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FEWO Rapport du Comité

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DÉFINITION DE LA TRAITE

Une définition de la « traite des personnes » figure dans le Protocole visant à prévenir, réprimer et punir la traite des personnes, en particulier des femmes et des enfants (ci-après appeler le Protocole), qui complète la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. L’article 3 précise que la traite désigne :

[…] le recrutement, le transport, le transfert, l’hébergement ou l’accueil de personnes, par la menace de recours ou le recours à la force ou à d’autres formes de contrainte, par enlèvement, fraude, tromperie, abus d’autorité ou d’une situation de vulnérabilité, ou par l’offre ou l’acceptation de paiements ou d’avantages pour obtenir le consentement d’une personne ayant autorité sur une autre aux fins d’exploitation. L’exploitation comprend, au minimum, l’exploitation de la prostitution d’autrui ou d’autres formes d’exploitation sexuelle, le travail ou les services forcés, l’esclavage ou les pratiques analogues à l’esclavage, la servitude ou le prélèvement d’organes […]

Le Comité appuie la définition que donne le Protocole, mais juge que celle-ci gagnerait en force si elle précisait plus clairement ce qu’est l’exploitation sexuelle. Il souhaite donc préciser que la prostitution et la pornographie constituent des formes d’exploitation sexuelle, peu importe où elles se produisent — dans la rue, les salons de massage, les agences de mannequins, en toute autre lieu, ou par l’entremise d’agences d’escorte.

En novembre 2005, des modifications au Code criminel ont établi des infractions expressément liées à la traite des personnes. Elles ne définissent pas la traite en soi; elles disposent plutôt que le recrutement, le transport, le transfert, l’accueil, la détention, la dissimulation ou l’hébergement d’une personne, ou l’exercice d’un contrôle, d’une direction ou d’une influence sur les mouvements d’une personne, en vue de l’exploiter ou de faciliter son exploitation, est une infraction punissable par voie de mise en accusation 1. Le paragraphe 279.01(2) spécifie que le consentement aux activités décrites n’est pas valable, ce qui indique clairement que toutes les personnes qui font l’objet de la traite sont des victimes, peu importe si elles ont consenti ou non à ces activités ou pensaient l’avoir fait. Pour ce qui est du sens à donner au terme « exploitation » dans ces dispositions, l’article 279.04 précise qu’une personne en exploite un autre si :

a) elle l’amène à fournir ou offrir de fournir son travail ou ses services, par des agissements dont il est raisonnable de s’attendre, compte tenu du contexte, à ce qu’ils lui fassent croire qu’un refus de sa part mettrait en danger sa sécurité ou celle d’une personne qu’elle connaît;

b) elle l’amène, par la tromperie ou la menace ou l’usage de la force ou de toute autre forme de contrainte, à se faire prélever un organe ou des tissus 2.

L’autre « définition » de la traite qui se trouve dans la législation canadienne est celle de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Parce que cette loi porte sur l’immigration, il est compréhensible qu’elle vise les personnes qui organisent l’entrée au Canada d’autres personnes par opposition au Code criminel, qui peut être invoqué pour les cas de traite à l’intérieur du pays. La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés désigne la traite, ou « trafic », comme le fait de « sciemment organise[r] l’entrée au Canada d’une ou plusieurs personnes par fraude, tromperie, enlèvement ou menace ou usage de la force ou de toute autre forme de coercition ». Sont assimilés à l’« organisation » le recrutement ou le transport des personnes et, après leur entrée au Canada, leur accueil et leur hébergement 3.

Pour combattre la traite des personnes, il faut avoir une bonne idée de ce qu’elle est et de ce qu’elle n’est pas. Il s’agit là d’une partie du problème : malgré la définition des Nations Unies, des divergences d’opinion demeurent quant aux conditions qui doivent être réunies pour qu’il y ait traite des personnes. Cette situation a été confirmée par plusieurs témoins, dont la professeure Leslie Jeffrey; elle a noté que l’on considère généralement la traite comme le recours à la force ou à la tromperie pour transporter ou recruter des gens aux fins de l’exploitation dans le cadre d’un travail ou de services, mais qu’il est difficile de s’entendre sur ce que constituent le recours à la force et l’exploitation.

