CIMM Rapport du Comité
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La citoyenneté est la reconnaissance par l’État de l’appartenance à la communauté canadienne. Elle représente une participation à la souveraineté et un contrat social entre l’individu et l’autorité politique. La qualité de citoyen comporte des avantages concrets, comme le droit de vote, le droit d’entrer au Canada ou d’y rester et le droit de voyager à l’étranger avec un passeport canadien, mais elle revêt aussi une valeur très symbolique. Elle est l’expression de valeurs solidaires, d’une histoire commune et d’aspirations collectives.
Avant l’adoption de la première Loi sur la citoyenneté en 1947, il n’existait pas un droit de citoyenneté canadienne. Les citoyens de naissance et les citoyens naturalisés étaient considérés comme des sujets britanniques. Le Canada a été le premier pays du Commonwealth à établir une citoyenneté qui n’était pas celle de la « mère patrie ». La Loi de 1947 a de toute évidence joué un rôle important dans l’affirmation de notre identité nationale.
L’actuelle Loi sur la citoyenneté est entrée en vigueur 30 ans plus tard. Conçue pour moderniser le régime de citoyenneté, cette loi abolissait le traitement spécial réservé aux ressortissants britanniques, faisait de la citoyenneté un droit, plutôt qu’un privilège, pour les demandeurs admissibles et facilitait la naturalisation en supprimant ou en réduisant les obstacles à la citoyenneté.
Le Canada a changé depuis 1977; on reconnaît généralement que le temps est venu de réviser à nouveau le cadre législatif. Des tentatives ont déjà été faites pour actualiser et consolider la Loi sur la citoyenneté. Dix ans seulement après son entrée en vigueur, le gouvernement progressiste-conservateur de Brian Mulroney a signalé son intention de la modifier et a publié un document de travail intitulé Notre fierté nationale. Il a consulté la population, mais aucun changement législatif n’en a résulté. Le gouvernement libéral élu en 1993 a annoncé son intention de réviser la législation canadienne sur la citoyenneté et a demandé l’avis du Comité. En juin 1994, celui-ci a déposé à la Chambre des communes le rapport La citoyenneté canadienne : Un sentiment d’appartenance.
Il s’en est suivi une série de projets de loi, dont aucun n’a été adopté. Le projet de loi C-63, présenté au cours de la première session de la 36e législature, est mort au Feuilleton. Son successeur, le projet de loi C-16, a été déposé pendant la deuxième session de la même législature et a franchi l’étape de la troisième lecture aux Communes en mai 2000. Il est toutefois mort au Feuilleton du Sénat lorsque des élections ont été déclenchées. Le projet de loi C-18, Loi concernant la citoyenneté canadienne, a été présenté au cours de la deuxième session de la 37e législature. Le Comité a tenu des audiences dans les différentes régions du pays et a reçu une foule de commentaires judicieux de la part de nombreux groupes et particuliers. Il a entamé l’étude article par article du projet de loi, mais n’a pu la terminer en raison de la prorogation du Parlement à la fin de 2003.
Une fois de plus, le gouvernement a signalé son intention de déposer un nouveau projet de loi sur la citoyenneté. Avant d’entreprendre la rédaction du texte, il a sollicité l’avis et les recommandations du Comité. À cette fin, le 28 octobre 2004, le Comité a adopté une motion selon laquelle les témoignages et les documents qui lui avaient été présentés durant la 36e législature et la 2e session de la 37e législature dans son étude des lois sur la citoyenneté étaient réputés avoir été reçus par lui au cours de la session actuelle. Il a examiné ces témoignages et documents et mis en évidence les principales questions qui, à ses yeux, devraient faire l’objet d’un futur projet de loi.
La ministre a indiqué que le nouveau projet de loi sur la citoyenneté serait déposé sous peu, très probablement en février 2005. Comme le congé de Noël de la Chambre des communes approche et que le Comité a aussi d’autres engagements qui découlent de son mandat, il a eu peu de temps à consacrer à cet examen. En outre, la ministre ayant précisé que le projet de loi serait renvoyé au Comité après la première lecture, celui-ci a décidé de faire état, sans plus, des principales questions auxquelles le texte de loi doit s’attaquer. Il a évité de recommander des mesures législatives bien précises, sauf une, qui consiste à remédier à la situation des Canadiens déchus.
Dans son étude des projets de loi C-63, C-16 et C-18, le Comité a reçu des observations sur tous les aspects du texte de loi proposé et sur l’importance que revêt la citoyenneté pour les Canadiens. Il considère les questions suivantes comme étant d’une importance particulière, tout en réalisant que la présentation d’un nouveau projet de loi sur la citoyenneté pourrait faire surgir d’autres préoccupations.
1. Obligation de résidence pour l’attribution de la citoyenneté
L’actuelle Loi sur la citoyenneté exige trois années de résidence au Canada avant que la citoyenneté puisse être accordée, mais elle ne définit pas le terme « résidence ». Son application a donc été compliquée par des décisions judiciaires contenant des interprétations divergentes. La Cour fédérale a statué, à l’époque de l’entrée en vigueur de la Loi, que la présence effective au Canada n’était pas nécessaire pour satisfaire à l’obligation de résidence1. Selon le juge, il suffisait que le demandeur fasse état de liens manifestes avec le Canada pour toute la période, même s’il n’y avait pas été effectivement présent. Pour établir la réalité de ces liens, il pouvait s’appuyer sur des indicateurs comme des biens immobiliers servant de résidence, des comptes dans des banques canadiennes, des placements, l’appartenance à des clubs, la possession d’un permis de conduire délivré par une province, etc. Certains demandeurs ont par conséquent obtenu la citoyenneté canadienne en ayant passé au Canada quelques mois seulement, voire moins. En revanche, d’autres décisions de la Cour fédérale ont été fondées sur des critères différents.
