans la recherche sur l’abus d’alcool et de drogues80. Une première enquête nationale sur la consommation d’alcool et d’autres drogues a été effectuée en 1989.
 Le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies a été créé en 1988.
 Le Bureau de la Stratégie nationale des poursuites en matière de drogues, au sein du ministère de la Justice, a été établi au cours de la première phase de la stratégie.
 La lutte contre le trafic des drogues est devenue plus efficace grâce à la création d’escouades antidrogue à l’Agence des douanes et du revenu du Canada, au Service des chiens détecteurs des douanes et au programme Échec au crime, ainsi qu’à une meilleure formation pour les inspecteurs des douanes et à l’amélioration de la collaboration avec l’industrie du transport81.

Presque aucune information n’a été portée à l’attention du Comité à propos des lacunes de la première phase de la Stratégie canadienne antidrogue. Cependant, d’après un examen de la documentation, un manque de coordination à l’échelle interministérielle aurait été la principale faiblesse de la première phase.

3. LA STRATÉGIE NATIONALE ANTIDROGUE: RÉALISATIONS ET LACUNES DE LA PHASE II (1992-1997)

La phase II de la Stratégie canadienne antidrogue (SCA) a fait l’objet d’une évaluation dont le rapport final a été publié en juin 1997. L’accent a de nouveau été mis, lors de la phase II, sur la recherche dans une perspective nationale. Par exemple, en 1994, des fonds ont été consacrés à une deuxième enquête nationale sur la consommation d’alcool et d’autres drogues. Le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies (CCLAT), en collaboration avec la Fondation de la recherche sur la toxicomanie, a publié Profil canadien, 1994, une analyse de l’enquête nationale. Le CCLAT a aussi publié en 1996 la première étude exhaustive des coûts pour la santé, la société et l’économie associés à la consommation d’alcool, de tabac et de drogues illicites. Toutefois, la phase II a également comporté de graves lacunes, et la coordination interministérielle s’est une fois de plus avérée source de grande préoccupation. Par exemple, aucun objectif clair n’a été défini en matière de coordination, pour ce qui a trait au Secrétariat de la Stratégie canadienne antidrogue. Un désaccord a donc surgi entre les ministères fédéraux quant à son rôle par rapport aux ministères autres que Santé Canada. Situé au sein de Santé Canada, le Secrétariat a été déplacé plusieurs fois dans la structure organisationnelle du Ministère avant d’être finalement démantelé au printemps 199682.

Voici quelques-unes des conclusions du rapport final d’évaluation :

 L’information disponible au Canada à propos de la toxicomanie a augmenté grâce au financement de la phase II de la SCA83.
 Les fonds de la phase II de la SCA ont permis d’entreprendre de nombreuses activités nouvelles et améliorées, mais l’opportunité des activités et les réductions des niveaux de financement peuvent avoir limité l’incidence produite sur la programmation effective84.
 Santé Canada a formé de nouveaux partenariats et élaboré des nouvelles méthodes et stratégies innovatrices de création de programme conçues pour répondre aux besoins des populations à risque élevé et difficiles à atteindre85.
 La phase II de la SCA n’a pas eu de reconnaissance nationale, ni sur le plan politique, ni sur le plan public86.
 L’absence de coordination interministérielle et de planification stratégique est restée un point faible tout au long de la phase II de la SCA87.
 Santé Canada n’a pas contrôlé les dépenses associées à la phase II de la SCA de manière cohérente et complète88.
 Pour être couronnée de succès, la mise en œuvre d’une stratégie fédérale antidrogue nécessiterait d’autres changements à la culture organisationnelle à l’échelle du gouvernement fédéral, des structures et des procédés de gestion efficaces qui permettraient d’optimiser les avantages d’un mode de fonctionnement horizontal, et une attention constante au principe de la responsabilisation89.

4. LA STRATÉGIE NATIONALE ANTIDROGUE: RÉALISATIONS ET LACUNES DE LA PHASE III (1997-2002)

L’évaluation de la phase II de la SCA effectuée par Santé Canada a révélé qu’il fallait mettre en place un certain nombre d’éléments clés pour que la Stratégie canadienne antidrogue soit couronnée de succès. A-t-on tenu compte des enseignements tirés de la phase II lors de la mise en œuvre de la phase III? Qu’est-ce que la Stratégie canadienne antidrogue a permis d’accomplir depuis 1997?

