NDDN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le lundi 15 novembre 2004
¹ | 1535 |
Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)) |
Bgén Darrell Dean ((à la retraite), À titre individuel) |
¹ | 1540 |
Le président |
M. Ray Sturgeon (À titre individuel) |
¹ | 1545 |
Le président |
M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC) |
¹ | 1550 |
Bgén Darrell Dean |
M. Gordon O'Connor |
Bgén Darrell Dean |
M. Gordon O'Connor |
Bgén Darrell Dean |
M. Gordon O'Connor |
M. Ray Sturgeon |
M. Gordon O'Connor |
M. Ray Sturgeon |
M. Gordon O'Connor |
M. Ray Sturgeon |
M. Gordon O'Connor |
Bgén Darrell Dean |
M. Gordon O'Connor |
¹ | 1555 |
Bgén Darrell Dean |
M. Gordon O'Connor |
M. Ray Sturgeon |
M. Gordon O'Connor |
Le président |
M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ) |
º | 1600 |
M. Ray Sturgeon |
M. Gilles-A. Perron |
M. Ray Sturgeon |
M. Gilles-A. Perron |
Bgén Darrell Dean |
M. Gilles-A. Perron |
Bgén Darrell Dean |
M. Ray Sturgeon |
º | 1605 |
M. Gilles-A. Perron |
M. Ray Sturgeon |
Bgén Darrell Dean |
Mr. Gilles-A. Perron |
Bgén Darrell Dean |
Le président |
L'hon. Bill Blaikie (Elmwood—Transcona, NPD) |
º | 1610 |
Bgén Darrell Dean |
L'hon. Bill Blaikie |
M. Ray Sturgeon |
L'hon. Bill Blaikie |
Bgén Darrell Dean |
º | 1615 |
L'hon. Bill Blaikie |
M. Ray Sturgeon |
L'hon. Bill Blaikie |
M. Ray Sturgeon |
Le président |
L'hon. Bill Blaikie |
Le président |
L'hon. Larry Bagnell (Yukon, Lib.) |
M. Ray Sturgeon |
º | 1620 |
L'hon. Larry Bagnell |
M. Ray Sturgeon |
L'hon. Larry Bagnell |
Bgén Darrell Dean |
L'hon. Larry Bagnell |
BGen Darrell Dean |
º | 1625 |
Le président |
L'hon. Bill Blaikie |
Le président |
M. Ray Sturgeon |
Le président |
M. Ray Sturgeon |
Le président |
M. Rick Casson (Lethbridge, PCC) |
M. Ray Sturgeon |
M. Rick Casson |
M. Ray Sturgeon |
º | 1630 |
M. Rick Casson |
M. Ray Sturgeon |
M. Rick Casson |
M. Ray Sturgeon |
M. Rick Casson |
Bgén Darrell Dean |
Le président |
M. Ray Sturgeon |
Le président |
M. Ray Sturgeon |
º | 1635 |
Le président |
M. Ray Sturgeon |
Le président |
M. Ray Sturgeon |
Le président |
M. Ray Sturgeon |
Le président |
M. Ray Sturgeon |
Le président |
M. Ray Sturgeon |
Le président |
M. Ray Sturgeon |
Le président |
M. Anthony Rota (Nipissing—Timiskaming, Lib.) |
M. Ray Sturgeon |
M. Anthony Rota |
M. Ray Sturgeon |
M. Anthony Rota |
M. Ray Sturgeon |
M. Anthony Rota |
Bgén Darrell Dean |
M. Anthony Rota |
Bgén Darrell Dean |
M. Anthony Rota |
º | 1640 |
Bgén Darrell Dean |
M. Anthony Rota |
Bgén Darrell Dean |
Le président |
M. Gilles-A. Perron |
Bgén Darrell Dean |
M. Gilles-A. Perron |
M. Ray Sturgeon |
Le président |
L'hon. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Lib.) |
M. Ray Sturgeon |
L'hon. Keith Martin |
Mr. Ray Sturgeon |
L'hon. Keith Martin |
M. Ray Sturgeon |
º | 1645 |
L'hon. Keith Martin |
M. Ray Sturgeon |
L'hon. Keith Martin |
M. Ray Sturgeon |
L'hon. Keith Martin |
Bgén Darrell Dean |
L'hon. Keith Martin |
Bgén Darrell Dean |
M. Ray Sturgeon |
L'hon. Keith Martin |
Le président |
M. Dave MacKenzie (Oxford, PCC) |
Bgén Darrell Dean |
M. Dave MacKenzie |
BGen Darrell Dean |
M. Dave MacKenzie |
Bgén Darrell Dean |
º | 1650 |
M. Dave MacKenzie |
M. Ray Sturgeon |
M. Dave MacKenzie |
M. Ray Sturgeon |
M. Dave MacKenzie |
M. Ray Sturgeon |
M. Dave MacKenzie |
M. Ray Sturgeon |
M. Dave MacKenzie |
M. Ray Sturgeon |
M. Dave MacKenzie |
M. Ray Sturgeon |
M. Dave MacKenzie |
M. Ray Sturgeon |
M. Dave MacKenzie |
M. Ray Sturgeon |
M. Dave MacKenzie |
M. Ray Sturgeon |
Le président |
M. Ray Sturgeon |
Le président |
L'hon. Larry Bagnell |
M. Ray Sturgeon |
º | 1655 |
L'hon. Larry Bagnell |
Bgén Darrell Dean |
L'hon. Larry Bagnell |
Bgén Darrell Dean |
L'hon. Larry Bagnell |
Bgén Darrell Dean |
L'hon. Larry Bagnell |
Le président |
Mme Betty Hinton (Kamloops—Thompson—Cariboo, PCC) |
» | 1700 |
Bgén Darrell Dean |
Mme Betty Hinton |
Bgén Darrell Dean |
Mme Betty Hinton |
Bgén Darrell Dean |
Mme Betty Hinton |
Bgén Darrell Dean |
M. Ray Sturgeon |
Mme Betty Hinton |
M. Ray Sturgeon |
Mme Betty Hinton |
Le président |
Mme Betty Hinton |
M. Ray Sturgeon |
Mme Betty Hinton |
M. Ray Sturgeon |
Mme Betty Hinton |
Le président |
M. Michel Rossignol (attaché de recherche auprès du comité) |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le lundi 15 novembre 2004
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)): Je déclare ouverte cette huitième séance du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants.
Nous accueillons deux témoins aujourd'hui, que le comité est impatient d'entendre. Je propose que nous laissions chaque témoin faire une déclaration préliminaire. Messieurs, si vous voulez bien vous en tenir à une dizaine de minutes, ce serait apprécié. Nous laisserons ensuite la possibilité aux membres qui le souhaitent de poser des questions aux témoins.
J'ai le plaisir d'accueillir et de présenter le brigadier général à la retraite Darrell Dean, et M. Ray Sturgeon, qui est aussi retraité de son poste de sous-ministre adjoint principal chargé du matériel. Messieurs, je vous souhaite la bienvenue à tous deux. Peut-être pouvons-nous suivre l'ordre d'intervention de la convocation, et commencer avec le brigadier général Darrell Dean. Je vous laisse la parole.
Bgén Darrell Dean ((à la retraite), À titre individuel):
Bonjour mesdames et messieurs. J'ai été au service des Forces armées canadiennes pendant 36 ans. Les quatre dernières années, soit de 1991 à 1995, j'étais commandant du personnel de liaison de la Défense du Canada à Londres, en Grande-Bretagne. Ma fonction principale était de conseiller le haut-commissaire aux affaire militaires sur des questions qui touchaient ou pouvaient toucher les politiques du Canada, relativement aux affaires étrangères ou à la défense. La liaison entre le personnel politique et commercial du Haut-Commissariat était essentielle. Mon personnel se composait d'attachés de la marine, de l'armée et de la force aérienne, appuyés par un effectif administratif, des agents du renseignement en matière de défense, des scientifiques de la Défense, et des agents de l'assurance de la qualité détachés de l'effectif du ministre adjoint de la Défense chargé du matériel. J'étais aussi chargé du soutien direct de tout le personnel militaire canadien au Royaume-Uni qui faisait partie des postes d'échange y compris, évidemment, des personnes à leur charge.
Dans la hiérarchie militaire, je relevais directement du chef d'état-major de la Défense, le général Jean de Chastelain, à qui je rendais compte de mes activités. J'avais directement accès aux commandants de la marine, de l'armée et de la force aérienne, pour les questions qui les touchaient directement. J'avais aussi, de par la nature de mes fonctions de commandant du personnel de liaison de la Défense, directement accès à leurs homologues du ministère de la Défense du Royaume-Uni. De plus, mes fonctions m'amenaient à rencontrer les ministres de la Défense nationale et des Anciens combattants lorsqu'ils rendaient visite au Royaume-Uni, et à les conseiller relativement à toute question importante concernant les deux pays. J'organisais aussi des entretiens entre les ministres des deux pays, et j'étais chargé de dresser le rapport des décisions prises ou des ententes conclues à ces rencontres.
Plus tard, en 1992, j'ai appris de mes agents de l'assurance de la qualité—c'étaient des gens du bureau SMA chargé du matériel détachés à mon état-major—que le contrat des pièces de rechange pour les sous-marins de la classe Oberon serait bientôt échu et qu'il semblait n'y avoir que deux choix : acheter le contrat pour produire les pièces de rechange nécessaires au Canada ou réformer les sous-marins de la classe Oberon en raison du manque de pièces de rechange et de l'âge de ces bâtiments. Nous avions acheté ces sous-marins au début des années 1960. Le Canada et l'Australie, à l'époque, étaient les deux seuls pays qui utilisaient des sous-marins Oberon fabriqués en Grande-Bretagne. Les Australiens avaient choisi de remplacer leurs sous-marins vieillissants par une nouvelle flotte de sous-marins fabriqués chez eux. J'ai discuté de la situation avec le commandant de la marine, l'amiral Peter Cairns, et ai rendu compte de la situation au personnel naval du Quartier général de la Défense nationale.
En 1992, le gouvernement britannique a entrepris un examen de la défense, intitulé Options for Change, qui portait sur tous les aspects des systèmes de défense du Royaume-Uni. Les États-Unis avaient entamé un exercice similaire de rationalisation, en cette période de l'après-guerre froide. Il en a découlé une avalanche d'équipement excédentaire vers les pays de l'OTAN qui souhaiteraient louer, emprunter en vue de l'achat, ou acheter cet équipement excédentaire. La décision de supprimer les sous-marins de la classe Victoria ou, comme nous l'appelons parfois, la classe Upholder de l'inventaire de la Marine royale était une conséquence directe de Options for Change.
En novembre 1983, le ministère de la Défense britannique avait octroyé le premier de quatre contrats de production de la classe Upholder-Victoria à Vickers. En 1986, les deuxième, troisième et quatrième bâtiments ont été commandés à un chantier naval, Cammell Laird, situé à Birkenhead. Le premier, l'Upholder, a été mis en service en 1990, l'Unseen, en 1991, l'Ursula, en 1992, et l'Unicorn, en 1993. Mais en conséquence d'Options for Change, alors que ces tout nouveaux sous-marins étaient mis en service, la marine britannique a dû faire un choix entre des sous-marins nucléaires et non nucléaires. Ils ont choisi les premiers, et les sous-marins de la classe Upholder ont été mis hors service. Le dernier a être entré en service, l'Unicorn, n'avait eu que 400 jours de service commandé.