Le projet de loi C-18 clarifiait l’obligation de résidence en définissant la résidence comme une présence effective au Canada. Il exigeait aussi que le demandeur réside au Canada pendant au moins trois ans (1 095 jours) au cours des six ans précédant sa demande.
Des témoins ont fait valoir qu’il était pratiquement impossible pour beaucoup de personnes ayant des obligations professionnelles et familiales à l’étranger d’être effectivement présentes au Canada pendant la période requise et qu’une plus grande souplesse s’imposait. Certains ont suggéré de s’inspirer de l’article 28 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, selon lequel le résident permanent se conforme à l’obligation de résidence dès lors que, selon le cas, il :
| est effectivement présent au Canada, | |
| accompagne, hors du Canada, un citoyen canadien qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, | |
| travaille, hors du Canada, à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale, | |
| accompagne, hors du Canada, un résident permanent qui est son époux ou conjoint de fait ou, dans le cas d’un enfant, l’un de ses parents, et qui travaille à temps plein pour une entreprise canadienne ou pour l’administration publique fédérale ou provinciale, | |
| se conforme au mode d’exécution prévu par règlement. |
La Loi actuelle prévoit une exception à la règle de la présence effective pour les époux étrangers de citoyens canadiens qui travaillent à l’étranger dans les forces armées canadiennes, l’administration publique fédérale ou l’administration publique d’une province. Le projet de loi C-18 aurait étendu cette exception aux conjoints de fait (y compris aux conjoints de même sexe).
Le Comité est d’avis que la nouvelle loi doit tenir compte de ces préoccupations. Il serait bon de clarifier le sens de « résidence ». Toutefois, étant donné les réalités de la vie dans une société qui se mondialise de plus en plus, il faudrait prendre en considération d’autres moyens d’exécution que la présence effective; sur ce point, les dispositions de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés seraient un point de référence valable.
Le Comité a aussi pris en note les observations des témoins au sujet des réfugiés qui ont reçu la résidence permanente au Canada au terme d’un processus qui est souvent très long à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Des témoins ont suggéré de faire compter la période que les demandeurs de la citoyenneté ont passée au Canada avant qu’une suite soit donnée à leur demande du statut de réfugié. Selon eux, cette période n’est pas différente sur le plan qualitatif du temps passé au Canada après l’octroi de la résidence permanente. La future loi devrait tenir compte de cette question.
2. Connaissances exigées pour l’attribution de la citoyenneté
La Loi sur la citoyenneté exige que les demandeurs fassent preuve d’une « connaissance suffisante de l’une des langues officielles au Canada » et d’une « connaissance suffisante du Canada et des responsabilités et avantages attachés à la citoyenneté ». Ils doivent à cette fin subir un examen, mais le ministre a le pouvoir de les soustraire à cette obligation pour des motifs d’ordre humanitaire, ce qu’il a fait pour différents groupes, tels que les gens de plus de 60 ans.
De nombreux témoins ont fait remarquer que l’expression « connaissance suffisante » n’était pas définie et que la loi devrait être plus précise. On a aussi soutenu que, pour plus de clarté, des dérogations précises pourraient être intégrées à la Loi, de façon à soustraire à cette obligation des groupes désignés, par exemple les personnes âgées, les réfugiés ou autres victimes de stress post-traumatique ou encore les personnes qui ont des troubles d’apprentissage. Le Comité estime que la future Loi sur la citoyenneté devrait tenir compte de ces suggestions.
3. Perte de la citoyenneté Enfants de la deuxième génération nés à l’étranger
La Loi sur la citoyenneté prévoit la perte de la citoyenneté acquise par filiation pour les personnes qui sont nées à l’étranger après 1977 et qui possèdent la citoyenneté parce qu’un de leurs parents était devenu citoyen canadien par filiation (c.-à-d. né à l’étranger, lui aussi, d’un citoyen canadien). Un Canadien « de deuxième génération né à l’étranger » perd sa citoyenneté à l’âge de 28 ans sauf s’il demande à la conserver, se fait immatriculer comme citoyen et soit réside au Canada depuis au moins un an à la date de la demande, soit démontre qu’il a conservé avec le Canada des liens manifestes.
Les témoins ont exprimé deux grandes préoccupations au sujet de cette disposition : d’abord, la perte automatique de la citoyenneté, indépendamment de la situation, pose un problème et pourrait dans certains cas rendre des gens apatrides; ensuite, il n’y a pas de préavis, et la plupart des personnes visées risquent de ne pas être au courant des exigences législatives.
Ces questions sont à régler. Il n’est pas admissible qu’un processus prévu par la Loi fasse de quelqu’un un apatride. Le Comité est également préoccupé par l’arbitraire apparent de la date limite. La suggestion de certains témoins selon laquelle il devrait exister un mécanisme d’appel mérite considération.
