PACP Rapport du Comité
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DOCUMENTATION INSUFFISANTE ET VALEUR DOUTEUSE POUR L’ARGENT DÉPENSÉ
Une question fondamentale soulevée dans le rapport de la vérificatrice générale de novembre 2003 vise l’absence systématique de pièces valables dans les dossiers tenus sur les commandites particulières, notamment l’absence de preuve que les dirigeants avaient analysé les retombées des commandites en fonction des sommes dépensées. Beaucoup de dossiers examinés par la vérificatrice n’indiquent nullement qu’on a considéré la contribution potentielle des commandites particulières aux objectifs du Programme durant le processus décisionnel, ni une quelconque évaluation du mérite des projets particuliers, ni même qu’il y a eu des critères d’évaluation. Le grave constat fait ici confirme que les problèmes d’une documentation insuffisante ne se réduisent pas à la tenue des dossiers. Les questions soulevées sont fondamentales et visent l’inattention des responsables du Programme envers les retombées à obtenir contre 250 millions de dollars de fonds publics.
Le témoignage de Mme Tremblay a fourni au Comité d’autres précisions sur la relation étroite entre la gestion du Programme de commandites sous la direction de M. Guité et son style de décision et la qualité des dossiers tenus. Mme Tremblay a expliqué que M. Guité décidait des événements à commanditer et que très peu de pièces existaient à l’appui de ses décisions. D’après elle :
Les traces laissées par les documents n’étaient pas importantes. M. Guité ou M. Tremblay me donnait habituellement des instructions de vive voix afin que je prépare une demande qui finissait par aboutir à un contrat de commandites. On m’expliquait en quoi consistait l’événement, quel était le montant visé et qui était l’agence de publicité chargée d’administrer l’événement. Cette information était rarement couchée par écrit.
Elle a soutenu qu’il y avait très peu d’irrégularités dans la procédure contractuelle, en précisant toutefois :
il n’y avait pas de documents à l’appui des factures, surtout lorsqu’il s’agissait de coûts de production et d’heures de travail. Il était rare qu’il y ait des documents quelconques justifiant les montants facturés.
Mme Tremblay a dit au Comité que les fois où elle a fait part de problèmes aux directeurs généraux, ses préoccupations n’ont pas été prises au sérieux. Par exemple, elle s’est inquiétée du manque de pièces justificatives pour les factures qu’une des agences de communications, Groupaction, envoyait relativement à des événements récréatifs en plein air.
Groupaction a présenté des factures sans justifier les montants demandés, que ce soit pour les commissions ou les coûts de production. Mme Tremblay a téléphoné à l’agence pour demander des pièces justificatives; la personne à qui elle a parlé lui a répondu que cela ne poserait pas de problème. Le même jour ou le lendemain, M. Guité a fait venir Mme Tremblay à son bureau pour lui signaler qu’il avait reçu un appel du président de Groupaction, qui lui avait dit que quelqu’un du bureau posait des questions sur la facturation. Mme Tremblay a témoigné que M. Guité lui avait dit : « Écoute, Huguette, ne fais que vérifier et payer la facture, et ne pose pas de questions ». Quand on lui a demandé si, à son avis, cela signifiait qu’il y avait de l’ingérence politique, elle a répondu par l’affirmative : « C’était probablement au niveau du bureau du Ministre, parce que les contacts se faisaient là ».
À une autre occasion, après que M. Guité eut pris sa retraite de la fonction publique (en septembre 1999), Mme Tremblay a dit à son successeur au poste de directeur général, M. Tremblay, qu’elle se posait des questions au sujet du contrat de la série sur Maurice Richard parce qu’il ne précisait pas l’étendue du travail :
Lorsque j’ai posé des questions […] j’ai dit, « on ne peut pas accorder de contrats de production sans qu’on me fournisse une idée de l’étendue du projet; il faut que cela soit inscrit dans le contrat, surtout compte tenu du montant d’argent en jeu », et sa réponse a été, « Huguette, nous devons le faire, alors faites-le ».