On peut le comprendre, le gouvernement britannique était pressé de vendre ces sous-marins, en priorité à d'autres pays membres de l'OTAN et, en second lieu, à des pays acceptables qui n'en font pas partie.
À l'automne de 1993, le ministre de la Marine britannique, l'amiral sir Benjamin Bathurst, a communiqué avec moi pour m'aviser que la Marine royale mettait sur le marché quatre sous-marins de classe Upholder et qu'elle souhaitait donner la priorité du choix au Canada. D'autres partenaires de l'OTAN, le Portugal et la Grèce, avaient aussi manifesté leur intérêt pour ces sous-marins, et aussi l'Afrique du Sud, qui n'est pas membre de l'OTAN. Trois autres pays faisaient activement pression sur le gouvernement britannique, bien plus que les pays de l'OTAN, pour qu'il leur vende ces sous-marins. Les Britanniques ne souhaitait vendre ces bâtiments à aucun d'eux. Le protocole diplomatique m'interdit de nommer ces pays dans le cadre d'une enquête publique.
L'amiral Bathurst m'a dit que les sous-marins pourraient être achetés à un prix très raisonnable en échange d'une prolongation négociée du bail d'une base d'entraînement en vol à basse altitude du Labrador et de l'entraînement de l'armée terrestre britannique à Suffield, en Alberta. J'ai répondu que j'allais transmettre cette offre au quartier général de la Défense nationale et au quartier général de la marine.
Peu après cette discussion avec l'amiral Bathurst, notre ministre de la Défense, M. David Collenette, et le sous-ministre, M. Robert Fowler, ont fait escale à Londres à la suite d'une conférence des ministres de l'OTAN qui avait eu lieu à Bruxelles. C'est là que j'ai communiqué la proposition reçue au ministre et au sous-ministre. Ils ont parlé du fait qu'un examen de la défense devait être bientôt entrepris. Il a aussi été question du problème de déficit budgétaire du pays, doublé de la situation du système de santé, qui préoccupent grandement le gouvernement. Il était évident qu'il serait des plus difficile de convaincre le Cabinet et d'obtenir l'appui de la population canadienne.
Il faudrait que le projet soit très bien synchronisé et orchestré et très clairement intégré à l'examen de la défense qui était prévu. Un bureau de projet devrait être créé selon les lignes directrices du gouvernement en matière d'acquisition. Je devais aussi dire aux Britanniques que nous étions très intéressés par leur offre mais qu'il faudrait beaucoup de temps pour la faire passer par tous les paliers du gouvernement, si par ailleurs l'examen de la défense concluait que le Canada avait besoin de sous-marins en période d'après-guerre. Les Britanniques se sont déclarés tout à fait disposés à attendre, mais ils ont demandé que notre ministre de la Défense envoie une lettre à M. Malcom Rifkind, le nouveau ministre de la Défense de la Grande-Bretagne.
En 1994, les sous-marins Upholder ont été mis en cale sèche et remisés. C'est aussi en 1994 qu'un bureau de gestion de projet a été créé au Quartier général de la Défense nationale. Les négociations sur le financement et d'autres aspects de l'achat des sous-marins se sont poursuivies pendant le reste de mon mandat, dans le cadre de rapports entretenus strictement entre les marines et les gouvernements des deux pays.
C'est en 1995, je crois, que le premier des équipages canadiens est arrivé en Grande-Bretagne pour entreprendre sa formation sur les sous-marins. En avril 1998, trois ans après mon départ à la retraite, le ministre de la Défense nationale, M. Art Eggleton, a annoncé publiquement l'acquisition par bail-achat de quatre sous-marins de classe Upholder devant remplacer les vieux sous-marins de la classe Oberon.
Mesdames et messieurs, ceci termine mes observations, et je pourrai répondre à vos questions, après l'intervention de M. Sturgeon bien entendu.
¹ (1540)
Le président: Merci beaucoup, général Dean.
Monsieur Sturgeon, vous avez la parole.
M. Ray Sturgeon (À titre individuel): Merci, monsieur le président.
Vous l'avez entendu tout à l'heure, mesdames et messieurs, je suis Ray Sturgeon, et j'ai été sous-ministre adjoint principal chargé du matériel au ministère de la Défense nationale en 1992, 1993 et 1994. Je suppose que c'est la raison pour laquelle j'ai été invité devant vous cet après-midi.
Pour nous situer un peu, je pense qu'il est important de souligner que j'ai été au ministère de la Défense nationale pendant 39 ans et quatre mois. La plus grande partie de cette période, j'ai été chargé d'activités dans le domaine de la gestion du matériel et d'un large éventail de projets et d'activités d'acquisition pour l'armée, la marine et la force aérienne. C'est ainsi que j'ai participé aux toutes premières étapes de l'acquisition des sous-marins de la classe Upholder du gouvernement britannique.
Bien que je ne voie pas tellement en quoi je peux être vraiment utile à ce comité, je suis prêt, bien sûr, à donner des éclaircissements au mieux de mes connaissances et de mes souvenirs, du moment qu'on n'oublie pas que le temps a passé depuis. Cela étant dit, toutefois, en tant que citoyen et contribuable, je dois admettre que je suis quelque peu étonné que le comité ait entrepris cette enquête.
Je dois vous dire que je suis d'accord avec mon collègue de la Défense, le vice-amiral Cairns, qui s'étonnait, lui aussi, dans son témoignage devant vous, dernièrement, de ce que cette enquête ait été entreprise en même temps qu'une commission d'enquête militaire était mise sur pied pour déterminer la cause de l'incident survenu récemment sur le HMCS Chicoutimi.
Je ne doute pas un instant que la commission d'enquête militaire ira jusqu'au fond de l'incident du Chicoutimi, et ses conclusions seront certainement rendues publiques. Il est, c'est certain, regrettable que l'incident du Chicoutimi ait coûté la vie à un officier de la Marine, mais la commission d'enquête se penchera aussi sur cette tragédie.
D'après ce que je comprends, l'enquête de ce comité est centrée sur le raisonnement et les processus qui ont mené à l'entente entre les deux gouvernements du Canada et du Royaume-Uni, en vue de l'acquisition des Upholder usagés. Bien que je puisse peut-être vous expliquer un peu la démarche, je tiens à préciser que mon point de vue de la situation est assez bien décrit dans l'article de David Pugliese, publié dans l'Ottawa Citizen du 13 novembre 2004.
Je me demande, par conséquent, si le comité mène cette enquête pour déterminer si les coûts des sous-marins sont justifiés comparativement à la capacité opérationnelle qu'ajoute la flotte à la marine, aux Forces armées canadiennes, au pays, pourquoi le comité ne s'est pas aussi intéressé à d'autres décisions douteuses qu'a prises le gouvernement en matière d'approvisionnement? Je peux donner l'exemple de l'annulation du contrat des hélicoptères EH-101 en 1993 pour des motifs qui étaient, de toute évidence aux yeux de tous les observateurs, d'ordre politique. Cette décision politique a coûté aux contribuables des millions de dollars, sinon des milliards si on tient compte des dépenses irrécupérables de l'État, des pénalités imposées pour l'annulation du contrat et du coût accru de l'exploitation et de la prolongation du service de la flotte vieillissante des Sea King qui, du moins certains observateurs le prédisent, ne seront pas remplacés avant au moins 2010.
Je sais que vous vous intéressez plus, aujourd'hui, à l'achat des sous-marins de la classe Upholder-Victoria. De façon générale, à mon avis, l'achat de sous-marins du gouvernement du Royaume-Uni a été une excellente affaire pour le Canada. Deuxièmement, bien que la vaste procédure de réactivation des sous-marins ait posé quelques problèmes, je suis sûr qu'ils ont été réglés ou le seront. Enfin, les sous-marins de la classe Victoria donneront à la Marine la capacité dont elle a besoin pour s'acquitter de ses rôles et missions que lui assigne le gouvernement.
Je suis prêt, comme le général Dean, à répondre à vos questions.
¹ (1545)
Le président: Merci, monsieur Sturgeon.
Nous ne sommes intéressés aujourd'hui qu'à discuter de l'achat de quatre sous-marins du gouvernement britannique. J'allais vous demander de revenir à cela, et vous l'avez fait. Comme je l'ai dit au vice-amiral Cairns, et je le répète pour le compte rendu, le comité a trouvé qu'il y avait peut-être eu un nombre excessif de problèmes avec ces quatre sous-marins. Il veut déterminer si c'est vraiment le cas, et examiner le contexte dans lequel le gouvernement canadien a pris cette décision, et il veut cerner l'interaction entre les avis qu'ont donné les experts navals aux divers gouvernements et aux ministres qui sont intervenus. Je dois vous dire en tant que président du comité, qu'il y a un vaste consensus, autour de la table, selon lequel ce sont des questions que les députés sont tout à fait justifiés de poser et nous n'allons certainement pas nous en excuser.
Nous apprécions votre venue. Nous savons que votre point de vue est celui de quelqu'un qui a participé à cette démarche du camp militaire, et nous voulons entendre exactement ce que vous avez dit. Si vous trouvez que c'était une excellente affaire, tant mieux. Nous estimons, étant donné le nombre de problèmes qu'on posés ces sous-marins en particulier, et surtout le HMCS Chicoutimi et la tragédie qui s'y est déroulée, le décès du lieutenant Saunders, que ce sont des questions tout à fait justifiées et nous sommes déterminés à les poser en tant que comité. C'est donc ce que nous allons faire maintenant.
Je voudrais seulement rappeler à mes collègues qu'il y a eu une question et une réponse, alors je demande à l'interrogateur et au répondant d'être aussi succincts que possible. C'est un tour de sept minutes pour la question et la réponse.
Nous commençons avec M. O'Connor.
M. Gordon O'Connor (Carleton—Mississippi Mills, PCC): Merci, monsieur le président.
Je vais commencer avec un commentaire. Je réitère que nous n'examinons pas l'incident survenu sur le HMCS Chicoutimi. C'est un aspect technique, il faut décider ce qui a causé le feu, etc. Comme l'a dit le président, nous nous intéressons à d'autres aspects, le processus d'approvisionnement et celui de formation. Nous vérifions divers processus pour voir si les problèmes systémiques que connaissent ces sous-marins sont attribuables à de mauvaises décisions, ou tout simplement à la nature des sous-marins.
Général Dean, quand vous énonciez des dates, je pense que vous avez dit que le premier problème s'est posé en 1992, quand le gouvernement du Royaume-Uni a annoncé qu'il n'y aurait plus de pièces de rechange pour les Oberon, donc il fallait prendre une décision. Monsieur, l'une de ces dates m'a étonné. Je pense que vous avez dit qu'en 95, nous avons envoyé des équipes navales pour suivre une formation sur ces sous-marins.
¹ (1550)
Bgén Darrell Dean: Il y avait un mouvement constant d'officiers et de membres des Forces canadiennes au Royaume-Uni, pour divers cours de formation. Un assez grand nombre de ces cours navals avaient lieu à Faslane. Nous avons eu des sous-mariniers qui sont passés par l'ELFC de Londres pour aller à Faslane, particulièrement après que le bureau de projets ait été créé. Ils sont allés par groupes de deux, trois ou quatre, suivre des cours. Sans qu'on me dise pourquoi ils allaient là, comme j'étais le commandant du personnel de liaison de la Défense, j'ai supposé, puisqu'ils étaient des sous-mariniers, que c'était pour commencer à examiner ces Upholders. J'ai pensé en 1995, peu après mon départ à la retraite, qu'il y avait encore des gens qui allaient là-bas pour examiner les Upholder.