Le Comité a eu de la difficulté à obtenir des réponses à ces questions, de la part de Santé Canada et d’autres ministères participant à la mise en œuvre de la Stratégie. Les témoins ne lui ont fourni que des détails anecdotiques et seuls un tout petit nombre d’entre eux lui ont donné à entendre qu’on avait fait beaucoup de bon travail dans le cadre de la Stratégie canadienne antidrogue et que l’argent investi avait été bien dépensé90. Le Comité est très préoccupé par l’absence apparente d’information sur les réalisations et les lacunes de la stratégie fédérale antidrogue. Ces préoccupations ont trouvé leur écho dans le témoignage du sous-vérificateur général :

Les rapports ministériels sur le rendement manquent d’information sur les résultats [...] La véritable faiblesse, cependant, est l’absence d’un rapport public détaillé à l’échelle gouvernementale qui indiquerait aux parlementaires et aux Canadiens comment le Canada, soit au niveau fédéral, soit au niveau national, gère le problème. La Stratégie canadienne antidrogue devrait comporter des objectifs clairs et mesurables de sorte que le rendement global puisse être communiqué91.

Des représentants du Programme de la stratégie antidrogue et des substances contrôlées (PSASC) ont témoigné devant le Comité à deux occasions différentes pour répondre à ces préoccupations. Au début de l’étude du Comité, Jody Gomber, qui était à l’époque directrice générale du PSASC, a indiqué que la Stratégie canadienne antidrogue n’avait fait l’objet d’aucune évaluation depuis 1997 en raison d’un manque de ressources financières.

Mais je crois que la question de savoir comment nous mesurons les effets de nos activités est une bonne question, très difficile aussi. La phase un de la Stratégie canadienne antidrogue — et c’était en 1987-1992 — était assortie de buts et de cibles très précis, et l’on avait réservé pour cela un montant d’argent fixe. De même, la deuxième phase avait des buts et des cibles précis ainsi que des fonds correspondants. Lorsqu’on a épuisé les fonds pour ces projets, la Stratégie canadienne antidrogue, le document, a été rendu public, mais malheureusement, il ne restait plus beaucoup de fonds pour faire des choses comme évaluer l’efficacité des activités qui avaient eu lieu. Donc je suis d’accord avec vous pour dire qu’il est important d’évaluer ces choses, mais malheureusement, il ne nous a pas été loisible de le faire92.

Vers la fin de l’étude du Comité, Dann Michols, sous-ministre adjoint, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, a en outre expliqué au Comité que même si Santé Canada est l’organisme responsable de la mise en œuvre de la Stratégie, le Ministère n’est pas habilité à évaluer comment d’autres ministères fédéraux dépensent leurs fonds ni comment ils s’acquittent de leur mandat dans le cadre de la Stratégie canadienne antidrogue :

Santé Canada est responsable de la coordination de la stratégie antidrogue. Nous ne pouvons pas aller dans un ministère. Nous ne pouvons pas analyser les livres. Nous ne pouvons pas extraire l’information. Nous coordonnons une équipe qui doit, en quelque sorte, se regrouper, sachant que l’objectif est important, et qui dispose des ressources nécessaires. Ce n’est peut-être pas parce qu’ils ne veulent pas fournir l’information mais simplement qu’ils n’ont pas les moyens de la recueillir, de l’analyser et de la diffuser93.

Le Comité reconnaît que les compressions budgétaires ont eu un effet négatif sur les activités de suivi de la Stratégie canadienne antidrogue. Néanmoins, dans un contexte de contraintes financières, la prestation des programmes doit avoir la priorité sur toute dépense d’évaluation à long terme. Or, les témoignages entendus par le Comité le portent à croire que l’impuissance du gouvernement du Canada et du Parlement à faire de l’usage nocif de substances une priorité est également la raison pour laquelle cette question a été tellement négligée ces dernières années.

