CIMM Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 22 février 2005
Á | 1110 |
Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)) |
Á | 1125 |
Mme Mary Jo Leddy (membre, Directrice de Romero House of Refugees, Sanctuary Coalition of Southern Ontario) |
Á | 1130 |
M. Cesar Perez (ingénieur (réfugié), Romero House of Refugees, Sanctuary Coalition of Southern Ontario) |
Á | 1135 |
Mme Paula Gomez (avocate en Colombie (réfugiée), Romero House for Refugees, Sanctuary Coalition of Southern Ontario) |
Á | 1140 |
Á | 1145 |
Le président |
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, PCC) |
M. Jack Costello (membre, Sanctuary Coalition of Southern Ontario) |
Mme Diane Ablonczy |
Le président |
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River—Marquette, PCC) |
Á | 1150 |
M. Jack Costello |
M. Inky Mark |
Mme Mary Jo Leddy |
Le président |
Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ) |
M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ) |
Mme Mary Jo Leddy |
Á | 1155 |
M. Cesar Perez |
M. Roger Clavet |
M. Jack Costello |
 | 1200 |
Le président |
Mme Mary Jo Leddy |
Le président |
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD) |
Mme Mary Jo Leddy |
M. Jack Costello |
 | 1205 |
M. Bill Siksay |
M. Jack Costello |
Le président |
L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.) |
M. Jack Costello |
 | 1210 |
L'hon. David Anderson |
M. Jack Costello |
M. David Anderson |
Mme Mary Jo Leddy |
 | 1215 |
Le président |
M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC) |
M. Jack Costello |
M. Rahim Jaffer |
Mme Mary Jo Leddy |
 | 1220 |
M. Rahim Jaffer |
M. Jack Costello |
Le président |
L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.) |
Le président |
Mme Meili Faille |
 | 1225 |
Le président |
M. Jack Costello |
 | 1230 |
Mme Meili Faille |
M. Jack Costello |
Mme Mary Jo Leddy |
Le président |
M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.) |
Mme Mary Jo Leddy |
M. Lui Temelkovski |
Mme Mary Jo Leddy |
M. Lui Temelkovski |
Mme Mary Jo Leddy |
M. Lui Temelkovski |
Mme Mary Jo Leddy |
M. Cesar Perez |
 | 1235 |
M. Lui Temelkovski |
Le président |
Mme Mary Jo Leddy |
Le président |
Le président |
M. James Bissett (à titre personnel) |
 | 1245 |
 | 1250 |
Le président |
Mme Diane Ablonczy |
M. James Bissett |
 | 1255 |
Le président |
M. Roger Clavet |
M. James Bissett |
· | 1300 |
Le président |
M. Bill Siksay |
· | 1305 |
M. James Bissett |
M. Bill Siksay |
M. James Bissett |
Le président |
L'hon. Hedy Fry |
· | 1310 |
M. James Bissett |
L'hon. Hedy Fry |
· | 1315 |
M. James Bissett |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration |
|
l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 22 février 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
Á (1110)
[Traduction]
Le président (L'hon. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)): La séance est ouverte. Nous allons reprendre notre étude de l'entente sur les pays tiers sûrs après sa mise en oeuvre.
Nous allons d'abord donner la parole au Père Jack Costello. Peut-être pourriez-vous nous présenter toutes les personnes qui vous accompagnent.
Á (1125)
[Français]
Mme Mary Jo Leddy (membre, Directrice de Romero House of Refugees, Sanctuary Coalition of Southern Ontario): Mesdames et messieurs, c'est un très grand plaisir pour moi d'être avec vous aujourd'hui.
[Traduction]
Je vis auprès des réfugiés depuis 14 ans. Presque toutes ces personnes sont arrivées des États-Unis. Je sais qui elles sont et pourquoi elles sont venues par ce chemin.
La première résidente de Romero House était une Africaine dont le mari avait été kidnappé et qui avait dû vendre sa maison, sa limousine et tout le reste pour acheter des billets d'avion et des visas pour New York. Elle est arrivée presque immédiatement à Buffalo et a traversé le pont avec cinq jeunes enfants et une petite valise. Elle m'a raconté plus tard qu'en traversant le pont elle priait pour que ses enfants soient en sécurité.
Je ne sais pas à qui l'entente sur les pays tiers sûrs permet de rester au Canada, mais je sais qui elle empêche d'entrer. Ce sont des femmes comme cette femme et ces enfants. Ce sont des gens comme Cesar et Paula. Elle leur enlève tout espoir.
L'été dernier, nous avons décidé de peindre le mur de côté de notre centre communautaire, rue Bloor. C'est un mur de 20 pieds sur 30 pieds et j'ai laissé les résidents y dessiner une murale. Ils ont peint deux mains levées vers le ciel d'où s'échappe un petit papillon qu'ils ont surnommé « Espoir ». Je vais le faire circuler pour que vous puissiez le voir. Cette murale envoie maintenant un message à tous les gens du quartier. C'est ce que les réfugiés apportent au Canada. Ils placent leurs espoirs dans notre pays, parfois plus que nous qui sommes nés ici.
Hier, sur le chemin d'Ottawa, nous sommes passés par la ville de Port Hope. C'est là que mes ancêtres sont arrivés dans les années 1820. Ils fuyaient la pauvreté et les persécutions politiques en Irlande. Ils ont été accueillis par un jeune homme du nom de Peter Robinson qui travaillait pour le gouvernement de l'Ontario. Ce jeune homme leur a donné ce dont ils avaient besoin pour exploiter une petite ferme. Il leur a permis de réaliser leurs espoirs. Quand nous écrivons l'histoire de cette époque, nous célébrons le sens moral de cet homme et de son gouvernement. Nous nous souvenons que Peterborough a été baptisée en son honneur. C'était Port Hope, l'entrée vers l'espoir.
Toutefois, il y a des chapitres beaucoup plus sombres dans l'histoire du Canada. Il y a eu les craintes déraisonnables qui ont conduit le gouvernement du Canada à bloquer l'entrée aux réfugiés juifs qui fuyaient l'Allemagne nazie et à interner les Canadiens d'origine japonaise pendant la guerre. Ces événements sont maintenant reconnus comme des épisodes honteux de notre histoire.
Et maintenant, vous et moi écrivons un autre chapitre de l'histoire du Canada. L'entente dite sur les pays tiers sûrs est considérée comme la décision la plus importante de ces 20 dernières années en ce qui concerne la politique à l'égard des réfugiés. Certaines personnes peuvent croire qu'elle n'a qu'une incidence mineure, mais elle est lourde de conséquences pour des milliers de réfugiés comme Cesar et Paula, des milliers de gens qui sont touchés et seront touchés par cette mesure.
Comme l'a dit Jack Costello, nous avons fermé la porte à l'espoir. Les fonctionnaires d'Immigration Canada ont claqué la porte de notre pays, mais en procédant avec la discrétion administrative qui permet aux élus politiques de ne pas voir les conséquences de leurs décisions.
Á (1130)
Un refuge mis en place par une ONG, à Buffalo, passe maintenant la majeure partie de son temps à dire aux gens de ne pas aller à la frontière canadienne, parce qu'ils seront renvoyés, placés en détention et expulsés par les Américains. Le centre d'accueil qui se trouvait du côté canadien du pont a fermé ses portes hier. J'ai parlé à la représentante de la Croix-Rouge de l'Aéroport international Pearson, hier. Au cours des deux dernières semaines, elle a reçu cinq appels téléphoniques. Les trafiquants annoncent déjà combien il coûtera de traverser la frontière illégalement. Inquiets des effets de ce trafic, certains ecclésiastiques se demandent déjà si la seule solution morale qui reste n'est pas d'organiser un réseau de passage clandestin.
Nous sommes donc, vous et moi, en train d'écrire un chapitre important de l'histoire du Canada et ce n'est pas seulement sur le sujet des réfugiés, mais aussi sur nous-mêmes. Je sais que le comité se soucie beaucoup du sort des réfugiés, comme celui qui l'a précédé. Je crois en votre intégrité, à titre individuel et collectif et je crois que vous avez le pouvoir de faire quelque chose. Vous avez le pouvoir d'écrire ce chapitre.
Ce n'est pas souvent que nous avons, vous et moi, l'occasion de prendre des décisions dont dépend la vie ou la mort de centaines ou de milliers de gens. Ce n'est pas souvent que nos décisions sont jugées en fonction non seulement de leur effet immédiat, mais de leurs conséquences futures. Ce moment est venu. Vous pouvez rétablir l'intégrité de notre pays en commençant par prendre une décision importante. Vous pouvez examiner la liste des pays qui figurent dans l'entente sur les pays tiers sûrs, la liste qui prévoit des exceptions à la fermeture de la frontière.
Cette liste est devenue la liste de Schindler du Canada. Plusieurs ONG ont essayé de savoir comment cette liste était constituée, qui l'établissait et quels étaient les critères. Pourquoi, par exemple, le Soudan n'y figure-t-il pas? Pourquoi la Colombie n'y est-elle pas non plus? Cesar et Paula vous expliqueront pourquoi les Colombiens doivent pouvoir obtenir ici la justice qu'ils n'obtiendront jamais aux États-Unis.
Vous pouvez exiger que notre nouvelle liste de Schindler soit établie de façon juste et équitable pour protéger les réfugiés qui fuient les persécutions. Vous pouvez exiger, par exemple, qu'Amnistie Internationale joue un rôle décisif dans l'établissement de cette liste. On ne peut pas parler de justice, mais c'est peut-être un début de justice et d'un rétablissement de notre intégrité. Vous pouvez le faire et nous écrirons ainsi, vous et moi, tout ce chapitre de notre histoire. Je place ces personnes entre vos bonnes mains.
Je vais maintenant demander à Cesar Perez de vous parler.
M. Cesar Perez (ingénieur (réfugié), Romero House of Refugees, Sanctuary Coalition of Southern Ontario): Bonjour à tous.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier de nous permettre de vous parler directement de notre expérience de réfugiés.
Je m'appelle Cesar Perez. Je suis un ingénieur civil qui compte plus de 10 années d'expérience en Colombie et j'ai également travaillé ici. J'ai eu la chance de travailler à des projets comme le nouvel opéra du centre ville de Toronto où je me suis occupé du contrôle de la qualité du béton servant de base à la toiture.
Je suis venu ici avec ma femme Alexandra, mais nous avons d'abord été aux États-Unis. Nous avons fui notre pays parce que nous étions la cible de groupes paramilitaires. Après un simple incident au travail, qui s'est transformé en véritable cauchemar, nous avons été menacés et nous avons dû quitter notre pays, notre famille et nos emplois, laissant tout derrière nous.
Nous sommes allés aux États-Unis. Nous nous sommes sentis tristes, mais plus en sécurité pendant quelque temps. Mais ensuite, cela n'allait plus. Ma femme a pleuré pendant des mois. Nous avons essayé d'obtenir de l'aide, mais sans résultat. Nous avons essayé de parler à des avocats, mais ils coûtaient trop cher pour nous. Nous n'avions pas d'argent, pas d'aide du gouvernement. Rien que pour parler à un avocat, nous aurions dû dépenser 1 000 $ ou 1 000 $. Et je parle de dollars américains.
Nous nous sommes adressés à une organisation de Manhattan. On nous a dit qu'il s'agissait d'une ONG. Même là, nous avons dû payer une cotisation. La seule aide que nous avons reçue est qu'on nous a dit que, si on s'apprêtait à nous expulser, il suffisait d'appeler cet organisme et qu'il nous fournirait un avocat. Nous avons commencé à éprouver les mêmes peurs qu'en Colombie. Nous avions changé de pays, mais les conditions restaient les mêmes.