M. Gordon O'Connor: D'accord. J'essaie seulement de déterminer s'ils y allaient pour suivre une formation ou pour faire une inspection. Est-ce que le personnel naval du Canada allait là pour suivre une formation, ou dans un rôle d'inspection, relativement à ces sous-marins, avant 1995?
Bgén Darrell Dean: Avant 1995, il y avait probablement des gens qui allaient là-bas inspecter ou regarder les sous-marins, pour une raison ou une autre. Je pense que la formation n'a commencé qu'après mon départ en 1995, quand les équipes ont commencé à y aller pour faire certains travaux sur les bâtiments.
M. Gordon O'Connor: Peut-être cela débordait-il de votre domaine de connaissance, mais je trouve bizarre que nos équipages reçoivent une formation sur les sous-marins Upholder alors que nous n'avons même pas encore décidé de les acheter.
Bgén Darrell Dean: Je ne peux pas répondre à cette question. Je sais que le personnel de la marine est allé à Faslane suivre une formation. C'est à Faslane qu'il y avait des sous-marins. Il est certain qu'ils n'allaient pas là pour recevoir une formation sur les Oberon.
M. Gordon O'Connor: D'accord.
Monsieur Sturgeon, pendant la période où vous étiez sous-ministre adjoint chargé du matériel, au début de ce processus, avez-vous été appelé le moindrement à envoyer des équipes au Royaume-Uni pour inspecter les sous-marins d'un point de vue technique?
M. Ray Sturgeon: Oui. Je pense que c'était l'été 1993. Là encore, je n'ai pas parlé au général Dean depuis qu'il a pris sa retraite, mais si je me souviens bien, nous avons envoyé des équipes en 1993 pour discuter de la possibilité de l'achat de ces sous-marins. De fait, en mars 1993, l'amiral Cairns et moi-même sommes allés au Royaume-Uni avec l'aval du ministre de la Défense, pour entamer des discussions préliminaires sur la possibilité que le Canada soit intéressé à l'achat de ces sous-marins.
M. Gordon O'Connor: Dans ces discussions préliminaires, de quels genres de choses avez-vous discuté?
M. Ray Sturgeon: C'était, en premier lieu, pour déterminer quand les sous-marins seraient disponibles, si on se souvient qu'on venait seulement annoncer qu'ils allaient être mis hors service et, deuxièmement, pour exprimer un intérêt, s'ils étaient disponibles pour un prix acceptable, pour signaler l'intérêt possible du Canada à enclencher les négociations.
M. Gordon O'Connor: À ce moment-là, vous a-t-on dit qu'il pourrait y avoir d'autres pays intéressés à ces sous-marins?
M. Ray Sturgeon: Pas en 1993.
M. Gordon O'Connor: D'accord.
Général Dean, j'essaie seulement de me rappeler le début de votre témoignage. Quand avez-vous appris que d'autres pays pouvaient s'intéresser à cela?
Bgén Darrell Dean: Lorsque je m'en suis entretenu avec le ministre de la Marine, Benjamin Bathurst, il m'a dit que l'Afrique du Sud, la Grèce et le Portugal étaient intéressés à l'achat de ces sous-marins. C'était à la fin de 1993, je crois en octobre ou en novembre.
M. Gordon O'Connor: Est-ce qu'il vous a donné la moindre indication qu'il préférait que ce soit le Canada qui achète ces sous-marins?
¹ (1555)
Bgén Darrell Dean: Oui, il l'a fait. Comme je l'ai dit tout à l'heure, trois ou quatre pays insistaient pour acheter ces sous-marins. Il est clair que les Britanniques ne voulaient pas les leur vendre. Ils savaient que comme l'Australie, nous avions formé nos sous-mariniers sur la base navale britannique de Faslane et nous entretenions de bons rapports avec eux. Alors, évidemment, nous étions un premier choix pour eux depuis qu'ils avaient compris que Options for Change allait les obliger à faire un choix entre une flotte nucléaire ou non nucléaire.
M. Gordon O'Connor: Monsieur Sturgeon, lorsque vous avez eu ces premiers entretiens avec le Royaume-Uni, vous a-t-on donné une idée de ce que cela pourrait coûter?
M. Ray Sturgeon: Non, pas dans les premiers entretiens. Ils nous ont seulement dit qu'ils étaient très disposés à s'asseoir avec nous et commencer à négocier. Il ne faut pas oublier que ce n'était que des négociations préliminaires, pour leur dire que nous pourrions être intéressés. De fait, nous n'avions aucune idée des paramètres de base de l'enclenchement des négociations. Plus tard, nous avons chargé une équipe des discussions plus détaillées.
M. Gordon O'Connor: D'accord.
Je vous remercie.
Le président: Merci, monsieur O'Connor.
[Français]
Monsieur Perron, vous disposez de sept minutes.
M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Bonjour, monsieur le président. Bonjour, messieurs, et bienvenue chez nous. Je vais essayer d'être le plus bref et le plus direct possible. Je vais poser des questions courtes et il faudrait que les réponses le soient encore plus.
Je vais vous exposer mon scénario. Si vous pensez que je suis dans l'erreur, n'hésitez pas à m'arrêter et à me corriger. On commence.
Si ma mémoire est bonne, au milieu des années 1980, tant les militaires que le gouvernement avaient décidé de se débarrasser des sous-marins Oberon. Il n'avaient pas pris la décision finale, mais ils penchaient pour le sous-marin nucléaire. Autrement dit, ils voulaient se débarrasser des trois sous-marins Oberon et acheter six sous-marins modernes de type nucléaire, de classe Trafalgar, qui étaient construits en Grande-Bretagne.
Vers 1989, la Guerre froide étant finie, on a décidé d'annuler l'achat de sous-marins atomiques. J'ai l'impression que l'industrie maritime de la Grande-Bretagne, qui venait de perdre la vente de six sous-marins nucléaires, n'était pas très satisfaite de la position canadienne. Vrai ou faux?
º (1600)
[Traduction]
M. Ray Sturgeon: Puis-je intervenir? Je ne pense pas que quiconque sache vraiment si les sous-marins nucléaires devaient être achetés de la Grande-Bretagne ou de la France. Comme tout le monde le sait, il y avait deux candidats, mais on n'a jamais su qui était le gagnant. Donc que ce soit la Grande-Bretagne ou la France, je l'ignore. Je participais aux activités d'approvisionnement à l'époque, et je n'ai pas connu les résultats de l'évaluation au moment où le gouvernement a décidé d'abandonner ce projet particulier.
[Français]
M. Gilles-A. Perron: Selon les recherches que j'ai faites, la majorité des journalistes ou des experts maritimes de l'époque disaient qu'il y avait huit chances sur dix que ce soit un sous-marin anglais et deux sur dix que ce soit un sous-marin français. Donc, les statistiques étaient très bonnes.
[Traduction]
M. Ray Sturgeon: Mais je dirais que ce n'était que de la pure spéculation de la part des journalistes, et...
[Français]
M. Gilles-A. Perron: Continuons. Le gouvernement britannique venait de perdre la vente de six sous-marins nucléaires et le gouvernement canadien a décidé d'acheter quatre sous-marins diesels électriques de type Upholder. Étant donné qu'il venait de perdre des ventes, est-ce que le gouvernement britannique n'a pas exercé des pressions un peu indues sur l'armée ou sur le gouvernement canadien, ou est-ce que les relations de grand frère à petit frère entre le Canada et la Grande-Bretagne n'ont pas fait que nous avons tout naturellement accepté d'acheter des sous-marins de type Upholder?
[Traduction]
Bgén Darrell Dean: Pendant que j'étais commandant de l'État-major de liaison des Forces canadiennes, il n'y a eu, à ma connaissance, aucune pression exercée sur moi-même ou mon personnel concernant les Upholders. L'occasion s'est manifestée à la suite de l'initiative Options for Change, qui s'est accompagnée d'une réduction considérable des Forces navales britanniques, lesquelles avaient alors le choix entre une flotte nucléaire et une flotte traditionnelle. À la lumière de leur expérience avec un sous-marin nucléaire pendant la guerre des Malouines, les Britanniques ont jugé qu'ils avaient besoin de la valeur stratégique de cet outil. Les quatre sous-marins Upholders étaient alors en cours de production et, je le répète, aucune pression n'a été exercée, en tout cas certainement pas sur mon personnel, pour que nous fassions l'acquisition de ces sous-marins. Nous avions droit à la première option d'achat, mais je ne crois pas qu'aucune pression n'ait été exercée.
[Français]
M. Gilles-A. Perron: On aurait aussi pu faire des recommandations indirectes au gouvernement et aux militaires, par exemple en leur disant qu'on ne pouvait plus leur donner de pièces pour les vieux Oberon. Ç'aurait pu être un autre moyen de vous inciter à acheter des Upholder.
[Traduction]
Bgén Darrell Dean: Je vais répondre à la première partie de votre question, puis j'aimerais laisser M. Sturgeon poursuivre.
Au début des années 90, mon personnel était en détachement et achetait des pièces de rechange pour nos sous-marins. Les Britanniques nous ont alors avertis, les Australiens et nous-mêmes, que le contrat pour la production de ces pièces de rechange allait être résilié. Les Britanniques n'avaient plus de sous-marins de type Oberon à ce moment-là et le contrat arrivait à échéance. On m'a dit qu'on pourrait nous donner l'option de prendre en charge le contrat pour poursuivre la production des pièces de rechange, si nous le désirions. J'ai transmis cette information au quartier général de la Martine et au quartier général de la Défense nationale.
Je crois que M. Sturgeon pourra probablement vous donner plus de détails à ce sujet. Il était sous-ministre adjoint responsable du matériel à ce moment-là, et ce sont ses employés qui se trouvaient en Grande-Bretagne et faisaient l'acquisition de ces pièces de rechange.
M. Ray Sturgeon: Monsieur Perron, non seulement n'y a-t-il pas eu de pression directe de la part des Britanniques, mais c'est nous qui avons fait l'offre initiale. C'est nous, du ministère de la Défense nationale, qui avons constaté qu'il y avait possibilité de tirer parti de la situation qui prévalait au Royaume-Uni et c'est nous qui avons fait la première offre au gouvernement britannique en mars 1993. En fait, c'est moi-même, comme je l'ai déjà mentionné, qui me suis rendu au Royaume-Uni avec l'amiral Cairns et, compte tenu des circonstances, je ne suis pas passé, comme je l'aurais fait normalement, par l'ELFC pour mener ces discussions préliminaires, car elles étaient effectivement très préliminaires. Nous recevions des ordres directement du ministre de la Défense nationale quant à la façon de mener ces discussions. Cela ne s'est pas fait sur l'ordre du gouvernement britannique.
º (1605)
[Français]
M. Gilles-A. Perron: Quel était l'âge des quatre sous-marins Upholder lorsque vous les avez acquis? Ils étaient en cale sèche depuis 1994, si j'ai bien compris. Quel âge avaient-ils en 1994? Quand ont-ils été construits?
