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PROC Rapport du Comité

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COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

CHAMBRES DES COMMUNES
HOUSE OF COMMONS
OTTAWA, CANADA
K1A 0A6
STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS

38e Législature, 1ère Session

Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a l’honneur de présenter son

SEPTIÈME RAPPORT

Conformément au mandat que lui confère le paragraphe 108(3)(a)(vi) du Règlement, le Comité a examiné des questions concernant la délimitation des circonscriptions électorales soulevées dans le 16e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre dans la 3e session de la 37e législature. Le Comité est d'accord avec les conclusions de ce rapport, dont voici le texte :

Le présent rapport se fonde sur la grande expérience des membres du Sous-comité de la révision des limites des circonscriptions électorales, chargé par le Comité d’étudier l’objet des oppositions faites par les députés aux rapports des commissions de délimitation des circonscriptions électorales établies par suite du recensement de 2001. Les membres du Sous-comité se sont réunis 24 fois en quatre mois pour étudier 85 oppositions. Sept rapports ont été déposés par le Comité. Le Comité estimait très important de recommander des modifications législatives et de ne pas clore cet exercice sans présenter des observations visant à améliorer le processus de remaniement et nous espérons que ces observations et propositions seront prises sérieusement en considération et que les recommandations seront mises en application avant la tenue du prochain recensement décennal, en 2011.

En préparant le présent rapport, le Comité a examiné les oppositions et les témoignages présentés au Sous-comité autant que les rapports des commissions concernant ces oppositions. En outre, le Sous-comité a tenu, le 6 octobre 2003, une réunion portant sur le processus à laquelle ont participé le directeur général des élections du Canada, M. Jean-Pierre Kingsley, ainsi que trois anciens membres des commissions de délimitation des circonscriptions électorales. Le même jour, il a aussi organisé une table ronde à laquelle étaient conviés tous les députés. Le Sous-comité a également tiré profit des travaux du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre qui, en 1994 1995, avait examiné la question du remaniement et déposé un projet de loi qui aurait modifié la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Ce projet de loi, le projet de loi C-69, Loi prévoyant l’établissement de commissions de délimitation des circonscriptions électorales, a malheureusement expiré au cours de son étude par le Sénat. Le Comité désire souligner l’apport de tous les députés qui ont participé au processus, de même que la coopération et le travail acharné de M. Kingsley et du personnel d’Élections Canada.

INTRODUCTION

Nous désirons féliciter les commissions de délimitation des circonscriptions électorales fédérales et Élections Canada d’avoir mené à bien une tâche difficile et souvent ingrate. Nous apprécions le service qu’elles ont rendu au public et reconnaissons les obstacles qu’elles ont surmontés. Nous notons qu’en s’acquittant d’un exercice de ce type, il n’est guère possible de contenter tout le monde. Les observations que nous présentons ci-après n’ont pas pour objet de saper de quelque manière que soit la légitimité du remaniement de 2003. Elles visent plutôt à souligner de manière constructive les points faibles et les points forts du processus actuel de remaniement à l’égard desquels on peut souhaiter des améliorations.

Deux grands thèmes sont abordés dans ce rapport. Le premier a trait à la tension qui existe entre l’égalité des voix et l’efficacité de la représentation. Le texte de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales et la majorité des rapports des commissions font valoir le fait important que tous les Canadiens devraient disposer d’un vote ayant un poids égal. Les députés et les communautés qu’ils représentent ont tendance à accorder la même importance aux considérations collectives qu’aux intérêts individuels. On peut soutenir que l’instabilité des interprétations sur les mesures à prendre pour établir un équilibre adéquat entre ces deux ordres de considérations est à l’origine de la tension qui existe entre les commissions et le grand public, d’une part, et entre elles et les députés, d’autre part. C’est un problème important dont l’étude s’impose.

L’autre thème s’impose dans toutes les manifestations de la vie publique canadienne. Dans tous les aspects de leurs institutions publiques, les Canadiens exigent et devraient bénéficier de processus de transparence et d’une reddition de comptes. Le processus de révision des circonscriptions électorales fédérales ne devrait pas échapper à ces normes. Notre sentiment est qu’en même temps qu’elle mettait les commissions à l’abri de toute interférence politique – pour des motifs valides et légitimes – la loi a erré lorsqu’elle les a également soustraites au principe de la reddition de comptes. Un grand nombre de nos recommandations tentent d’améliorer la transparence et l’obligation de rendre compte des commissions en rehaussant leur prestige tout en préservant leur efficacité et leur indépendance.

Le rapport commence par une discussion du rôle et des expériences du Comité dans l’exercice, en 2002 et 2003, du remaniement des circonscriptions électorales. Nous fournissons ensuite des observations sur notre rôle et celui des députés dans le processus. Ensuite, le rapport suit le processus de remaniement lui-même en abordant les sujets suivants : les critères de détermination des limites d’une circonscription, le rôle et la composition des commissions de délimitation, les audiences publiques et les appels ainsi que le rôle d’Élections Canada. À la fin du rapport, nous présentons un survol général de la voie qu’à notre avis une démarche de révision devrait emprunter. Les recommandations sont présentées à la fin de chaque section.

A.  LE RÔLE DU COMITÉ PARLEMENTAIRE

Au cours du cycle de 2002-2003 du remaniement électoral, le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a créé le Sous-comité de la révision des limites des circonscriptions électorales pour examiner les oppositions faites par les députés aux rapports des commissions de délimitation des circonscriptions électorales. Le Sous-comité était composé d’un député de chacun des partis et d’un président. Il comptait, au cours de son existence, deux députés du Québec, deux députés de l’Ontario, un député du Manitoba, un député de la Nouvelle-Écosse et un député du Nouveau-Brunswick.

Dans le cours de son travail, le Sous-comité a étudié 85 oppositions et fait paraître des rapports de fond pour sept provinces. Le gros de son travail a été effectué pendant 30 jours de séance, entre le 11 avril et le 20 juin. Au cours de cette période, ses membres devaient aussi s’acquitter de leurs tâches habituelles au sein d’autres comités et de leurs autres fonctions au cours de cette session législative extraordinairement chargée. Le temps, l’énergie et le dévouement que les membres du Sous-comité ont mis a accomplir cette tâche de manière non partisane et collégiale ont été considérables.

1.  Les avantages du rôle que jouent le Comité et le Sous-comité dans le processus

Même si ses rapports n’ont que valeur de recommandation, le Sous-comité a pu, dans les cas litigieux et cruciaux, signaler aux commissions de délimitation des circonscriptions électorales qu’elles avaient fait abstraction de certaines questions graves. Le rôle consultatif, lorsqu’il est bien joué, est marquant, convaincant et bien accueilli. C’est l’expérience des députés en matière d’élection et de représentation qui est vitale lorsqu’il s’agit pour eux de saisir la nature de la représentation.

Nous voulons également souligner le rôle qui incombe au Comité (par l’entremise du Sous-comité) d’assurer un débat public de portée nationale. L’optique nationale nous a permis de constater ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans l’ensemble du système. Nous avons pu voir que certaines circonstances se répètent dans toutes les régions du pays et les comparer. Nous avons constaté aussi de quelle façon les décisions et les caractéristiques propres à chaque commission faisaient ressortir les ambiguïtés et les irrégularités de la loi. Ce qui varie notamment d’une commission à l’autre, ce sont les conventions servant à nommer les circonscriptions, la manière d’étudier et d’interpréter la communauté d’intérêts et la spécificité – il y a même eu, en Alberta, une contestation implicite de la loi et du mandat de la commission tel qu’énoncé dans la loi, et, au Québec, une prétendue « tradition » de découper la province en trois régions; les façons divergentes d’interpréter une variance à partir du quotient, la position de départ et la méthodologie.

Le Comité estime que ces deux rôles sont importants et devraient être préservés. Si un comité parlementaire rédigeait un rapport après chaque cycle de remaniement, un tel rapport serait irremplaçable. Il est important que les parlementaires se prononcent et qu’ils développent leur expertise et leur connaissance du processus parce qu’en fin de compte, c’est le Parlement qui édicte les modifications visant à améliorer le remaniement des limites des circonscriptions électorales.