4. Perte de la citoyenneté Révocation
Un des points les plus litigieux soulevés au cours des audiences du Comité est le processus de révocation de la citoyenneté pour les citoyens naturalisés. Le projet de loi C-18 proposait trois mécanismes de révocation : le premier concernait la révocation qu’on peut qualifier d’« ordinaire »; le deuxième visait le dépôt d’un certificat attestant, sur la foi de renseignements de nature délicate, que la personne a porté atteinte aux droits humains ou internationaux ou est mêlée au crime organisé; le troisième était une procédure administrative d’annulation.
i) Révocation pour fausse déclaration, fraude ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels
L’actuelle Loi sur la citoyenneté prescrit que le gouverneur en conseil peut prendre un décret ayant pour effet de révoquer la citoyenneté d’une personne qui a obtenu sa citoyenneté ou sa résidence permanente au moyen d’une fausse déclaration, d’une fraude ou de la dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Le décret peut seulement faire suite à la présentation d’un rapport du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration. La Loi énonce la procédure que le ministre doit suivre, à commencer par la communication d’un avis à la personne concernée. Celle-ci peut demander que le ministre renvoie l’affaire devant la Cour fédérale. Dans ce cas, avant que le ministre puisse présenter un rapport au Cabinet, le juge de la Cour doit déterminer si, selon la prépondérance des probabilités, la personne a obtenu sa citoyenneté par des moyens inacceptables.
Le projet de loi C-18 aurait eu pour effet de modifier le mécanisme de révocation en supprimant le rôle du gouverneur en conseil et en le simplifiant considérablement. Il ne proposait toutefois pas de changer les motifs qui justifient une demande de révocation, à savoir une fausse déclaration, une fraude ou la dissimulation intentionnelle de faits essentiels.
La plupart des témoins étaient favorables à l’idée de transférer aux tribunaux le pouvoir de révocation détenu par le Cabinet. Selon eux, les questions importantes de fait et de droit devaient être tranchées dans le cadre du processus judiciaire normal, à l’abri des ingérences politiques. Il y a cependant eu un débat sérieux sur la norme de preuve, beaucoup de témoins faisant valoir que la norme civile appliquée actuellement dans les audiences de la Cour fédérale en matière de citoyenneté ne protège pas suffisamment les citoyens.
Le Comité est d’avis que la future Loi sur la citoyenneté devrait préciser la norme de preuve applicable dans les procédures de révocation et il exhorte le gouvernement à tenir compte des ramifications extrêmement sérieuses du décret de révocation. Les pires criminels de notre pays bénéficient de la présomption d’innocence et du fait que l’État est tenu de prouver qu’il y a eu infraction hors de tout doute raisonnable. Il est certain que la perte de la citoyenneté touche l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. La future Loi sur la citoyenneté doit donc traiter adéquatement cette importante question.
Le Comité précise encore une fois qu’il est inadmissible qu’un processus prévu par la loi sur la citoyenneté du Canada ait pour conséquence de rendre une personne apatride.
Il a aussi été question du regroupement, dans le projet de loi C-18, des processus de révocation et d’expulsion. À l’heure actuelle, si une personne voit sa citoyenneté révoquée, la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié doit entamer une deuxième procédure pour la faire déclarer interdite de territoire au Canada. Le projet de loi C-18 aurait habilité le ministre à demander à la Cour fédérale un deuxième jugement portant interdiction de territoire après une décision de révocation. Les règles techniques de présentation de la preuve se seraient appliquées à une audience de révocation, mais le juge aurait pu recevoir les éléments de preuve qu’il juge crédibles ou dignes de foi en vue de l’audience d’interdiction de territoire.
De nombreux témoins étaient favorables à la simplication du mécanisme de renvoi, mais le Comité espère que le gouvernement pourra apaiser les craintes concernant la norme de preuve.
ii) Révocation par la délivrance d’un certificat pour des raisons de sécurité
Le projet de loi C-18 aurait aussi permis d’établir un mécanisme spécial de révocation pour les personnes accusées de terrorisme, de crimes de guerre ou de participation au crime organisé. Il aurait garanti la confidentialité des renseignements utilisés dans les affaires où un juge statue que leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale ou à la sécurité d’autrui. Le juge ne ferait établir qu’un résumé de la preuve, qui exclurait tout renseignement de nature délicate. Cette procédure correspond à celle décrite aux articles 76 à 81 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui visent à protéger la confidentialité des renseignements pour des motifs de sécurité. Comme dans le cas de la procédure de révocation « ordinaire », il était prévu que la décision de révoquer la citoyenneté serait rendue en fonction de la prépondérance des probabilités. En revanche, cette décision n’était pas susceptible d’appel ou de contrôle judiciaire.
Les témoins qui ont attiré l’attention sur ce mécanisme s’y opposaient farouchement; selon eux, il viole les principes les plus fondamentaux de l’application régulière de la loi. Le Comité comprend que des actions en justice ont été intentées dans le contexte de l’immigration. Le mécanisme de révocation par la délivrance d’un certificat a été maintenu jusqu’ici, mais d’autres affaires sont en instance.