De nombreux témoins entendus par le Comité, de même que la vérificatrice générale du Canada dans son rapport de 2001, ont exprimé leurs préoccupations au sujet des efforts du gouvernement fédéral pour s’attaquer au problème de la consommation et de l’usage nocif de substances dans le contexte de la Stratégie canadienne antidrogue. Voici quelques-unes des préoccupations exprimées :

 aucun engagement clair de la part du gouvernement du Canada de faire de l’usage nocif de substances et de ses conséquences une priorité fédérale;
 financement instable et manque de ressources pour mettre en œuvre efficacement la Stratégie canadienne antidrogue;
 absence de leadership fédéral et de coordination de la Stratégie canadienne antidrogue;
 éparpillement des efforts et inefficacité des mécanismes actuels de coordination (p. ex. Comité fédéral-provincial-territorial sur l’alcool et les autres drogues; Groupe de travail interministériel sur l’alcool et les autres drogues);
 absence d’objectifs clairs et mesurables, et nulle exigence d’évaluer régulièrement l’efficacité de la Stratégie canadienne antidrogue;
 aucun mécanisme pour assurer la reddition de comptes et l’examen des dépenses;
 manque d’équilibre entre les objectifs de restriction de l’offre et de réduction de la demande;
 manque de communication et de coopération entre tous les partenaires qui participent à la mise en œuvre de la Stratégie canadienne antidrogue, y compris les gouvernements fédéral, provinciaux, territoriaux et municipaux et les organismes non gouvernementaux de lutte contre la toxicomanie;
 absence de données à jour sur l’importance de la consommation et de l’usage nocif de substances au Canada;
 mauvaise connaissance des programmes et mesures en place à l’heure actuelle visant toutes les composantes de la stratégie antidrogue (prévention et éducation, traitement et réadaptation, réduction des méfaits, et application des lois et contrôle);
 aucun mécanisme de production de rapports publics détaillés sur la mise en œuvre de la Stratégie canadienne antidrogue.

Le Comité a eu l’occasion de se rendre dans les grandes villes du Canada et de constater par lui-même les dégâts causés par l’usage nocif de substances dans l’environnement politique et juridique actuel. Il reconnaît toutes les lacunes de la dernière phase de la Stratégie canadienne antidrogue mentionnées ci-dessus. Le Comité reconnaît aussi que, comme la vérificatrice générale le faisait observer dans son rapport de 2001, « [l]a gestion du problème des drogues illicites au Canada est intrinsèquement difficile. Elle requiert les efforts des trois ordres de gouvernement — fédéral, provincial ou territorial et municipal — ainsi que ceux de nombreuses organisations non gouvernementales94 ». En raison du partage constitutionnel des pouvoirs au Canada, la mise en œuvre d’une stratégie fédérale uniforme de lutte contre l’usage nocif de substances est d’autant plus problématique et nécessite la collaboration de tous les ordres de gouvernement.

La Loi constitutionnelle de 1867 confère aux provinces le pouvoir de légiférer dans les domaines des soins de santé, de l’éducation, des prisons provinciales et de l’administration des tribunaux, tandis qu’elle confère au Parlement du Canada le pouvoir de légiférer en matière de droit criminel et de procédure, ainsi qu’à l’égard de la gestion des pénitenciers. Le Parlement exerce son pouvoir d’adopter des lois réglementant la vente, la distribution et la possession de substances psychoactives aux termes de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances. Quant à la responsabilité d’offrir des soins de santé et, par conséquent, des services de traitement et de réadaptation aux alcooliques et aux toxicomanes, elle relève avant tout des provinces.

Bien que le gouvernement fédéral contribue au financement des soins de santé, y compris le traitement des alcooliques et des toxicomanes, et que Santé Canada soit responsable de l’élaboration d’une stratégie fédérale de lutte contre l’usage nocif de substances et la toxicomanie, des contraintes constitutionnelles limitent la capacité du gouvernement fédéral d’agir dans certaines sphères. Par exemple, Santé Canada peut mener des campagnes de sensibilisation du public, produire des documents et faire des suggestions au sujet de la prestation de programmes d’éducation et de prévention dans les écoles. Toutefois, c’est aux provinces que revient au bout du compte le pouvoir d’élaborer des programmes de cours qui tiennent compte ou non de ces suggestions. De même, le gouvernement fédéral peut encourager les médecins et les pharmaciens à se doter de systèmes de déclaration qui permettraient une surveillance plus étroite des médicaments d’ordonnance de façon à limiter leur mauvais usage et leur détournement vers le marché des drogues illicites, mais la réglementation de ces professions relève de la compétence des provinces.