2.  Les limites du rôle du Comité et du Sous-comité

Le comité parlementaire chargé d’étudier les décisions relatives au remaniement ne prend pas la place des commissions de délimitation des circonscriptions électorales et ne leur fait pas concurrence non plus. Un comité parlementaire ne saurait se substituer au personnel et à l’expertise dont disposent les commissions de délimitation, et aucun ne souhaite le faire. Son rôle consiste à écouter, observer et commenter, pas à substituer. Précisons à l’intention des commissions, des députés et des autres intéressés que même si un comité ou sous-comité est en mesure de définir les problèmes à régler, il n’aura pas le temps, les ressources ou la possibilité de les résoudre intégralement et avec la minutie requise. La comparution des parlementaires devant les commissions et les représentations qu’ils peuvent faire sont irremplaçables.

Lorsque le Comité renvoie une opposition à une commission, son rôle est de lui fournir des buts généraux et des pistes de solution de même que des renseignements découlant des connaissances et de l’expérience parlementaire – et non des cartes détaillées et des données démographiques ventilées. Les commissions doivent elles aussi comprendre que le rôle du Comité consiste à faire des observations, à prodiguer des conseils pratiques et à proposer de l’aide et des correctifs en s’inspirant de la lucidité acquise à servir une circonscription et à la représenter au Parlement. Alors que les commissaires s’intéressent aux électeurs individuels, le volet parlementaire du processus s’occupent plutôt des besoins de la circonscription.

3.  Le rôle des députés

Les députés doivent reconnaître le rôle qu’ils jouent dans ce processus. Il leur appartient de s’assurer qu’ils disposent de l’information pertinente sur le remaniement électoral. Ils devraient assister aux audiences publiques ou, lorsque c’est impossible, s’y faire représenter. Chaque député devrait expliquer aux commissions de délimitation des circonscriptions électorales s’il favorise le remaniement proposé et pour quels motifs et suggérer au besoin des solutions de rechange. L’expérience et les ressources du député qui fait une représentation à une audience de la commission sont importantes.

Le Comité note qu’à l’occasion, il s’agit là d’une intervention délicate pour un député. Celui-ci peut juger politiquement difficile de s’opposer à l’inclusion d’un certain secteur dans une circonscription, même si ses motifs sont objectifs. Une telle intervention peut être perçue comme une manifestation publique d’ostracisme à l’endroit des électeurs et semer le doute sur la capacité ou la volonté du député de les représenter. Néanmoins, pour bien servir les circonscriptions et leurs commettants, les commissions doivent disposer de la meilleure information disponible. Les députés peuvent formuler leurs commentaires en se fondant sur leur expérience des circonscriptions; par exemple, les problèmes de déplacement, les exigences en matières de ressources et la sensibilité aux réseaux communautaire.

Les commissions doivent également comprendre que le silence d’un député à n’importe quel stade du processus ne signifie pas nécessairement qu’il approuve ou se désintéresse de la question. Le fait d’interpréter ce silence à l’appui d’une décision peut engendrer des erreurs de compréhension. Un député peut se taire pour divers motifs, par exemple parce qu’il est membre du comité chargé de faire des recommandations sur les oppositions; un député peut également être touché par une proposition de remaniement (ou une opposition) visant plusieurs circonscriptions dans laquelle d’autres députés, plus directement intéressés, ont pris l’initiative d’intervenir.

B.  RÔLE DES COMMISSIONS DE DÉLIMITATION DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES FÉDÉRALES

Les commissions de délimitation des circonscriptions électorales fédérales sont des organes complètement indépendants. Elles sont conçues pour être indépendantes d’Élections Canada et du processus politique. Le Comité reconnaît la nécessité de mettre les commissions à l’abri de toute influence politique ou autres lorsqu’il établit les circonscriptions électorales et il recommande avec insistance qu’on ne fasse aucun changement susceptible d’ouvrir la porte à une telle ingérence dans les affaires des commissions. Rien ne devrait en outre laisser croire erronément à l’apparence d’une telle ingérence dans les affaires des commissions. Certaines questions ont toutefois été portées à notre attention au cours du cycle de remaniement des circonscriptions électorales de 2002-2003.

1.  Uniformité et homogénéité des approches des commissions

Le Sous-comité a constaté qu’il existait des divergences considérables dans la façon dont les commissions concevaient leur travail. Premièrement les commissions différaient par l’interprétation et l’application de leur mandat. Certaines commissions ont été plus vigilantes que d’autres dans leur tentative d’imposer la parité du quotient. La commission du Manitoba, par exemple, a tenté de limiter la variance à ±5 p. 100. Celle de l’Ontario a choisi de régler la question des circonscriptions du Nord en créant la circonscription de KENORA avec un écart de presque -44 p. 100. Au contraire, la commission québécoise a décidé de régler la question des circonscriptions de MANICOUAGAN et de Gaspé d’une façon qui a entraîné une cascade de remaniements tout le long des côtes du Saint-Laurent. Les commissions de l’Ontario et du Québec ont accordé une attention particulière aux récentes fusions municipales, chaque fois qu’il était possible de le faire, avant de prendre leurs décisions. La commission de l’Alberta a adopté ce que nous appellerons par simple décence une stratégie impénétrable en décidant que Calgary et Edmonton auraient la même représentation numérique à la Chambre des communes. Ces incohérences ont engendré de nombreuses plaintes attribuables aux divergences des commissions à l’égard de l’exécution de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Elles ont également produit des décisions ayant pour les Canadiens des conséquences disparates selon leur lieu de résidence, ce qui, à notre avis, est contraire à l’objet de la loi, lequel consiste à garantir aux citoyens l’égalité des voix et une représentation efficace et raisonnable.

Nous estimons qu’un grand nombre de ces incohérences résultent du manque de clarté des critères que contient la loi, des moyens à prendre pour discerner ces critères et des directives sur la façon de procéder. Dans son témoignage devant le Sous-comité, le directeur général des élections, M. Jean-Pierre Kingsley, a fait remarquer qu’Élections Canada fournit leurs ressources aux commissions et organise une séance d’information à l’intention des commissaires au début du processus. Mais Élections Canada ne propose aucune directive ni interprétation autres que celles qui sont énoncées dans la loi. Les commissions sont les organes désignés dans la loi pour définir la nature du travail qui leur incombe.

Il reste beaucoup à dire pour rendre compte de l’indépendance et de la discrétion de chaque commission. Comme nous l’avons noté ailleurs, les critères locaux sont importants pour la définition de ce qui peut constituer une circonscription bien délimitée. Certains des problèmes de remaniement sont chroniques et sans solution facile, tels ceux du Nouveau-Brunswick. Mais indépendance et rigidité ne sont guère compatibles. Signalons ici en particulier la commission pour l’Alberta qui a interprété son mandat d’une façon qui remet implicitement en question les dispositions de la loi relatives aux aspects communautaire et historique des circonscriptions. La commission a tout simplement évité d’appliquer les volets de son mandat auxquels elle ne souscrivait pas. En outre, en nous fondant sur les témoignages présentés et sur la lecture de son rapport, nous en sommes venus à la conclusion qu’en plus de s’éloigner radicalement des approches plus pragmatiques des autres commissions, cette commission s’est montrée, de manière persistante, imperméable à ceux qui l’ont invitée à reconsidérer son point de vue et elle a adopté un ton que l’on peut qualifier de polémique.
Recommandation 1

Le Comité recommande ce qui suit :
que l’article 18 de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifié afin que, lors de la formation de chaque commission de délimitation des circonscriptions électorales, Élections Canada lui fournisse :

  1. des instructions normalisées, des références bibliographiques et autres documents contenant des analyses détaillées et des cas-types pertinents pour déterminer et rendre une décision sur les communautés d’intérêt, l’identité et les tendances historiques des circonscriptions;

  2. les critères de base requis pour les décisions relatives aux rapports et un format de rapport normalisé;

  3. des critères adéquats pour l’attribution de noms à chaque circonscription.