Nous n'avons pas besoin de vous parler du 11 septembre. La situation a empiré; on nous a considéré comme des criminels. Nous avons entendu parler du Canada et nous avons décidé d'y aller. Nous avons traversé la frontière. Nous avons été bien accueillis. Nous avons immédiatement senti la différence. L'environnement est très différent, nous pouvons vous le dire. Nous ne connaissions personne ici. Aux États-Unis, nous avions quelques amis, quelques parents, mais nous nous sentons plus chez nous ici que là-bas.
Nous avons décidé de venir ici. Nous avons obtenu de l'aide depuis le jour de notre arrivée. Nous sommes très heureux, car quelqu'un nous a écoutés. On nous a écoutés.
Nous vous supplions de nous venir en aide. De nombreuses personnes qui n'ont pas voix au chapitre ne peuvent pas traverser la frontière parce qu'elles sont dans la situation où nous étions il y a deux ou trois ans. Nous ne serions pas là si l'entente sur les pays tiers sûrs avait été mise en place en 2002 quand nous avons traversé la frontière, parce que nous n'avons pas de famille ici. Nous n'aurions pas été admis, car notre pays n'est pas sur la liste des pays dangereux.
Nous tenons à vous dire que vous êtes le seul espoir pour des gens comme nous qui doivent pouvoir venir dans un pays comme le Canada pour se sentir de nouveau chez eux parce que notre gouvernement, en Colombie, n'est pas capable de nous protéger. Il ne le reconnaît pas publiquement, mais c'est la réalité. Un policier m'a dit, lorsque je lui ai parlé de notre situation : « Si vous avez la chance de partir, faites-le, car vous savez quelle est la situation dans ce pays. Nous ne pouvons pas garantir votre sécurité. Alors si vous en avez la chance, partez ». Le gouvernement n'accepterait jamais de le reconnaître publiquement.
Á (1135)
Voilà ce que je voulais vous dire. C'est une petite partie de mon histoire. Je vais maintenant céder la parole à Paula qui pourra vous relater une autre partie de cette expérience.
Merci beaucoup.
Mme Paula Gomez (avocate en Colombie (réfugiée), Romero House for Refugees, Sanctuary Coalition of Southern Ontario): Bonjour.
Merci beaucoup.
Je tiens à vous dire que je me réjouis énormément d'être ici aujourd'hui et de pouvoir vous parler de mon expérience.
Je suis une avocate de Colombie. J'aidais les enfants de la rue et je me spécialisais en service communautaire. Mais j'ai dû quitter mon pays, parce que j'ai été visée par la police. Ma première décision a été de quitter le pays. J'avais un visa pour aller aux États-Unis. Mon réflexe immédiat a été de partir pour les États-Unis. C'était très difficile pour moi, parce que j'abandonnais ma famille, tous mes rêves, mon emploi et, bien entendu, les enfants que j'aidais. Ils étaient très importants pour moi et mon départ m'attristait beaucoup.
Après quelques mois, j'ai participé à un mouvement visant à obtenir le TPS, ou statut de protection temporaire, qu'un sénateur du Nevada avait proposé au Congrès. Je vivais à New York et j'ai participé à ce mouvement. Nous avons obtenu beaucoup de publicité. Nous avons dit que la Colombie avait besoin de cette protection à cause de la guerre qui déchirait le pays. Nous avons besoin que les États-Unis nous aident de cette façon, car l'asile ne nous est pas garanti. Aux États-Unis, nous passons derrière les autres. Je ne sais pas si c'est parce que le gouvernement colombien dit maintenant que notre pays est plus sûr qu'avant grâce au Plan Colombia, mais ce n'est pas vrai. La situation est plus dangereuse parce qu'ils ont davantage d'armes et parce que de mauvaises gens ont la haute main sur mon pays. La situation est très mauvaise.
Après cela et après la naissance de mon bébé, j'ai eu encore plus peur de ce qui arriverait si j'étais renvoyée en Colombie. Je m'inquiétais pour mon bébé. J'ai commencé à chercher une solution. J'ai trouvé dans Internet la solution qui consistait à venir au Canada et à y demander le statut de réfugié. Tout ce que je lisais dans Internet m'indiquait que ce pays voulait protéger les droits de la personne, qu'il voulait aider les gens, et cela me plaisait. J'ai traversé la frontière il y a juste huit mois. Voilà pourquoi j'attends mon audience. Quand j'ai traversé la frontière avec mon bébé, j'ai repris espoir. J'ai pris cette décision, cette décision était la mienne et je suis très contente d'être ici. C'était le début. Ces huit mois ont été les plus importants de ma vie depuis que j'ai quitté la Colombie. J'ai maintenant la possibilité d'être en sécurité et de donner à mon bébé la chance de grandir sans avoir peur d'être renvoyé dans mon pays. Je ne sais pas, peut-être qu'un jour mon bébé restera avec sa mère… Cela me fait très peur.
J'ai beaucoup de rêves. Je veux aider les gens. Je veux faire les choses que je faisais dans mon pays : aider les gens et travailler dans la communauté. Je pense que je peux le faire ici. Je sais qu'il y a également d'autres personnes qui ont besoin d'aide aux États-Unis, qui sont sans statut ou dont la demande a été rejetée. Voilà pourquoi je suis ici. Je vous demande d'y réfléchir, de penser aux gens qui veulent la sécurité et qui veulent que le Canada les adoptent.
Á (1140)
Je veux que le Canada m'adopte. Mon pays ne pouvait pas me protéger et je voudrais donc que le Canada me protège. Je ferai de très grandes choses pour ce pays qui sera mon pays.
Merci.
Á (1145)
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons passer aux questions. Le premier tour sera de sept minutes et nous aurons ensuite des tours de cinq minutes.
Diane Ablonczy.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci pour vos exposés et pour avoir abordé la question que nous étudions, l'entente sur les pays tiers sûrs, sous un angle très humain. Cela me rend, et nous rend tous encore plus conscients et reconnaissants d'avoir le privilège de vivre dans un pays sûr où nos droits sont respectés et où nos libertés sont protégées. Nous espérons certainement que ces valeurs pourront être exportées vers un plus grand nombre de pays afin que les gens puissent également vivre en sécurité dans leur propre pays.
Bien entendu, ce que nous avons appris en vous écoutant est qu'à votre avis, le système actuel ne fonctionne pas comme il le devrait. Le comité serait sans doute très intéressé de savoir quelles sont les réformes ou les changements que vous souhaiteriez.
M. Jack Costello (membre, Sanctuary Coalition of Southern Ontario): Sur les trois choses que j'ai mentionnées, il peut sembler irresponsable de ma part d'aller aussi loin, mais nous souhaitons la suspension de la mise en oeuvre de l'entente sur les pays tiers sûrs. Nous ne croyons pas que ce soit bon pour les réfugiés ou bon pour le Canada.
En ce qui concerne l'interdiction, nous souhaitons que le gouvernement mette au moins en pratique un système d'enregistrement pour les personnes à qui l'accès aux avions est refusé, pour leur demander s'ils demandent une protection, et que leur réponse soient enregistrée. Bien sûr, nous voudrions que les personnes qui disent vouloir une protection puissent rencontrer un représentant du Canada, et en tout cas le représentant du HCNUR. Il faudrait également tenir des registres publics sur les interdictions et les procédures d'interdiction, surtout à l'usage du personnel des transporteurs aériens et des entreprises privées et que vous obteniez des données sur la façon dont l'interdiction est appliquée.
Enfin, en ce qui concerne le programme de parrainage privé, au cours des années, j'ai connu beaucoup de gens qui ont fait du parrainage privé, en collaboration avec les paroisses et d'autres églises. Je dirais qu'à mon avis les critères d'application n'ont pas changé, mais on a l'impression que les refus sont nombreux et qu'il y a des retards considérables. Un grand nombre des retards sont reliés à la sécurité, et il n'y a même pas de justification à donner, comme vous le savez.
De nombreuses personnes ont été parrainées, mais elles n'ont pas encore été approuvées. Nous avions l'habitude de recevoir 7 000 personnes grâce au parrainage privé. Le chiffre se situe maintenant entre 3 400 et 4 000. Nous n'avons réussi à en faire entrer que 3 100 personnes au cours de l'année civile 2004. Ce sont les chiffres de CIC.
Voilà un début de réponse quant à ce que nous voudrions faire.
Mme Diane Ablonczy: Merci.
Le président: Avez-vous fini?
Monsieur Mark, vous avez trois minutes, si vous voulez terminer.
M. Inky Mark (Dauphin—Swan River—Marquette, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci de comparaître devant le comité. Un certain nombre d'entre nous étaient ici en 2002, quand le rapport a été produit. Je faisais certainement partie de ceux qui ne l'ont pas appuyé, car à l'époque, le gouvernement ne savait pas vraiment ce qu'il faisait. Ses objectifs n'étaient pas précis. Même si nous vivons dans le contexte de l'après 11 septembre, toute l'attention a été portée sur les criminels et les terroristes. Je crains que cela ne ralentisse le flot de réfugiés.
En fait, ce système n'a pas fonctionné non plus en Europe, simplement parce que les réfugiés ont quand même réussi à entrer en contournant le système. Dans notre cas, il semble que cela ait trop bien fonctionné étant donné que la moitié des demandeurs viennent des États-Unis. En 2001, ils étaient aux environs de 13 000. Quel est le nombre actuel de demandeurs d'asile?
Á (1150)
M. Jack Costello: Près de 15 000, mais dans les discours publics, on parle de 11 000 à 14 000 pour ne pas exagérer les chiffres. Nous sommes prêts à accepter qu'on parle de 11 000 à 14 000 personnes qui traversent la frontière et qui sont maintenant exclues, sauf si elles font partie des exceptions. C'est ce que nous concluons des chiffres.
M. Inky Mark: En 2001, on prévoyait que de 5 000 à 6 000 demandeurs d'asile seraient refoulés aux États-Unis. Est-ce bien ce qui est arrivé?
Mme Mary Jo Leddy: Une de nos difficultés est qu'il est difficile d'obtenir des chiffres. J'ai parlé hier à des gens à la frontière et à l'Aéroport Pearson, aux ONG, qui m'ont dit qu'ils avaient beaucoup de difficulté à obtenir des chiffres d'Immigration Canada. C'est la même chose du côté américain. Ils n'arrivent pas à savoir combien de gens ont été placés en détention. Ils savent qu'ils ont été mis en détention et expulsés presque immédiatement.
Une chose que le comité peut faire et devrait faire est d'exiger que les faits lui soient rapportés fidèlement. Sans les faits, vous ne pouvez pas être des décideurs efficaces. Nous savons qu'au poste frontière de Buffalo il y avait, chaque mois, 500 personnes qui attendaient un rendez-vous. Elles sont maintenant 50 et bientôt elles ne seront plus que 30 puis 20. Voilà la réalité et l'aéroport est pratiquement fermé si vous recevez seulement cinq appels téléphoniques en deux semaines. Il faut donc que vous exigiez ces chiffres d'Immigration Canada.
Le président: Madame Faille.
[Français]
Mme Meili Faille (Vaudreuil-Soulanges, BQ): Je laisse la parole à M. Clavet.
M. Roger Clavet (Louis-Hébert, BQ): Je vous remercie tous de vos témoignages, et en particulier Paula et Cesar. Ce sont des témoignages émouvants et vrais. On a vu l'illustration avec les deux mains et le papillon. Je pense, sans faire de grande poésie, qu'on pouvait reconnaître les mains de Paula et Cesar. Et qu'en est-il du papillon?
[Traduction]
Qu'est-ce que cela représente? Nous ne le savons pas, mais nous en avons une bonne idée.
[Français]
C'est l'espoir.
Ma question s'adresse à Mary Jo Leddy. Le Bloc québécois s'opposait à cette entente pour plusieurs raisons. Comme les responsables du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, on trouvait que cela pouvait entraîner une augmentation du nombre d'entrées illégales au pays. D'après vous, est-ce que cela a augmenté ou est-ce que cela risque d'augmenter? En ce qui a trait au nombre de réfugiés blessés qui pourraient essayer d'entrer illégalement au pays, est-ce que vous constatez ce que nous craignons? Est-ce que cela se produit?