L’absence de consensus sur les notions de force et d’exploitation est apparue clairement dans les témoignages que nous avons entendus. La grande majorité des témoins considéraient la prostitution comme une forme de violence et soulignaient le lien indissociable entre la traite et la prostitution. Un petit nombre ont pour leur part signalé que, même s’il y avait des liens entre la prostitution et la traite, tous les cas de prostitution ne pouvaient pas être assimilés à la traite. Carole Morency, avocate-conseil dans la section de la politique en matière de droit pénal au ministère de la Justice, a affirmé ceci :

[…] la différence entre la prostitution et la traite des personnes est que dans le dernier cas, le consentement de la personne n'est pas pertinent. La personne est forcée de fournir des services, qu'ils soient de nature sexuelle ou qu'il s'agisse de travail à des fins d'exploitation, et elle craint pour sa sécurité, ou encore [pour celle d’]un membre de sa famille[,] si elle ne fournit pas ces services. Voilà en quoi la traite des personnes est différente de la prostitution. La prostitution n'est pas illégale présentement au Canada 4 […]

À l’instar de la majorité des témoins, le Comité est venu à la conclusion que la prostitution est étroitement liée à la traite des personnes à des fins d’exploitation sexuelle. Nous croyons que la prostitution est une forme de violence et une atteinte aux droits de la personne. Le Comité estime également que le consentement de la personne prostituée ne devrait pas être considéré pertinent, étant donné qu’on ne peut jamais consentir à l’exploitation sexuelle.

APERÇU DES EFFORTS DU CANADA POUR COMBATTRE LA TRAITE

Une des premières mesures prises par le Canada dans le domaine de la traite a été la création du Groupe de travail interministériel sur la traite des personnes (GTI) en 1999. Ce groupe de travail fédéral a été établi pour coordonner la position du Canada dans les négociations sur le libellé des protocoles des Nations Unies portant sur la traite et le trafic illicite 5. En mai 2002, le Canada a ratifié les deux protocoles (le Protocole; et le Protocole contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer), de même que leur convention d’origine, la Convention des Nations Unies contre la criminalité transnationale organisée. Ces accords établissaient de nouveaux mécanismes juridiques et judiciaires visant à prévenir et à contrer la migration illégale et la traite des personnes en favorisant l’échange d’informations et la coopération entre États. Le Protocole, en particulier, prévoit la protection et le soutien des victimes. Un de ses principaux objectifs est d’assurer un juste équilibre entre les mesures de contrainte et la protection des victimes.

En plus de ratifier ces instruments internationaux, le Canada a édicté des dispositions législatives qui visent expressément la traite des personnes. Elles sont venues s’ajouter aux dispositions générales du Code criminel et de l’ancienne Loi sur l’immigration, qui s’attaquaient indirectement à la traite des personnes par des mesures sur l’organisation de l’entrée illégale, le débarquement de personnes en mer, le rapt, l’extorsion, la séquestration, la conspiration, la falsification, l’utilisation de faux documents et les infractions relatives à la prostitution et au crime organisé.

Les premières mesures législatives faisaient partie de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, qui a pris effet en 2002 6. Cette loi renfermait un nouvel article qui visait expressément la traite des personnes. L’article 118 interdit d’organiser sciemment l’entrée au Canada d’une ou plusieurs personnes par fraude, tromperie, menace, usage de la force ou toute autre forme de coercition. Quiconque est trouvé coupable de cette infraction est passible de l’emprisonnement à perpétuité et/ou d’une amende maximale d’un million de dollars.

En février 2004, le GTI a reçu un nouveau mandat, celui de coordonner et d’améliorer les efforts du gouvernement du Canada pour réprimer la traite des personnes et d’élaborer une stratégie fédérale. Le GTI étudie les lois, les politiques et les programmes fédéraux qui touchent la traite des personnes en vue de déterminer les pratiques exemplaires et les améliorations à apporter. Coprésidé par les ministères de la Justice et des Affaires étrangères, il se compose de représentants des ministères et organismes suivants :

  • Affaires étrangères Canada


  • Affaires indiennes et du Nord Canada


  • Agence canadienne de développement international


  • Agence des services frontaliers du Canada


  • Bureau des passeports


  • Bureau du Conseil privé


  • Citoyenneté et Immigration Canada


  • Condition féminine Canada


  • Gendarmerie royale du Canada


  • Justice Canada


  • Patrimoine canadien


  • Ressources humaines et Développement social Canada


  • Santé Canada


  • Sécurité publique et Protection civile Canada


  • Service canadien du renseignement de sécurité


  • Statistique Canada.