Mme Tremblay s’assurait qu’il y avait un contrat au dossier et suffisamment de fonds pour le payer. Elle a indiqué qu’il y avait toujours un contrat au dossier lorsque venait le temps de faire un paiement dans le cadre du Programme de commandites. Après la tenue d’un événement commandité, M. Guité ou, après lui, M. Tremblay vérifiait que le travail avait été fait et l’attestait conformément à l’article 34 de la Loi sur la gestion des finances publiques.
Dans ses témoignages, M. Guité a vivement rejeté les critiques de la vérificatrice générale concernant la qualité des documents versés dans les dossiers. Sa description du contenu des dossiers ne différait pas sensiblement toutefois de celle de Mme Tremblay et ne répondait pas directement aux principales préoccupations soulevées par le rapport de la vérificatrice générale. Aux multiples questions posées par les membres du Comité sur le fait de savoir si la documentation était suffisante, M. Guité a répondu que les renseignements essentiels sur la facturation avaient toujours été versés et que c’était tout ce qu’il était possible de faire pour des activités comme les commandites. Selon lui :
Il faut comprendre ce en quoi consistent les commandites. Sans vouloir être sarcastique, je dois dire qu’il est impossible de faire une photocopie du logo affiché sur un immeuble et de le verser au dossier. Je ne peux pas non plus prendre le logo qui apparaît sur la glace du Forum ou de la patinoire d’une autre équipe de hockey. Par définition, les commandites procurent de la visibilité, et c’est ce que nous faisions. À l’époque où j’y travaillais, il y avait dans les dossiers, un contrat, une facture et un document indiquant que les produits avaient bien été livrés. Que pouvais-je verser de plus au dossier?
M. Guité a présenté un deuxième argument qui contredisait en partie ses propos. Il a fait savoir au Comité que, lors du lancement des commandites à l’époque du référendum, il avait été décidé à une rencontre à laquelle participaient des représentants du Bureau du Conseil privé qu’il ne fallait verser que le minimum de renseignements dans les dossiers. Il s’agissait d’empêcher que les souverainistes recourent à la Loi sur l’accès à l’information dans le but d’obtenir des données sur les stratégies et les visées du fédéral. Pour reprendre les mots de M. Guité : « Comme je l’ai dit en 2002, un bon général ne donne pas ses plans d’attaque à l’ennemi ». Autrement dit, il aurait été possible de conserver des renseignements complets, mais il a été décidé de faire autrement.
B. Optimisation des ressources
On a beaucoup entendu parler au cours de l’étude du Comité des préoccupations de la vérificatrice générale sur l’optimisation des ressources réalisée par le Programme de commandites. Même si l’on s’interroge en particulier sur la centaine de millions apparemment dépensés en honoraires et commissions, les questions relatives à l’optimisation des ressources ne se limitent pas à ce volet du budget du Programme. Faute de preuves convaincantes dans les dossiers étudiés par la vérificatrice générale, il semblerait que les 250 millions de dollars dépensés pour le Programme n’ont pas donné de résultats suffisants sur le plan de l’intérêt public pour se justifier.
Les discussions entre les membres du Comité et les trois ministres qui ont successivement assumé la responsabilité du Programme et les premières activités de commandite donnent une perspective utile sur la question de l’optimisation des ressources. Les ministres Dingwall, Marleau et Gagliano ont tous confirmé la gravité des défis que devait relever le gouvernement fédéral après le référendum de 1995 et l’urgence d’une plus grande visibilité du fédéral au sein du Québec (voir ci-haut Les actions des ministres des Travaux publics et Services gouvernementaux du Canada). Après avoir établi les objectifs et le financement autorisé pour le Programme, ils ont continué de participer directement au Programme à des degrés divers, mais ont de toute évidence estimé qu’il appartenait aux fonctionnaires de gérer le Programme avec compétence. Selon le ministre Gagliano :
L’objet du Programme était excellent. Il consistait effectivement à préserver l’unité du pays. Il s’agissait d’une stratégie d’unité nationale, mais le premier ministre et moi-même, quiconque... Si vous examinez les documents du Cabinet que vous avez devant vous, il est toujours mentionné que cet argent était censé être dépensé en conformité avec la Loi sur la gestion des finances publiques et avec les lignes directrices du Conseil du Trésor. Nul n’a jamais donné l’ordre à quiconque de faire autrement.