[Traduction]
Mme Mary Jo Leddy: Absolument, et il y a deux ans nous avons signalé au comité que le nombre d'entrées illégales au pays augmenterait. Vous savez peut-être que l'Allemagne a essayé également d'appliquer une entente sur les pays tiers sûrs. Selon le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, au lieu de fermer la porte à 100 000 personnes, cette entente a amené 100 000 personnes à entrer illégalement. Elles le font par simple désespoir. Lorsque c'est une question de vie ou de mort, vous faites ce que vous devez faire.
Les ONG de la frontière m'ont dit que les trafiquants abordent déjà les gens, pas seulement à Buffalo, mais dans l'ensemble des États-Unis, pour leur offrir de les faire passer pour 5 000 $.
Je vais demander à Cesar de vous en parler, car hier soir, quand je lui relatais mes appels téléphoniques à la frontière, il m'a dit : « C'est ce qui se passait déjà avant, alors vous pouvez vous imaginer ce qui se passe maintenant ». Je sais que les groupes religieux, sachant ce qui se passe, les risques auxquels les gens sont exposés… Nous savons ce qui s'est passé à la frontière entre le Mexique et les États-Unis et ce que les églises ont fait et referont. Si ces escrocs, ces voyous, ces ignobles trafiquants font traverser les gens en bateau et les abandonnent peut-être en route, nous allons organiser un réseau clandestin. C'est ce que les gens qui ont une morale font lorsqu'ils n'ont pas d'autres solutions.
Cesar, pourriez-vous répéter ce que vous m'avez dit hier soir?
Á (1155)
M. Cesar Perez: Nous avons des amis qui vivaient en Caroline du Sud, aux États-Unis. Ils ont traversé la frontière en même temps que nous. Ils nous ont dit qu'en Caroline du Sud, des passeurs demandaient de l'argent, 2 000 $ exactement, pour emmener des gens au Canada. Ils garantissaient le passage de la frontière et un logement—qui était sans doute un refuge pour lequel il n'était pas nécessaire de payer—et certaines autres choses. Ces six personnes, trois couples, s'apprêtaient à suivre cette voie, mais elles ont finalement décidé de venir par leurs propres moyens. C'est déjà ce qui se passait en 2002, alors vous pouvez vous imaginer ce qui se passe maintenant?
[Français]
M. Roger Clavet: Monsieur Costello, même si le système est imparfait, pouvez-vous nous dire comment on peut l'améliorer de manière à concilier les besoins de sécurité, les besoins légitimes du Canada et du Québec de se protéger, et l'obligation qu'a le pays, en droit international, de protéger, de défendre les réfugiés? Comment peut-on concilier les deux impératifs, sachant que le système est loin d'être parfait et qu'il ne fonctionne pas bien?
[Traduction]
M. Jack Costello: Il est important de commencer par reconnaître que tous les arrangements que nous pouvons prévoir au niveau public seront toujours imparfaits et on peut dire la même chose de nos relations privées, de nos amitiés et du mariage. En tant qu'adultes, nous savons que la vie est une succession de hauts et de bas.
Je dirais toutefois qu'à mon avis, le système que nous avions était bien organisé. Les autorités canadiennes devaient demander aux gens pour quelle raison ils étaient admissibles afin qu'ils puissent entrer au pays pour obtenir une audience. Du côté américain et canadien, tous les ONG et un grand nombre de législateurs disent que le système n'est pas si mauvais et qu'il ne faut pas essayer de réparer ce qui n'est pas cassé.
Cela reste un problème. Je demanderais à chacun d'entre vous pour quelle bonne raison ce système a été mis en place? Certains croient que c'est le seul élément de la frontière intelligente en 30 points qui avait pour but de servir les intérêts canadiens, comme l'ont déclaré les négociateurs. Cela a été fait pour des raisons qui ne sont pas reliées au problème des réfugiés, mais pour conserver un peu de dignité, car nous pouvions nous dire qu'il y avait également là quelque chose que nous voulions.
Si vous lisez le Globe and Mail d'aujourd'hui, vous y verrez un très bon article de Ron Haggart sur la sécurité. Il y dit, en substance, que nous devons nous demander qui nous fournit des preuves. Toute la question de la sécurité à nos frontières n'a jamais été un problème important avant le 11 septembre et nous devons tous nous demander ceci : dans quelle mesure le programme canadien à ce sujet est-il fonction des besoins américains, ou plutôt de la façon dont les Américains perçoivent leurs besoins?
Pour ce qui est du niveau de sécurité, nous n'avons pas vraiment besoin de le renforcer. D'autre part, la sécurité garantie par les mesures déjà en place est très suffisante et il n'est pas vraiment nécessaire de l'améliorer beaucoup pour avoir un système efficace. Nous ne sommes pas ici pour critiquer le système. Paradoxalement, nous sommes ici pour dire que le système en place avant l'entente sur les pays tiers sûrs était plutôt satisfaisant et qu'il faudrait le conserver.
 (1200)
Le président: Merci.
Mme Mary Jo Leddy: Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, le Père Costello a voulu dire, je crois, qu'un système qui était bien organisé va maintenant devenir chaotique. Si quelqu'un s'imagine que cela permettra d'économiser de l'argent… Étant donné qu'il faudra dépenser beaucoup d'argent pour lutter contre les trafiquants et tout ce qui va se passer, ce ne sera pas rentable.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons à M. Siksay.
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.
Merci beaucoup pour vos exposés de ce matin et pour nous avoir fait part de votre expérience personnelle.
Madame Leddy, je dois vous remercier également de l'appel que vous avez lancé aux membres du comité. Il n'est pas facile de se faire rappeler ses responsabilités aussi directement que vous l'avez fait, mais je l'apprécie. Merci beaucoup de l'avoir fait.
Lorsque des fonctionnaires du ministère sont venus nous parler des programmes pour les réfugiés et de l'entente sur les pays tiers sûrs, ils ont notamment souligné qu'au Canada, il y avait eu 45 000 demandes d'asile en 2001 et que ce chiffre était tombé à 25 000 en 2004. Je leur ai dit qu'ils semblaient présenter la chose comme une victoire. Ils ont répondu qu'il n'en était rien, et je l'accepte. Ils nous ont expliqué que les demandeurs d'asile étaient en diminution dans le monde entier et que la situation au Canada était la même que dans les autres pays du monde.
J'ai l'impression qu'il y a sans doute le même nombre de gens dans les camps de réfugiés qui ont besoin de ce genre d'assistance. Pouvez-vous me dire ce que vous en pensez?
Mme Mary Jo Leddy: Je vais commencer, et le Père Costello pourra peut-être vous parler de l'expérience internationale des Jésuites.
En ce qui concerne les statistiques—et votre comité en a besoin—la baisse du nombre de demandeurs d'asile est peut-être simplement attribuable à un problème de statistiques. J'ai remarqué qu'au cours de la même période, Immigration Canada a changé sa façon de compter les demandes des familles, par exemple, en incluant cinq personnes, soit la mère, le père et trois enfants, si bien que ce changement est peut-être attribuable à une simple question de comptabilisation. Vous devrez le vérifier, mais c'est mon impression.
Les statistiques posent un problème constant et je le sais pour avoir parlé à des fonctionnaires du ministère. Le nombre de réfugiés n'a pas diminué. Les personnes qui vivent dans nos foyers savent ce qu'est le désespoir, surtout en Afrique. Des gens sont littéralement pris au piège au Soudan, en Érythrée où il risque d'y avoir un bain de sang. La procédure d'interdiction du gouvernement canadien empêche les gens d'en sortir. Il va y avoir une terrible guerre civile en Érythrée. C'est un exemple parmi d'autres. Des gens sont allés frapper en vain à la porte de l'ambassade du Canada à l'étranger. Ce n'est donc pas que ces personnes n'existent pas, mais qu'elles ne sont tout simplement pas chez nous.
M. Jack Costello: Je crois que les chiffres sont importants. Je suis allé trois fois en Colombie. Il n'y a pas beaucoup de réfugiés de Colombie, mais il y a pourtant beaucoup de personnes déplacées à l'intérieur du pays. Ce nombre a été estimé entre 2,75 millions et 3,25 millions. Si vous obtenez une série de chiffres, il est important de savoir ce que cela comprend. Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés ne se limite pas aux réfugiés au sens de la Convention et inclut dans ses chiffres des personnes qui migrent à cause de conflits internes, qui demandent asile pour des raisons personnelles, les revendicateurs du statut de réfugié, les personnes déplacées à l'intérieur du pays ainsi que les personnes qui migrent pour des raisons politiques et pour survivre, c'est-à-dire pour des motifs économiques. Si vous prenez l'ensemble de ces personnes, vous obtenez un chiffre aux alentours de 20 millions. Le Globe and Mail de ce matin citait un chiffre de 17 millions provenant du Haut Commissariat.
On peut toutefois dire, je crois, que certaines mesures ont été prises au niveau international pour aider les pays à résoudre leurs conflits internes, ce qui permet d'espérer que les gens pourront rester en sécurité dans leur propre pays. De nombreux efforts sont déployés. Mais je dirais, monsieur Siksay, que ce n'est pas ce qui se passe dans notre cas. Il y a simplement moins de gens qui veulent venir. Nous espérons qu'un jour il y aura moins de gens qui auront besoin de venir, mais pour le moment nous déployons toute notre énergie à empêcher les gens de venir, si bien que nos statistiques ne sont pas réalistes.
 (1205)
M. Bill Siksay: Père Costello, dans votre exposé, vous avez mentionné le REAL ID Act, des États-Unis, et les mauvais traitements dont étaient victimes les personnes détenues aux États-Unis. Pourriez-vous nous donner une description plus précise de ce qui se passe là-bas?
M. Jack Costello: Oui, je peux le faire. Et si cela vous intéresse, il y a des renseignements à ce sujet dans cette documentation.
Voici une déclaration publiée le jour même où la loi est entrée en vigueur. C'est une mesure visant à regrouper l'immigration, la carte d'identité nationale et le permis de conduire afin qu'il soit plus facile d'identifier les personnes qui cherchent à entrer illégalement aux États-Unis avec un faux permis de conduire. Et nous savons que cela fait suite à l'entrée très irrégulière de 19 personnes, en 2001. Le but est d'établir rapidement une réglementation pour le permis de conduire et la carte d'identité afin de renforcer la sécurité.
Voici ce qu'a dit l'Américain Immigration Lawyers Association après avoir examiné la loi, paragraphe par paragraphe :
« Les terroristes, les auteurs de persécutions, les gens qui ont commis des crimes de droit commun graves à l'étranger et qui présentent un danger pour la sécurité de notre pays n'ont déjà pas le droit de demander asile ou la suspension de leur renvoi. Cette proposition ne contribue donc en rien à améliorer notre sécurité. Elle refuse simplement l'asile à des gens qui ne peuvent pas prouver les intentions de leur persécuteur ».
Autrement dit, on leur demande : « Pouvez-vous prouver que vous serez torturé si vous êtes renvoyé dans votre pays? » Je vous demande d'y réfléchir. Pouvez-vous prouver que vous serez torturé? Non, mais y a-t-il des antécédents dans le pays en question?
De nombreux législateurs s'attaquent à cette loi estimant que c'est une tentative à peine déguisée de limiter les droits des demandeurs d'asile et des personnes en situation irrégulière ou illégale.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons passer à M. Anderson.
L'hon. David Anderson (Victoria, Lib.): Merci d'être venus nous faire part de votre expérience auprès des réfugiés ou en tant que réfugiés. Cela nous est très utile.