[Traduction]
M. Ray Sturgeon: Pendant que le général cherche la réponse dans ses notes, je peux vous dire que je me rappelle que les quatre sous-marins n'ont pas tous été mis en service. À l'époque, je crois que l'un d'eux sortait à peine de la chaîne de production. Le Upholder était déjà en service. Je crois qu'un ou deux des autres l'étaient peut-être également mais, si mon souvenir est exact, les quatre sous-marins n'étaient pas tous en service.
Bgén Darrell Dean: La première commande pour débuter la construction des quatre sous-marins a été placée par les Britanniques en 1983. Upholder, qui est le nom du premier, a été mis en service en 1990; Unseen, le deuxième, a été mis en service en 1991; Ursula a été mis en service en 1992; et Unicorn, le dernier à sortir de la chaîne de production, a été mis en service en 1993. Il s'agissait donc de sous-marins relativement neufs.
Mr. Gilles-A. Perron: Et l'année suivante ils les ont placés en cale sèche parce qu'ils n'aimaient pas ces sous-marins, ou...?
Bgén Darrell Dean: Non. Dans le cadre de l'initiative Options for Change , les trois services des Forces britanniques ont subi des réductions draconiennes. On nous a alors offert des chars d'assaut et des pièces d'artillerie. Les Américains faisaient la même chose. La Marine britannique devait faire un choix entre les sous-marins nucléaires stratégiques et les sous-marins diesel électriques; ils ont retenu l'option nucléaire.
Le président: Merci.
[Français]
Merci, monsieur Perron.
[Traduction]
Monsieur Blaikie, vous avez sept minutes.
L'hon. Bill Blaikie (Elmwood—Transcona, NPD): Merci, monsieur le président.
Je ne sais pas si on devrait trouver ça étrange ou non, mais il me semble que le brigadier-général Dean vient tout juste d'apprendre que six mois avant que les Britanniques n'entrent en contact avec lui, alors même qu'il croyait que l'initiative venait d'eux, l'autre témoin ici présent, accompagné d'une autre personne, s'était déjà rendu au Royaume-Uni pour faire une démarche au nom du gouvernement canadien. Il lui aura fallu beaucoup de temps pour être mis au courant. Cela montre que notre enquête a peut-être son utilité après tout, si elle peut nous permettre de savoir comment le gouvernement a procédé dans ce dossier. Nos gens en place au Royaume-Uni croient que le gouvernement britannique prend l'initiative d'entrer en contact avec eux, alors même qu'une autre démarche a été entreprise six mois auparavant sans qu'ils ne soient mis au courant, et sans qu'on sache encore vraiment pourquoi.
Ce qui m'étonne, c'est que nous étions sous l'impression—mes collègues du comité pourront me corriger, si je fais erreur—qu'il y a eu deux décisions. Le Canada devait à un certain moment faire l'acquisition de ces sous-marins, puis a décidé de ne pas le faire, avant de décider par la suite de les acheter. Si nous avons bien compris, c'est peut-être—et j'insiste sur le peut-être—ce qui a pu compliquer les choses, parce que leur acquisition à une date ultérieure signifiait qu'ils allaient passer plus de temps en cale sèche, ce qui augmentait d'autant les effets d'un tel séjour, quels que soient lesdits effets.
Vous deux semblez toutefois dire, de différentes façons, que toute cette démarche s'est inscrite dans un processus continu. On n'aurait donc pas décidé à un moment donné—je crois que c'est ce que nous avons entendu, peut-être de la bouche de Collenette—de ne pas les acheter, avant une décision de Eggleton d'en faire l'acquisition. Si je comprends bien ce que vous nous dites, dès le départ, que les choses aient débuté à l'automne 1993 lorsqu'ils sont entrés en contact avec vous ou en mars 1993 lorsque vous leur avez fait une offre, on s'est engagé dans un processus continu, au cours duquel on a peut-être même dispensé de la formation. Je poursuis ici dans le sens de la question posée par mon collègue conservateur.
Quoi qu'il en soit, vous semblez nous dire que le processus s'est déroulé de façon continue à compter du moment où il a été enclenché et qu'il n'y a pas eu deux décisions. Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet? C'est en tout cas ce que semblaient indiquer les témoignages que nous avons entendus avant les vôtres.
º (1610)
Bgén Darrell Dean: Pour autant que je sache, monsieur Blaikie, il s'agissait effectivement d'un processus continu. Je n'ai jamais eu vent d'aucune rupture dans ce processus. Je n'en ai jamais parlé à Kim Campbell lorsqu'elle est venue nous visiter au Royaume-Uni à titre de premier ministre. Il est toutefois bien certain que j'en ai discuté avec M. Collenette et M. Robert Fowler. À leur départ, ils m'ont laissé des directives très claires sur ce que j'avais à faire : je devais indiquer aux Britanniques que le processus allait être long, mais que nous étions très certainement intéressés.
Le problème, et je crois que cela va dans le sens des commentaires de M. Sturgeon, c'est qu'il y a eu un changement de gouvernement qui a eu pour effet de ralentir les démarches entreprises. De plus, le problème du déficit et la question des soins de santé étaient encore les grandes priorités du gouvernement de l'époque. Je devais aller voir les Britanniques et leur dire que nous étions effectivement intéressés, mais qu'il faudrait un certain temps pour faire accepter cette décision par le cabinet et obtenir le soutien de la population canadienne une fois que cette décision serait effectivement prise. Je n'ai jamais entendu dire que la décision avait été changée. Il est possible que cela se soit produit après ma retraite, mais certainement pas pendant que j'étais à Londres.
L'hon. Bill Blaikie: Nous avons aussi observé des contradictions concernant ce que certains ont appelé le troc ou l'échange, ou peu importe—l'entente initiale, si vous voulez. Cette entente devait être bien orchestrée pour que les Canadiens l'acceptent. Il y a eu cette idée, il me semble, qu'on faisait un troc, qu'on obtenait les sous-marins bon marché, qu'il n'y avait pas de mise de fonds, qu'on prolongeait le contrat au Labrador, ou à Suffield, ou peu importe. Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet? M. Williams nous a dit que c'était un achat en espèces dès le début et qu'il ne savait pas d'où venait cette idée de troc.
Comme vous pouvez le constater, il y a certaines choses que nous devons éclaircir et que la commission d'enquête ne va pas examiner.
M. Ray Sturgeon: C'est juste.
Encore une fois, je ne comprends pas M. Williams. Je crois que je peux le dire en toute franchise, puisque il est un de mes successeurs. Lorsque le gouvernement a annoncé le système de troc, j'ai très bien compris que, puisqu'il n'y aurait probablement pas d'échange d'argent entre les deux pays, il fallait simplement équilibrer les livres pour la formation, à Suffield et à Goose Bay, et tout autre type de transactions que vous aimeriez avoir.
De mon point de vue, et d'après ma vaste expérience au ministère de la Défense nationale, c'est un exercice de comptabilité; c'est de la mécanique. Je ne sais vraiment pas pourquoi le système de troc annoncé dans le cadre de l'entente originale ne s'est pas concrétisé et, à mes yeux, il aurait été facile pour n'importe qui de procéder ainsi. Pourquoi on a changé d'avis, je n'en ai pas la moindre idée. Il faudrait poser la question à M. Williams et aux autres personnes qui sont actuellement en poste au ministère de la Défense nationale.
L'hon. Bill Blaikie: Vous étiez à Londres de 1991 à 1995, n'est-ce pas? Je crois que c'est en 1991 qu'un comité parlementaire s'est penché sur les sous-marins de la classe Upholder et a rédigé un rapport. Étiez-vous au courant de cela à cette époque et est-ce que cet examen paraissait d'une façon quelconque dans votre...? Certains problèmes avaient été signalés à ce moment-là.
Bgén Darrell Dean: C'est exact. Simplement, d'après ce que j'ai lu... et je ne suis pas un officier de la marine, je suis un officier de l'armée. Il y a trois systèmes d'armes qui peuvent être lancés par les tubes lance-torpilles, et le lancement des torpilles posait certains problèmes. Il y a eu aussi des problèmes contractuels avec une des entreprises, je crois que c'est la deuxième entreprise à laquelle on avait passé une commande. Il s'agissait de problèmes de nature contractuelle, parce que certaines étapes n'avaient pas été achevées dans les délais prévus. Je n'en connais pas les détails. Ce que je sais, c'est qu'il y avait des problèmes relativement aux tubes lance-torpilles, sur le premier Upholder qui a pris le large. Ces problèmes ont été réglés et ils ont été corrigés sur les trois autres sous-marins au moment de leur construction.
Je suis désolé, mais je ne peux vous donner de détails techniques. C'est ce que j'ai lu à propos de l'Upholder, et c'était probablement du domaine public à ce moment-là.
º (1615)
L'hon. Bill Blaikie: J'ai une dernière question, monsieur le président.
Je remarque dans nos notes, monsieur Sturgeon, que vous faites partie d'un groupe d'experts-conseils qui porte le nom de CFN Consultants. Selon l'information qui nous a été fournie, BAE Systems est l'un de vos clients. Cette entreprise faisait aussi partie du consortium qui a effectué des travaux sur les sous-marins en Grande-Bretagne.
Au cours d'une réunion, quelqu'un a mentionné qu'il y avait deux BAE, une là-bas et une autre ici. Pouvez-vous nous en dire davantage? Comment ça fonctionne? Qui fait quoi sur les sous-marins?
M. Ray Sturgeon: BAE Systems est une grande multinationale, comme vous le savez, et BAE Systems Canada a été établie pour assurer le soutien des sous-marins canadiens. Cette entreprise a des bureaux ici à Ottawa, et elle a un bureau et elle travaille à l'IMF, l'installation de maintenance de la flotte, à Halifax. Elle a aussi du personnel sur la côte Ouest pour soutenir...
L'hon. Bill Blaikie: Il s'agit donc d'une entreprise canadienne qui a été établie spécialement par suite de l'achat de ces sous-marins. Elle n'existait pas auparavant.
M. Ray Sturgeon: C'est exact.
Le président: Merci, monsieur Blaikie.
Pour le compte rendu—je ne suis pas certain que M. Blaikie était présent à ce moment précis de la réunion, et je crois que c'est important de le rappeler—, nous avions l'impression, nous avions compris et il a été déclaré que c'était un troc... des installations d'entraînement en échange de ces sous-marins à un prix nominal. C'est M. Williams qui nous a dit très clairement lors d'une réunion que ce n'était pas le cas—je me souviens de lui avoir posé moi-même des questions à ce sujet, et vous étiez là—, que l'argent des contribuables canadiens était déposé dans un certain compte, dont il était au courant, et que les livres sterling britanniques allaient dans un autre compte. Je ne suis pas certain que M. Blaikie était là.
Les membres du comité se souviendront que le ministre a comparu récemment et qu'il a abordé cette question. Il a dit que l'idée d'établir des bases pour les sous-marins était une option, mais qu'au bout du compte, cette option n'a pas été retenue et qu'on a plutôt décidé de procéder à cet échange d'argent. Je ne suis pas certain que nous avons très bien compris pourquoi, et je crois qu'il s'agit d'un point valable.
Je crois aussi que quelques...
L'hon. Bill Blaikie: Pourquoi nous ont-ils laissés si longtemps avec cette impression, après qu'ils ont su...
Le président: Cette impression était bien réelle. Ce fut toute une révélation lorsque M. Williams a dit au comité qu'on avait procédé d'une façon plutôt que de l'autre. À mon avis, il y a eu certaines incohérences.