Étant donné le contexte constitutionnel, l’élaboration de politiques fédérales efficaces de lutte contre la consommation et l’usage nocif de substances et contre la dépendance sera grandement tributaire de la capacité du gouvernement fédéral de faire preuve de leadership et de vision dans sa propre sphère de compétence et de coordonner efficacement une stratégie nationale antidrogue renouvelée, assortie des fonds suffisants. Toutefois, puisque les provinces, les territoires et les municipalités jouent un rôle de premier plan à l’égard de la consommation et de l’usage nocif de substances, la réussite de la Stratégie canadienne antidrogue dépendra également de la capacité du gouvernement fédéral d’obtenir la collaboration d’autres paliers de gouvernement et de travailler en partenariat avec eux.

[C]e n’est plus le gouvernement fédéral qui assume les coûts, sauf en ce qui concerne l’exécution de la loi spécialisée, ce sont les provinces qui assument la majeure partie des coûts par l’entremise des services de santé de même que des forces de police et des organismes d’exécution de la loi ordinaires. Je pense que le meilleur rôle que le gouvernement fédéral puisse jouer consiste à assurer une coordination et un leadership au niveau national et à créer une base de données grâce à laquelle on pourra éviter les pertes d’efficience imputables au dédoublement des efforts partout au pays. Il pourrait également jouer un rôle au chapitre de l’uniformisation des mesures, par exemple, et définir essentiellement les prochaines étapes. Une stratégie antidrogue devrait mettre l’accent sur des programmes nouveaux et novateurs. [Elle devrait servir de gouvernail pour] diriger le bateau, et non [être] le bateau lui-même95.

La vaste majorité des témoins se sont dits très préoccupés par les conséquences des compressions pour la Stratégie canadienne antidrogue. De nombreux témoins ont soutenu que les réductions des dépenses ont été tellement grandes que l’année 1997-1998 a en fait sonné le glas de la Stratégie canadienne antidrogue.

Le comité parlementaire sur la consommation non médicale de drogues ou médicaments a un mandat assez important. En fait, le domaine de la lutte contre la toxicomanie au Canada compte sur vous pour être le catalyseur de mesures concrètes et d’un certain leadership de la part du gouvernement fédéral. Comme d’autres l’ont sûrement déjà dit, le Canada n’a pas une stratégie nationale antidrogue et c’est le seul pays du G-8 dans cette situation96.

Santé Canada a indiqué, en réponse à une question du Comité, que, « depuis 1997, le niveau d’activité du Bureau de la stratégie canadienne antidrogue (BSCA) et de ses partenaires a été réduit. Le Bureau met surtout l’accent sur : les obligations légales, les engagements internationaux, la réadaptation et des questions névralgiques comme l’usage de drogues injectables97 ». Il se peut que les compressions budgétaires aient exacerbé le déséquilibre entre la réduction de la demande et la restriction de l’offre étant donné que les mesures axées sur la demande de substances semblent avoir été davantage touchées par les compressions que les mesures d’application de la loi visant à restreindre l’offre de substances illicites.

Le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies (CCLAT), en particulier, a été durement touché par les compressions. En 1998, le CCLAT avait reçu du gouvernement fédéral une subvention annuelle initiale de 2 millions de dollars comme base minimale de financement pour entreprendre ses activités et aller chercher les investissements d’autres paliers de gouvernement et d’organismes non gouvernementaux. Lorsque, en réalité, la Stratégie canadienne antidrogue a pris fin en 1997, son budget a été réduit de 75 % pour passer à 500 000 $. Le Centre a survécu principalement en offrant ses services à contrat. Des pressions grandissantes sur le plan des finances et des ressources humaines continuent à menacer l’existence du CCLAT98. Néanmoins, le Centre a réussi à fournir des services et à se positionner à l’échelle nationale et internationale comme point de convergence pour ce qui est des questions d’usage nocif de substances. En 2002, Santé Canada a augmenté à 1,5 million de dollars les fonds consacrés au Centre, à titre de mesure temporaire en attendant la mise en œuvre d’une nouvelle stratégie fédérale antidrogue. Le Comité reconnaît les efforts soutenus du Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies et croit que le mandat qui lui a été confié par la loi demeure pertinent et est essentiel à la réussite éventuelle d’une stratégie canadienne antidrogue renouvelée. D’autres précisions seront apportées à propos du CCLAT, au chapitre 4 qui porte précisément sur la recherche, l’information et la gestion du savoir.