Je voudrais vous poser quelques questions concernant le système américain, car une bonne partie de la discussion portait sur le fait qu'on renvoie les gens dans le système américain au lieu de leur laisser franchir la frontière pour entrer dans le système canadien.
Je reconnais aussi que, comme vous l'avez dit, Père Costello, nous avons nous-mêmes beaucoup de choses à nous reprocher et nous ne devrions pas trop critiquer les autres, mais il est absolument nécessaire d'examiner cette loi américaine. Si le système américain était aussi bon que le nôtre, il n'y aurait aucun problème, en théorie, à ce que ce soit les États-Unis plutôt que le Canada qui statuent sur le cas de ces demandeurs. Ma question porte sur le système américain. Pour quelle raison êtes-vous aussi critique vis-à-vis de tout le système américain? Vous n'avez pas donné la liste, comme je m'y attendais, de certains pays où pour des raisons politiques internationales, les États-Unis soutiennent le régime, comme en Colombie, par exemple. Vous avez généralisé en disant qu'aucun demandeur d'asile, quel que soit son pays d'origine, ne pourra voir sa demande traitée équitablement. Pourriez-vous me dire pourquoi le système est tellement pervers qu'il ne permet pas de tenir compte des problèmes de certains pays au moyen d'une liste d'exemption.
M. Jack Costello: Les procès-verbaux montreront, j'espère, que je n'ai pas été aussi catégorique, que je n'ai pas dit que tout demandeur d'asile se trouve confronté à un système complètement de travers et même pernicieux. Ce n'est pas ce que je pense et j'espère ne pas l'avoir dit. Je crois seulement que le système—et j'ai ici quelques documents, mais parfois d'une portée plus large—recoure excessivement à la détention en gardant les gens en prison pendant des mois et même des années. Des gens sont mis en prison.
Le système exige systématiquement qu'une personne fasse sa demande d'asile au cours de l'année civile. Ceux d'entre nous qui travaillons auprès des réfugiés savent combien il est parfois difficile, quand vous venez d'arriver chez votre oncle, que vous commencez à respirer et à relaxer, de prendre conscience de ce que cela implique. Au Canada, il n'est pas nécessaire de le faire au cours de la première année civile. Si vous faites votre demande plus tard, vous pouvez quand même obtenir une audience. Ce n'est pas le cas aux États-Unis.
Si votre demande repose sur des problèmes dus à votre sexe, elle ne sera pas reçue, car ce n'est pas écrit dans la Convention de Genève de 1951 ou le Protocole de 1967, ce qui veut dire que la violence conjugale… Il n'y a pas seulement des homosexuels qui sont en danger parce que leur culture est homophobique; il y a aussi des femmes qui viennent de divers pays avec leurs enfants, qui ont été victimes de violence conjugale sans pouvoir compter sur les autorités de leur pays pour assurer leur sécurité.
Il y a aussi, comme je l'ai déjà dit, les gens visés en raison de leur nationalité, les Cubains, les Haïtiens, les gens de pays musulmans ou avec des noms arabes. Pour ce qui est des noms arabes, il y a également le problème du profilage racial. Le système de l'INS est tributaire de la politique étrangère.
Comme vous le savez, le Canada peut se vanter que, dans les années 80, quand les réfugiés d'Amérique centrale sont venus au Canada, particulièrement du Salvador et du Nicaragua, nous les avons bien accueillis. Pendant ce temps, la politique étrangère américaine refusait de reconnaître qu'ils couraient un risque politique réel à cause des liens étroits qui unissaient le gouvernement américain et les gouvernements du Salvador et du Nicaragua, au nom de la lutte contre le communisme.
Je dirais que le renvoi expéditif vers des pays qui pratiquent la torture et le manque d'accès à une aide, par exemple sous la forme de prestations d'aide sociale, de soins médicaux ou d'une aide juridique, sont des problèmes systématiques, mais pas pour tous les demandeurs d'asile.
La procédure en place aux États-Unis permet, en fait, d'interjeter appel, contrairement à la nôtre si bien que ce système est meilleur. Il y a des exceptions, mais ce sont là des problèmes endémiques et systématiques pour bien des gens aux États-Unis, surtout depuis le 11 septembre et les services de sécurité jettent des gens en prison sans avoir à rendre des comptes ou à s'expliquer—ce qui est vrai aussi au Canada depuis le projet de loi C-36—et c'est ce qui différencie nos deux systèmes.
 (1210)
L'hon. David Anderson: Merci. Vous n'avez peut-être pas été entièrement…
M. Jack Costello: Aussi précis que vous le vouliez?
M. David Anderson: ... négatif à propos du système américain, mais vous l'avez quand même été dans une large mesure. Il y a peut-être certains aspects sur lesquels ce système est meilleur que le nôtre; cela ne m'étonnerait pas. Mais vous avez énuméré, en ce qui concerne les femmes et les homosexuels, la détention et particulièrement l'aspect politique, des problèmes qui ne peuvent pas être réglés, d'après ce que vous avez dit, en créant certaines exceptions comme nous l'avons fait pour certains pays quand il y avait des problèmes en Amérique centrale, il y a une quinzaine ou une vingtaine d'années.
Mme Mary Jo Leddy: Monsieur Anderson, je crois que la réponse à votre question se résume à ceci : la politique des États-Unis à l'égard des réfugiés est tellement reliée à leur politique étrangère qu'elle s'éloigne de plus en plus de la Convention de Genève, et ce sont les critiques américains qui le disent. Pour le moment, elle part du principe que « l'ennemi de mon ennemi est mon ami ». On accepte donc des réfugiés de Cuba, mais pas de Colombie, du Salvador ou du Guatemala.
Quand vous n'avez pas une législation nationale stable qui rejoint le droit international, même si certains réfugiés sont protégés—et vous avez raison—vous n'avez pas la garantie des droits qu'espérait la Convention de Genève et la Convention contre la torture.
 (1215)
Le président: Merci beaucoup.
Je vais maintenant passer à M. Jaffer.
M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, PCC): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie tous, surtout pour avoir fait part de votre expérience personnelle. Comme quelqu'un l'a déjà dit, c'est très convaincant, surtout quand vous parlez de certaines difficultés causées par cette entente.
Père Costello, je voudrais que vous reveniez sur ce que vous avez dit quant à l'importance de cette interaction personnelle et surtout des entrevues en personne. Je croyais que cela avait lieu, mais vous avez laissé entendre que non. Depuis l'entrée en vigueur de cette entente, savez-vous si ces entrevues en personne ont lieu ou non?
M. Jack Costello: Mary Jo Leddy a dit que des gens savaient quel est le système mis en place. Ils connaissent des gens en situation irrégulière ou incertaine qui ne se présentent tout simplement pas à la frontière. Mais nous ne savons pas non plus combien de demandeurs d'asile ont essayé de monter à bord d'un avion.
En ce qui concerne la procédure d'interdiction, j'estime qu'elle empêche de rencontrer face à face un agent d'immigration canadien qui peut vous demander si vous avez besoin d'une protection. Bien des gens qui, autrement, se seraient présentés à la frontière, s'abstiennent de le faire et les seuls qui viennent sont ceux qui bénéficient des exemptions. Les autres ne se présentent pas parce que, s'ils le font, et comme l'a dit Mary Jo, si les autorités américaines se rendent compte de leur présence, ils risquent d'être mis en prison ou pire encore, d'être expulsés. Ils choisissent donc de ne pas avoir cet entretien face à face, et cela par peur. Voilà pourquoi je dis qu'il y a moins de réunions face à face. Les chiffres sont en baisse à cause de ce système. Bien entendu, si Paula venait et disait : « J'ai une soeur à Toronto », elle pourrait traverser la frontière et rencontrer les agents canadiens. Ce serait exactement la même chose. Mais il pourrait y avoir 20 Paulas qui ne se présenteraient pas à la frontière. Voilà ce que j'ai voulu dire.
M. Rahim Jaffer: Une des choses qu'on nous a dites pendant notre étude de l'entente sur les pays tiers sûrs est qu'elle respecte les valeurs de notre système d'immigration. Les agents à la frontière recevraient une formation adéquate. On maintiendrait les valeurs de notre système tout en tenant compte des aspects de l'entente concernant la sécurité.
Nous n'avons pas de chiffres concrets, mais j'ai l'impression que les choses ne se sont peut-être pas passées comme prévu, que cet accord n'est pas nécessairement mis en oeuvre comme il aurait dû l'être, surtout par les agents aux frontières. Je ne sais pas si vous avez eu des précisions à ce sujet. Votre opinion pourrait également nous être utile.
Mme Mary Jo Leddy: Je pense avoir quelques bonnes nouvelles. Quand j'ai parlé aux gens qui se trouvent à la frontière, ils m'ont dit que, même s'il y a eu des incidents désagréables en décembre, quand il y a eu un afflux à la frontière, de façon générale, les agents d'Immigration Canada ont traité les arrivants avec beaucoup d'égards. Ce sont là des bonnes nouvelles et nous devrions en être fiers.
Ce que veut dire le Père Costello, je crois, c'est que dans les aéroports du monde entier, des gens se font renvoyer non pas par les agents d'immigration, mais par les agents des compagnies aériennes. Personne ne leur demande directement pourquoi ils veulent fuir leur pays ou pourquoi ils doivent recourir à cette solution. L'autre aspect est également vrai. Comme l'ont dit les ONG américaines : « Nous essayons de convaincre tous ceux qui, à notre avis, ne passeront pas, de ne pas aller vers la frontière ». Ils forment donc un premier barrage car ils disent aux gens : « Si vous y allez et que vous vous faites refouler, vous serez mis en prison et vous serez expulsés ».
 (1220)
M. Rahim Jaffer: Ma dernière question porte sur le risque de voir augmenter les activités des passeurs clandestins. En étudiant le problème de l'immigration, j'ai eu l'impression que le Canada commençait à avoir un très grave problème sur ce plan-là, même avant le 11 septembre, en partie parce que notre système n'arrive pas à traiter les demandes des réfugiés ou des immigrants légitimes aussi efficacement qu'il le devrait. Je crois vous avoir entendu dire aujourd'hui qu'à cause de l'entente sur les pays tiers sûrs, le problème deviendrait encore plus grave. Je croyais que cette entente devait nous aider à nous attaquer à ce problème. En plus des risques pour la sécurité, allons-nous assister à une recrudescence de ce trafic à cause des problèmes inhérents à notre système d'immigration en ce qui concerne les réfugiés et les immigrants légitimes?
Je ne sais pas si vous voulez répondre à cela. C'est assez compliqué.
M. Jack Costello: Je vais le faire brièvement, car nous en sommes encore aux conjectures. C'était le 29 décembre 2004. Il s'est écoulé à peine deux mois et, à ma connaissance, il n'y a pas eu de recrudescence des passages clandestins. Mais il est choquant de se rendre compte… C'est une perspective bien réelle. comme l'a dit Mary Jo, il suffit de voir ce qui s'est passé en Allemagne qui, après avoir refusé d'autoriser 100 000 personnes à entrer en toute légalité, s'est rendue compte que le même nombre de 100 000 personnes faisaient une demande à l'intérieur du pays. On s'est alors évidemment demandé comment ces personnes étaient entrées. Les Allemands savaient que leur nombre avait augmenté.
Il est très difficile de traverser clandestinement la rivière Niagara pour des raisons que nous connaissons tous. Mais qu'arriverait-il si des gens essayaient? Les Canadiens trouveraient-ils cela normal?
