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INDU Rapport du Comité

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CHAPITRE 4
STRATÉGIES DU SECTEUR MANUFACTURIER

L'appréciation rapide du dollar canadien depuis quatre ans, combinée à la montée et à la volatilité des prix de l'énergie et à la vive concurrence des économies émergentes, comme la Chine et l'Inde, ont nui à la rentabilité de bon nombre de segments du secteur manufacturier canadien. Les sous-secteurs les plus durement touchés par ces chocs économiques sont ceux qui sont les plus ouverts aux échanges et les plus exposés à la concurrence internationale : les produits de la forêt, surtout les pâtes et papiers, les textiles, le vêtement, le matériel de transport, en particulier les automobiles et les chantiers navals, les produits chimiques et les biens de consommation, pour n'en nommer que quelques‑uns. Les autres industries se sont beaucoup mieux comportées.

À cet égard, la série d'enquêtes qu'a menées la Banque du Canada auprès des entreprises (de l'automne 2003 au printemps 2006) sur l'incidence de l'appréciation du dollar canadien est particulièrement instructive. On apprend ainsi que le pourcentage d'entreprises manufacturières et d'entreprises axées sur les ressources naturelles qui sont désavantagées par cette appréciation se situait entre 75 et 85 % au cours de la période et qu'il a reculé avec le temps. Le pourcentage de ce type d'entreprises qui se sont dites, quant à elles, avantagées par l'appréciation de notre monnaie se situait entre 10 et 17 %, et ce pourcentage a, lui, augmenté avec le temps. On peut supposer que ces dernières vendaient peu à l'étranger et ont bénéficié de l'abaissement des coûts des intrants importés. Il faut noter que, de toutes les entreprises sondées, environ 50 % seulement se sont dites désavantagées et environ 22 %, avantagées, et que ces pourcentages n'ont guère varié pendant la période.

À l'analyse des réponses fournies, on s'aperçoit qu'il y a d'autres types d'effets négatifs tendanciels, qui s'étendent des marchés d'exportation aux marchés intérieurs. Toutes les enquêtes révèlent que le principal effet de la montée du dollar canadien sur les entreprises désavantagées a été le recul des marges bénéficiaires sur les exportations, bien que le pourcentage d'entreprises souffrant de cet effet ait chuté pendant la période, passant d'un sommet de 80 % au cours de l'hiver 2004‑2005 à 69 % au printemps 2006. Le deuxième effet signalé a été le resserrement du volume des exportations (17 à 28 % des entreprises touchées), mais au cours de l'hiver 2004‑2005 d'autres effets, comme la diminution des marges bénéficiaires en dollars canadiens, la baisse des prix au Canada, et le repli du volume des ventes au pays, ont pris plus d'importance. Cette tendance donne à penser que l'intensification de la concurrence étrangère sur les marchés canadiens s'est traduite par un abaissement des prix intérieurs et que la diminution des ventes à l'étranger et l'amenuisement de la rentabilité du secteur manufacturier se sont probablement traduits par un tassement des ventes intérieures.

Il est particulièrement intéressant de noter l'ampleur des réactions des entreprises touchées défavorablement par le raffermissement du dollar canadien. Au printemps 2006, celles-ci ont déclaré avoir pris, par ordre d'importance décroissante, les mesures suivantes : intensification des opérations de couverture financière, accroissement de la productivité ou compression des coûts autrement que par l'investissement en machines et matériel, hausse des importations d'intrants et de produits finis, réduction des coûts de main-d'œuvre, augmentation des investissements en machines et matériel, relèvement des prix de vente et réorientation de la production (voir la figure 20).

Figure 20
Figure 20
Source : Banque du Canada, Ajustement à l'appréciation du dollar canadien, Supplément à l'enquête du printemps 2006 sur les perspectives des entreprises, avril 2006.