Lors de ses réunions avec les fonctionnaires responsables du Programme, le Comité n’a toutefois vu que peu de signes que l’on s’attachait en particulier à la question de l’optimisation des ressources aux premières étapes du Programme. Selon Mme Roy, employée ayant travaillé au Programme :
Pour autant que je sache, au départ, quand le Programme était dirigé par M. Guité, il n’y avait pas de lignes directrices. Les décisions étaient laissées au bon jugement des employés. On a par la suite jugé bon de nous donner comme outil des lignes directrices en matière de commandites. Différents facteurs étaient pris en compte mais, en dernière analyse, c’était M. Tremblay qui prenait la décision et c’était une décision subjective.
Pour être juste, il faut dire que l’élaboration de lignes directrices significatives sur l’optimisation des ressources est une tâche extrêmement difficile lorsque l’on parle d’objectifs aussi amples de par leur nature que l’unité nationale et la visibilité du fédéral. Toutefois, les arguments avancés par M. Guité pour défendre le Programme ont au moins permis de révéler l’absence de critères précis d’optimisation des ressources qui auraient pu servir à distinguer les commandites utiles des autres :
Dans tous ces projets, le gouvernement du Canada en a eu pour son argent et les événements qui ont suivi en témoignent. Un membre de votre comité a demandé pourquoi nous avons fait tout cela, sachant qu’il n’y aurait plus d’autres référendums? Or, s’il n’y a pas d’autres référendums, au moins d’ici un an, c’est parce que la popularité du mouvement séparatiste au Québec a chuté. Pourquoi? À cause du Programme de commandites.
Si l’on en juge par diverses commandites dont le Comité a eu connaissance au cours de son enquête, il n’y avait manifestement aucun cadre de décision fondé sur l’optimisation des ressources au sein du Programme. Les membres du Comité sont toujours loin d’être convaincus que le concours de conception de timbres « Timbrons l’avenir », lancé par Postes Canada (concours international auquel ont participé des élèves du primaire), ou l’achat d’un téléviseur grand écran par la Société du Vieux-Port de Montréal auraient pu véritablement contribuer à la visibilité de la fédération ou au déclin de l’appui envers le séparatisme au Québec. Enfin, le Comité constate que les dossiers des fonctionnaires contenaient très peu d’éléments probants tangibles qui auraient pu leur permettre de faire une évaluation de l’optimisation des ressources. Selon M. Monette, de l’équipe d’intervention rapide :
[D]ans certains cas, il était très difficile d’évaluer le travail en raison du manque de documentation; il était donc très malaisé de se faire une opinion. Il y avait d’autres cas où il ne semblait pas y avoir eu optimisation des investissements parce que […] on avait facturé un très grand nombre d’heures pour du travail qui n’apparaissait pas exiger autant de temps.
1. Diminution de la responsabilité et du contrôle parlementaires
Le rapport de novembre 2003 de la vérificatrice générale soulève une autre grande question à propos du Programme des commandites. Les rapports que les ministères fournissent traditionnellement au Parlement n’ont pas permis à ce dernier de prendre des décisions avisées à partir de renseignements exacts sur les objectifs du Programme ni au gouvernement d’être tenu responsable des résultats obtenus. Par ailleurs, le contrôle financier qu’exerce le Parlement par le processus de prévisions budgétaires annuelles a été contourné. Le recours aux commandites pour transférer des fonds à diverses sociétés d’État, fonds que le Parlement avait affectés à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, a constitué dans les faits un moyen de contourner le processus par lequel le Parlement contrôle les dépenses du gouvernement. Cette pratique était également contraire aux procédures précises que doivent suivre les ministères pour transférer des fonds lorsqu’ils peuvent en prouver la nécessité. Selon ces procédures, les transferts proposés sont soumis à l’approbation du Conseil du Trésor, qui s’assure que les modifications au pouvoir de dépenser approuvées par le Parlement se justifient par des motifs valables, puis communiqués au Parlement dans le cadre du processus de reddition de comptes et de présentation de rapports financiers.