Le Comité trouve dérangeant le mécanisme de révocation par la délivrance d’un certificat pour des raisons de sécurité. Il signale la tenue prochaine d’un examen parlementaire de la Loi antiterroriste du Canada. Le ministre de la Justice a suggéré d’intégrer à l’examen une évaluation d’autres lois portant sur la protection de renseignements de nature délicate. Le Comité estime que, d’ici à ce que les résultats de l’examen soient connus, il ne serait pas opportun d’intégrer dans l’actuelle Loi sur la citoyenneté un mécanisme de ce genre.
Le Comité comprend que, dans certains cas, il peut s’avérer nécessaire de protéger des sources, y compris les renseignements fournis en toute confidentialité par des gouvernements étrangers. Il note toutefois que les dispositions de la Loi sur la preuve au Canada permettent déjà au gouvernement de protéger des renseignements de nature délicate dans le cadre de n’importe quelle instance en délivrant un certificat qui en interdit la divulgation.
Outre qu’il instituait des mécanismes de révocation, le projet de loi C-18 donnait au ministre un nouveau pouvoir, celui de prendre un arrêté d’annulation qui aurait eu pour effet de déclarer nulle l’acquisition, la conservation, la répudiation ou la réintégration de la citoyenneté. Il établissait un délai de prescription le pouvoir devait être exercé dans les cinq ans suivant la décision initiale sur la citoyenneté et prévoyait donner avis de l’arrêté à l’intéressé, qui pouvait ensuite faire des démarches auprès du ministre. Le projet de loi n’autorisait pas d’audience en bonne et due forme ni d’appel de l’arrêté d’annulation. La décision pouvait être soumise à un contrôle judiciaire de la Cour fédérale, mais les motifs étaient beaucoup plus limités que dans le cas d’un appel.
De nombreux témoins ont émis l’opinion que le mécanisme d’annulation créerait une catégorie de « citoyens à l’essai » et ont soutenu qu’il fallait le supprimer. D’autres ont réclamé de meilleures garanties de l’application régulière de la loi, telles qu’un décideur indépendant et un droit d’appel.
Le Comité est sensible aux réserves exprimées par les témoins et met en doute la nécessité d’un mécanisme administratif d’annulation. Le gouvernement a indiqué son intention de proposer un mécanisme de révocation purement judiciaire pour dissiper la perception d’iniquité que donne le système actuel. Il semblerait donc aberrant de vouloir instaurer un pouvoir administratif de révocation qui exclurait toute possibilité d’appel.
Le nouveau projet de loi sur la citoyenneté devra bien sûr aborder la question des procédures entamées dans le cadre de la loi actuelle. Doit-on les abandonner et, s’il y a lieu, en engager d’autres en vertu de la nouvelle loi? Dans le projet de loi C-18, le gouvernement avait proposé une disposition transitoire qui aurait permis de poursuivre, en vertu de la Loi existante, les procédures de révocation en cours si l’on avait déjà reçu certains éléments de preuve ou si une décision avait déjà été rendue par la Cour fédérale.
Certains témoins se sont opposés à la poursuite des procédures dans le contexte de la loi existante. Ils ont fait valoir que si le Parlement jugeait bon d’adopter une démarche purement judiciaire parce que la pratique actuelle donnait l’impression d’être injuste, il était illogique de maintenir les procédures en cours. D’après certains, l’idée équivalait à abolir la peine capitale tout en permettant l’exécution d’une personne dont le procès était déjà commencé ou qu’on avait déjà condamnée à mort au moment où la loi a été modifiée.
À l’instar des témoins, les membres du Comité entretiennent des réserves quant au maintien des procédures de révocation déjà entamées lorsque la nouvelle Loi entrera en vigueur. Le nouveau texte de loi visera évidemment à améliorer le système actuel. Il vaudrait peut-être mieux par conséquent que les personnes engagées dans une procédure de révocation au moment où la nouvelle loi entrera en vigueur aient le choix de poursuivre en vertu de la nouvelle loi ou de la Loi sur la citoyenneté de 1977.
6. Réintégration dans la citoyenneté : les Canadiens déchus
Une autre question a beaucoup retenu l’attention : celle des citoyens nés au Canada qui ont perdu leur qualité de citoyen lorsqu’ils étaient mineurs parce que leur « parent responsable » a pris la citoyenneté d’un autre pays. On dit que ces Canadiens ont été déchus de leur citoyenneté
De 1947, année d’entrée en vigueur de la première Loi sur la citoyenneté, à février 1977, année où l’actuelle loi a remplacé l’ancienne, la double citoyenneté n’était pas reconnue. Cette non-reconnaissance n’était pas inhabituelle à l’époque et en fait bien des pays ne permettent toujours pas aujourd’hui à leurs citoyens de détenir une seconde nationalité. Cependant, le Comité a entendu maints témoignages concernant les difficultés entraînées par cette disposition et les anomalies qui ont résulté du paragraphe 18(1) de la Loi de 1947, qui se lit comme suit :
Lorsque le parent responsable d'un enfant mineur cesse d'être un citoyen canadien aux termes de l'article 16 [acquisition d’une autre nationalité] ou de l’article 17 [répudiation en cas de double nationalité] l'enfant cesse dès lors d'être un citoyen canadien, si, d'après les lois d'un autre pays que le Canada, il est ou devient alors un ressortissant ou citoyen de cet autre pays.