2.  Critères pour l’établissement des circonscriptions électorales : par où commencer?

La Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales est détaillée sur la question du processus de remaniement, mais discrète sur les critères. Selon l’article 15 de cette loi, une circonscription électorale doit être établie de manière à ce que sa population s’approche autant qu’il est raisonnablement possible du quotient provincial. Ce faisant, la commission doit « tenir compte de la communauté d’intérêts, de la spécificité ou de l’historique de la circonscription électorale », et la circonscription doit avoir une taille administrable dans les régions rurales et nordiques faiblement peuplées. La loi prévoit que l’écart par rapport au quotient provincial ne doit pas excéder ±25 p. 100. Dans des circonstances exceptionnelles, toutefois, la commission peut s’écarter davantage du quotient.

À nos yeux, la loi, lorsqu’elle utilise le terme « raisonnable », invite au pragmatisme et non à la rigidité. Une province et ses collectivités ne naissent pas de rien. Il faut tenir compte des événements historiques et des enjeux communautaires qui les ont modelées. C’est le remaniement qui semble compromettre de la façon la plus flagrante les fondements historiques : tout en reconnaissant les collectivités fondées sur les droits ou sur les groupes, les commissions doivent également faire attention à ce qui caractérise les circonscriptions naturelles ou historiques. Le principal critère du remaniement devrait être la continuité, pas le changement et nous estimons que cela devrait se refléter davantage dans la formulation de la loi et être réitéré dans toute information fournie aux commissions de délimitation.

M. Peter Adams, député de l’Ontario, dans son témoignage devant le Sous-comité, a précisé qu’au lieu de partir d’un point géographique défini (comme on semble l’avoir fait au Québec et en Ontario), les commissions devraient commencer par établir les circonscriptions naturelles, rurales et urbaines, qui gardent leur caractère historique (ou subsistent parce que leur population est relativement stable) où qu’elles se trouvent, géographiquement parlant, dans une province. L’honorable Maria Minna, c.p., députée ontarienne, a réitéré cette suggestion dans les observations qu’elle a présentées à la table ronde. Une fois ces circonscriptions délimitées, les commissions peuvent s’en servir comme nœuds et découper les autres circonscriptions dans le territoire restant. Cette méthode serait sans doute plus efficace pour régler les épineuses questions communautaires se posant dans les nouvelles circonscriptions de banlieue en pleine croissance telles que Halton en Ontario ou celles qui entourent Edmonton et Calgary.

Cette méthode s’accommoderait bien d’une prémisse privilégiant la continuité au lieu du changement. La loi devrait stipuler sans ambiguïté que les limites des circonscriptions électorales actuelles devraient être respectées à moins qu’il n’existe des motifs de les modifier. Les commissions n’ont pas besoin, pour justifier leur existence, de redessiner la carte électorale, et il convient de décourager le changement pour le changement. Dans les provinces ou les régions dont les populations sont relativement stables, il ne devrait y avoir aucun changement important. Même si nous reconnaissons qu’il y aura nécessairement des retombées, le remaniement devrait se limiter surtout aux aires de croissance ou de déclin démographique.
Recommandation 2

Le Comité recommande ce qui suit :
que l’article 15 de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifié afin d’y ajouter la notion privilégiant la continuité des circonscriptions et des agencements de circonscriptions plutôt que leur modification et ce, afin de mieux préserver la continuité historique de la représentation dans les provinces.
Le professeur Andrew Sancton, un des membres de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales pour l’Ontario, laisse entendre que, dans le contexte général d’une province, il est difficile de commencer le processus par les circonscriptions considérées comme des « circonscriptions naturelles ». S’il advient que les circonscriptions qualifiées au départ de « naturelles » s’avèrent moins naturelles que les circonscriptions avoisinantes, il peut être difficile de revenir sur la décision, particulièrement après les audiences publiques. En outre, cela peut finir par devenir une proposition qui se réalise d’elle-même puisqu’il se peut que les circonscriptions dites naturelles peuvent devenir inchangeables.

Néanmoins, le Comité estime que ces suggestions valent la peine d’un examen. Un grand nombre des décisions malhabiles portées à notre attention sont le fait des retombées d’une décision prise à l’endroit d’une autre circonscription, relativement éloignée. Une fois enclenchée, la réaction en chaîne des décisions portant sur les limites des circonscriptions est difficile à inverser. Tout changement au processus pouvant réduire de façon marquée l’effet de cascade où le nombre d’oppositions devraient être mis à l’essai.

3.  Communauté

Il faut absolument discuter de ce que signifie « communauté » au sens de la loi pour mieux comprendre. Les observations et oppositions présentées aux commissions définissaient parfois de façon grossière ou imprécise la communauté d’intérêts ou la spécificité. Les commissions elles-mêmes semblaient fortement enclines à limiter l’usage des intérêts communs alors que la loi prévoit pourtant explicitement la prise en compte de ces critères.

Notre système est censé représenter les circonscriptions, et non les individus. L’argument le plus souvent invoqué pour défendre le système de Westminster, uninominal majoritaire à un tour, c’est la représentation locale de la communauté que permet l’élection d’un député sur place. Par ailleurs, si les circonscriptions sont des constructions électorales, elles sont également des institutions humaines. Comme toutes les institutions humaines elles adhèrent aux valeurs et à la spécificité de ceux qui en font partie. Il faut, lorsqu’il s’agit de répartir les électeurs entre différentes circonscriptions, y être sensible et améliorer les directives fournies dans la loi.

Ceci étant dit, nous sommes conscients du fait qu’une communauté peut être difficile à définir; plus difficile encore lorsqu’il faut en outre se rapprocher autant que possible du quotient provincial. Pour ce motif, nous estimons que les commissions devraient recevoir de la documentation standardisée afin qu’elles puissent inciter les gens à comprendre à fond et de manière uniforme les applications de ce critère. L’interprétation doit être du ressort des commissions, mais les fondements de la connaissance devraient être les mêmes pour tous.

Actuellement, la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales elle-même ne fournit pas d’informations ni d’orientations sur une foule de critères dont ceux qui servent, en dernière analyse, à évaluer la représentation communautaire et à tracer les limites des circonscriptions électorales. En conséquence, on trouve des anomalies telles que le partage d’une réserve autochtone en deux circonscriptions électorales.

Il s’est avéré que certaines décisions prises par les commissions n’ont pas tenu compte des contraintes géographiques locales. Ces commissions ont parfois laissé de petites poches ou îlots de personnes isolées de leur circonscription par des autoroutes, des voies de chemin de fer, des parcs industriels ou des barrières naturelles – des montagnes, des rivières, des ravins, ainsi que les centaines de kilomètres du Bouclier canadien et de la forêt boréale. Parfois, les circonscriptions récemment dessinées défient tout simplement la logique du réseau routier local – une aberration qui, selon M. Ken Epp, député d’Alberta, pourrait forcer un parlementaire à passer plus de temps dans sa voiture qu’avec les citoyens de sa circonscription. Le professeur Sancton a souligné, pour la gouverne du Sous-comité, l’attention particulière accordée par la Commission au réseau routier. Il faut rappeler aux commissions l’importance de la topographie et des voies de transport.

Une représentation efficace est au cœur des préoccupations de tout député. Les commissions devraient se tenir au courant de l’ensemble des obligations d’un député et de la gamme des demandes et des services émanant des circonscriptions. Parmi les motifs des oppositions présentées par un grand nombre de députés, on peut citer, notamment le besoin de maintenir des liens avec les groupements locaux et entre eux, les bureaux administratifs, les homologues provinciaux et municipaux. Un changement de limites peut avoir, en matière de politique et de représentation, une incidence considérable sur un grand nombre de réseaux non officiels qui peuvent s’avérer cruciaux si on veut répondre aux besoins des électeurs.
Recommandation 3

Le Comité recommande ce qui suit :
que la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifiée afin de fournir :

  1. une définition claire des termes « communauté d’intérêts » et « spécificité »;

  2. plus d’informations ou d’orientations sur l’évaluation de la représentation communautaire.
Recommandation 4

Le Comité recommande ce qui suit :
que soient fournis aux commissions de délimitation ce qui suit :

  1. diverses stratégies pour déterminer les points de départ naturels à partir desquels il faut entreprendre le redécoupage des circonscriptions;

  2. des exemples de conseillers spécialisés devant être consultés, notamment des planificateurs municipaux ainsi que des fonctionnaires ou des organismes provinciaux œuvrant dans les domaines de la statistique ou de la démographie;

  3. une documentation standardisée afin de les inciter à comprendre à fond et de manière uniforme les applications du critère relatif à la communauté (tel que définie par la loi);

  4. une liste des facteurs importants qui permettent aux députés de représenter efficacement une communauté;

  5. une description de l’ensemble des obligations d’un député afin qu’elles puissent comprendre l’incidence considérable qu’un changement de limites peut avoir sur les besoins des électeurs.
Recommandation 5

Le Comité recommande ce qui suit :
que les commissions de délimitation tiennent compte des contraintes géographiques et des voies de transport.