Le Comité n’a pas accordé beaucoup d’attention aux réserves émises sur la qualité des rapports annuels de rendement de TPSGC, en partie parce que les observations formulées par la vérificatrice générale portent sur des lacunes générales de communication de rapports au Parlement qui ont déjà été soulevées par d’autres comités dans le passé. Selon le rapport de la vérificatrice, le Parlement n’a pas été informé des véritables objectifs du Programme de commandites (objectifs axés sur le Québec) au moment de sa création, et les rapports annuels de rendement du Ministère n’ont pas fait mention du Programme avant 2001, même si les commandites comptaient pour plus de la moitié des dépenses annuelles de la DGSCC. Quand on a finalement évoqué le Programme, on n’a pas laissé entendre qu’il était principalement axé sur le Québec. Le Comité a confirmé que la première référence aux activités de commandite dans les rapports du Ministère se trouvait dans le Rapport sur le rendement de 2001, où l’on indique que la DGSCC « appuie la visibilité et la présence du gouvernement du Canada », et dans lequel la totalité des renseignements sur le rendement se résume en une seule ligne : « Nous avons parrainé, partout au Canada, divers événements sportifs, culturels et communautaires, soit 291 au total » (Rapport sur le rendement de TPSGC, 2001-2002). À propos des rapports de rendement du Ministère, Peter Harder a déclaré que ces documents relevaient avant tout de la responsabilité des ministères qui les préparaient, bien que le Secrétariat du Conseil du Trésor ait un rôle à jouer dans la surveillance de leur qualité.
La deuxième réserve émise par la vérificatrice générale relativement au Parlement concerne la pratique de la DGSCC consistant à se servir des commandites pour acheminer de l’argent provenant des allocations autorisées par le Parlement pour le ministère vers des sociétés d’État, par l’entremise des agences de publicité ayant été commanditées. Cette pratique a permis à la DGSCC de se soustraire à l’approbation du Conseil du Trésor, approbation qui aurait normalement été exigée pour une demande de transfert de fonds et grâce à laquelle le Parlement aurait été informé du transfert dans le cadre du Budget supplémentaire des dépenses.
Dans son Rapport de novembre 2003, la vérificatrice générale juge cette pratique « déplacée » (3.37) et indique que : « Des hauts fonctionnaires de la DGSCC et des représentants des sociétés d’État étaient au courant de ces arrangements et y participaient volontiers » (3.44). La GRC semble être incluse dans cet énoncé, car elle fait partie des organisations mentionnées dans un deuxième commentaire selon lequel « on a contourné le processus parlementaire » quand les fonds ont été transférés à des sociétés d’État et à la GRC, et utilisés pour financer leurs activités (3.100). Ont été vérifiées les transactions de commandites impliquant les sociétés d’État (et « autres entités fédérales ») suivantes36 :
• | Banque de développement du Canada |
• | Société canadienne d’hypothèques et de logement |
• | Société canadienne des postes (vérification limitée et recommandation pour que Postes Canada procède à une vérification interne plus élaborée) |
• | Commission canadienne du tourisme |
• | Société du Vieux-Port de Montréal Incorporée |
• | VIA Rail Canada Inc. |
Le Comité a entendu des témoins de VIA Rail (Marc LeFrançois, pdg) et de Postes Canada (André Ouellet, président). Il s’est également entretenu avec M. Giuliano Zaccardelli, commissaire de la GRC, à propos de l’argent des commandites utilisé dans le cadre des activités du 125e anniversaire. Leurs discussions ont surtout porté sur la valeur des services qu’ont obtenus les Canadiens grâce aux commandites auxquelles ces organisations ont participé. Toutefois, les membres du Comité se sont aussi interrogés sur le bien-fondé de se servir des commandites pour acheminer de l’argent de TPSGC vers des sociétés d’État et la GRC. (Ces questions sont débattues plus en détail dans les sections du présent document portant sur les sociétés d’État et la GRC, plus haut).