Je dirais que c'est une question de « sensibilité » et de sensibilité canadienne. Nous avons du travail à faire au niveau des agents qui sont là pour la protection et des agents qui sont là pour la sécurité, pour répondre à la question de M. Clavet. Si je le dis, c'est parce que l'Agence des services frontaliers du Canada, l'ASFC, est là pour s'occuper de la sécurité et qu'il n'y a pas, pour le moment, une autre personne impartiale, mais relativement sympathique aux réfugiés et qui est là pour protéger leurs intérêts. La fusion des rôles reliés à la sécurité et à la protection n'est pas encore très au point étant donné que l'ASFC vient d'être créée et certains de ses membres disent encore… Le président de l'Agence a dit qu'on essayait toujours de convaincre les agents qu'ils n'étaient pas des policiers, mais des gens qui devaient examiner de façon impartiale les revendications des arrivants.
Le président: Merci beaucoup.
Docteur Fry.
L'hon. Hedy Fry (Vancouver-Centre, Lib.): Je n'ai pas de question, car je pense que les témoins ont été assez clairs et que les questions qu'ils ont soulevées sont celles que nous avions posées au ministère lorsqu'il a comparu. Cela concernait le fait que nous avons notre propre politique, notamment à l'égard de l'orientation sexuelle, alors que certains pays comme les États-Unis n'acceptent pas nécessairement les réfugiés que nous avons laissé entrer.
Vous avez donc raison de soulever cette question. Nous en avons parlé au ministère lorsqu'il a témoigné et je crois qu'il faudrait que nous en discutions de nouveau. Comment allons-nous trouver un moyen de résoudre ce problème, en reconnaissant que nous devons assurer conjointement la sécurité des frontières sans aller à l'encontre de notre propre définition des gens qui devraient pouvoir entrer chez nous?
Je pense que c'est faisable. J'en suis même sûre.
Le président: Merci.
Madame Faille.
[Français]
Mme Meili Faille: Je voudrais remercier M. Costello ainsi que les autre témoins de leur présence aujourd'hui. Il y a eu des échanges de courriel. Le Bloc québécois est très préoccupé par l'entente des tiers pays sûrs. Nous avons produit un rapport expliquant que nous n'entendions pas appuyer ce projet, et nous maintenons cette position.
Pendant les Fêtes, nos bureaux étaient ouverts pour que les ONG qui travaillent auprès des réfugiés puissent intervenir ou en appeler auprès des parlementaires. Cela allait nous permettre de faire part de ces problèmes au ministère et à nos collègues du comité.
Dieu sait combien de personnes inquiètes ont appelé. Il y a eu de nombreux problèmes aux frontières. On sait que cela s'est passé pendant les Fêtes et que beaucoup de gens ont été formés rapidement, parfois en une seule journée.
Bien sûr, nous pouvons poser des questions, mais il nous faut passer à l'étape suivante. Il faut étudier l'impact concret de cette entente sur l'ensemble des pratiques d'interdiction d'entrée au Canada. Vous nous faisiez part, dans votre préambule, du fait que le Canada se fermait à l'immigration. On sent une grande résistance dans la population, soit par des courriels, des lettres ou les communications des groupes qui travaillent à l'intégration de personnes immigrantes. Ces gens s'occupent donc de l'établissement des immigrants au Canada, ou travaillent directement avec les réfugiés.
Nous sommes très conscients du fait que les Américains souhaitent voir les politiques d'immigration se calquer sur les politiques étrangères. En fait, il y a des effets contradictoires: certains pays devraient probablement figurer sur la liste des pays dont viennent les réfugiés, mais ils ne sont pas sur les listes canadiennes, ce qui est très inquiétant. Vous nous en avez nommé quelques-uns plus tôt.
Vous n'êtes pas sans savoir que le Canada a perdu quelques procès, au cours de l'année 2004, au tribunal des Nations Unies et au Comité contre la torture, à cause de la façon dont il étudie les dossiers touchant les réfugiés. Au cours de l'année qui vient, le Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration devra se préoccuper de nombreux sujets.
Vous avez dit que le Canada se fermait à l'immigration. Vous avez aussi parlé du Real ID Act; le comité devrait recevoir de l'information à ce sujet. En ce qui concerne les pratiques d'interdiction dans les aéroports, souvent les réfugiés et les gens qui fuient la persécution voyagent avec de faux documents. Vous avez soulevé le fait que les gens qui travaillent pour les compagnies aériennes ne se préoccupent pas de la question de l'immigration. C'est très préoccupant. Mais vous semblez oublier que le Canada n'a pas de section d'appel sur le plan des réfugiés. Autrefois, au Canada, deux commissaires examinaient la demande des réfugiés. Même si un seul des deux commissaires rendait un jugement en sa faveur, la personne était acceptée comme réfugiée. Maintenant, il n'y a plus qu'un seul commissaire, et s'il rejette la demande d'un réfugié, le processus de renvoi commence automatiquement, à moins que la personne ne fasse appel. Si le réfugié en appelle pour cause humanitaire, la demande peut être traitée au Canada, mais cela n'annule pas la mesure de renvoi.
Il y a donc un aspect global assez important. Le comité a été saisi de la question de l'absence de tribunal d'appel. J'aimerais donc que Cesar, Paula ou Mary Jo nous parle de cas où des gens ont été refusés à cause de l'entente.
 (1225)
Depuis la mise en oeuvre de l'entente, avez-vous noté une différence quant aux gens refusés?
[Traduction]
Le président: Nous avons besoin d'une réponse rapide à une question de cinq minutes.
M. Jack Costello: Vous voulez savoir ce que nous pouvons dire des personnes qui ont été refusées? Si nous connaissons la situation?
 (1230)
[Français]
Voulez-vous préciser un peu ce que vous entendez par « ceux qui sont refusés »?
Mme Meili Faille: Depuis l'entrée en vigueur de l'entente, des gens sont systématiquement refusés, mais d'autres franchissent les frontières et sont interviewés. Notez-vous, pour les gens qu'il reste à interviewer, une augmentation du nombre du refus, ou est-ce dans les mêmes proportions qu'avant?
[Traduction]
M. Jack Costello: À la frontière…il y a toujours eu des gens qui ont été refusés.
Quant à savoir si leur nombre a augmenté, l'un de nous sait-il s'il y a beaucoup de gens qui arrivent à la frontière et qui sont refoulés?
Mme Mary Jo Leddy: D'après ce que m'ont dit hier les gens à la frontière, on demande aux réfugiés d'aller d'abord voir une ONG américaine qui leur dira s'ils ont des chances d'être acceptés ou non compte tenu des lignes directrices. Si l'ONG pense qu'ils seront refoulés, elle leur dit de ne pas y aller, car ils seront mis en détention et expulsés. Ces personnes vont maintenant vivre illégalement aux États-Unis, ce qui contribue à leur grave problème social.
Pour faire une mise au point, je dirais que nous nous inquiétons tous du problème des terroristes. Je sais pour avoir parlé à des gens de divers groupes, qu'un vrai terroriste ne viendra pas comme réfugié. Les réfugiés sont soumis à un examen trop serré, à tous les niveaux, en ce qui concerne leur identité et le traitement de leur dossier.
Jusqu'à présent, nous avions un moyen plus ou moins satisfaisant de faire la distinction entre les vrais et les faux réfugiés. En fermant cet accès aux réfugiés, nous créons une pagaille générale; nous augmentons le pouvoir des passeurs et toutes les activités illégales. En fin de compte, il deviendra beaucoup plus facile pour les terroristes d'entrer dans les deux pays.
Le président: Merci beaucoup.
La dernière question sera pour M. Temelkowski.
M. Lui Temelkovski (Oak Ridges—Markham, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Quand les fonctionnaires du ministère ont comparu devant nous il y a quelque temps, ils nous ont dit que les employés à la frontière recevraient une formation adéquate pour l'application de l'entente. À votre avis, pendant le peu de temps qu'ils ont eu à leur disposition, pensez-vous qu'ils ont reçu une formation adéquate au sujet de cette entente? Comprennent-ils comment elle doit être appliquée?
Mme Mary Jo Leddy: Je ne pense pas que le problème se situe au niveau de la formation, mais plutôt au niveau de l'entente. Comme je viens de le dire, il semble que les employés traitent les gens avec courtoisie et objectivité. Je ne pense pas que le problème soit là.
M. Lui Temelkovski: Vous pensez simplement que nous devrions annuler cette entente.
Mme Mary Jo Leddy: Nous avons établi une liste complexe d'exceptions. J'ai mentionné les pays, mais il y a aussi un groupe de gens—je cite l'exemple des Colombiens, mais il y en aurait bien d'autres—qui ont beaucoup de difficulté à sortir de leur pays. En général, ils doivent commencer par se rendre aux États-Unis. Ils savent qu'ils n'y seront pas acceptés à cause de la politique étrangère américaine et n'ont donc pas d'autre choix que de venir au Canada. Mais cette entente leur a fermé la porte. Voilà où est le problème.
M. Lui Temelkovski: Ces gens de Colombie ou des autres pays qui ne sont pas très amis avec les États-Unis, ne le savent-ils pas avant?
Mme Mary Jo Leddy: Désolée…?
M. Lui Temelkovski: Ne le savent-ils pas avant d'arriver aux États-Unis?
Mme Mary Jo Leddy: Si vous examinez les possibilités de transport, il est beaucoup plus facile de se rendre aux États-Unis qu'au Canada. Il est très difficile de trouver un vol direct pour le Canada. Il est très difficile d'obtenir des visas. Nous avons beaucoup moins d'ambassades et d'agents canadiens qu'il n'y a d'agents américains. Les États-Unis ont de nombreuses missions qui émettent des visas et beaucoup de personnel. Il est beaucoup plus facile pour les gens de se rendre d'abord aux États-Unis, et ensuite au Canada, mais pas l'inverse. C'est simplement… Si vous examinez les faits, cela ne fonctionne pas ainsi.
M. Cesar Perez: Vous venez de demander si nous ne le savons pas avant de partir. Je vous réponds que non. Vous allez simplement n'importe où où vous serez en sécurité. Nous n'avons pas eu la possibilité d'examiner le système américain pour voir s'il était accueillant ou non. Nous avons simplement obtenu le visa américain. On nous a dit que si nous en avions la possibilité, il valait mieux pour nous de fuir le pays. Nous sommes donc partis. Nous n'avons pas eu le temps d'étudier la situation, car nous ne sommes pas venus comme des immigrants indépendants; nous avons simplement pris la fuite. Quand vous fuyez, vous allez au premier endroit où vous serez en sécurité.
 (1235)
M. Lui Temelkovski: Merci.
Le président: Je voudrais vous remercier tous d'être venus témoigner. Vous avez certainement été très clairs sur une chose. Nous devons nous assurer que nous n'avons pas créé un réseau de passeurs clandestins, comme c'est arrivé en Allemagne, car c'est une chose que personne ne souhaite. Vous avez également été très clairs quant à la nécessité de tenir compte de la politique en vigueur, surtout au sud de la frontière des États-Unis, et de ses effets sur l'admission des gens dans notre pays ou leur refoulement.
Merci beaucoup.
Mme Mary Jo Leddy: Monsieur le président, je voudrais seulement dire qu'étant donné que vous faites un travail important et qu'il est important que vous sachiez de qui vous parlez, les membres du comité qui se trouveront à Toronto seront les bienvenus à Romero House. Nous vous offrirons un repas simple, mais savoureux et vous pourrez discuter avec les gens. Nous n'allons pas les préparer et vous pourrez leur poser toutes les questions que vous voudrez. Et nous vous invitons également à venir voir notre murale.
Le président: Merci.
Nous allons faire une pause de deux minutes en attendant de passer au témoin suivant, M. James Bissett.
 (1237)
 (1240)
Le président: Très bien, nous reprenons la séance.
Monsieur Bissett, vous êtes le bienvenu.
M. James Bissett (à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président.
En fait, j'ai trois critiques à formuler à l'égard de l'entente conclue avec les États-Unis sur les pays tiers sûrs, mais avant d'en parler je tiens à préciser que j'ai déjà critiqué le système mis en place au Canada pour les demandeurs d'asile. Ce système est presque dysfonctionnel.