4.  Le quotient provincial

Qu’est-ce qu’un écart raisonnable par rapport au quotient? Les commissions divergent considérablement quant à la variance qu’elles sont prêtes à tolérer. Il s’est également dégagé des observations des députés et d’autres sources qu’un grand nombre de représentations faites devant les commissions ont tenu le quotient maximal acceptable pour une invitation à s’opposer à une modification raisonnable et nécessaire des limites d’une circonscription.

Il a été suggéré de prévoir un quotient différentiel dans certaines régions ou provinces. Par exemple, il ressort de notre expérience que l’Ontario, avec ses 106 circonscriptions, est trop vaste et trop diversifiée pour s’accommoder d’un quotient unique. Le Sud se développe rapidement tandis que le Nord et la vaste zone rurale assez densément peuplée de l’est et du sud-ouest de l’Ontario ne correspondent à aucune définition de la circonscription de type rural. Des circonscriptions telles que MIDDLESEX-KENT-LAMBTON sont des circonscriptions rurales étendues et peuplées. Dans le « Golden Horseshoe », autour du lac Ontario, plusieurs députés nous ont avertis que tout remaniement serait dépassé avant même que les nouvelles circonscriptions ne soient connues. Le fait que l’Ontario se caractérise maintenant par une exception controversée, soit une circonscription du Nord de la province qui s’écarte de -40 p. 100 du quotient provincial, en dit long.

Pour résoudre autrement la question à l’échelle nationale, on pourrait inscrire dans la loi certaines circonscriptions, telles que celles de KENORA-RAINY RIVER, MANICOUAGAN, LABRADOR, SKEENA-BULKLEY VALLEY et CHURCHILL. Cela soustrairait ces circonscriptions ou régions au champ de compétence des commissions et permettrait à celles-ci de réduire la variance pour les autres circonscriptions. On pourrait aussi désigner un nombre précis de circonscriptions pour les régions nordiques, comme le nord de l’Ontario. Il est certes possible qu’à long terme les circonscriptions inscrites dans la loi se dépeuplent trop au fil du temps. Toute inscription devrait être sujette à révision avant ou après chaque remaniement. Ces changements permettraient toutefois de reconnaître les défis qu’il faut relever pour garantir la représentation des régions éloignées et très peu peuplées du pays.

Il convient de signaler que toute solution de cet ordre aurait une incidence négative sur le principe « une personne, un vote » et renforcerait le poids électoral des régions éloignées du pays aux dépens des zones plus densément peuplées. À l’heure actuelle, une telle solution pourrait réduire la cascade des inégalités attribuables aux efforts consentis pour s’adapter à ces circonscriptions. Des inégalités de représentation existent déjà entre les diverses régions du pays. Voilà qui fait ressortir la nécessité de lancer, sur cette question, un débat franc et honnête si l’on veut que chaque citoyen bénéficie d’une représentation équitable et efficace.
Recommandation 6

Le Comité recommande ce qui suit :
que l’on tienne compte, dans l’article 14 de la loi, des écarts entre les circonscriptions peu peuplées et celles des régions urbaines densément peuplées :

  1. en accordant un statut exceptionnel, inscrit dans la loi, à certaines circonscriptions précises éloignées et peu peuplées et que ce statut soit réexaminé aux fins de renouvellement lors de chaque recensement;

    (et/ou)

  2. en offrant un quotient différent pour le nord et le sud de l’Ontario, du Québec et de la Colombie-Britannique afin de tenir compte de la taille et de la situation unique de ces provinces.
Recommandation 7

Le Comité recommande en outre que si l’un de ces deux mécanismes est utilisé pour résoudre le problème des circonscriptions facilement identifiables comme rurales peu peuplées ou éloignées, on devrait examiner l’opportunité de réduire l’écart normal du quotient provincial, qui est prévu au paragraphe 15(2) de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales, pour les circonscriptions urbaines, peut-être jusqu’à ±15 p. 100.
Une solution non législative permettrait aussi d’alléger les pressions qui s’exercent sur les députés dans les circonscriptions souffrant aujourd’hui de problèmes de représentation importants. On pourrait, par exemple, examiner les ressources accessibles aux députés qui représentent des circonscriptions de ce genre, ce qui fait l’objet d’un autre rapport du Comité. Il se peut qu’il existe aussi des moyens technologiques ou autres pouvant permettre à un député de travailler plus efficacement à partir de son bureau de circonscription ou de son bureau parlementaire. Mais aucune de ces méthodes ne permettrait de résoudre le problème sous-jacent de la délimitation de la circonscription.

5.  Croissance future

Les prévisions de croissance représentent une difficulté pour le remaniement. En règle générale, des statisticiens peuvent généralement prévoir les tendances générales de la croissance, mais rien de précis. Néanmoins, dans certaines régions, notamment dans le Sud de l’Ontario, dans l’axe Edmonton-Calgary et au sud de la Colombie-Britannique continentale, la croissance rapide est le moteur qui alimente le remaniement. Plusieurs députés ont fait remarquer que le remaniement de 2002-2003 serait périmé avant même que les nouvelles circonscriptions ne soient connues. Nous croyons qu’il faut tenir compte de la croissance.

Une façon de tenir compte de la croissance serait de l’intégrer à l’approche des commissions sans toucher à la législation. Il faudrait inciter les commissions, dans le cadre de leur séance d’information initiale, à tenir compte des tendances de la croissance à court terme. On pourrait également leur suggérer de consulter les urbanistes municipaux au sujet des régions de croissance communautaire, et les urbanistes doivent faire appel à des marqueurs permettant de repérer les centres des futures communautés tels que les nouvelles écoles, églises, infrastructures de services publics, etc.

Le Comité s’est également demandé s’il ne serait pas préférable de modifier les limites des circonscriptions tous les cinq ans plutôt que tous les dix ans. On pourrait prévoir ces remaniements après les recensements quinquennaux dans les régions où des changements démographiques importants ont eu lieu. Il y a des avantages et des désavantages à faire des remaniements plus souvent et cela doit donc faire l’objet d’un examen et d’une discussion. M. Ted White, député de la Colombie-Britannique, s’est dit inquiet de la possibilité qu’un remaniement décennal puisse compromettre la représentation de secteurs en croissance rapide et il a demandé au Comité si d’autres sources d’information pertinentes sur la population ne pourraient pas remplacer les données du recensement.

M. Kingsley a fait remarquer qu’un remaniement complet effectué tous les cinq ans pourrait réduire une partie des tensions qui peuvent résulter de l’affiliation à une collectivité et réduire les pressions qui s’exercent sur les députés pour considérer une circonscription comme une entité immuable. Dans un tel régime, un député pourrait représenter une nouvelle circonscription à chaque élection. Nous ne sommes pas certains qu’une telle perspective soit heureuse; les gens recherchent la continuité, la stabilité, la prévisibilité et ils ont un sentiment d’appartenance, particulièrement dans leurs relations avec le Parlement et à titre de bénéficiaires des services gouvernementaux. Nous notons que le projet de loi C 69, qui a été présenté en 1995, prévoyait un remaniement après chaque recensement à la seule condition que les changements démographiques aient une certaine ampleur.
Recommandation 8

Le Comité recommande ce qui suit :
que l’alinéa 15(1)(b) de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifié afin d’inclure la croissance future comme critère dont il faut tenir compte, afin de favoriser une représentation plus efficace et plus durable.