Lors de son témoignage, M. LeFrançois a déclaré que VIA Rail avait reçu la pleine valeur, en termes de visibilité, de l’argent dépensé en commandites. En ce qui concerne la décision de fournir de l’argent des commandites à des sociétés d’État, il a allégué que le « contexte élargi » dans lequel VIA Rail s’était servi de l’argent des commandites n’avait pas fait l’objet de critiques lors de vérifications précédentes, que ce soit à l’interne ou par la vérificatrice générale. Il a par ailleurs ajouté que « le fait de recevoir des fonds du gouvernement du Canada pour appuyer les priorités gouvernementales arrive fréquemment. Recevoir des fonds de commandites, directement ou indirectement, pour mettre en œuvre les stratégies du gouvernement fait partie du cours normal des activités des organisations ».
M. Ouellet, lors de son témoignage devant le Comité au nom de Postes Canada, s’est concentré sur les réserves émises par la vérificatrice générale au sujet de la valeur de l’argent dépensé, et a affirmé que Postes Canada en avait pleinement eu pour son argent avec les fonds de commandites, en termes d’objectifs organisationnels essentiellement pour la commercialisation de ses produits. Il n’a pas abordé la question du contournement du processus parlementaire.
M. Zaccardelli a déclaré que l’argent des commandites n’avait servi qu’à une seule dépense de fonctionnement, soit l’achat de chevaux pour le Carrousel de la GRC. Il n’a pas abordé précisément les réserves émises par la vérificatrice générale au sujet du contournement du processus parlementaire. Cependant, il a formulé le commentaire général suivant : « J’ai lu le rapport de la vérificatrice générale et j’accepte son contenu ainsi que les recommandations relatives à la Gendarmerie royale du Canada ».
Lors de son témoignage devant le Comité, M. Guité n’a pas tenté de nier le fait que les commandites avaient servi à fournir de l’argent à des sociétés d’État (et à au moins un ministère), en dehors de la procédure officielle de transfert de crédits déjà autorisés par le Parlement. Au contraire, il a laissé entendre que la procédure d’autorisation du Conseil du Trésor ne faisait que ralentir les transactions, et que l’utilisation des commandites constituait une solution pratique :
Dans le cas de VIA Rail et de Postes Canada, on ne peut pas comment dire , je ne peux pas transférer des fonds de la DGSCC vers Postes Canada. Pour cela, je dois passer par le Conseil du Trésor, parce que cela reviendrait à prendre des fonds dans un portefeuille pour les transférer, ce qui est pire encore, à une société d’État. C’est donc tout un système par lequel il faut passer. En passant par une agence, ce que j’ai fait pour chaque commandite que nous avons accordée, je me suis servi de l’agence pour acheminer cet argent à VIA Rail, mais cet argent n’a pas servi à financer les activités de VIA Rail; il a servi au commanditaire… .
Dans son rapport, la vérificatrice générale a signalé que le Programme de commandites fonctionnait
dans un environnement à faible contrôle : les activités d’achat et les activités financières étaient traitées au sein de la DGSCC avec peu de surveillance de la part des services centraux de TPSGC, les agences de communications et les événements devant être commandités étaient choisis par quelques personnes seulement, et les personnes qui approuvaient les projets approuvaient aussi le paiement des factures. Les rôles et les responsabilités n’étaient pas répartis de façon à éliminer, autant que possible, toute occasion de fraude, d’inexactitudes ou de contournement des contrôles par la direction (3.22).