Étant donné la rapidité de l'appréciation du dollar canadien, il n'est pas étonnant qu'un certain nombre d'entreprises désavantagées par la tenue du huard n'aient rien fait, préférant plutôt absorber le choc en conservant le même plan d'affaires. Celles qui ont choisi d'améliorer leur productivité et de réorienter leur production — c'est‑à‑dire de privilégier les produits les plus rentables ou de regrouper la production dans des usines moins nombreuses, mais plus productives et de fermer les autres — ont été nombreuses. L'intensification des opérations de couverture financière[29] est devenue la réaction la plus populaire en 2006, suivie de l'augmentation des importations d'intrants et de produits finis, opération de couverture naturelle. Deux autres réactions — la réduction des coûts de main-d'œuvre et la hausse des prix — ont été les plus courantes en 2004, puis ont perdu de leur attrait. Un certain nombre d'entreprises n'ont pu relever leurs prix au moment où le dollar commençait à se raffermir, ceux-ci étant établis en dollars américains et fixés par contrat pour un certain temps.

Le Comité s'inquiète particulièrement de la décision de certaines entreprises d'abaisser leurs coûts de main-d'œuvre en procédant à des mises à pied. Statistique Canada a signalé que le secteur manufacturier employait 2,1 millions de personnes en décembre 2006, soit 10 000 de plus que le mois précédent, mais 59 300 de moins que l'année précédente. Depuis le quatrième trimestre 2002, les suppressions d'emplois se sont chiffrées à 208 900, ce qui représente 9,2 % de l'emploi global dans le secteur, et ont enregistré un sommet en 2005, avec un chiffre de 100 400. Elles se sont produites un peu partout dans le secteur manufacturier, mais surtout dans l'habillement et les textiles, la fabrication d'ordinateurs et de matériel électronique, l'équipement électrique et l'électroménager, le matériel de transport et les pâtes et papiers. Elles ont touché la plupart des provinces, en particulier l'Ontario et le Québec.

Pour accroître leur productivité et diminuer leurs coûts, les fabricants canadiens ont augmenté considérablement leurs dépenses en immobilisations. Malgré l'importance des pertes d'emplois dans le secteur, les niveaux de production n'ont pas reculé d'autant, en raison de ces investissements et de la réorientation de la production mentionnée; la productivité du travail dans le secteur a en fait progressé à un taux annuel moyen de 5,7 % en 2005, soit presque trois fois plus que celle du secteur des entreprises dans son ensemble (comparer les figures 9 et 14).

Parce que la demande mondiale d'énergie ne cesse de croître et que l'on découvre relativement peu de nouveaux champs de pétrole et de gaz, les réserves s'amenuisent et les prix des produits énergétiques grimpent rapidement depuis 1998. Mais, depuis 2002, les prix de l'énergie flambent, en raison de l'essor phénoménal des économies chinoise et indienne, très friandes d'énergie. Il n'est donc pas surprenant que le triplement des prix du gaz naturel et du mazout léger ait provoqué une nouvelle vague de mesures de conservation et d'efficacité énergétique au sein de l'industrie canadienne, que l'on n'a pas vue depuis la crise énergétique de la fin des années 1970. Cette volonté s'est traduite essentiellement par des investissements en technologies nouvelles et par le remplacement de stocks de capital et de systèmes de production désuets et inefficients.

Enfin, l'émergence de la Chine sur le marché canadien est un défi pour bon nombre de nos fabricants, surtout ceux dont la production a une intensité de main-d'œuvre moyenne ou élevée. En règle générale, ceux-ci ont choisi l'une des deux stratégies suivantes : 1) innover et adopter des méthodes de production à coefficient de capital plus grand, le coût du capital étant relativement moins élevé au Canada qu'en Chine ou 2) impartir les activités à fort coefficient de main-d'œuvre ou conclure une autre forme de partenariat qui permet de profiter des avantages concurrentiels de la Chine.



[29] Les opérations de couverture financière désignent la fixation par des entreprises des prix futurs (par contrat) en raison d'une appréciation prévue et persistante de la monnaie canadienne.