Pour votre information et parce que vous avez demandé pourquoi nous faisions cette étude, pour dire vrai, plus nous examinons la chose, plus il devient évident qu'il nous faut obtenir quelques réponses, des réponses cohérentes, que nous n'avons malheureusement pas encore obtenues. Je dois donc vous dire que nous allons insister sur cette question. Il est important que nous comprenions pourquoi nous avons acheté ces importantes pièces d'équipement pour les Forces canadiennes et comment nous les avons achetées, et il faut que ce soit très clair.
Cette annonce étant faite par votre président, j'aimerais donner la parole à M. Bagnell pour sept minutes.
L'hon. Larry Bagnell (Yukon, Lib.): Merci, messieurs, d'être venus. Je suis le seul membre du comité qui vient du Nord, alors permettez-moi de défendre mes intérêts.
J'ai une première question à poser à M. Sturgeon. La plus grande partie du littoral canadien se trouve dans l'Arctique, en présumant que nous maintenons notre souveraineté dans cette région. Il s'agit de la zone arctique du pays, où l'on trouve une multitude d'îles et tout. Pourquoi avoir acheté des sous-marins qui ne pouvaient pas aller dans cette région?
M. Ray Sturgeon: Monsieur le président, cette question devrait être posée aux opérateurs. Nous sommes de simples agents d'approvisionnement qui, une fois les exigences définies, vont acheter l'équipement qui répond à ces exigences. Je crois que c'est pour cette raison que le Canada voulait d'abord acheter des sous-marins à propulsion nucléaire : parce qu'ils pouvaient patrouiller les trois côtes du pays, y compris la côte de l'Arctique.
Comme vous le savez, on avait prévu de doter les sous-marins Upholder d'un système de propulsion anaérobie dans le cadre du carénage de mi-vie, qui devait avoir lieu—j'oublie la date exacte—en 2008 ou 2010, environ. Ainsi, ils auraient eu une plus grande capacité pour patrouiller la côte de l'Arctique également.
Je pense que le commandant de la Marine et le chef d'état-major de la défense sont venus ici auparavant, et ils reviendront peut-être, mais je crois qu'il vaudrait mieux leur poser ce type de questions.
º (1620)
L'hon. Larry Bagnell: C'est ce que j'ai fait.
En 1994 et 1995, une certaine somme d'argent était prévue dans le budget des dépenses pour des travaux de recherche sur les systèmes de propulsion anaérobie. Pouvez-vous nous en dire un peu plus?
M. Ray Sturgeon: Je ne suis pas certain des années, mais je peux affirmer que, lorsque j'étais SMA (Matériels), nous avions passé un contrat de R et D avec Ballard Power Systems de Vancouver pour la mise au point d'une génératrice à piles à combustible—je pense que c'était une génératrice de 40 kilowatts—, et le programme a été couronné de succès.
L'objectif consistait à intégrer un système de propulsion anaérobie dans le type de sous-marin que nous finirions par acheter. Je pense que cet investissement technologique a rapporté. La génératrice de 40 kilowatts a été une initiative fructueuse. Il s'agit simplement de savoir ce que le ministère ou le gouvernement veulent faire, ou s'ils penchent pour le système de propulsion anaérobie pour l'avenir. Une entreprise canadienne possède certainement la technologie permettant d'installer le dispositif de propulsion anaérobie. Je pense qu'il existe d'autres génératrices à piles à combustible qui pourraient offrir la même possibilité. Ballard Power Systems a prouvé sans l'ombre de doute qu'elle est capable de fournir une telle génératrice.
L'hon. Larry Bagnell: J'ai une dernière question. J'aimerais que le brigadier-général Dean y réponde d'abord, suivi de M. Sturgeon.
Je pense que mes collègues de l'opposition veulent savoir pourquoi nous avons acheté ces sous-marins et quelles ont été les étapes de leur acquisition. Sans nous donner une longue explication, pouvez-vous nous dire simplement, d'après ce que vous savez et ce que vous avez entendu, quelles ont été les étapes de cette acquisition? Par exemple, la première étape a-t-elle été lorsque vous avez appris que ces sous-marins étaient excédentaires, puis vous l'avez fait savoir aux politiques à Ottawa qui se sont penchés sur la question pour déterminer si cela était conforme à notre plan, ce qui s'est avéré par la suite? Ou, se peut-il, monsieur Sturgeon, que le tout a émané des cadres supérieurs lorsqu'ils ont demandé si nous étions à la recherche de sous-marins?
J'aimerais savoir quelles ont été les étapes, et je ne parle pas des étapes bureaucratiques. Que s'est-il passé et pour quelles raisons en avons-nous fait l'acquisition?
Bgén Darrell Dean: Voulez-vous que je répondre en premier?
Ce que vous avez décrit initialement constitue exactement ce qui s'est passé. À titre de conseiller en matière de défense et de commandant de l'État-major de liaison, je devais mettre au courant le ministère et, ultérieurement, le gouvernement de ce qui se passait au Royaume-Uni par rapport à leurs forces armées et de ce qui y étaient susceptibles d'être avantageux pour le Canada.
C'est ainsi que j'ai été approché non seulement pas la Marine mais également par l'Armée de terre. Je sais que mon collègue à Washington a été approché par les Américains. Tous les pays de l'OTAN commençaient à réduire leurs effectifs militaires en raison de la fin de la guerre froide. On cédait de l'équipement aux pays de l'OTAN qui, pour une raison ou pour une autre, n'avaient pas les moyens d'avoir du matériel aussi ultra-moderne que celui des Américains. Nous avons pu essentiellement obtenir une certaine partie de leur équipement à la fine pointe de la technologie qu'ils ne pouvaient garder en raison de la réduction des effectifs qui avait cours.
Cela s'est produit en fait au Royaume-Uni. Le commandant de l'Armée de terre m'avait indiqué que ce que le Royaume-Uni nous offrait ne l'intéressait pas.
L'hon. Larry Bagnell: Certainement.
C'était en 1992?
BGen Darrell Dean: C'était en 1993-1994. Différents types de chars, notamment les Challengers, étaient sur le marché, ainsi que des pièces d'artillerie, etc.
La Force aérienne ne m'a jamais contacté, ce qu'a fait la Marine britannique. Mon travail consistait simplement à signaler au quartier général de la Défense nationale que cet équipement était cédé aux autres pays. Nous cherchions à améliorer notre matériel et à faire de nouvelles acquisitions. Il s'agissait essentiellement de nouveaux sous-marins. C'est à ce moment opportun que le ministre de la Défense de l'époque, M. Collenette, et son sous-ministre m'ont consulté. C'était peu après que les Britanniques m'eurent approché que j'ai signalé à M.M. Collenette et Fowler que nous avions une très bonne offre.
On m'a certainement précisé à cette époque ce qu'on voulait en échange. Les Britanniques cherchaient des moyens efficaces de réduire leurs effectifs militaires et d'économiser de l'argent par le fait même. L'occasion était donc idéale.
Les choses se sont produites comme vous l'avez décrit. Le dossier a été soumis de nouveau au QGDN. Un bureau de projet a été créé. C'était à l'époque de l'examen de la politique de défense. Le bureau de projet dont je parle comprenait, à ce moment-là, une ou deux personnes, qui attendaient la fin de l'examen de la politique de défense.
Cet examen a pris fin et préconisait de nous doter d'une capacité sous-marine. Les étapes se sont donc poursuivies. Le processus d'acquisition s'est continué. Les modifications qui sont survenues pendant cette période de cinq ans, naturellement... ce sont les réponses que vous souhaitez obtenir, mais cela s'est passé après ma période de service. Je ne peux donc pas vous donner de précisions sur certaines de ces modifications.
º (1625)
Le président: Merci, monsieur Bagnell.
L'hon. Bill Blaikie: Les Britanniques tenaient une vente de garage, tout comme les Américains.
Le président: C'est exact.
Monsieur Sturgeon, pourriez-vous répondre très brièvement à cette même question, car je pense qu'elle est importante pour le comité. Le temps de parole est écoulé, mais je pense que le comité souhaite vous entendre faire un bref résumé.
M. Ray Sturgeon: En fait, étant donné que la réponse précédente a été si longue, je ne me rappelle plus très bien de la question.
Le président: Il s'agit de la chronologie de l'acquisition de ces sous-marins.
M. Ray Sturgeon: Encore une fois, je pense qu'en 1993 le gouvernement conservateur s'intéressait certes aux sous-marins. À mon avis, le nouveau gouvernement qui a pris le pouvoir à la fin de 1993 était également intéressé. Nous projetions de remplacer la flotte de sous-marins depuis un certain temps. Nous avions là une occasion que, de l'avis de tous, nous devions saisir et qui se révélerait une bonne affaire si nous pouvions nous entendre sur les modalités.
La politique étant ce qu'elle est, plusieurs raisons ont amené le cabinet à ne pas persévérer dans cette voie. Je pense que nous avons, un peu plus tôt, évoqué brièvement le fait que, les ministres de la Défense se succédant, il fallait les mettre au courant rapidement des dossiers... À mon avis, on a toujours voulu tirer profit de ce qui semblait être une bonne affaire, qui a fini, selon moi, par devenir une affaire excellente pour le Canada.
Le président: Merci.
Nous passons à la deuxième série de questions et réponses. Nous commençons par M. Casson, qui dispose de cinq minutes.
M. Rick Casson (Lethbridge, PCC): Merci, monsieur le président.
Monsieur Sturgeon, je pense que, dans votre déclaration préliminaire, vous avez indiqué que, au moment du premier contact en mars 1993, le ministre vous avait ordonné directement de négocier. Vous avez ajouté que vous avez alors entamé le processus d'acquisition d'une façon qui n'était probablement pas habituelle.
M. Ray Sturgeon: Ce n'était certes pas habituel. Comme M. Blaikie l'a fait remarquer, il n'était pas habituel que je me rende au Royaume-Uni sans contacter préalablement l'amiral Dean.
Je ne sais pas comment je pourrais le mieux décrire la situation. Manifestement, le gouvernement de l'époque, celui qui était au pouvoir en mars 1993, et le ministre de la Défense ont reconnu que ce marché était susceptible d'être avantageux. Je suis sûr que vous n'ignorez pas que, parallèlement, un autre projet d'acquisition était très controversé. Il s'agissait du programme d'acquisition des hélicoptères EH-101 de 5,4 millions de dollars. À mon avis, le gouvernement ne voulait pas laisser croire qu'il y aurait un autre grand programme d'acquisition dans un proche avenir. Nous avons été chargés d'agir discrètement de façon à ne pas faire la une du Globe and Mail et de signaler au gouvernement britannique que nous souhaitions entamer des discussions sur la possibilité d'acquérir leurs sous-marins, sur le prix, etc.
M. Rick Casson: L'idée consistait donc simplement à avoir des discussions préliminaires avec des gens, sans même que les militaires ne soient informés de ce qui se passait.
M. Ray Sturgeon: Oui, absolument.
º (1630)
M. Rick Casson: Qui a lancé l'idée de l'échange ou du troc, les Britanniques ou les Canadiens?
M. Ray Sturgeon: Je n'étais plus au ministère à ce moment-là. À ma connaissance, cette initiative émanait de nous, mais je pourrais me tromper. Ce serait tout à fait logique dans la mesure où le Royaume-Uni payait déjà pour de la formation au Canada et je présume qu'il aurait aimé développer cela davantage. En fait, c'est ce qui est arrivé puisque l'entraînement au pilotage pour l'OTAN s'est fait au Canada. Ainsi, à l'époque, il était possible de conclure un tel arrangement sans pour autant qu'il soit nécessaire de faire une transaction financière. Quant à savoir ce qui est arrivé par la suite, je n'en ai aucune idée.