6.  Dénomination des circonscriptions

La Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales ne dit rien sur la dénomination des circonscriptions électorales. Le Comité reconnaît que la Commission de toponymie du Canada a élaboré, pour les circonscriptions électorales, des lignes directrices en matière de toponymie et que certaines commissions les ont appliquées. Toutefois, malgré leur utilité, ces lignes directrices n’ont pas été conçues à l’origine pour la dénomination des circonscriptions, mais pour les appellations géographiques. D’autres critères doivent donc être pris en considération.

Il serait utile aux commissaires qui veulent nommer des circonscriptions de garder à l’esprit le fait que ces noms sont régulièrement appelés à la Chambre, imprimés ou reproduits dans une variété d’endroits et sous différentes formes (comme la télédiffusion des débats de la Chambre des communes), ce qui entraîne des prélèvements sur le Trésor public. Ces noms confèrent une identité à ces collectivités, et les collectivités, tout comme les gens, ont à cœur leur nom et leur identité. Comme plus d’un député l’a fait remarquer à notre Comité, le déplacement constant des limites des circonscriptions fait que les gens s’attachent difficilement à une telle entité, et les changements de nom rendent la chose encore plus difficile.

Un dernier point. Comme les commissions elles-mêmes l’ont noté, si le nom d’une circonscription n’est pas modifié en dépit d’une opposition, un député peut toujours déposer un projet de loi pour y parvenir. Il nous semble futile d’employer inutilement le temps de la Chambre à modifier les noms choisis par les commissions. Les changements a posteriori entraînent également des coûts et du travail supplémentaire pour Élections Canada. Par conséquent, il serait préférable de modifier le pouvoir des commissions pour ce qui est de la désignation des circonscriptions : lorsque le comité parlementaire compétent accueille à l’unanimité une opposition à un changement de nom, la recommandation de ce comité devrait lier la commission.
Recommandation 9

Le Comité recommande ce qui suit :
que l’article 23 de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifié afin que, dans le cas d’une opposition à une proposition de nom de circonscription, et lorsqu’il y a une recommandation unanime du comité de la Chambre qui considère l’opposition, la commission de délimitation des circonscriptions électorales suive la recommandation du comité. Cela simplifierait les activités de la Chambre des communes et du Sénat, qui a déjà exprimé son opposition aux projets de loi visant à changer le nom d’une circonscription.

7.  Présentation des rapports

Le Comité constate que les variations locales sont importantes lorsqu’il s’agit de pondérer les critères présidant au tracé des circonscriptions. Nous ne préconisons pas que les commissions procèdent à un remaniement mécanique en série des limites des circonscriptions électorales. Comme il ressort clairement des tendances générales de ce rapport, nos préoccupations vont exactement en sens contraire – les modèles mathématiques perturbent inutilement les gens et les collectivités au nom d’un dénombrement rationnel.

La démarche a fait ressortir le fait que les gens s’identifient davantage à leurs paroisses et à leurs comtés en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick qu’en d’autres endroits du pays. En Colombie-Britannique, les distances sont moins importantes que les barrières géographiques, par exemple un col de montagne à franchir en hiver. Une circonscription rurale comptant un grand nombre de petites communautés ne pose pas les mêmes défis qu’une circonscription nordique étendue et éloignée qui comporte un petit nombre de localités disséminées. Les différences entre la ville et la campagne n’étaient pas très marquées en Saskatchewan, et le public les a en fait écartées lors du dépôt de la proposition initiale. Dans d’autres provinces, ces différences se sont avérées très importantes. Pour ces motifs, notre dernière observation sur le manque d’uniformité porte sur la nécessité de mieux rendre compte des décisions.

Le mode de présentation des rapports a varié considérablement d’une commission à l’autre, une situation qui a empêché le Sous-comité de glaner aisément la pensée des commissaires ou de comprendre l’argumentation fondant leurs décisions. Certaines commissions se sont montrées prolixes dans l’explication de leurs méthodes de travail alors que d’autres ont à peine effleuré le sujet. Étant donné la diversité des stratégies des commissions, le caractère peu cohérent des rapports a ajouté aux frustrations.

L’uniformisation de l’information de base peut s’avérer utile. Nous notons par exemple qu’il y avait désaccord entre le Sous-comité et la commission de la Nouvelle-Écosse quant à la pertinence des limites électorales provinciales comme critère de détermination des communautés d’intérêts. Dans son témoignage, le professeur James Bickerton, membre de la commission pour la Nouvelle-Écosse, a expliqué le nombre et la configuration des limites provinciales de la Nouvelle-Écosse, ce qui a permis de clarifier, pour la gouverne du Sous-comité, pourquoi ce critère avait été utilisé.

Nous avons toutefois constaté qu’en général, le niveau de détail de la justification des décisions au sein d’un même rapport ou d’un rapport à l’autre n’était nullement systématique et qu’une telle situation empêchait les personnes chargées de revoir ces décisions de savoir pourquoi ou comment celles-ci avaient été prises – mise à part l’obligation mathématique de respecter le quotient. Ces disparités ne sont nullement pertinentes pour juger d’une question que de nombreuses collectivités considèrent comme vitales pour leur identité, leurs relations avec les autres, leur gouvernement, leurs services essentiels et leur pays.
Recommandation 10

Le Comité recommande ce qui suit :
que la présentation matérielle des rapports des commissions de délimitation soit normalisée et que les rapports comprennent les motifs de leurs décisions et expliquent leurs méthodes de travail.

C.  LA COMPOSITION DES COMMISSIONS DE DÉLIMITATION DES CIRCONSCRIPTIONS ÉLECTORALES

À plusieurs reprises s’est soulevée la question de la composition des commissions de délimitation elles-mêmes. La première question litigieuse, et la plus grave, tenait aux accusations de partisanerie politique portées à l’endroit de certains commissaires. À notre avis, c’est à une procédure de sélection trop peu transparente qu’il faut attribuer les fondements mêmes de telles accusations. Le président d’une commission est un juge choisi par le juge en chef de chaque province. Les autres commissaires sont nommés par le Président de la Chambre des communes.

Choisir des commissaires sans suivre une procédure transparente porte à critiquer les décisions des commissions et à les tenir pour politiquement biaisées, quelque injustifiée que puisse être l’accusation. Le Comité estime que la sélection des commissaires doit résulter d’un concours plus ouvert et plus transparent si l’on veut mettre les décisions des commissions à l’abri de toute accusation de parti pris politique.

On nous a suggéré les trois façons suivantes d’améliorer la nomination des commissaires :

  • les noms des candidats retenus devraient être déposés à la Chambre des communes, et pendant une période raisonnable, les députés ou n’importe qui d’autre pourraient déposer une opposition devant le Président de la Chambre;

  • on pourrait ajouter à la loi une disposition qui oblige le Président de la Chambre à solliciter l’avis de tous les partis reconnus de la Chambre sur la liste des commissaires proposés;

  • les commissaires pourraient être choisis sur une liste de personnes qualifiées et la nomination finale pourrait être confiée à Élections Canada.
Nous ferons remarquer que le Comité, dans son 51e rapport en novembre 1994, au sujet du texte qui est devenu le projet de loi C-69, a proposé ce qui suit :
Les limites des circonscriptions seront définies par des commissions de délimitation des circonscriptions électorales composées de trois membres. Le président de chaque commission sera nommé par le juge en chef de la province, et les deux autres membres, par le Président de la Chambre des communes, comme auparavant. Toutefois, il importe que le processus soit public. Notre projet de loi prévoit que le Président de la Chambre annonce les prochaines nominations et lance un appel de candidatures pour siéger à ces commissions. Le Président examinera ces candidatures, s’entretiendra peut-être avec certains candidats et pourra en chercher d’autres. On s’attendra également à ce qu’il tienne de vastes consultations avant de procéder aux nominations.
Le Comité se préoccupe aussi de la question de la représentativité et de l’expertise régionales au sein des commissions. Plusieurs propositions de délimitation semblent fondées sur une piètre compréhension des réalités locales. Nous citons, à titre d’exemple, les propositions finales pour CHURCHILL, au Manitoba, et YORK CENTRE et BEACHES-RIVERDALE, en Ontario. À leur mérite, les commissions impliquées ont reconnu leur erreur et apporté des correctifs par suite de la parution des rapports de Comité. Dans d’autres cas, cela ne s’est pas produit.