5. QUELLE DIRECTION FAUT-IL PRENDRE MAINTENANT?

Au Canada, au cours de la dernière décennie, on a pu constater un certain nombre de faits : les indications des liens qu’il existe entre l’usage nocif de substances et les troubles mentaux se sont multipliées; le nombre d’alcooliques et de toxicomanes qui souffrent également du syndrome et des effets de l’alcoolisme fœtal est devenu plus apparent; le nombre d’utilisateurs de drogues injectables qui sont séropositifs, ont le sida ou l’hépatite C a augmenté; la polytoxicomanie a pris l’allure d’une tendance grandissante; la consommation de drogues de confection a enregistré une hausse; les nouvelles recherches sur les aspects bio-psycho-sociaux des problèmes de consommation d’alcool et d’autres drogues sont venues remettre en question les vues traditionnelles sur l’usage nocif de substances et la toxicomanie. Le Comité croit qu’il est essentiel d’investir dans une stratégie canadienne antidrogue renouvelée. Une telle initiative contribuera à restreindre la demande et, partant, l’offre de substances, à limiter la propagation de maladies infectieuses et à réduire les coûts pour la société et la santé associés à l’usage nocif de substances.

La Stratégie canadienne antidrogue renouvelée doit être exhaustive, intégrée, équilibrée et durable et englober l’alcool, le tabac, les drogues illicites et les médicaments. Le but à long terme que constitue la réduction des méfaits associés à l’alcool, au tabac et à d’autres substances, pour les individus, les familles et les collectivités, doit demeurer la pierre angulaire d’une telle stratégie. C’est au Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies qu’il devrait revenir de définir les principes directeurs, les buts à court terme, les objectifs, les indicateurs de rendement et le plan stratégique, en collaboration avec des représentants de Santé Canada, des services intéressés de tous les paliers de gouvernement, des organismes non gouvernementaux de lutte contre la toxicomanie, du secteur privé et des usagers de drogues ou de substances. Un processus de prise de décisions en commun faisant appel à tous les intervenants clés du pays favorisera la collaboration et assurera un niveau élevé de visibilité à la stratégie fédérale antidrogue renouvelée. Le gouvernement du Canada devrait prendre des mesures immédiates pour s’assurer qu’une stratégie fédérale antidrogue financée de manière adéquate sera en place à l’été 2003.

Il lui faudrait accorder la priorité à l’élaboration d’une stratégie qui engloberait ce qui suit :

 Initiatives de prévention et d’éducation (dans toute la mesure du possible, en collaboration avec les gouvernements provinciaux et territoriaux);
 Pratiques fondées sur la recherche, le savoir et l’expérience;
 Série claire de buts et d’objectifs réalisables et de résultats mesurables;
 Cadre d’évaluation;
 Cadre de reddition de comptes pour définir les rôles et les responsabilités de même que les mécanismes pour le suivi des dépenses et des réalisations; mesures de réduction des méfaits;
 Partenariats multisectoriels pour tirer le meilleur parti possible des ressources existantes;
 Plan de communication des gouvernements fédéral/provinciaux/territoriaux.

6. SURVEILLANCE DE LA STRATÉGIE CANADIENNE ANTIDROGUE

Étant donné la nécessité de rendre compte des dépenses et des programmes et d’évaluer continuellement la Stratégie canadienne antidrogue, le Comité estime qu’il faudrait modifier la structure et les mécanismes de reddition de comptes pour mieux refléter l’engagement du Parlement à s’attaquer au problème de l’usage nocif de substances au Canada. Parce que les questions en jeu touchent de nombreux aspects de la société, divers ministères et organismes fédéraux se partagent la responsabilité de la mise en œuvre d’une stratégie fédérale antidrogue. Le Comité est d’avis que, dans ce cas, le partage des responsabilités a entraîné une diffusion de la responsabilité financière. L’absence d’information budgétaire détaillée qui en a résulté a été signalée dans le Rapport de la vérificatrice générale du Canada de 2001. C’est la raison pour laquelle le Comité recommande la nomination d’un commissaire canadien aux drogues, indépendant de tout ministère ou organisme fédéral, pour surveiller la Stratégie canadienne antidrogue. Le commissaire doit être autorisé par la loi à effectuer la surveillance, l’examen et la vérification de la mise en œuvre de la stratégie et à présenter annuellement un rapport et des recommandations au Parlement, par l’entremise du Président de la Chambre des communes.