M. Rick Casson: Quelle était la nature de la relation entre les deux factions de la défense, où l'on retrouve les bureaucrates, les responsables des achats et puis les militaires qui veulent des sous-marins? Qui prend la décision finale? Est-ce le Cabinet? J'imagine qu'il faut faire un travail colossal avant de savoir combien cela va coûter. Vous maintenez que c'est une bonne affaire, et c'est peut-être vrai, mais nous ignorons toujours les termes de l'entente. Nous continuons de payer pour ces sous-marins et à mesure que nous avançons dans ce dossier, il semble que les problèmes qui apparaissent soient plus nombreux que ce qu'on avait imaginé au départ.
Alors, lorsqu'on dit qu'on va acheter ces sous-marins pour tant de dollars—que ce soit dans le cadre d'un échange ou d'une transaction financière—, puis que des anomalies resurgissent, qu'il s'agisse de défectuosités dans la coque, de problèmes de rouille ou je ne sais quoi d'autre, tout cela a une incidence sur le coût final. Comment gère-t-on cette situation et que prévoit-on faire pour y remédier, ou y a-t-il simplement pour chaque contrat une énorme réserve pour éventualités?
M. Ray Sturgeon: Là encore, je pense que vous devriez vous adresser aux responsables actuels de ce dossier, mais je crois qu'il est maintenant du domaine public que l'entente originale faisait état de 750 millions de dollars, que ce soit sous la forme d'un échange ou autre, et que ce chiffre a été révisé à la hausse depuis. D'après certains rapports, ils seraient revenus devant le Conseil du Trésor pour dire que ça allait coûter un peu plus cher que prévu, soit autour de 800 millions de dollars. Quoi qu'il en soit, je continue de croire que c'est une bonne affaire pour le Canada. Il y a eu des ajouts mineurs ou des éléments supplémentaires que le gouvernement canadien souhaitait avoir, en plus de l'accord original, mais en toute franchise, vous devriez poser vos questions aux responsables actuels de ce dossier au sein du ministère de la Défense, du Conseil du Trésor et ailleurs au gouvernement, comme à TPSGC.
M. Rick Casson: Monsieur Dean, pour ce qui est du rapport qualité-prix—et nous pourrions en discuter longtemps—, il s'avère qu'à un moment donné, nous cherchions à acheter jusqu'à six sous-marins pour remplacer les anciens. Il était question de sous-marins à propulsion nucléaire, puis cette idée a été abandonnée avec le changement de position du gouvernement. Mais qui a pris la décision finale d'acquérir ces quatre submersibles pour le Canada? Est-ce que cela s'est fait durant votre mandat? La décision est-elle venue après? Ou croyez-vous qu'elle a été prise dès mars 1993? Quand a-t-on décidé de se procurer ces sous-marins auprès de la Grande-Bretagne?
Bgén Darrell Dean: À ma connaissance, une lettre d'entente a été rédigée entre M. Malcolm Rifkind, ministre britannique de la Défense et notre ministre de la Défense de l'époque, en 1994, lettre indiquant que nous allions faire l'acquisition de ces sous-marins dans le cadre d'un accord de troc.
Je n'ai jamais vu de copie de cette lettre—il n'y avait d'ailleurs aucune raison que cela arrive—, mais à l'époque je savais, étant donné que j'étais en service à Londres et que j'avais des échanges avec les Britanniques et le bureau de gestion du projet à Ottawa, qu'une lettre avait été rédigée, signée et qu'une entente avait été conclue. Cette entente est entrée en vigueur en 1994. Je n'en ai plus jamais entendu parler depuis.
Le président: Merci, monsieur Casson, vous avez dépassé le temps qui vous était imparti.
J'aimerais que vous nous précisiez une chose, monsieur Sturgeon. Vous avez indiqué que vous étiez allé au Royaume-Uni au mois de mars 1993 pour obtenir des renseignements au sujet des sous-marins.
M. Ray Sturgeon: C'est exact.
Le président: Avez-vous indiqué, ou pourriez-vous répéter, précisément qui vous a commandé de le faire?
M. Ray Sturgeon: Ce n'était pas exactement « commandé ».
º (1635)
Le président: Peu importe, qui vous a demandé de le faire?
M. Ray Sturgeon: Cela s'est fait évidemment avec le consentement de la ministre de l'époque, du sous-ministre et du chef d'état-major de la Défense.
Le président: Normalement, vous n'auriez pas fait ce voyage de votre propre initiative.
M. Ray Sturgeon: Non, ç'aurait été inhabituel.
Le président: Vous ne seriez pas allé au Royaume-Uni sans que quelqu'un vous « commande » ou vous « demande », choisissez le verbe qui vous convient le mieux, de le faire.
M. Ray Sturgeon: Non, il me semble avoir indiqué assez clairement que c'est la ministre qui nous l'avait demandé.
Le président: Qui était cette ministre?
M. Ray Sturgeon: C'était Kim Campbell.
Le président: Très bien. Je pense que vous l'aviez dit, mais je voulais en être sûr.
M. Ray Sturgeon: C'était sans équivoque.
Le président: Elle vous a demandé d'y aller.
M. Ray Sturgeon: Oui, exactement.
Le président: Très bien, merci beaucoup.
Je cède maintenant la parole est à M. Rota pour cinq minutes.
M. Anthony Rota (Nipissing—Timiskaming, Lib.): Cette question s'adresse à M. Sturgeon.
La décision de ne pas s'équiper de sous-marins nucléaires a été prise par la Marine en 1989, si je comprends bien.
M. Ray Sturgeon: Non, je suis désolé, ce n'est pas la Marine qui a pris cette décision, c'est le gouvernement.
M. Anthony Rota: Pardon, c'est vrai, c'est le gouvernement.
Est-ce qu'on a donné des instructions à quelqu'un pour qu'il cherche activement par quoi remplacer nos vieux sous-marins Oberon ou qu'il s'informe au sujet des nouveaux sous-marins nucléaires qu'on avait envisagé d'acheter au départ?
M. Ray Sturgeon: Après l'annulation du projet de sous-marins nucléaires, on a mis au point pendant une certaine période un projet de remplacement des submersibles en vertu duquel on envisageait l'acquisition de sous-marins à propulsion classique. Alors, oui, un bureau chargé du projet a été créé. Ce bureau a ensuite été fermé, et nous cherchions comment remplacer nos sous-marins Oberon.
M. Anthony Rota: C'est donc un processus qui a duré environ cinq ans. Vous n'avez pas décidé du jour au lendemain de faire l'acquisition de ces sous-marins.
M. Ray Sturgeon: Cela a duré plus de cinq ans puisque déjà à la fin des années 70 et au début des années 80, nous avions commencé à réfléchir au remplacement des sous-marins Oberon. Il s'est avéré qu'en 1988, le gouvernement a décidé de nous équiper de sous-marins à propulsion nucléaire. Puis cette décision a été annulée et nous avons cherché des solutions de rechange.
M. Anthony Rota: C'était bien pensé.
Ma prochaine question s'adresse au général Dean.
Quand on achète des sous-marins ou qu'on décide de se lancer dans une dépense de cette envergure, comme pour un destroyer ou un avion, ce ne sont pas des appareils standards. Est-il juste de dire que dans la plupart des cas, peu importe que vous en achetiez deux, quatre ou six, vous faites l'acquisition de prototypes qui sont ensuite perfectionnés?
Bgén Darrell Dean: Je ne dirais pas que vous achetez un prototype, mais bien du matériel qui a fait ses preuves sur le plan opérationnel pour le pays qui vous le vend. Nous pouvons y apporter des modifications dans le cadre d'un programme d'améliorations pour répondre aux normes canadiennes ou y ajouter de nouveaux dispositifs ou systèmes disponibles. Pendant ma carrière en tant qu'officier du Corps blindé, nous avons déjà eu, par exemple, un char de combat britannique, le Centurion. Si je ne me trompe pas, nous avions un Mark 2 ou un Mark 3 au début, et à la fin, un Mark 15 ou un Mark 16. Le Canada y a apporté des améliorations à mesure que de nouvelles technologies faisaient leur apparition.
Donc, vous achetez effectivement du matériel, mais ce n'est pas un prototype. D'ailleurs, si vous achetez du matériel déjà prêt auprès d'un autre pays, comme ce fut le cas avec les sous-marins, vous savez que les submersibles ont habituellement fait leurs preuves au niveau opérationnel. Cela n'a pas duré longtemps, mais ces navires avaient été jugés en bon état de fonctionnement selon les normes britanniques. Pour ce qui est de savoir ce que nous en faisons par la suite—la Marine est mieux placée pour répondre car je ne peux ni ne devrais le faire. La Marine a pu ajouter ce qu'elle voulait aux sous-marins.
M. Anthony Rota: Donc, si je comprends bien, les problèmes qu'a eus le navire ne sont pas des défectuosités propres aux sous-marins de classe Victoria. Ils fonctionnent assez bien.
Que pensez-vous de l'achat de ces sous-marins?
Bgén Darrell Dean: N'oubliez pas que je suis un officier du Corps blindé et que je ne peux pas vraiment me prononcer sur les aspects techniques du sous-marin; tout ce que je sais, je l'ai appris, comme vous, en lisant les journaux.
Lorsque j'étais au Royaume-Uni, j'ai lu qu'il y avait eu des problèmes contractuels pendant la construction de ces navires, mais c'était une question d'échéancier. Ils ont eu des difficultés avec le lancement des torpilles pour le premier sous-marin Upholder, qui s'appelait d'ailleurs le HMS Upholder. Ils ont ensuite corrigé le problème, et les trois sous-marins suivants n'avaient pas ce type de défectuosité.
M. Anthony Rota: Donc, c'étaient des sous-marins en assez bon état de marche.
º (1640)
Bgén Darrell Dean: Et ils étaient neufs.
M. Anthony Rota: En effet, ils étaient neufs.
En bout de ligne, nous n'avons eu qu'un incendie à bord d'un seul sous-marin. Je ne veux pas minimiser la gravité de la situation car il y a eu mort d'homme, ce qui est regrettable. Néanmoins, à cause d'un incendie à bord d'un seul sous-marin, nous remettons tout en question.
Qu'en pensez-vous?
Bgén Darrell Dean: C'est la même chose pour les avions. Lorsque le Skybus s'est abîmé au large de la côte Est, on a constaté qu'il s'agissait d'un problème de câblage car on avait installé des Game Boy ou quelque chose du genre à l'arrière des sièges, où le feu s'est déclaré. Toute la flotte a été clouée au sol jusqu'à ce qu'on découvre qu'il s'agissait d'un problème systémique de l'appareil.
C'est la même chose pour toutes nos flottes, que ce soit des chars, des camions ou des sous-marins. C'est normal de tout arrêter et d'examiner ce qui s'est passé. Dans le cas du sous-marin, un membre de l'équipage est mort, et une commission d'enquête tente de faire la lumière sur cet événement tragique. En tant que dirigeants responsables, nous devons nous assurer que nos soldats, marins, aviateurs et aviatrices sont en sécurité. Il faut donc immobiliser toute la flotte, jeter un coup d'oeil et corriger toute défectuosité éventuelle. C'est comme préparer son automobile pour l'hiver, à Ottawa, s'assurer de son bon fonctionnement.