L’expression « parent responsable » a été définie dans la Loi comme désignant le père si l’enfant était né dans les liens du mariage, ou la mère si l’enfant était né en dehors des liens du mariage ou si la mère était veuve ou avait la garde légale de l’enfant par ordonnance de la cour. Ainsi, un enfant né au Canada qui recevait automatiquement une autre citoyenneté par son père perdait son statut de citoyen canadien même si sa mère restait canadienne et qu’elle voulait que son enfant reste canadien également. Les questions temporelles donnent lieu à une autre anomalie évidente. Ainsi, un enfant né au Canada et dont le père a pris une autre citoyenneté le 15 février 1977 a gardé son statut de citoyen canadien, mais si son père a été naturalisé dans un autre pays à peine un jour avant, l’enfant a perdu la citoyenneté de son pays de naissance.
Les incongruités ne s’arrêtent pas là. Le Comité remarque que l’ancienne Loi obligeait les enfants nés à l’étranger d’une mère canadienne à subir des contrôles de sécurité et à prêter serment avant de recevoir la citoyenneté, alors que les enfants nés à l’étranger d’un père canadien obtenaient leur citoyenneté simplement en en faisant la demande. La Cour suprême du Canada a statué que cela violait la disposition d’égalité de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés2. Il se trouve donc que des enfants nés à l’étranger d’une mère canadienne ont maintenant un droit automatique à la citoyenneté tandis que des enfants nés au Canada d’une mère canadienne ont pu perdre leur citoyenneté canadienne si le père a pris une autre nationalité entre 1947 et 1977. Il est pour le moins étrange que, dans une famille d’émigrés, les enfants nés au Canada perdaient leur citoyenneté canadienne si leur père prenait une autre nationalité à l’intérieur de la période concernée, tandis que les enfants nés d’un parent canadien à l’étranger ne la perdaient pas.
En ce moment, une personne qui a perdu sa citoyenneté canadienne par suite du paragraphe 18(1) de la Loi de 1947 doit devenir résident permanent et avoir résidé au Canada pendant un an immédiatement avant de faire sa demande de citoyenneté. Bien que l’obligation de résidence pour retrouver la citoyenneté soit plus courte que pour les citoyens qui en sont à leur première demande, il était encore obligatoire jusqu’à récemment que le demandeur obtienne la résidence permanente de la manière habituelle, c’est-à-dire qu’il devait entrer dans une des catégories d’immigration existantes, comme les travailleurs qualifiés (le système de points) ou le parrainage-parent. Cependant, en mai 2003, le ministre Denis Coderre a annoncé que les personnes qui cessaient d’être des citoyens pendant qu’elles étaient mineures n’auraient plus besoin de satisfaire aux critères habituels de sélection; elles seraient automatiquement admissibles au statut de résident permanent sauf qu’elles seraient tenues de satisfaire à d’autres règles d’admissibilité, notamment au chapitre de la santé publique, de la criminalité, de la sécurité et des finances. Ainsi donc, la nouvelle politique permet à ces personnes d’être acceptées comme résidents permanents dans la mesure où elles peuvent subvenir à leurs besoins et qu’elles ne sont pas inadmissibles pour des raisons de criminalité ou de sécurité. Elles sont exemptées de la règle d’inadmissibilité médicale pour cause de recours excessif au système de santé, mais elles doivent payer les frais habituels de traitement et d’établissement de 1 475 $ par adulte.
Certains Canadiens déchus reprochent à cette politique de ne pas aller assez loin. Ils déplorent vivement l’obligation qu’ils ont de demander la résidence permanente alors qu’ils estiment être citoyens canadiens et qu’un droit acquis par la naissance leur a été injustement retiré. Ils font aussi valoir qu’il est difficile pour bon nombre d’entre eux de satisfaire à l’obligation de résidence étant donné leurs engagements familiaux et professionnels. Certes, le projet de loi C-18 aurait modifié l’obligation de résidence pour donner une certaine souplesse dans le délai imparti pour satisfaire à cette condition on a proposé que le demandeur doive seulement être présent au Canada pendant 365 jours au cours des deux années précédant la demande mais les témoins se sont clairement opposés au principe de la condition préalable de résidence permanente et, à leurs yeux, retoucher ce mécanisme n’est pas une solution satisfaisante.
Les personnes ayant perdu leur citoyenneté au moment d’émigrer avec leurs parents entre 1947 et 1977 se comptent peut-être par dizaines de milliers. Si on leur donne le droit absolu de revenir au Canada en tant que citoyens, il est alors possible que des milliers de personnes n’ayant pas payé d’impôts au Canada puissent se prévaloir des services sociaux et des prestations de maladie du Canada. La question des restrictions concernant la moralité des personnes qui demandent la réintégration dans leur citoyenneté a également été débattue, certains faisant valoir que l’assouplissement des conditions actuelles pourrait donner à des criminels condamnés l’admissibilité au rétablissement de leur citoyenneté canadienne. Le Comité signale toutefois que les projets de loi d’initiative parlementaire portant sur la situation des Canadiens déchus n’auraient pas primé sur les questions de sécurité nationale. Le projet de loi S-2 de l’actuelle session parlementaire, par exemple, ne changerait pas le fait qu’une personne demandant le rétablissement de sa citoyenneté pourrait essuyer un refus si le Cabinet fédéral jugeait qu’il existe des motifs raisonnables de croire qu’elle s’engagerait dans une activité qui menacerait la sécurité du Canada ou ferait partie d’un réseau organisé de criminels.