Nous sommes curieux, dans le cadre de la nomination d’un commissaire, de connaître la composition d’un bassin de candidats qualifiés. Les commissions actuelles ont comme membres un mélange d’universitaires et de juges. À notre avis, la tendance à privilégier, dans la loi, une approche académique et légaliste pour le remaniement des limites des circonscriptions est renforcée si on limite la sélection à des commissaires dont la compétence professionnelle favorise une perception du quotient et de l’électeur qui est abstraite, mathématique et fondée sur les droits individuels. À notre avis, les décisions qui touchent la représentation communautaire seraient bien servies si on veillait à ce que des personnes ayant une expérience remarquable et approfondie du service communautaire contribuent à l’expertise d’une commission.

Nous tenons aussi à parler de la conduite des membres des commissions. Certains commissaires semblent confondre indépendance et absence d’obligation de rendre des comptes. Cette attitude nous a été signalée lors de déclarations publiques à certaines audiences des commissions, dans les rapports des commissions que nous avons reçus et, dans certains cas, – regrettables – par l’entremise des médias (bien qu’il convienne de signaler que certains députés ont également fait des observations malheureuses dans les médias). Nous constatons que les commissaires font face à des critiques à courte vue souvent contradictoires et qu’ils doivent occasionnellement répondre publiquement s’ils veulent défendre l’indépendance de leur position et leur jugement. Néanmoins, la rigidité ou l’exercice du pouvoir ne constitue pas nécessairement la meilleure réponse à toutes les critiques. Nous préférons que le lecteur se penche sur des exemples positifs; il arrive que des commissions, parfois dans des circonstances particulièrement houleuses, choisissent d’accueillir des intrants controversés et d’élaborer des solutions originales.

Il ne serait pas réaliste de penser que les commissaires pourraient accueillir favorablement des lignes directrices en matière de personnalité. Néanmoins, nous notons qu’un des buts principaux de nos recommandations tout au long de ce rapport est d’éliminer du processus toute prise de décision arbitraire ou intentionnelle.
Recommandation 11

Afin de créer des normes appropriées et uniformes pour fonder les décisions relatives au découpage des circonscriptions électorales, le Comité recommande ce qui suit :

  1. que l’article 6 de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifié de sorte que :

    1. les membres des commissions de délimitation des circonscriptions électorales soient nommés grâce à un processus plus transparent afin de les prémunir contre les apparences de partialité politique,

    2. le groupe de commissaires soit élargi de manière à inclure des personnes possédant une expérience importante en matière de service communautaire,

    3. la composition d’une commission reflète la diversité régionale de la province;

  2. que l’article 8 de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifié de manière à exiger que le nom de chaque membre de la commission soit déposé devant la Chambre et renvoyé au comité et qu’une période raisonnable d’opposition soit prévue.

D.  DE L’AUDIENCE À LA PROPOSITION FINALE

D’après ce qu’en sait le Sous-comité, la démarche adoptée en cas d’opposition est bien connue :

  • la commission formule une proposition et seuls les opposants lui présentent leurs observations;

  • la commission produit une proposition finale tenant compte de ces oppositions et du contenu de ses audiences;

  • la proposition finale peut déranger ceux qui ont approuvé tacitement la proposition initiale. Souvent, cette proposition finale propose des rajustements « tombés du ciel » – les limites de circonscription proposées ne reflétant pas du tout le débat public;

  • aucun mécanisme d’appel officiel n’est accessible;

  • le Sous-comité entend parler de députés extrêmement mécontents qui sollicitent un redressement – et il reçoit des plaintes de non-parlementaires contrariés. (Les mandats du Comité et du Sous-comité ne leur permettaient pas d’étudier les oppositions de non parlementaires, mais beaucoup de particuliers leur ont quand même fait parvenir leurs arguments ou leurs opinions.)
Le Comité est d’avis qu’il faut remédier à ce défaut fondamental. Il existe plusieurs possibilités d’améliorer le processus.

1.  Propositions multiples

On pourrait améliorer le processus en produisant une série de propositions initiales. Une commission pourrait choisir la proposition qu’elle préfère; toutefois, la production concurrente de plans de rechange pourrait aider les membres du public qui souhaitent présenter des observations.
Recommandation 12

Le Comité recommande ce qui suit :
que l’alinéa 19(3)(a) de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifié de sorte que chaque commission de délimitation des circonscriptions électorales publie, aux fins d’examen public, au moins de deux propositions initiales différentes pour certaines régions de la province concernée.

2.  Éliminer l’obligation de notification préalable

Une autre possibilité consisterait à modifier les audiences. Nous avons entendu de la bouche des commissaires qu’ils auraient souhaité, de la part du public, des observations plus étoffées et de meilleure qualité. Trop souvent, les commissions ne reçoivent aucune demande de présentation d’observations ou, si elles en reçoivent, le taux de participation est limité. Les commissaires ont fait remarquer que l’obligation de produire un avis écrit préalable telle qu’elle figure au paragraphe 19(5) de la loi constituait un obstacle à la contribution du public.

Le professeur Sancton a proposé que le paragraphe 19(5) soit modifié pour permettre aux gens de prendre la parole aux audiences publiques sans avis écrit préalable. Le Comité comprend également que la suppression de l’obligation de produire un avis écrit permettrait aux commissions de se déplacer pour tenir des audiences dans des régions qui n’en ont pas officiellement fait la demande. Cela pourrait être avantageux plus particulièrement pour les circonscriptions disparates, étendues, rurales ou éloignées qui pourraient autrement être aisément contournées si on appliquait les procédures en vigueur.
Recommandation 13

Le Comité recommande ce qui suit :
que l’alinéa 19(5) de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifié pour abandonner l’exigence qu’un avis écrit soit préalablement reçu par le secrétaire de la commission afin qu’une représentation publique soit entendue dans le cadre de toute séance de la commission.

3.  Raccourcir la période séparant l’avis public des audiences

En vue de remédier au faible taux de participation, on pourrait également raccourcir la période d’annonce. L’avis exigé dans le cadre de la proposition initiale doit précéder d’au moins 60 jours la tenue de l’audience publique. Cette période de 60 jours a été établie à une époque où les communications étaient plus lentes et moins efficaces qu’aujourd’hui. Nous notons également qu’à l’occasion du remaniement de 2003, l’avis a été publié en été – un moment qui, sans nul doute, a ruiné toute tentative d’informer les gens et de fixer l’événement dans leur mémoire.

La parution, à une date plus rapprochée de l’audience, d’une annonce qui pourrait paraître plusieurs fois pourrait produire un meilleur taux de participation. Une période d’annonce plus courte pourrait également comprimer l’échéancier et libérer du temps qui pourrait être consacré à la phase de révision de la loi. L’annonce devrait toutefois être faite de manière à laisser au public le temps de préparer ses observations de manière adéquate. Le Comité a tendance à croire qu’une période de 30 jours serait suffisante.
Recommandation 14

Le Comité recommande ce qui suit :
que l’alinéa 19(2) de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifié afin que le préavis exigé pour annoncer les audiences publiques soit ramené de 60 jours à une période de 30 jours.
Nous avons eu très peu de commentaires sur la qualité de l’annonce elle-même. À partir des témoignages et de l’expérience des députés, nous devons nous contenter de signaler que certaines méthodes, telles que l’insertion d’annonces dans les journaux, se sont avérées beaucoup moins efficaces que prévu. D’autres méthodes, dont l’affichage de renseignements sur le site Web d’Élections Canada, semblent avoir dépassé toutes les attentes. Le Comité voudrait faire remarquer que la publicité à la radio et à la télévision pourrait s’avérer coûteuse mais efficace.