Il est extrêmement coûteux. En 1991, alors que nous avions 40 000 demandeurs d'asile, nous avons probablement dépensé environ 3 milliards de dollars pour nous occuper d'eux. Cela correspond à peu près au quart de notre budget de défense et ne s'aligne absolument pas sur la plupart des autres priorités gouvernementales.
Je crois également que le système actuel nuit aux efforts que nous déployons sur la scène internationale pour venir en aide aux véritables réfugiés. Permettez-moi de vous donner un exemple. Le Haut-commissariat des Nations Unies pour les réfugiés a la responsabilité d'environ 20 à 23 millions de personnes dans le besoin. Il dispose d'un budget annuel d'environ 1 milliard de dollars pour prendre soin de ces personnes. Il s'agit des gens qui se trouvent dans des camps. J'ai visité les camps. Les conditions y sont lamentables. Ce ne sont pas des conditions de logement décentes. Les réfugiés y sont très mal nourris. Ils ne sont pas protégés. Leurs camps sont souvent visités par des bandes de maraudeurs. Le problème est que le Haut-commissaire des Nations Unies pour les réfugiés n'a pas l'argent voulu pour s'occuper de toutes ces personnes.
Au Canada, nous versons chaque année une contribution d'environ 20 à 25 millions de dollars au HCNUR pour qu'il prenne soin d'environ 20 millions de réfugiés. Pendant ce temps, nous dépensons des sommes énormes pour prendre soin de gens qui viennent ici en disant être des réfugiés.
Ce ne sont pas tous des réfugiés. Notre taux d'acceptation est sans doute un des plus élevés au monde. Les pays européens approuvent environ 10 p. 100 des demandeurs d'asile qui entrent dans leurs pays. Les États-Unis, le taux est beaucoup plus élevé. Néanmoins, tous les pays européens et les États-Unis ont des systèmes qui s'alignent parfaitement sur le mandat du HCNUR. Aucun d'eux ne viole la Convention des Nations Unies. Malgré ce que nous avons entendu aujourd'hui, le HCNUR approuve pleinement le système américain.
Cela dit, pourquoi suis-je contre l'entente sur les pays tiers sûrs? En fait, il y a trois raisons.
D'abord, les négociateurs canadiens se sont fait avoir par les Américains pendant les négociations. Pour la loi de 1989, dans laquelle j'ai eu un rôle à jouer, nous avions décidé que c'est le gouvernement canadien qui déciderait unilatéralement quels étaient les pays sûrs pour les réfugiés. Bien entendu, il s'agissait des pays qui avaient signé la Convention des Nations Unies, qui étaient démocratiques, qui étaient des États de droit et qui avaient un système raisonnable, approuvé par les Nations Unies, pour traiter les demandes d'asile.
La nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui a été adoptée a imposé une condition à cet égard en disant que nous ne pouvions déclarer sûr un autre pays que si nous avions conclu une entente avec lui. Aucun pays n'est très désireux de négocier ce genre d'entente. Cela ne lui apporte rien. Si les gens veulent quitter leur pays et demander asile au Canada, pourquoi s'y opposeraient-ils?
Si vous lisez la transcription des discours des sénateurs américains qui s'opposaient à l'entente dont nous parlons aujourd'hui en demandant : « Pourquoi signer cette entente avec le Canada vu qu'elle ne nous apporte rien », les négociateurs américains ont dit aux sénateurs : « Ne vous inquiétez pas, car la moitié des demandeurs d'asile qui quitteront les États-Unis à destination du Canada ont des parents au Canada et nous veillerons à ce qu'une des exceptions prévues dans l'entente sur les pays tiers sûrs permette à toute personne qui a un parent au Canada d'être automatiquement acceptée afin de pouvoir faire sa demande d'asile au Canada ».
C'est inclus dans l'entente. C'est ma première objection. Cela veut dire que toute personne qui se présente à la frontière terrestre et qui demande le statut de réfugié sera automatiquement acceptée si elle a un parent plus ou moins proche au Canada. Il y a donc des gens qui ont des tantes, des oncles, des neveux, des nièces, des frères ou des soeurs, même si ces gens sont déjà là comme demandeurs d'asile. Si votre cousin se trouve au Canada et a demandé le statut de réfugié, vous pourrez entrer.
Cela va à l'encontre de tout le concept de la réunion des familles qui se trouve dans la Loi sur l'immigration. Si vous êtes un citoyen canadien et que vous désirez parrainer votre frère ou votre soeur, vous ne pouvez pas le faire. Les catégories de personnes que vous pouvez parrainer sont très limitées. Vous pouvez parrainer votre conjoint, vos enfants mineurs, vos parents âgés, vos grands-parents, mais pas vos frères, vos soeurs, vos oncles, vos tantes, vos neveux ou vos nièces.
C'est ce qui va se passer à la frontière. Les gens qui ne veulent pas attendre, qui ne veulent pas se soumettre aux examens de sécurité ou de santé iront aux États-Unis et se présenteront à la frontière. Ils seront admis automatiquement.
 (1245)
C'est se moquer des dispositions de la Loi sur l'immigration concernant la réunion des familles et c'est discriminatoire envers les citoyens canadiens et les immigrants reçus qui attendent pendant des années, comme vous le savez peut-être, pour pouvoir faire venir leurs parents et qu'ils ne peuvent même pas faire une demande pour les autres membres de leur famille dont je viens de parler. Voilà donc la première exception.
La deuxième est plus anodine en ce sens que si les États-Unis sont un pays sûr pour les réfugiés, quelle différence cela fait-il si la personne se présente à la frontière, arrive par avion dans un de nos aéroports ou arrive à Halifax par bateau? Ou bien les États-Unis sont un pays sûr pour les réfugiés ou bien ce n'est pas le cas. Pourquoi ces exceptions? Ces exceptions nous ont été imposées par les négociateurs américains.
Enfin, voici ma troisième critique et c'est une chose dont on n'a pas discuté avec les négociateurs des États-Unis. Quand notre équipe est revenue et que les règlements ont été rédigés pour la mise en oeuvre de l'entente, nos avocats du droit de la personne du ministère de la Justice ont ajouté une autre exception à l'entente. Elle a été adoptée discrètement par décret. Il est dit que toute personne qui a été accusée ou reconnue coupable, aux États-Unis, d'un acte criminel passible de la peine de mort, doit être autorisée à entrer si elle se présente à la frontière terrestre. C'est ridicule. Cela revient à exporter les valeurs canadiennes aux États-Unis. Que se passera-t-il si les terroristes lancent une attaque à Boston à une partie des Red Sox, font exploser le stade, sautent dans leur voiture et s'enfuient jusqu'à la frontière? S'ils arrivent à la frontière avant d'être rejoints, on les laissera entrer. Vous pouvez imaginer quelles en seraient les conséquences pour les relations canado-américaines. Cela va totalement à l'encontre des efforts que nous déployons pour convaincre les Américains que nous prenons au sérieux la guerre contre le terrorisme.
Quelle raison le ministère a-t-il donnée au comité pour justifier cela? C'est que cette disposition est conforme à la tradition canadienne qui veut qu'on n'expulse pas des gens vers des pays où ils risquent la peine de mort. C'est insensé. Tout d'abord, cette tradition n'existe pas. En 1999, la Cour suprême a accepté, par cinq voix contre quatre, qu'un dénommé Charles Ng soit renvoyé aux États-Unis même s'il risquait la peine de mort. C'était en 1999, si bien que s'il s'agit d'une tradition, elle est plutôt récente.
De plus, même s'il y a eu, plus récemment, un arrêt de la Cour suprême qui s'opposait à l'extradition de gens vers les États-Unis à moins qu'on ait la garantie qu'ils ne risqueraient pas la peine de mort, dans ce cas particulier, si je me souviens bien, il s'agissait d'un citoyen canadien. La Cour suprême fait peut-être une distinction entre l'extradition de citoyens canadiens et de gens qui ne sont pas des citoyens. Quoi qu'il en soit, il y a une différence importante entre le fait d'expulser quelqu'un qui se trouve déjà au Canada et qui risque la peine de mort et le fait d'accepter quiconque se présente à la frontière pour obtenir la protection garantie par notre Charte. C'est une disposition ridicule; elle n'a pas été négociée avec les Américains, car les Canadiens auraient évidemment trouvé embarrassant de l'inclure pendant les négociations. Cela a été fait discrètement et secrètement par le ministère de la Justice.
Voilà mes trois objections. Je répète encore une fois au comité que nous ne sommes plus alignés sur tous les autres pays qui reçoivent des demandeurs d'asile. Nous ne sommes pas les seuls; le nombre de personnes que nous avons reçues l'année dernière nous classait au septième rang. Tous les pays européens ont des dispositions concernant les pays tiers sûrs, de même qu'un grand nombre d'autres pays. Les États-Unis, soit dit en passant, n'en ont pas, mais la plupart des pays européens en ont. Le principe de ces dispositions se trouve dans la Convention des Nations Unies : si vous fuyez les persécutions et si vous craignez la torture ou la mort, vous devez demander asile dans le premier pays où vous arrivez, qui est signataire de la Convention, qui est un État de droit et un pays démocratique.
Comme quelqu'un l'a dit ce matin, il est très difficile d'arriver au Canada directement par avion. Très peu de gens arrivent ainsi. C'est pour ces raisons que, depuis la fin de la guerre, le Canada est devenu le principal pays à s'occuper des réfugiés. Nous sommes allés dans les camps et nous en avons ramené des gens, des Hongrois, des Tchèques, des Chiliens, des Ougandais. Nous avons maintenant pris beaucoup de retard sur ce plan-là.
 (1250)
Nous acceptons environ 7 000 réfugiés d'outre-mer. Pourquoi? C'est parce que nous dépensons tout notre argent pour les demandeurs d'asile. D'où viennent-ils? Des citoyens de 170 pays ont demandé asile l'année dernière. Nous avons eu plus de 1 000 citoyens américains qui ont demandé le statut de réfugié. Il y a eu aussi 1 834 citoyens du Costa Rica.
Nous sommes le seul pays qui accepte que n'importe qui, de n'importe quel pays du monde, vienne chez nous faire une demande d'asile. Cela engorge le système. Il n'y a pas de sélection préalable. Très peu de gens sont détenus et quiconque arrive chez nous a pratiquement la garantie de ne pas être renvoyé. Nous renvoyons environ 4 000 à 5 000 demandeurs d'asile chaque année. La vérificatrice générale a déclaré au Parlement que 36 000 demandeurs d'asile déboutés faisaient l'objet d'un mandat d'arrestation il y a environ deux ans. Le ministère ne cherche pas à faire de suivi et n'a pas les ressources voulues pour cela.
Je ne parle pas des risques que ces personnes pourraient présenter pour la sécurité, mais le fait est que la totalité des six personnes détenues en vertu d'un certificat d'immigration étaient des demandeurs d'asile dont la demande avait été rejetée. Comme vous le savez, une d'elles a été libérée récemment. Ahmed Ressam, qui a essayé de faire sauter l'aéroport de Los Angeles, était venu au Canada demander asile, mais ne s'était pas donné la peine de se présenter à son audience. Environ 20 à 25 p. 100 des gens ne se donnent même pas la peine de comparaître pour leur audience.
La situation est grave. Je sympathise sincèrement avec les gens que nous avons entendus ce matin et qui se trouvent confrontés à des difficultés et à la peur, mais le Canada doit voir les choses dans une optique beaucoup plus large. Nous devons nous pencher sur notre contribution au règlement des problèmes des réfugiés au niveau international. Nous ne faisons pas assez sur ce plan-là.
Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Madame Ablonczy.
Mme Diane Ablonczy: Merci, monsieur Bissett.
Je vois que vous avez participé à la conception de l'ancien système de points et d'une de nos anciennes lois. Nous apprécions la présence d'un expert comme vous.