De toute façon, les citoyens canadiens peuvent aujourd’hui quitter le pays et revenir librement en tant que citoyens par la suite, peu importe qu’ils aient ou non versé des impôts au Canada ou aient été condamnés pour des crimes dans l’intervalle. La démarcation arbitraire du 15 février 1977 est troublante aux yeux du Comité.
Le Comité recommande que toute personne née au Canada qui a perdu sa citoyenneté canadienne pendant son enfance parce que son parent a acquis la nationalité d’un autre pays soit admissible à réintégrer sa citoyenneté sans devoir au préalable devenir résident permanent et sans devoir satisfaire à une obligation de résidence.
7. Refus du gouverneur en conseil d’accorder la citoyenneté
L’article 21 du projet de loi C-18 contenait une disposition litigieuse qui aurait autorisé le Cabinet à refuser la citoyenneté à un demandeur lorsqu’il existait « des motifs raisonnables de croire qu’une personne a fait preuve d’un grave mépris à l’égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique ». Le but déclaré de cette disposition était de refuser d’accorder la citoyenneté aux personnes qui font publiquement la promotion de la haine ou qu’on sait avoir commis à l’étranger des crimes horribles pour lesquels elles n’ont jamais été condamnées.
Mais quels sont les principes et les valeurs que cette disposition d’intérêt public comporterait? Dans l’affaire R. c. Oakes3, l’ancien juge en chef Dickson fait référence aux valeurs sous-tendant une société libre et démocratique dans son analyse de l’article 1 de la Charte canadienne des droits et libertés. À la page 136 de la décision Oakes, le juge en chef Dickson déclare :
Les tribunaux doivent être guidés par des valeurs et des principes essentiels à une société libre et démocratique, lesquels comprennent, selon moi, le respect de la dignité inhérente de l'être humain, la promotion de la justice et de l'égalité sociales, l'acceptation d'une grande diversité de croyances, le respect de chaque culture et de chaque groupe et la foi dans les institutions sociales et politiques qui favorisent la participation des particuliers et des groupes dans la société.
Ces valeurs ne sont que des exemples et ne sont donc pas les seules possibles. Mais justement, quelles autres valeurs pourrait-on inclure? On a déjà essayé de définir les principes qui sous-tendent notre société. Par exemple, dans le cadre de la Commission des citoyens, Keith Spicer a cerné certaines valeurs canadiennes fondamentales : égalité et justice, respect des minorités, consultation et dialogue, adaptation et tolérance, compassion et générosité, respect de la beauté naturelle du Canada, et respect de l’image de paix, de liberté et de changement non violent projetée par le Canada4. Ces valeurs pourraient-elles être invoquées pour refuser la citoyenneté?
L’éminent constitutionnaliste Peter Hogg affirme que la référence à une société libre et démocratique est trop vague pour vraiment faciliter l’évaluation des objectifs législatifs dans le cadre d’une analyse de l’article 1. Il signale que les tribunaux ont accepté de nombreux motifs de limitation des droits de la Charte et les ont trouvés conformes aux valeurs démocratiques canadiennes5. On peut donc soutenir, en ce qui a trait à cet article du projet de loi C-18, que ce qui constituerait des motifs de refus de la citoyenneté est tout aussi nébuleux. Citoyenneté et Immigration Canada a indiqué que la disposition pourrait servir à cibler les personnes qui incitent à la haine, par exemple, mais qu’elle pourrait certainement s’appliquer à d’autres situations encore inconnues. Selon certains témoins, ce point pourrait être problématique. Comme l’un d’eux l’a indiqué :
Dans ce domaine, il vaut mieux être précis plutôt que général. Une limitation de la liberté d’expression peut résister à une contestation invoquant la Charte seulement si l’atteinte au droit est minime. Le problème qui est à la source de la disposition dans le projet de loi, à savoir les propos haineux, devrait être mentionné expressément.
Le Comité n’est pas convaincu que le pouvoir du Cabinet d’invoquer des motifs vaguement formulés pour refuser la citoyenneté à des demandeurs répondant par ailleurs aux autres conditions soit nécessaire ni même approprié. Il déplore, comme les témoins, que le projet de loi C-18 ne prévoie pas de droit d’appel ou d’examen judiciaire en cas de refus de la citoyenneté par le gouverneur en conseil.
En ce moment, les interdictions pouvant justifier un refus de citoyenneté ont trait principalement à une activité criminelle au Canada ou à l’étranger, ou à des affaires d’immigration non réglées. Le projet de loi C-18 aurait allongé quelque peu la liste. Les infractions punissables par la loi qui ont été commises à l’extérieur du Canada auraient été prises en considération et traitées de la même manière que celles commises au Canada. L’interdiction liée aux infractions commises à l’étranger se serait appliquée à tout le processus criminel : mise en accusation, procès, demandes d’appel et d’examen à l’égard de l’infraction. Une nouvelle interdiction se serait traduite, dans le projet de loi C-18, par un report d’un an de l’attribution de la citoyenneté lorsque la personne aurait été condamnée pour deux ou plus de deux infractions punissables par voie de déclaration sommaire de culpabilité. Le projet de loi aurait également privé de la citoyenneté toute personne faisant l’objet d’une mesure de renvoi ou d’une enquête en vertu de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés qui aurait pu aboutir au retrait ou à la perte du statut de résidence permanente.