Le président: Merci, monsieur Rota.
D'après les nouvelles que nous avons eues au sujet d'Halifax, l'hiver est à nos portes.
[Français]
Monsieur Perron, avez-vous des questions à poser?
M. Gilles-A. Perron: Ma question sera très simple et très courte. Je suis convaincu que le brigadier-général Dean va me dire que c'était nécessaire et que ça l'est encore.
Comme tous les gens, vous semblez dire que lorsque vous avez pris la décision d'acheter les sous-marins et de les mettre en service, c'était une nécessité. Je ne sais pas si cela relève d'un fantasme ou d'une vision un peu bizarre, mais je me demande s'il est toujours nécessaire, en 2004, que le Canada ait des sous-marins.
[Traduction]
Bgén Darrell Dean: Je crois, monsieur, que la personne la mieux placée pour vous répondre serait le chef des opérations maritimes. Je ne suis pas un sous-marinier et je n'ai pas les connaissances techniques ni l'expérience opérationnelle nécessaires pour le faire. Si vous avez une question sur les combats terrestres et les chars, je vous répondrai volontiers. De toute évidence, toutefois, c'est le chef des opérations maritimes qui peut vous donner l'information que vous recherchez sur la nécessité d'acquérir des sous-marins.
[Français]
M. Gilles-A. Perron: Et vous, monsieur Sturgeon, en tant qu'homme et ancien employé du gouvernement, croyez-vous que nous avons encore besoin de sous-marins?
[Traduction]
M. Ray Sturgeon: En tant que responsable, et ayant pris connaissance de tous les énoncés des besoins opérationnels au fil des ans, que ce soit pour des sous-marins nucléaires ou conventionnels, et si je regarde les besoins opérationnels actuels, je crois qu'il faut des sous-marins. Comme je l'ai dit plus tôt, nous en avons la capacité, et il s'avérera que l'achat de ces sous-marins est une bonne affaire pour le Canada.
Le président: Monsieur Martin, vous disposez de cinq minutes.
L'hon. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Lib.): Messieurs Sturgeon et Dean, je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
Monsieur Sturgeon, au moment de l'achat des sous-marins, quelle était leur importance relative en tant que plate-forme opérationnelle pour la Marine?
M. Ray Sturgeon: Voulez-vous dire en 1998?
L'hon. Keith Martin: Exactement. À cette époque où vous disposiez de ressources limitées et tentiez d'optimiser vos investissements, je suis certain que vous avez évalué l'importance relative de cette plate-forme comparée à d'autres. Où ces sous-marins se classaient-ils parmi les plate-formes opérationnelles disponibles à ce moment-là?
Mr. Ray Sturgeon: Je ne suis pas certain si vous faites allusion à 1998, lorsque le gouvernement a décidé d'acheter les sous-marins, ou à l'époque où nous avons amorcé les discussions sur l'achat de sous-marins d'occasion.
L'hon. Keith Martin: Je parle de la première moitié des années 90.
M. Ray Sturgeon: Dans ce temps-là, l'acquisition d'hélicoptères de recherche et de sauvetage était la priorité. Les sous-marins étaient jugés secondaires car, au début de 1993, l'achat d'un nombre considérable d'hélicoptères était une question politique délicate à laquelle l'opinion publique était sensible à l'époque, et s'il avait fallu ajouter à cela les sous-marins... Voilà pourquoi, à mon avis, nous avons pris autant de temps pour aboutir à cette décision.
Je ne peux pas parler au nom du personnel responsable des exigences opérationnelles de la Marine ou des Forces canadiennes, mais, selon moi, l'achat d'hélicoptères l'emportait sur l'achat de sous-marins.
º (1645)
L'hon. Keith Martin: Parmi tous les types de sous-marins sur le marché à ce moment-là, pourquoi a-t-on choisi les Upholder?
M. Ray Sturgeon: Je crois que la raison principale était leur disponibilité et leur coût. Tout le monde estimait que le programme des sous-marins australiens coûtait trop cher et comportait trop de risques techniques car il s'agissait d'un nouveau modèle de sous-marins. En bout de ligne, l'expérience australienne s'est avérée extrêmement coûteuse. Je crois même qu'ils n'ont pas encore réussi à régler tous les problèmes techniques.
Nous avions donc l'occasion d'acheter des sous-marins qui avaient fait leurs preuves, qui répondaient aux besoins opérationnels de la Marine et qui offraient les outils dont celle-ci avait besoin pour remplir son rôle et ses missions.
L'hon. Keith Martin: Vous avez aussi mentionné dans votre introduction que l'équipement à bord des Upholder... en tant qu'allié... c'était très important pour notre interopérabilité, n'est-ce pas?
M. Ray Sturgeon: Oui, tout à fait. De plus, je crois que nous avions des officiers de la Marine en service à bord du Upholder et peut-être même dans un autre sous-marin dans le cadre d'un programme d'échange. J'ai oublié les détails, mais je sais que nous avions des gens en formation sur le Upholder.
L'hon. Keith Martin: Monsieur Dean, voulez-vous ajouter quelque chose?
Bgén Darrell Dean: Oui.
À ma connaissance, nous n'avions personne à bord des sous-marins nucléaires britanniques, mais nous avions des gens qui devaient se rendre là-bas. Comme je l'ai signalé plus tôt à M. O'Connor, il y avait toujours un va-et-vient d'officiers de la Marine qui se rapportaient à mon quartier général et qui suivaient une formation accélérée comme sous-mariniers.
N'oublions pas que la formation initiale des sous-mariniers se fait d'abord sur terre, où on n'apprend que les fonctions, les systèmes et la façon dont sont construits les sous-marins avant de compléter sa formation en mer. À l'époque, les deux types de sous-marins, nucléaires et conventionnels, étaient en mer. Toutefois, à ma connaissance, nos officiers n'étaient probablement qu'à bord de sous-marins de classe Upholder. Je ne me souviens pas d'avoir entendu parler d'officiers à bord de sous-marins à propulsion nucléaire.
L'hon. Keith Martin: Pour résumer ce que j'ai cru entendre de vous deux, ces sous-marins étaient de bons sous-marins, représentaient un bon achat, étaient rentables et ajoutaient une valeur opérationnelle importante à la défense.
Bgén Darrell Dean: C'est exact.
M. Ray Sturgeon: Absolument.
L'hon. Keith Martin: Merci.
Le président: Merci, monsieur Martin.
Nous passons maintenant à M. MacKenzie, cinq minutes.
M. Dave MacKenzie (Oxford, PCC): Merci, monsieur le président.
Général Dean, en 1993, ces sous-marins ont été inspectés. Il s'agissait de bons sous-marins. Ils venaient juste d'être sortis de l'eau. S'agit-il des mêmes sous-marins que nous avons finalement achetés en 1998?
Bgén Darrell Dean: Oui. Les quatre, le premier était entré en service en 1990...
M. Dave MacKenzie: Étaient-ils dans le même état en 1998? Si j'ai bien compris...
BGen Darrell Dean: Dans le même état en 1998? Oh, ils avaient été opérationnels, puis avaient été ramenés et mis en au rancart pour la durée du processus qui allait...
Les Britanniques avaient dû réduire leurs dépenses en matière de défense. Ils ne pouvaient pas se permettre de garder ces quatre sous-marins Upholder en mer. Ils les ont mis hors service en 1994 et ont opté pour une flotte nucléaire stratégique. Ces quatre sous-marins ont alors été mis en cale sèche et par la suite, au rancart.
M. Dave MacKenzie: Si nous en avions pris possession en 1993, auraient-ils été différents, matériellement parlant, par rapport à 1998?
Ce que je voudrais savoir c'est que s'ils ne se sont pas améliorés, se sont-ils détériorés au cours de cette période?
Bgén Darrell Dean: Je n'ai pas les compétences techniques pour répondre à ce genre de question. Je ne sais pas à quel rythme les capacités des systèmes d'un sous-main se dégradent.
Je peux simplement vous donner mon point de vue en tant qu'officier de l'armée. Lorsque nous avons des camions et des chars que nous n'utilisons pas pendant des semaines, à moins qu'ils ne soient correctement mis au rancart... Il faut ensuite suivre des procédures après leur mise au rancart, comme par exemple mettre en marche leurs systèmes afin qu'ils ne se détériorent pas plus. C'est effectivement nécessaire.
J'imagine—et c'est un point de vue personnel—que la marine britannique, sachant qu'elle allait vendre ces sous-marins, les a maintenus en état. À partir du moment où on les met au rancart, il faut continuer à les entretenir et il faut faire marcher les systèmes. Il y avait des équipages dans ces sous-marins—je sais que les Britanniques l'avaient prévu—pour les entretenir alors même qu'ils étaient au rancart.
Techniquement parlant, je crois qu'il faudrait que vous posiez cette question à un officier de la marine pour savoir le genre de problèmes qui probablement peuvent se poser une fois que ces sous-marins sont remis en service.
º (1650)
M. Dave MacKenzie: Si je ne me trompe, M. Sturgeon a fait mention dans son témoignage d'un article de journal. Il me semble que les réservoirs de carburant étaient remplis d'eau pendant la mise au rancart.
M. Ray Sturgeon: J'aimerais peut-être préciser les choses pour les membres du comité; lorsqu'on parle de cale sèche et de mise au rancart, etc., il ne faut pas oublier que ces sous-marins étaient à l'eau, à quai, qu'ils étaient préservés et, comme le général l' a souligné, que des équipages en assuraient l'entretien régulièrement. À partir de la fin de 1992 ou au début de 1993, il reste qu'ils se trouvaient à quai, dans l'eau et qu'ils n'ont pas été réactivés pendant environ cinq ans.
Je crois que le général a tout à fait raison. Si vous demandez à nos ingénieurs maritimes quel en serait l'impact, vous obtiendriez probablement une réponse différente que celle que nous pourrions vous donner, puisque nous ne sommes pas spécialistes dans ce domaine. Il n'est toutefois pas nécessaire d'être un grand savant pour se rendre compte que si vous les laissez dans l'eau pendant cinq ans, il va y avoir de la corrosion et il va être difficile de les réactiver. Je crois que c'est le problème que nous connaissons actuellement.
M. Dave MacKenzie: Merci pour cette réponse.
L'accord de troc aurait-il respecté les directives du Conseil du Trésor?
M. Ray Sturgeon: Le Conseil du Trésor l'a approuvé, si bien que j'imagine que l'on peut dire que oui. Le Conseil du Trésor, autant que je sache, a approuvé le processus et l'affaire a été conclue.
M. Dave MacKenzie: D'habitude, lorsqu'on fait du troc, on dit : « J'ai quelque chose à proposer, vous avez autre chose, échangeons ». Dans ce cas particulier, on obtenait des revenus du gouvernement britannique pour la formation.
M. Ray Sturgeon: Oui.
M. Dave MacKenzie: Allions-nous renoncer à ces revenus?
M. Ray Sturgeon: Sous-entendez-vous qu'on y voyait que du feu?
M. Dave MacKenzie: Un peu.
M. Ray Sturgeon: Je le pense. Ils suivaient une formation à Suffield et à Goose Bay.
Au lieu de les payer pour ce genre de formation, on allait avoir les sous-marins, ce qui équivaut à un accord de troc. Pourquoi cela n'a pas fonctionné au bout du compte, je n'en ai pas la moindre idée.