Bien entendu, vous critiquez vivement l'entente sur les pays tiers sûrs, mais pour des raisons différentes de celles des témoins précédents. Je voudrais vous poser la même question. Que changeriez-vous? Quelles réformes souhaiteriez-vous voir apporter à notre système?
M. James Bissett: Deux choses. Comme tous les pays européens l'ont fait, nous devrions mettre en oeuvre une entente sur les pays tiers sûrs et conserver le droit souverain de décider quels sont les pays sûrs et ceux qui ne le sont pas. C'est une chose que nous ne devrions pas avoir à négocier avec un autre pays. De toute évidence, les États-Unis sont un pays sûr pour les réfugiés. Ils acceptent plus de réfugiés que nous. Ils se conforment pleinement aux exigences du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés. Tous les pays européens s'y conforment et la plupart des demandeurs d'asile que nous recevons proviennent de ces pays. J'en reviens à la loi de 1989 pour dire que le Cabinet, le gouvernement ou votre comité devrait décider quels sont les pays sûrs et que nous ne devrions pas permettre à ces personnes de faire une demande d'asile chez nous. Elles devraient être renvoyées immédiatement.
Ma fille, qui a vécu à Cuba pendant longtemps, a épousé un Cubain. Elle est allée le voir là-bas la semaine dernière. Il est encore à Cuba. Il devra attendre encore un an ou deux pour pouvoir sortir, parce qu'il n'est pas demandeur d'asile. Samedi, à l'aéroport, il y avait deux Dominicains qui étaient arrivés sur un autre vol. Ils avaient des passeports canadiens. Ils ne parlaient pas l'anglais. De toute évidence, c'était des gens de la campagne. Les douanes ont demandé à ma fille si elle pouvait faire l'interprète afin qu'ils expliquent les raisons de leur présence ici. Ils n'avaient pas de bagages. Elle a expliqué aux douanes qu'il s'agissait de réfugiés. Ils voulaient faire une demande d'asile. Ils sont maintenant au Canada. Ils ont été logés dans un hôtel du centre ville. On a dû les inscrire à l'aide sociale lundi matin en leur disant que la Commission des réfugiés les convoquerait probablement dans deux ans et qu'ils devraient se présenter au rendez-vous. En attendant, s'ils ne trouvent pas de travail, ils toucheront l'aide sociale, on leur trouvera un logement et on s'occupera d'eux. Ma fille a dit qu'elle aimerait bien que son mari bénéficie de ce genre de traitement.
Vous devez tous avoir dans vos circonscriptions des gens qui ont la citoyenneté canadienne, mais qui ne peuvent pas faire venir des membres de leur famille. Si vous demandez à faire venir votre grand-mère ou votre arrière-grand-mère, comme vous en avez le droit, vous n'y arriverez jamais à cause de l'engorgement du système. Vous devrez payer pour la demande, mais on ne s'occupe pas de ce genre de demandes à l'étranger. On s'occupe seulement des conjoints et des enfants mineurs. Voilà où nous en sommes.
Par-dessus le marché, nous avons un grave problème de sécurité, car nous ne pouvons pas nous débarrasser de tous ceux qui entrent dans le pays. Nous ne pouvons pas les expulser. Les groupes de réfugiés se plaignent qu'il n'y a pas de système d'appel, mais en réalité, il y en a un. La nouvelle loi incluait une évaluation des risques avant renvoi. Maintenant, vous pouvez donc faire appel. Nous avons des cas de ce genre. Comme vous le savez, Mohammed Issa Mohammed, qui a été non pas soupçonné mais reconnu coupable de terrorisme, est au Canada depuis 1986. Son expulsion a été ordonnée en 1987 et j'y ai d'ailleurs joué un rôle. Quand je suis revenu de Russie, en 1992, j'ai aussitôt demandé ce qu'il était advenu de Mohammed. Il est toujours là. Nous ne nous débarrasserons jamais de lui.
Nous avons maintenant six personnes en détention en vertu de certificats d'immigration. Une d'elles a été libérée et je suppose que les autres le seront bientôt, car nous ne pouvons pas garder les gens en détention sans les accuser, et on ne peut pas les accuser s'ils n'ont pas commis de délit. Nous devons appliquer les dispositions du Code criminel. Si vous commettez une infraction, vous êtes accusé et la procédure suit son cours. Si vous attendez qu'un terroriste se fasse exploser avec une centaine de gens, il ne reste plus personne à accuser. Pour faire face aux terroristes, nous avons besoin d'un système différent de celui auquel nous sommes tous habitués. Nous n'avons pas encore réussi à en trouver un qui soit efficace ou acceptable, mais nous devons y réfléchir. C'est une autre dimension à considérer.
La question des pays tiers sûrs et le droit d'asile représentent un problème international qui exige un leadership international. Nous ne contribuons pas à le résoudre. La seule chose sur laquelle je suis d'accord avec ce que les témoins ont dit aujourd'hui est que nous favorisons le trafic d'êtres humains. Le trafic d'êtres humains se fait à très grande échelle. Il se classe maintenant au troisième rang, derrière l'héroïne et les armes à feu. Les Nations Unies estiment que, l'année dernière, les trafiquants internationaux ont gagné 7 milliards de dollars et le Canada leur donne maintenant refuge. Nous sommes le pays de choix pour ces trafiquants. Les deux jeunes hommes de République dominicaine ont payé quelqu'un pour obtenir leurs passeports canadiens. C'est tout ce dont ils ont besoin. Il faut qu'ils puissent monter dans l'avion. Une fois dans l'avion, la partie est gagnée. Les trafiquants peuvent leur dire qu'ils les emmèneront au Canada et peuvent leur garantir au moins deux ans dans le pays. Entre-temps, si ces jeunes se marient ou trouvent un emploi et s'établissent ici ou vont se réfugier dans le sous-sol d'une église, personne ne pourra plus se débarrasser d'eux. Ils acceptent donc de payer pour venir.
Je suis sûr qu'un jour, les Nations Unies nous désigneront comme un pays qui fait le jeu des trafiquants d'êtres humains. Ces trafiquants sont toutes les organisations criminelles internationales, la mafia russe, les triades chinoises.
 (1255)
Par-dessus le marché, nous avons maintenant un système très cynique. Nous annonçons aux Nations Unies que nous avons le meilleur système d'asile au monde, après quoi nous faisons des pieds et des mains pour empêcher les gens de l'utiliser, comme les témoins vous l'ont dit aujourd'hui. Nous les interceptons aux aéroports et nous essayons de les arrêter par tous les moyens. Je crois que nous pourrions avoir un système nettement meilleur.
Le président: Merci beaucoup. Nous nous limiterons à un tour pour que nous puissions tous y participer.
Monsieur Clavet.
[Français]
M. Roger Clavet: Monsieur Bissett, merci beaucoup. Vous avez été d'abord un ambassadeur, puis un expert en immigration. Je lisais dans les notes qu'en 1994, vous avez même aidé des réfugiés tchétchènes à fuir Groznyï. Vous ne tenez donc pas que de beaux discours, vous agissez également.
Mais j'entends aussi, du même homme, que le système canadien de demande d'asile fonctionne mal, qu'il est coûteux et qu'il réduit la souveraineté du pays quant à ses obligations internationales. Il est curieux d'entendre quelqu'un dire qu'il est en faveur des réfugiés quand ils sont en Tchétchénie, et soutenir du même souffle qu'il faut resserrer les rangs au Canada. Il y a là une contradiction.
Selon vous, sans encourager le réseau des passeurs illégaux et le trafic de personnes, que doit-on faire pour trouver une solution qui soit à la fois humanitaire et respectueuse des obligations du Canada?
M. James Bissett: Merci, monsieur. Je parle un peu français, mais pas assez pour discuter.
[Traduction]
Nous pourrions faire beaucoup de choses, mais je crois que nous devons exercer des pressions sur le Haut Commissariat pour qu'il en prenne l'initiative.
Nous avons toujours reconnu que nous n'étions pas un premier pays d'arrivée pour les demandeurs d'asile quand nous avons signé la Convention des Nations Unies. Comme nous n'avions pas de frontière terrestre—sauf pour les États-Unis—où les gens pouvaient se présenter pour demander asile, notre principal rôle pour aider à résoudre le problème des réfugiés était d'aller chercher ces derniers dans les pays où ils avaient demandé asile. Nous avons joué ce rôle de façon très efficace. Quand l'Autriche a été submergée par l'arrivée de Hongrois, en 1956-1957, nous sommes allés chercher dans les camps 40 000 réfugiés hongrois. Nous avons fait la même chose en Tchécoslovaquie. Nous avons joué un rôle en Ouganda, comme vous le savez. Nous sommes allés dans les prisons chiliennes chercher des gens que nous avons ramenés au Canada. Ce sont des personnes qui ne pouvaient pas venir ici pour demander asile. Je crois donc que nous avons joué un rôle très efficace par le passé.
Nous devrions toujours avoir un système pour les demandeurs d'asile, mais nous ne devrions pas accepter ceux qui ont vécu en Allemagne pendant trois ans ou encore au Danemark, en Suède ou aux États-Unis. C'est pourtant ce que nous faisons. Comme vous vous en souviendrez, quand le premier bateau tamil est arrivé au large des côtes de Terre-Neuve, tout le monde était sidéré que ces Tamils aient réussi à venir du Sri Lanka jusqu'au Canada. Nous nous sommes ensuite rendu compte qu'ils avaient tous vécu confortablement en Allemagne pendant de nombreuses années. Il y a eu ensuite le bateau sikh qui est arrivé au large des côtes de Nouvelle-Écosse. C'était la même chose.
Nous nous sommes alors rendu compte que si nous n'y prenions pas garde, nous serions inondés de demandeurs d'asile comme l'Allemagne l'a été en 1992. Elle a reçu près de 500 000 personnes. Elle avait un système très généreux—pas aussi généreux que le nôtre, mais quand même généreux. L'année suivante, elle a modifié sa Constitution pour tenter d'endiguer cet afflux. Malgré ce qui a été dit aujourd'hui, elle y est assez bien parvenue. Elle reçoit encore beaucoup de demandeurs d'asile, mais plus 500 000 par an.
Tous les pays européens s'inquiètent du problème. Le Danemark est submergé de demandeurs d'asile. Comme c'est un pays minuscule, il s'est rendu compte qu'il devait réagir. Il a adopté notre système dans les années 80, mais cela n'a duré qu'un an et demi environ. Les Danois se sont rendu compte qu'ils ne pouvaient pas continuer à ce rythme, car le Danemark disparaîtrait et deviendrait un autre pays.
Chaque pays s'efforce donc de résoudre ce problème. Nous pouvons jouer un rôle, mais je ne pense pas que notre rôle soit d'accepter 20 000, 30 000 ou 40 000 personnes qui prétendent être des réfugiés alors que la plupart d'entre elles n'en sont pas. Ce sont des réfugiés économiques. Si elles étaient dans une situation désespérée, elles auraient demandé le statut de réfugié dans leur pays d'arrivée.
Nous avons maintenant un système largement ouvert grâce auquel votre tante ou votre oncle peut venir au Canada en se présentant simplement à la frontière des États-Unis. Si l'oncle et la tante de ces deux jeunes de République dominicaine ainsi que tous leurs nièces et neveux arrivent demain à la frontière des États-Unis, nous les laisserons entrer. Ce système ne tourne pas rond et nous devons l'améliorer.