Ce fut la question des accusations et des condamnations criminelles à l’extérieur du Canada que les témoins ont trouvée la plus problématique. Beaucoup de systèmes judiciaires étrangers ne peuvent pas se comparer à celui du Canada et les témoins ont incité les membres du Comité à tenir compte de la criminalisation des activités politiques dans certains pays. On a également jugé déraisonnable le fait que le projet de loi C-18 aurait fait d’une accusation en instance à l’étranger une interdiction permanente aux fins de l’obtention de la citoyenneté.
Le Comité partage les inquiétudes des témoins concernant les condamnations et les accusations en suspens à l’étranger qui rendent des demandeurs inadmissibles à la citoyenneté. Le gouvernement devrait envisager d’établir un mécanisme permettant de s’assurer que ces accusations ne sont pas abusives ni qu’elles résultent d’un processus judiciaire injuste.
9. Le rôle des responsables de la citoyenneté (juges ou commissaires)
Dans la Loi actuelle, les juges de la citoyenneté ont la responsabilité de trancher les demandes de citoyenneté, de présider les cérémonies de citoyenneté et de faire prêter serment aux nouveaux citoyens. Ils sont nommés par le gouverneur en conseil et sont considérés comme sans lien avec le ministère.
Le projet de loi C-18 aurait éliminé les postes de juge de la citoyenneté. Leurs fonctions fondamentales auraient été assumées par des fonctionnaires sous l’autorité déléguée du ministre. Les fonctions cérémoniales auraient été confiées à des commissaires à la citoyenneté à temps plein ou à temps partiel, nommés par le gouverneur en conseil.
Essentiellement, on a suggéré que les pouvoirs de décision concernant l’attribution de la citoyenneté revêtent un caractère administratif et soient confiés aux employés du Ministère. Les responsables de Citoyenneté et Immigration ont fait valoir que le système n’en serait que plus efficace, surtout si l’on parvenait à dissiper en grande partie la nature discrétionnaire de ces décisions en précisant les conditions de citoyenneté, comme la résidence et les connaissances.
Le Comité espère que la future loi tiendra compte de l’importance soulignée par les témoins que ce soit une personne indépendante du ministère qui exerce le pouvoir discrétionnaire associé à l’attribution de la citoyenneté pour les obligations de résidence et de connaissance suffisante. Il tient cependant à préciser que, lorsqu’il fait état de pouvoir discrétionnaire, il n’évoque pas les cas d’inadmissibilité liés à la criminalité ou à la sécurité nationale. Il a suggéré que le gouvernement envisage la possibilité d’établir un mécanisme servant à évaluer les accusations et les condamnations à l’étranger, mais il ne croit pas qu’un pouvoir discrétionnaire doive être exercé dans l’attribution de la citoyenneté lorsque des interdictions sont en jeu pour des raisons de criminalité et de sécurité.
L’actuel serment de citoyenneté se lit comme suit :
Je jure fidélité et sincère allégeance à Sa Majesté la Reine Elizabeth II, Reine du Canada, à ses héritiers et successeurs et je jure d’observer fidèlement les lois du Canada et de remplir loyalement mes obligations de citoyen canadien.
Le projet de loi C-18 avait proposé que le serment se lise plutôt comme suit :
Dorénavant, je promets fidélité et allégeance au Canada et à Sa Majesté la Reine Elizabeth II, Reine du Canada. Je m’engage à respecter les droits et libertés de notre pays, à préserver ses valeurs démocratiques, à observer fidèlement ses lois, et à remplir mes devoirs et obligations de citoyen(ne) canadien(ne).
Le Comité a reçu diverses recommandations concernant le serment. Dans certaines, on disait qu’il fallait faire spécifiquement référence à la Charte canadienne des droits et libertés. Dans d’autres, on disait qu’il fallait supprimer la mention de la reine. Les opinions des témoins étaient divisées sur ce point, mais il est apparu clairement au Comité que le libellé du serment est une question importante et litigieuse.
Le Comité n’est pas en mesure actuellement de proposer sa propre version du serment de citoyenneté, mais il espère que le gouvernement tiendra compte des suggestions des témoins au moment de rédiger une déclaration qui donnera forme aux droits et responsabilités des citoyens du Canada. Il reconnaît l’importance d’associer la population à ce processus; lorsque le projet de loi sur la citoyenneté lui sera renvoyé au cours de l’actuelle session parlementaire, il compte solliciter l’avis des Canadiens.
Les citoyens canadiens qui adoptent des enfants à l’étranger doivent souvent se plier à de longues procédures avant de pouvoir les amener au pays. En revanche, les enfants nés à l’étranger de citoyens canadiens obtiennent automatiquement leur citoyenneté. Actuellement, un enfant né à l’étranger qui est adopté par un Canadien doit d’abord obtenir son statut de résident permanent. Une fois remplies l’obligation de résidence et d’autres exigences de la Loi sur la citoyenneté, une demande de naturalisation peut être présentée. La procédure d’immigration peut être laborieuse, elle exige que l’enfant subisse des examens médicaux et elle occasionne des frais d’administration importants.