M. Dave MacKenzie: C'est ce qui se poursuit, à votre connaissance?
M. Ray Sturgeon: La formation se poursuit, oui.
M. Dave MacKenzie: En fait, nous avons renoncé à ces revenus. Si nous avions opté pour le troc, nous aurions renoncé aux revenus du gouvernement britannique pour ça.
M. Ray Sturgeon: Oui, d'une façon ou d'une autre. Vous payez les sous-marins sans échange d'argent. C'est ce que l'on appelle faire du troc.
M. Dave MacKenzie: D'accord. Lorsque nous avons examiné ces sous-marins en 1993, ils étaient opérationnels. Est-ce que vous avez fait des essais en mer? L'avait-on proposé?
M. Ray Sturgeon: Je ne suis pas sûr des essais en mer, car les sous-marins étaient inactivés. Comme je l'ai dit plus tôt toutefois, nous avions des officiers d'échange, c'est-à-dire des officiers de marine, des sous-mariniers canadiens, dans au moins un sous-marin Upholder et peut-être dans d'autres. Parmi ceux qui connaissaient le sous-marin Upholder se trouvaient des officiers de marine en activité.
M. Dave MacKenzie: Était-il inactif à ce moment-là, ou...?
M. Ray Sturgeon: Non, je crois qu'il était opérationnel.
Le président: Merci.
M. Ray Sturgeon: Il faudrait vérifier auprès des exploitants maritimes, mais c'est ce dont je me souviens.
Le président: Merci, monsieur MacKenzie.
Nous avons deux autres intervenants pour cette ronde. J'aimerais simplement indiquer à mes collègues que nous avons d'autres points à traiter en comité. À moins qu'il y ait d'autres questions pour une troisième ronde, nous allons remercier les témoins, peut-être siéger à huis clos et examiner les détails du voyage à Halifax, ainsi que quelques autres points.
Terminons la deuxième ronde.
Monsieur Bagnell, s'il vous plaît, cinq minutes.
L'hon. Larry Bagnell: Merci.
Monsieur Sturgeon, j'aimerais simplement une réponse rapide. Nous avons payé près de 800 millions de dollars. Si nous avions acheté le même sous-marin complètement neuf, combien l'aurions-nous payé? Je ne vous demande pas un chiffre exact, simplement une réponse rapide.
M. Ray Sturgeon: Spontanément et selon mon expérience, probablement quatre milliards de dollars.
º (1655)
L'hon. Larry Bagnell: Quatre milliards, c'est incroyable. C'était une bonne affaire.
Monsieur Dean, j'aimerais connaître vos impressions puisque vous êtes allé en Angleterre. À quelque moment que ce soit, avez-vous vu des rapports sur ces sous-marins, pendant qu'ils étaient opérationnels ou, comme vous l'avez dit, lorsqu'ils étaient au rancart? Par exemple, la défense britannique a-t-elle fait un rapport sur la mise au rancart? Si vous avez vu des rapports, pouvez-vous nous dire si les sous-marins avaient eu des problèmes pendant qu'ils étaient opérationnels, notamment en ce qui concerne le câblage.
Bgén Darrell Dean: Non, je n'ai rien vu de cela
L'hon. Larry Bagnell: Lorsque vous étiez en Angleterre, avez-vous entendu des militaires britanniques, des gens qui avaient travaillé à bord des sous-marins ou qui s'y étaient trouvés, dire qu'il y avait eu des problèmes? Aimaient-ils ces sous-marins? Disaient-ils qu'ils présentaient un problème et de quelle nature?
Bgén Darrell Dean: Non, je n'ai jamais entendu de tels propos personnellement ni non plus par l'entremise de mes attachés de la marine qui travaillaient pour moi. Comme l'a dit M. Sturgeon, je m'occupais également de plusieurs officiers de marine qui faisaient un échange avec des officiers britanniques. Je n'ai jamais entendu un seul mot pendant que j'étais commandant là-bas au sujet de problèmes relatifs au sous-marin Upholder qui a d'ailleurs été le premier à partir en mer. Je n'ai absolument rien entendu de ce genre.
L'hon. Larry Bagnell: Et quelle a été la réaction des Britanniques dans les médias quand ils les ont vendus? Si notre gouvernement vendait pour 800 millions de dollars un bien qu'il venait à peine d'acheter quelques années auparavant quatre milliards de dollars, l'opposition nous tomberait vraiment dessus. Il y aurait d'énormes conséquences politiques suite à cette dépense, comme pour les traversiers à grande vitesse.
Est-ce qu'en Grande-Bretagne, la population, l'opposition ou quelqu'un d'autre a vivement protesté en apprenant qu'on avait vendu ces sous-marins de première classe pour moins du quart de leur prix d'achat? Tous ces fonds publics ont servi à acheter un excellent sous-marin—pas du nucléaire, mais un sous-marin de qualité—puis il est revendu à un prix dérisoire.
Bgén Darrell Dean: J'ai l'impression que l'examen Options for Change qui proposait des compressions dans les forces armées a révolté les Britanniques. Ils avaient vécu la guerre des Malouines, à laquelle ils n'étaient absolument pas préparés, et ils ont dû utiliser des navires comme le Queen E et l'équiper pour transporter des soldats, par exemple.
Le peuple britannique est très, très préoccupé par la défense. Quand l'examen Options for Change a été rendu public, de nombreuses mesures draconiennes ont été prises—réductions et fusions de vieux régiments, diminution des escadres aériennes et importantes compressions dans la flotte navale.
Ce dont je me rappelle, presque 11 ans plus tard, c'est que la population était indignée. Ce n'était pas tant la vente d'équipement qui la scandalisait, parce qu'elle voyait une contrepartie à cela, comme des programmes de formation, de l'entraînement de vol à basse altitude et la défense Suffield—c'est du moins mon impression—que le fait qu'elle ne pensait pas qu'on devait sabrer autant dans les forces.
L'hon. Larry Bagnell: Merci, monsieur le président.
Le président: Monsieur Bagnell, merci.
Je pense que c'est maintenant au tour du dernier intervenant, Mme Hinton. Vous avez cinq minutes.
Mme Betty Hinton (Kamloops—Thompson—Cariboo, PCC): J'ai deux ou trois remarques à faire, pour commencer.
Je crois personnellement qu'on aurait dû acheter des hélicoptères avant des sous-marins, mais j'imagine que les choses ne sont pas aussi simples.
Vous dites que c'est une bonne affaire pour le Canada. Franchement, je peux vous dire que, dans ma vie privée, je peux justifier tout achat à rabais. Demandez à mon mari...
Des voix : Oh, oh!
Mme Betty Hinton : ... mais je ne serais pas en mesure de justifier cet achat en particulier. Je crains que l'équipement ait été laissé à l'abandon pendant trop longtemps alors qu'il aurait fallu le faire fonctionner si nous étions pour l'acheter.
Mais je vais revenir à ce que vous avez dit plus tôt, général Dean. Vous avez parlé de trois pays n'appartenant pas à l'OTAN qui insistaient pour acheter les sous-marins. C'est arrivé à peu près en 1993...
» (1700)
Bgén Darrell Dean: C'était en 1993-1994.
Mme Betty Hinton: D'accord. Vous avez aussi indiqué qu'il y a eu une lettre d'entente rédigée en 1994. Voici ma question : pensez-vous que nous avons acheté ces sous-marins pour empêcher un de ces trois autres pays n'appartenant pas à l'OTAN de le faire? Pensez-vous que cela a pu...?
Bgén Darrell Dean: Non.
Mme Betty Hinton: D'accord. Quand nous les avons achetés, pour revenir à la question de M. Bagnell, nous savions très bien que nous ne pouvions pas les utiliser pour surveiller l'Arctique, notre plus long littoral. Vous ne pouvez sans doute pas me répondre, mais vous pouvez peut-être me donner votre avis, pourquoi acheter un sous-marin si on sait qu'il ne pourra pas servir à surveiller notre plus important littoral?
Bgén Darrell Dean: Je pense personnellement qu'il était possible d'installer des systèmes de propulsion d'air sur ces sous-marins de classe Upholder, ce qui rendait possible cette surveillance. C'est simple.
Mme Betty Hinton: D'accord. En avril 1992, le ministère de la Défense nationale a publié un énoncé de politique intitulé « La politique de défense canadienne » qui indiquait entre autres que la Marine allait remplacer les trois sous-marins de classe Oberon par six sous-marins conventionnels modernes. Quand cette politique a été rendue publique, le ministère se préparait-il à acheter six nouveaux sous-marins construits selon les spécifications canadiennes, plutôt que des sous-marins usagés?
Bgén Darrell Dean: Je pense que je vais laisser M. Sturgeon vous répondre.
M. Ray Sturgeon: Vous avez dit 1992?
Mme Betty Hinton: Oui, l'énoncé de politique du ministère de la Défense nationale de 1992, « La politique de défense canadienne ».
M. Ray Sturgeon: Ne date-t-il pas plutôt de 1994?
Mme Betty Hinton: Je peux me tromper mais, d'après mes recherches, c'est 1992.
Le président: À quoi cela fait-il référence?
Mme Betty Hinton: Il a pour titre « La politique de défense canadienne », et il indique que la Marine allait remplacer les trois sous-marins de classe Oberon par six sous-marins conventionnels modernes.
M. Ray Sturgeon: Je crois que c'est en 1994, mais ça n'a pas d'importance. Pour répondre à votre question, je crois qu'il avait été recommandé que, si on trouvait une affaire intéressante, on pouvait acheter jusqu'à six sous-marins, neufs ou usagés. Ce n'était pas clairement précisé dans la politique, je pense.
Mme Betty Hinton: Mais ne voulait-on pas acheter des sous-marins répondant aux spécifications canadiennes plutôt que des sous-marins usagés?
M. Ray Sturgeon: Bien, je ne le sais pas.
Mme Betty Hinton: D'accord, j'accepte votre réponse. Si vous ne le savez pas, vous ne le savez pas.
Merci.
Le président: Pour les fins du compte rendu, je veux poser la question à M. Rossignol, parce que vous avez raison, madame Hinton, c'est bien 1992.
M. Michel Rossignol (attaché de recherche auprès du comité): C'est un énoncé de politique que le ministère de la Défense nationale a publié en avril 1992. On y fait référence aux sous-marins, à la page 25 de la version anglaise. Ce n'était pas un livre blanc, mais un énoncé de politique.
Le président: Ce n'était pas dans le livre blanc de 1994. D'accord.
Il ne semble pas y avoir d'autre question et nous avons autre chose au programme; je vais donc remercier le brigadier-général Dean et M. Sturgeon.
Merci de votre présence, de vos exposés et de vos réponses franches à nos questions. Vous comprenez peut-être un peu plus pourquoi le comité veut examiner cette question. Quoiqu'il en soit, c'est ce que nous allons continuer de faire. Merci beaucoup de votre contribution.
Ce serait maintenant peut-être une bonne idée que quelqu'un propose une motion pour que nous poursuivions nos travaux à huis clos, étant donné que certaines des questions dont nous voulons discuter sont de nature personnelle.
M. MacKenzie en fait la proposition, appuyé par M. Rota.
(La motion est adoptée.)
[Les travaux se poursuivent à huis clos.]