M. Quail a dit avoir écrit à M. Guité, lorsque le Ministère a créé la DGSCC, pour l’informer qu’il était maintenant responsable d’une direction générale, qui serait « assujettie aux mécanismes de vérification et d’examen, au contrôle de qualité des contrats, au règlement contractuel ainsi qu’à la sensibilisation à la fraude et à la prévention ». Il dit avoir conseillé à M. Guité « de rencontrer Norm Steinberg […] et de consulter les politiques et les directives du Conseil du Trésor et de Travaux publics et Services gouvernementaux, et je m’attendais à ce que ce soit fait ». Mais M. Quail a ajouté qu’il n’avait « pas fait de lien entre les deux » (c.-à-d. que sa décision de demander à M. Guité de parler à M. Steinberg n’avait pas de lien avec les résultats de la vérification de 1996). M. Quail a indiqué qu’il ne se souvenait pas s’il avait vérifié auprès de M. Guité que celui-ci avait bien rencontré M. Steinberg comme demandé.
Les témoignages de ces personnes viennent compléter et confirmer les observations de la vérificatrice générale et les constatations qui s’étaient dégagées d’une vérification interne menée par le Ministère en 2000 (voir plus bas).
Interrogée sur les raisons pour lesquelles les règles ont été transgressées, Mme Tremblay a répondu :
On peut difficilement violer les règles quand il n’y en a pas. En ce qui concerne les commandites, il n’y avait aucune règle […] certaines choses ont été faites, des contrats ont été rédigés et des factures, payées, sans qu’aucune question ne soit jamais posée. J’en ai conclu qu’on ne peut pas enfreindre de règle s’il n’y en a tout simplement pas.
M. Judd, par contre, a donné au Comité une interprétation plutôt différente. Selon lui, « le problème ne tenait pas à l’absence de règles. Il y avait des règles, des systèmes et des procédures en place, mais on les a ignorés ». Dans le même ordre d’idées, M. Marshall a signalé :
aucun système n’est infaillible. Comme l’a fait remarquer la vérificatrice générale, des procédures de vérification et des contrôles existaient au moment où ces activités se déroulaient, et ceux-ci auraient effectivement permis d’assurer une bonne gestion s’ils avaient été suivis. Mais malheureusement, dans le dossier des commandites, cela n’a pas été le cas, et quelques individus qui occupaient des postes d’autorité ont profité de la situation.
Interrogé sur les raisons pour lesquelles la situation avait mal tourné, M. Steinberg a semblé se souvenir que la vérification interne de 2000 mentionnait
que le processus décisionnel était en définitive très subjectif et que le directeur général jouissait d’un grand pouvoir discrétionnaire […] le rapport faisait état de la façon dont le directeur général avait décidé d’agir à sa guise, même s’il existait des directives préliminaires et qu’on [la DGSCC] essayait de les appliquer, pour prendre une décision controversée et octroyer des commandites malgré l’avis contraire de ses propres conseillers […] Il y avait bel et bien des règles et des règlements. C’est simplement un groupe de personnes qui a choisi de ne pas tenir compte de ces règles et de faire comme bon lui semblait.
En 2002, la vérificatrice générale, pendant sa vérification des trois contrats attribués à Groupaction, s’est fait dire par M. Guité qu’en ce qui concerne l’absence de documentation dans les dossiers « c’était le mode de fonctionnement quand il était responsable du Programme37 ». Dans son témoignage devant le Comité, M. Guité a répété : « Je n’ai enfreint aucune des règles ».
36 | Ont aussi fait l’objet de vérification : la Société immobilière du Canada/Parc Downsview Park Inc.; la Monnaie royale canadienne; la Société du Centre national des arts et la Commission de la capitale nationale, mais le rapport indique que ces vérifications n’ont relevé aucun problème sérieux. |
37 | Bureau du vérificateur général du Canada, 8 mai 2002, paragraphe 30. |