Une loi du Parlement devrait instituer le poste de commissaire canadien aux drogues et définir son mandat, ses fonctions et pouvoirs de base de même que la structure organisationnelle de son bureau. Le Comité propose que le gouverneur en conseil nomme le commissaire canadien aux drogues — le titulaire ayant, de préférence, une expérience liée au secteur de la santé —, pour une période maximale de cinq ans et que le budget de son bureau soit fixé à 1,5 million de dollars par année.

Le rôle du commissaire canadien aux drogues consisterait à aider les parlementaires à surveiller la mise en œuvre et l’évolution de la Stratégie canadienne antidrogue renouvelée en leur fournissant une analyse objective et indépendante et en formulant des recommandations quant aux mesures nécessaires à la réussite de la Stratégie. Pour faciliter le travail du commissaire canadien aux drogues, les ministères et organismes fédéraux seraient tenus de préparer des plans d’action définissant comment ils mettront en œuvre la Stratégie canadienne antidrogue. Le commissaire surveillera ensuite la situation de près pour déterminer si les ministères et organismes mettent ces plans d’action en œuvre et satisfont aux objectifs de la Stratégie canadienne antidrogue.

Qui devrait mettre en œuvre la nouvelle stratégie fédérale antidrogue? Selon de nombreux intervenants clés, il conviendrait que la mise en œuvre pluriministérielle de la Stratégie canadienne antidrogue continue à relever principalement de Santé Canada si on veut renforcer le message que l’usage nocif de substances et la toxicomanie sont essentiellement des questions de santé. Le Comité est d’accord, mais il aimerait que ce dossier soit plus élevé sur la liste des priorités, qu’il jouisse d’une plus grande visibilité et qu’il fasse l’objet d’une reddition de comptes plus rigoureuse. Par conséquent, le Comité estime que le ministre de la Santé devrait avoir pour mandat de réagir au rapport annuel du commissaire canadien aux drogues en présentant un communiqué officiel au Comité permanent de la santé, par l’entremise de la Chambre des communes.

7. CONSTATATIONS DU COMITÉ - STRATÉGIE CANADIENNE ANTIDROGUE

Le Comité en arrive aux constatations suivantes :

 Une stratégie fédérale antidrogue renouvelée et adéquatement financée s’impose désespérément pour que les Canadiens et leurs collectivités soient en mesure de vivre le plus en santé possible.
 Une stratégie canadienne antidrogue renouvelée doit comporter des buts et des objectifs clairs et mesurables et obligatoirement faire l’objet d’évaluations exhaustives visant à assurer que ces buts et objectifs sont atteints.
 Au cours des dernières années, la Stratégie canadienne antidrogue a surtout été axée sur la restriction de l’offre de drogues illicites de sorte que très peu de ressources fédérales ont été consacrées à la réduction de la demande. Cette situation est en partie attribuable aux réductions de programmes et aux compressions de dépenses. Une stratégie fédérale antidrogue renouvelée doit refléter un meilleur équilibre entre la réduction de la demande et la restriction de l’offre.
 Dans l’ensemble, la Stratégie canadienne antidrogue renouvelée doit être conçue suivant une approche axée sur la santé.
 Les observations et recommandations du rapport de la vérificatrice générale du Canada sur le rôle du gouvernement fédéral à l’égard des drogues illicites vont clairement dans le sens de ce que le Comité a vu et entendu au cours de son étude. Un manque de coordination entre les ministères fédéraux et d’autres ordres de gouvernement, un manque de responsabilisation, un manque d’information, l’absence dévaluations et un manque de cohésion ont en réalité nui à la mise en œuvre de la Stratégie canadienne antidrogue.
 La création d’un poste de commissaire canadien aux drogues s’impose pour assurer l’application de politiques efficaces et uniformes aux fins de s’attaquer aux problèmes liés à la consommation et à l’usage nocif de substances au Canada, et pour veiller à ce que les ministères et organismes fédéraux respectent leurs obligations en conformité avec la Stratégie canadienne antidrogue.
 Pour être couronnée de succès, la Stratégie canadienne antidrogue doit déboucher sur des partenariats avec d’autres paliers de gouvernement et des intervenants clés.