Je sympathise énormément avec les réfugiés. J'ai travaillé à Grozny quand la ville était sous les tirs d'artillerie en aidant à sortir les gens des caves, et j'ai été dans des camps de réfugiés tout au long de ma vie. Mais nous ne jouons pas notre rôle. En fait, nous nuisons aux efforts internationaux qui visent à résoudre ces problèmes. Nous avons l'impression de bien agir quand nous laissons entrer les gens qui se présentent à la frontière—et qui souvent le méritent—mais dont la plupart ne sont pas de véritables réfugiés. Ils fuient le chaos en Colombie, la situation économique au Mexique, mais on les laisse entrer comme s'ils étaient de vrais réfugiés. La Commission fait de son mieux pour déterminer qui est un réfugié et qui ne l'est pas et, même si nous avons un système très généreux, nous refusons beaucoup de gens, mais nous ne les renvoyons pas. Nous le faisons parfois, mais ce n'est généralement pas la bonne sorte de pardonnes. Nous pouvons renvoyer votre grand-mère si elle vient vous visiter et reste là trop longtemps ou si elle fait une demande d'asile injustifiée. Nous pouvons la renvoyer. Mais nous ne pouvons pas renvoyer des individus comme Mohammed Mohammed. Vous ne pouvez pas renvoyer des hommes soupçonnés d'être des agents d'al Qaeda. Tous viennent de pays où ils risquent d'être torturés à leur retour. Vous ne pouvez pas les y renvoyer et vous ne devez pas le faire, mais cela nous place dans une situation impossible.
Nous avons signé sans hésiter la Convention des Nations Unies sur la torture, mais je constate qu'une commission de neuf membres est chargée de veiller à l'application de cette convention. Devinez qui siègent à cette commission? La Russie, la Chine, l'Égypte… Pourquoi ne renvoyons-nous pas certaines de ces personnes en Égypte? Parce que nous savons que les Égyptiens pratiquent la torture; pourtant, l'Égypte, de même que la Chine et la Russie, sont représentés à la commission formée pour faire appliquer la Convention des Nations Unies sur la torture.
· (1300)
Le président: Merci, monsieur Bissett.
Monsieur Siksay.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président.
Monsieur Bissett, vous utilisez des mots plutôt forts pour décrire la situation que vous voyez maintenant où les gens arrivent à la frontière et font une demande d'asile pour rejoindre leur famille, parce que c'est un moyen plus facile d'entrer. Vous dites qu'ils se moquent de notre système. En avez-vous constaté la preuve? Je me demande pourquoi quelqu'un opterait pour les incertitudes, les retards et les frustrations du système de protection des réfugiés sans avoir la garantie d'en bénéficier. Ce doit être suffisamment dissuasif.
· (1305)
M. James Bissett: Non, mais vous êtes à peu près sûr de ne pas être renvoyé chez vous. Je n'ai pas les chiffres sous la main, mais j'ai remarqué les chiffres les plus récents qui ont été publiés par l'Agence des services frontaliers du Canada depuis la mise en oeuvre de l'entente. Je crois qu'une centaine de personnes sont arrivées, mais que sur ce chiffre de 100, 150, 160 ou peu importe, 90 ou plus de la moitié ont des parents ici.
Si vous lisez la transcription des délibérations du Congrès, vous verrez que les négociateurs américains ont déclaré au Sénat qu'il ne fallait pas s'en inquiéter, que tous les gens qui font une demande à la frontière canadienne ont des parents au Canada, qu'ils amèneraient les Canadiens à faire une exception pour les parents et que les États-Unis ne se retrouveraient pas avec un grand nombre de demandeurs d'asile. Je pense que le message a déjà été entendu.
Si vous parrainez votre mère en sachant qu'elle ne viendra pas avant trois ou quatre ans, ou peut-être même jamais, et que vous constatez que quelqu'un a fait entrer son neveu et sa nièce ou son oncle et sa tante parce qu'ils sont arrivés à la frontière, ce n'est pas juste. C'est également discriminatoire et je crois qu'il faudrait y remédier.
Il s'agit de savoir si les États-Unis sont un pays sûr ou non et nous ne devrions pas avoir à négocier avec eux à ce sujet. Nous avons le droit souverain de déclarer un pays sûr ou non. Lorsque nous négocions un accord avec les négociateurs américains, ils ne nous font pas de cadeau et nous nous sommes fait avoir pour ce qui est de l'entente sur les pays tiers sûrs.
M. Bill Siksay: Existe-t-il un système meilleur que le nôtre pour lutter contre l'immigration clandestine et le trafic d'êtres humains? Auriez-vous un exemple à nous citer?
M. James Bissett: Une des raisons pour lesquelles le nombre de demandeurs d'asile a diminué de façon graduelle, mais très nette dans le monde a été le resserrement au niveau des transporteurs aériens et des passeurs clandestins. Les Nations Unies et les pays européens cherchent énergiquement à arrêter le trafic d'êtres humains.
Le problème est le suivant. Disons que vous laissiez entrer un demandeur d'asile dont la demande est rejetée au bout de deux ans et que vous essayez de le renvoyer. En premier lieu, comment pouvez-vous prouver que c'est un citoyen de Jamaïque ou de Colombie? Comme j'ai pu le constater, les pays concernés ne sont pas prêts à coopérer. Vous pouvez mettre des années à obtenir un passeport ou même à faire reconnaître que cette personne est citoyenne de ce pays. Le renvoi pose donc des problèmes pratiques.
Dans le milieu de l'immigration, tout le monde sait que si vous ne renvoyez pas une personne dans les 48 heures qui suivent son arrivée, vous ne pourrez probablement pas vous en débarrasser. C'est extrêmement difficile et il y a une règle non écrite, la règle de Chicago, selon laquelle vous devez renvoyer les gens dans les 48 heures, après quoi il sera trop tard. Voilà pourquoi au Danemark, en Suède, en Allemagne et dans presque tous les pays européens, si vous faites une demande d'asile qui ne semble pas justifiée, on vous renverra immédiatement. Vous pouvez toujours faire appel, mais vous serez à l'extérieur du pays. Si votre appel est accepté, on vous fera revenir, mais on ne vous laisse pas attendre le résultat de votre appel à l'intérieur du pays, car on sait que plus longtemps vous y resterez, plus il sera difficile de se débarrasser de vous.
Le président: Docteur Fry.
L'hon. Hedy Fry: En fait, je crois que vous avez souligné le véritable problème que pose toute la question de la citoyenneté et de l'immigration. Ce n'est pas facile. Il faut assurer un juste équilibre à tous les niveaux. Vous venez de nous donner un exemple, tandis que les témoins précédents nous en ont donné un autre.
Je commence à constater qu'on nous incite à réagir à tout de façon émotionnelle. C'est une sorte de réaction émotionnelle instinctive. Nous le faisons constamment, sans nous demander pourquoi nous avons établi des critères objectifs parfaitement raisonnables et parfaitement clairs, en sachant que certains cas particuliers peuvent nécessiter des considérations humanitaires et de la compassion.
Vous avez bien montré, je dois dire, combien c'est facile, mais c'est un ministère qu'on a tendance à critiquer parce qu'il ne prend pas des décisions impulsives. Je suis contente que vous ayez souligné les problèmes et les difficultés de toute cette question.
Vous avez parlé de la peine de mort. C'est un excellent argument, mais j'ignore ce que nous faisons à ce sujet. Bien entendu, si l'auteur d'un massacre arrivait à la frontière et avait des membres de la famille chez nous, on le laisserait automatiquement entrer. Je suis donc d'accord avec vous pour dire qu'il y a des problèmes.
Vous avez également dit qu'en faisant venir des membres de sa famille à la frontière, même s'il ne s'agit pas nécessairement de vrais réfugiés ou demandeurs d'asile, on passe par-dessus tous ceux qui attendent pendant des années de parrainer leur famille. J'accepte cet argument, mais j'ai des réserves. Il faut prévoir des exceptions.
Les exemples que vous avez cités ne sont peut-être pas les meilleurs, mais je crois que pour des questions comme… En dehors du HCNUR, le Canada fait ce que nous considérons comme trois exceptions vraiment importantes, notamment pour l'orientation sexuelle. Nous savons que dans certains pays les gens sont…je regrette, mais le pays au sud de la frontière fait de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle des gens. Nous devons donc tenir compte de l'attitude de ce pays sûr lorsque nous laissons entrer des gens qui sont en danger dans un autre pays à cause de leur orientation sexuelle.
Un deuxième motif auquel nous devons penser est la discrimination fondée sur le sexe. C'est également en dehors de la Convention, mais c'est, je crois, un argument très valide dans certains pays. Prenez simplement un pays comme l'Inde. Ce pays est censé respecter les droits de la personne, mais comparativement au Canada, vous avez des fillettes de 10 ans qui sont censées épouser un homme de 50 ans. Vous avez également certains pays où l'on tue pour sauver son honneur. Les femmes sont victimes de persécution, de discrimination et même de violence dans des pays où on trouve normal de tabasser sa femme.
Je crois qu'il est important de faire ces exceptions et que nous devons trouver un moyen d'établir un juste équilibre. Néanmoins, comme vous l'avez souligné, ce n'est pas facile. Comment résoudre ces questions sur lesquelles je crois que les États-Unis ne partagent pas notre point de vue en ce qui concerne les pays tiers sûrs?
· (1310)
M. James Bissett: En fait, la solution est assez simple. En 1989, nous avons adopté une loi sur les réfugiés qui contenait une disposition énergique à l'égard des pays tiers sûrs et qu'il n'était pas nécessaire de négocier. Cette disposition n'a jamais été appliquée. Le problème est qu'à l'époque—et un bon nombre des gens derrière moi s'en souviendront certainement—le Canada était submergé de gens du Salvador et du Guatemala qui se trouvent aux États-Unis mais qui, dans bien des cas, n'étaient pas considérés comme des réfugiés. Le problème était que si nous déclarions les États-Unis sûrs pour tous les réfugiés, qu'allions-nous faire pour les Salvadoriens et les Guatémaltèques?
La solution serait fort simple et s'appliquerait également aux cas de discrimination et de mauvais traitements dont vous avez parlé. Il suffirait de déclarer les États-Unis comme un pays sûr, sauf pour les personnes qui font une demande en raison de leur orientation sexuelle ou parce qu'elles sont victimes de violence conjugale, et cela peut se faire assez facilement.
Le problème vient en partie de ce qu'au Canada nous n'avons jamais vraiment fait de distinction dans notre esprit entre les réfugiés et les immigrants. C'est en partie à cause de notre politique. Nous avons été l'un des premiers pays à accepter des réfugiés après la Seconde Guerre mondiale, mais c'est seulement en 1976 que nous avons parlé de « réfugiés » dans notre loi.
Les Australiens ont coupé le lien entre les immigrants et les réfugiés. Ils ont un système très rigoureux. Si vous demandez le statut de réfugié, ils insistent pour que vous le fassiez à partir de l'étranger. Si vous êtes reconnu comme un réfugié, ils vous disent alors d'attendre votre tour parce qu'ils acceptent chaque année 10 000 réfugiés qui vivent dans les camps. Beaucoup de gens pensent que ce système est trop rigoureux, mais les Australiens cherchent ainsi à faire une distinction. Les gens qui craignent d'être persécutés, torturés ou tués vont là non pas parce qu'ils ont de la famille dans le pays ou parce que c'est un endroit où il fait bon vivre et où ils obtiendront des prestations d'aide sociale et un meilleur logement. Ils viennent pour obtenir une protection. Voilà ce qu'il ne faut pas perdre de vue.
L'hon. Hedy Fry: Ce sont des considérations importantes, mais nous sommes nombreux à nous souvenir du St. Louis et du Komagata Maru. Nous ne voulons pas que ces incidents se répètent. Nous voulons donc veiller, un peu comme un médecin, à ne pas faire du mal. Je pense que nous souhaitons tous que le Canada puisse dire : « Nous ne causerons pas le mal que nous avons causé dans le cas du St. Louis et du Komagata Maru ».
· (1315)
M. James Bissett: Je suis d'accord, mais nous en sommes arrivés au point où nous pensons faire le bien alors qu'en réalité nous faisons beaucoup de mal.
Le président: Merci beaucoup.
Sur ce, nous allons lever la séance.
Merci.