Le gouvernement fédéral a pris diverses autres mesures en 2004 pour améliorer l’approche du Canada face à la traite des personnes, notamment :

  • l’élaboration d’un site Web sur la traite des personnes, qui renferme des renseignements et des liens (ministère de la Justice);


  • la conception d’une brochure (en 14 langues) et d’une affiche (en 17 langues) sur la lutte contre la traite des personnes, distribuées dans les missions canadiennes et les organisations non gouvernementales à l’étranger et au Canada;


  • la tenue d’une table ronde régionale à Vancouver, organisée conjointement par le Bureau du procureur général de la Colombie-Britannique et Sécurité publique et Protection civile Canada (Centre national de prévention du crime), qui a réuni des fonctionnaires, des universitaires et des représentants de la société civile pour discuter de la recherche et établir des pratiques exemplaires en matière de prévention et de sensibilisation (novembre 2004);


  • la tenue d’un séminaire de formation sur la traite des personnes pour les policiers, les procureurs et les représentants des bureaux d’immigration, des douanes et des services consulaires, organisé conjointement par le ministère de la Justice et l’Organisation internationale pour les migrations (mars 2004);


  • la tenue d’une séance de consultation publique sur la traite des personnes, organisée par le Conseil ethnoculturel du Canada, le ministère de la Justice et la ministre d’État (Situation de la femme) pour informer le public de ce problème sérieux et mieux le sensibiliser à la situation des victimes de la traite des personnes, en particulier les jeunes, les enfants et les femmes, et pour examiner des stratégies visant à mettre sur pied des initiatives communautaires de prévention et de lutte (mars 2004) 7.

En septembre 2005, la GRC a fondé le Centre national de coordination contre la traite de personnes, doté de deux agents et d’un analyste. Le Centre, qui relève de la Section de l’immigration, a reçu pour mandat de venir en aide aux enquêteurs et de travailler à des campagnes d’éducation et de sensibilisation.

Le 25 novembre 2005, en raison de l’entrée en vigueur du projet de loi C‑49 8, trois nouvelles infractions liées expressément à la traite des personnes ont été ajoutées au Code criminel. La principale infraction (au paragraphe 279.01(1)) consiste à recruter, à transporter, à héberger ou à transférer une personne en vue de l’exploiter ou de faciliter son exploitation et est punissable de l’emprisonnement à perpétuité comme peine maximale si elle se double d’un enlèvement, d’une agression sexuelle, de voies de fait graves ou si elle cause la mort de la victime. Dans tous les autres cas, elle donne lieu à une peine maximale d’emprisonnement de 14 ans. La deuxième infraction (au paragraphe 279.02) interdit de tirer sciemment de la traite des personnes un avantage pécuniaire ou autre et prévoit une peine maximale de 10 ans d’emprisonnement. La troisième infraction, qui consiste à détruire des documents en vue de faciliter la traite des personnes, entraîne un emprisonnement maximal de cinq ans.

Les modifications issues du projet de loi C-49 autorisent aussi l’interception de communications privées et le prélèvement d’échantillons biologiques à des fins d’analyse génétique. Depuis l’entrée en vigueur de ce projet de loi, les victimes de la traite peuvent demander réparation pour les lésions corporelles ou les torts psychologiques qu’elles ont subis.

Le 11 mai 2006, l’honorable Monte Solberg, ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, a annoncé une nouvelle politique qui autorise l’octroi de permis de séjour temporaire aux victimes de la traite. Travaillant dans les limites du cadre législatif actuel, les agents d’immigration peuvent maintenant délivrer aux victimes de la traite des permis de séjour temporaire d’au plus 120 jours.

Le Comité reconnaît les efforts du Canada pour combattre la traite des personnes, mais son étude fait ressortir d’importantes lacunes. Les chapitres suivants font état des questions qui nous ont été signalées pendant notre étude.



[1]         Code criminel, par. 279.01(1).

[2]         Ibid., art. 279.04.

[3]         L.C. 2001, ch. 27, art. 118.

[4]         Témoignages, 17 octobre 2006.

[5]         Adèle Dion, directrice générale, Sécurité humaine et droits de l’homme, ministère des Affaires étrangères, Témoignages, 17 octobre 2006.

[6]         Les articles 1 et 4 de la Loi sont entrés en vigueur le 6 décembre 2001, et la majorité des autres dispositions le 28 juin 2002.

[7]         Ministère de la Justice, Fiche d’information, http://canada.justice.gc.ca/.

[8]         L.C. 2005, ch. 43.