Le projet de loi C-18 aurait permis à un enfant étranger adopté par un citoyen canadien de recevoir sa citoyenneté sans devenir d’abord résident permanent. Pour respecter la convention de La Haye sur l’adoption internationale, le projet de loi exigeait que l’adoption à l’étranger réponde à des critères bien précis. Il fallait que l’adoption :
| soit dans l’intérêt supérieur de l’enfant; | |
| crée un véritable lien de filiation; | |
| soit conforme aux lois du lieu de l’adoption et du lieu de résidence de l’adoptant; | |
| ne vise pas à contourner la loi sur l’immigration ou la citoyenneté. |
Ces mesures ont aussi été proposées dans le projet de loi C-16 (antérieur au projet de loi C-18), que le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration de la Chambre des communes avait étudié et modifié et que la Chambre avait adopté le 30 mai 2000. Le projet de loi C-18 introduisait toutefois une nouveauté, à savoir une disposition qui permettait d’adopter une personne de 18 ans ou plus, à la condition qu’un véritable lien de filiation ait été établi avant que l’enfant ait 18 ans. Cette disposition aurait pu être utile pour un petit nombre de candidats à l’adoption qui entretenaient un lien depuis des années par exemple avec un enfant en famille d’accueil mais qui avaient entrepris des démarches d’adoption sur le tard.
Dans l’étude du projet de loi C-18 par le Comité, certains témoins ont exprimé des réserves. L’une d’elles était que le rejet d’une demande de citoyenneté pour un enfant adopté pouvait seulement faire l’objet d’un contrôle judiciaire à la Cour fédérale, alors que le rejet d’une demande de parrainage aux fins de la résidence permanente peut souvent être porté en appel pour des motifs d’ordre humanitaire auprès de la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Des témoins ont indiqué que, dans le cas des enfants adoptés, il serait illogique d’avoir un processus de révision moins poussé pour les demandes de citoyenneté que pour les demandes d’immigration.
La plupart des témoins étaient toutefois d’avis que la mesure proposée constituait un pas dans la bonne direction et qu’elle serait avantageuse pour les enfants adoptés et leur famille.
Le Comité recommande de tenir compte de la problématique soulevée par les témoins concernant les droits d’appel des Canadiens qui adoptent à l’étranger.
12. Retards dans le traitement
Les membres du Comité sont bien conscients des longs délais de traitement des demandes de citoyenneté. Il serait en fait difficile de trouver un seul député dont le bureau de circonscription n’a pas eu à se débattre avec la question au nom de demandeurs tenus d’attendre pendant un an ou même plus pour obtenir leur citoyenneté. Le Comité comprend que les retards peuvent résulter d’une multitude de facteurs et qu’une des causes importantes est le manque de ressources au ministère.
Le Comité est bien conscient que la loi ne parviendra pas à elle seule à régler la question des arriérés de traitement des demandes. Il est à espérer cependant que l’on accordera beaucoup d’importance à une approche centrée sur la clientèle raccourcir la durée de traitement et mieux informer le demandeur quant à la date de la réponse au moment de rédiger la nouvelle loi.
Faute de temps, le Comité n’a pas été en mesure de s’engager dans une étude et une discussion approfondies des grands principes qui devraient constituer le fondement d’une nouvelle Loi sur la citoyenneté. Voici cependant quelques-uns des principes suggérés par les témoins et dont il faudrait tenir compte dans la formulation de la loi. Comme pour le serment de citoyenneté, le Comité estime que, lorsque le gouvernement dépose un projet de loi sur la citoyenneté, la population devrait jouer un rôle dans la définition des éléments essentiels de la citoyenneté canadienne.
Le Comité soumet au gouvernement les principes généraux suivants, dont certains pourraient, selon lui, tenir lieu de préambule dans la loi :
| Le traitement des citoyens nés au Canada et des citoyens naturalisés doit être égal; | |
| Il ne devrait pas y avoir de statut de citoyenneté « probatoire »; | |
| La loi devrait insister sur le statut du français et de l’anglais comme langues officielles du Canada; | |
| La citoyenneté devrait être considérée comme un droit pour les personnes qui possèdent les qualités requises et non comme un privilège; | |
| Personne ne devrait être privé de sa citoyenneté canadienne si une telle décision devait rendre cette personne apatride; | |
| Toutes les décisions prises en vertu de la Loi devraient être prises par un décideur indépendant dans un processus judiciaire exempt de toute influence politique; | |
| La citoyenneté comporte des droits mais aussi des responsabilités. |
1 | Papadogiorgakis, [1978] 2 C.F. 208. |
2 | Benner c. Canada (Secrétariat d’État), [1997] 1 R.C.S. 358. |
3 | [1986] 1 R.C.S. 103. |
4 | SPICER, Keith, « Values in Search of a Nation », dans Robert K. Earle et John D. Wirth, (dirs), Identities in North America: The Search for Community, Stanford University Press, Stanford, 1995, p. 13-28. |
5 | HOGG, Peter W., Constitutional Law of Canada, Carswell, Scarborough, 1997, vol. 2, p. 35?5. |