Élections Canada a fait savoir au Comité qu’il avait entrepris un examen complet de l’efficacité des diverses méthodes d’annonce publique utilisées au cours du remaniement des limites en 2003. Nous attendons avec impatience les suggestions et recommandations d’Élections Canada pour améliorer ce volet du processus.
Recommandation 15

Le Comité recommande ce qui suit :
qu’Élections Canada étudie les possibilités concernant des stratégies de communication dans plusieurs médias, y compris la télévision et la radio, et que l’on envisage une stratégie d’annonces multiples et que ces conseils forment la base de toute modification de la loi portant sur les exigences en matière d’annonces.

4.  Aider le public à présenter ses observations de façon plus efficace

Ceux qui présentent des observations ont l’obligation de les étayer par une argumentation claire et solide. Bon nombre des observations présentées devant les commissions et certaines oppositions de députés manquaient de rigueur ou de clarté sur la question des critères de délimitation des circonscriptions. Cela représente pour Élections Canada l’occasion de renforcer ses programmes et infrastructure actuels de sensibilisation du grand public. Nous estimons que des lignes directrices normalisées sur la façon de préparer des observations, de concert avec certains documents de fond ou matériels d’interprétation pourraient améliorer considérablement les observations du public et les oppositions des députés. Il est également important que les commissions tiennent des audiences publiques dans toutes les régions des provinces, y compris les régions nordiques ou éloignées.
Recommandation 16

Le Comité recommande ce qui suit :

  1. que l’article 19 de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifié afin qu’un appel public de soumissions écrites soit demandé par les commissions durant leur formulation de la proposition initiale;

  2. qu’Élections Canada élabore et mette à la disposition du public des documents normalisés et des directives pour l’aider à préparer des soumissions plus efficaces devant les commissions;

  3. que les commissions tiennent des audiences publiques dans toutes les régions de la province concernée.

5.  Ajouter une seconde série de consultations publiques

De meilleures audiences réduiront le nombre de changements radicaux ou impopulaires dans les propositions finales sans les éliminer pour autant. Pour résoudre définitivement la question, il faudrait instituer une seconde série de consultations publiques.

Logiquement, il existe deux moments où l’on pourraît tenir une seconde série de consultations publiques. La première possibilité serait de tenir des consultations avant le dépôt de la proposition initiale. Cela aurait l’avantage de se dérouler parallèlement aux efforts de préparation des commissions sans qu’il soit nécessaire d’apporter des changements officiels au calendrier de remaniement. Il est par ailleurs possible qu’avant le dépôt de la proposition initiale, un grand nombre de suggestions visent à expliquer pourquoi les choses devraient rester ce qu’elles sont.

Une autre possibilité consisterait à organiser une seconde série de consultations publiques après la parution de la proposition finale. Lorsque la proposition initiale est modifiée, il faudrait notifier les changements aux intervenants intéressés, afin que ces derniers puissent les commenter par écrit. La commission pourrait ensuite décider s’il y a lieu de tenir d’autres audiences publiques. Cela permettrait de remédier de manière plus directe et plus efficace aux lacunes de la procédure actuelle, mais au prix de prolonger la période de remaniement. Le Comité est soucieux du fait que l’ajout de cette étape supplémentaire pourrait susciter des différends insolubles.
Recommandation 17

Le Comité recommande ce qui suit :
que la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifiée afin d’exiger une seconde série de consultations publiques lorsque des changements sont survenus entre les propositions initiale et finale.

6.  Ajouter un mécanisme d’appel

Une procédure d’appel s’impose. Plusieurs députés ont fait savoir au Sous-comité que les commissions semblaient accueillir avec réticence les observations présentées aux audiences par des membres du grand public. Ces députés craignaient donc qu’une deuxième série d’audiences n’apporte pas nécessairement les améliorations requises.

Le Comité est conscient qu’il existe une différence substantielle entre les changements souhaités et les changements requis. Les oppositions répétées et actives à une décision ne signifient pas nécessairement que cette décision est médiocre, mauvaise ou sans fondement. Pas plus que les frustrations de certains députés sur l’incapacité d’interjeter appel ou de modifier une décision ne devraient pas ouvrir la porte à l’assujettissement des commissions. La plupart des systèmes judiciaires au Canada disposent au moins d’un mécanisme d’appel et que l’absence de toute procédure d’appel ne semble ni sage ni équitable.

Au cours de chaque épisode de remaniement, de nouvelles questions peuvent se soulever qui pourraient ne pas être du ressort des commissions. Nous préférerions qu’un organe externe et indépendant offre une interprétation dans de telles circonstances. Par exemple, pour les membres du Comité, il n’est pas apparu de manière évidente que, dans le cas de ST. ALBERT et d’ACADIE-BATHURST et comme le prétendaient les commissions, les déclarations et les opinions du Commissaire aux langues officielles se situaient hors de leur champ de compétences ou n’étaient pas pertinentes.

Pour ces motifs, il faut que la population ait accès à un quelconque mécanisme d’appel devant un organe distinct des commissions. La composition de cet organe et les modalités d’appel ont fait l’objet d’un vaste débat parmi les députés, mais le Comité estime que le mécanisme d’appel devrait se situer au niveau national plutôt que provincial. Il devrait également, tout comme les commissions elles-mêmes – être totalement soustrait à toute interférence externe. En outre, il faut également examiner de façon toute particulière comment les délais d’appel viennent s’inscrire dans le processus global et décider des critères qui autorisent qu’un appel soit interjeté. Il faut également réfléchir à la question de la sélection des personnes appelées à siéger dans le cadre d’un tel organe.

Nous suggérons l’adoption du mécanisme d’appel suivant : dans les cas où une opposition importante a été enregistrée ou si une commission n’a pas dévié de façon substantielle de sa proposition initiale en dépit d’un deuxième examen public obligatoire, et lorsqu’une recommandation de changement a été faite par le comité compétent de la Chambre, il devrait être possible d’interjeter appel devant un organe indépendant au cours de la période ouvrant droit à appel à l’échelle nationale. Cet organe comprendrait trois juges fédéraux. Il faudrait que l’appel lui soit signifié et qu’il en dispose en toute diligence.
Recommandation 18

Le Comité recommande ce qui suit :
que la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifiée de sorte qu’un processus d’appel soit ajouté avant qu’un décret de représentation électorale soit rédigé, afin que dans les cas suscitant une forte opposition, ou lorsqu’une commission n’a pas modifié la substance depuis la proposition initiale malgré un deuxième examen public obligatoire, et lorsqu’une recommandation de modification a été effectuée par le comité pertinent de la Chambre, il soit possible d’interjeter l’appel auprès d’un organisme indépendant durant une phase d’appel nationale. Cet organisme serait constitué de trois juges fédéraux. Il devra être avisé des appels interjetés et il devra les traiter avec célérité.

7.  Coordination parlementaire

Nous estimons que le respect de l’échéancier strict établi dans la Loi représente un véritable défi. Des circonstances particulières s’ajoutent à ce défi : le moment du dépôt des rapports au cours de l’année parlementaire, l’arrivée de rapports concurrents pour des provinces comptant un grand nombre de circonscriptions, des oppositions particulièrement complexes, un programme législatif chargé au Parlement. Si possible, Élections Canada et les commissions devraient tenir compte du calendrier parlementaire. En principe, plus tôt un rapport est déposé au cours de l’année parlementaire, mieux cela vaut. En outre, le dépôt en temps opportun des documents pertinents au comité de la Chambre concerné permettrait une meilleure préparation. Les députés et le personnel pourraient alors recevoir les oppositions et préparer leurs rapports plus rapidement et plus efficacement.

Nous notons également qu’en raison du dépôt simultané des rapports pour les provinces les plus peuplées et des pressions affectant leur capacité de rendre et de préparer leurs décisions, la production s’est engorgée, à la fois pour le Comité et les commissions, à la fin de la démarche prescrite. Par conséquent, si cela s’avère praticable, le rythme initial de mise sur pied de chacune des commissions de délimitation des circonscriptions électorales pourrait être revu à la lumière du calendrier parlementaire. Les activités des plus grandes provinces pourraient sans doute être échelonnées – ou encouragées par d’autres moyens à coordonner la parution de leurs rapports – de manière à ne pas surcharger soudainement l’ensemble du processus.