RECOMMANDATION 1

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada réaffirme son engagement à lutter contre la consommation et l’usage nocif de substances et la dépendance aux substances, en élaborant, de concert avec les gouvernements provinciaux et territoriaux et les principaux intéressés, une stratégie canadienne antidrogue renouvelée, exhaustive, coordonnée et intégrée qui permettra de s’attaquer aux problèmes liés aux drogues illicites et aux substances licites (ou légales) telles que l’alcool, le tabac, les produits pour inhalation et les médicaments d’ordonnance.

RECOMMANDATION 2

Le Comité recommande qu’une Stratégie canadienne antidrogue renouvelée soit assortie d’objectifs clairs et mesurables ainsi que d’un processus d’évaluation et de reddition de comptes et que, une fois ces éléments en place, des fonds adéquats et soutenus y soient affectés.

RECOMMANDATION 3

Le Comité recommande la nomination d’un commissaire canadien aux drogues chargé, en vertu d’un mandat conféré par la loi, d’effectuer la surveillance, l’examen et la vérification de la mise en œuvre de la Stratégie canadienne antidrogue renouvelée et à présenter annuellement un rapport des recommandations à cet effet au Parlement, par l’entremise du Président de la Chambre des communes.

RECOMMANDATION 4

Le Comité recommande que le ministre de la Santé soit chargé de coordonner la mise en œuvre pluriministérielle d’une Stratégie canadienne antidrogue renouvelée et de réagir au rapport du commissaire canadien aux drogues dans les 90 jours, en présentant un communiqué officiel au Comité permanent de la santé, par l’entremise de la Chambre des communes.

RECOMMANDATION 5

Le Comité recommande que le Centre canadien de lutte contre l’alcoolisme et les toxicomanies, organisme indépendant et non gouvernemental, reçoive le mandat d’élaborer, de concert avec les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux et les principaux intéressés, les buts, les objectifs, les indicateurs de rendement et le plan stratégique d’une stratégie canadienne antidrogue renouvelée qui sera exhaustive, coordonnée et intégrée.


53Cameron Wild, Centre for Health Promotion Studies, Université de l’Alberta, témoignage devant le Comité, 21 mai 2002.
54Patrick Smith, vice-président, Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies, témoignage devant le Comité, 29 août 2002.
55La stratégie avait pour nom Stratégie nationale antidrogue : Action contre les drogues.
56P. Erickson, « Recent Trends in Canadian Drug Policy: The Decline and Resurgence of Prohibitionism », Daedalus, 121.3, 1992, p. 248.
57Gouvernement du Canada, Stratégie canadienne antidrogue — Phase II — Situation actuelle. Relevons le défi, ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, 1994, p. 6.
58Gouvernement du Canada, Stratégie nationale antidrogue : Action contre les drogues, 1988.
59« En octobre 1987, le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social a mis sur pied un groupe de travail qui devait examiner comment faire profiter tous les Canadiens des programmes spéciaux d’excellence et de l’expérience acquise par les organismes fédéraux, provinciaux et non gouvernementaux au regard des préoccupations nationales et internationales du Canada en matière d’alcool et de drogues. » Le Groupe de travail sur les perspectives nationales, dirigé par David Archibald, président du Conseil international sur les problèmes de l’alcoolisme et des toxicomanies et fondateur de la Fondation de la recherche sur la toxicomanie, a publié son rapport le 16 février 1988.
60L.R., 1985, ch. 49 (4e Supplément), accessible en ligne à l’adresse suivante : lois.justice.gc.ca.
61CFA veut dire conduite avec facultés affaiblies.
62Santé Canada, Évaluation de la Stratégie canadienne antidrogue — Rapport final, juin 1997, p. 1.
63Entre 1995 et 1997, le gouvernement fédéral a procédé à l’examen des programmes annoncé dans le budget de 1995. Cet examen a entraîné d’importantes diminutions de fonds (au total, 9,8 milliards de dollars) pour la plupart des ministères fédéraux.
64Jody Gomber, directrice générale, Programme de la stratégie antidrogue et des substances contrôlées, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, Santé Canada, témoignage devant le Comité, 3 octobre 2001.
65Gouvernement du Canada, La Stratégie canadienne antidrogue, Santé Canada, 1998, p. 5.
66Les buts et objectifs sont tirés, pour l’essentiel, de La Stratégie canadienne antidrogue, Santé Canada, Gouvernement du Canada, 1998, p. 5-6.
67L’information sur les bureaux qui administrent le Programme de la stratégie antidrogue et des substances contrôlées provient du site Web du Programme, qui se trouve à l’adresse suivante :
68Ibid.
69Le syndrome d’alcoolisme fœtal et les effets de l’alcool sur le fœtus (SAF et EAF) sont des termes utilisés pour décrire un diagnostic médical ou une cause possible d’un handicap associé à la consommation d’alcool durant la grossesse, qui a souvent pour résultat des déficiences permanentes.
70Dann Michols, sous-ministre adjoint, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, témoignage devant le Comité, 28 août 2002.
71Règlement sur l’accès à la marihuana à des fins médicales.
72Santé Canada verse 14 millions de dollars aux provinces et aux territoires dans le cadre d’une initiative à frais partagés visant à élargir les programmes novateurs et efficaces de traitement et de réadaptation des alcooliques et des toxicomanes.
73Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport de la vérificatrice générale du Canada de 2001, chapitre 11 — Les drogues illicites : Le rôle du gouvernement fédéral, 2001, p. 2.
74Ibid., p. 19.
75Gouvernement du Canada, La Stratégie canadienne antidrogue, Santé Canada, 1998, p. 1.
76Tableau tiré du Rapport de la vérificatrice générale du Canada de 2001, chapitre 11 — Les drogues illicites : Le rôle du gouvernement fédéral, Bureau du vérificateur général du Canada, 2001, p. 16-17.
77Santé Canada, Drogues pas besoin, Réseau du marketing social, accessible en ligne à l’adresse suivante : www.hc-sc.gc.ca/hppb/marketingsocial/etude_drogues.html.
78Gouvernement du Canada, Stratégie nationale antidrogue : Action contre les drogues, 1988.
79Ibid.
80Gouvernement du Canada, Stratégie canadienne antidrogue — Phase II — Situation actuelle. Relevons le défi, ministre de la Santé nationale et du Bien-être social, 1994.
81Gouvernement du Canada, Stratégie nationale antidrogue : Action contre les drogues, 1988.
82Santé Canada, Évaluation de la Stratégie canadienne antidrogue — Rapport final, juin 1997, p. 13 et 47.
83Ibid., p. 18.
84Ibid., p. 48.
85Ibid., p. 48
86Ibid., p. 17.
87Ibid., p. 32.
88Ibid., p. 48.
89Ibid., p. 33.
90Dann Michols, sous-ministre adjoint, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, témoignage devant le Comité, 28 août 2002.
91Michael McLaughlin, déclaration préliminaire devant le Comité, 6 février 2002.
92Jody Gomber, témoignage devant le Comité, 3 octobre 2001.
93Dann Michols, sous-ministre adjoint, Direction générale de la santé environnementale et de la sécurité des consommateurs, Santé Canada, témoignage devant le Comité, 28 août 2002.
94Bureau du vérificateur général du Canada, Rapport de la vérificatrice générale du Canada de 2001, chapitre 11 — Les drogues illicites : Le rôle du gouvernement fédéral, 2001, p. 15.
95Eric Single, témoignage devant le Comité, 7 novembre 2001.
96Murray Finnerty, Conseil exécutif canadien sur les toxicomanies, témoignage devant le Comité, 29 août 2002.
97Santé Canada, Réponse au Comité, 2002, p. 19.
98Le CCLAT est un organisme autonome et doit par conséquent assumer les coûts liés à son fonctionnement : conseil d’administration, vérifications annuelles, services juridiques et comptables, loyer et toute autre dépense d’infrastructure associée à l’administration d’un tel organisme.