Pour sa part, le Comité pourrait commencer ses travaux plus tôt. Le Sous-comité pourrait être constitué dès la mise sur pied des commissions. Le personnel du Comité pourrait ainsi tenter d’établir, dès le début, une liaison avec Élections Canada – même s’il s’agit d’une liaison officieuse – pour pouvoir exécuter d’avance un plus grand nombre de tâches et être mieux préparé. De la même façon, les députés et leur personnel disposeraient de plus de temps pour se mettre au courant des myriades de complexités locales qui peuvent émaner du processus.

Le Comité et le Sous-comité ont simplifié les procédures en vue de faciliter la production et l’adoption rapide des rapports. Des motions ont été préparées et adoptées au besoin pour allonger les délais au cas où les délais autorisés dans la loi se seraient avérés insuffisants (la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales l’autorise).

Nous devons nous assurer qu’on donne priorité au travail du Sous-comité. Il existe un certain nombre de choses que nous pourrions envisager et qui sont faisables, y compris, sans s’y limiter, les éléments suivants.

  • Les travaux du Comité pourraient commencer plus tôt. Le Sous-comité pourrait être constitué dès la mise sur pied des commissions. Le personnel du Sous-comité pourrait ainsi tenter d’établir, dès le début, une liaison avec Élections Canada – même s’il s’agit d’une liaison officieuse – pour pouvoir exécuter d’avance un plus grand nombre de tâches et être mieux préparé. De la même façon, les députés et leur personnel disposeraient de plus de temps pour se mettre au courant des myriades de complexités locales qui peuvent émaner du processus.

  • Les partis et les whips pourraient collectivement et individuellement prendre des mesures visant à améliorer l’efficacité du travail du Sous-comité.

  • Il serait possible de désigner des suppléants pour siéger au Sous-comité ou aux autres comités dont les membres du Sous-comité font partie en leur assignant ce travail en priorité.

  • Le Sous-comité lui-même, tout en cherchant à s’adapter à l’emploi du temps des députés, doit être ferme avec ceux qui veulent comparaître devant lui.

  • Les députés pourraient être informés plus tôt des visées de la loi et de son application, notamment sur le rôle et les pouvoirs du Sous-comité.

  • Il faudrait encourager les députés à assister aux audiences publiques de la commission, en particulier pour faire savoir s’ils approuvent une proposition.
Nous souhaitons aussi mentionner un changement qui pourrait améliorer considérablement le rythme de travail du comité et simplifier la démarche d’opposition pour les députés. Il conviendrait d’éliminer l’obligation d’obtenir la signature de dix autres députés pour appuyer une opposition. Une telle obligation n’est pas justifiée et constitue un recul par rapport au dépôt de l’opposition devant la Chambre, sous forme de motion, qui avait cours auparavant.
Recommandation 19

Le Comité recommande ce qui suit :

  1. que le rôle du Comité aux termes de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit retenu, tel que l’énonce actuellement la loi;

  2. que le paragraphe 22(2) de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifié de manière à remplacer l’exigence selon laquelle les oppositions doivent être déposées sous forme de motion et signées par au moins dix députés par une procédure simplifiée exigeant simplement qu’un avis écrit soit fourni au greffier du comité de la Chambre des communes chargé des questions électorales.
De plus, le Comité suggère fortement que, lors de la prochaine révision, l’on fournisse aux députés une information plus complète sur la raison d’être de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales et sur son fonctionnement. Cela comprend, sans s’y limiter, le rôle et les pouvoirs du Comité et du Sous-comité.
Le Comité – et, par conséquent, la Chambre – savent infiniment gré aux membres du Sous comité, qui ont consacré beaucoup de temps et d’énergie à cette tâche importante. Outre le personnel habituel, un technicien en géographie électorale d’Élections Canada s’est joint au Sous-comité pour lui fournir des données sur les limites des circonscriptions électorales provenant des bases de données et des cartes de cet organisme. Le Sous-comité tient à remercier Élections Canada pour l’aide inestimable qu’il lui a apportée.

8.  Raccourcir la période de mise en oeuvre

La synthèse des discussions rapportées ci-dessus donne à penser que le processus de remaniement des circonscriptions électorales peut exiger quelques étapes supplémentaires et peut-être un peu plus de temps. Nous sommes convaincus que la durée totale du processus pourra être maintenue en raccourcissant la période qui sépare le décret de représentation et la date d’entrée en vigueur des nouvelles limites. Grâce à la technologie et aux ressources disponibles aujourd’hui, Élections Canada devrait être en mesure de mettre les changements en œuvre dans les six mois de la délivrance d’un décret de représentation.
Recommandation 20

Le Comité recommande ce qui suit :
que l’article 25 de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales soit modifié afin que le décret de représentation électorale entre en vigueur dès la première dissolution du Parlement survenant au moins 180 jours après la date de sa proclamation.

9.  Le rôle d’Élections Canada

À partir des discussions amorcées dans ce rapport, il apparaît clairement que le Comité préconise un rôle plus important et plus actif pour Élections Canada. Nos suggestions tout au long de ce rapport reflètent notre opinion voulant qu’Élections Canada pourrait mieux aider le public, les commissions et la Chambre des communes à assumer leurs rôles respectifs dans la question du remaniement des limites des circonscriptions électorales sans compromettre pour autant l’indépendance ou la neutralité des commissions. Mentionnons notamment, à titre d’exemples, la fourniture de divers modèles de présentation pour les rapports des commissions et les observations publiques et la mise à la disposition des commissions et du grand public, de documents d’interprétation.

Élections Canada pourrait également amplifier ses programmes d’information publique et viser spécifiquement les zones qui, à son avis, pourraient faire l’objet de remaniements contestés. Les programmes de sensibilisation du public pourraient également informer les citoyens des motifs et de la procédure de remaniement des circonscriptions électorales et préciser certaines questions telles que la définition des communautés d’intérêts et de la spécificité.
Recommandation 21

Le Comité recommande ce qui suit :

  1. qu’afin de coordonner efficacement les commissions, Élections Canada et la Chambre, un Sous-comité de la révision des limites des circonscriptions électorales du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre (ou du comité permanent pertinent de la Chambre) soit constitué en même temps que les commissions de délimitation des circonscriptions électorales;

  2. qu’Élections Canada transmette de façon opportune au comité de la Chambre des communes chargé des questions électorales une copie de tous les documents ou de toute l’information fournis aux commissions ou au public. Élections Canada devra aussi transmettre de façon opportune audit comité les transcriptions des audiences publiques et de toute décision rendue dans le cadre du mécanisme d’appel. Les députés pourraient ainsi fonder leurs décisions sur les mêmes éléments dont disposaient les commissions.

E.  ÉTAPE DE L’ÉTUDE PARLEMENTAIRE

Le Comité constate que sa mémoire institutionnelle arrivera probablement à son terme au moment du prochain remaniement. Par conséquent, nous fournissons ces renseignements pour venir en aide au futur comité chargé du remaniement des circonscriptions.

Le Sous-comité n’est pas un comité permanent de telle sorte qu’il doit nécessairement s’intégrer au calendrier parlementaire ordinaire et aux horaires des comités. Il s’est avéré difficile de respecter les trente jours imposés pour tenir les audiences et produire un rapport après avoir tenu compte des autres affaires parlementaires et des vacances.

Cela s’est particulièrement avéré pour les grandes provinces du Québec et de l’Ontario qui ont fait rapport essentiellement au même moment, ce qui a exigé du Comité qu’il entende quelque 60 oppositions en 30 jours de séances. De nombreuses oppositions étaient extrêmement complexes et en chevauchaient d’autres. Bon nombre étaient liées à des circonscriptions pour lesquelles aucune opposition n’avait été déposée et qui exigeaient par conséquent des consultations supplémentaires faisant intervenir d’autres députés; tout cela venant s’ajouter à la rédaction et à l’examen des rapports pour les provinces dont les audiences étaient terminées.

DEMANDE DE RÉPONSE DU GOUVERNEMENT

Conformément à l’article 109 du Règlement, le Comité demande au gouvernement de déposer une réponse globale au présent rapport.

Un exemplaire des procès-verbaux pertinents (réunion no 4) est déposé.


Respectueusement soumis,

Le président,



L’HON. DON BOUDRIA, c.p., député